PAGES PROLETARIENNES

vendredi 2 octobre 2009


UN SCOOP : BOURGEOIS ET PROLETAIRES ONT DISPARU !


CE QUE LA BOURGEOISIE ENSEIGNE DANS SES ECOLES SUPERIEURES (rions un peu)


( ou le paradigme marxiste expliqué aux enfants des bourgeois fascistes)


« Le contenu sociologique du paradigme marxiste paraît encore plus daté et obsolescent que son contenu économique, bien qu’il conserve dans ce domaine une capacité d’explication et d’animation (sic). Son contenu sociologique initial se résume à l’interface entre deux classes sociales, bourgeoisie et prolétariat. Or cette dichotomie sociale n’est pas seulement datée. Sa disparition est intimement liée au contenu de l’évolution économique, en particulier, à celle de l’état de la technique ; et, du point de vue social, deux phénomènes conjoints ont eu lieu depuis un siècle. La société à deux classes du paradigme marxiste a disparu et a été remplacée par une configuration différente, une société divisée en trois sous-ensembles.


Le prolétariat disparaît au fur et à mesure que son niveau de vie s’accroit (sic) et que la part du travail musculaire dans la production diminue. La démocratisation de l’enseignement (resic) conduit à une plus grande mobilité sociale et à une moindre dépendance des individus à l’égard de la machine et de la hiérarchie (ces pauvres profs n’ont jamais mis le nez hors de l’école ?). Aujourd’hui, aux Etats-Unis, 18% de la population active participent à la production matérielle et 3% à l’agriculture. Le cinquième de la production américaine est issu d’un travail encore non musculaire. Simultanément la bourgeoisie disparaît, entamée par la pression fiscale, la collectivisation (ou la démocratisation) de la propriété et l’abandon de son autoreproduction. Sa reproduction sociale devient plus difficile parce qu’elle forme un modèle inaccessible et inimitable par le reste de la population. Bourgeois et prolétaires ont disparu ensemble emportés par un progrès technique qui a produit une nouvelle forme de société à trois classes : les « intouchables », les exclus et une grande classe moyenne.


Les « intouchables » sont l’ensemble des individus indifférents à toute mesure politique, d’autant plus que leurs activités et les capitaux sont délocalisables. Ces individus sont inattaquables par le pouvoir des Etats-nations. Dans les sociétés développées ils correspondent au 5% de la population qui détiennent près de 50% du capital accumulé. Les intouchables sont des rentiers (ceux qui ne travaillent plus), des entrepreneurs individuels et des dirigeants de grandes entreprises. Dans la société postindustrielle de l’information, la capacité des intouchables à assurer la pérennité de leur statut est confortée, la nécessaire destruction d’information s’étant substituée à la nécessaire destruction du capital, comme en témoignent certains événements qui ont défrayé la chronique tant en Europe qu’aux Etats-Unis.


Les « exclus » sont tous les individus qui, pour plusieurs raisons, ne s’intègrent pas totalement à la société dans laquelle ils vivent. Ils constituent désormais près de 20% de la population des sociétés développées et perçoivent environ 5% des revenus.


La « classe moyenne » se situe entre ces deux extrêmes. Cette part majoritaire de la population, bien que composée d’individus divers et fortement hiérarchisés, forme pourtant un ensemble assez homogène. Ses membres ont à peu près le même mode de vie, avec des niveaux de revenus qui s’écartent peu de la médiane. La communauté de niveau et de style de vie n’est pas la raison fondamentale de leur attachement à cette coalescence. Il s’agit bien davantage de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent d’accéder au statut des intouchables, et de leur refus ou crainte de tomber dans l’exclusion. La classe moyenne s’est d’abord constituée à partir des employés qui refusaient de devenir les nouveaux prolétaires de la nouvelle société. Bien que se reconnaissant, ils ne se font pas de cadeaux et sont au contraire animés par une féroce concurrence entre eux pour éviter la chute dans l’exclusion.


Une telle société n’a rien à voir avec la société marxiste duale et révolutionnaire, si tendue qu’elle avait besoin d’idéologie à usage social. Les nouvelles sociétés développées connaissent essentiellement deux types de tensions (on croirait du Raoul Victor pur craché !). La première tient à l’exclusion, dont l’existence est une des conditions du confort social de la classe moyenne (services à bon marché, travail noir, par exemple). La seconde naît de la crainte de la classe moyenne d’être exclue. Assurer l’intégrité de la classe moyenne, c’est empêcher qu’elle menace de se déliter vers l’exclusion.


La société marxiste est définitivement dépassée. La classe moyenne n’a pas besoin d’idéologie. Elle s’est accommodée à l’idée de sa mort. Elle veut surtout qu’on ne lui dise pas comment vivre ; elle ne crée pas d’idéologie, sinon celle d’un individualisme qui n’a aucun intérêt à s’avouer. Cette attitude est indissociable du motif souvent invoqué pour légitimer l’intégrisme religieux. La classe la plus importante dans nos sociétés est unifiée par son mode de vie et ses nouveaux besoins, l’évasion, le dépaysement, les jeux, le farniente, et la pitié rousseauiste, devenue avec les médias, chagrin récréatif ».


« Les quatre piliers de la science économique » par Alain Cotta et Coralie Calvet (Fayard 2005) deux profs d’économie à Paris-Dauphine.


