PAGES PROLETARIENNES

dimanche 22 janvier 2023

LA REPLIQUE DE MELENCHON : UNE MANIF DE VIEUX

 



« Ce n’est pas le moment de se diviser. Vu la mobilisation de jeudi, tout le monde a compris quelle est la date importante de la semaine. » Martinez, Chef CGT

Saviez-vous qu'il y a un point commun entre les CRS et les manifestants ? Non ? Si, le téléphone portable. Pour les CRS je veux bien, il faut tenir des heures durant dans les bus garés par dizaines dans les rues adjacentes pendant que ces messieurs-dames se promènent au grand air ! Cela m'attriste pour les manifestants qui causent peu entre eux, chantent puis se recollent à l'oreille ce gadget à tuer tout rapport humain direct et surtout toute discussion in vivo.

« Le départ de « la marche pour nos retraites » est organisé à 14 h, place de la Bastille. « À l’initiative de plusieurs associations jeunesse (L’Alternative étudiante, Voix Lycéenne, FIDL, Jeune Garde, Jeunes Insoumis, Jeunes écologistes, Jeunes Génération·s, Place Publique Jeunes, RED Jeunes, POI, NPA Jeunes) et face au projet de Macron et du gouvernement, nous vous appelons toutes et tous à participer à la Marche pour nos retraites le samedi 21 janvier à Paris ! »,

On pourrait presque croire qu'il y aurait plus d'organisations que de manifestants. J'ai trouvé aussi à un moment qu'il était possible qu'il y eût plus de CRS que de défilants. Je n'ai pu m'empêcher de penser non plus que cette ribambelle de jeunes crapules en bande n'est que leur école de formation pour réussir à la députation si bien nommée ou à une carrière de cadre syndical avec retraite confortable.

COMMENT LA PRESSE SPONSORISE UN ECHEC DE LA MELENCHONIE

Le Monde commence par le gros mensonge: « les organisations de jeunesse soutenues par la France insoumise quand tout le monde sait l'inverse, encore un truc du leader Maximo pour relativiser son combat perdu face à la mafia de Martinez; Puis il semble plus neutre et proche de la réalité du déroulé !
« Le cortège emmené par les jeunes, mais brassant toutes les générations, a cheminé entre les places de la Bastille et de la Nation sans incident notable. On était loin de l’affluence constatée lors de la journée de jeudi, qui avait réuni entre 1,2 et 2 millions de manifestants dans toute la France, selon les estimations du ministère de l’intérieur ou de la Confédération générale du travail (CGT) ».

Or « le cortège emmené par les jeunes » c'est comme la corde soutient le pendu. La vedette organisatrice était bien Mélenchon, interviewé un peu plus loin avant de rentrer en taxi chez lui. Le guru de LFI ne dit rien de très révolutionnaire mais laisse tout de même entendre qu'on pourrait révolutionner le travail, le rendre joyeux même sous le capitalisme, à l'unisson de tous ces bobos boostés par le télétravail après les 35 heures émancipatrices, qui veulent jouir sans temps mort, quitte à faire des heures sup pour se payer le dernier crossover, tout en assurant mépriser le travail en général et en déplorent à distance celui réservé au «  bas des couches moyennes ». Le lider Patachon résume bien le deal de la bobocratie :

« La clé de l’avenir, ce n’est pas de produire plus, du jetable. Mais de produire mieux, et pour le faire, il faut travailler moins ».

Le lider minimo du NPA Olivier Besancenot, a appelé les manifestants à être des « activistes de la grève générale ». « On va bloquer la société, paralyser l’économie », « Quelque chose est en train de se passer, il y a quelque chose qui ressemble aux mobilisations passées où on gagne ».

J'ai vu ensuite l'individualiste provincial Ruffin avec ses oreilles de star Trek, juché sur la plate-forme du camion du NPA (le NPA fermait la marche du faux cortège des jeunes), pourtant sans charisme, tenir son habituel bla-bla populiste : « il faut élargir, élargir, élargir. A la jeunesse, aux “gilets jaunes”, aux mères célibataires, aux artisans commerçants (…). Il faut faire déborder la rivière ».

Un discours qui tombe pourtant à l'eau face à un parterre de soldats du NPA pas très fans du zèbre amiénois.

