PAGES PROLETARIENNES

mercredi 29 novembre 2023

COMMENT LA BOURGEOISIE SE SERT DE L'ISLAMISME POUR DIVISER LE PROLETARIAT ?


 « Feuerbach ne voit pas que l'esprit religieux est lui-même un produit social et que l'individu abstrait qu'il analyse appartient lui-même à une forme sociale déterminée ». Marx (thèse X sur Feuerbach)


Il n'y a pas grand monde sur le terrain politique hors système pour dénoncer l'imprégnation islamique, et surtout la façon sournoise avec laquelle il pénètre le monde du travail. Il y a une quarantaine d'années c'était la revendication de salles de prière, puis de plus en plus de demandes concernant les cantines séparées, le besoin d'interrompre le travail à certaines heures pour aller prier, venir voilées à l'usine ou au bureau, etc . Marx a donc eu tort, la critique de la religion reste encore nécessaire ! Les banderoles « travailleurs français et immigrés même combat » ont pris un coup de vieux et paraissent utopiques dans la désintégration sociale qui règne en cette période qu'il faut bien qualifier de réactionnaire du point de vue du prolétariat. Oui une division s'est instaurée !

Au point que cette prégnance islamique devient insupportable et suscite des réactions de rejet, comme dans cette usine en province où les travailleurs s'oppose à la réintégration d'un chefaillon musulman pro-hamas, alors que l'inspection du travail l'ordonne... il faut cesser de l'ignorer malgré les incantations simplistes et moralistes de l'islamo-gauchisme.


Depuis des années, dans ma cave, au milieu d'autres brochures se trouvait celle d'un cercle « lieux communs ». Je ne me souvenais pas de l'avoir lue. Quelle surprise devant tant de lucidités. C 'est fort bien écrit, frôlant parfois l'impact de la plume situationniste.. La démonstration est fulgurante1.

Ce collectif ne se définit pas comme marxiste. Un certain Guy Fargette, dans un article titré : « Le théâtre marxiste et ses failles » nous explique pourquoi selon lui :

« Dans le théâtre mécanique du marxisme, seuls deux pôles agissent, la bourgeoisie et le prolétariat, ce qui justifie l’exacerbation d’une férocité exponentielle contre l’adversaire, le volontarisme devenant l’expédient ultime, comme dans tout rapport guerrier. De fait, s’il a toujours existé des classes sociales en rapport avec les rôles productifs, la lutte de classes a été assez rare dans l’histoire humaine et le plus souvent de façon transitoire »2

Voilà un constat assez pitoyable, méprisant l'histoire des luttes des luttes des classes dominées jadis et naguère. Doublé d'une ignorance totale d'un marxisme qui a subsisté, combattu mais victime du stalinisme, du maoïsme, etc . Fargette nous ressort la citation de Malraux qui mettait sur le même plan le marxisme et l'islamisme. Ce qui peut sembler vrai à un niveau superficiel Car tous deux sont « internationalistes ». Avec cette différence de taille que le second est bien plus comparable au fascisme, et le premier vecteur, au-delà de ses déformations staliniennes et maoistes, d'un long combat vers une réelle émancipation humaine, qui, vu la décadence capitaliste actuelle, a surtout des chances de ne jamais aboutir.

Et je m'en fous de Fargette, ce qui me plaît sur leur site c'est qu'il y a un espace ouvert à la discussion, chose invisible chez les sectes maximalistes comme le CCI et Cie. Il n'y a pas besoin d'être marxiste ni homologué tel pour garder les yeux ouverts sur le monde honteux qu'on nous fait subir. Ce collectif publie ses brochures mais on peut toutes les lire sur le web ; c'est théoriquement très riche, et la question de l'immigration n'est pas la seule question traitée. Les argumentations sont si étayées qu'on a l'impression que tout est dit, et même l'essentiel. Contre l'énormité de l'indifférence de la gauche bourgeoise et l'islamo-complicité du pouvoir (cf. mon communiqué sur l'assassinat du jeune Thomas à Crépol), ces écrits étaient prémonitoires.

J'ai choisi de vous en fournir un avant-goût, vous conseillant de lire l'intégralité de leurs articles car les bonnes feuilles, incomplètes, peuvent induire de mauvaises interprétations.



« En Europe, ce qui était une subversion terroriste que les États pouvaient prétendre contrôler en est venue, il y a peu, à impliquer directement les popula­tions, horrifiées. Il s’agit d’une part d’un islamisme en cours de fusion avec le banditisme, de la petite voyoucratie de banlieue aux barons trafiquant armes, drogues, femmes ou clandestins, et susceptible d’utiliser toute la réserve de violence et de brutalité qui versait jusqu’ici dans l’anomie, notamment via les « territoire perdus » et, bien entendu, les prisons. Et d’autre part du fait, chaque jour plus évident, que les immigrés arabo-musulmans en terres occidentales semblent prêts, pour une part effrayante et croissante, à se considérer comme infiltrés patients de la domination musulmane, sans violence mais indiscutablement. Deux choses inconcevables pour l’Européen moyen, mais difficilement réfutables, les sinistres Kouachi passant à l’acte pendant que les millions de musulmans ne daignent pas exprimer publi­quement une éventuelle désapprobation...3


 (…) Jamais n’avait été aussi manifeste la conver­gence entre l’intérêt économique et le chantage affectif, entre l’idéologie capitaliste libérale et le gauchisme culturel »


L'infiltration islamiste...

En Europe, ce qui était une subversion terroriste que les États pouvaient prétendre contrôler en est venue, il y a peu, à impliquer directement les popula­tions, horrifiées. Il s’agit d’une part d’un islamisme en cours de fusion avec le banditisme, de la petite voyoucratie de banlieue aux barons trafiquant armes, drogues, femmes ou clandestins, et susceptible d’utiliser toute la réserve de violence et de brutalité qui versait jusqu’ici dans l’anomie, notamment via les « territoire perdus » et, bien entendu, les prisons. Et d’autre part du fait, chaque jour plus évident, que les immigrés arabo-musulmans en terres occidentales semblent prêts, pour une part effrayante et croissante, à se considérer comme infiltrés patients de la domination musulmane, sans violence mais indiscutablement. Deux choses inconcevables pour l’Européen moyen, mais difficilement réfutables, les sinistres Kouachi passant à l’acte pendant que les millions de musulmans ne daignent pas exprimer publi­quement une éventuelle désapprobation...

Ce schéma ne peut que se répéter, amnésie fonctionnelle aidant (qui réalise que le processus algérien a largement commencé µ ?). Mais déjà, l’étape sui­vante surgit, spectaculaire. Elle concentre à elle seule quarante ans de « poli­tique de l’immigration » ou vingt de « lutte contre l’insécurité » (qui n’ont été que d’impuissantes tentatives de rationaliser l’état de faits) ; elle condense tous les phénomènes connus de désagrégation de l’univers arabo-musulman depuis les indépendances : c’est bien entendu l’arrivée massive et continue de millions de « migrants » sur le territoire européen depuis le mois d’avril 2015.

(...)

