PAGES PROLETARIENNES

jeudi 29 novembre 2007

L’indigence des léninistes pour

une grève en impasse

"Il y a ceux qui s'agenouillent devant le derrière du prolétariat" Lénine

Nous critiquerons ici tous les groupes qui prétendent parler au nom du prolétariat en général, qui postulent à en prendre la tête lors d’un chambardement toujours rêvé mais jamais là, et qui en définitive ne sont que la mouche du coche de la gôche caviar, voire surtout des syndicats gouvernementaux. Ces groupes « contestataires » généralement impuissants et qui font de la figuration, quelle que soit l’étiquette qu’ils affichent peu ou prou, marxiste ou anarchiste, nous les rangeons dans le grand carnaval post-léniniste. Le léninisme est mort comme l’anarchisme et c’est là tout le sel de l’histoire, quand le marxisme reste la seule méthode d’analyse cohérente et le communisme l’unique perspective sérieuse pour l’humanité. Au fil de la critique, on verra que l’ensemble de ces groupes, des groupes bourgeois financés pour leur participation électorale studieuse (LO et LCR) à la petite mafia anti-communiste CNT et à la secte CCI, qui se prétendent révolutionnaires, n’ont jamais débordé idéologiquement le syndicalisme maison, exigeant juste le petit plus du vieillot « tous ensemble » ou de l’obscure « généralisation ». On ne parlera pas ici du particule des travailleurs, la secte de Gluckstein inexistante comme telle, bien que cachée sous les drapeaux de FO, et nous la laissons à sa débilité pétitionnaire trentenaire pour la construction d’une nouvelle poupée russe du mystérieux appareil lambertiste.

A mon avis, en France, seul le comité de lutte Tumulto de Toulouse a été à la hauteur du type d'intervention nécessaire dans une grève mal barrée et pour assurer du point de vue révolutionnaire; le tract original du cercle bordiguiste, que je viens de recevoir seulement) est aussi lucide du début à la fin de la grève sur une lutte piégée dès le départ par gouvernement et syndicats, et s'il se borne à des généralités, il affiche nettement la nécessité de lutter hors des syndicats.

Pour tout dire l’ensemble des groupes gauchistes et contestataires ont fait montre de la plus totale indigence théorique. Ils s’ignorèrent entre eux le temps de la grève dans la compétition pour gagner l’oreille des ouvriers. En outre, c’est très comique, aucun n’a disputé face aux autres la bonne interprétation de l’évènement gréviste, est-ce qu’il s’agissait d’une grève authentique (voulue par les ouvriers) ? que convenait-il de faire en pareille circonstance ?

Or, ce qui a été marquant, malgré de timides interventions qui toutes soufflaient dans le mégaphone syndical ambigu, c’est leur maintien à la marge ou fondu derrière les jusqu’auboutistes impulsifs.

La bêtise de l’argumentation contre les syndicats, qui ne sont forts que de la faiblesse des ouvriers, confine au radotage à chaque grève alors que plus personne ne pense que les syndicats ne sont pas pourris. La pauvreté créative des mots d’ordre des léninistes à retardement valait bien celle des crétins d’ouvriers avinés qui psalmodiaient « des sous … des sous… » à la manif enterrement du 20 novembre. La soumission au faux mot d’ordre « retour pour tous à 37,5 annuités » servit à conforter le corporatisme le plus étroit.

On analysera successivement l’argumentaire des as du double langage (LO), le suivisme pleutre de la CNT et l’interclassisme éponge du CCI (révolution internationale).

