PAGES PROLETARIENNES

vendredi 11 décembre 2009



UNE VISITE A L’HOPITAL



UNE LECTURE CONSOLATRICE DU COPAIN QUI SE PRETEND PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE



Le voyage en avion avait été pénible. Nicolas S. se demandait sans cesse s’il arriverait à temps. Il avait emporté une potion de cheval pour le malade, l’article « tribune » qu’il avait découpé dans le journal chic Le Monde où les blaireaux de journaleux avaient trouvé un titre passable: « Pour le chef de l’Etat, « l’identité nationale est un antidote au communautarisme »… car l’arlésien Henri Guaino avait buté sur ses compétences.


Nicolas S. s’étira cependant avec une évidente satisfaction en posant ses pieds sur les épaules à Kouchner assis juste devant. C’est la première fois dans l’histoire de la république française qu’un gouvernement engage un débat avec le peuple, pensa-t-il avec une certaine ostentation. Personne n’avait imaginé jusqu’ici qu’on puisse débattre avec une poignée de grenouilles ministérielles et leur berger. Débat incongru. Débat lustucru (l’eusses-tu cru ?) où personne ne veut débattre d’ailleurs, chacun dans les édiles de l’élite gauche caviar ou droite Champagne ne faisant que lancer des petits fours à l’autre. Bah, pensa encore Nicolas S.: « En vérité la vie politique n’est plus qu’un grand centre hospitalier en déshérence, où l’on entre et sort uniquement par le portail des urgences. Le lieu n’est ni hospitalier ni curatif, hélas ! ». Sage réflexion avant l’humiliante fouille au corps à l’aéroport comme un vulgaire sans papier.



Nicolas S. s’était assis au chevet du pauvre chanteur abandonné par une médecine du profit impuissante à éradiquer les maladies « incurables », cotisant tant qu’il peut aux impôts suisses - en phase terminale quoiqu’en disent les médias voyeurs et les requins fébriles des éditions papier et musique.



« J’ai amené quéque chose que pour toi mon idole » dit-il avec compassion et un léger tremblement de la voix. Nicolas S. était venu avec la ferme intention de consoler Jojo en lui expliquant que l’homme n’est pas destiné à rester un loup sans papier pour l’homme en uniforme de CRS.



D’une façon ostentatoire, bien qu’affable, Nicolas S. se crispe un peu plus sur la chaise de l’hôpital US. Il veut dédramatiser l’histoire des minarets suisses, sans parler du paradis de Gstaad ni du chalet de Polanski, un charmant voisin. Il commence par porter un coup de béret à la vieille démagogie bourgeoise suisse « où le peuple a l’habitude de prendre la parole et de décider par lui-même ». Extraordinaire ce peuple suisse, composé surtout de bons bourgeois repus et de banquiers blanchisseurs (ricane Nicolas S. en lui-même). La violence « viscérale » pour « tout ce qui vient du (de ce) peuple » - sous-entendu son ami le fasciste Cohn-Bendit qui leur a demandé de repasser devant la boite à malices – « nourrit le populisme » et ne prend pas en compte « la souffrance des électeurs ».



La souffrance des électeurs suisses… Johnny, sorti de son coma artificiel, peine à calmer ses hoquets de rire.


Le « nègre » qui a rédigé le texte que l’ami Nicolas S. ânonne, a tenu à ce que l’argumentaire patauge ensuite dans le glauque sentimental : « je me souviens des paroles blessantes… » (entendez : contre tous les « abrutis » qui avaient voté non à l’Europe avec leurs œillères d’abrutis), « ouvrant une fracture ». Après les blessures, les fractures, c’est en clinique électorale très parlant mais longuet pour les membres de la famille Hallyday qui se morfond dans la salle d’attente. Redoublement de sentimentalisme : les non à l’Europe étaient l’expression d’un rejet d’une Europe dont ils (les français, les irlandais, etc.) ne voulaient plus. Clin d’œil à Bertolt Brecht : « Ne pouvant changer les peuples, il fallait changer l’Europe ». Coup de baguette magique, les électeurs on leur a enfoncé la baguette plus profond dans le tréfond avec la potion de Lisbonne. Le tour était joué : « C’est alors que, dépassant ce qui la divisait, la France a pu prendre la tête du combat pour changer l’Europe »…


Johnny qui ne peut pas encore reparler, sourit légèrement en pensant que Nicolas S. est un sacré prestidigitateur pour les élections de 2010 et qu’il a dû guider ce coup-ci la main de Guaino : Hi Hi… c’est mon bon Nicolas qui avait exprimé son plus profond mépris pour ces ploucs de nonistes français et irlandais, et c’est à son instigation que le traité européen était passé ; et en plus il était d’ailleurs au perchoir (hi hi, bis). Johnny se souvenait de sa propre déclaration digne de la fraternelle, alors qu’il était un peu ivre au sortir du Fouquet’s : « Avec Nicolas vous verrez tout s’arrange ».



