PAGES PROLETARIENNES

vendredi 30 juin 2023

EMPECHER L'EMEUTE DE DEBOUCHER SUR LA LUTTE DE CLASSE


 

“En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin.” Nicolas de Chamfort (1794)
 «On est en train de remplacer le vieux monde des solidarités par le jeune monde de l’abandon de ceux qui en ont besoin.» Jean-Louis Borloo (2018)

Le chaos qui se répand sur le territoire de la France n'est pas impossible à juguler pour les jours à venir simplement parce qu'il serait une indignation populaire spontanée face à un meurtre policier, ni comme simple confirmation de l'explosion sociale plus ou moins attendue. Il est impossible à gérer sereinement faute d'interlocuteurs. En premier lieu parce que la masse des dits émeutiers est constituée de nombreux adolescents voire d'enfants. Ces jeunes ne sont ni des terroristes ni des voyous. Ils sont définissables en majorité non pas comme des « paumés » des banlieues ; mais comme enfants de la classe ouvrière, déshérités, voués à une existence de merde. Et surtout invisibles jusque là, même si les commentateurs superficiels tentent de comprendre en comparant avec 20051.

Or, ce chaos, casse généralisée avec pour seul ordonnancement la compétition à la casse spectaculaire via tik tok (réseau chinois...), n'est qu'un retour de bâton pour la bourgeoisie : avec son idéologie de dissolution des classes sociales depuis des décennies – le qualificatif fumeux et généraliste de « couches moyennes » et la fable de la gauche caviar nommée « mixité sociale » - elle a perdu tout moyen de négocier quoi que ce soit. Alors qu'une classe reconnue, avec tous ses composants, peut être une entité tangible avec qui négocier, là rien à discuter. En quelque sort la bourgeoisie fait face à son propre chaos qu'elle a généré et continue à générer avec le révisionnisme wokiste. Elle est même désarmée avec l'inutilité idéologique des théories bobos fémino-écolo-sexolo-rigolos. La gauche « radicale » a pris peur également : le brave Mélenchon a appelé à ne pas brûler les écoles et les médiathèques. Or ce sont des cibles normales pour tant de déshérités en échec scolaire, tout comme la « culture » des médiathèques qui les intéresse pas du tout comparées leur portable. Mélenchon n'a rien dit contre les attaques de mairies et de commissariats. Or ces attaques sont encore plus compréhensibles que le saccage du système marchand (commerces, journalistes et banques : ce sont les symboles du système de domination, de terreur et de foutage de gueule. En gros, même impulsif, le grondement de la lutte est plus politique et grave que les émeutes de 2005 et celles qui ont suivies.

C'est sûr que trois jours d'émeutes ont plus fait trembler l'Etat que les quatorze pantalonnades syndicales, sans pour autant qu'il perde la main, ou soit acculé comme on va le souligner. Il n'y a que deux facteurs dans cette indignation légitime après le meurtre policier qui sont comparables à mai 68. A l'époque c'était parti de Nanterre, et le mouvement s'était généralisé après la vision des images de télévision où l'on voyait les flics tabasser les gens. Dans les deux cas, ce ne fût ni le retraite ni les augmentations de salaire qui furent la cause d'une confrontation directe et spontanée avec l'Etat. La manif pour les retraites au début de l'an 68, tout le monde s'en foutait, cela faisait partie du ronron syndical.

Or tout est différent aujourd'hui. L'Etat n'a plus la même rigidité qu'à l'ère gaulliste. Il est néanmoins incapable de solutionner un éclatement d'une société « sans classes » (sans pères et sans repères...) - devenue mixage harmonieux d'anciennes couches toujours hiérarchisées - qu'il a contribué à déstabiliser et à décomposer depuis des décennies. Certes il y a toujours des petits cons inconscients, et la majorité des "gamins" ne sont pas d'origine française, mais cela n'élimine pas le fait que ce sont des enfants d'une classe ouvrière qui a perdu homogénéité et identité, et où la question raciale peut tout autant que l'exploitation capitaliste être une des causes des émeutes.

Pourtant le feu était prévisible et anticipé, mais partiellement. Laurent Berger, utile berger de l'Etat en milieu ouvrier, avait déclaré au début de cette année, comme je l'ai rappelé dans un de mes articles précédents : « si nous ne prenons pas les devants, l'explosion sociale aura lieu sans nous». Sauf que, comme tous nos révolutionnaires professionnels (gauchistes et CCI), arc-boutés sur la retraite des « vieux » travailleurs (mais avec tout de même l'avantage d'avoir du travail) syndicats et partenaires sociaux ont oublié « les jeunes » beaucoup plus en difficulté voire transparents pour toute la gent politique et révolutionniste !