LES RADOTAGES DE LUTTE OUVRIERE ET OU L’ON VOIT

QUE TRAVAILLEUR = ELECTEUR POTENTIEL

Spécialisée dans le double langage, la secte LO produit le même raisonnement circulaire depuis sa mise en orbite après 1968 : « luttons avec les syndicats – les syndicats nous on trahi – empêchons-les de trahir la prochaine fois ! ». C’est le fond du chapelet débité par Arlette Laguiller pour l’édito invariant du journal qui sert de soupe éditoriale à leurs bulletins d’entreprises. Arlette qui a lu le premier tract de PU (je le lui ai remis en main propre), fait semblant de ne pas avoir compris que les dés étaient pipés depuis le coup de sifflet syndical. Elle reprend une idée que j’avais émise dans ce tract (le cycle de dix ans d’attaques successives) mais avec un raisonnement passoire, les yeux rivés sur les prochaines municipales. Elle plaint les grévistes, alors que sa secte n’a fait aucune mise en garde contre l’organisation des promenades syndicales. Elle nous ressert enfin l’antique sauce trotskienne des syndicalistes de base floués par les chefs syndicaux. L’insistance n’est pas portée sur le fait majeur de cette grève : les ouvriers ont tenu tête plus longtemps que prévu au gouvernement et ridiculisés les manœuvres syndicales. Et pour cause, LO comme la LCR veut racler dans le fond de commerce de la gauche avec son hochet « l’Etat impartial », les ouvriers ça vote et les étudiants, plus flattés que jamais par la secte ouvriériste, aussi… Et surtout, LO finit toujours par relayer les campagnes de l’Etat bourgeois, ils embouchent à leur tour après le PS la nébuleuse de la lutte pour le pouvoir d’achat (ce fameux combat contre les prix du candidat Sarkozy) ! Tous unis contre les prix !

Les militeux de LO qui prennent en général les ouvriers pour des cons, pensent que tous les travailleurs se sont sentis concernés par cette grève mise sur de mauvais rails; chez eux le terme travailleur = électeur car rien n'est plus obéissant qu'un électeur. Le petit cheval LO qui a pleuré pendant vingt ans sur une prétendue démoralisation de la classe ouvrière, vient de rallier l'écurie du PS pour les prochaines municipales en censurant son site face aux cris d'orfraie de quelques naïfs de base.

Dans leur navrante publication théorique, Lutte de classe n°108, il a cependant un effort qu’on ne trouve chez aucun autre groupe léniniste pour essayer de démêler la manœuvre qui a présidé à cette grève et une question très pertinente, qui rejoint celle posée par l’OCL (« cheminots il faut savoir commencer une grève » :

« Il ne suffit évidemment pas d’un appel syndical pour que se déclenche une lutte entraînant, après les travailleurs du public, ceux du privé. Mais comment la préparer ? Comment entraîner l’ensemble du monde du travail ai côté de ceux qui ont montré leur combativité ? »

Très bonne question dont on n’attend pas une réponse de classe de la part de ce groupe bourgeois intégré au paysage médiatique et qui intègre désormais pleinement les "travailleurs" comme dindons permanents de la farce démocratique ou gréviste. La réponse proposée est si léniniste et militaire, avec des syndicats honnêtes planifiant une série de mobilisations crescendo des soldats ouvriers, qu’il est tout naturel de tenter de nous faire avaler que la journée du 20 novembre allait signifier l’envol vers la généralisation. On est toujours emprunté dans la critique du principal syndicat collabo, la CGT, cette ordure corporative n’est pas l’ennemie de la lutte mais affecte simplement « une volonté de priver les grévistes du contrôle de leur propre grève ». Pire nos théoriciens cacahuètes de LO qui en appelaient trois paragraphes avant à l’unité syndicale, servent un menu invraisemblable à partir de leurs mesquineries sur l’unité syndicale : « bien souvent, dans le passé, la base, les travailleurs ont su déborder les appareils syndicaux et faire en sorte que le mouvement s’amplifie… malgré eux », donc jamais contre ni hors des syndicats ! Les commentaires de la tendance ad hoc sont en général plus nuls que ceux de la maison mère, conjuguant un constant jusqu’auboutisme à l’appel à la construction de « comités de mobilisation » ou « réseaux » contrôlés par les militeux trotskiens.


UN ANARCHISME A LA REMORQUE DE LA GAUCHE CAVIAR

Bien que jouant les gros bras avec force drapeaux noir et rouge au cul des fédérations syndicales, la CNT parisienne est un des principaux organismes bureaucratiques qui sévit dans les services publics, au point que les syndicats classiques peuvent apparaitre comme oasis pour syndiqués pas trop réfléchis. La CNT ignoble des Vignobles n’a pas démérité du discrédit dont elle est l’objet chez les connaisseurs. Ses tracts passèrent leur temps à essayer de démontrer que le retour aux 37,5 annuités était possible en imposant plus les patrons (hé hé) et en stigmatisant les non-salariés (qui grèvent c’est vrai plus que la SNCF le régime général), les 500 000 militaires qui sont partis en retraite après 15 ans de service (et en oubliant les cadres supérieurs technocratiques et syndicaux). Il ne faut pas défendre les travailleurs en général mais par exhiber les "acquis" du conseil national de la résistance (clin d’œil aux amis staliniens) et donc la revendication gauche caviar de la protection des services publics !