C'est le trust gouvernemental France-infaux qui sponsorise le plus ce maquillage d'une manif de la « jeunesse » :

« Une nouvelle manifestation contre la réforme des retraites a eu lieu ce samedi 21 janvier dans les rues de Paris. Un succès selon les organisations syndicales de jeunesse qui revendiquent 150 000 participants, contre 14 000 pour le cabinet Occurrence ». « Dans le cortège, il y avait beaucoup de jeunes dont Anaëlle, 23 ans. "La jeunesse est là pour insuffler le mouvement. Les gens sont limités en jours de grève » (…) Un combat mené par des manifestants venus de toute la France, de tous les âges, de tous les horizons ».

Il existe un découpage associatif « jeune » des futures couches moyennes supérieures, futurs cadres des partis de la gauche bourgeoise « d'avenir » ou encadreurs syndicrates, à l'instar de tant de Jospin, Vals et cie. La secte lambertiste muée en POI, branche trotskienne la plus spécialisée dans le mensonge organisé, qui a formé au siècle dernier le jeune Mélenchon, est très présente avec ses vieilles barbes porte-drapeaux ; mais c'est un type qui s'appelle Le Coq, « co-animateurs des djeuns insoumis », à qui incombe le rôle du hâbleur autorisé : « Aujourd'hui, la jeunesse est unie, elle est nombreuse dans la rue. Et on est content justement qu'elle arrive à montrer cette force d'unité et d'action. On est content nous d'avoir les jeunes Insoumis, les jeunes de Génération, les jeunes Ecologistes, les jeunes du Parti ouvrier indépendant qui sont là pour manifester tous ensemble ».

Une montée révolutionnaire dont les prédateurs pas lycéens mais syndicats étudiants (sauf le principal, la FEN aux côtés du barnum de « l'unité syndicale » de jeudi), qui appellent à organiser des assemblées générales ce mercredi dans toutes les universités du pays. Ce qui nous rapprochera un peu plus de la révolution.

RETOUR SUR TERRE

Une première chose m'a frappé, alors que j'observais depuis une terrasse de café le début du défilé. La pré-manifestation était encore là, mais à la différence de celle d'hier, dense et compacte, celle-ci était clairsemée, étirée en longueur et peuplée surtout de pères Noël qui, à mon avis, ont une hotte vide et vide des promesses du père Noël Mélenchon. La clique populiste semble avoir compris qu'il ne faut plus laisser ces pré-manifs livrées à elles-même, ce qui explique qu'on y trouve désormais ses soldats drapeau en main orné du logo d'une lettre grecque, pour faire cultivé.

Avant l'arrivée des troupes, je me retrouve filmant au milieu d'une cinquantaine de blaquedébloques, très agités et en éruption presque érotique face à la mise à feu de deux poubelles Même casqués et masqués on sent bien les bobos anars accompagnés par des marginaux avinés et des gamines canette de bière en main ; une autre est voilée de haut en bas, une sœur de classe islamo-gauchiste sans doute. A peine les CRS sur la gauche se mettent-ils en branle que tous nos dangereux « ultra-gauches » (dixit TF1) s'égaillent comme des moineaux. Puis reviennent s'extasier devant le feu de poubelle dont la fumée monte jusqu'à la hauteur de la mythique rue Saint Antoine. Deux pompiers interviennent vite et leurs extincteurs font merveille. Vous n'auriez rien remarqué d'original mais moi si. J'avais d'abord remarqué que toutes les escouades policières sont suivies par deux pompiers. Pourquoi des pompiers noirs seraient habiles à mieux combattre le feu ? Pour la raison suivante. Depuis Mathusalem et en France, on sait que c'est une habitude chez les sauvages de banlieue de traiter les pompiers comme les flics : jets de pierre, insultes. A Paris, le Préfet a trouvé la parade. En mettant des pompiers noirs, non seulement on ne va pas les insulter mais surtout leur laisser faire leur travail. Vous n'imaginez pas les blaquedébloques, avec un nom aussi noir d'abord, leur jeter des pierres ou les traiter de collabos. Ils se couvriraient de honte comme racistes ! Puis ils se sont évanouis de la circulation et on pouvait voir avancer les jeunes annoncés.