Juste une remarque : Ce qui est remarquable avec les nouvelles modes idéologiques bourgeoises c’est qu’elles ne peuvent aucunement oblitérer « les classes » ; elles les caricaturent, changent leur nom, gonflent celle-ci, criminalise celle-là (comme vous l’avait lu de vos yeux lu, la classe ouvrière n’est plus qu’une portion minime d’exclus, quand la bourgeoisie (minoritaire toujours) reste « intouchable ». Une autre partie de la classe prolétaire, dont certains ont tendance à se suicider en ce moment, est régulièrement ridiculisée par les clercs des « intouchables » et cajolée en même temps. Mais ce n’est toujours pas vrai que la petite bourgeoisie serait une classe « homogène ». Elle est constituée il est (toujours) vrai d’une masse de crétins individualistes et arrivistes, mais elle s’effrite avec la crise systémique. Les salariés des couches moyennes ne tombent « dans l’exclusion » que s’ils le veulent bien – le petit bourgeois a horreur de retomber dans le prolétariat disait Hitler – ils peuvent s’élever au contraire à la conscience de l’immense majorité des exploités musculaires et matières grises réunis. Tomber de la hiérarchie sociale ou se ramasser un gadin face à de précaires illusions bourgeoises, cela peut fort bien réveiller, ou au moins contribuer à une saine réflexion marxiste. N’est-ce pas messieurs-dames ?


paradigme masculin : Représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur une base définie.


La coalescence est un phénomène par lequel deux substances identiques, mais dispersées, ont tendance à se réunir.


jeudi 1 octobre 2009


UNE INCOMPREHENSION DE LA NATURE DE LA CLASSE OUVRIERE



EXPOSE DE Marc Chirik A PROPOS DU TEXTE DE LA TENDANCE BERARD


(18 mai 1974)



La bataille fût longue et âpre contre les « modernistes », un groupe d’ex-militants de LO autour de Bérard, sans que Marc Chirik ne consentisse à livrer aux militants à l’époque qu’il y avait eût un marchandage de la part de Bérard pour accéder à la commission d’organisation. Ne voulant pas ridiculiser Bérard, il avait tenu à ce que la polémique reste sur le terrain de la confrontation des positions de classe contre la dissolution petite bourgeoise. Et il gagna son pari comme on le lit dans mon histoire du maximalisme. Le texte de cet exposé, mal pris en note au demeurant, sera référencé dans le tome 3 de Marc Laverne (en préparation).



Ma première impression a été très défavorable. Le ton est haineux, destructeur. Cette polémique relève d’un souci de destruction plus que de discussion. Il n’est pas étonnant qu’on parle de scission. C’est un document prétentieux, qui se gonfle de verbalisme. Les tendances qui se sont constituées au cours de l’histoire du mouvement ouvrier ont été plus prudentes. Ce document a été signé par 7 camarades, tous ancien de LO (sauf un), comment ne pas se poser de questions sur ce fait ? Je fais remarquer que j’ai soulevé un tollé général quand j’ai parlé pour la première fois d’un bloc-LO. Est-ce que ce qui relie ces éléments est une divergence politique réelle ? La démarche politique de ce texte est-elle réellement celle de tous ces camarades ? Ou bien le ciment qui les soude ne serait-il pas une impossibilité à s’intégrer à la vie du groupe ? Je maintiens que la rencontre de Bérard et des autres camarades a freiné leur intégration, faisant de Bérard un chef de file. La difficulté à laquelle ils se heurtent, c’est d’assimiler l’activité révolutionnaire à l’activité organisée. Deux faits peuvent expliquer cette difficulté :


- la rupture organique avec le passé


- la vague du milieu contestataire.



Ces deux faits déterminent une incapacité à concevoir que l’activité de la classe, aussi bien que celle des révolutionnaires, ne peut se réaliser que dans l’organisation, et une tendance au bavardage. Dans cet effort de comprendre quel processus lent et difficile nous vivons, nous nous heurtons à des divergences réelles (sur l’effort systématique de se donner les moyens élémentaires de réaliser nos tâches, de comprendre le groupe comme un tout en fonctionnement), mais aussi à des divergences imaginaires (négation des problèmes organisationnels, tollé contre « l’administrativisme », pour une responsabilité individualisée).


Dans la première partie, on se braque sur un soit disant fétichisme organisationnel. C’est toujours le même ordre de réticence. Les véritables manques, les véritables dangers du mouvement actuel, sont bien un manque de concevoir l’organisation révolutionnaire comme un moyen que se donnent les révolutionnaires pour avancer dans la conscience et dans l’action : la formation des conseils ouvriers n’est pas un problème secondaire. On nous parle du but communiste : tout le monde en parle ! Le problème c’est comment se déroule le mouvement vers ce but, la compréhension de l’intervention, des tâches qui mènent vers ce but.


Tous les anciens camarades de RI ont senti le danger d’une décomposition, ils savent que cela coûte très cher, dans le mouvement actuel, de construire les premiers balbutiements d’une organisation révolutionnaire. Les autres n’ont pas cet attachement, c’est vrai. Nous considérons le groupe comme une arme nécessaire, indispensable. Voilà la divergence réelle.


