PAGES PROLETARIENNES

vendredi 11 décembre 2009



UNE VISITE A L’HOPITAL



UNE LECTURE CONSOLATRICE DU COPAIN QUI SE PRETEND PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE



Le voyage en avion avait été pénible. Nicolas S. se demandait sans cesse s’il arriverait à temps. Il avait emporté une potion de cheval pour le malade, l’article « tribune » qu’il avait découpé dans le journal chic Le Monde où les blaireaux de journaleux avaient trouvé un titre passable: « Pour le chef de l’Etat, « l’identité nationale est un antidote au communautarisme »… car l’arlésien Henri Guaino avait buté sur ses compétences.


Nicolas S. s’étira cependant avec une évidente satisfaction en posant ses pieds sur les épaules à Kouchner assis juste devant. C’est la première fois dans l’histoire de la république française qu’un gouvernement engage un débat avec le peuple, pensa-t-il avec une certaine ostentation. Personne n’avait imaginé jusqu’ici qu’on puisse débattre avec une poignée de grenouilles ministérielles et leur berger. Débat incongru. Débat lustucru (l’eusses-tu cru ?) où personne ne veut débattre d’ailleurs, chacun dans les édiles de l’élite gauche caviar ou droite Champagne ne faisant que lancer des petits fours à l’autre. Bah, pensa encore Nicolas S.: « En vérité la vie politique n’est plus qu’un grand centre hospitalier en déshérence, où l’on entre et sort uniquement par le portail des urgences. Le lieu n’est ni hospitalier ni curatif, hélas ! ». Sage réflexion avant l’humiliante fouille au corps à l’aéroport comme un vulgaire sans papier.



Nicolas S. s’était assis au chevet du pauvre chanteur abandonné par une médecine du profit impuissante à éradiquer les maladies « incurables », cotisant tant qu’il peut aux impôts suisses - en phase terminale quoiqu’en disent les médias voyeurs et les requins fébriles des éditions papier et musique.



« J’ai amené quéque chose que pour toi mon idole » dit-il avec compassion et un léger tremblement de la voix. Nicolas S. était venu avec la ferme intention de consoler Jojo en lui expliquant que l’homme n’est pas destiné à rester un loup sans papier pour l’homme en uniforme de CRS.



D’une façon ostentatoire, bien qu’affable, Nicolas S. se crispe un peu plus sur la chaise de l’hôpital US. Il veut dédramatiser l’histoire des minarets suisses, sans parler du paradis de Gstaad ni du chalet de Polanski, un charmant voisin. Il commence par porter un coup de béret à la vieille démagogie bourgeoise suisse « où le peuple a l’habitude de prendre la parole et de décider par lui-même ». Extraordinaire ce peuple suisse, composé surtout de bons bourgeois repus et de banquiers blanchisseurs (ricane Nicolas S. en lui-même). La violence « viscérale » pour « tout ce qui vient du (de ce) peuple » - sous-entendu son ami le fasciste Cohn-Bendit qui leur a demandé de repasser devant la boite à malices – « nourrit le populisme » et ne prend pas en compte « la souffrance des électeurs ».



La souffrance des électeurs suisses… Johnny, sorti de son coma artificiel, peine à calmer ses hoquets de rire.


Le « nègre » qui a rédigé le texte que l’ami Nicolas S. ânonne, a tenu à ce que l’argumentaire patauge ensuite dans le glauque sentimental : « je me souviens des paroles blessantes… » (entendez : contre tous les « abrutis » qui avaient voté non à l’Europe avec leurs œillères d’abrutis), « ouvrant une fracture ». Après les blessures, les fractures, c’est en clinique électorale très parlant mais longuet pour les membres de la famille Hallyday qui se morfond dans la salle d’attente. Redoublement de sentimentalisme : les non à l’Europe étaient l’expression d’un rejet d’une Europe dont ils (les français, les irlandais, etc.) ne voulaient plus. Clin d’œil à Bertolt Brecht : « Ne pouvant changer les peuples, il fallait changer l’Europe ». Coup de baguette magique, les électeurs on leur a enfoncé la baguette plus profond dans le tréfond avec la potion de Lisbonne. Le tour était joué : « C’est alors que, dépassant ce qui la divisait, la France a pu prendre la tête du combat pour changer l’Europe »…


Johnny qui ne peut pas encore reparler, sourit légèrement en pensant que Nicolas S. est un sacré prestidigitateur pour les élections de 2010 et qu’il a dû guider ce coup-ci la main de Guaino : Hi Hi… c’est mon bon Nicolas qui avait exprimé son plus profond mépris pour ces ploucs de nonistes français et irlandais, et c’est à son instigation que le traité européen était passé ; et en plus il était d’ailleurs au perchoir (hi hi, bis). Johnny se souvenait de sa propre déclaration digne de la fraternelle, alors qu’il était un peu ivre au sortir du Fouquet’s : « Avec Nicolas vous verrez tout s’arrange ».



Nicolas S. continue sa lecture, jetant parfois un regard angoissé au malade, comme pour voir si la prose d’Henri lui redonne un peu cet élan de vie qui fait vibrer dans les concerts et les clips électoraux : « Et le sentiment de perdre son identité peut être une cause profonde de souffrance… ».[1]


Qu’est-ce que je m’en fiche de l’identité et des jumeaux tribalisme et communautarisme et de leur frère le multiculturalisme et de leur sœur la nation, pense le rocker : « que j’en ai rien à foutre, ce que je veux c’est plus souffrir, être français ou suisse c’est plus souffrir ! knocke le zute ! ».



Tout à sa lecture Nicolas S. n’a pas vu le regard excédé de Johnny, il se prend pour le président en titre de l’Europe à la place des obscurs apparatchiks nominés et qui sentent la naphtaline : « Nulle autre civilisation européenne n’a davantage pratiqué, tout au long de son histoire, le métissage des cultures… ». Nicolas S. s’arrête un instant sur cette phrase mal bâtie et se mord la lèvre. Il a trop tendance à faire confiance à Henri, et il se dit : « merde je le paye suffisamment cher, un cachet digne de Jojo, pour qu’il me fasse des trucs qui tiennent debout. Là c’est du Céline ou quoi ? Il y a eu d’autres civilisations européennes en Afrique ou au Groenland ? ».


Peu fin en littérature d’agit-prop, Nicolas S. n’a pas compris la subtilité d’Henri ; si Henri avait rédigé « nulle autre civilisation que l’Europe… », le topo tombait sous l’accusation de colonialisme par Dieudonné et tous les chefs d’Etats sous-développés à Copenhague.



Johnny s’était endormi à nouveau et, se réveillant, il croit entendre un bilan positif du toubib US traduit en français par un aide-soignant sans blouse blanche : « La clé de cet enrichissement mutuel qu’est le métissage des idées, des pensées, des cultures, c’est une assimilation réussie ».