 De même, la manière dont l’oligarchie, d’abord surprise, a finalement accompagné le surgissement des revendications communautaires ne pouvait qu’avoir un seul objectif : détruire ce qui restait des cultures ouvrières, morceler les insti­tutions qui en sont héritées, et, au-delà, en finir définitivement avec l’héritage émancipateur de l’Occident. Inutile de montrer ici en quoi tout le fatras du relativisme post-moderne et du gauchisme culturel, sans parler de l’islamo-gauchisme, à la fois symptômes et causes de ces délitements, n’en sont qu’une rationalisation plus ou moins verbeuse.


C’est ainsi qu’il conviendrait de comprendre la complaisance précoce des pouvoirs publics pour les manifestations islamistes dans les années 1980 : salles de prières, menus adaptés, voiles, etc., très largement tolérés par une population profondément ouverte et pressée d’évacuer toute notion de conflic­tualité. L’irruption du terrorisme islamiste dès la décennie suivante pouvait aussi permettre de mettre l’ensemble de la population sous pression. Mais le développement tous azimuts du néo-islam, et sa pénétration diffuse dans tous les secteurs de la société et à tous les échelons hiérarchiques, pose des pro­blèmes fonctionnels pour le capitalisme lui-même, et le terrorisme instille une ambiance de guerre civile mondialisée peu compatible avec une consom­mation accrue. La rupture anthropologique elle-même (posture vis-à-vis des femmes, notamment) semble provoquer des prises de conscience diffuses et successives, rythmées par l’intégration effective et l’ascension progressive de ces néo-musulmans, jusqu’aux plus hauts niveaux de toutes les institutions.


Padamalgam... Pic et pic et colégram


Il s’agit avant tout d’éviter l’amalgame entre l’islamisme et les pratiques religieuses musulmanes. Mais la ritournelle « Pas d’amalgame », entonnée à tort et à travers, n’a fait que rendre la situation plus confuse.

D’abord, l’accusation d’« islamophobie », popularisée par les ayatollahs iraniens, est en elle-même un amalgame grossier et culpabilisateur. Elle veut faire passer pour du racisme une défiance vis à vis de l’islam qui peut avoir des causes di­verses : pour des réfugiés, la crainte de revivre une décennie noire (Algériens), ou d’être persécutés (apostats, juifs, chrétiens d’Orient ou d’Afrique) ; pour des libre-penseurs, comme nous, la volonté d’en finir avec toutes les supersti­tions et la tartufferie qui les accompagne.

Ensuite, le mantra « Pas d’amalgame » a toujours été employé par les idéologies meurtrières pour se donner une ap­parence acceptable. Un communiste dira que le « vrai » communisme n’a jamais été appliqué, qu’il n’a rien à voir avec les régimes stalinien, maoïste ou castriste, ni même avec le PCF. Certains chrétiens prétendront qu’ils n’ont pas à assu­mer l’Inquisition ou les Croisades puisque rien de cela ne serait dans la Bible. La situation actuelle des musulmans face à l’islamisme est identique, et il faudra bien un jour qu’ils se débarrassent de cette « Maladie de l’islam », d’une manière ou d’une autre.

L’extrême droite musulmane qui s’affirme... (témoignage d'une enseignante en banlieue islamisée)


Je vois régulièrement des mamans se voiler sous la pression d’autres, en cours d’année. C’est très concret comme avancée... T’es pas voilée, t’es une mauvaise mu­sulmane, t’es une mauvaise mère, pour ne pas dire une pute, etc. Alors les couardes finissent par céder, on dirait qu’ils ont tous un flic de l’État Islamique qui les suit partout, une sorte de Daech mental. T’as des nanas algériennes qui ont la cinquan­taine, très courageuses, musulmanes comme ma grand-mère pouvait l’être, c’est-à-dire détendues, ouvertes, franches, la foi du charbonnier quoi, qu’ont monté un collectif « femmes sans voile » pour qu’on cesse de les insulter et de les agresser parce qu’elles ne portent pas le voile ou encore d’autres qui militent pour ré-instituer la mixité dans les bars de ces villes... Ça en est là, le combat féministe dans ces territoires, tu vois le niveau de régression qu’on a atteint !

Et les syndicats d’enseignants ? (témoignage idem)

Pffff... Pourquoi tu me parles de ceux-là ? Ils sont enfermés dans leur démagogie et leurs petits calculs. Ils ne savent que te dire que le problème est économique et blablabla, rien de culturel (on dirait que, pour eux, le mot « culturel » équivaut à « inférieur racial ») et puis après ils te servent leur discours sur les conditions socio-économiques du ghetto, le manque de moyens, le manque de postes, etc. Connards. Donc eux leur discours se réduit à des moyens, des moyens, etc. Leurs réunions, leurs AG, leurs actions sont pleines d’islamistes mais ils pensent que c’est une mode ou qu’ils vont les doubler... Tu parles. Faudra pas pleurer si le FN se radine...

C’est pas nouveau que les syndicats ne s’intéressent pas à la base...

Bien sûr. Quand tu lis les monographies des types qui faisaient de la Pédagogie Institutionnelle dans les années 60-70 dans ces mêmes banlieues, les Fonvieille, les Oury, les J. Pain... ils pouvaient avoir des classes de plus de cinquante élèves avec des budgets et des moyens pédagogiques dérisoires, mais ils rencontraient beaucoup moins de problèmes que nous en classe car ils avaient à faire à une culture commune : la culture prolétaire et les parents immigrés à cette époque-là même s’ils étaient non francophones visaient réellement l’intégration de leurs gamins et avaient un profond respect pour les maîtres et les maîtresses... Faut lire Cavanna...

Dans certaines villes de banlieues où sur 25 000 habitants il n’y a plus que tout au plus une petite centaine de Français qui sont là depuis au moins 3 générations... C’est une réalité géographique, dans ton train de banlieue tu croises un Blanc tous les 36 du mois depuis des années maintenant et les lois de la République deviennent optionnelles. Les chantres du capitalisme, les Attali, etc. sont ravis des migrations historiques qu’on vit en ce moment, ils sont ravis de voir se dissoudre le peuple en une multitude de lobbies ethniques et de petits clans et autres gangs car en face il n’y a plus grand monde qui veuille faire société. La seule dimension culturelle française semble se résumer à la culpabilité : être coupable et redevable des crimes de ses ancêtres – genre, les Arabes sont des enfants de chœur et ont construit un empire en appelant à l’amour universel ! Bref, le Français n’est pas celui qui se réclame des Lumières, des révolutions, de la lutte des femmes, etc. et qui est habité par certaines valeurs héritées de ces combats, mais c’est celui qui a intégré qu’il est coupable et qu’il doit demander pardon constamment. Ça fait quarante ans que c’est là, mais là on commence à en voir les résultats législatifs : les lois mémorielles, la discrimination positive, la traque du racisme onirique, la culture de l’excuse, et maintenant le retour du blasphème. Je connais même des Fran­çais qui dans des contextes où ils sont minoritaires ont honte de dire qu’ils le sont depuis plusieurs générations.

On a du mal à se sentir dans le pays de 1789...

(...)

Donner raison aux Le Pen ?