La société a toujours tendance à s'enfoncer dans le conservatisme. Ce bon vieux Liebknecht a encore eu raison « la jeunesse est révolutionnaire ». Ce n'est pas pour rien que 68 a été qualifié initialement de s »soulèvement de la jeunesse », sauf qu'à l'époque la référence à la classe ouvrière n'était pas étouffée par sa négation sociologique inaugurée par les mafias think tank de la gauche bourgeoises des années 80. Se considérer comme prolétaire aujourd'hui est pratiquement une injure. L'individualisme est roi sur la planète de tik tok et du portable. L'exemple d'avenir est le foutbolleur milliardaire ! Ce qui donne à cette révolte massive subite un aspect nihiliste; mais je doute de la supposition nihiliste ou irrationnelle, des adultes manipulateurs sont présents, en particulier des salafistes, naturellement intéressés à foutre le bordel dans ce pays de mécréants!

Je me fiche des louvoiements de l'Etat (gouvernement + oppositions de parade) dont se repaissent les larbins journalistes. Il m'intéresse plus de regarder en arrière, non pas les promesses gentilles du plan Borlo ni le crétinisme du Macron appelant à la responsabilité des familles (lesquelles sont dissoutes ou monoparentales), et de rappeler le désengagement politique d'une grande partie de la classe ouvrière et d'origine immigrée, vérifié par les émeutes du passé qui furent aussi des « avertisseurs d'incendie » que les sectes d'un marxisme bègue comme le CCI refusent de voir ou d'analyser pour sanctifier la seule lutte économique des « vrais ouvriers »2. Dans un article de ce blog à l'époque, je reproduisais un article du journal Le Monde ainsi titré :

L'abstention en banlieue, plus grave que les émeutes ?

(article du journaliste Luc Bronner)

« Médiatiquement et politiquement, l'abstention des cités sensibles ne vaut pas une émeute avec son cortège de voitures incendiées et d'images spectaculaires pour illustrer la gravité de la crise des banlieues. Les résultats des élections régionales, qui prolongent les constats des précédents scrutins, devraient pourtant interpeller la société française, plus encore que des véhicules brûlés. Avec des taux d'abstention qui dépassent les 70 % des inscrits, les habitants des quartiers difficiles ont exprimé leur sentiment d'être en dehors de la vie électorale, en dehors du système politique, en dehors de la République. Là où les émeutes de 2005 avaient été provoquées par quelques milliers de jeunes, souvent adolescents, le refus de voter est un signal de défiance vis-à-vis du politique envoyé par plusieurs centaines de milliers d'habitants, Français, adultes, qui ont symboliquement brûlé les urnes, jugées inutiles. Avec, comme pour les émeutes de l'automne 2005, une ville symbole : Clichy-sous-Bois figure en tête du palmarès des communes les plus abstentionnistes avec 31,3 % de votants au second tour. Plus de 6 000 des 9 000 électeurs de cette ville de Seine-Saint-Denis ont refusé de se déplacer - un chiffre à comparer aux quelque 200 à 300 émeutiers recensés, en octobre 2005, ou aux 400 habitants qui avaient participé à une marche silencieuse après le décès de deux adolescents à l'origine des émeutes. Une défiance exprimée dans des proportions comparables à Grigny, à Stains, aux Mureaux, à Sarcelles, à Bobigny ou à Villiers-le-Bel, autant de villes qui incarnent la "crise des banlieues". Comment comprendre cette attitude de retrait de la vie démocratique? ».

Bonne question, mais le journaliste bcbg opérait un glissement à la Zemmour, il pointait du doigt les français de « récente immigration » et la politique ultra-répressive du gouvernement :

 Pourquoi le souffle créé par les émeutes de 2005, qui s'était traduit par une diminution de l'abstention lors de la présidentielle de 2007, est-il retombé aussi vite ? Comment des citoyens tolèrent-ils de telles conditions de vie sans exprimer leur colère autrement que par le non-vote ? Comment se fait-il qu'aucune force politique, associative ou syndicale ne parvienne à représenter ces populations ? ». *

Ce journaliste de la gauche bcbg soulignait que ce dédain des urnes n'était pas pour autant un signe politique de regain de la conscience de classe :

 « Ces résultats prolongent également, dans le champ électoral, les phénomènes de ségrégation. Puisque la République trahit ses promesses, la majorité des habitants, pas simplement une poignée d'émeutiers, ne se sentent plus liés par leurs devoirs électoraux. Car la ghettoïsation des quartiers n'a cessé de progresser au point que certaines cités abritent presque exclusivement ce qu'on appelle sur le reste du territoire des "minorités visibles" - pour ne pas dire "Noirs" et "Arabes" - et qui sont devenues des "majorités visibles" dans certains territoires ».

Au nom de la fumisterie de la « mixité sociale et du « pas de vague », « pas d'appel à la haine' et « non à l'islamophobie », cette même gauche toujours bourgeoise avec Le Monde, Libération, L'OBS, Médiapart (qui exige une bonne police bourgeoise) et France Inter, prétend rendre invisibles ces « minorités ethniques » et dénient à tout contradicteur d'en évoquer la problématique sauf à se faire traiter de facho, comme tout critique du stalinisme naguère.

