PAGES PROLETARIENNES

samedi 20 février 2021

LE DRAME POLITIQUE DANS CORNEILLE



(extraits, Gallimard 1948)


par Paul Bénichou

"NOUS, PROLETAIRES ET COMMUNISTES, DEMANDONS AVEC FORCE LA RADIATION DES MANDARINS ISLAMO-GAUCHISTES"


Je reviens comme promis à la fin de l'article précédent vous informer sur l'oeuvre de Paul Bénichou et notamment son ouvrage – Morales du grand siècle – cet historien ne fût pas jugé digne d'être intégré dans les hautes sphères universitaires, preuve de plus des clowns rampant qui sont au pouvoir de ces académies à chaque siècle (mai 68 avait commencé par le mépris des mandarins universitaires). La tempête dans un verre d'eau autour des chercheurs faussaires d'un révisionnisme « antiraciste » du passé colonial ou des pratiques fétichistes de l'homme de Néerdanthal, est par conséquent de peu d'importance au point de vue de l'honnêteté historique ou de la conscience politique. Ces faux savants ont surtout besoin de prébendes étatiques pour justifier leurs recherches fumeuses. La levée de bouclier des couches inférieures de la bourgeoisie (professeurs, docteurs, juristes et journalistes) reflète bien plutôt leur terreur de perdre les subventions et leur jeu d'influence pour favoriser ignorance de l'histoire de la lutte des classes et autoriser toutes les falsifications qui servent à justifier les modes politiques de la petite bourgeoisie et même des grands bourgeois. L'antiracisme, bâtard de l'antifascisme de salon, sert bien évidemment de justificatif et de bouclier au maintien des inégalités sociales, salariales et raciales.

Les ravages de l'idéologie impérialiste islamique sont évidemment favorisés par cette histoire trafiquée par ces « élites du savoir » fabriqué, aussi pourries que la recherche industrielle ou la logistique catastrophique et stalinienne de la gestion de la pandémie. L'information est systématiquement tronquée, de façon à nourrir plus fort notre sentiment d'impuissance à nous spectateurs. En livrant une partie de l'info sans un instant nous respecter au niveau des conséquences, on avive les plus réacs des maximes. Par exemple, le migrant qui a poignardé à mort un responsable d'accueil de réfugiés – et qui aurait pu être abattu illico par la police comme le tueur de Samuel Paty sans qu'on verse une larme - va d'abord servir à faire croire que tous les migrants sont de potentiels tueurs des curés qui les accueille charitablement ; ensuite comme ces curés, souvent islamo-gauchistes sont des marchands d'illusions et de sommeil, qu'est-ce qui m'empêche moi, si je suis un des migrants, d'avoir envie de les butter parce qu'ils m'auront mené, eux aussi, en bateau et me laissent crever à mon tour ici même ? Les islamo-gauchistes-caritatifs sont les mêmes que ceux que je confrontais au début des 70, avec le même esprit chauvin tiers-mondiste qui, une fois les lampions de la presse éteinds, laissaient tomber les victimes du « colonialisme ».

L'assassin migrant a d'ailleurs choisi la meilleure solution, par après incarcération, pour être régularisé, nourri et logé en France pendant des années.

