« Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde qui doit toujours lutter pour des connaissances nouvelles, qui ne hait rien autant que la pétrification dans des formes valables dans le passé et qui conserve le meilleur de sa force vivante dans le cliquetis d'armes spirituel de l'auto-critique et dans les foudres et éclairs de l'histoire ». Rosa Luxemburg
PAGES PROLETARIENNES
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lundi 26 juin 2023
COMMENT EXPLIQUER L'INERTIE DU PROLETARIAT RUSSE DANS LA GUERRE
et des autres prolétariats (cette léthargie (provisoire?) du prolétariat international contre la guerre)
« S'emparer de territoires et asservir des nations étrangères, ruiner la nation concurrente, piller ses richesses, détourner l'attention des masses laborieuses des crises politiques intérieures de la Russie, de l'Allemagne, de l'Angleterre et des autres pays, diviser les ouvriers et les duper par le mensonge nationaliste, et décimer leur avant‑garde pour affaiblir le mouvement révolutionnaire du prolétariat : tel est le seul contenu réel, telle est la véritable signification de la guerre actuelle ». Lénine 1914
« Nous comprenons mieux ce qui fut perdu, ce qui fut “enterré” et ce qui n’est toujours pas résolu. » Thompson
1989 ; destruction du mur de Berlin
1991 ; CHUTE DE L’URSS
NOUVEL EFFONDREMENT DE LA RUSSIE ?
Le tocsin de la raison (la révolution) est-il étouffé par le chaos capitaliste « irrationnel »? Le mot révolution à envisager comme nécessaire est pourtant sut toutes les lèvres, même chez les moins révolutionnaires. Avec ce bizarre coup d’Etat « raté » de l’aventurier Prigojine, comment ne pas comparer avec la chute de 1991 ? Deuxième décomposition ? En tout cas grande confusion qui laisse libre cours à toutes les interprétations et manipulations dans le camp militaire occidental.
Un journaliste du Figaro rapporte la comparaison qui peut s’imposer à première vue, bien que insultante pour Octobre 17 :
« En 1918, alors que le tsarisme et son armée venaient de sombrer, ouvrant la voie au putsch sanglant des Bolcheviks et à la guerre civile, l’écrivain Vassili Rozanov écrivait: «La Rous s’est dissoute en deux jours. Au mieux en trois. Elle s’est littéralement décomposée jusque dans tous ses détails et toutes ses parties. (…) Il n’y avait plus ni Royaume, ni Église, ni Armée, ni classe ouvrière. Que restait-il donc? Curieusement rien du tout, seulement un peuple vengeur, dont l’état d’esprit fut exprimé par un homme de 60 ans de la province de Novgorod, qui déclara: On devrait prendre la peau de notre tsar pour en faire une ceinture.»
Un siècle plus tard, presque tous les historiens ou militants honnêtes ont été obligés de reconnaître que la guerre mondiale n’avait pas favorisé la révolution internationale, tout comme la guerre en Ukraine aujourd‘hui. Difficile de ne pas reconnaître que le chaos s’installe à nouveau en Russie implacablement.
(…) On n’en est pas encore là, poursuit le journaliste, même s’il est intéressant de noter que Vladimir Poutine a évoqué le spectre de 1917 samedi matin, quand il a promis de «punir» la mutinerie de son ex-protégé, Evgueni Prigojine. Mais serait-ce partie remise? En allant prendre la grande base arrière russe de l’opération militaire en Ukraine, à Rostov-sur-le-Don, pour y installer ses quartiers sans avoir tiré le moindre coup de feu, puis en lançant un véritable raid armé vers Moscou, qui ne s’est arrêté qu’à 200 kilomètres de la capitale et n’a été entravé par aucune force militaire substantielle, le groupe paramilitaire privé Wagner de Prigojine a en tout cas révélé l’impuissance et la décomposition proprement vertigineuse du système des ministères de force russes, mettant à jour une armée et un État Potemkine en grand désarroi, même si une forme d’accord ténébreux a ensuite permis à Poutine de reprendre - provisoirement? - le contrôle.
CE COUP D’ETAT raté est-il du cinéma ?