Mais non, Johnny a compris que l’opération avait foiré encore une fois et trouve la force d’articuler, bien que péniblement : « … sont aussi cons que les français ces toubibs amerloques… ».


Nicolas S., qui sait que la presse people ricaine (de mèche avec Paris-Match) a fait mettre sur écoute la chambre du misérable malade, quoique célèbre inconnu jusque dans les rues de Houston, joue au père fouettard, martelle la suite du texte sans égard pour le souffrant :


« Respecter ceux qui accueillent, c’est s’efforcer de ne pas les heurter, de ne pas les choquer, c’est en respecter les valeurs, les convictions, les lois, les traditions, et les faire – au moins en partie siennes… »


Johnny s’agite sur son lit et lance des borborygmes : « … ça va, j’ai donné… la pub pour les USA c’est moi… santiags et Harley… j’ai fait 200 fois la route 66… la traduc des mièvreries de Presley… alors ils pourraient faire un effort merde ! ».


Nicolas S. voulant tempérer l’énervement de son ami croit bon de continuer la lecture croyant que la douceur de sa voix (la voix de l’identité française tout de même) apportera un peu de baume au ténor couché : « … et à ces valeurs condamnerait à l’échec l’instauration si nécessaire d’un Islam de France… ».


Johnny s’agite de moins en moins pourtant mais ronge son frein : « Qu’est-ce qu’il me fait chier avec ses slams celui-là… je ne suis pas un phraseur de banlieue moi mais l’idole perpétuelle des jeunes, mieux que Michael Jackson j’aurai régné sur le rock franco-belge pendant un demi-siècle du twist au blues… ».



L’autre continue : « … conscient qu’il a de la chance de vivre sur une terre de liberté, doit pratiquer son culte avec humble discrétion… ».


Johnny pense à cet instant avec ironie : « sacré Nico j’ai toujours pensé que t’étais comme moi fana des yankees, mais pas à ce point ! ». Les effets du dérivé de cocaïne redoublant il voit soudain son Nicolas vêtu d’une soutane et un chapelet à la main. Comme les gothiques quoi.



Père Nicolas S. acheva l’oraison funèbre : « … doit pratiquer son culte avec l’humble discrétion qui témoigne non de la tiédeur de ses convictions mais du respect fraternel qu’il éprouve vis-à-vis de celui qui ne pense pas comme lui, avec lequel il veut vivre ».



Johnny ne bougeait plus. Il ne priait plus non plus.












[1] Comme Charles Martel (hum ! hum ! mauvais)

mercredi 9 décembre 2009



Pas de Copinage écolo-consensuel à Copenhague ?

Qu’est-ce qui guette le monde entier ?

On pourrait parodier ce diagramme officiel de la bourgeoisie riche par un même camenbert qui représenterait la répartition du gâteau impérialiste des grandes puissances ou la part d'influence des principales idéologies dominantes: 20% pour la démocratie, 30% pour l'antiracisme, 10% pour l'islamisme, 8% pour l'antifascisme, etc.





LA CATASTROPHE ECOLOGIQUE OU LA GUERRE ECONOMIQUE ?



SAUVER LE CLIMAT OU SAUVER LE CAPITALISME ?







Comme les gosses on peut être enclin à chaque fois de répondre : les deux ! C’est très compliqué ces histoires controversées sur les conséquences du réchauffement climatique, et on peut même considérer que c’est « compliqué à dessein », non comme complot simple mais comme stratégie sophistiquée de la bourgeoisie des grandes puissances. Alors, face au prolétariat universel, s’il est convenu que le « danger mortel du réchauffement climatique » n’est affaire que de spécialistes politiques et scientifiques, il est aussi convenu que la seule manière d’intéresser les prolétaires est d’avoir recours à un ton catastrophiste ; ainsi le prolétaire communiste qui, excédé par ce battage, s’écrie « rien à foutre de l’écologie des bourgeois », aura raison mais passera pour un imbécile. Celui qui persistera à se questionner sur le fond de ce battage mondial sera inévitablement rangé au rang des « négationnistes » climato-sceptiques !