Le cas de la victoire du mode de vie et de flicage musulman à Trappes est également emblématique du mode de transmission universitaire de la gauche bourgeoise en opposition (qui procède lâchement comme les « frondeurs » du 17 ème siècle et les grands seigneurs en guéguerre avec les rois, comme vous le démontrera Paul Bénichou ci-après). Cet historien va décoiffer les plus ignorants parmi vous en détruisant la notion vulgaire de représentation sociologique en politique. La révolution bourgeoise par exemple a plus dépendue de grands esprits monarchiques que des bourgeois à l'esprit classiquement étroit. En Russie, avec les partis socialistes composés de brillants étudiants parfois d'origine noble, la révolution n'a pas été produite en soi par un peuple en majorité illettré. Le peuple en 89 et la classe ouvrière en 17 ont en quelque sorte délégué leur déterminisme historique – plus souvent d'ailleurs processus stochastique - pour conduire la révolution; tant pis pour nos snobs intellos conseillistes, par elles-mêmes ces classes n'en seraient restées qu'à la vieille Fronde, à l'insurrection pour bobo parisien lecteur de Hazan dans le contexte de l'invisibilité théorique, sans modifier tout l'arc historique. Lénine eût une formule maladroite en parlant de conscience « apportée de l'extérieur », mais ce n'était pas entièrement faux, et il l'a rectifiée par après face à la critique de Rosa ; faux nez en moins, les rapports et échanges, et la représentation politique d'une classe révolutionnaire ne peuvent pas être compris par messieurs les sociologues de Francfort ou nos minables académiciens parisiens, qui, de peur de perdre leur planque à mensonges, dénoncent notre gouvernement si « socialiste » en ce moment, comme inquisiteur stalinien !

Oui la comparaison et l'analogie font partie de la méthode marxiste, et cet historien non reconnu par la recherche de merde officielle vous aidera, pour ceux qui me découvrent ou qui n'ont été instruits que par les éditions sociales (stal), les bouillies trotskiennes, ou La fabrique officielle de la mystification indigéniste, Hazan et ses merdeux rebelles de pacotille, à mieux comprendre ce qui se passe aujourd'hui : façon dont l'opposition de gauche fonctionne, et même les chercheurs anarchistes de la mouvance islamo-gauchiste (avec la même couardise que les grands seigneurs, par ex. le colonialisme est remis en cause au 19 e siècle – alors qu'il est quand même aussi un progrès pour le monde entier – mais pas le « colonialisme » de Macron, ici et maintenant... limites de la fausse radicalité, afin de ne pas perdre tant de planques et de places honorifiques ! Idem pour la place contestataire attribuée à la syndicratie, et ne parlons-pas des divers partis ni des personnages aussi lâches et verbeux que les planqués mandarins pétitionnaires, Picketty, et j'en passe. L'histoire se répète, avait dit notre vieux Marx, et pas toujours dans le bon sens, et pas de la faute de l'avant mais souvent de l'après. Bonne lecture.

***

(…) L'oeuvre de Corneille n'est pas seulement influencée d'une façon générale par l'esprit aristocratique. Contemporain d'une crise assez grave dans les relations de l'aristocratie et du pouvoir, elle laisse apercevoir en elle les traces des événements et des débats qui l'ont vu naître. Quoique à ce moment la noblesse eût perdu, depuis longtemps déjà, l'essentiel du pouvoir politique, elle résistait et s'agitait encore confusément, violemment parfois. Les événements contemporains des tragédies de Corneille, c'est à dire les diverses péripéties des ministères de Richelieu, et de Mazarin, constituent un épisode aigu, quoique tardif, de la vieille lutte qui mettait aux prises la royauté et les grands : ce sont successivement, du côté aristocratique, les multiples complots, rébellions et entreprises militaires organisés contre le pouvoir et même la vie de Richelieu et de son successeur ; ministres détestés de l'absolutisme ; c'est ensuite le long et violent sursaut de la Fronde ; du côté royal, c'est le renforcement administratif et politique de la monarchie absolue ; la dure répression exercée par Richelieu ; enfin la victoire qui acheva la Fronde et devait consacrer pour de longues années le triomphe de la royauté. Pendant toute cette époque, la rébellion politique fut avant tout le fait de la haute noblesse.