Le troisième point qui rend la situation impensable est qu’il est extrêmement difficile de rendre compte de toutes ces réalités sans avoir l’impression de donner raison aux Le Pen. Le Pen-fille, d’abord, dont les posi­tions sont aujourd’hui très édulcorées : elle a repris la défense de la laïcité, elle reprend plusieurs discours pro-intégration, etc. Mais même les propos du père, qui avait un discours inacceptable sur l’Algérie et l’im­migration, prennent, aujourd’hui, un relief très particu­lier... Or les thèses lepénistes, personne, au fond, n’y souscrit vraiment, à part une petite minorité de Fran­çais. Le nouvel électorat FN est réellement en rupture avec l’ancien pro-Algérie française ou pro-catholique des années 1980. La population ici est fondamentale­ment antiraciste, il suffit de regarder autour de soi : jusqu’au fin fond des campagnes, tout le monde a un copain, une connaissance, sinon un voisin, un com­merçant, un collègue maghrébin ou immigré, qui est largement accepté ; l’ascension sociale et hiérarchique des Maghrébins est effective, et les propos xénophobes qu’on peut entendre sont sans conséquences pratiques. Ce n’est donc qu’avec une énorme réticence qu’une partie des Français donne raison, rétrospectivement, au discours frontiste, à rebours et à reculons. Autrement dit, beaucoup de gens refusent d’affronter ces réalités parce qu’elles entérineraient immédiatement les thèses frontistes, et ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas y échapper s’y rallient finalement. C’est ce que tout le monde observe, je crois, avec plus ou moins d’effare­ment autour de soi.

(cette partie du témoignage vous idyllique en ce moment où on peut dire que la réalité a dépassé la fiction, quand finalement on s'est aperçu que l'extension de la vraie extrême droite, l'islamisme, est favorisée par les nouveaux fachos, les gauchistes ! Mais l'histoire nous a habitué à ces renversements décoiffants! JLR)

« Parce que, effectivement, il n’y a aucune autre grille de lecture qui permette de rendre compte de ce qui est en train de se passer – même si nous prétendons en avoir une, mais qui remet en cause pas mal de dogmes idéologiques . Là, la res­ponsabilité de la « Gauche » et de l’extrême gauche est énorme, qui ont minimisé, ridiculisé, vilipendé ce que les milieux populaires ex­primaient depuis des années parce que ça ne rentrait pas dans les cases marxisantes et tiers-mondistes : toutes les « explications » (en fait des excuses déres­ponsabilisantes) pseudo-sociolo­giques qui invoquent le colonialisme, la ségrégation, le racisme, la pauvreté ou je ne sais quoi ne tiennent pas, il suffit de se décen­trer un peu, en d’autres temps, en d’autres lieux – ou simplement de sortir de chez soi . Pour le dire très vite : si l’oppression entraînait mécaniquement le fas­cisme, nous ne serions pas là à nous réclamer du mou­vement ouvrier antimilitariste, anticlérical, coopératif, autoges­tionnaire... Alors pour ceux qui prétendent va­guement s’en réclamer, la gauche et ses gauchistes, prendre en considération ce qui se passe réellement dans les quartiers et les institutions, et le connecter avec ce qui se déroule sous d’autres climats, ce serait se dédire, se contredire, d’où la tentation de la suren­chère qu’exprime l’islamo-gauchisme. Symétrique­ment, côté musulman, c’est un peu la même chose : Le Pen ne peut pas avoir raison contre nous depuis 40 ans, donc nous ne sommes responsables de rien et même pas de notre présence sur le sol français, et Al­lah ouakbar (soit dit en passant : ça ne semble pas in­téresser grand monde, mais l’électorat immigré de Le Pen existe et s’étoffe, pas seulement chez les Asia­tiques ou les Subsahariens chrétiens, et le FN y recrute même nombre de candidats). Bref, les populations se retrouvent face à un vide intellectuel, idéologique, alors qu’elles cherchent simplement à donner sens à ce qui est en train de se dérouler sous leurs yeux et à ten­ter de se positionner pour sauvegarder ce qui peut en­core l’être .


(…) troisième lieu commun, tout cela serait des conséquences normales de situations très difficiles que vivraient les pays arabes ou les musulmans en général. C’est un discours victimaire qui fait florès mais qui est aussi une absurdité, et d’abord parce que l’islamisme est un phénomène postcolonial ; il se déploie après les décolonisations et non pas durant le colonialisme. Les luttes d’indépendance ne sont pas du tout le fait d’islamistes ou en tout cas leur rôle était complètement secondaire : ce n’est pas au nom de l’islam que le peuple algérien réclamait et a gagné son indépendance, pas plus que la Tunisie, etc. Le « chaos algérien » est arrivé près d’une génération après... D’autre part, les immigrés de ces pays qui sont arrivés en France dans les années 50 et 60 ont vécu dans des bidonvilles dans des conditions totalement honteuses, et il n’y avait nulle trace d’islamisme chez eux. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisqu’on parle même des « bobars », les « bobos » barbus. C’est même le phénomène inverse, puisqu’on voit aujourd’hui en France des Arabes ou des musulmans membres du gouvernement, journalistes, artistes, chercheurs, humoristes, PDG, profs, cadres, écrivains... et que les États islamistes sont parmi les plus riches du monde. L’extrême droite musulmane est un fait qui concerne aujourd’hui toutes les catégories sociales et n’est pas du tout le fait des plus pauvres ou des plus discriminés : c’est ce que montre concrètement l’impossibilité du « profilage » des terroristes. Au niveau géopolitique, cela se vérifie aussi : l’islamisme est bien installé en Turquie, qui n’a pas été colonisée, et on ne voit aucun extrémisme religieux dans l’ex-Indochine française, ou dans l’ex-Congo Belge, où le colonialisme a été particulièrement ravageur. Enfin, si la souffrance sociale débouchait nécessairement sur l’intégrisme, nous ne serions pas là à nous réclamer d’un mouvement ouvrier, qui était, lui, vraiment en haillons et qui a institué pour la première fois la séparation de l’Église et de l’État pendant la Commune de Paris. Bref, c’est un argument purement victimaire, particulièrement étrange venant de gens très souvent anti-sionistes puisque cette posture victime / bourreau est caractéristique de la défense d’Israël...


(...)… L’offensive lancée par Ben Laden est elle-même une énorme manipulation qui vise à séparer en Occident les populations arabes immigrées des autochtones — et c’est en train de marcher... Donc sans aucun angélisme, il est impossible de réduire l’islamisme au rôle de la CIA à moins de tomber dans la paranoïa. Quant au jeu des médias français, je n’ai rien lu de convaincant sur le sujet. Le jeu de l’oligarchie locale serait plutôt de laisser s’installer un chaos social stérile, un éclatement du corps social qu’elle pourra facilement surplomber.

