PAGES PROLETARIENNES

dimanche 12 février 2023

Les jalons de la déroute encadrée par les bergers syndicaux


 (la mutation populiste du syndicalisme d'Etat)

« La grande nouveauté après la manifestation du 19 c'est le retour du clivage droite-gauche ». Un jeune député de la NUPES, hier soir sur BFM.

« Rêve ! » peut-on dire au prolétariat ému et en plein désarroi qu'on veuille proposer de changer les retraites...pour n'y rien changer ». Osons le dire, jamais une victoire « de classe » n'a été emportée à la suite d'un mouvement mis en place, programmé et organisé par les forces bourgeoises, Etat, partis et syndicats. Jamais on n'avait jamais autant vu la plupart des journalistes se vautrer comme lèche-bottes professionnels de l'Etat. Jamais depuis un siècle on n'avait vu tous les partis bourgeois, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite se soucier autant de la « pénibilité » du travail. Jamais n'avait tant été exaltée « l'initiative » et la « radicalité » des syndicats et l'importance « républicaine » et « démocratique » du parle-ment.

Jamais on n'avait eu autant de balades stériles dans Paris et provinces, avec milliers de moutons clamant valeurs du peuple, de la République, de la « démocratie », sans oublier « la rue » plutôt plébiscitée par les commentateurs dominants comme plus sérieuse qu'un parle-ment dissipé. Jamais je n'ai lu autant de slogans bêtes voire ridicule par tant de traîne-savates. Jamais on n'avait autant entendu des chiffrages aussi « gonflés » par les menteurs professionnels du syndicalisme d'Etat.

Après autant de débats « explicatifs » pour « éveiller » le bon peuple à la division entre un « personnel sérieux » qui veut sauver les retraites et des rigolos qui plaisantent avec une parodie (radicale?) des décapitations de 1789. Oui restauration du clivage Droite/Gauche, ou Gauche/Droite, mais piteusement comme opposition entre une bourgeoisie cynique et une bourgeoisie composée de pitres du genre anarchistes impuissants, et minables (cf. la modification du jeu des mille bornes en 64 borne(s), proposée par un député « écolo-bobo » pour favoriser une débat clair entre les deux factions...). En gros méchants contre rigolos. Avec les mille variations faciles et drôlatiques que permet le nom de la première ministre, pour laquelle les féministes « de gauche » ne peuvent masquer leur « admiration corporative », le nommé Berger non plus. Le féminisme affiché lourdement n'est-il pas le principal critère moral pour sanctifier toute fraction bourgeoise ?

LE READY-MADE SYNDICAL

Depuis les débuts, tout est cuit d'avance, organisé, millimétré, horodaté par les généraux syndicaux. Les journalistes serviles se payent pourtant le luxe de prédire les épisodes de fin d'unanimité à venir. La tenue du quartier général des galonnés laisse à chaque fois présager les divergences sur « les suites à donner au mouvement ». Car malgré tout le tintouin, la répétition des marches stériles - « bon enfant » où même on y amène ses enfants et petits-enfants, avec un préfet gentil – tout lasse et l'intérêt diminue (ce constat des plumitifs collabos est bien sûr à double sens tout en contenant cette vérité, aboutissement du travail, pénible, des manipulateurs professionnels des corporatismes).

« Les organisations au sein du groupe ferroviaire, dont la CGT Cheminots et SUD-Rail, comptent bien se mobiliser dans les jours à venir. Mais présentent un front désuni. Les principaux syndicats de la SNCF ont appelé mercredi à une troisième journée de grève contre la réforme des retraites le mardi 7 février, suivant le mot d'ordre général, mais seuls la CGT Cheminots et SUD-Rail veulent poursuivre le mouvement le mercredi 8, et l'indécision persiste pour le samedi 11. Les dirigeants des syndicats représentatifs, CGT Cheminots, Unsa ferroviaire, SUD Rail et CFDT, devaient se rencontrer en début d'après-midi, au lendemain d'une deuxième journée de grève qui a passablement perturbé le trafic malgré une participation en baisse ».