La bourgeoisie ne prit qu'une part timide à l'agitation contre la royauté ; dans la Fronde parisienne, elle ne se souleva un instant contre la cour que pour regretter bien vite son insubordination et manifester à nouveau un loyalisme actif. A peine faut-il mettre à part les hauts magistrats, membres de Parlements et cours souveraines, et d'une façon générale les « officiers » ou fonctionnaires royaux, propriétaires de leurs charges depuis Henri IV ; de position plus importante et plus assise que les simples bourgeois, les robins s'agitent déjà ; mais, distincts encore de l'aristocratie et timorés à proportion de leur roture, ils ne savent s'ils doivent imiter les grands ou les condamner, se révolter ou se soumettre. Le petit peuple n'a pas lui non plus d'action autonome bien marquée : ignorant et versatile, quand il n'obéit plus au roi il suit les grands, et son agitation, sauf exception, ne survit guère à la leur. D'ailleurs le conflit des grands et du roi était le seul qui parût digne des honneurs du roman et du théâtre.

C'est aussi vrai dans la littérature que dans la réalité ; ici comme là, ce sont les grands qui ont maille à partir avec les rois, et qui contestent les maximes de l'absolutisme. On connaît la littérature politique de l'opposition nobiliaire aux XVII ème et XVIII ème siècles, mais on s'est moins souvent préoccupé de rechercher dans les créations purement littéraires de ce temps-là, tragédies, poèmes, romans, l'empreinte des remuements aristocratiques. Il serait bien étonnant pourtant que la résistance et la révolte des aristocrates n'aient eu aucun retentissement dans la façon d'envisager la vie ou de concevoir le bien, et que la littérature n'en ait recueilli aucun écho. Cela serait étranger surtout dans une époque comme celle de Corneille et de la Fronde, où la lutte politique s'accompagne d'un long frémissement, le dernier sans doute, de la sensibilité féodale.

On aperçoit aisément qu'une morale comme la morale cornélienne, fondée sur l'orgueil et la grandeur glorieuse, ne pouvait qu'appuyer la protestation de l'aristocratie contre l'assujettissement où les rois prétendaient la réduire. L'horreur profonde de toute humiliation infligée au moi est bien la source de toute la vertu cornélienne : or, c'était depuis des siècles le sort des grands d'être ou de se prétendre humiliés par la royauté. Affirmer leur orgueil en dépit du mauvais destin, c'était pour eux affirmer leur insoumission. Cent presque après Corneille, Montesquieu, autre interprète des traditions aristocratiques, analysant le sentiment de l'honneur en France, écrit : « La gloire n'est jamais compagne de la servitude ». L'aboutissement politique de l'orgueil noble au temps de l'absolutisme est la rébellion. (…) Toujours l'estime, l'approbation publique, la gloire : la voilà en contradiction ouverte avec l'obéissance (…) Il ne faut pas oublier ce côté personnel de la politique, alors capital : on était avant tout parmi les fidèles ou les ennemis de quelqu'un, et il est bien évident que Corneille n'était pas au nombre des ennemis déclarés du cardinal. Cela n'empêche pas que nous ayons le droit de retrouver dans le Cid la trace d'un état d'esprit fort peu favorable aux procédés politique du ministre.

Le fait est que la pièce est remplie d'aphorismes qui, en dépit de leur allure toute générale, peuvent passer pour la condamnation de la politique de Richelieu, telle que les contemporains la voyaient. Que Corneille l'ait voulu consciemment, ce n'est pas probabe. Il traduisait des sentiments répandus autour de lui, une opinion publique qui était spontanément contraire au despotisme même quand elle ne pensait pas à le combattre.(...)

L'aristocratie éprouvait depuis toujours un certain penchant à chercher la grandeur dans le mépris des scrupules, dans l'exercice incontrôlé du « droit de la guerre », qui justifie aussi bien, si l'on y songe, l'usurpation que la conquête, et la ruse que la force. La Fronde a connu cette race de gentilhommes cyniques qui plaçaient la politique comme ils se plaçaient eux-mêmes, au-dessus de toute règle, libertins au sens du temps, et aussi dédaigneux de la vertu que de la canaille : Retz n'est pas trop loin de ce type. ( …)