C’est l’avis de beaucoup de gens depuis les mises en scène successives de Prigojine comme le résume Velina Tchakarova de l’Institut autrichien pour la politique européenne et de sécurité (AIES) à Vienne, elle y voit une illustration de la nature du pouvoir en Russie. Pour elle, « Il n’y a pas de coup d’Etat de Prigojine. Il s’agit d’une guerre intérieure entre le gang de Saint-Pétersbourg de Poutine et le gang de Moscou de Guerassimov et Choïgou. C’est le début de la campagne électorale de Poutine pour être réélu le 17 mars 2024. Son “toutou” Prigojine lance un faux coup d’Etat pour accuser Guerassimov et Choïgou d’avoir perdu la guerre contre l’Ukraine. Prigojine peut toujours service de bouc émissaire s’il échoue, comme cela s’est produit dans le passé ».
Or cette interprétation machiavélique ne tient pas la route, même si elle peut satisfaire toute une gamme de visionnaires complotistes voire admirateurs de Poutine (et il y en a plein, mais leur dérive est fondée par le dégoût provoqué par le soutien national médiatique au régime corrompu et collabo de Kiev).
C’est évidemment le prolongement désastreux de cette guerre invraisemblable qui devait aboutir à l’ébranlement du régime militaro-industriel. Ce qui est plus surprenant et décourageant est l’absence du prolétariat dans ce jeu de cons.
Cet épisode rocambolesque vient confirmer que la durée de la guerre est un facteur décisif, qui entraîne non seulement l’aggravation des souffrances, mais la transformation des données politiques et sociales du conflit. Si, comme dans toute guerre, ce conflit aura exacerbé les haines nationales, Cette guerre aura encore impliqué, sans qu'on puisse encore le prouver complètement, une nécessaire division des cliques militaires bourgeoises rivales face à une lassitude des masses, plus potentiellement dangereuse que de facto.
Si l’on revient alors à l’angoissante question : comment la guerre pourrait-elle « produire » la révolution? On est renvoyé à tous les débats sur le sujet dans les deuxième et troisième Internationale. Une révolte latente des masses du front ou de l’arrière ne détermine qu’une situation révolutionnaire, qui peut évoluer ou non dans le sens d’une rupture. Quelle conscience de classe peut s'opposer à la guerre ?
QUE PENSE-T-ON DE LENINE AUJOUD'HUI EN RUSSIE ?
Lénine reste synonyme de révolution internationale contre la guerre mondiale. On a pu s'indigner de l'absence de réaction du prolétariat russe depuis deux ans contre cette guerre inique.Mais les masses sont parfois longues à réagir et le poids des idéologies et mystifications des deux côtés annihile toute réelle réflexion sur le niveau de conscience du prolétariat en Russie. La mémoire de la Révolution divise les Russes. Selon un sondage datant d'avril 2016, 31% des Russes considèrent que Lénine a apporté plus de bien que de mal, mais 23% qu'il a apporté plus de mal que de bien. Selon un autre sondage du 14 février 2017, 32% des sondés pensent que «la révolution de février est une étape sur le chemin de la Glorieuse révolution socialiste d'Octobre», embrassant la vision soviétique de l'événement, quand 19% adoptent la vision des monarchistes selon laquelle «la révolution de février a affaibli le pays». Seuls 11% sont d'accord pour dire que «la révolution de février, s'il n'y avait pas eu le coup d'État d'octobre, aurait permis à la Russie d'aller vers le Progrès et la démocratie»: c'est la version dite libérale de cette histoire.
Depuis la chute de l'URSS en 1991, il y a également une polémique sur le mausolée de Lénine, qui trône toujours sur la Place rouge à Moscou. Ni Eltsine, président de 1991 à 1999, ni Poutine, n'ont osé déplacer le corps du père de la révolution, de peur de déclencher la colère des nostalgiques du soviétisme. Selon le sondage datant d'avril 2016, 36% des Russes sont favorables à ce qu'on l'enterre le plus vite possible dans son cimetière familial, mais 32% préfèrent qu'on le laisse dans son mausolée. Le pouvoir politique marche sur des œufs. Pour le cinquantenaire de la victoire sur le nazisme le 9 mai 2015, Poutine a demandé aux Russes de sortir dans la rue avec le portrait d'un de leurs aïeuls tués pendant la guerre. Il voulait réconcilier la Russie autour de la victoire contre le nazisme, tout en effaçant les dissensus liés à la révolution de 1917 et au stalinisme. En novembre 2014, il a même justifié le pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline: «La Russie n'avait pas envie de combattre l'Allemagne, où est le mal? Tels étaient les impératifs de la politique étrangère à l'époque» a alors dit le président russe. La mémoire du goulag, du coup, se heurte à l'hostilité des autorités, comme le camp Perm-36, dernier camp stalinien conservé, régulièrement menacé de fermeture1.