Ces léninistes noir et rouge accusent le gouvernement non pas d’avoir favorisé dès le départ un gouffre entre grévistes et non-grévistes et avec la population ouvrière, mais « une destruction pure et simple de la solidarité de ce qui reste des services publics… de piétiner les principes fondateurs de la protection sociale : unité et universalité ». Ces mêmes conneries auxquelles même un obscur délégué CGT ne croit plus, en reviennent à revaloriser le plus imbitable des conservatismes pour les pauvres nationalisations. Les trotskiens peuvent souffler, il existe plus tarés qu’eux ! La liste des revendications qui accompagnent les tracts n’est qu’une clownerie à la Marchais et ne coûte rien en bla-bla.

L’indigence théorique atteint son comble avec la mini CNT parisienne lorsqu’elle se porte au-devant de la fabrique de la revendication étudiante : « les étudiants font face à une loi scélérate qui veut faire entrer le capitalisme à l’université » !? Le capitalisme il y a belle lurette qu’il y est à l’Université , même déguisé en mandarin!

Pire que LO antisyndical à ressort, la CNT ordonne comme conclusion au cheminot :

« Cheminot, syndique-toi et combats ! ». Cette injonction a quelque chose de mussolinien !

Enfin, comble de la lâcheté, la CNT diffuse un tract intitulé :

« Grève, blocage, sabotage ! Action directe contre l’Etat et le patronat ! ». A aucun moment n’est expliqué ce soutien au « sabotage » (lequel, celui des voies ferrées ? alors assumez mes petits pères!) ni que le terme « action directe » renvoie au soutien des héros pitoyables de cette mouvance de rigolos, encore en prison. Tout l’argumentaire sur la défense des services publics peut se lire dans n’importe quel tract de la CGT.

LE CCI : UNE EPONGE SOCIAL-DEMOCRATE OU LA DECADENCE PSYCHOTIQUE ?

Un ancien groupe à vocation révolutionnaire nous a bien plus attristé dans ce concert de suivistes du syndicalisme de la gauche bourgeoise et membre de l’appareil d’aliénation, le CCI dit courant communiste international, que nous renommerons ici Cercle Circulaire Cosmopolite pour l’enflure de sa petitesse et de son inanité théorique par la création d’agences multilangues sur son site qui ne correspond à rien d’autre qu’une série d’individus isolés et le plus sérieusement du monde mondialistes pour une humanité heureuse sans temps morts et sans morpions capitalistes.

Je ne reviendrai pas sur les raisons de la dégénérescence léniniste de ce cercle – l’impatience petite bourgeoise et la quête de la pureté dans l’obéissance hiérarchique « de parti » virtuel – et puis vous vous en foutez lecteur amorphe !

Le Cercle Circulaire diffusa un supplément (les tracts lui coûtant des sous) : « C’est tous unis qu’il faut se battre ! » et reprit à son compte la mystification servile du retour pour tous aux 37,5 annuités. Rien ne pouvait choquer là les adeptes aveugles de la CGT et de la CNT. Dans la rue, on le sait bien, comme l’a montré la manif enterrement du 20 novembre, on est tous unis les uns derrière les autres : CGT+CFDT+SUD+Besancenot+Laguiller+FO+CNT+les étudiants+la poussette d’un syndicat policier. Tchouk tchouk, le petit train de la manif ferré devant et derrière par les policiers casqués et motorisés, était pourtant le symbole de cette unité de merde !

Pour notre cercle constrictor les CRS sont des « voyous » (ah… madame ils me font peur !) comme leurs copains de banlieue les « casseurs » (Raymond Marcellin si tu es là, frappe trois coups !) qui ont attaqués les étudiants pour « leur voler leur téléphone portable » (pauvre chéri d'étudiant qui n’a pas pu appeler maman !). Ces salauds de TF1 n’ont même pas répercuté l’information du siècle du CC (I) : « La répression sauvage contre les étudiants est une attaque inique contre l’ensemble de la classe ouvrière » ! Ni LO ni la CNT n’ont osé écrire une connerie pareille, j’ai honte d’avoir été membre de ce machin !