Certes ni Platon, ni Marx, ni le Général De Gaulle, ni Roosevelt, ni les industriels les plus performants n’avaient envisagé qu’à une certaine étape de sa prétention à une croissance éternelle, et à une impossible décadence, le capitalisme provoquerai un « réchauffement » destructeur de la planète. Attention, des années 1970 où eût lieu cette « découverte » aux années 1980 où elle devint un « souci » des médias, la catastrophe écologique resta uniquement identifiée comme « réchauffement dû aux activités humaines », mais nullement la faute seulement aux industries polluantes (jamais à la pollution militaire impérialiste)[1]. Cette idéologie qui culpabilise les « activités humaines » et non les « activités capitalistes » est fabuleuse en ce qu’elle individualise la question et te culpabilise toi avec ta cigarette, toi avec ta bagnole, toi le chômeur industrialiste qui souhaite décrocher un job en rêvant au développement d’une usine dans ta région, toi le sous-développé qui, non content de crever de faim, veut voir se développer n’importe quelle industrie polluante dans ton pays pour enfin manger à ta faim…
Empiriquement, a été créé à l’époque de la « prise de conscience » un groupe international d'experts sur l'évolution du climat. C'est sur les rapports de ce fameux Giec, dont le dernier date de 2007 et prédit que la terre ne pourrait supporter un réchauffement de la température mondiale supérieur à 2° d'ici la fin du siècle, que se basent les actuelles négociations au royaume du Danemark. 192 représentants d’Etats bourgeois sont allés faire du charme à la petite sirène pour lui conter l’insoutenable légèreté de l’être capitaliste. Puisque les gaz à effets de serre (résumés sous un « équivalent en tonne de CO2 ») ont cette particularité de rester des centaines d'années dans l'atmosphère, les pays développés qui sont à l'origine de 77% des émissions cumulées affirment, la main sur le cœur, avoir une « responsabilité historique » vis à vis des pays en développement, à qui il s'agit de tenir un discours moraliste en les obligeant à passer à la caisse du lobby écologique même si cette tentative de ressourcement de l’industrie capitaliste implique une croissance verte plus coûteuse et ne peut que freiner leur croissance faute d'accès aux énergies. Les grandes puissances moralistes, prétendant se serrer la ceinture – effet de serre « humaniste » - s’engagent à contribuer par une aide financière et technologique pour, d’une part continuer à dominer les petites nations toujours colonisées, et remplir les poches des bourgeoisies locales sous-développées qui continueront à assassiner et à affamer leurs populations. Excepté leur pollution ménagère, les petits pays sous-développés ne polluent pas grand-chose dans l’atmosphère, quoique certains producteurs d’hydrocarbures soient aussi en ligne de mire, mais plus pour l’épuisement de la caverne d’Ali Baba de leurs nappes souterraines que pour les fumées qu’ils génèrent.
On prétend que dans leur élan « humaniste » les grandes puissances veulent ainsi faire de la place aux « nouveaux venus », qu’elles conchient, la Chine et l’Inde en tête. La Chine émettrait aujourd'hui juste un peu plus de CO2 que les Etats-Unis… mais pour quatre fois plus d'habitants. Remarque d’un expert communisateur : « La terre ne peut se permettre que demain tous les Chinois se comportent comme les Américains ».
En réalité personne n’est dupe que la compétition économico-impérialiste est au centre du jeu à Copenhague : les trois plus grands émetteurs, Chine, Etats-Unis, Europe représentaient respectivement en 2007 21-20-14% des émissions mondiales. La « négociation » à Copenhague promet d’être tendue et de finir par une résolution en eau de boudin. Autant demander au capitalisme financier de réduire l’effet de serre de ses profits
Les Etats-Unis et l'UE tentent de bluffer un maximum, comme un coureur de formule 1 en tête sur la ligne de départ et qui soutient que les autres bolides doivent rester derrière pour économiser l’essence. La bourgeoisie US avec son délégué Obama s’est résolue au tout dernier moment à assurer qu’elle veut rompre avec « l'aveuglement obscurantiste de Bush » et réclamer la mansuétude européenne qui compte les plus fervents supporters d’Al Gore, de Nicolas Hulot et d’Artus Bertrand, célèbres filmologues de l’Armaguedon propagandiste pour la lutte finale pour une planète propre. Diverses taxes écologiques sont envisagées pour couvrir le jeu à couteaux tirés des grandes puissances rivales, de l’inopérante taxe carbone mondiale à ce sommet d’hypocrisie appelé « droits à polluer ».
Comme s’il s’agissait d’une chambre mondiale de députés « humanitaires » agglutinés en colloque de défense de la planète terre, tous ces brigands impérialistes et exploiteurs des peuples contiennent leurs opposants bobos et tiers-mondistes[2], le lobby Greenpeace et WWF, dont Kim Cartensen qui proteste : «Les tactiques de négociations en coulisses sous la présidence danoise se sont centrées sur la volonté de complaire aux pays riches et puissants, plutôt que de servir la majorité des Etats qui réclament une solution équitable et ambitieuse». Ce qui est vrai mais ces lobbies jouent un rôle d’opposition loyale à la fausse problématique écologique, aux côtés des prédateurs sous-développés comme Stanislaus-Kaw Di-Aping, l'ambassadeur du Soudan aux Nations unies qui prétend, lui, défendre les populations que son régime opprime : «Ce texte n'est rien. Du vide. On ne signera pas un deal inéquitable qui condamne 80% de la population à la souffrance et à l'injustice». C’est d’ailleurs cet argument qu’utilisent la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud. La culpabilisation de la Chine a en même temps bon dos. La plupart des voyous industriels accusateurs ont délocalisé depuis des années leurs consortiums les plus polluants (sidérurgie, chimie, charbon, etc.) en Chine, laquelle délocalise elle aussi à présent en Afrique et au Brésil ; sans oublier le très francophone Michelin! Voici donc déjà en temps réel une juste application de la résolution finale de Copenhague, qui permet de réduire l’accusation de pollution industrielle aux principaux commanditaires du capitalisme financier ![3]

DERRIERE LE « CLIMATEGATE » : LA CHINE ? L’ARABIE SAOUDITE ? LA RUSSIE ?
Le scandale des lettres volées d’un centre de recherche britannique - qui révèleraient que des chercheurs climato-sceptiques avaient été censurés car refusant de corroborer la thèse universaliste du « réchauffisme » - procèderait d’un « complot » des principaux producteurs d’hydrocarbures. Des négationnistes espions des puissances évoquées sans fard (mais aussi de la principale comme on va le voir) ont fait circuler des « courriels habilement sortis de leur contexte »… et la blogosphère a été gagnée par la « paranoïa » de ces salauds, déplore la presse bien pensante française, et très chic.
Angoisse de la revue britannique « Nature » : « Cette interprétation paranoïaque serait risible si des politiciens obstructionnistes du Sénat des Etats-Unis n’allaient probablement l’utiliser l’an prochain pour étayer leur opposition à la nécessaire loi sur le climat ». Pire, dans la chasse aux pirates informatiques dérangeants, on n’est pas sûr de la collaboration de l’Arabie Saoudite et de la Russie…[4]

PENDANT CE TEMPS LA CRISE SYSTEMIQUE CONTINUE…
Le charmant intermède écologiste ne résoudra pas la crise économique et les immenses tensions impérialistes sous-jacentes. A la question : qui va faire craquer en premier le capitalisme : l’atmosphère irrespirable sur terre ou l’effondrement économico-politique ? On choisit sans hésiter la deuxième hypothèse. Le capitalisme financier est toujours menacé par l’éclatement des bulles spéculatives (immobilier, pétrole, dollar, dettes publiques. La plupart des économistes officiels sont des menteurs et veulent se dérider quelques jours avec Copenhague, mais la faillite d’une des principales plaques financières, Dubaï, les empêche de dormir. L’Islande, tout le monde s’en foutait, ce n’est qu’une petite île et ils peuvent toujours y vivre du poisson ou du troc ; la Lituanie aussi. Les nouveaux élus « socialistes » grecs ont dû recompter leur déficit et vérifier qu’il était deux fois supérieur, mais la Grèce est aussi un petit pays où le prolétariat est faible et ridiculisé par l’agitation émeutière des marginaux petits bourgeois. Avec l’Espagne, bien qu’on tente de la ridiculiser pour avoir trop longtemps profité de l’aide européenne (« gavée d’emprunts toxiques »), ce sera moins évident car le chômage a explosé (18%) et que la classe ouvrière espagnole fait partie des classes dangereuses traditionnellement.
Dans l’ensemble le capitalisme financier tient encore surtout parce que les Etats ont accepté d’endosser des déficits faramineux. La dette accumulée gonfle redoutablement. En France, plus touchée que l’Allemagne, certains voient venir la catastrophe, non pas écologique mais sociale. Le gouvernement fait chanter non la sirène de Copenhague mais la sirène de l’oxygénation du marché du travail grâce aux « nouvelles technologies » du lobby écolo qui produirait sous peu un demi-million d’emploi. Foutaises ! Verre d’eau dans l’océan de la crise ! Economistes et banquiers les moins menteurs espèrent que le marasme ne durera pas plus de deux ans encore… alors que le chef de l’Exécutif avait promis un léger mieux pour 2010. L’Union européenne ne peut plus vendre ses produits aux Etats-Unis avec un euro à 1,5 dollars, et demeure le premier client de la Chine. DSK pleure qu’il faut changer de modèle de croissance alors que la croissance disparaît…
Les gangsters des banques, soutenus par les Etats, n’auront bientôt plus simplement leurs vitrines brisées car la corruption fauteuse de misère posera la nécessité de détruire non les vitrines de l’Etat mais ses comptoirs et ses serveurs. Comme l’a si bien dit le prix Nobel français marginalisé Maurice Allais : « La voie prise par le G20 m’apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d’aggravation de la situation sociale ». Cet académicien de 98 ans, interrogé par « Marianne » ne voit de solution, piètrement, que par un retour au protectionnisme. Et « Marianne » de fustiger les « ignorants et les trompeurs » des médias, mais si c’est pour afficher la même politique que le sarkozysme, ce n’est guère mieux.
Je laisserai le dernier mot tout de même à cet académicien éclairé, quoique conservateur, lorsqu’il dénonçait dès 1999, comme un vulgaire révolutionnaire, la « finance de casino » - que nous applaudissons absolument pour la chute accélérée qu’elle nous prépare :
« L’économie mondiale tout entière repose aujourd’hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s’était constatée. Jamais sans doute il est devenu difficile d’y faire face. Jamais sans doute, une telle instabilité potentielle n’était apparue avec une telle menace d’un effondrement général ».
Et en plus, quand on sait que le prolétariat ne va pas sauver le capitalisme, quelle joie !