REDUIRE LES EMEUTES A UN BORDEL DE VOYOUS IMMIGRES

En mars 2017, j'écrivais ici : « La haine de la police « de classe » faisait partie intégrante du rejet prolétarien de la société bourgeoise. Mais, comme je l'ai constaté pour la récupération de l'internationalisme envers les immigrés, la bourgeoisie réussit à déconnecter cette haine de classe et à la présenter comme une haine communautariste pour la partie immigrée ou néo-colonisée de la classe ouvrière, et à parvenir à faire croire à la partie autochtone que la police serait prête à la défendre... contre le terrorisme (sous-entendu « immigré » = venant de l'étranger) ».

L'union nationale du mensonge déconcertant fonctionne à plein régime et transpire par tous les canaux télévisés ; presse papier, réseaux (car l'Etat est aussi sur les réseaux tout en se disant victime de ceux-ci!). On dramatise à fond, on repasse les mêmes images de destruction, on insiste lourdement sur les dégâts pour les « habitants » ou les « usagers », bien que ce soit un appel à l'indignation de cette classe ouvrière si refoulée dans la sociologie journaliste barbante et creuse : comment ces jeunes, très jeunes, peuvent-ils sans vergogne brûler les voitures de leurs parents, les autobus ou tramway qui les mène au turbin ? Ne comprennent-ils pas que le travail est une libération et pas une aliénation comme l'a justement déclaré le camarade Laurent Berger ?

Certes on ne fait pas de révolution sans casser d'oeufs, ni d'émeute sans péter une vitrine même des magasins pour pauvres comme LIDL ou Action. Mais en quoi auraient-ils besoin de se justifier ou de rendre des comptes à un système qui les méprise, leur tape dessus, les contrôle au faciès, ou tue ponctuellement et cyniquement un jeune comme Nahel ?

Quel organisme politique peut représenter un espoir sérieux de virer cette société pourrie ? Aucun. Existe-t-il un programme solide de transformation de cette société ? Si l'on en croit les médias, il n'y en a pas, ou celui de Le Pen ou de Mélenchon, des pitres à blabla !

L'Etat se sert de l'indignation des « citoyens » face aux violences, en exhibant les signaux les plus

Pour une justice voilée des frères?

« arabisants », racistes et communautaristes dans les manifestations successives ; on peut lire « une majorité de femmes noires sont violées, pas les blanches », « dissolution de la police » (pour mettre a place?), etc ? La mère de Nahel est venue, sans aucune pudeur ni décence, s'exhiber sur la plate-forme d'une camionnette saluant la foule comme une chanteuse de variétés ; Assa Traoré avec sa tignasse ridicule était venue aussi parader et s'exhiber. La femme de ménage de l'impérialisme US, l'ONU, en a profité pour demander à l"Etat français de se pencher "sur le problème du racisme dans la police française", au lieu de s'occuper de son cul.

Ainsi, mise en images par les médias, la contestation anti-flic, mais pas anti-capitaliste, sert aussi parallèlement à éviter de laisser voir la vérité : un drame qui relève de l'opposition des classes, et qui suppose de lutter contre les crimes d'Etat, non pas contre le seul flic criminel (dixit la mère de Nahel) mais contre cet Etat bourgeois, qui, avec toutes ses mièvreries et compassions navrantes n'est ni amendable ni représentant de la masse du prolétariat, appelé à se soumettre à nouveau à une « protection policière » qui tue au besoin, par zèle.

Enfin il faut reconnaître la situation comme inédite. On a fait oublier que en 2005 Sarkozy avait pu négocier avec les chefs dealers pour contribuer au retour au calme, après avoir appelé à "nettoyer au kärcher" . Mais les racailles de la drogue se sont avérés débordés ce coup-ci ; la preuve à Marseille qui était restée calme les trois premiers jours. L'émeute dérange pourtant trop le deal et la bourgeoisie ! Les syndicats dealers resteront-ils aussi impuissants que la CGT?

A continuer...

UTILES REFLEXIONS POLITIQUES ET SOCIALES hors de la propagande anti-raciste de la bobocratie


Pour les auteurs de violences, il y a une caractérisation de leurs propres infrastructuresLorsqu’on regarde les cibles, ce ne sont pas n’importe lesquelles. Il y a bien sûr une dimension un peu erratique dans les choix, mais les institutions publiques sont particulièrement ciblées : les voitures de police, les commissariats, les mairies, les écoles. Ce sont des éléments avec lesquels les populations entretiennent des rapports difficiles. Le cas de Nahel met en évidence le sujet de la police, mais il y a un profond sentiment d’injustice et un rapport conflictuel avec l’ensemble des services publics et culturels, et notamment l’école.


Il ne faut pas sous-estimer la conscience politique de ces quartiers, avec une mémoire des évènements passés et de nombreuses évocations aux précédents cas de violences policières ou d’injustice sociale.

En ciblant leur quartier, les émeutiers amènent la police sur leur propre terrain, ce qui est un avantage non négligeable lors des nombreux affrontements. Ils connaissent la topographie des lieux, les planques, les fuites éventuelles, les endroits à éviter... A contrario, on a très bien vu avec les « gilets jaunes », ou le mouvement contre les retraites, à quel point vouloir affronter le pouvoir sur son terrain à lui - les boulevards parisiens et les grandes villes - était un désavantage contre la police. Il suffit de comparer le nombre de blessés. 