On sent poindre par conséquent déjà la future « division » entre syndicats raisonnables et jusqu'auboutistes honteux et hargneux, qui après l'épuisement suite aux manifs traîne-savates parfairont le dégoût face à un gouvernement « sourd », contre le « peuple »1. A l'intérieur des QG les palimpsestes se succèdent :

« Les précisions pour le 11 février données dans les prochains jours... »

Circulez, y a rien à voir, on s'occupe de tout : «On ne veut pas bloquer le chassé-croisé des vacances», d'autant que «l'objectif d'un appel le 11 février n'est pas tant le pourcentage de grévistes que le fait d'avoir dans la rue l'ensemble des salariés qui n'ont pas la capacité financière de se mettre en grève et de répondre aux appels en semaine», a-t-il précisé. La position des syndicats pourra être précisée pour le samedi 11 «d'ici la fin de semaine ou le début de la semaine prochaine», selon lui. La CFDT Cheminots se veut de son côté «pleinement (inscrite) dans la démarche de l'intersyndicale», selon son secrétaire général Thomas Cavel. «Pour l'instant, on veut réussir le 7. (...) Chaque étape est importante», a-t-il dit, restant vague sur sa position pour le 11. Le syndicat avait pourtant appelé dans un communiqué, mercredi matin, à «massivement se mobiliser par la grève et la manifestation le mardi 7 février puis le samedi 11». La SNCF avait dû supprimer un tiers des TGV, quasiment tous les Intercités, les trois quarts des TER et jusqu'à 90% des trains de la banlieue parisienne mardi, au deuxième jour de protestation contre la réforme des retraites. Le taux de grévistes était en baisse à 36,5% contre 46,3% lors de la première journée le 19 janvier. Erik Meyer de SUD Rail reste «persuadé» qu'une grève reconductible «fera plier ce gouvernement», mais les cheminots ne veulent pas se mettre en grève sans être suivis par d'autres secteurs mobilisés, a-t-il relevé, sans donner de date ».

Le suspense continue pour un feuilleton à rebondissements rédigé et corrigé in vivo par les metteurs en scène syndicaux. L'imagination ne risque pas d'occuper la rue étant donné que la pièce de théâtre est un fac-similé des plus lamentables scénarios du passif de la syndicratie. Comme l'opposition entre droite méchante et gauche débile, on oppose cet endettement que risque le gréviste à l'éventualité d'une « grève totale » (?) « reconductible «  par de supposées AG dont personne ne sait où elles sont sensées se dérouler, mais quand chacun peut noter que le « décisionnel » de tout ce carnaval se déroule dans les QG syndicaux. L'argument de ne pas gêner les vacances est une nouveauté (qui ravit les journalistes), au nom du « respect e l'opinion publique » alors que naguère le «onefaitpasd'omelettesanscasserd'oeuf » était de mise...quoique la journée programmée du 11 se tienne pendant les vacances des régions sud afin encore de limiter l'affluence moutonnière, qu'on chiffrera malgré tout en « millions ». Malgré tout le scénario basé sur une RETRAITE A LA CARTE, même sans carte syndicale, c'est le « tous ensemble » interclassiste, des « gens de tout horizon », et en direction des « camarades automobilistes »2 qui est le cœur du cinéma syndical et surtout des « jacobins » de la NULLE de Mélanchon et Cie féministologue.