Gradation dans la connerie ubuesque d'Ubu CCI, l’étudiant comme instrument de mesure de « classe « : « La nature prolétarienne de la lutte des étudiants contre la loi Pécresse s’est clairement révélée par le fait que les grévistes ont été capables d’élargir leurs revendications… ». Nos étudiants petits bourgeois « élargissant les revendications » des autres, on aura tout vu ! Le milieu étudiant est pourtant dans une misère bien pire que ne l’avait brillamment décrite une brochure situationniste : les délégués sont souvent des faux nez d’orgas gauchistes, certains « tuent » le débat par des interventions fleuves… La lutte étudiante s’effiloche ensuite lamentablement en querelles entre syndicat collabo, l’UNEF, et excité de la CNT et LCR. Bel exemple du combat unitaire des « enfants de la classe ouvrière » par grand-mère CCI !

Tous les clichés gauchistes secouristes se succèdent ensuite. Ces braves étudiants n'ont-ils pasproposé le chauffage gratuit en amphi à des sans-papiers ! Songez que Sarkozy veut transformer les universités en « forteresses policières » ! Les flics vont-ils être moins demeurés en remplaçant les étudiants ? Plus épique encore, la minable lutte étudiante contre la désétatisation de l’Université « est un jalon sur le chemin qui mène vers le renversement futur du capitalisme ». Toutes ces âneries sont paraphées du nom de Sofiane, au cas où dans ce cercle de dingos se lèveraient des objections contre d’aussi ahurissantes analyses contre un texte qui eût été signé « orgasme central » !

Vous n’en avez pas fini avec la locomotive des crétins en bande. On demandera cependant à nos lecteurs de rire un peu moins fort pour ne pas gêner les voisins. Sur leur site à retardement ils viennent soudain se vanter d’être intervenus dans deux AG de travailleurs de la SNCF (c’est toujours ça !). Les croulants du CCI sont tellement vieux à présent et sur chaise roulante qu’il faut des aides-ménagères pour les transporter dans quelque assemblée générée de braves travailleurs en attente de leur bénédiction. Résumé du déplacement gériatrique : « Grâce à la solidarité des étudiants, les cheminots démasquent les syndicats ». Pour ceux qui croient que j’exagère ou me laisse emporter par une plume fielleuse et rancunière, je ne résiste pas à citer, devinant que c’est l’ancien curé défroqué qui a pondu ce nanard :

« Le lundi 19 novembre, dans une grande ville de province (hé hé, laquelle ?), un petit groupe d’étudiants venus à notre dernière réunion publique a amené une délégation de vieux travailleurs politisés (ou épuisés, ndt ?) membres du CCI, dans deux AG de cheminots ».

Après un tel transport sans encombre, le camion du Samu n’ayant pas crevé en route, les handicapés moteurs du CCI se rendent à l’évidence : ces conards de cheminots n’ont pas le souci de la lutte des étudiants ni de la grévicule des fonctionnaires ! Alors que les brancardiers étudiants ont fait l’effort de pousser les retraités du CCI avec leur « boite à idées » jusqu’à cette auguste réunion qui sent la graisse de rails, ces enculés de syndicats font voter avant toute prise en compte de la parole des handicapés à roulettes ! Heureusement un grabataire du CCI peut enfin déclamer la vérité divine : les étudiants sont de futurs ouvriers… grande solidarité des solidarités avec les étudiants ». Grande et applaudie est sa parole onctueuse! Plus génialement que la CNT, LO et LCR réunis, le grabataire propose ensuite d’aller défiler nombreux derrière la CGT, et surtout la création d’une banderole unique ! Et surtout, surtout... « que les cheminots aillent discuter avec les étudiants, avec les fonctionnaires… ». Avant son dernier souffle le vieil homme aura passé le goupillon de l'extension populeuse...