Il faut donc sortir de cette image d’émeutes totalement chaotiques. Les auteurs de violences ne ciblent pas leur quartier par hasard, et les cibles choisies ne sont pas totalement irrationnelles. Il y a des débordements, bien sûr, et des attaques qui n’ont pas vraiment d’explication. Mais dans la majorité des cas, les cibles sont des structures contre lesquelles il y a un fort ressenti.

On trouve aussi beaucoup de supermarchés pillés...

Ce n’est pas totalement nouveau, mais on peut mettre cette cible en parallèle avec l’inflation en cours et les difficultés de pouvoir d’achat, d’autant plus dans les quartiers populaires. Dans un certain nombre de ces lieux, les commerces et les établissements particulièrement pris pour cible sont le symbole d’une certaine gentrification : boulangerie haut de gamme, magasin bio, boutiques de luxe… Ces établissements représentent une transformation sociologique de ces quartiers, avec l’arrivée de nouveaux habitants plus aisés financièrement - et donc le sentiment pour les anciens d’être encore plus déclassés et exclus.

Julien Talpin, interview sur 20 minutes


NOTES

1A la fin du siècle dernier, la mort d'un gars de la cité des Minguettes à Vénissieux, lors d'affrontements avec la police avait été à l'origine de la «marche des Beurs», qui servit de merveilleuse base de recrutement pour le PS, avec le petit arriviste Julien Dray. Le 27 octobre 2005, trois adolescents poursuivis par la police croient pouvoir se réfugier dans l'enceinte d'un transformateur EDF (où c'est indiqué : interdit risque de mort. Un arc électrique de 20.000 volts tue sur le coup Bouna Traoré, âgé de 15 ans, et Zyed Benna, 17 ans. Muhittin, le troisième, âgé lui aussi de 17 ans, est gravement brûlé mais parvient à s'enfuir. Le soir même, des émeutes se déclenchent à Clichy Sous-Bois. Pendant trois semaines, des jeunes brûlent des voitures et agressent pompiers et policiers. L'insurrection gagne les cités alentour, puis les grandes villes de France début novembre, après qu'une grenade lacrymogène policière a ricoché et atterri dans une mosquée, provoquant la colère de la communauté musulmane, qui permit ainsi de réduire la répression et l'accident à un problème de banlieue « islamisée ». Idem en ce moment.

2 En mars 2017, ils n'avaient pas peur de se ridiculiser en écrivant : « Tous ces mouvements sociaux, aux causes et aux objectifs disparates, ont reçu une large publicité et souvent fait la Une des journaux du monde entier. Il est grand temps que les marxistes révolutionnaires dénoncent ces chimères de révolution et y opposent l’authentique mouvement de transformation sociale qui, lui, ne reçoit pas la même attention des médias : la lutte de classe du prolétariat international.On ne peut donc pas s’étonner du fait que la bourgeoisie retire une certaine satisfaction de l’impuissance des révoltes sociales, même si celles-ci révèlent l’incapacité du système à offrir le moindre espoir de panser les plaies béantes qui affligent la population mondiale. Les révoltes sociales ne représentent pas une menace pour le système, elles n’ont ni revendication ni perspective capable de mettre sérieusement en cause le statu quo. Elles ne dépassent jamais le cadre national et sont en général isolées ou dispersées ».