Quant aux divergences politiques, il y a dans le mouvement actuel beaucoup de tendances politiques. Quand on construit une tendance sans base claire, on a tendance à gonfler chaque mot. La divergence sur la perspective de l’évolution des luttes revendicatives, c’est moi qui l’ai signalée. J’avais mis le doigt sur une possibilité d’orientation, je n’avais pas élargi cela à une tendance. On fait des jongleries sophistiquées sur la classe en soi et pour soi, ses avancées, ses reculs. On danse autour d’un problème : les ouvriers ont-ils encore des revendications en tant que salariés ? Il y a là une incompréhension de ce qu’est la classe ouvrière.



La nature historique du prolétariat



Toutes les classes sont des classes économiques. Certaines classes sont appelées à avoir une fonction historique. Ce sont celles qui portent en elles, de par leur situation au sein des rapports économiques, la solution aux contradictions du système. La position de classe exploitée ne se confond pas avec la position de classe historique (les esclaves et les serfs ne sont pas des classes historiques).


Les classes révolutionnaires ne se sont pas constituées sur la base des rapports existants, mais comme des îlots ayant des rapports spécifiques (le commerce était extérieur au mode de production féodal) que ne peut pas contenir le système en place. Ce nouveau mode va en se développant comme un corps étranger à l’intérieur de l’ancien jusqu’à le crever.


Tout différent est le processus de la révolution socialiste :


- c’est pour la première fois une classe exploitée,


- c’est le produit direct du système en place,


- elle n’a aucune assise économique, aucun mode de production instauré,


- il y a une unité indissoluble entre classe exploitée et classe historique.



L’écueil est de vouloir séparer la classe économique présentement exploitée de la classe historique. Trop insister sur la première conduit au réformisme et la nier conduit à la négation de la classe réelle. C’est la deuxième déviation qui nous préoccupe aujourd’hui. Cette déviation a produit :


- l’utopisme qui croit résoudre les problèmes de la lutte des classes en les oubliant pour nous entraîner dans l’univers de la pensée (Owen, les communautés communistes) ;


- Proudhon pour qui lutter sur le terrain économique, c’est se reconnaître salarié et s’enfermer dans le système. Pour « épargner au prolétariat l’enfer qu’il doit traverser », il suffit de se dire libéré, de faire des coopératives et de sauter dans le communisme ;


- Trotsky, qui disait de la question syndicale – « il ne faut pas reconnaître les luttes immédiates sinon on n’accepte pas la conception de la classe dissoute » ; la classe ne peut pas avoir de but immédiat en contradiction avec son but futur ;


- Les bordiguistes pour qui la classe est le parti ou elle n’est rien.



On peut se demander si, dans ce cas, c’est le danger ouvriériste qui prime (les seuls ouvriéristes, ICO, sont morts)… Par contre, nous assistons à un réel retour à l’utopisme, où on oublie la classe exploitée pour parler de dirigeants et de dirigés. Tous les mouvements contestataires ont le mépris de la classe exploitée. L’IS retournait à Fourier. Ce qu’il y a de commun dans toutes ces tendances, c’est qu’elles veulent retrouver la « société humaine ». Or, aujourd’hui, en niant les classes on révèle une incompréhension des deux aspects de la classe. « Invariance », « Le mouvement communiste » aboutissent ainsi à une « classe universelle ». Ceux qui portent l’espoir sont dans ce cas ceux qui ne sont pas rentrés dans la production (jeunes, etc.), les salariés étant sensés être incorporés au capitalisme. Le prolétariat devient une notion vague de « ceux qui ne sont pas les tenants de la société actuelle ». On ironise sur les luttes réelles de la classe qui se défend contre les attaques du capital. On retrouve ainsi des similitudes de langage frappantes chez Bérard et dans « Invariance » (saut qualitatif, négation du prolétariat…). On a vu le flirt de Bérard avec Barrot. Quand vous essayez de reformuler, vous refaites les mêmes erreurs. Nous vous avions pourtant prévenus : lisez Invariance, vous saurez ce qu’est RI, un rejet total de cette tendance ! Ne vous étonnez pas de notre « sclérose » par rapport à tant de « nouvelles idées ». Nous ferons une réponse à ce courant, mais nous n’avons pas à nous situer par rapport à lui, pas plus à l’intérieur qu’à l’extérieur.


Les luttes du prolétariat, même en période révolutionnaire, ne cessent pas d’être accompagnées de luttes contre les assauts du capital (il y avait des grèves revendicatives économiques en Russie pendant la révolution). La lutte économique n’est pas une impasse. Ce qui est une impasse, c’est de freiner ces luttes, freiner leur élargissement, leur dépassement. Il n’y a pas de rupture avec ces luttes, mais un dépassement jusqu’à s’élever au niveau de la société humaine (c’est ce qui avait été dégagé au niveau de la conférence de l’an dernier).



FRACTIONS ET PARTI



Il faudrait répondre à chaque phrase du texte. On nous dit « c’est un mythe de parler de l’acquis et de continuité historique pour les fractions ». Regardons l’évolution de la Ligue et d’une Internationale à l’autre. La troisième Internationale se revendique de la première et de la deuxième, et de la Ligue communiste. On nous dit qu’il n’y a pas de lien entre nous et les groupes de ces internationales ? Que dès le début, la Gauche était engluée dans la contre révolution ? Or, ce qui fait la continuité c’est justement l’effort constant de la Gauche pour résister à la contre révolution. 50 années ont eu raison finalement des fractions, mais dès qu’il y a reprise, nous ne justifions notre existence que par la continuité politique qui nous lie à ces fractions. Il y a une histoire du mouvement ouvrier pas DES histoires.