Revenons sur terre et ne rions plus. Ce genre de délire révisionniste n’a pas de nom. Vous pouvez chercher du côté du fou Posadas ou chez les maoïstes d'antan, on trouvait naguère des délires qui en restaient à l’écrit, au brûlot, mais ici, ces types vont sortir leurs analyses innommables au milieu des grévistes qui ont autre chose à faire, ou qui méritaient plus des mises en garde politiques, voire des remontrances pour leur corporatisme impénitent que la bénédiction social-démocrate et ubuesque de secte. La proposition d’une banderole unique, ni les syndicats collabos ni les contestataires suivistes ne pouvaient être contre. Enfin cette idée d’unité étudiant-ouvriers où les petits bourgeois apparaissent encore comme les donneurs de leçons, et non pas clairement en tant qu'agitateurs déterminés d’une organisation (qui se cache derrière la chaise roulante poussée par les enfants de ces mêmes militeux jehovahtesques, et qui l’avouent « c’est super d’avoir des parents comme vous »)) est ridiculiser la notion de parti et sa place indispensable d’orientation dans la lutte de classes et pas dans un mélange sociologiques des catégories.

Pour les besoins de l’historisation et de la béatification du CCI, l’article fait dans le conte biblique en immortalisant les grabataires (« vrais communistes dont certains ont connu les passages à tabac par les bonzes syndicaux du service d’ordre de la CGT dans les années 1970 et 1980 ») ce qui est faux; la plupart des dirigeants du Courant (surtout en fin de manif) de l’époque s’étant comportés en lâche quand moi seul j’ai été « passé à tabac » !

Plus navrant dans la dégénérescence croissante depuis des années est la dénonciation des jeunes présumés néo-fascistes de 1968 qui voulaient parquer les vieux « en camp de concentration » et qui veulent aujourd’hui « gazer » les étudiants…. Solide arrière-fond argumentaire anti-fasciste de bon aloi dans les salons bourgeois mais Où ces crétins ont-ils été chercher tout cela pour valoriser si imbitablement leur nouvelle orientation folle de l’étudiant « fils de la classe ouvrière » ? Dans leur culture interne nauséabonde de secte et dans leurs cerveaux malades de paranoïaques spectateurs d’un mouvement qui auquel ils ne comprennent plus rien. Pic de leur inanité, leurs étudiants militeux ont fait encore pire sur les campus. Exigeant à chaque fois que des délégations d'étudiants soient envoyés au AG de cheminots (vieux fantasme du Billancourt de 68?) ils gagnent la plupart des mains levées pour y expédier deux ou trois lampistes de la LCR ou de morveux infiltrés de la CNT. Les gauchistes manipulateurs ne les ont même pas pris au sérieux. Aucun délégué ne s'y rend et c'est tant mieux... quand on pense que les progénitures du CCI auraient cru au grand soir si ceux qui défendent n'importe quoi avaient pu aller dire bonjour aux ouvriers... pour leur raconter les mêmes sornettes qu'en milieu scolaire!

Je sais, je sais, la manifestation du 20 novembre passait non loin de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et de Saint-Anne, et certains travailleurs de ces organismes croyaient défiler sans les fous furieux. Ils défilaient aussi avec les fous gentils pourtant.

Pour un bilan sérieux, politique et révolutionnaire, je renvoie à mon article précédent, éditorial de la version papier n°163 : tirer lucidement les leçons d’une grève politique. Mais je suis triste face au néant politique de l’extrême-gauche à l’ultra-gauche. Je l’aimais bien la petite bourgeoisie intellectuelle quand elle mettait ses capacités au service du prolétariat. Sera-ce une simple crise d’épilepsie ?

dimanche 25 novembre 2007

Editorial de PU n°163 version papier :

Tirer lucidement les leçons d’une grève politique


Désolé d’une si longue absence pour mes lecteurs de la version papier, mais j’ai considéré qu’il valait mieux me consacrer à mon blog. Avec la série « News from France », j’ai tâché, au long de la grève de donner à l’international ce qui me semblait le plus significatif pour ôter toute illusion et débrouiller l’écheveau de la propagandastaffel française. Avec ce souci d’informer en prenant position presque quotidiennement, j’ai innové en montrant la possibilité de l’utilisation du web comme arme pour les prolétaires : lieu de suivi du mouvement, de combat des mensonges, de vérification des infos, et surtout d’orientation, telle devra être le site d’un parti crédible à l’avenir.