(…) Cinquième et dernier argument que je prends en compte : l’islamisme n’aurait rien à voir avec l’islam, il y aurait une distance incommensurable, un fossé infranchissable entre la religion mahométane et l’extrême droite islamique. Alors là, vous comprenez immédiatement que c’est en contradiction flagrante avec le premier lieu commun, même si on passe très facilement de l’un à l’autre... C’est évidemment faux : l’islamisme se nourrit du terreau de l’islam exactement comme l’intégrisme catholique naît du catholicisme. Lorsqu’il y a viol, n’importe où, je me sens concerné en tant qu’homme. Le viol interroge la culture masculine, c’est une évidence : il y a un continuum entre cette monstruosité et la banalité du quotidien. Dans le même ordre d’idée, le colonialisme est un fait qui pèse dans l’histoire de la France, c’est un fait qui constitue un pan important de sa culture, et que tout Français, y compris naturalisé, porte en lui, qu’il le veuille ou non. Il y a ici encore un continuum entre le colonialisme et l’universalisme des Lumières, qui demande à être interrogé, qui l’est largement, même si ce n’est pas la même chose, bien entendu. On pourrait continuer : depuis l’après-guerre, le nationalisme ne peut plus être pensé comme au XIXe siècle et interroge tout patriotisme, et le communisme est désormais un mot dégoulinant de sang qui doit faire douter tous les marxistes. Alors oui, évidemment, tout musulman a à se positionner vis-à-vis des monstruosités qui se font au nom de la croyance qu’il a choisie, et l’islamisme interroge profondément l’islam et devrait profondément interroger ses adeptes. Ce n’est pas le cas, c’est même le contraire qui se passe, il y a surenchère et c’est absolument dramatique. J’en reparlerai à la fin.


Pourquoi une telle complaisance vis-à-vis d’une extrême droite caractérisée  D’abord la peur. Il est extrêmement inquiétant de voir naître, sous nos yeux, un véritable fascisme, d’assister à son développement, mois après mois. Ça fout la trouille de voir une nouvelle idéologie réactionnaire — nouvelle et exogène du point de vue européen — qui s’installe et se répand réellement puisqu’elle rencontre dans une certaine partie de la population un écho : car ce ne sont pas seulement quelques élucubrations d’idéologues illuminés, mais bien un courant populaire, un mouvement qui a prise, qui fait écho sur une partie d’une population. Chacun ici a sûrement des anecdotes à raconter dans sa famille, au travail, dans son entourage ou dans la rue qui témoignent de cette progression plus ou moins marquée et qu’on préfère ne pas trop comprendre. Cela faisait longtemps qu’une telle chose n’était pas arrivée en France, et je pense que la posture islamo-gauchiste est en grande partie un déni intellectualisé de cette réalité face à laquelle on se sent particulièrement impuissant, voire une identification à l’agresseur, comme on dit. Cette motivation secrète, on peut la comprendre, mais il faut surtout admettre qu’elle est suicidaire. Ce fondement émotionnel explique pas mal de confusion et de retournements idéologiques.

Premier axe, c’est l’anticapitalisme, bien entendu, sous toutes ses formes, qui à l’époque était fondateur des engagements politiques, quelle que soit leur famille idéologique. Progressivement, dans le contexte décolonial et parallèlement au déclin des grandes luttes ouvrières, cet anticapitalisme est interprété sous l’angle de l’anti-impérialisme : on ne va alors plus mettre l’accent sur l’exploitation économique du prolétariat par la bourgeoisie et le patronat, mais plutôt sur les politiques des puissances impériales qui oppressent et pillent les pays du tiers-monde. Puis, petit à petit, de simplification en simplification, tout cela va dégénérer en anti-occidentalisme, c’est-à-dire que le mal n’est plus le capitalisme dans toutes ses variantes, de tous les pays, de toutes les races, de toutes les couleurs, ce n’est plus non plus l’impérialisme en tant que tel, ou l’expansionnisme tel qu’il pouvait être appliqué aux menées de l’URSS en Europe de l’Est, de la Chine au Tibet, etc., mais bien l’Occident lui-même, dans sa pensée, ses pratiques, sa culture, bref dans toutes ses dimensions. Voilà ce qu’il faut combattre, et tout le reste est secondaire, on verra après, d’abord il faut en finir avec la domination occidentale. On passe donc dans ces années-là du combat contre le capitalisme au discrédit de l’Occident.

Deuxième élément, le sujet révolutionnaire. Avant et durant les années 50, l’espoir résidait au sein de la gauche marxiste dans la classe révolutionnaire. Les ouvriers étaient censés transformer le monde, l’édification du socialisme était leur rôle historique. À partir des années 60, et de manière exemplaire en 68 évidemment, le prolétariat déçoit, il n’est pas à la hauteur des espérances dont on l’avait chargé, merde, ça ébranle toute la belle mécanique marxiste. Plutôt que de revoir ces schémas, on déplace alors l’espoir vers les peuples colonisés qui se battent, là, un peu loin mais sous nos yeux, pour leur liberté. C’est-à-dire que ce n’est plus l’ouvrier à la chaîne qui va construire le communisme sur Terre, ce seront le fellaga algérien, le vietcong ou le paysan chinois, bref les damnés de la terre, comme on le dira. Évidemment, ici encore, grandes déconvenues des jeunes indépendances, aucun pays ne tient ses promesses et certains sombrent dans la barbarie, bref, pas de voies praticables entre les USA et l’URSS, on ne sait plus quoi faire... C’est la fin des années 70, et c’est là que surgit la posture humanitaire, Médecins Sans Frontières, l’épisode des boat-people, etc. On voit que le discours se dépolitise de plus en plus : là on se contente de sauver des gens, de les nourrir. À défaut d’en faire des révolutionnaires, de les aider à construire un monde meilleur, on peut au moins leur donner le statut de victime puis les aider, tout cela nous décharge un peu de notre culpabilité de nantis. Je suis dur, mais on assiste vraiment à la résurgence d’un néo-christianisme béat dont on n’est pas sorti. Enfin, on arrive, logiquement, progressivement, dans les années 80, à la figure de l’immigré victime. Autrement dit, en trente ans, on est passé de la classe ouvrière européenne avant-garde de la révolution mondiale aux peuples luttant pour leurs indépendances, jusqu’à aujourd’hui la figure de l’étranger victime, comme levier de changement des mentalités, voire de basculement de l’ordre du monde, on l’a vu avec les discours hallucinés et démagogiques sur les sans-papiers, les immigrés ou les banlieues, sans parler des délires des gauchistes parisiens autour des Tunisiens de Lampedusa qui fuyaient la libération de leur peuple juste après le soulèvement, et qu’ils voyaient comme des libérateurs... Cette figure est donc plaquée sur la réalité des immigrés, qui sont bien entendu autre chose que des victimes, en symétrique exact de leur diabolisation par le FN.