lundi 26 juin 2023

COMMENT EXPLIQUER L'INERTIE DU PROLETARIAT RUSSE DANS LA GUERRE

et des autres prolétariats (cette léthargie (provisoire?) du prolétariat international contre la guerre) « S'emparer de territoires et asservir des nations étrangères, ruiner la na­tion concurrente, piller ses richesses, détourner l'attention des masses laborieuses des crises politiques intérieures de la Russie, de l'Allemagne, de l'Angleterre et des autres pays, diviser les ouvriers et les duper par le mensonge nationaliste, et décimer leur avant‑garde pour affaiblir le mouvement révolutionnaire du prolétariat : tel est le seul contenu réel, telle est la véritable signification de la guerre actuelle ». Lénine 1914 « Nous comprenons mieux ce qui fut perdu, ce qui fut “enterré” et ce qui n’est toujours pas résolu. » Thompson 1989 ; destruction du mur de Berlin 1991 ; CHUTE DE L’URSS NOUVEL EFFONDREMENT DE LA RUSSIE ? Le tocsin de la raison (la révolution) est-il étouffé par le chaos capitaliste « irrationnel »? Le mot révolution à envisager comme nécessaire est pourtant sut toutes les lèvres, même chez les moins révolutionnaires. Avec ce bizarre coup d’Etat « raté » de l’aventurier Prigojine, comment ne pas comparer avec la chute de 1991 ? Deuxième décomposition ? En tout cas grande confusion qui laisse libre cours à toutes les interprétations et manipulations dans le camp militaire occidental. Un journaliste du Figaro rapporte la comparaison qui peut s’imposer à première vue, bien que insultante pour Octobre 17 : « En 1918, alors que le tsarisme et son armée venaient de sombrer, ouvrant la voie au putsch sanglant des Bolcheviks et à la guerre civile, l’écrivain Vassili Rozanov écrivait: «La Rous s’est dissoute en deux jours. Au mieux en trois. Elle s’est littéralement décomposée jusque dans tous ses détails et toutes ses parties. (…) Il n’y avait plus ni Royaume, ni Église, ni Armée, ni classe ouvrière. Que restait-il donc? Curieusement rien du tout, seulement un peuple vengeur, dont l’état d’esprit fut exprimé par un homme de 60 ans de la province de Novgorod, qui déclara: On devrait prendre la peau de notre tsar pour en faire une ceinture.» Un siècle plus tard, presque tous les historiens ou militants honnêtes ont été obligés de reconnaître que la guerre mondiale n’avait pas favorisé la révolution internationale, tout comme la guerre en Ukraine aujourd‘hui. Difficile de ne pas reconnaître que le chaos s’installe à nouveau en Russie implacablement.   (…) On n’en est pas encore là, poursuit le journaliste, même s’il est intéressant de noter que Vladimir Poutine a évoqué le spectre de 1917 samedi matin, quand il a promis de «punir» la mutinerie de son ex-protégé, Evgueni Prigojine. Mais serait-ce partie remise? En allant prendre la grande base arrière russe de l’opération militaire en Ukraine, à Rostov-sur-le-Don, pour y installer ses quartiers sans avoir tiré le moindre coup de feu, puis en lançant un véritable raid armé vers Moscou, qui ne s’est arrêté qu’à 200 kilomètres de la capitale et n’a été entravé par aucune force militaire substantielle, le groupe paramilitaire privé Wagner de Prigojine a en tout cas révélé l’impuissance et la décomposition proprement vertigineuse du système des ministères de force russes, mettant à jour une armée et un État Potemkine en grand désarroi, même si une forme d’accord ténébreux a ensuite permis à Poutine de reprendre - provisoirement? - le contrôle.   CE COUP D’ETAT raté est-il du cinéma ? C’est l’avis de beaucoup de gens depuis les mises en scène successives de Prigojine comme le résume Velina Tchakarova de l’Institut autrichien pour la politique européenne et de sécurité (AIES) à Vienne, elle y voit une illustration de la nature du pouvoir en Russie. Pour elle, « Il n’y a pas de coup d’Etat de Prigojine. Il s’agit d’une guerre intérieure entre le gang de Saint-Pétersbourg de Poutine et le gang de Moscou de Guerassimov et Choïgou. C’est le début de la campagne électorale de Poutine pour être réélu le 17 mars 2024. Son “toutou” Prigojine lance un faux coup d’Etat pour accuser Guerassimov et Choïgou d’avoir perdu la guerre contre l’Ukraine. Prigojine peut toujours service de bouc émissaire s’il échoue, comme cela s’est produit dans le passé ». Or cette interprétation machiavélique ne tient pas la route, même si elle peut satisfaire toute une gamme de visionnaires complotistes voire admirateurs de Poutine (et il y en a plein, mais leur dérive est fondée par le dégoût provoqué par le soutien national médiatique au régime corrompu et collabo de Kiev). C’est évidemment le prolongement désastreux de cette guerre invraisemblable qui devait aboutir à l’ébranlement du régime militaro-industriel. Ce qui est plus surprenant et décourageant est l’absence du prolétariat dans ce jeu de cons.   