On a glosé sur le silence d’un des partis bourgeois le PS mais ce ne fut pas pire que celui de la plupart des particules gauchistes, cercles et sectes sur leurs sites. Le suivisme syndicaliste a dominé les groupes trotskistes avec la pensée indigente à la Besancenot ; LO et LCR publiaient des communiqués laconiques mais se gardaient bien d’utiliser leurs sites comme un tract ou un porte-voix des ouvriers. Un courant activiste dans la LCR a cru que ce groupe pourrait surfer sur l’addition de la grève des transports et la journée d’action flonflon des fonctionnaires en lançant à coups de trompettes l’idée d’un nouveau parti à partir d’une réunions deux jours plus tard à la Mutualité. Opération ratée, « résistance sociale » a été rangé dans les cartons de la LCR.

Côté ultra-gauche : le site du CCI resta inerte tout le long, ils publièrent un supplément qui dans les orientations n’était pas différent de celles des gauchistes (la même retraite pour tous !) et un désopilant plaidoyer pleurnichard pour les soit disant « enfants de la classe ouvrière » nos braves étudiants cornaqués encore par le syndicat gouvernemental UNEF (Marx est-il notre tonton ?). Sa fraction dite « interne » fût muette à tous points de vue. Les bordiguistes publient si petitement que personne n’en a entendu parler. Un sympathisant du BIPR a bricolé un tract du PCI pour le donner à trois ou quatre pékins à la manif du 20 ; ce papier annonçait la bien connnue préparation de la défaite par les syndicats, voyait la situation comme une « première attaque » alors que c’était la dernière pour « aligner » sur les 40 annuités, et se plaçait derrière les gauchistes avec la revendication nullement unitaire des 37 annuités pour tous ! (de fait elle revenait à ceci : quand Air France est en grève, le meilleur moyen d’obtenir la solidarité des autres ouvriers est de leur promettre un vol gratuit par an !)

Donc il n’y avait personne pour réellement défendre la lutte du point de vue de la classe ouvrière pour orienter les prolétaires en grève dans une dynamique qui n’obéit pas prioritairement aux méandres du sabotage syndical permanent de la veille de la grève, pendant et après. C’est paradoxalement l’OCL une organisation libertaire, qui en général, court après tout ce qui bouge, qui a résisté au piège monté depuis le début par l’Etat et ses syndicats (bien qu’ils se soient pris un temps les pieds dans le tapis), et qui avait mis en garde à l’idée de foncer tête baissée.

Sur leur site, on pouvait lire un article prémonitoire de fin octobre: "Cheminots, il faut savoir commencer une grève". bien qu’avec des illusions sur l’honnêteté de Sud et sur un nouveau « tout ensemble » aussi vague et gauche caviar qu’en 1995. Au moins cet article n’appelait pas à généraliser l’incendie comme la plupart des groupes évoqués ci-dessus, totalement suivistes et opportunistes sur le désir d’une minorité d’ouvriers déterminés à en découdre quitte à mordre la poussière, et par conséquent qu’il était possible d’envoyer dans le mur (même en sachant qu’il a eu de grosses concessions secrètes, les entreprises étant tenues par le gouvernement de la fermer sur les clauses du marchandage. On ne peut mépriser les ouvriers des transports, ils ont eu du mérite quand même, comme le dit si bien l’article de l’OCL ; ils ont été prêts à se battre, même en sachant la défaite assurée parce qu’il n’est pire défaite que celle acceptée sans combat :