Depuis la chute de l'URSS en 1991, il y a également une polémique sur le mausolée de Lénine, qui trône toujours sur la Place rouge à Moscou. Ni Eltsine, président de 1991 à 1999, ni Poutine, n'ont osé déplacer le corps du père de la révolution, de peur de déclencher la colère des nostalgiques du soviétisme. Selon le sondage datant d'avril 2016, 36% des Russes sont favorables à ce qu'on l'enterre le plus vite possible dans son cimetière familial, mais 32% préfèrent qu'on le laisse dans son mausolée. Le pouvoir politique marche sur des œufs.Pour le cinquantenaire de la victoire sur le nazisme le 9 mai 2015, Poutine a demandé aux Russes de sortir dans la rue avec le portrait d'un de leurs aïeuls tués pendant la guerre. Il veut réconcilier la Russie autour de la victoire contre le nazisme, tout en effaçant les dissensus liés à la révolution de 1917 et au stalinisme. En novembre 2014, il a même justifié le pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline: «La Russie n'avait pas envie de combattre l'Allemagne, où est le mal? Tels étaient les impératifs de la politique étrangère à l'époque.» a alors dit le président russe. La mémoire du goulag, du coup, se heurte à l'hostilité des autorités, comme le camp Perm-36, dernier camp stalinien conservé, régulièrement menacé de fermeture. Poutine préfère Staline. Poutine préfère Staline à Lénine. Lorsqu'il redessine les symboles nationaux au début des années 2000, il mélange les héritages: il garde le drapeau rouge pour l'armée, celui de la Révolution de février pour le drapeau national, pour l'hymne, il garde la musique soviétique mais fait réécrire les paroles. Son désir wokiste était le terrorisme de l'unité nationale.
PEUT-ON RADOTER LE DEFAITISME REVOLUTIONNAIRE ?
Le défaitisme comme un faux internationalisme affiché (antiracisme et apologie des migrants) n'est plus la panacée, et Lénine posait déjà la question.
A la lumière de l'expérience de la Commune de Paris, et à la suite d'Engels il pensa dans un premier temps que les défaites militaires du gouvernement facilitent la guerre civile du prolétariat. Ces arguments sont résumés dans une note de la brochure dans laquelle il polémique contre Rosa Luxemburg sur la question nationale en juillet 1916 :« Junius commet la même erreur dans ses raisonnements sur ce thème : que vaut-il mieux, la victoire ou la défaite? Il conclut que les deux sont également mauvaises. . . ». N'est-ce donc pas Rosa qui avait raison historiquement ?
La question pouvait être posée d'un autre point de vue : 1) Γ" intervention révolutionnaire" est-elle possible sans risque de défaite? 2) est-il possible de fustiger la bourgeoisie et le gouvernement de son propre pays sans encourir le même risque? 3) n'avons-nous pas toujours dit, et l'histoire des guerres révolutionnaires ne dit-elle pas, que les défaites facilitent la tâche de la classe ouvrière?».
Or la défaite de la Commune de Paris comme l'isolement de la Russie n'ont pas favorisé une reprise historique aussi phénoménale que la vague des années 20. On s'est gargarisé pendant des décennies du réveil de la classe ouvrière en 1968 mais qui n' a accouché que d'une fable mystique. Il apparaît que la guerre a profondément transformé la notion même de situation révolutionnaire. Elle n’est plus un postulat, lié à l’idée d’une « maturité » puis d'une décadence du capitalisme C’est pourquoi, dans le même temps, Lénine a constamment maintenu la thèse d’une révolution mondiale, tenté de concevoir l’utilisation d’une « paix séparée » unilatéralement décrétée par le pays dans lequel les contradictions avaient atteint le point de rupture, comme un moyen d’agir sur l’ensemble des rapports de forces ; et il n’a jamais admis, pour autant, l’idée du « socialisme dans un seul pays ». Actuellement dans le bourbier ukrainien on voit mal émerger une situation révolutionnaire. Le CCI est le seul groupe à avoir clairement identifié la réalité en démontant les radotages des groupes rivaux : :
« (leur) prise de position démontre correctement que les manifestations isolées contre la guerre peuvent être récupérées par différentes factions bourgeoises ou idéologies. Mais l’impression donnée est que la classe ouvrière, dans la situation présente, que ce soit dans la zone de guerre ou dans les pays capitalistes plus centraux, serait, à court terme, en mesure de développer une perspective révolutionnaire, et d’abattre la machinerie guerrière pour mettre fin à l’actuel conflit. Et derrière cela se trouve une autre ambiguïté : que la formation de groupes NWCW pourrait être une étape de ce saut soudain de l’état actuel de désorientation de la classe ouvrière vers une véritable réaction contre le capital. Si nous examinons l’implication de la Communist workers organisation (CWO), l’organisation affiliée à la TCI en Grande-Bretagne, dans les précédents projets de NWCW, il est clair que de telles illusions existent parmi ces camarades ».