[1] On ne s’est jamais soucié de savoir si les bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki allaient augmenter « l’effet de serre », comme la réunion de Copenhague n’a pas posé comme première urgente, pour le risque écologique de première grandeur qu’elles représentent, d’arrêter de fabriquer des armes nucléaires. De ce fait, cette réunion sous la gouverne des dominants impérialistes, est bien une fable grotesque.
[2] Et, sans oublier l’éditorial unique de 56 journaux de l'élite bien pensante. Le 7 décembre, Pierre Haski dans un éditorial pour Rue 89 – « Sauver la planète ou s’occuper des hommes ? Ou les deux ? » - écrivait : « Sommes nous obligés de choisir ? Le réchauffement climatique OU la faim dans le monde ? La dette des pays en développement OU la santé publique ? La réalité est que la gouvernance mondiale est en déshérence, et a été largement remplacée par des rendez-vous hypermédiatisés dans lesquels s'engouffrent les hommes politiques hypocrites en mal de visibilité, et les journalistes en manque d'imagination (…)Quand bien même les chercheurs auraient délibérément masqué le déclin des températures depuis dix ans, cette histoire semble surtout prouver qu'à trop vouloir donner un message politique clair, on simplifie des données complexes ». Et terminait en citant le « sceptique » Vincent Courtillot, de l'Institut de physique du Globe : « On a créé un climat passiogène et catastrophiste… qu'il faille être économe et raisonnable oui, mais pas forcément en raison du gaz carbonique. (…) La vérité scientifique n'est jamais née du consensus. »

[3] Un exemple permet de rappeler comment la bourgeoisie se déleste des conséquences de sa gestion. A la fin des années 1960, EDF devait déplorer de nombreux accidents du travail sur les lignes à haute tension, arguant qu’il fallait parvenir au taux de zéro accident. Le taux fût atteint lorsque les directions d’EDF confièrent l’entretien des lignes à haute tension… au privé !

[4] Infos tirées du Le Monde du 9 décembre, qui comporte sur la double plage « Planète » une immense pub honteuse du lobby écologique : « La solution c’est le bouquet ». Un bouquet de fleurs représente toutes les énergies utilisées de façon égalitaire. La fleur du bas s’appelle « biomasse » et renvoie dans le diagramme au « bioéthanol de betterave », donc à toutes ces énergies alimentaires reconverties en pétrole pour les 4X4 à Noël Mamère, Al Gore et Cohn-Bendit, participant de l’appauvrissement de la terre pour les gadgets technologiques des riches et de l’accroissement de la faim dans le monde. Un encart précise : « Les producteurs français de bioéthanol de betterave sont fiers d’apporter leur contribution au bouquet énergétique de demain. Ils participent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Le bouquet d’hypocrisie capitaliste en effet.

lundi 7 décembre 2009



CREPUSCULE DE LA REVOLUTION



OU CREPUSCULE DU CAPITALISME ?





"Les hommes font l'histoire mais ils ne savent pas l'histoire qu'ils font". Marx


photo: Fort de Vanves, côté Malakoff


Après de longues années de militantisme, et un certain dégoût des militants, ex-militants ou aspirants militants, anarchistes indécrottables et marxistes non déstalinisés – tous des faux-culs - j’ai peu désormais pour habitude de prêcher pour l’an prochain l’inéluctabilité et la proximité de la révolution sous la responsabilité du prolétariat, ni la prétention d’oser imaginer qu’elle se produira de mon vivant. A observer le marasme capitaliste et le désarroi des thuriféraires de la classe dominante libérale et gangstériste, je me prends à croire quand même que des échéances dramatiques, pas pour toutes les classes, se profilent en observant poindre les inquiétudes savamment déguisées des bourgeois. Vivons-nous le Crépuscule de la révolution, à lire certains sonneurs de cloches, ou le renouvellement de la peur de son spectre ?

Décidément tous les commentateurs autorisés ou pas se grattent le crâne pour essayer de comprendre la crise actuelle. Et chacun de comparer avec simplisme, mais aussi avec désarroi, avec 1929. On a vu dans ces colonnes qu’un sondologue comme Pascal Perrineau voyait en partie les différences sans craindre vraiment d’éruptions révolutionnaires quoique avec des nuances d’angoisse.

L’hebdo marginal, mais très superficiel et très conservateur « Marianne » a donné la parole à son tour au philosophe Marcel Gauchet, personnage qui fait partie des pipoles régulièrement consultés et qui ne risque pas de casser la vaisselle dans le salon des bien-pensants. Ce philosophe post-aronien, et déformé par Aron, s’est pris la tête entre les mains, et bien qu’il connaisse bien tous les philosophes du passé, il est très ignorant en histoire de la lutte des classes, ou bien est-ce une forme d’autisme typique de son mode de pensée bourgeoise ?

Il s’est penché doctement sur un phénomène très dramatisé pour l’heure, comme la persécution au travail jadis : les suicides au travail. Il a trouvé la science infuse de cet inquiétant phénomène en titrant son blog (« Vent des blogs »…) : « L’arme symbolique du suicide au travail : expression de refus social ».Tout est dit et rien n’est dit. Quand il n’y a pas de mots pour expliquer un drame, les philosophes sont chargés d’en fabriquer, et si possible pour ajouter à la confusion. Gauchet, réactionnaire dès 1968, s’inspire des historiens du même acabit pour nous expliquer qu’il y avait une crise des régimes libéraux très antérieure à 1929 et que, immédiatement après 1918 s’était affirmé une « cristallisation d’une extrême droite radicale – et même révolutionnaire – à l’enseigne du nationalisme ». Première esquive, la Première Guerre mondiale et ses causes et conséquences. Il fait en même temps le parallèle avec « la cristallisation d’un révolutionnarisme d’extrême gauche armé d’une puissante analyse ». Il voit, au moment de cette crise, « le développement de la foi révolutionnaire » alors que, malheureusement elle serait en extinction ou plutôt en voie d’étouffement de nos jours.