Troisième élément, l’antifascisme, précisément. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, il y avait évidemment un consensus antifasciste à gauche, qui était un élément identitaire fort. Durant la période des décolonisations, on ne vise plus les fascistes ou les nazis proprement dits, qui n’existent plus en tant que force agissante, mais les colons et tous les réseaux et formations qui refusent les décolonisations. C’est en France, par exemple, le courant Algérie Française et tous ses appuis, le SAC, etc. Dans les années 80, face à la figure du FN, tout cela se mue en discours antiraciste. Le principe n’est donc plus de combattre le fascisme en tant que force politique agissante, mais le racisme banal, quotidien et quelquefois meurtrier, ce qui est une chose très différente. Il ne s’agit plus tellement de combattre des organisations, des groupuscules ou des partis, mais bien de rééduquer toute une population, la population française, dont la prétendue inhospitalité serait mère de tous les maux... L’antiracisme devient donc la grande cause, qui surpasse toutes les autres, et il n’est plus tellement question de faire la révolution, on s’en doute : il suffirait que tout le monde vive bien, comme les Français, et tout irait bien.

Au final, nous avons donc vu émerger la figure de l’étranger victime du racisme occidental, qui devient le B-A-BA de l’engagement « de gauche » : l’idéalisation autour de l’ouvrier des années 50 ou 60 se reporte aujourd’hui sur l’étranger, mais attention, sur l’étranger en tant que victime et pas du tout en tant que personne pouvant s’émanciper elle-même, donc bien en demande d’aide, aide qui est la nouvelle mission de « la gauche », sur le modèle de la charité, avec une forte dimension internationaliste. Voilà la doxa de base qu’hypostasie l’islamo-gauchisme ambiant et dans laquelle les membres de ma génération sont nombreux à avoir grandi. Dans ce contexte, vous imaginez bien que la moindre critique de l’islam est tout simplement impensable et fait basculer dans le camp de l’ennemi. On voit très tôt des traces de cette complaisance par exemple chez M. Foucault défendant la révolution iranienne, ou chez des gens comme Christian Jambet, passé de la Gauche Prolétarienne à l’adoration du chiisme, ou encore R. Garaudy, etc.


NOTES

1https://collectiflieuxcommuns.fr/spip.php?page=recherche&recherche=islamismes

3Il faut bien constater, hélas, que concernant l'ignoble massacre des civils israéliens le 7 octobre, les populations arabes, et y inclus celles de Gaza, ont gardé bouche cousue, au point qu'on peut en venir à penser que la « vengeance » de l'armée sale peut se justifier, quoiqu'elle ne serve à ,rien. On n'oubliera jamais que ces massacres ont été menés « à la coranique » par un massacre éhonté des inférieures dans cette religion arriérée, ces femmes violées qu'on vit kidnappées, le fond du pantalon dégoulinant de sang, preuve qu'elles avaient été battues et violées lâchement et sauvagement. Aucune « libération nationale » ne peut justifier cela, ou mieux c'est la preuve de l'inanité de libérer quoi que ce soit par ces méthodes de bestiaux inhumains.

dimanche 26 novembre 2023

UN RADICALISME OUVRIER ENDORMI ?



Arbeiterradikalismus

Compte rendu de lecture : Erhard Lucas - Arbeiterradikalismus,

publié par Verlag Roter Stern, 1976

(traduction : Jean-Pierre Laffitte)

On ne peut être que séduit par la conclusion de cette note de lecture : « La classe ouvrière est objectivement fracturée et c‘est le résultat du développement capitaliste : au lieu d’identifier « le segment le plus révolutionnaire » de la classe ouvrière (qu’il soit composé des ouvriers les plus pauvres ou bien de ceux qui ont le plus d’expérience politique), un mouvement révolutionnaire a besoin de surmonter ces différences et de créer l’unité, qui n’existe pas encore, de la classe ».

Or l'intérêt de l'ouvrage de Lucas, qu'on ne pourra pas lire en français, est d'analyser la composition historique de la classe ouvrière et d'insister sur d'évidentes différences entre régions et la classe d'hier et d'aujourd'hui, ce que sont incapables de faire nos minorités maximalistes qui se contentent œcuméniquement de glorifier « la classe » comme entité universelle homogène..

Pendant la révolution allemande de 1918, qui a échoué, des parties du prolétariat en sont restées au niveau de la lutte économique quand d'autres se battaient au plan politique révolutionnaire ; et cette dernière partie du prolétariat était la moins organisée par les syndicats traditionnels et les partis socialistes. La partie la plus conservatrice de la classe était l'héritière de la classe « artisanale » d'avant 1914, sachant que l'artisan a toujours été plus proche de l'anarchisme que du marxisme, et un anarchisme autrement plus conservateur que la réputation exagérée qu'on lui a faite de rebelle contre tous les pouvoirs ; en réalité il n'y a pas plus casanier et hétérogène que l'anarchisme. Ces hiatus n'expliquent pas fondamentalement les causes de l'échec des révolutions du début du XX ème, mais on ne peut exclure qu'ils y aient contribué ; ce n'est pas honteux de poser la question comme de dire que la Commune de Paris en 1871 fût prématurée. Ni surtout d'évaluer comment la bourgeoisie a joué de ces divisions.

L'analyse de la composition sociale de la classe ouvrière présente un intérêt certain pour comprendre motivations et lignes de force. Plus qu'au XIX ème siècle, la classe ouvrière après 1914 semble plus dynamisée par sa composition d'immigrés, plus capable d'indépendance et de réflexion émancipatrice que celle classique encadrée par les syndicats : et surtout « plus massive ». Mais cette capacité est aussi une faiblesse si ne se réalise pas une unification des diverses composantes du prolétariat, ce que montre au fond cette note de lecture. Mais que signifie la formule « le segment le plus révolutionnaire de la classe ouvrière » ? Les ouvriers illettrés qui se passent des syndicats ? Des ouvriers syndiqués plus spontanés ? La conscience est-elle une question culturelle ? Apparemment non, en 1917 en Russie l'immense masse en révolution ne sait ni lire ni écrire, ce qui n'est pas une qualité quand finalement c'est la petite bourgeoisie cultivée qui accapare le pouvoir : Lénine a une formation d'avocat et Staline de séminariste... Une classe ouvrière illettrée...politiquement n'est-elle pas finalement très manipulable par les divers populismes de droite comme de gauche ?

Comment ne pas établir des comparaisons avec le capharnäum social de nos jours ? N'y a-t-il pas la classe ouvrière classique des sixties, d'une fin du XX ème siècle où elle n'a accompli aucune révolution mais qui avait gardé sa potentialité (plus réputation) classique comme force internationale apte à renverser un jour le capitalisme, et celle étriquée et dispersée du XXI ème siècle ? Où en est cette classe ouvrière devenue « de masse » depuis un siècle ?

Où est cette classe ouvrière en Russie, en Ukraine, en Iran, en Palestine, en Israël, en France, etc . ?

Dissoute dans la mondialisation et le « sud global » ? Incapable de s'opposer aux guerres et aux massacres, absente des enjeux planétaires où, seules et arrogantes, toutes les factions politiques bourgeoises sont en compétition...dans le mensonge et la forfanterie.

La mondialisation est devenu un défi à l'internationalisation. Cet aspect reste ignoré ou considéré comme sans importance. En réalité, les bourgeoisies des différents pays, tout en restant nationalistes pour l'encadrement de leurs peuples, sont tout à fait « internationalistes » pour leurs intérêts. De concert elle agissent en vue d'une modification et même d'une déstructuration du prolétariat mondial.