Pas folichon. On voit bien une rangée de jeunes, certes trop vieux pour être lycéens, mais rien de massif. Peu après ce sont de très vieux lycéens probablement du siècle dernier. Les « jeunes » au milieu semblent trop mûrs pour fréquenter le bahut des morveux. Mais passons. Arrive un énorme camion plate-forme où on s'attend à voir trôner une brochette de députés Nupes, voire Quatennens aux côtés de Sandrine Rousseau pour fêter une nullité probable ou une unité improbable. C'est une inconnue de ma part qui fait le show, dénonçant cette ignoble réforme et appelant sans cesse les défilants derrière le lourd engin à crier ou à applaudir ; ce qu'ils font sans barguigner. Un peu plus loin, pour bien couvrir le peuple une camionnette avec écran géant montre l'animatrice invitant un représentant italien, preuve in vivo d'internationalisme et qui vient raconter que c'est pareil dans tous les pays avec cette tonalité hystérique qui prouve que vous êtes un militant enragé ou dégagé de tout sens de la proportion. Mélenchon avait eu droit à son tour de parole quelque temps au début mais j'étais trop loin. Le principal appel révolutionnaire qui rythme et remplit nos oreilles ponctuellement est le rappel à l'urgence de signer la pétition qui va faire tomber le gouvernement Macron.

Cette camionnette à distance de la tribune roulante, avec écran numérique géant, vient confirmer le goût du lider Maximo Patachon pour le spectacle à défaut d'une politique crédible, en particulier avec ces hologrammes de sa personne, procédé qui le montra transparent et donc creux et vide, et qui nous fît non seulement pitié mais imaginer que, privé de retraite pour telle ou telle raison, il pourrait se reconvertir au cirque Médrano.

Au milieu on vît un troupeau dansant et claquant des mains, pas très lycéen non plus, du genre « tchétchéguévara » dont le poster était présent avec le fanion tricolore ; quelques individualités du RN étaient présentes ; je me suis engueulé avec une femme de ce milieu, récusant le terme citoyen. Au fur et à mesure que je remontais la manif des "djeuns", le défilé se rétrécissait en largeur, les rangs s'espaçaient. Derrière pas de lycée ni de fac désignés par une banderole, mais des banderoles des sections de province de LFI de la Loire à 'Essonne, suivies par des « jeunes » aux cheveux étrangement blanchis sous le harnais qui ressemblaient plus à des profs en fin de carrière ou à de « jeunes » fonctionnaires sexagénaires avec des papys soixante-huitards reconnaissables à leur catogan ou à la veste de trappeur de Jack London, enfin avec cette démarche heurtée, courbée et peu alerte. Les « jeunes » du NPA, toujours lycéens malgré leurs études supérieures, fermaient la marche, ou plutôt précédaient les camions des boueux qui assombrissaient le côté festif du défilé : tout serait balayé comme crottes de chien, même pas un tract ne témoignerait qu'à peine environ 12.000 avaient défilé comme simples chiffons publicitaires pour un Mélenchon hologramme (il s'était éclipsé rapidement car marcher longtemps risque de favoriser un AVC à 72 ans). On devinait quand même son ombre sacrée planant au-dessus des camions poubelles de la reine-mère Hidalgo.

De retour à Nation, je déplore toujours l'absence d'assemblée. Les manifs traîne-savates avec pétards de carnaval doivent donner envie aux participants de rentrer se coucher, pas de réfléchir. Je vais tout de même m'enquérir de l'avis de quelques vrais jeunes. Ils ne sont pas enthousiastes et assez dubitatifs. Je n'ai pas de peine à leur démontrer que c'est une opération pour requinquer la gauche et que la lutte pour une retraite améliorée est perdue d'avance. Surtout qu'on est déjà passé d'une unité idyllique à une désunion bizarre mais opportune pour l'Etat.

APRES L'UNION ENCHANTERESSE LA DESILLUSION AMERE

Mais pas encore avérée. Les forces de la gauche « unitaire » ont encore nombre de scénarios pour balader, atomiser puis faire râler dans l'ordre finalisé. Le premier, et je me suis fait avoir aussi concerne la temporalité des « actions multiples » ; j'avais pris pour argent comptant l'explication d'un journaliste disant qu'on ne pouvait obtenir les autorisations de manifester avant une semaine. Ben voyons, comme si ces grosses mafias avaient besoin de la permission de leur patron ! Première remarque, si un mouvement est fort on l'aide à monter, c'est à courte échéance qu'il faut le prolonger ; ainsi le barnum du jeudi 19 aurait dû appeler à rejoindre la manif « jeune » de Mélenchon et à continuer tous les jours même en fin de journée pour ceux qui travaillent, un peu comme le mouvement (foireux) « Nuit debout ». En laissant a programmation aux généraux syndicaux pour l'échéance suivante une semaine plus tard ou dans une durée indéterminée... le soufflé est destiné à retomber !