Il saute gaillardement en 2009, sans se pencher sur ce qui s’est passé pendant les 80 ans intermédiaires, pour assurer : « Rien de pareil dans notre contexte. Nous vivons le crépuscule ou l’éclipse de l’idée de révolution », car :« Nous sommes dans le moment de clôture d’un grand cycle historique – qui se confond en gros avec le vingtième siècle – où ce dessein révolutionnaire, qui a été organisateur du camp politique sur le plan idéologique, est en repli. L’offre idéologique par rapport à la crise que nous vivons est à peu près nulle. En fait, elle se résume à des succédanés d’idéologies du passé dont les adeptes eux-mêmes mesurent bien le caractère peu adéquat à la situation, et qu’ils brandissent plutôt comme des symboles que comme des doctrines opératoires » ; tout ceci n’est pas faux concernant les figurines de la vitrine libérale les Cohn-Bendit, Mélenchon et Besancenot. Ils n’ont rien à proposer de sérieux et ils ne sont d’ailleurs guère pris au sérieux par les millions de sans-grade[1].

Ce monsieur philosophe rétribué, copain de « l’observateur attentif » Bourseiller, ne manque pas d’air. D’un trait magistral il se passe d’analyser la véritable « clôture de cycle » qui concerne la marche même du capitalisme et non pas les réflexions et colères montantes des centaines de millions d’opprimés et exploités. Il s’imagine sans doute que seuls les mandarins de l’intelligentsia sont aptes à réfléchir - certes inaptes intellectuels à tirer les leçons des « idéologies du passé » - mais surtout prompts à faire table rase des acquis historiques du marxisme à la suite des intellectuels défroqués du stalinisme et du maoïsme[2]. Les bourgeois, en particulier ceux qui se réunissent en ce moment à Copenhague, pensent qu’après eux ou sans eux, il ne peut y avoir que le déluge, pensée conforme à toutes les religions par nature contre-révolutionnaires[3].Bien que ni les minorités révolutionnaires ni les prolétaires conscients n’aient leur mot à dire dans les médias, bien qu’il ne se déroule pas encore de grèves vraiment dérangeantes ni d’affirmation de masse du prolétariat, le philosophe ne veut pas laisser passer que l’indignation est bien présente, mais ce n’est, assure-t-il que protestation et « la protestation n’est pas la révolution », car il faudrait, derrière la protestation « une offre idéologique mobilisatrice ». Avec les philosophes on demeure dans le domaine soft des idées, surtout quand les idées dominantes sont ready made pour conserver le système et disposent des relais intellectuels pour lui servir de garde-fous. La preuve de cette absence d’offre idéologique notre philosophe de gouvernement la trouve dans les récents suicides en France sur le lieu de travail. On peut déjà dire qu’il ne voit dans le suicide que le suicide et non pas son aspect révolutionnaire. Ceux qui se suicident ne se suicident pas pour l’heure du fait de l’absence d’offre idéologique et de révolution mais parce que le capitalisme leur a rendu la vie intolérable. Gauchet est comme son ancêtre Proudhon et ne voit dans la misère que la misère. Le suicide est « aux antipodes absolus de ce qu’est l’espérance révolutionnaire : la désespérance individuelle transportée dans l’espace public ».Certes ce n’est pas révolutionnaire que de se suicider pour soi, mais crois-tu philosophe bien nourri et respecté, que cette mise à mort no future n’est pas de nature à provoquer l’indignation et la réflexion des « survivants » ? La classe ouvrière ne se suicide pas en masse comme les pingouins jusqu’à preuve du contraire ! Il effleure pourtant le problème quand il tente de justifier sa vision nihiliste de toute alternative : « Le premier effet paradoxal de la crise est le renforcement inattendu des pouvoirs en place ». A première vue le discernement est correct et il explique en quoi les gouvernements, quels qu’ils soient, ne sont pas des gouvernements de 1929-1931 : « ils sont massivement interventionnistes ».

Définition de l’interventionnisme : « L'interventionnisme est une politique par laquelle l'État participe à l'économie du pays quand cela lui apparaît nécessaire pour protéger les intérêts des citoyens ou y développer des aspects de l'économie ou du social. On parle également d'interventionnisme lorsqu'un État s'ingère dans un conflit armé, de manière à y remédier. C'est aussi la théorie ou la doctrine politique selon laquelle l'Etat doit intervenir dans le secteur de l'économie. Apparu avec l'avènement des Etats modernes, l'interventionnisme s'est nettement effacé au cours du XIX siècle face au libéralisme, pour se développer à nouveau au cours du XXe siècle, se situant à un niveau intermédiaire entre le socialisme et le libéralisme ». Comme on le voit, par devers Gauchet l’inepte, la notion d’interventionnisme est très inquiétante et suppose la guerre. Gauchet a raison par ailleurs de rappeler l’ambiguïté de l'interventionnisme économique, qui était en net recul depuis la fin du XXe siècle avec le développement de l'ultralibéralisme et après la chute de l'URSS, mais qui est redevenu le credo de tous les gouvernements. C’est très intéressant, quoique comme il l’avoue lui-même il n’est pas assez calé sur la question pour en tirer les conséquences. Cela signifie pourtant simplement que les Etats sont en permanence en alerte sur les conséquences délétères de leurs politiques anti-sociales, et qu’ils jouent encore une variante de la comédie du « Welfare State » avec des mesurettes d’assistance, des promesses de protéger les « citoyens » en général sans que cela ne diminue la paupérisation et l’enflure du chômage. Ce mauvais économiste et piètre politique prend l’exemple type de la faillite du système : la retraite. Dans son langage abscons de philosophe, avec cet air de ne pas y toucher, une « bonne retraite » serait à la fois le seul espoir des masses et la « garantie d’une solidarisation avec les pouvoirs en place »[4]. Or la question des retraites est un aspect potentiellement révolutionnaire dans la mesure où elle touche, non pas à l’avenir de tel ou tel, de telle catégorie ou de telle autre, mais renvoie à l’absence d’avenir de ce système « en fin de cycle » !

La deuxième idée que pose notre philosophe vigilant pour ses maîtres est « la délégitimation des élites et le repli sur le privé », qui lui permet de révéler son inquiétude : « nous manquons d’indicateurs pour mesurer un tel phénomène » lequel se caractérise par « la désaffection à l’égard de l’engagement politique mais aussi de l’implication politique la plus élémentaires », et, le repli sur le privé n’en est pas moins troublant car « il peut être aussi bien l’occasion d’une protestation violente ».