« La CGT reproche à la FGAAC ses négociations en coulisse, mais elle a la même stratégie qu’elle après la mobilisation du 18 octobre : accepter la remise en cause du régime de retraite pour obtenir quelques aménagements sur la forme ; et présenter ces aménagements comme de grandes victoires, ou des concessions importantes obtenues grâce à la lutte impulsée par la CGT-cheminots contre les manœuvres de division des jusqu’au-boutistes tel Sud-rail. Pour illustration : “ Nous appelons l’ensemble des cheminots à rester vigilants face à certain battage médiatique qui diffuse des contrevérités autour de reconductions massives de la grève à la SNCF. Cette communication a pour objectifs l’isolement des cheminots, l’éclatement de la lutte interprofessionnelle qui se construit, et donc l’opposition entre salariés du privé et du public, en véhiculant l’image d’une lutte corporatiste ” (extrait du communiqué du secteur fédéral des cheminots CGT dans la région de Strasbourg). Autrement dit, ceux qui proposent de battre le fer quand il est chaud et sont pour que les secteurs très mobilisés entraînent les autres sont des alliés objectifs de Sarkozy – alors qu’une longue grève de cheminots modifierait le climat social du pays. Pour ne pas vous couper du secteur privé, gens du public, comportez-vous comme lui : ne faites pas grève. En somme, harmonisons par le bas : Tous ensemble, tous ensemble, ne faisons pas grève ! Si la lutte interprofessionnelle menée par la CGT se construit avec la même ardeur que celle de la fédération CGT-cheminots – quasiment aucune tournée et aucun tract dans les secteurs CGT sous contrôle –, ce chantier de construction risque de durer pas mal de décennies… Pour autant, ces manœuvres de certains appareils syndicaux pour empêcher la reconduction de la grève ne suffisent pas à expliquer que le mouvement soit retombé aussi fortement du jour au lendemain. D’autres éléments ont joué :
- Une majorité de cheminots, parmi laquelle près de la moitié des cadres SNCF, tenait à exprimer son mécontentement par une journée, “ mais seulement une journée ”.
- Compte tenu de la situation sociale et politique en France, seule une minorité d’entre eux pense que l’on peut gagner par une grève longue. La plupart ne sont pas dupes au point de croire qu’un arrêt de 24 heures, même renouvelé dans un mois, permettra de vaincre le gouvernement. Mais ce qui est perçu comme une absence de perspectives pousse à ne pas envisager de poursuivre la grève, la division syndicale renforçant cette position Consciemment ou non, une part importante des cheminots qui ont fait grève le 18 espèrent obtenir des aménagements de la “ réforme ” pour adoucir ses conséquences en matière de rémunération de la future pension. »
Et cette remarque si judicieuse : « La pire des éventualités, c’est la défaite, sans véritable combat : les seuls combats que l’on est sûr de perdre sont ceux que l’on refuse de mener. »

Le titre n’expliquait pas en fait comment savoir commencer une grève, surtout si elle est déjà piégée, et surtout si des AG de début ne discutent pas le contenu et la forme des revendications, l’organisation de la lutte et son ouverture à des assemblées publiques.

J’ai également écrit plusieurs autres textes trop longs pour trouver leur place dans cette modeste feuille. Un premier tract (« Une grève très spéciale ») a été distribué le 14 novembre à 16 heures à la manifestation parisienne de Montparnasse à la Gare d’Austerlitz. Le 2e tract diffusé à la promenade des fonctionnaires en manque de « pouvoir d’achat » peut être envoyé sur demande (« Vieillir au boulot ? Jamais ! ») ; ces tracts se trouvent sur le blog avec l’excellent tract de TUMULTO de Toulouse (le seul à notre connaissance en France à poser les objectifs politiques de classe contenu dans la grève et hors immédiatisme).

Voici des pistes de réflexions qui seront à creuser plus à fond dans la classe ouvrière avant de pouvoir prétendre relancer un mouvement d’envergure, en n’oubliant pas que de multiples grèves dures ont lieu en ce moment dans des boites privées en France et en Europe, qui confirment qu’on entre dans une période de combats où il ne sera pas question de se laisser dorloter par la perspective du nébuleux « pouvoir d’achat » ou de la bien obscure « lutte contre le chômage » :

- la contestation du travail et de sa durée : on se suicide beaucoup ces temps-ci au travail, or, justement, au premier plan des questions de fond de cette grève politique il y a eu le dégoût du travail aliéné où on est pris pour des cons jeunes et plus encore après 40 ans, où on nous fait comprendre qu’on est un poids, qu’on ne sait pas s’adapter parce qu’on ne veut et ne peut plus obéir aux ordres des chefs comme dans la jeunesse…. Depuis 30 ans, dès qu’il est question de pré-retraites, tout le monde fonce hors du monde du travail, et nous avons tous compris la hargne des cheminots et conducteurs de bus à l’idée de rempiler pour les beaux yeux de la princesse ;