D’autre part, il faut voir clairement ceci : le fait que le cours de reprise des luttes soit ouvert, signifie que le cours de formation du parti, de l’organisation révolutionnaire, est ouvert. Le parti ne se constitue pas dans l’insurrection. Cette vision relève encore de l’utopisme. La classe se « désaliènerait », se « désalariserait ». Or il faut voir que la division en classes persiste après la révolution et que le prolétariat doit encore s’affirmer face aux autres classes. Il n’y a pas d’exemples dans toute l’histoire du mouvement ouvrier où l’insurrection n’ait pas été précédée par tout un processus de maturation vers la formation du parti :


- la Ligue existait bien avant 1848


- l’Internationale avant la Commune


- le parti bolchévik avant la révolution russe.



Le danger aujourd’hui est que le prolétariat sort d’une période d’atomisation totale dans laquelle il ne tendait pas à une action concentrée, organisée. Tous les courants contestataires qui axent leur campagne politique sur « l’anti-formation du parti », se trompent de période.


Notre groupe a pour tâche de s’organiser dans et pour l’éveil des luttes. Il faut mettre l’accent sur le développement des contacts internationaux. Il faut mettre l’accent sur la formation des groupes structurés. On nous dit « demain les fractions vont se dissoudre dans le parti nouvellement secrété » ! C’est de la génération spontanée ! Le développement des fractions, leurs élaborations communes, voilà la base sur laquelle se formera le parti.


Pour conclure, je dirai que le texte de la « tendance » est rempli d’affirmations polémiques gratuites, que votre « nouvelle cohérence » ne contient rien de nouveau que la prétention à être une autre cohérence un peu prématurée. Je vous convie donc à relire la fable de La Fontaine : la grenouille et le bœuf.


Je conclurai schématiquement que pour que la classe fasse la révolution, il lui faut prendre conscience de sa position en tant que catégorie économique, et politiquement en tant que classe. C’est la synthèse des deux, qui n’ont jamais fait qu’un, qui forme le prolétariat. On ne peut séparer le politique de l’économique. Car, pour que le prolétariat puisse livrer bataille au Capital, il faut qu’il le fasse sur tous les fronts et de manière globale, et il faut que lui-même il existe de manière globale.



(Ce texte était accompagné dans le bulletin interne d’une caricature représentant Marx devant son livre le Capital ouvert. La légende indique : « De passage à Paris, le camarade K.M. nous déclare » - et dans la bulle : « Quand je lis les cons qui prétendent me dépasser… » ; une deuxième légende accompagne le dessin : « L’auteur nous a autorisés à reproduire ses paroles à la condition expresse que nous signalions qu’elles n’ont rien à voir avec la discussion actuelle dans RI. Dont acte. ») Belle époque où l’humour reprenait toujours ses droits, bien éloigné de la triste paranoïa et de l’enfermement de la fin des années 1990….

mardi 29 septembre 2009

COMMENT PROTEGER LA BOURGEOISIE DES CONSEQUENCES POLITIQUES DE LA CRISE SYSTEMIQUE ?

Comme en 1929, la bourgeoisie mondiale n’est pas en crise politique. Si le prolétariat n’avait pas encore levé le petit doigt, elle pourrait même nous conduire à sa seule solution – la guerre mondiale – sans se gêner. Bien que le chœur des pleureuses des affres boursières se soit tu, bien que les gouvernements affichent une sérénité feinte et leurs économistes professionnels un cirage de pompe impeccable, rien ne va plus. Bien sûr la presse se régale des suicides des salariés « no future », bien sûr les grèves sont pipolisées derrière les interviews des « pros » d’une extrême-gauche collaboratrice, et restent une affaire anonyme et désincarnée pour les prolétaires qui entendent parler un jour de mobilisation pour une « grève illimitée » laquelle disparaît au rang des faits divers dès le lendemain. Certes la « votation citoyenne » impulsée en France par plus de 60 queues de la gauche caviar remise la grève contrôlée par les prolétaires eux-mêmes au rang de simple référendum citoyenniste ou le choix reste : « capitalisme ou capitalisme », « privatisation ou continuation de la bureaucratie ». Certes la « privatisation » reste incriminée comme seule responsable des suicides à France Télécom, quand bien même ceux qui se suicident, mettent fin à leurs jours de souffrance en fait pour la même raison que tout chômeur désespéré, au souvenir d’une évanescente « garantie à vie de l’emploi » - ou survie garantie avec emploi - des trente glorieuses: parce que le capital pousse dans le vide !

Comme on le voit ces jours-ci en France, quand la bourgeoisie cesse de se lamenter sur la désertification des urnes politicardes, elle vient déposer innocemment ses boites à mystification à même la rue pour que le citoyen lambda, la ménagère et l’écureuil anarcho-syndicaliste puissent venir exprimer un avis dont même le gouvernement se fout complètement puisqu’il assure, comme le juge stalinien qui sait que le coupable est innocent, qu’il n’est pas en train de privatiser la poste. La mise en valeur de la gauche de la gauche, ex-extrême gauche excitée, nous fait penser à la sponsorisation des écrits anti-staliniens de l’époque de la guerre froide.