La troisième idée qu’il est le dernier à déplorer est l’accentuation de la « crise idéologique de la gauche ». Il ajoute un charabia, qui confirme sa confusion : « Là, nous sommes aux antipodes des années 1930 où l’effet de la crise a été massivement en dehors du communisme et de la perspective révolutionnaire, de faire passer un consensus de l’opinion en direction du socialisme ». Ce qui est tout simplement faux une nouvelle fois, historiquement : l’alternative communiste écrasée en Russie et la guerre d’Espagne ont réussi à…faire passer un consensus de l’opinion en direction… de la guerre ! Par conséquent le fait que la gauche bourgeoise soit décrédibilisée et n’ait plus qu’une « dimension symbolique de protestation » est bien une troisième alerte sur les dangers qui guettent le système de domination bourgeois. Sibyllin, notre philosophe interloqué se dit prudent en conclusion. La « tranquillité de surface », etc., n’en est pas moins porteuse d’une « instabilité principielle du champ politique ». Gare aux gouvernements donc qui dorment sur leurs deux oreilles ! Pas de pot Gaucher, les révolutions n’ont jamais cru aux fossoyeurs de révolution ni attendu le programme de Robespierre ou de Lénine… ni pour attendre une votation démocratique pour mesurer l’utilité des projets de ces individus marginaux jusqu’à l’éclosion de leur hardiesse théorique ! Les commentateurs anonymes du blog de M.Gauchet sont des crétins à courte vue dans l’ensemble et n’ont pas compris les sagaces alertes du philosophe. Sauf deux

Pour le premier: « Des bouleversements majeurs sont à venir. Pour une raison très simple : les trajectoires actuelles sont insoutenables à un horizon d’une ou deux générations.
Trajectoire démographique. Même avec l’achèvement de la transition pour les régions retardataires il faut s’attendre à partager la planète avec 9 ou 10 milliards d’individus. Invivable !

Trajectoire écologique. Inutile de développer. On va dans le mur.

Trajectoire économique. Le capitalisme financier n’a aucune utilité sociale, contrairement à son ancêtre industriel, la finance n’est aujourd’hui que pure prédation. Elle se délégitime à vitesse grand V.

Trajectoire sociale. Le rétrécissement de l’espace public, le repli individualiste (que ne compenseront jamais les réseaux virtuels) atteindra bientôt un point de rupture. Les suicides que vous évoquez en sont peut-être aussi un point de rupture. L’être humain a besoin de dieux de convivialité bien réelle (au travail, en famille, au marché…). Il voudra les recréer. Ce sera une question de vie ou de mort.

Trajectoire politique. Le vide est-il soutenable ? J’ai moins de certitudes en ce domaine. Mais, même en l’absence d’ouvertures idéologiques, les autres trajectoires sont suffisamment catastrophiques pour dérider la surface bien lisse d’un monde politique libéralement homogène. Quand l’horizon semble bouché et désespérant, je repense à Stefan Zweig suicidé en 1942. Quelques mois plus tard, c’était la bataille d’El Alamein, suivie de Stalingrad »[5]

Le deuxième blogueur envoie sur les roses Gaucher : « Je pense bien au contraire qu’un mouvement révolutionnaire est très probable, n’en déplaise à M.Gaucher. Pas une révolution où l’entend M.Gauchet, mais une révolution car le système économique capitaliste est à bout, une fin de cycle comme dit M.Gaucher. Le but qui va probablement faire bouger les masses est la disparité beaucoup trop grande entre les élites et le peuple, et la consanguinité des élites françaises qui ont reconstitué une aristocratie républicaine. Cela est très perceptible dans la population. Je crois aussi que la désespérance est tellement grande actuellement que le dernier argument est la violence lorsqu’on n’est pas entendu, d’abord contre soi, puis lorsque celle-ci ne sera plus perçue comme efficace, la violence se retournera inéluctablement et à juste titre contre les élites, tenants du système actuel (…) Idem si vous relisez les prémices de la révolution russe ou française qui n’étaient pas attendues non plus pourtant… (…) Idem en Russie où pourtant Lénine n’était pas plus représentatif de l’opinion que la LCR l’est. A l’origine les russes avaient élu un conservateur genre Sarkozy, quelques mois avant Octobre 1917 sur des promesses mensongères, évidemment pas tenues. La brutalité et l’obstination de Nicolas II pour tenir les privilèges des riches ont déclenché la révolution russe, aussi après des vagues de suicides ».

Edifiant non ce cheminement de la « conscience de classe » chez ces individus anonymes ?

LA VERITABLE REPONSE SUR L'ACTEUR PRINCIPAL DE LA REVOLUTION A VENIR:

LA PERENNITE DU PROLETARIAT COMME CLASSE DELIMITEE ET UNIVERSELLE:

Sur l’excellent site Persee, j’ai retrouvé un texte de Yvon Bourdet de 1972 : « Prolétariat universel et cultures nationales » (lecteur tu peux t’y reporter). Yvon Bourdet n’était pas un révolutionnaire intransigeant ni marxiste. Il prétendait trouver des contradictions chez Marx sur la notion de prolétariat, sans comprendre que Marx, génialement définissait que le prolétariat ne pouvait plus être « national ». Son article pour le « centre national de la recherche scientifique » ne vaut rien dans l’ensemble. Par contre, je peux extraire le long passage où Bourdet présente la position de Marx, impeccable, sans être en mesure de la réfuter.

« Dans l’Idéologie allemande, Marx et Engels s’étaient exprimés à ce sujet sans aucune ambiguïté : « Tandis que la bourgeoisie de chaque nation garde encore des intérêts nationaux particuliers, la grande industrie créa une classe pour laquelle la nationalité est déjà abolie ». Et, dans un autre passage, trente page plus haut : « Le prolétariat ne peut (…) exister qu’à l’échelle de l’histoire universelle ». Il s’agit de la théorie fondamentale chez Marx de l’universalité nécessaire du prolétariat sans laquelle le marxisme semblerait vidé de tout contenu philosophique. Pour Marx, en effet, le prolétariat n’est pas une classe qui se situe sur le même plan que les autres classes, qui ferait partie de ces classes ou qui s’y ajouterait. « Il possède un caractère universel en raison de ses souffrances universelles, il ne revendique pas de droit particulier » (…) Le prolétariat ne revendique pas de « droit particulier », précise Marx « parce qu’on ne lui a pas fait une injustice particulière, mais une injustice absolue. De ce fait, lorsque le prolétariat revendique, il ne le fait pas à un titre historique quelconque » (en se fondant, par exemple, sur la langue, la littérature, la culture locale, la tradition, les vieilles victoires). Marx ajoute une formule obscure et peu althussérienne (il est vrai que le texte cité est de 1844) : « le prolétariat n’invoque que le titre humain. En effet, comme il est la privation absolue de tout droit, il ne peut reconquérir l’humanité qu’en supprimant radicalement (à la racine) toute exploitation et donc sans assurer une libération universelle ». Cette thèse fondamentale du jeune Marx est intégralement conservée, quatre ans plus tard, dans le Manifeste communiste où on lit : « Les particularités et contrastes nationaux » (nous disons aujourd’hui plus savamment : « Les spécificités culturelles ») des peuples s’effacent de plus en plus en même temps que se développent la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l’uniformité de la production industrielle et les conditions de vie qui en résultent ». On s’accorde encore aujourd’hui à ne voir là qu’une conséquence de la révolution bourgeoise et de l’impérialisme mondiale. Mais Marx ne verse pas de pleurs sur la disparition des spécificités culturelles, comme d’autres sur les charmes de la marine à voile. Il poursuit gaiement : ces particularités et contrastes nationaux « le prolétariat les fera disparaître plus radicalement encore. Une des premières conditions de son émancipation c’est l’action unifiée ». (…) « tout au moins en pays civilisés ». La conclusion de Marx est, en tout cas, parfaitement logique, peut-être même trop : « Dans la mesure où on supprime l’exploitation de l’homme par l’homme, on supprime l’exploitation d’une nation par une autre nation ». Et pour le cas où on douterait d’avoir bien compris, il répète : « En même temps que l’opposition des classes au sein des nations disparaît l’antagonisme des nations ».