Dès le XIX ème siècle la bourgeoisie a favorisé une hiérarchisation des corporations allant jusqu'à créer une « aristocratie ouvrière ». Elle joua aussi avec l'immigration. Elle se servit du lumpenprolétariat. Toutes choses qu'elles a maintenues et « diversifiées » aujourd'hui. Au début des années 1980 des thinks tank de bourgeois « socialistes » avaient conclu à une disparition de la classe ouvrière, nous faisant beaucoup rire. N'est-ce pas nous qui devons rire jaune actuellement ?

On ne parlait plus depuis lors que de « couches moyennes » opposées à une minorité d'ultra-riches. Mais soudain on nous dévoile qu'il ne faut pas tout mélanger car...le nombre d'ouvriers est en diminution. La preuve parles chiffres montrant qu'il y a désormais plus de ronds de cuir diplômés que de bleus de chauffe. La preuve par EDF où la mafia CGT a perdu la première place vu la prégnance des cadres ; pourtant pour d'autres raisons plus triviales1. Le délitement du syndicalisme dit radical s’expliquerait par de multiples raisons, notamment le changement de profil sociologique des salariés d’EDF. .. Les cadres, espèce diplômée et arriviste, n'ont aucune propension à se considérer prolétaires même avec une baisse (relative) de leur "niveau de vie" confortable et contestataires du "travail aliéné",pas comparable avec celui des boueux noirs et des turcs sur les chantiers en ciment.

Le plus édifiant dans cette propagande est cette vertu révolutionnaire prêtée à la classe dominante : elle est antiraciste et totalement internationaliste concernant l'immigration ; preuve de plus qu'elle a intégré l'idéologie gauchiste néo-stalinienne. Or la bourgeoisie moderne n'a jamais été et ne sera jamais révolutionnaire2. Pour faire court je rappelle que le comité des forges (grand patronat de l'époque) en 39-45 fût pétainiste et collabora totalement avec les nazis, sans être inquiété à la « libération »3. Leur soudaine et généreuse politique en faveur de l'immigration incontrôlable n'est en rien un soutien à la classe ouvrière mis une action en faveur de sa destruction., de sa division d'abord, de la relégation de la classe autochtone au rang de couche arriérée en Irlande comme en France et dans la plupart des pays dits développés, en tout cas pas aliénés par l'islam. Quand elle n'est pas réduite à l'alliance réactionnaire entre « la boutique et les couches populaires », où ses jeunes (« apolitiques ») votent majoritairement RN.

Le soutien « multiculturaliste » à la progression incontestable de l'islamisation d'une partie de la classe ouvrière va de pair avec la confusion avec ce lumpenprolétariat composé surtout par les enfants des immigrés antifrançais, présenté par la gauche bourgeoise des clans de la NUPES comme un succédané révolutionnaire plus antiraciste apolitique et nihiliste que anticapitaliste4. Un état de fait plus grave, plus clivant et plus dissolvant que l'ancien clivage ouvrier-artisan et ouvrier-masse. A surveiller et à suivre.

Arbeiterradikalismus

Ce livre est aussi connu sous le titre : Zwei Formen des Radikalismus in der deutschen Arbeiterbewegung (Deux formes de radicalisme dans le mouvement ouvrier allemand). Long d’à peu près 110 000 mots, ce livre comprend plusieurs pages de photos qui ne sont pas essentielles pour le texte. Il y a environ 30 pages de notes de bas de page ainsi qu’une biographie. Il n’y a pas d’index.

Arbeiterradikalismus est une étude comparative des formes dominantes du radicalisme ouvrier dans deux villes allemandes, Hamborn et Remscheid5 , durant la Révolution allemande. Ces deux villes se sont fait connaître parce qu’elles ont été des centres du radicalisme au cours de la révolution, mais, dans chacune de ces villes, ce radicalisme s’est exprimé dans une forme très différente. En gros, la forme dominante à Hamborn était caractérisée par une action militante directe, visant à des gains sociaux-économiques immédiats, et structurée en dehors des (et contre les) organisations traditionnelles du mouvement ouvrier telles que le SPD et les syndicats. À Remscheid, le radicalisme prenait forme comme un mouvement visant des changements politiques à l’échelle de la nation, tels que le transfert du pouvoir au système des conseils. À Remscheid, les radicaux provenaient du mouvement ouvrier d’avant-guerre, et leurs organisations, telles que l’USPD, avaient leurs racines dans ce mouvement. Lucas tente d’expliquer ces différences par une étude historique-sociologique de la classe ouvrière dans ces deux villes. Il prend en considération leurs conditions de travail, leurs niveaux de vie et leurs conditions de logement. Il prend en outre en considération des questions qui sont souvent négligées parce qu’elles seraient “non-politiques” comme les traditions différentes des associations culturelles dans les deux villes. Ceci est combiné avec une analyse de la composition de la classe ouvrière dans les deux villes ; quelle était sa composition en ce qui concerne les différents groupes d’âge, la proportion des ouvriers immigrés et le rôle économique des femmes. Le véritable objectif du livre est d’établir des connexions entre la structure sociale et les conditions de vie et de cette manière de fournir du matériel en vue de conclusions politiques. Lucas discute des différences entre les deux villes dans la première partie de son livre (intitulée : “Analyse des conditions”). Dans un chapitre relativement court (“Transition”), Lucas passe à une discussion sur la résistance de la classe ouvrière avant et durant la Première Guerre mondiale. La deuxième partie principale traite de l’activité de la classe ouvrière dans les deux villes et dans leurs environs au cours de la Révolution allemande. La partie finale du livre résume ses conclusions, examine les observations contemporaines portant sur la Révolution allemande et se termine par la considération des débats dans le gauchisme allemand au cours des années soixante-dix.

Débat sur la révolution

Il est utile d’examiner pourquoi Lucas a écrit ce livre avant de discuter de son contenu et de ses conclusions. Arbeiterradikalismus est simultanément un ouvrage érudit et profondément politique. Lucas était un historien de gauche radical et un activiste du SDS. Il a écrit ce livre comme pour intervenir dans les discussions sur la stratégie révolutionnaire. Et de manière spécifique, ce livre est une réponse à la thèse développée par Karl Heinz Roth. Roth a formulé une analyse de la Révolution allemande et de son échec en déclarant que la colonne vertébrale du mouvement ouvrier “classique” de la période antérieure à la Première Guerre mondiale était constituée d’ouvriers qualifiés qui étaient les héritiers de la culture et des conditions de vie des artisans précapitalistes. Ces ouvriers, argumentait Roth, s’identifiaient à leur travail et ils cherchaient à défendre leur autonomie relative dans le procès de production contre la “rationalisation” capitaliste et la déqualification. Les révolutionnaires allemands qui constitueraient ultérieurement le KPD étaient l’aile la plus radicale de ce mouvement. Ce mouvement, soutenait Roth, essayait de changer le régime politique en Allemagne en amenant ses dirigeants au pouvoir et, de cette façon-là, de renverser les résultats négatifs de l’empiètement capitaliste sur leurs conditions de vie.