La menace succède au flou pour cette vedette des médias nommé Meyer (meilleur?) :

« À la SNCF, l'ensemble des organisations syndicales - la CGT Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT Cheminots - ont appelé à la grève le mardi 7 février. La suite du mouvement est plus floue. La CGT Cheminots et SUD-Rail appellent également à la grève le 8 février, mais pas les deux autres syndicats. La CFDT Cheminots, elle, colle aux dates de l'intersyndicale, appelant à la grève le samedi 11 février, en plus du 7 février. Pour l'heure, pour le 11 février, les trois autres syndicats se contentent pour l'heure d'un appel à manifester. «C'est un week-end de départ en vacances (zones A et B), nous ne voulons pas entraîner des perturbations qui pourraient retourner l'opinion publique et donner des cartouches au gouvernement», a expliqué au Parisien Didier Mathis, secrétaire général de l'Unsa-Ferroviaire. La position des syndicats pour cette date pourrait être précisée «d'ici la fin de semaine ou le début de la semaine prochaine», selon le secrétaire fédéral de SUD-Rail, Erik Meyer, interrogé par l'AFP ».

La menace d'une grève reconductible, proposée à partir de la mi-février par la CGT Cheminots et SUD-Rail le 24 janvier dernier, semble être écartée dans l'immédiat. Même si Erik Meyer reste «persuadé» qu'une grève reconductible «fera plier ce gouvernement». Mais les cheminots ne veulent pas se mettre en grève sans être suivis par d'autres secteurs mobilisés, a-t-il indiqué ».

Les cheminots ? Non, vous l'avez compris, le QG des sous-offs des deux syndicats « radicaux ». Que du bonheur et de la compréhension pour l'opinion publique de la part de la CGTtotalénergies : pas de risque de pénurie pour les vacanciers ! La branche pétrole de la CGT avait initialement appelé à une grève de 72 heures le 6 février, la CGT TotalEnergies l'a réduite à 48 heures. Admirable. Et comme vous pouvez le constater ce n'est pas moi qui ait inventé le terme scénario, ni de la préparation des figurants :

« Sur un éventuel arrêt de la production dans les raffineries, les salariés de l'énergéticien ne sont pas «prêts», a indiqué le syndicat jeudi à l'AFP. Mais cela ne veut pas dire que le scénario d'un durcissement du mouvement est complètement écarté, loin de là. Selon le secrétaire CGT du comité TotalEnergies Europe, Thierry Defresne, entre les deux journées de mobilisation nationale du 7 et du 11 février, «on va pouvoir peut-être assister à une radicalisation du mouvement, qui va faire que la décision d'arrêt des installations va être franchie» ultérieurement ».

« Dans les stations de ski, le mouvement social contre la réforme des retraites pourrait affecter les séjours des Français, alors que les deux principaux syndicats des remontées mécaniques, la CGT et Force ouvrière (FO), ont déposé le 23 janvier dernier un préavis de grève «illimité» à partir du 31 janvier. «On a décidé d'appeler à la grève pendant les vacances de février, car les revendications seront mieux entendues lors de cette période», a reconnu Eric Becker, secrétaire général FO des remontées mécaniques ». Cependant, là aussi, concession à=aux « français qui soutiennent massivement», finalement le 7 février les salariés du ski étaient appelés à débrayer...environ 1H30, pour « ne pas fragiliser les entreprises déjà en difficulté ».

DES SYNDICATS QUI NE SERAIENT PAS POPULISTES...SELON LIBERATION

Les syndicats seraient donc le « meilleur antidote au populisme » - quoique « centre d'un mouvement populaire » -, nonobstant qu'ils sont soutenus par le principal parti populiste, celui de Mélenchon et la wokiste Sardine Ruisseau, qui est interviewé même avant Martinez. Le billet suivant signe le retour de papy July à la réaction (vaut mieux un soixantehuitard avisé qu'un de ces jeunes plumitifs primaires ignorants et hors classe) :

« Ce réveil des corps intermédiaires pendant que les politiques se caricaturent entre matamorisme gouvernemental et obstruction parlementaire est une bonne nouvelle démocratique. Saluons-la. Le syndicalisme, que l’on disait moribond, divisé, dont on croyait qu’il ne captait plus la réalité de la société, se retrouve au centre d’un mouvement populaire, puissant et calme, organisant son expression de façon pacifique. C’est le retour des grandes démonstrations de force dans la rue par un front uni. Ces dernières années, les grandes centrales n’arrivaient pas à trouver leur place dans le débat public national ».