A la lumière de l'expérience de la Commune de Paris, et à la suite d'Engels, Lénine avait pensé dans un premier temps que les défaites militaires du gouvernement facilitent la guerre civile du prolétariat. Ces arguments sont résumés dans une note de la brochure dans laquelle il polémique contre Rosa Luxemburg sur la question nationale en juillet 1916 :« Junius commet la même erreur dans ses raisonnements sur ce thème : que vaut-il mieux, la victoire ou la défaite? Il conclut que les deux sont également mauvaises. . . ». N'est-ce donc pas Rosa qui avait raison historiquement ?
La question pouvait être posée d'un autre point de vue : 1) Γ" intervention révolutionnaire" est-elle possible sans risque de défaite? 2) est-il possible de fustiger la bourgeoisie et le gouvernement de son propre pays sans encourir le même risque? 3) n'avons-nous pas toujours dit, et l'histoire des guerres révolutionnaires ne dit-elle pas, que les défaites facilitent la tâche de la classe ouvrière?».
Or la défaite de la Commune de Paris comme l'isolement de la Russie n'ont pas favorisé une reprise historique aussi phénoménale que la vague des années 20. On s'est gargarisé pendant des décennies du réveil de la classe ouvrière en 1968 mais qui n' a accouché que d'une fable mystique.
Le CCI voit par contre un nouveau réveil du prolétariat en ce moment du fait des nombreuses grèves (corporatives) qui ont éclaté dans divers pays, et c'est une vision purement économiste de la conscience de classe ; et faux. La position extrêmement opposée des bordiguistes n'est pas plus satisfaisante :
« Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de signes de reprise de la lutte de classe du prolétariat, ni dans les pays impérialistes qui s’affrontent pour le partage du monde, ni dans les pays dominés et opprimés par les nations plus fortes; une lutte qui rendrait plus claire la perspective révolutionnaire de la lutte de classe. Au contraire, on assiste à une crise prolongée du mouvement ouvrier sous tous les cieux, une crise qui a complètement effacé dans les générations prolétariennes les plus récentes tout souvenir, toute tradition des luttes de classe du passé, les repoussant dans les formes les plus dures d’asservissement et d’esclavage inimaginables il y a cent ans. De cet abîme dans lequel il s’est plongé, le prolétariat ne pourra ressortir que par la lutte primordiale pour la vie ou la mort, en refusant de se laisser tuer pour garantir la vie de ses esclavagistes, de ses oppresseurs, de ses exploiteurs ».La solution proposée par tract, à diffusion infinitésimale voire purement figurative, est du plus haut comique2.
C'est au plan international impérialiste que le CCI a été plus brillant que ses projections économistes sur le prolétariat :
« Bref, si la guerre a bien été initiée par la Russie, elle est la conséquence de la stratégie d’encerclement et d’étouffement de cette-ci par les États-Unis. De cette manière, ces derniers ont réussi un coup de maître dans l’intensification de leur politique agressive qui a un objectif bien plus ambitieux qu’un simple coup d’arrêt signifié aux ambitions de la Russie :
· de manière immédiate, le piège fatal qu’ils ont tendu à la Russie, mène à l’affaiblissement important de la puissance militaire subsistante de cette dernière et à la dégradation radicale de ses ambitions impérialistes. La guerre a aussi démontré la supériorité absolue de la technologie militaire américaine, à la base du "miracle" de la "petite Ukraine" qui fait reculer "l’ours russe" ;
· ensuite, ils ont resserré les boulons au sein de l’OTAN en contraignant les pays européens à se ranger sous la bannière de l’Alliance, en particulier la France et l’Allemagne, qui avaient tendance à développer leur propre politique envers la Russie et à ignorer l’OTAN, qu’il y a quelques mois encore, le président français Macron avait prétendu être en "état de mort cérébrale" ;
· au-delà de la raclée administrée à la Russie, l’objectif prioritaire des Américains était incontestablement un avertissement non équivoque adressé à leur challenger principal, la Chine ("voilà ce qui vous attend si vous vous risquez à tenter d’envahir Taïwan"). Depuis une dizaine d’années, la défense du leadership américain s’est centrée sur la montée en puissance de ce rival sérieux. Cette volonté de confronter la Chine avait pris sous l’administration Trump.