Par opposition à ces ouvriers-là, Roth affirmait que le capitalisme moderne avait produit un nouveau type d’ouvrier qu’il désignait sous le terme d’“ouvrier de masse”. C’étaient des gens qui avaient été arrachés à des modes de vie pré- ou non-capitalistes, et qui travaillaient comme ouvriers non qualifiés dans des compagnies et des usines de grande dimension. Contrairement à ceux qui composaient le mouvement ouvrier classique, les ouvriers de masse ne s’enorgueillissaient pas de leur travail. Ils ne se sentaient pas non plus chez eux dans des organisations qui faisaient appel à leur identité d’“ouvriers” et dans leurs structures hiérarchiques qui étaient le reflet de l’organisation des usines. Au lieu d’améliorer leur position dans le procès de production, ces ouvriers de masse tentaient de lui échapper complètement et, si c’était impossible, de l’éviter autant que possible.

À la différence du mouvement ouvrier organisé dans les partis et les syndicats, les ouvriers de masse constituaient ce que Roth appelait le « mouvement des autres ouvriers » qui était, lui, souvent organisé de façon non formelle, et qui s’exprimait dans de grèves “spontanées”, des émeutes et des actes quotidiens de rébellion tels que le sabotage, le refus de travailler, des tentatives pour gagner sa vie autrement, par des moyens “criminels”, et cetera. Dans cette lecture, la Révolution allemande a échoué parce que le mouvement ouvrier classique représentait une couche de la classe ouvrière qui disparaissait lentement, qui était motivée par une nostalgie pour les conditions pré-capitalistes et qui se limitait à vouloir changer le régime politique. C’était insuffisant pour attirer les nouveaux “ouvriers de masse” qui désiraient révolutionner le procès de production lui-même. Au fur et à mesure que le capitalisme se développait, l’“autre” mouvement, celui des ouvriers de masse, était seulement devenu plus important, alors que les organisations ouvrières classiques s’atrophiaient. Voilà pour les thèses de Roth.

Le livre lui-même :

Dans la gauche radicale allemande des années soixante-dix, ces idées étaient devenues tout à fait influentes. Mais Lucas n’était pas d’accord avec cette vision des choses. Selon lui, elle était devenue un dogme trop généralisateur. Arbeiterradikalismus visait à tester de manière critique ce point de vue au moyen d’une recherche historique empirique. Hamborn était une ville qui paraissait être l’illustration de l’“ouvrier de masse”. Elle était une ville minière qui a grossi rapidement, et elle était dominée par les compagnies des mines. Beaucoup de mineurs étaient de jeunes migrants provenant des différentes parties de l’Allemagne ou de l’étranger, par exemple de la Pologne. Pauvres et surexploités, ces travailleurs étaient considérés comme « inorganisables » en raison des barrières de langue et parce que beaucoup d’entre eux passaient d’un emploi à un autre s’ils en avaient l’occasion. En 1910, plus d’un tiers des ouvriers étaient des migrants et la population avait triplé en moins de dix ans. Le crime violent s’était répandu. Lucas suggère que cela était le résultat en partie des conditions de stress élevé et de la pauvreté des ouvriers, et en partie l’expression d’une révolte sociale. Lorsque la Révolution allemande a éclaté, ces ouvriers ont manifesté une capacité impressionnante d’action militante sous la forme de grèves, de piquets de grève  volants et de confrontation avec les forces de répression. Ces actions étaient organisées indépendamment des faibles organisations ouvrières traditionnelles dans la région telles que les syndicats et le SPD. À Hamborn, ces organisations étaient de plus plutôt d’aile droite, souvent alliées avec des forces bourgeoises “progressistes” et les patrons.

À Remscheid, Lucas le montre, les conditions de vie des travailleurs étaient complètement différentes. Il y avait existé une forte tradition artisanale. Contrairement à Hamborn, l’industrialisation a été lente et à une petite échelle à Remscheid. Les traditions artisanales y sont demeurées influentes pendant longtemps. Les ouvriers étaient fiers de leur savoir-faire et de leurs traditions. Et de nouveau, contrairement à Hamborn, le SPD et les syndicats étaient forts et influents à Remscheid ; ils avaient réussi à obtenir des améliorations dans les conditions quotidiennes de vie et ils avaient en contrepartie gagné en légitimité aux yeux des travailleurs. Lorsque la guerre éclate, Remscheid devient un centre de la gauche dans le SPD et plus tard un centre de l’USPD. Au cours des années de révolution, ce mouvement, étroitement contrôlé par des dirigeants bénéficiant d’un large soutien, formule des propositions en faveur de changements politiques radicaux à l’échelle nationale. Il est cependant incapable de comprendre les actions radicales “inorganisées” telles que les grèves sauvages. Il met plutôt ses espoirs sur un changement « venant d’en haut ». Lucas discute tout particulièrement de son approche du système des conseils. Les radicaux de Remscheid soutenaient un transfert du pouvoir aux conseils, mais ils essayaient de le réaliser par les voies officielles des réunions et des résolutions des mouvements ouvriers. Là, les opposants au transfert du pouvoir aux conseils, c';est- à-dire le SPD, se sont montrés meilleurs tacticiens qu’eux. Les voies officielles du mouvement ouvrier étant fermées, les radicaux de Remscheid étaient incapables de développer une stratégie alternative. Les constatations de Lucas confirment en partie les thèses de Roth, mais elles divergent sur certains aspects essentiels. Bien que les ouvriers de Hamborn puissent être considérés comme des exemples de “l’ouvrier de masse” de Roth et leur activité comme un exemple de « l’autre mouvement ouvrier”, cela demeurait en un sens une sorte de réformisme militant. Leurs objectifs étaient essentiellement limités à des améliorations économiques dans le cadre du procès de production existant, et ils étaient de nature locale. Plutôt que de demander le transfert du pouvoir aux conseils à l’échelle nationale, les ouvriers d’Hamborn luttaient pour de meilleurs salaires et des horaires de travail plus courts. Lucas explique ceci en se référant aussi bien à leurs conditions de vie extrêmement pauvres et précaires qu’à leur manque de confiance dans les dirigeants du mouvement socialiste national. Les ouvriers de Hamborn avaient besoin d’améliorations immédiates, et ils n’avaient pas confiance dans les projets à long terme des partis tel que l’USPD et les radicaux syndicalistes. Lorsque la répression s’est intensifiée, les ouvriers d’Hamborn ont été isolés du reste du pays et leur mouvement a été finalement écrasé.

Les ouvriers de Remscheid pourraient au premier coup d’œil faire figure d’exemples des ouvriers classiques décrits par Roth. Les conditions de vie de la classe ouvrière y étaient meilleures (relativement parlant bien sûr). Les ouvriers de Remscheid avaient une grande confiance dans leur organisation et dans ses dirigeants qui avaient réussi à leur obtenir des améliorations importantes. La stabilité des conditions de vie des ouvriers de Remscheid se reflétait dans leur engagement à construire des organisations ayant des objectifs à long terme. Après le déclenchement de la révolution, beaucoup d’ouvriers de Remscheid ont soutenu les initiatives prises par leurs dirigeants en vue d’un changement politique radical. Quand ces dirigeants ont cependant échoué dans leurs tentatives d’obtenir des majorités pour leurs propositions dans le congrès nationaux des conseils, les radicaux de Remscheid n’ont plus su quoi faire ensuite. À la différence de Hamborn, il y avait peu d’auto-organisation en dehors des structures des syndicats et des partis. Mais contrairement à ce que Roth soutenait, c’est l’aile radicale du mouvement ouvrier classique, comme l’activité révolutionnaire à Remscheid en a été l’illustration, qui visait réellement à révolutionner le procès de production et à socialiser les moyens de production. Le mouvement de Remscheid était essentiellement politique, tandis que celui de Hamborn était largement économique.