Cet épisode rocambolesque vient confirmer que la durée de la guerre est un facteur décisif, qui entraîne non seulement l’aggravation des souffrances, mais la transformation des données politiques et sociales du conflit. Si, comme dans toute guerre, ce conflit aura exacerbé les haines nationales, Cette guerre aura encore impliqué, sans qu'on puisse encore le prouver complètement, une nécessaire division des cliques militaires bourgeoises rivales face à une lassitude des masses, plus potentiellement dangereuse que de facto. Si l’on revient alors à l’angoissante question : comment la guerre pourrait-elle « produire » la révolution? On est renvoyé à tous les débats sur le sujet dans les deuxième et troisième Internationale. Une révolte latente des masses du front ou de l’arrière ne détermine qu’une situation révolutionnaire, qui peut évoluer ou non dans le sens d’une rupture. Quelle conscience de classe peut s'opposer à la guerre ? QUE PENSE-T-ON DE LENINE AUJOUD'HUI EN RUSSIE ? Lénine reste synonyme de révolution internationale contre la guerre mondiale. On a pu s'indigner de l'absence de réaction du prolétariat russe depuis deux ans contre cette guerre inique.Mais les masses sont parfois longues à réagir et le poids des idéologies et mystifications des deux côtés annihile toute réelle réflexion sur le niveau de conscience du prolétariat en Russie. La mémoire de la Révolution divise les Russes. Selon un sondage datant d'avril 2016, 31% des Russes considèrent que Lénine a apporté plus de bien que de mal, mais 23% qu'il a apporté plus de mal que de bien. Selon un autre sondage du 14 février 2017, 32% des sondés pensent que «la révolution de février est une étape sur le chemin de la Glorieuse révolution socialiste d'Octobre», embrassant la vision soviétique de l'événement, quand 19% adoptent la vision des monarchistes selon laquelle «la révolution de février a affaibli le pays». Seuls 11% sont d'accord pour dire que «la révolution de février, s'il n'y avait pas eu le coup d'État d'octobre, aurait permis à la Russie d'aller vers le Progrès et la démocratie»: c'est la version dite libérale de cette histoire. Depuis la chute de l'URSS en 1991, il y a également une polémique sur le mausolée de Lénine, qui trône toujours sur la Place rouge à Moscou. Ni Eltsine, président de 1991 à 1999, ni Poutine, n'ont osé déplacer le corps du père de la révolution, de peur de déclencher la colère des nostalgiques du soviétisme. Selon le sondage datant d'avril 2016, 36% des Russes sont favorables à ce qu'on l'enterre le plus vite possible dans son cimetière familial, mais 32% préfèrent qu'on le laisse dans son mausolée. Le pouvoir politique marche sur des œufs. Pour le cinquantenaire de la victoire sur le nazisme le 9 mai 2015, Poutine a demandé aux Russes de sortir dans la rue avec le portrait d'un de leurs aïeuls tués pendant la guerre. Il voulait réconcilier la Russie autour de la victoire contre le nazisme, tout en effaçant les dissensus liés à la révolution de 1917 et au stalinisme. En novembre 2014, il a même justifié le pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline: «La Russie n'avait pas envie de combattre l'Allemagne, où est le mal? Tels étaient les impératifs de la politique étrangère à l'époque» a alors dit le président russe. La mémoire du goulag, du coup, se heurte à l'hostilité des autorités, comme le camp Perm-36, dernier camp stalinien conservé, régulièrement menacé de fermeture1. Depuis la chute de l'URSS en 1991, il y a également une polémique sur le mausolée de Lénine, qui trône toujours sur la Place rouge à Moscou. Ni Eltsine, président de 1991 à 1999, ni Poutine, n'ont osé déplacer le corps du père de la révolution, de peur de déclencher la colère des nostalgiques du soviétisme. Selon le sondage datant d'avril 2016, 36% des Russes sont favorables à ce qu'on l'enterre le plus vite possible dans son cimetière familial, mais 32% préfèrent qu'on le laisse dans son mausolée. Le pouvoir politique marche sur des œufs.Pour le cinquantenaire de la victoire sur le nazisme le 9 mai 2015, Poutine a demandé aux Russes de sortir dans la rue avec le portrait d'un de leurs aïeuls tués pendant la guerre. Il veut réconcilier la Russie autour de la victoire contre le nazisme, tout en effaçant les dissensus liés à la révolution de 1917 et au stalinisme. En novembre 2014, il a même justifié le pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline: «La Russie n'avait pas envie de combattre l'Allemagne, où est le mal? Tels étaient les impératifs de la politique étrangère à l'époque.» a alors dit le président russe. La mémoire du goulag, du coup, se heurte à l'hostilité des autorités, comme le camp Perm-36, dernier camp stalinien conservé, régulièrement menacé de fermeture. Poutine préfère Staline. Poutine préfère Staline à Lénine. Lorsqu'il redessine les symboles nationaux au début des années 2000, il mélange les héritages: il garde le drapeau rouge pour l'armée, celui de la Révolution de février pour le drapeau national, pour l'hymne, il garde la musique soviétique mais fait réécrire les paroles. Son désir wokiste était le terrorisme de l'unité nationale. PEUT-ON RADOTER LE DEFAITISME REVOLUTIONNAIRE ? Le défaitisme comme un faux internationalisme affiché (antiracisme et apologie des migrants) n'est plus la panacée, et Lénine posait déjà la question. A la lumière de l'expérience de la Commune de Paris, et à la suite d'Engels il pensa dans un premier temps que les défaites militaires du gouvernement facilitent la guerre civile du prolétariat. Ces arguments sont résumés dans une note de la brochure dans laquelle il polémique contre Rosa Luxemburg sur la question nationale en juillet 1916 :« Junius commet la même erreur dans ses raisonnements sur ce thème : que vaut-il mieux, la victoire ou la défaite? Il conclut que les deux sont également mauvaises. . . ». N'est-ce donc pas Rosa qui avait raison historiquement ? La question pouvait être posée d'un autre point de vue : 1) Γ" intervention révolutionnaire" est-elle possible sans risque de défaite? 