Macron est « maladroit » (qu'on se le dise), certains sont en contradiction « sans voir le jeu à qui perd gagne »... très juste et ce n'est que ce que je dis depuis le début ; j'y reviendrai à la fin de la pièce de théâtre mais, à mon avis, le gagnant-perdant-gagnant à ce jeu d'échecs sera Macron.

Pourtant l'expansion de ce populisme syndical a pour but de faire passer la grève au second plan et suivant tel ou tel secteur. C'est une première historique. Avec une plénitude de concepts « humains » : elle coûte trop cher aux travailleurs, elle est nocive pour « l'opinion », il faut qu'elle soit bien « régulée » par les QG syndicaux, etc. Le mot massif est devenu en réalité un euphémisme comme une masse de « graisse » ou de « plâtre » qu'on malaxe à sa guise ; sans oublier le péjoratif « Français » qui exclut tout non-français comme le terme prolétaire ou ouvrier. Ainsi la corpo, pas très ouvrière des médecins, en appelle à une grève « massive » pour le 14 février, même si elle ne contient que 3000 toubibs et dérivés. Cela alimente la promesse aguichante que « tout le corps social » bouge alors qu'il est malade, pustuleux et en mauvais état psychologique avec des vautours badgés et ballonnés qui prétendent le soigner ou le porter au Graal.

LE COUP DU BERGER

Ce populisme va comme un gant aux traditionnels corporatismes, il encense les « actions autonomes », même si elles sont ridicules et vouées à l'échec (cf. Robin des bois déguisé en agent EDF), dosées, millimétrées, partagées entre mafias syndicales :

« Face à un gouvernement qui compte aller vite pour faire passer sa réforme, les militants les plus vindicatifs ne veulent pas perdre de temps, conscients qu’ils sont engagés dans une véritable course contre la montre. D’où la naissance d’actions autonomes, comme celle avortée de la CGT IEG (industries électriques et gazières), qui proposait de fermer les robinets de gaz et d’électricité des communes d’élus favorables au projet du gouvernement. Du côté de la SNCF, les travailleurs entendent bien suivre le mouvement les 7 et 11 février - sans que la situation soit apocalyptique et que trop de trains soient supprimés -, mais la CGT-cheminots et SUD-rail appellent à un jour de grève supplémentaire. Sans respecter le cadre de l’intersyndicale, donc ».

Pas de meilleure nécessité à cette stratégie populiste que de s'appuyer sur le fait que, depuis le début du mois la plupart des grèves (à EDF, SNCF et RATP) ont baissé de 10%, car « c'est dur de perdre de l'argent pour une revendication qui n'est pas une, mais diversifiée selon les mille appartenances corporatives et les « privilèges anciens ».

Puis EPISODE SUPERBE ! L'ATTAQUE PARLEMENTAIRE qui passe comme lettre à la poste, au point de faire se retourner Thorez dans sa tombe :

LA SUPPRESSION DES REGIMES SPECIAUX AU PARLE-MENT EST ACTEE LE 10 FEVRIER, LA VEILLE DE LA BIG MANIF QUI ALLAIT BOULEVERSER LE PAYSAGE FRANCOPHONE : aucun commentaire, aucune indignation dans la presse pour ce préambule réussi !3

Au cours de la manif, nulle présence en force des électriciens, leurs syndicats sachant que la plupart des autres corporations s'en fichent et même s'en indignent. C'est ce qu'on appelle au jeu d'échecs « le coup du berger » ; excusez du terme, mais en plus il vaut de l'or sans volonté de ma part de ne prendre Berger que pour un simple pion.

La manif « historique », espérée par Mélenchon, mais souhaitée plutôt « préhistorique » par les QG syndicaux, est un double cortège mollasson qui s'écoule en parallèle inoffensif boulevard Voltaire et boulevard Diderot sans nulle insurrection « historique » place de la...Nation.