La United States Information Agency a subventionné les traductions des ouvrages d’Orwell 1984 et Animal Farm en plus de trente langues ; Orwell comme Hemingway émargeaient auprès des services secrets. Koestler travaillait avec les centres d’espionnage français, britanniques, américains et canadiens. Silone, un des dirigeants oppositionnels du PC italien – dont l’ouvrage « Sortie de secours » a servi à gagner tant d’égarés à la social-démocratie capitaliste, travaillait pour les flics de son pays. Postulat occidental : l’individu (le zéro) consentait à s’effacer devant l’infini du parti, ultime contribution qu’il pouvait faire à la cause non du communisme mais de sa caricature le stalinisme. Pour Koestler il y avait un jeu au sein de la société stalinienne qui assimilait toute pensée oppositionnelle à un acte de sabotage, intelligent constat qu’il oubliait d’appliquer à la société maccarthyste de ses employeurs. Pour la bourgeoisie des deux blocs, il suffit d’avoir envisagé un acte pour en être responsable. Koestler (*) est le chef de file de la philosophie du désespoir écrit la revue de la Gauche communiste de France en 1947 de Marc Chirik, « Internationalisme » : « Pour ce qui est de la direction de la révolution par le parti, nous savons très bien quelle signification elle a chez ces camarades. Il s'agit d'une conception bureaucratique, monolithique du Parti-Dieu qui conduit d'un côté au stalinisme et de l'autre à une conception négative, individualiste comme celle exprimée récemment par A. Koestler ».

La littérature n’est somme toute qu’un accessoire en politique comme on l’a vu avec le succès du « livre noir du communisme », cette Bible du libéralisme triomphant. En politique, il faut compter avec la masse immense de ceux qui ne lisent jamais, analphabétisme moderne très répandu et si bien entretenu par les merdes aux étalages des supermarchés. Je préfère acheter une pizza que le dernier opus à BHL ou à Daenincks, ou acheter « Révolution internationale » plutôt que « Libération ».

Nous allons donc ici nous intéresser à la politique de pipolisation dite pipolisation de la politique où l’extrême gauche française a trouvé les moyens de se ressourcer en grande partie grâce aux dinosaures Krivine et Laguiller depuis le milieu des années 1970 ; nous ne traiterons pas ici du POI, parti ouvrier indépendant, mafia lambertiste infiltrée et complice des rouages de l’Etat, qui n’est qu’une bande de gredins d’arrivistes de la petite bourgeoisie dont les Melanchon et Cambadélis sont les rares réussites bourgeoises connues. Besancenot est lui l’exemple le plus édifiant de la « fabrique » idéologique bourgeoise pour ridiculiser toute perspective de révolution. Avec l’aide d’un journaliste du « Parisien », cheville « ouvrière » des pires mensonges recevables au comptoir des bistrots. Et nous examinons ce parcours en lien avec les récents espoirs frauduleux suscités par le bon score électoral de la mouvance allemande Die Linke. Aux dernières élections allemandes du « village mondial », le parti socialiste bourgeois a pris une branlée méritée après quatre ans de soutien aux réformes anti-sociales avec Merkel. Le PS français ne se relève pas lui de quinze ans de mitterrandisme, ni de la collusion Jospin-Chirac, ni des ronds de jambes de la mère Royal et des tripatouillages de mère Aubry. Qu’à cela ne tienne, une coalition hétéroclite de la gauche déconfite affiche des « désirs d’avenir » aussi ridicules et dérisoires que le lamentable « front de gauche » (lobotomisé) de Mélenchon, mamie Buffet et le caméléonisme trotskien.

L’irrésistible ascension de l’enfant de la gauche extrême

C’est sous ce titre que les éditions néo-pétainistes du Rocher, ont publié fin 2008 un ouvrage biographique sur Besancenot par un journaliste du « Parisien » Eric Hacquemand. Les militants maximalistes n’ont jamais le temps de lire autre chose que leurs bulletins internes et méprisent les ouvrages pipoles. Ils ont en grande partie tort. Vous allez en convenir avec moi.