2) est-il possible de fustiger la bourgeoisie et le gouvernement de son propre pays sans encourir le même risque? 3) n'avons-nous pas toujours dit, et l'histoire des guerres révolutionnaires ne dit-elle pas, que les défaites facilitent la tâche de la classe ouvrière?». Or la défaite de la Commune de Paris comme l'isolement de la Russie n'ont pas favorisé une reprise historique aussi phénoménale que la vague des années 20. On s'est gargarisé pendant des décennies du réveil de la classe ouvrière en 1968 mais qui n' a accouché que d'une fable mystique. Il apparaît que la guerre a profondément transformé la notion même de situation révolutionnaire. Elle n’est plus un postulat, lié à l’idée d’une « maturité » puis d'une décadence du capitalisme C’est pourquoi, dans le même temps, Lénine a constamment maintenu la thèse d’une révolution mondiale, tenté de concevoir l’utilisation d’une « paix séparée » unilatéralement décrétée par le pays dans lequel les contradictions avaient atteint le point de rupture, comme un moyen d’agir sur l’ensemble des rapports de forces ; et il n’a jamais admis, pour autant, l’idée du « socialisme dans un seul pays ». Actuellement dans le bourbier ukrainien on voit mal émerger une situation révolutionnaire. Le CCI est le seul groupe à avoir clairement identifié la réalité en démontant les radotages des groupes rivaux : : «  (leur) prise de position démontre correctement que les manifestations isolées contre la guerre peuvent être récupérées par différentes factions bourgeoises ou idéologies. Mais l’impression donnée est que la classe ouvrière, dans la situation présente, que ce soit dans la zone de guerre ou dans les pays capitalistes plus centraux, serait, à court terme, en mesure de développer une perspective révolutionnaire, et d’abattre la machinerie guerrière pour mettre fin à l’actuel conflit. Et derrière cela se trouve une autre ambiguïté : que la formation de groupes NWCW pourrait être une étape de ce saut soudain de l’état actuel de désorientation de la classe ouvrière vers une véritable réaction contre le capital. Si nous examinons l’implication de la Communist workers organisation (CWO), l’organisation affiliée à la TCI en Grande-Bretagne, dans les précédents projets de NWCW, il est clair que de telles illusions existent parmi ces camarades ». A la lumière de l'expérience de la Commune de Paris, et à la suite d'Engels, Lénine avait pensé dans un premier temps que les défaites militaires du gouvernement facilitent la guerre civile du prolétariat. Ces arguments sont résumés dans une note de la brochure dans laquelle il polémique contre Rosa Luxemburg sur la question nationale en juillet 1916 :« Junius commet la même erreur dans ses raisonnements sur ce thème : que vaut-il mieux, la victoire ou la défaite? Il conclut que les deux sont également mauvaises. . . ». N'est-ce donc pas Rosa qui avait raison historiquement ? La question pouvait être posée d'un autre point de vue : 1) Γ" intervention révolutionnaire" est-elle possible sans risque de défaite? 2) est-il possible de fustiger la bourgeoisie et le gouvernement de son propre pays sans encourir le même risque? 3) n'avons-nous pas toujours dit, et l'histoire des guerres révolutionnaires ne dit-elle pas, que les défaites facilitent la tâche de la classe ouvrière?». Or la défaite de la Commune de Paris comme l'isolement de la Russie n'ont pas favorisé une reprise historique aussi phénoménale que la vague des années 20. On s'est gargarisé pendant des décennies du réveil de la classe ouvrière en 1968 mais qui n' a accouché que d'une fable mystique. Le CCI voit par contre un nouveau réveil du prolétariat en ce moment du fait des nombreuses grèves (corporatives) qui ont éclaté dans divers pays, et c'est une vision purement économiste de la conscience de classe ; et faux. La position extrêmement opposée des bordiguistes n'est pas plus satisfaisante : « Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de signes de reprise de la lutte de classe du prolétariat, ni dans les pays impérialistes qui s’affrontent pour le partage du monde, ni dans les pays dominés et opprimés par les nations plus fortes; une lutte qui rendrait plus claire la perspective révolutionnaire de la lutte de classe. Au contraire, on assiste à une crise prolongée du mouvement ouvrier sous tous les cieux, une crise qui a complètement effacé dans les générations prolétariennes les plus récentes tout souvenir, toute tradition des luttes de classe du passé, les repoussant dans les formes les plus dures d’asservissement et d’esclavage inimaginables il y a cent ans. De cet abîme dans lequel il s’est plongé, le prolétariat ne pourra ressortir que par la lutte primordiale pour la vie ou la mort, en refusant de se laisser tuer pour garantir la vie de ses esclavagistes, de ses oppresseurs, de ses exploiteurs ».La solution proposée par tract, à diffusion infinitésimale voire purement figurative, est du plus haut comique2. C'est au plan international impérialiste que le CCI a été plus brillant que ses projections économistes sur le prolétariat : « Bref, si la guerre a bien été initiée par la Russie, elle est la conséquence de la stratégie d’encerclement et d’étouffement de cette-ci par les États-Unis. De cette manière, ces derniers ont réussi un coup de maître dans l’intensification de leur politique agressive qui a un objectif bien plus ambitieux qu’un simple coup d’arrêt signifié aux ambitions de la Russie : ·         