La manif « historique » d'un peuple indifférencié n'est plus qu'un sujet sociologique pour nos journalistes baveux au soir qui la baptisent « phénomène de société ».

Que faire pour « durcir » une manif molle de « millions » de « Français » et du « peuple » ? Le grand soir à partir du 7 mars ! Les filles du populisme syndicrate : « elles envisagent d'appeler à une grève totale à partir du 7 mars, selon les informations de BFMTV ». Un coup de « théâtre » reste possible :

« Le 7 mars n'est pas une date choisie au hasard. Si le texte sur la réforme des retraites n'a pas été voté précédemment, il partira en commission mixte paritaire, qui réunit sénateurs et députés, le 4 mars, tandis que les vacances scolaires se terminent le 6. Et tout sera plié le 26 mars, un mois crucial donc pour les défenseurs comme pour les adversaires du projet ».

« Les syndicats veulent bloquer le pays à partir du premier mardi de mars. La grève totale à laquelle ils aspirent sera reconductible avec des assemblées générales qui auront lieu tous les soirs pour statuer sur sa continuation, selon les informations de BFMTV. Les commerçants (sic) seront également appelés à se joindre au mouvement en tirant leurs rideaux en signe de solidarité avec les autres secteurs d'activité qui manifestent ».

UN BERGER DECIDERA POUR LES MOUTONS

(ou la personnalisation comme en politique du mandarinat syndical)

« ...D’autant que la fronde contre la réforme des retraites est amenée à durer au moins jusqu’à la fin mars, date de fin de l’examen du texte au Parlement. Jouer une partition plus rythmée et plus corsée dès à présent ferait courir le risque de se mettre à dos l’opinion publique. Une situation qui précipiterait la fin de la mobilisation. «Je ne ferai pas ce cadeau au gouvernement de pousser pour des blocages qui amèneraient les Français à être contre nous», confie le numéro un de la CFDT. Laurent Berger se livre ainsi à un savant jeu d’équilibriste. À savoir «tout faire pour obtenir le retrait de la réforme», tout en contenant les velléités de la CGT ou de Solidaires, qui poussent chaque semaine plus fort pour des grèves reconductibles et un blocage pur et dur du pays. «Il est fidèle à ses gènes de syndicaliste réformiste et moderne (sic). Il se montre à la fois solidaire et résolu mais aussi modérateur», livre Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et président du groupe Alixio. «Laurent ne cherche pas à convaincre, il accepte les positions différentes et cherche avant tout à rassembler», abonde Cyril Chabanier de la CFTC ».


« Le paratonnerre de la radicalisation » ou une simple querelle Berger/Macron ?

D'une mobilisation samedi, souhaitée par la CFDT déterminante pour la suite du mouvement on ne saura rien ; supposant le risque que les « Français » ne soient pas au rendez-vous, ce syndicat était présumé courir le risque de se faire dépasser par la frange la plus dure de l’intersyndicale. Car dans les rangs des organisations les plus radicales, sa mainmise sur la mobilisation exaspère, voire démotive. On retrouve la chanson permanente du gentil contre le méchants, d'un gentil qui attend son heure, quand la mollassonne mobilisation de samedi n'a pas vraiment permis de départager les bergers « radicaux » des bergers « collabos » ; on eût dit une manif funèbre bis pour le Bataclan.

« Les militants sont convaincus que «la ligne Berger» jugée «trop molle» ne permettra jamais d’obtenir le retrait de la réforme. Contrairement aux blocages de raffineries ou à la paralysie du réseau ferroviaire, qui pourraient déclencher un soulèvement comme en 2019 avec les «gilets jaunes», et faire naître un vrai chaos social. Face à ce risque, les services de renseignement sont aux aguets et remontent à l’exécutif les informations qu’ils glanent dans les entreprises des secteurs réputés les plus dangereux: l’énergie, le pétrole, les transports. «Mais Laurent Berger n’aurait rien à gagner à entrer dans une stratégie plus dure», note Raymond Soubie.