- la revendication de l’équité ou d’un hypothétique retour à l’équité est toujours un leurre. L’égalité n’existe pas ni dans les besoins ni dans les capacités des diverses catégories de prolétaires (l’idée est même carrément anti-marxiste) (*). Le retour en arrière aux 37,5 annuités est impossible, et même sur le plan de cette imbécile revendication, le gouvernement est apparu plus intelligent en philosophant sur les différences liées à la pénibilité du travail, ce qui est une réalité qu’il ne réformera jamais de lui-même pourtant tout comme il laisse les « vieux » d’après 45 ans galérer au chômage. Allons plus loin, ce n’est pas une revendication salariale, fusse-t-elle équitable qui peut permettre une unité à un mouvement de remise en cause politique de la gabegie de la gestion bourgeoise. La revendication des syndicats et de tous les groupes dits radicaux se résuma en définitive à une exigence de meilleure gestion par l’Etat bourgeois !

- les raisons d’une grève peuvent être diverses, et, en général, de grandes grèves avancent tendanciellement souvent des revendications qui intéressent l’ensemble, qui intéressent mais qui ne concernent pas forcément directement, il importe donc que les grévistes sachent bien commencer leur grève en se posant la question de ce qui peut unifier la lutte, de la forme de solidarité qui peut être demandée aux autres catégories du prolétariat, en limitant les dégâts de la contrainte contre la population : dans le secteur des transports, très ambigu pour les principales victimes surtout salariées, des initiatives de lâcher un peu la vapeur, en faisant rouler des trains aux heures de points auraient été plus unificatrices et populaires que de s’arcbouter sur le prétendu possible retour au 37,5 !

- la réalisation d’assemblées ouvertes à la population ouvrière n’a pas été faite (hormis dans le cadre du charivari universitaire), les cheminots tenant des AG au fin fond des voies, sans se rendre en délégation à EDF et à la RATP, ou ailleurs pour réfléchir ensemble à ce qui est possible ou pas ;

- l’initiative de la bagarre ayant été lancée sur le terrain du gouvernement et de ses amis les syndicats avec cette traditionnelle et comique « ouverture des négociations », il était peu plausible d’envisager son élargissement ; cependant, pour la première fois depuis Longwy en 1979, et bien plus loin que le barnum de 1995, on a assisté à une véritable remise en cause des syndicats qui est assez éclatante et que les trotskistes n’ont pas réussi à capitaliser en nouvelles coordinations bien qu’ils aient tenté le coup avec le cartel « assemblée générale du nord » truffé de militeux de LO et LCR. L’analyse du sabotage syndical vient ici en dernier lieu parce que l’échec d’une grève ne s’explique pas simplement ni prioritairement par leur soit disant « trahison » (ils trahissent en permanence dans leurs conciliabules secrets avec ministres et patrons) ; la réussite ou l’extension d’une grève dépend de la capacité des travailleurs à en assumer la dynamique et l’organisation, sinon ils sont trimballés comme des veaux et n’ont plus que la déprime pour récompense, sans oublier des mois d’endettement (certainement la principale raison de l’arrêt chez les plus obstinés, plus que les saloperies des syndicats).

- Ce qui est périphérique à la lutte ouvrière peut être un moyen d’en noyer la particularité révolutionnaire (la lutte frontale contre l’Etat) en la transformant en un des chapelets pour programme électoral de parti caviar (PS) ou nullard (LCR). En ce sens, la révolte étudiante, basée sur une défense de l’Université « d’Etat », n’aura été qu’un épiphénomène à l’arrière des défilés et nullement une avant-garde quelconque. A force de singer les syndicats flics des ouvriers, les syndicats étudiants, UNEF en tête, se sont discrédités totalement, ; ce pauvre Julliard imitant le rôle du collabo fuyard à la Thibault ne pouvait que susciter l’ire des contestataires, eux-mêmes aveugles sur l’inutilité de l’université traditionnelle pour « égaliser » les chances pour les classes défavorisées. Au moins, la campagne pour inoculer le venin syndical dans la tête de nos jeunes futurs cadres ou livreurs de pizzas aura-t-elle en partie échoué dans ce milieu de la ouate intellectuelle.


(*) Sur le leurre de l’équité et sur la question des besoins radicaux, lire l’an prochain mon ouvrage « Dans quel ‘Etat‘ est la révolution ? » aux éditions de la nuit (du fondateur de Sulliver, Irénée Lastelle).