Evidemment à une époque où le stalinisme était encore triomphant (début des 70) et que la contestation gauchiste intellectuelle pouvait tout se permettre, Y.Bourdet se moquait des analyses de Marx, de Lénine « et son disciple Koba » (Staline) en s’appuyant sur les écrits de la russe blanche Carrère d’Encausse pour décréter que Marx avait eu tout faux sur la question des nationalités. Or, Marx ne pouvait pas outrepasser les conditions « nationales » de son siècle, où la révolution ne pouvait être posée que par étapes ou à partir des grandes nations. Mais, déjà on peut estimer qu’il anticipait la simultanéité « inter-nationale », nécessaire à la révolution contemporaine, qui allait être posée aux XXe et au XXIe siècles. Vers la dissolution des encadrements nationaux par une révolution universelle qui supprimera l’exploitation en même temps que la nation et ses excroissances impérialistes possibles (la reformation de blocs pour la 3e guerre mondiale).

Si le crépuscule de capitalisme n’a pas le temps de se terminer en crépuscule de l’humanité.

Post Scriptum: Marx et Engels, mais aussi Rosa Luxemburg n'ont jamais fait dépendre la nécessité de la révolution pour sauvegarder l'humanité, contrairement à une bonne partie de nos obtus maximalistes, d'une guerre mondiale, mais d'une possible catastrophe; c'est évoqué dans un texte d'Engels que je n'ai pas retrouvé, voici ce que Rosa écrivait lors de l'éruption du mont Pelée en Martinique:

« Mont Pelée, géant au grand coeur, tu peux rire ; tu peux contempler avec dégoût ces assassins bienveillants, ces carnivores pleurnichards, ces monstres en habit de Samaritain. Mais un jour viendra où un autre volcan élèvera sa voix de tonnerre : un volcan qui écume et qui bouillonne, que vous le vouliez ou non, et qui balaiera de la terre cette société hypocrite et éclaboussée de sang. Et ce n’est que sur ses ruines que les nations se rassembleront dans la véritable humanité, qui ne connaîtra plus qu’un seul ennemi mortel : la force aveugle des éléments ». (Article de Rosa Luxemburg sur la catastrophe en Martinique en 1902 (traduit à ma demande par JM Kay dans un ancien numéro de PU papier, cf. article complet dans mes archives maximalistes).











[1] J’ai reçu à la boite aux lettres attendues une publicité pour « Le programme de la révolution communiste » par le groupe communiste mondiale, cercle étriqué qui utilise le mot communiste dans chaque phrase. Ce n’est pas non plus très sérieux. Le véritable programme de changement de la société n’existe pas et ne peut pas exister, c’est une fable bordiguiste religieuse. Dans ses grandes lignes existe le projet de renversement de la bourgeoisie par le prolétariat depuis 1848, mais tout reste à faire (et pas à refaire, il est impossible de ressortir le bolchevisme de son tombeau). Le GCI (groupe communiste internationaliste) aussi étriqué que le précédent a fait parvenir un texte qui voit de façon délirante l’explosion de la lutte du prolétariat se ranimer en Grèce. Ce n’est pas sérieux non plus. On ne peut remplacer la lutte de classes réelle par des épiphénomènes d’une contestation légitime du point de vue étudiant très faible politiquement, mais plus louche côté violence de rue. L'agitation est surtout orchestrée par des éléments marginaux foncièrement anarchistes, quelques adeptes de la propagande par le coup de revolver, au milieu d'un salmigondis de revendications aussi dingues que réactionnaires. Le GCI les reproduit d'ailleurs avec sa nouvelle théorie loufoque de la composition du prolétariat "avant-gardiste" grec: étudiants, taulards, marginaux, etc. L'attaque terroriste épisodique des commissariats devient ainsi le nec plus ultra de l'insurrection d'un lumpenprolétariat aveugle. Donc aucunement une action du vrai prolétariat, lequel est composé en partie par près de 2 millions d'irakiens, de bulgares, de pakistanais, d'albanais, qui ne sont en Grèce qu'en attendant de tenter leur chance en Angleterre, et n'ont pas de visées révolutionnaires. Le milieu maximaliste européen devrait prendre garde à ne pas se laisser emballer par cette agitation, bien plus dramatisée hors de Grèce que dans le pays même.

[2] Comme le triste Henri Lefebvre qui, dans un livre bouillie « Hegel, Marx, Nietzsche ou le royaume des ombres » (Casterman 1975), enterrait déjà Marx comme un charlatan de la boule de cristal : « Le sens du devenir, celui de l’histoire, Marx le pose sans le démontrer » (p.43).


[3] Le prix Nobel de la paix Obama, qui avait boudé l’idée de venir à Copenhague, va-t-il venir y défendre son « interventionnisme renforcé » en Afghanistan ?

[4] Cette fixation sur une question secondaire pour la masse des exploités loin de la retraite est révélatrice du rôle anticipateur des idéologues de gouvernement ; en effet en 2010 le gouvernemet Sarkozy-Fillon doit porter une nouvelle attaque contre les retraites !


[5] Bon la dernière phrase est plutôt discordante, mais si ce blogueur me lit, qu’il prenne contact avec PU.

« Les contradictions capitalistes provoqueront des explosions, des cataclysmes et des crises au cours desquels les arrêts momentanés de travail et la destruction d’une grande partie des capitaux ramèneront, « par la violence », le capitalisme à un niveau d’où il pourra reprendre son cours. Les contradictions créent des explosions, des crises, au cours desquelles tout travail s’arrête pour un temps, tandis qu’une partie importante du capital est détruite, ramenant le capital par la force à un point où, sans se suicider, il est à même d’employer de nouveau pleinement sa capacité productive. Cependant ces catastrophes qui le régénèrent régulièrement, se répètent à une échelle toujours plus vaste, et elles finiront par provoquer son renversement violent »

Marx (1858, Grundrisse), 1858, G

dimanche 6 décembre 2009

INFO SUR LA GRECE (communiquée par les camarades espagnols de Balance)

Pour resituer la portée réelle des événements en Grèce et ne pas se laisser abuser

par les agitateurs impulsifs, prière de lire la note 1 du message ci-dessus.