Rivalité perso Berger/Macron ? Billevesée apolitique des journaleux ! « L’exécutif, lui, perçoit le syndicaliste comme un paratonnerre de la radicalisation. Il attire les foudres des syndicats les plus vindicatifs et les absorbe pour préserver un calme consenti. Dans les couloirs ministériels, certains se prennent pourtant à espérer la faute de carre. Car ils savent qu’en l’état, Laurent Berger ne lâchera rien. L’exécutif a multiplié ces derniers mois les appels du pied pour tenter d’obtenir le soutien du premier syndicat de France, en vain. L’élargissement des carrières longues, la meilleure prise en compte de la pénibilité et les avancées sur l’emploi des seniors n’auront pas suffi ».

Il est ensuite question d'un règlement de comptes entre Berger et Macron, épisode évidemment fictif pour que les journalistes paradent comme informés de la cuisine ministérielle. En tout cas, on apprend que le berger est très courtisé et sans honte bouffe à tous les rateliers, tour d'estrade !

« ...plusieurs dizaines de députés Renaissance ont récemment échangé avec le patron de la CFDT. Cafés, déjeuners, coups de téléphone: le syndicaliste enchaîne, ces derniers jours encore, les rencontres avec des élus de tout bord. Sauf ceux du RN. Et ceux de la Nupes, qui se prêtent au jeu de l’obstruction parlementaire - en déposant des milliers d’amendements - et qui provoquent «une impasse» pour empêcher le débat.

Il y a quelques semaines, l’Amicale sociale, petit groupe de députés de l’aile gauche de la majorité animé par les élus Renaissance Stella Dupont et Guillaume Vuilletet, a reçu le leader syndical pour un petit déjeuner. Ils ont fait part à Laurent Berger de leurs «interrogations» sur certains points, et ce dernier leur a expliqué certaines de ses réticences, sur des sujets comme la pénibilité ou les conditions de travail des seniors. «Nous avons mis de côté la question du recul de l’âge pour ne pas se focaliser sur ce point bloquant», confie le député Renaissance Benoît Bordat. «C’était constructif et cela m’a été utile. J’ai même retiré un amendement car j’ai compris qu’il aurait été inopérant», avoue le député de Côte-d’Or. Les parlementaires qui ont rencontré Laurent Berger sont en tout cas unanimes: l’homme sait y faire. «C’est un travailleur acharné. Il s’adapte toujours à la personne qu’il a en face de lui et la respecte quelles que soient ses convictions», raconte un interlocuteur régulier. Son franc-parler fait aussi l’unanimité. «Il est très politique. Certains commencent même à parler d’une possible candidature présidentielle en 2027», sourit un parlementaire. Mais, le syndicaliste l’assure, la fronde contre la réforme des retraites sera l’un de ses derniers combats. Il a toujours dit qu’il n’irait pas au bout de son mandat, qui s’achève en 2026. Quant aux carrières qu’on lui imagine dans les plus hautes sphères de l’État, elles ne l’intéressent pas. Fidèle à ses idées, il continuera à en porter certaines, mais loin de tout ce monde, jure-t-il. Et dans l’idéal, avec cette bataille gagnée à son actif ».

Partage des scénarios avant le prochain acte théâtral: le 16 février (5ème acte)