Dans sa conclusion, Lucas élargit son champ de vision pour discuter non seulement de Hamborn et de Remscheid, mais de la Révolution allemande dans son ensemble. Lucas critique particulièrement la tendance des différentes organisations politiques à opposer une partie de la classe ouvrière à une autre. La classe ouvrière est objectivement fracturée et c‘est le résultat du développement capitaliste : au lieu d’identifier « le segment le plus révolutionnaire » de la classe ouvrière (qu’il soit composé des ouvriers les plus pauvres ou bien de ceux qui ont la plus d’expérience politique), un mouvement révolutionnaire a besoin de surmonter ces différences et de créer l’unité, qui n’existe pas encore, de la classe. Lucas conclut que l’échec de la Révolution allemande peut être expliqué par l’occasion manquée d’une fusion de l’action militante auto-émancipatrice, telle qu’elle est illustrée par Hamborn, et du changement radical généralisé, tel qu’il est illustré par le programme des radicaux de Remscheid.

Remarques générales

Erhard Lucas (1937-1993) a obtenu son doctorat en 1972 et son Habilitation en 1976. Il a enseigné l’histoire sociale moderne à l’université Carl von Ossietzky d’Oldenbourg. En dehors d’Arbeiterradikalismus, il est le plus connu pour son ouvrage en trois volumes : Märzrevolution 1920 qui porte sur le mouvement révolutionaire dans la région de la Ruhr. En outre, il a publié un ouvrage plus petit qui contient des essais sur « l’échec du mouvement ouvrier allemand ». Son travail est caractérisé par un engagement à gauche, une recherche empirique approfondie et une attention prêtée à la vie quotidienne des travailleurs, ainsi que sur la façon dont elle affecte leur politique et leur organisation. De cette manière-là, Lucas fournit un explication matérialiste des différences en matière d’idéologie politique et de formes d’organisation au sein de la classe ouvrière qui ne dépend pas des notions de “ manipulation” ou d’“infiltration” par des forces (petites-)bourgeoises. Ses livres sur la Révolution allemande sont considérés comme des classiques. Leur politique claire et le fait qu’ils aient été publiés par une maison d’édition de gauche a naturellement signifié que, dans les débats académiques, ils n’avaient pas reçu l’attention qu’ils méritent. Ce livre est un plaisir de lecture car Lucas a su allier clarté et rigueur. Lors d’une critique dans le History Workshop Journal, John Evans décrivait l’ouvrage comme étant écrit dans un « style intéressant, sans jargon » ; « il s’adresse à un large public et il est documenté avec une érudition qui est minutieuse sans être en aucune de manière envahissante, et qui parvient en même temps à se libérer des perspectives institutionnelles étroites dans lesquelles l'histoire ouvrière allemande a été si longtemps confinée » Pour un public anglophone, ce livre serait particulièrement intéressant en raison aussi bien de son attention prêtée à des aspects souvent négligés de la vie quotidienne que de la manière créative avec laquelle Lucas associe ces expériences au comportement politique.

Arbeiterradikalismus remet en question les explications simplistes encore largement répandues de l'échec de la révolution allemande comme étant le résultat de « l'absence de parti d'une avant-garde léniniste » en montrant les fondements matériels des divisions au sein de la classe ouvrière. En même temps, le livre montre que les révolutionnaires jouissaient d’un large soutien parmi les travailleurs. Certaines des composantes les plus radicales du mouvement étaient les héritières de longues traditions d’organisation et de politique ouvrière, plutôt que les aventurières marginales telles que le SPD les présentait. Le livre est toujours aussi pertinent dans la mesure où le concept d’ouvrier de masse de Roth ainsi que les idées similaires sont devenus influents dans et à travers la pensée marxiste autonomiste. Et bien sûr, en tant qu’histoire d’une partie importante de la révolution allemande, ce livre constitue un complément précieux à la littérature. Un public international contemporain a probablement besoin d’un certain contexte additionnel pour qu’il apprécie pleinement ce livre. Lucas suppose plus ou moins que ses lecteurs seront d’accord avec le fait que la Révolution allemande ne soit pas parvenue à renverser le capitalisme a été une importante étape sur la voie du fascisme.

De plus, bien que le débat avec Roth soit central dans le livre, Lucas ne le traite explicitement que brièvement, en supposant à nouveau que ses lecteurs aient été largement familiers avec lui. Une courte introduction portant sur ce débat et sur le travail de Lucas en général serait utile. Pour conclure. Je recommanderais une traduction de cet « ouvrage fascinant et important » (Richard Evans).


NOTES

1On nous explique que c'est grâce à la découverte du CE pourri, sous-entendu donc les ouvriers en général...j’ai travaillé 35 ans dans la boite où je n’étais pas le seul à dénoncer ces apparatchiks. Les articles de la presse bourgeoise ne dénoncent pas l’essentiel : la complicité de l’Etat gaulliste et post-gaulliste, achat de la paix sociale avec la protection de cette aristocratie syndicale déterminante en cas de lutte massive en France : en 68 la CGT a freiné des quatre fers ; une explosion à EDF aurait autrement paralysé le pays que n’importe quelle grève à Billancourt. Le fait le plus important n’est pas que le nombre de cadres excède celui des ouvriers (tendance générale) mais que cette forteresse électrique ait été dénationalisée et que la bourgeoisie écolo pro-US ait saboté le nucléaire !

2De plus, sa « lutte » contre l'antisémitisme ne fait que l'encourager par son soutien aux fachos juifs et l'exposition des souteneurs intellectuels majoritaires dans les médias. Idem pour la violence faite aux femmes, ce ne sont pas les bourgeoises qui sont violées en général mais la petite ouvrière ou lycéenne qui continueront à être victimes dans leurs quartiers glauques.

3Lire l'ouvrage de l'historienne Annie Lacroix-Riz : La non-épuration en France (1943-1950). Comme nous en avait témoigné Marc Chirik ; « ils n'ont exécuté qu'une poignée de salauds, la plupart des politiques pétainistes de Bousquet aux grands patrons ont gardé leur place dans l'appareil d'Etat, au nom de leur récent engagement dans la résistance ».

4La clique à Mélenchon réussit malheureusement à entraîner une partie de la classe, français et immigrés non pour une véritable lutte contre la guerre mais derrière le suranné nationalisme palestinien.

5 Hamborn est un quartier de la ville de Duisbourg, qui se situe en Rhénanie du Nord-Westphalie comme Remscheid. (NdT).