Le journaliste Haquemand rédige pipole à la façon de Bourseiller ce con. Il nous fournit une biographie qui se lit aussi bien qu’un roman policier et fait passer élégamment des lanternes pour des baudruches, au point qu’il est exposé dans toutes les librairies de la LCR-NPA comme nouvelle fabrique de crétins. Pourtant, pour un maximaliste averti, pas pour le lecteur ignare et le croyant en un sauveur suprême, Besancenot est déshabillé. Voici un enfant de la petite bourgeoisie, bien propre, bien éduqué, pas genre taré des familles mono-parentales quoiqu’il ne soit au demeurant qu’un bâtard de la gauche caviar, de ces pauvres gosses embrigadés dans la théorie vernaculaire anti-raciste. De l’enfance à l’adolescence « Olivier » mord à toutes les mystifications. Le voilà baigné, gosse naïf et ordonné, dans la saga louche de SOS racisme puis entraîné dans les frasques activistes des gros fonctionnaires CGT. Une école de pensée « révolutionnaire », assure Hacquemand! Il est instruit par sa participation à toutes les confréries du gauchisme sociétal, la très stalinienne officine DAL (droit au logement). Il s’aguerrit avec la très convivialement gauchiste AC (agir contre le chômage). L’extrême-gauche post-68 est une grande famille « unitaire » et « confondante » dans les luttes infra-politiques humanitaires. EH y décèle ce merveilleux futur engagement « altermondialiste », tout comme il admire sa prestation en manifestant simple à la première Gay Pride de 1999 à Paris. Après avoir glorieusement créé une section syndicale chez Shopi, notre étudiant raté va mentir lors de son entretien à Cachan pour entrer à la Poste car, comme tous les jeunes salariés réformistes, il veut légitimement une garantie d’emploi à vie. Dans son cursus de futur porte-parole révolutionnaire présentable, il voyage dans le milieu « subversif » du Chiapas à Gênes, des sans-papiers aux « syndicalistes en lutte ». Il fera partie des intimes à Marcos et Chavez. Après la fréquentation de tant de « subversifs », Besancenot se retrouve au milieu du patchwork « révolutionnaire » qui s’étale de l’abruti hurleur Joey Starr aux délégués « révolutionnaires » au parlement européen. Il n’est pas député certes, mais assistant parlementaire, un job qui lui apprend la concision dans les médias et ce contrôle de soi qui fera son succès sur les plateaux de télévision face aux petits énervés genre Sarko. Grammaticalement le trotskysme reste subversif nous assure EH : « C’est une caractéristique du trotskisme, plutôt à son honneur, d’être très scrupuleux sur les textes, la théorie, les écrits ». Mais la participation des trotskiens au parlement européen est une « vraie bévue », leur pantalonnade de « tribune révolutionnaire » passe inaperçue. Besancenot retourne à la Poste, déconfit.

Le journaliste du Parisien, qui n’a pas de mots assez durs sur le gâchis sociologique du « tournant vers le prolétariat industriel » de 1982 de la ligue krivinesque – où tant d’étudiants se sont « établis » pour rien (**)– doit reconnaître que le « retour aux sources » de Besancenot vise à renforcer un lieutenant de la bourgeoisie en milieu ouvrier, car la plupart des « candidats » ou hommes politiques officiels n’ont plus rien à voir avec le monde du travail. Besancenot ne peut pas se griller trop tôt. Paf ! Retour à la production, mais à Neuilly, fief d’un nommé Sarkozy ! (« De tous les candidats en lice, il est le seul à disposer encore d’un pied dans le monde du travail » cf. p.135). Le story board est lancé.

A l’époque un mystérieux financement occulte de 4 millions de francs – négligé par le gentil journaliste - contribue à l’intronisation de la liste commune de LO-LCR, avant que les prébendes de l’Etat reconnaissant n’arrosent « légalement » les deux chapelles trotskiennes (cf. p. 96 de mon ouvrage). N’étant ni un parti aux multiples oreilles ni un bon Nostradamus, je néglige à l’époque la montée du petit facteur, car comme la plupart des affidés de la LCR et des observateurs, je ne crois pas que sainte Arlette puisse être doublée sur son extrême gauche figurative. Or – Arlette sent la naphtaline - en régime oligarchique démocratique capitaliste, les relations et l’argent forment un tout pour la domination idéologique bourgeoise. La barre pour les présidentielles vise haut, pour éliminer une foule de rigolos, mais aussi tout nouveau Coluche anarchiste bien senti : faut 500 signatures !

La LCR, subversive et anticapitaliste comme on sait, va donc frapper à la porte du parti bourgeois indépassable le PS mais « de gauche ». Cambadélis et Hollande se disputent pour s’attribuer le mérite d’un tel blanc seing. Par après, tout roule pour Besancenot. Les Fogiel, Laborde et Chabot se bousculent pour inviter le nouveau chouchou des médias. Entre-temps, comme Marchais outre-tombe, Besancenot va parader devant les usines en grève car son emploi du temps de facteur le lui permet et qu’il est autorisé à prendre les congés sans solde qui sont nécessaires à son exercice de figuration radicale. Le staff de la LCR fonctionne à plein régime comme une agence de publicité, les slogans publicitaires tombent comme des galettes : « Nos vies valent plus que leurs profits », « interdiction des licenciements », etc.

Nous suivons avec angoisse les aléas de la carrière d’un petit facteur salarié à la veille d’entrer dans les studios de télé. Nous comprenons ses nuits blanches face aux critiques de ses camarades « rigides » un tantinet hostiles à la « personnalisation ».

La victoire lui est volée cependant un triste soir de 2002 où le vilain Le Pen fait jeu égal avec « gangster Chirac ». Autant en 1982 le tournant « vers le prolétariat industriel » dans la croyance que l’établissement du monarque Mitterrand allait entraîner un nouveau front popu, avait fait chou blanc, autant en 2002 les trotskiens exultent : « Jospin est mort, le PC n’existe plus, la gauche traditionnelle n’a plus d’avenir. A nous de jouer maintenant ! » (p.127). Besancenot prépare aussitôt la victoire brejnévienne de Chirac : « Il est temps d’organiser la résistance populaire contre le fascisme ».