Toutes les autres cliques, de la CGT, au PS en fusion, de la FEN au bedonnant Fabien Roussel, toutes ont dénoncé le cavalier seul de Mélenchon. Mais Mélenchon n'est pas le seul responsable de la cacophonie soudaine des pétitionnaires.Du PS moribond qui n'a pas réussi à se passer de la nouille Faure, du bordel des poujadistes féministes et de la reprise en main (virile?) du Mélenchon en colère, du réveil des compétitions inter-syndicales, en négligeant les scissions secondaires des sectes gauchistes, la retape d'une idéologie de gauche illusionnant la classe ouvrière n'est pas pour demain, encore plus lorsque la loi passera dans les chambres institutionnelles bourgeoises.

L'échec de la tentative de récup populiste...

Les rempailleurs de la gauche bourgeoise et les syndicats collabos n'apparaissent pas, et d'autant plus avec ces nouvelles rivalités de boutique soudaines, comme capables de donner un semblant de réalité à cette fable d'unité dans la riposte (utopique) caressée ou affichée par les états-majors.

Mélenchon qui espérait emporter la mise en menant la première manif de masse, avait perdu une manche jeudi, obligé de laisser le leadership et la gloire aux mafias syndicales, il a perdu la deuxième ce jour avec une manif dix fois moins importantes que celle des syndicats réunis dans le provisoire habituel. Et j'avais vu plus de vrais lycéens à la manif de jeudi.

Il y a une autre raison pour que la fable de l'unité ne devienne pas réelle et par le fait que le public se fout depuis toujours du privé, voire est de type nationaliste et plouc ; ce n'est qu'en 1931 que la France n'est plus un pays à dominante paysan, mais la classe ouvrière y restera majoritairement plouc jusqu'aux sixties ; les services publics n'embauchent pas d'immigrés, le privé si.

Comme les syndicrates, les gauchistes bobos, nos maximalistes de la phrase (par ex le CCI) brament depuis toujours pour l'unité public-privé, ce qui est un foutage de gueule pour les concernés de la multitude du privé qui critiquent à juste titre des avantages scandaleux, maintenus depuis une dure époque alors que la pénibilité n'est plus du tout la même de nos jours. C'est l'écrivain caustique Emmanuel Berl qui a bien caractérisé cette hypocrisie largement convenue, dans un de ses pamphlets, en particulier ce corporatisme étriqué, ce clientélisme lamentable et chauvin des secteurs publics :

Il écrit que, depuis qu'on a empêché les ouvriers « de suivre leur instinct, lequel les poussait à briser les machines, ils ne savent que rêver d'un capitalisme encore plus bête, encore plus épais, une forêt d'arbres à cames, de tours, de bielles, de courroies, avec, au milieu, l'homme des droits acquis, moitié manœuvre et moitié retraité ».

« Leurs chefs d'ailleurs ne veulent pas qu'ils deviennent des hommes. Ils veulent faire d'eux des militants. Alors, ils tâchent de substituer -et ils réussissent à juxtaposer- aux féodalités capitalistes (lesquelles sont déjà suffisamment nombreuses et odieuses) une poussière de petites féodalités mesquines. Tyranneaux de municipalités, académies de postiers, dynasties d'instituteurs, cercles de dactylographes, et je te coopte et je t'exclus, et je t'impose un langage aussi convenu, aussi pompier, aussi bête que celui du nobliau de province avec des parfaits définis, ses trois citations de Sénèque et ses quatre termes de vénerie. Le prolétariat considéré en tant que caste ! La révolution en tant que carrière ! Le communisme en tant que combine ! ».

« Que veut le peuple, mon bon monsieur ? Des retraites. Des pensions. Des « droits » que l'État confère (papa député et maman syndicat nous engendreront tellement de droits qu'un diable lui-même n'y retrouvera plus ses petits). Et tous pareils, nom de Dieu ! Sauf qu'on se débrouille, pardi ! ».

Frère bourgeois, mourez-vous ? Grasset, 1938



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