de manière immédiate, le piège fatal qu’ils ont tendu à la Russie, mène à l’affaiblissement important de la puissance militaire subsistante de cette dernière et à la dégradation radicale de ses ambitions impérialistes. La guerre a aussi démontré la supériorité absolue de la technologie militaire américaine, à la base du "miracle" de la "petite Ukraine" qui fait reculer "l’ours russe" ; ·         ensuite, ils ont resserré les boulons au sein de l’OTAN en contraignant les pays européens à se ranger sous la bannière de l’Alliance, en particulier la France et l’Allemagne, qui avaient tendance à développer leur propre politique envers la Russie et à ignorer l’OTAN, qu’il y a quelques mois encore, le président français Macron avait prétendu être en "état de mort cérébrale" ; ·         au-delà de la raclée administrée à la Russie, l’objectif prioritaire des Américains était incontestablement un avertissement non équivoque adressé à leur challenger principal, la Chine ("voilà ce qui vous attend si vous vous risquez à tenter d’envahir Taïwan"). Depuis une dizaine d’années, la défense du leadership américain s’est centrée sur la montée en puissance de ce rival sérieux. Cette volonté de confronter la Chine avait pris sous l’administration Trump. Elle confirme l’analyse du CCI que la guerre et les sentiments d’impuissance et d’horreur qu’elle suscite, ne favorisent pas le développement de la lutte de la classe ouvrière. Par contre, elle provoque une aggravation sensible de la crise économique et des attaques contre les travailleurs, poussant ces derniers à s’y opposer pour défendre leurs conditions de vie ». Que les prolétaires en soient encore à « défendre leurs conditions de vie, ne signifie pas qu'ils luttent pour le renversement du capitalisme ! Les analyses plus fines de l'historien Thompson sont bien plus politiques. Composée de valeurs, d’utopies, de traditions, d’images, paroles et chansons, la « conscience de la classe ouvrière » est bien une production culturelle. En tant que telle, elle permet à des individus appartenant à des groupes sociaux différents (paysannerie, artisanat urbain, prolétariat industriel naissant, fractions dominées de la bourgeoisie), mais tous partageant une expérience de domination (sociale, économique, culturelle, politique), de mettre en forme des revendications de justice. Ces revendications les opposent, en tant que collectif, à des groupes perçus comme ayant des intérêts opposés. Aussi la conscience de classe précède et constitue la classe comme réalité phénoménale, dans la mesure où l’une, en tant que réalité culturelle et morale, ménage un accès à l’autre en tant que cadre d’appréhension du monde social ; toutes choses désormais menacées d'être détruite pa les fables de l'identitarisme et du communautarisme. Le principal apport de Thompson au marxisme et à la politique, apparaît sous la forme d’une critique théorique du déterminisme économique et d’une critique empirique du fatalisme de l’aliénation. L’attention à l’expérience vécue des dominés permet en effet de montrer que les déterminations structurelles de la domination ne sont jamais des « déterminismes », c’est-à-dire qu’elles n’annihilent jamais la conscience réflexive des acteurs, leur capacité critique, et donc leur capacité à s’y opposer  ; la conscience de classe n'est pas simplement une conscience économiste.  RETOUR AUX CYCLES DE LA LUTTE DES CLASSES Les signes du retour des classes sociales dans la discussion publique, savante ou «ordinaire», se multiplient. Les expressions «classe sociale», «classe ouvrière», «classe salariale» et d'autres réapparaissent dans les titres de livres ou d'articles. Cette réapparition s'effectue encore avec une certaine discrétion. Car la disqualification de ce concept semble aller de soi pour nombre d'intellectuels médiatiques ou spécialistes des sciences sociales. La structure de classe des sociétés capitalistes contemporaines a été bouleversée et l'ancienne classe ouvrière «n'est plus ce qu'elle n'a jamais été». De plus, après l'annonce répétée de son avènement, l'immense classe moyenne censée couvrir 80 % de la population serait en train de «disparaître» à son tour. La bourgeoisie par contre est toujours là. Parallèlement au retour des classes, la critique de la polarisation du regard sur les seuls rapports de classe s'est réaffirmée, quoique lourdement handicapée par les théorisations wokistes et féministes de la gauche caviar et bobo. Le retour des classes a été précédé et accompagné d'un retour récent de Marx. Ses analyses étaient discréditées dans la conjoncture théorique des années 80 et 90. Celle-ci était profondément marquée par le contexte politique : le déclin puis l'effondrement de l'URSS, la crise prolongée en Europe et sur d'autres continents du mouvement ouvrier et notamment de son modèle social-démocrate, tant dans sa version (post)-stalinienne que socialiste, Le retour récent des classes sociales fait suite à leur éviction brutale au cours des années 80 et 90. La quasi-disparition d'un «discours de classe en tant que discours de type scientifique à prétention politique» a été attribuée à trois facteurs principaux qui n'épuisent cependant pas la question : l'affaiblissement des prtis de la gauche bourgeoise ; l'effondrement du noyau central de la classe ouvrière industrielle ; l'invasion de nouveaux discours et de pratiques managériales mais surtout d'idéologies « identitaires »..  à suivre