Besancenot a la dent dure contre la gauche qui l’a nourri au berceau, croit conclure le journaliste pipole : « Le candidat de la LCR a effectivement cogné dur sur le bilan de la gauche plurielle ». Les ponts ne sont pas rompus entre les « infantiles de la LCR » et l’état-major éléphantesque du PS : « Il y a eu des coups de fil pour que la LCR respecte les accords et les engagements pris en échange des signatures » (p.132). Hé Hé… Besancenot ne serait-il pas un brin maximaliste dans sa dénonciation des autres hâbleurs professionnels ?: « Qui peut prendre au sérieux les prétentions des Verts à sauver l’humanité et la planète, tout occupés qu’ils sont à négocier dans des antichambres des circonscriptions électorales « gagnables » ? » (p.132). Non puisque les antichambres il en fait partie désormais. Fabuleux Besancenot pourtant, seul à disposer d’un pied dans le monde du travail : « Au moment même où la crise de la représentation politique, captée par une petite élite de professionnels, s’aggrave ». Sa longue formation de petit bourgeois aux milieux de l’agitation gauche caviar du « mouvement social » l’a mené à maturité : « A la lisière des différentes plaques (altermondialiste, syndicale, associative) du mouvement social, le candidat facteur n’est donc pas simplement en 2002 qu’une réponse d’appareil (sic) : « Il incarne une vérité sociale à laquelle des millions de salariés et de jeunes peuvent s’identifier », observe Sabado », ce vieux bureaucrate sponsor de la LCR, plus moderniste que ce crétin de Piquet.

La gloire se démultiplie. Besancenot est accueilli en libérateur aux fêtes successives de l’Huma, retrouvailles des enfants prodigues trotskiens au milieu des veuves staliniennes. Ses livres sur mesure se succèdent de « Tout est à nous », à « Révolution ! 100 mots pour changer le monde ». Rédigés avec les nègres du comité central de la LCR, ces ouvrages sont « pédagogiques » autant que « démagogiques ». Les fleurs de rhétorique trotskienne éclectique se savourent à longueur de page. Besancenot participe désormais aux « Grosses têtes » de RTL, émission bêtifiante du nain milliardaire Bouvard.

Pour maintenir la fiction du messie proche du peuple salarié et sans papiers, Besancenot confie son individualisme de bon aloi à la presse pipole, il continue « à voir ses potes » et à « mener une vie de famille ». Tout le contraire des apparatchiks trotskiens et staliniens. Un bon point électoral et sondagier ! Il est présent aussi sur le « terrain de l’identité » aux côtés des bouffons rappeurs de banlieue, les vedettes de canal + pour encapuchonnés des banlieues, Chabat, Kassovitz, Debbouze et ces footeux blacks qui se vengent de la colonisation.

Besancenot fait désormais partie de l’imaginaire national Sarkozy-Le Pen, comme naguère De Gaulle-B.B.-Hallyday et Giscard-Marchais-Krivine. Mais, malgré ses visites publicitaires aux différentes occupations d’usine et le fiasco de l’envolée du NPA, il ne reste qu’une figurine dans la vitrine des médias. Il finit par ne plus être qu’une des marionnettes du paysage odieuvisiuel. Le discours reste creux avec des slogans de surenchère débile que seul le dernier quarteron du PCI bordiguiste enfle jusqu’au ridicule (***). Le seul destin de Besancenot est hélas, croyons-nous pouvoir pronostiquer, celui du misérable Marceau Pivert se jetant dans les bras de De Gaulle.

LA RESISTIBLE ASCENSION DES PARTIS CROUPIONS

Die Linke en Allemagne forte d’un succès relatif à 12% ne remplacera jamais le gros parti bourgeois socialiste allemand. L’addition des Mélanchon, mère Buffet et Besancenot, même avec quelques brins de verdure ne remplacera jamais non plus une structure d’Etat comme le PS français oligarchique et élitaire. Face à une classe ouvrière encore désorientée, ils peuvent défouler la colère (individualisée ou atomisée) temporairement mais ces partis de gauche hétéroclite, composés de meneurs minables, ne peuvent représenter une alternative au gouvernement des élites. Ils restent une carte strapontin, comme l’a si justement historiquement défini la gauche maximaliste de Pannekoek à Bordiga, que dans les cas d’insurrections sociales, et pour mettre leur langage radical au service de la conservation du système. Je n’ai pas une ligne à changer à ce paragraphe de mon ouvrage (le plus mal vendu et ignoré) « The end », publié début 2009 :