Nicolas S. continue sa lecture, jetant parfois un regard angoissé au malade, comme pour voir si la prose d’Henri lui redonne un peu cet élan de vie qui fait vibrer dans les concerts et les clips électoraux : « Et le sentiment de perdre son identité peut être une cause profonde de souffrance… ».[1]


Qu’est-ce que je m’en fiche de l’identité et des jumeaux tribalisme et communautarisme et de leur frère le multiculturalisme et de leur sœur la nation, pense le rocker : « que j’en ai rien à foutre, ce que je veux c’est plus souffrir, être français ou suisse c’est plus souffrir ! knocke le zute ! ».



Tout à sa lecture Nicolas S. n’a pas vu le regard excédé de Johnny, il se prend pour le président en titre de l’Europe à la place des obscurs apparatchiks nominés et qui sentent la naphtaline : « Nulle autre civilisation européenne n’a davantage pratiqué, tout au long de son histoire, le métissage des cultures… ». Nicolas S. s’arrête un instant sur cette phrase mal bâtie et se mord la lèvre. Il a trop tendance à faire confiance à Henri, et il se dit : « merde je le paye suffisamment cher, un cachet digne de Jojo, pour qu’il me fasse des trucs qui tiennent debout. Là c’est du Céline ou quoi ? Il y a eu d’autres civilisations européennes en Afrique ou au Groenland ? ».


Peu fin en littérature d’agit-prop, Nicolas S. n’a pas compris la subtilité d’Henri ; si Henri avait rédigé « nulle autre civilisation que l’Europe… », le topo tombait sous l’accusation de colonialisme par Dieudonné et tous les chefs d’Etats sous-développés à Copenhague.



Johnny s’était endormi à nouveau et, se réveillant, il croit entendre un bilan positif du toubib US traduit en français par un aide-soignant sans blouse blanche : « La clé de cet enrichissement mutuel qu’est le métissage des idées, des pensées, des cultures, c’est une assimilation réussie ».


Mais non, Johnny a compris que l’opération avait foiré encore une fois et trouve la force d’articuler, bien que péniblement : « … sont aussi cons que les français ces toubibs amerloques… ».


Nicolas S., qui sait que la presse people ricaine (de mèche avec Paris-Match) a fait mettre sur écoute la chambre du misérable malade, quoique célèbre inconnu jusque dans les rues de Houston, joue au père fouettard, martelle la suite du texte sans égard pour le souffrant :


« Respecter ceux qui accueillent, c’est s’efforcer de ne pas les heurter, de ne pas les choquer, c’est en respecter les valeurs, les convictions, les lois, les traditions, et les faire – au moins en partie siennes… »


Johnny s’agite sur son lit et lance des borborygmes : « … ça va, j’ai donné… la pub pour les USA c’est moi… santiags et Harley… j’ai fait 200 fois la route 66… la traduc des mièvreries de Presley… alors ils pourraient faire un effort merde ! ».


Nicolas S. voulant tempérer l’énervement de son ami croit bon de continuer la lecture croyant que la douceur de sa voix (la voix de l’identité française tout de même) apportera un peu de baume au ténor couché : « … et à ces valeurs condamnerait à l’échec l’instauration si nécessaire d’un Islam de France… ».


Johnny s’agite de moins en moins pourtant mais ronge son frein : « Qu’est-ce qu’il me fait chier avec ses slams celui-là… je ne suis pas un phraseur de banlieue moi mais l’idole perpétuelle des jeunes, mieux que Michael Jackson j’aurai régné sur le rock franco-belge pendant un demi-siècle du twist au blues… ».



L’autre continue : « … conscient qu’il a de la chance de vivre sur une terre de liberté, doit pratiquer son culte avec humble discrétion… ».


Johnny pense à cet instant avec ironie : « sacré Nico j’ai toujours pensé que t’étais comme moi fana des yankees, mais pas à ce point ! ». Les effets du dérivé de cocaïne redoublant il voit soudain son Nicolas vêtu d’une soutane et un chapelet à la main. Comme les gothiques quoi.



Père Nicolas S. acheva l’oraison funèbre : « … doit pratiquer son culte avec l’humble discrétion qui témoigne non de la tiédeur de ses convictions mais du respect fraternel qu’il éprouve vis-à-vis de celui qui ne pense pas comme lui, avec lequel il veut vivre ».



Johnny ne bougeait plus. Il ne priait plus non plus.












[1] Comme Charles Martel (hum ! hum ! mauvais)

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