Hélas « les syndicats couvent des stratégies opposées ». Certains, CGT en tête, comptent miser sans état d’âme sur un blocage pur et dur du pays, ce qui les descendra dans « l'opinion publique », quand la « prudente » CFDT plaidera pour ces nombreux « Français » ne peuvent pas faire grève indéfiniment, en tançant CGT et SUD de manque de sérieux. Du côté des fédérations CGT de l’énergie, des transports ou encore du pétrole, le calendrier de l’intersyndicale est loin de convaincre. Avec cet autre vocable du populisme gauchiste « ne rien lâcher », on laisse croire par après que la décision et l'orientation pourraient échapper aux QG syndicrates : «Chaque travailleur a la maîtrise de ses outils de production», affirment les deux codélégués généraux de Solidaires, Murielle Guilbert et Simon Duteil. Une façon de dire que, si la tête de la centrale n’appelle pas à la désobéissance, elle la comprendra facilement. FO n’est pas non plus très loin de cette logique. «La décision de lancer une grève reconductible doit se prendre au niveau des entreprises. Ce n’est pas à nous de prendre ce genre de décision», souffle-t-on dans les rangs du syndicat ».

« De l’autre côté du spectre, la CFDT est opposée à toutes initiatives hors des rendez-vous fixés par l’intersyndicale. «Les actions entre les dates affaiblissent les journées de mobilisation», assène sans pincette Marylise Léon, la secrétaire générale adjointe de l’organisation. De quoi faire écho aux propos tenus par Laurent Berger ce week-end, qui soutenait que «le niveau d’efficacité syndicale ne se mesure pas au niveau d’emmerdements concrets pour les citoyens». Au sein du syndicat réformateur, on ne souhaite pas entrer dans une logique de blocage et de grèves reconductibles, car on sait que de nombreux Français (re-sic) ne peuvent financièrement pas se permettre de faire grève indéfiniment. Ce qui n’empêche pas le syndicat de dire qu’il «n’entend rien lâcher pour obtenir l’abandon de la réforme». La suite, au plus tard c'était ce mollasson 11 février…

Et de répéter l'antienne effrayante voire révolutionnaire : « Plus que le nombre, l’exécutif craint les débordements ». H Hi Ah Ah Ah !

La pièce de théâtre assez longuette, jouée dans le huis clos « français » avec des comédiens, nombreux mais d'un « peuple » indifférencié soumis aux metteurs en scène syndicaux, est de moins en moins applaudie. Bien que le sentiment recherché par la mise en scène soit de bien délimiter à nouveau le parterre de gauche et celui de gauche, la fin du spectacle risque pourtant de se terminer sous les sifflets des spectateurs de plus en plus nombreux dans les pré-manifestations.

Prolétaires ! Vous pouvez changer de programme si vous le voulez ou vous libérer de toutes les chaînes !

 

notes


1« Macron écoute le peuple » était l'autre face du grand panneau interchangeable de notre ami, home sandwich de toutes les manifs , auquel j'ai objecté « non...du prolétariat ! » ; mais j'avais tort, ce n'est pas le prolétariat qui est dans la rue mais autant de couches disparates que les gilets jaunes, majoritairement des vieux et des quadras, peu de jeunes par rapport à la masse, aucun slogan « de classe », amorphe pour les trois quart. La mauvaise audition, telle est la critique des oreilles syndicales : « «Si le gouvernement persiste à ne pas écouter, forcément il faudra monter d'un cran», a déclaré Philippe Martinez à la presse, se montrant par ailleurs optimiste sur la participation à la troisième journée de grèves et de manifestation à l'appel des syndicats, avec des chiffres montrant «qu'on est au niveau du 19 si ce n'est plus». À ses côtés, Laurent Berger (CFDT) a jugé que ce serait «une folie démocratique de rester sourd» à la contestation de la réforme ».

2« À l'adresse des automobilistes, les acteurs du secteur comme le gouvernement se veulent rassurants, écartant tout risque de pénurie. «Les stocks existent, ils ont été reconstitués depuis le mouvement (social) de l'automne» »

3À coups de centaines d'amendements, la coalition de gauche Nupes avait prôné le maintien des régimes visés, ceux de la RATP, des industries électriques et gazières (IEG) ou de la Banque de France. À l’inverse, la majorité présidentielle a défendu leur fin, par mesure «d'équité». Quelque 16.000 amendements restent à discuter en une semaine, sur les 19 autres articles du très contesté projet de réforme.

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