Elle confirme l’analyse du CCI que la guerre et les sentiments d’impuissance et d’horreur qu’elle suscite, ne favorisent pas le développement de la lutte de la classe ouvrière. Par contre, elle provoque une aggravation sensible de la crise économique et des attaques contre les travailleurs, poussant ces derniers à s’y opposer pour défendre leurs conditions de vie ».
Que les prolétaires en soient encore à « défendre leurs conditions de vie, ne signifie pas qu'ils luttent pour le renversement du capitalisme !
Les analyses plus fines de l'historien Thompson sont bien plus politiques. Composée de valeurs, d’utopies, de traditions, d’images, paroles et chansons, la « conscience de la classe ouvrière » est bien une production culturelle. En tant que telle, elle permet à des individus appartenant à des groupes sociaux différents (paysannerie, artisanat urbain, prolétariat industriel naissant, fractions dominées de la bourgeoisie), mais tous partageant une expérience de domination (sociale, économique, culturelle, politique), de mettre en forme des revendications de justice. Ces revendications les opposent, en tant que collectif, à des groupes perçus comme ayant des intérêts opposés. Aussi la conscience de classe précède et constitue la classe comme réalité phénoménale, dans la mesure où l’une, en tant que réalité culturelle et morale, ménage un accès à l’autre en tant que cadre d’appréhension du monde social ; toutes choses désormais menacées d'être détruite pa les fables de l'identitarisme et du communautarisme.
Le principal apport de Thompson au marxisme et à la politique, apparaît sous la forme d’une critique théorique du déterminisme économique et d’une critique empirique du fatalisme de l’aliénation. L’attention à l’expérience vécue des dominés permet en effet de montrer que les déterminations structurelles de la domination ne sont jamais des « déterminismes », c’est-à-dire qu’elles n’annihilent jamais la conscience réflexive des acteurs, leur capacité critique, et donc leur capacité à s’y opposer ; la conscience de classe n'est pas simplement une conscience économiste.
RETOUR AUX CYCLES DE LA LUTTE DES CLASSES
Les signes du retour des classes sociales dans la discussion publique, savante ou «ordinaire», se multiplient. Les expressions «classe sociale», «classe ouvrière», «classe salariale» et d'autres réapparaissent dans les titres de livres ou d'articles. Cette réapparition s'effectue encore avec une certaine discrétion. Car la disqualification de ce concept semble aller de soi pour nombre d'intellectuels médiatiques ou spécialistes des sciences sociales. La structure de classe des sociétés capitalistes contemporaines a été bouleversée et l'ancienne classe ouvrière «n'est plus ce qu'elle n'a jamais été». De plus, après l'annonce répétée de son avènement, l'immense classe moyenne censée couvrir 80 % de la population serait en train de «disparaître» à son tour. La bourgeoisie par contre est toujours là. Parallèlement au retour des classes, la critique de la polarisation du regard sur les seuls rapports de classe s'est réaffirmée, quoique lourdement handicapée par les théorisations wokistes et féministes de la gauche caviar et bobo. Le retour des classes a été précédé et accompagné d'un retour récent de Marx. Ses analyses étaient discréditées dans la conjoncture théorique des années 80 et 90. Celle-ci était profondément marquée par le contexte politique : le déclin puis l'effondrement de l'URSS, la crise prolongée en Europe et sur d'autres continents du mouvement ouvrier et notamment de son modèle social-démocrate, tant dans sa version (post)-stalinienne que socialiste, Le retour récent des classes sociales fait suite à leur éviction brutale au cours des années 80 et 90. La quasi-disparition d'un «discours de classe en tant que discours de type scientifique à prétention politique» a été attribuée à trois facteurs principaux qui n'épuisent cependant pas la question : l'affaiblissement des prtis de la gauche bourgeoise ; l'effondrement du noyau central de la classe ouvrière industrielle ; l'invasion de nouveaux discours et de pratiques managériales mais surtout d'idéologies « identitaires »..
à suivre
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