« …Avec tous ces vieux meubles mal retapés comment pourriez-vous obtenir le beurre et l’argent du beurre ? Et le cul de la crémière, cette assistante parlementaire qui fait les belles heures des députés européens et de Cohn Bendit, boostés par le viagra gratuit. « LA RIPOSTE » est un site franchement débile « pour renforcer le PCF et renouer avec le marxisme ». Il est la quintessence de ce désir de retrouvailles des fraudeurs anti-révolutionnaires : Pour la mise en place d’espaces communs d’actions et de débats sur les contenus d’une alternative au système capitaliste, productiviste et patriarcal où se retrouveraient les diverses composantes du non de gauche au TCE. C’est le sens de notre participation à la réunion nationale de l’appel initié par Politis le 11 octobre. Ces espaces communs doivent être largement ouverts à toutes les sensibilités. Toutes les forces et courants qui avaient participé à la victoire du NON de gauche y ont, de notre point de vue, leur place. - Pour la construction d’une organisation alternative, altermondialiste, écologiste, anti-raciste, féministe et autogestionnaire. Cette démarche nous souhaitons l’engager avec les militant-e-s des multiples combats sociaux et écologistes, le courant communiste unitaire, les courants écologistes de gauche et les collectifs unitaires ... (alternatifs) ». Un parti d’Outre-Rhin, de gauche « intermédiaire » entre ceux qui, même s’ils voulaient du pouvoir ne l’obtiendraient pas et ceux qui veulent bien le partager si on leur laisse un ou deux strapontins est figuré par Die Linke comme modèle pour une gauche française éclatée en morceaux d’idéologies éculées. Die Linke, cette alliance de l’ancienne élite communiste de l’ex-RDA et des déçus de la social-démocratie, est souvent citée en France comme un modèle par ceux qui croient pouvoir construire une alternative à gauche du PS. Die Linke fait rêver le PCF, Besancenot et son futur Nouveau Parti anticapitaliste et Mélenchon. En Allemagne ce groupe forme un mélange improbable présent sur le plan électoral, ménage crédité de plus de 10 % des intentions de vote, La Gauche mange des voix au SPD. Die Linke est représentée aux parlements régionaux de dix des seize Länder, ainsi qu’au Bundestag, le Parlement fédéral, avec 54 députés. Il codirige, avec le SPD, la ville de Berlin et compte de nombreux maires en ex-RDA. Jusqu’ici, partout où il se présente, il passe le cap des 5 %, en dessous duquel un parti n’a pas d’élu. Die Linke, comme Die Gauche française ne peut espérer accéder au pouvoir. Aux yeux des électeurs des couches moyennes repues de l’Ouest, restés fidèles au SPD, le parti traîne derrière lui, comme un boulet, beaucoup de «chaussettes rouges», comme on les appelle avec ironie à l’Ouest, qui ont soutenu la dictature communiste, voire collaboré avec sa police politique, la Stasi. Sur 73 000 inscrits de Die Linke, plus des deux tiers sont issus de l’ex-RDA. C’est un parti de vieux néo-staliniens qui, lorsqu’il occupe des places dans les parlements régionaux, cautionne la politique libérale du SPD bourgeois. Die Linke entretient le culte de Rosa Luxemburg comme Besancenot entretien celui de Guevara. A chacun ses idoles paravents de leur absence de programme révolutionnaire. Le culte de Rosa Luxemburg arrange ce parti attrape-tout, les anciens staliniens de RDA comme les vieux gauchistes de RFA. Ce culte entretenu jadis par la RDA permettait au Parti communiste est-allemand de se revendiquer de la révolution des années 1920 sous le drapeau de Staline. Comme en France, une partie des trotskiens de ce parti passoire choisit un camp nationaliste ; ils abaissent leur capuche noire pour se masquer le visage avant d’aller défiler aux cris de «la Palestine aux Palestiniens» dans les manifestations faussement pacifistes et cornaquées par les amis intégristes européens du Hamas. Die Linke n’a pas plus de crédibilité pour la classe ouvrière que les mélancho-staliniens et les trotskiens béotiens ».

Bientôt, j’analyserai comment les intellectuels déçus du prolétariat, anciens chefs gauchistes et anciens ramiers ultra-gauches, ces désenchantés d’un prolétariat mythique évanescent grâce à l’occupation idéologique totale du monde par des pros intellectuels dominant, travaillent à la constitution d’une nouvelle idéologie élitaire conforme à l’embrigadement idéologique de type fasciste dans la guerre qui vient, un nouveau national-bolchevisme.

(*) Rarement pris en défaut de perte de mémoire, Marc Chirik, dans les années 1980 lorsque je l’interrogeai sur Koestler, ne se souvenait pourtant plus de ce zigoto ni que son groupe l’avait fustigé à l’époque, mais pas à la façon unilatérale et pro-Moscou de Kanapa (cf. Jean Kanapa : Le traître et le Prolétaire ou l’entreprise Koestler and Co, ed soc 1950, ainsi que le curé stal Garaudy : Une littérature de fossoyeurs 1947). Les Milan Kundera et Ismaël Kadaré ont continué à surfer sur cet antistalinisme primaire (si bien rétribué) qui encombre encore les étals des librairies chics, comme les éditions Hazan et les demeurés P’tits couns de Tarnac ont des rayonnages entiers qui leur sont dédiés chez Gibert Jeune et à la Fnac, pour bien bourrer le crâne aux jeunes générations aux joies d’un libéralisme moins pire des systèmes d’exploitation.

(**) Cf. mon histoire du trotskisme français, « Les trotskiens 1968-2002 », p.94-95, Le coup de barre vers le prolétariat industriel.

(***) Je vous avais promis de vous en parler - du dernier numéro 493 du Prolétaire - mais c’est une pantalonnade d’un courant défunt pour le prolétariat, dérisoire et pitoyable comme un discours mao-utopiste : « Diminution drastique de la journée de travail, augmentation importante du salaire, salaire égal pour tous, non aux licenciements, embauche des précaires, régularisation de tous les sans-papiers, non au contrôle de l’immigration, etc. ». Ces asticots de la glorieuse « gauche communiste » italienne prennent le capitalisme pour une vache à lait comme Besancenot prend la bourgeoisie pour une mère ingrate !