L'État grec rafle 162 otages à la veille de l'anniversaire de l'assassinat d'Alexandros Grigoropoulos

Ce soir, la démocratie a fait 162 prisonniers ; demain est notre jour : manifestations dans vingt villes à travers tout le pays

Sur les 162 personnes arrêtées, 75 ont été inculpées et passeront devant le procureur demain. [2h30]

Le commissariat de Zografou (Athènes) attaqué cette nuit à coups de cocktails Molotov

Déclaration de l’école Polytechnique occupée à Athènes

Un an après l’assassinat d’Alexandros Grigoropoulos par l’État grec, l’armée d’occupation du régime essaie de contrôler chaque coin de rue.

Les assassins armés ont envahi le squat autogéré Resalto et la mairie du quartier de Keratsini occupée suite à l’entrée des flics dans le squat. Ils ont isolé les espaces de lutte politique et sociale, ils ont encerclé le quartier d’Exarchia et l’école Polytechnique, en procédant à un grand nombre d’interpellations et d’arrestations (pour des contrôles d’identité et certains avec des chefs d’inculpation) et cela continue en ce moment. Les pantins du régime, les médias, reproduisent la propagande d’État en créant un climat de terreur. Un an après la révolte sociale de décembre, le système de l’oppression et de l’exploitation tente à nouveau de regagner du terrain. Il tente d’imposer un état d’urgence afin de museler la rage populaire et d’imposer un silence de cimetière dans la société. Prenant acte que la ville est sous occupation, nous occupons l’école Polytechnique.

Nous appelons chacun qui résiste à continuer la lutte par tous les moyens.

Nous tenons cet espace et nous déclarons notre solidarité à tous ceux qui subissent la répression d’État. Nous exigeons la libération immédiate de tous les interpellés et des inculpés.

Tous dans la rue demain dimanche 6 décembre à Propylea, 13h30.

On n’oublie pas, On ne pardonne pas,Tout continue.

Occupation de l’école Polytechnique d’Athènes, 6 décembre 2009

Indymedia Nantes / After The Greek Riots.

Affaire Grigoropoulos/anniversaire : plus de 150 arrestations préventives

La police grecque a arrêté samedi plus de 150 personnes, dont cinq Italiens, à la veille des manifestations prévues pour marquer le premier anniversaire de la mort d’un adolescent tué par un policier à Athènes, a-t-on indiqué vendredi de source policière. La mort d’Alexis Grigoropoulos, 15 ans, avait déclenché l’hiver dernier des violences urbaines inédites dans le pays, radicalisant une frange de la mouvance contestataire. Un groupe de 12 militants anarchistes présumés, dont cinq Italiens, quatre hommes et une femme, et trois Albanais, ont été arrêtés à Athènes après que deux voitures ont été incendiées dans le quartier central d’Exarchia, où avait été tué Alexis Grigoropoulos le 6 décembre 2008, selon la source policière.

81 autres militants présumés ont également été interpellés pour être interrogés, a-t-elle ajouté. Vingt autres ont été arrêtés dans un repaire anarchiste présumé à Keratsini, une ville proche de la capitale, où les policiers ont trouvé deux bidons d’essence, des masses et 13 masques à gaz, selon la source policière. «Les opérations de recherches ont confirmé de premières informations indiquent que ce lieu était utilisé pour fabriquer des explosifs et lancer des attaques», a déclaré la police dans un communiqué.

41 autres militants anarchistes présumés qui avaient brièvement occupé la mairie de la ville ont également été arrêtés après que la police a donné l’assaut sur le bâtiment. À Athènes, quelque 6000 policiers doivent encadrer des manifestations prévues dimanche et lundi, organisées par des coordinations étudiantes et lycéennes, des organisations de gauche et des syndicats. Des milliers de personnes, dont certains venus spécialement de l’étranger, sont attendues dans les rues d’Athènes dimanche, selon les médias locaux. La manifestation est prévue à l’issue d’une cérémonie religieuse organisée sur la tombe d’Alexis Grigoropoulos à Palio Faliro, une banlieue de la capitale. Près de 500 personnes ont participé samedi soir à une première manifestation à Thessalonique (nord), selon la police locale. Vendredi, des syndicats d’enseignants avaient indiqué que des dizaines d’universités et lycées étaient occupés par étudiants et élèves pour marquer cet anniversaire. Des forces seront déployées dans toutes les grandes villes et l’ensemble du personnel sera en état d’alerte, selon une source policière. Le gouvernement socialiste a aussi demandé aux partis d’opposition de contrôler leurs mouvements de jeunesse. «J’espère que la mémoire d’Alexis sera honorée pacifiquement, c’est le moins que nous lui devons», a déclaré le chef de l’État, Carolos Papoulias, dans un message vendredi. «Nous ne tolérerons pas de violence», a pour sa part lancé le vice-Premier ministre, Théodore Pangalos. Placé en détention provisoire, le policier auteur des tirs fatals à Alexis Grigoropoulos doit être jugé à partir du 20 janvier 2010 pour homicide volontaire.

Leur presse (AFP), 5 décembre 2009.

Live from Occupied Athens

Information is constantly coming in; we are updating this post as news come in.

Tonight, Democracy took 162 prisoners. Tomorrow is our day: Demonstrations in twenty cities across the country

One-hundred and sixty-two people tried the sweet taste of democracy today, having being arrested, detained, dragged to police stations, humiliated, charged. The message is becoming crystal-clear: democracy takes no chances, it only takes prisoners. Democracy smashes into the spaces that annoy it to the slightest; it only democracy to invert history: the assassins become the victims, the victims become the villains.

But tomorrow is our day. Demonstrations have been called for in cities across the country (Mytilene, Heraklion, Larisa, Sparta, Agrinio, Thessaloniki, Kilkis, Corfu, Xanthi, Samos, Athens, Rhodes, Lamia, Serres, Volos, Giannena, Patras, Arta, Corinth, Kardisa).

In Athens, the main demonstration has been called for at 13.30 pm at Propylea. Live reports will be posted here.

* Athens IMC is down; we think the server is under attack and/ or being blocked.

* Today’s demonstration had around 15,000 people, met by around 10,000 cops on the streets. The demonstration was attacked only a few minutes after it started: Two eye-witnesses from Occupied London saw at least ten unprovoked arrests right the spot, on the corners of Panepistimiou Avenue and Ippokratous Street.

* In Exarcheia, riot police swept through the square. Around 100 of us tried to find refuge in the building of the Migrants’ Haunt on Tsamadou street. The pigs in uniform stood outside the building, tear-gassing through the windows and doors. Tear-gassing in an indoors space is, of course, potentially murderous attack.