Mais le penchant de l'aristocratie au machiavélisme ou à la divinisation de l'autorité est balancé, au temps de Corneille, par un penchant contraire. Victimes de la puissance des rois, les grands cherchaient, dans la tradition même, un contrepoids à des maximes politiques qui jouaient contre eux. Et de fait, le droit du plus fort ou du plus rusé, compris abusivement, allait à l'encontre de leurs propres intérêts. Aussi la critique des maximes d'Etat et du despotisme au nom d'une morale généreuse tient-elle la première place dans l'époque qui nous occupe ; l'image du mauvais roi, qui mésuse et abuse de son pouvoir, du tyran comme on disait déjà, est présente, d'un bout à l'autre du théâtre de Corneille, dans Cinna, Pompée, Héraclius, Nicomède, Attila, Suréna. (...)

Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées

La justice et le droit sont de vaines idées,

Et qui veut être juste en de telles saisons,

Balance le pouvoir, et non pas les raisons...

La justice n'est pas une vertu d'Etat.

Quand on veut être juste on a toujours à craindre ;

Et qui veut tout pouvoir doit oser tout enfreindre.

L'image abhorrée du mauvais conseiller de la royauté se colorait en lui d'une teinte de bassesse et de roture dont son prédécesseur avait été exempt. Les scélérats de l'entourage royal, tels que les imaginait la noblesse, étaient de préférence des roturiers, des parvenus. (…)

Les rois de France eux aussi avaient prétendu changer la teinture naturelle des hommes. Ila avaient élevé jusqu'aux plus hautes charges de l'Etat de simples roturiers. Ils en avaient fait leurs hommes de confiance, ministres, secrétaires d'Etat, commissaires, auxquels ils avaient donné la puissance réelle, ne laissant aux grands seigneurs que l'apparence honorifique du pouvoir. Corneille, en flétrissant la basse naissance des suppôts du despotisme, reproduisait, en même temps qu'un lieu commun, accrédité dans l'opinion moyenne, une vieille récrimination aristocratique, la même que l'historien Mézeray, qui écrivait lui aussi sous la Fronde, exprime rétrospectivement quand il reproche à Louis XI « l'affaiblissement des grands et l'élévation des géants de néant ». (...)

Et en effet, dans ce temps de complots et d'émeutes, les grands se trouvèrent souvent alliés au bas peuple ; ou plus exactement se servirent souvent de lui. Condé soutenait ainsi, avec tout le dédain qu'on imagine, les extrémistes de l'Ormée bordelaise. A Paris même, le peuple eut un rôle dans les calculs et les manœuvres de grands. Ce n'était évidemment pas de gaieté de cœur que les grands employaient cet instrument dangereux. Comme les princes révoltés du Cyrus, ils étaient au désespoir d'être contraints de se servir d'un remède si plein de périls, « n'y ayant rien au monde de plus à éviter que la rébellion des peuples ». Le théâtre de Corneille est plein de soulèvements populaires : le peuple s'émeut pour Polyeucte, pour Héraclius, pour Nicomède mais évidemment il n'a pas sur la scène de représentants ; il joue tout entier un rôle de lointain comparse. A peine ceux dont il sert la cause parlent-ils de lui, et c'est pour le mépriser. (…) C'est ainsi que les grands de la Fronde utilisaient le peuple pour se faire redouter de la cour. Le peuple n'avait plus qu'à disparaître, dès qu'ils recevaient satisfaction. Les émeutes dont ils rêvaient ne devaient pas les brouiller avec la royauté, mais les faire valoir auprès d'elle, corriger sa dureté. Dans ces Frondes de roman que leur imagination achevait mieux que la Fronde réelle, les grands finissaient en sauveur de la royauté repentie et reconnaissante. Ils venaient offrir généreusement au roi désemparé la paix et la tranquillité générale. (…)

Tous les écrivains politiques de l'aristocratie, jusqu'à la révolution de 1789, se sont efforcés d'établir les critères qui devaient permettre de distinguer la royauté de la tyrannie, - la monarchie du despotisme ; toute l'oeuvre de Montesquieu s'édifie autour de cette distinction. Le critère auquel ils s'arrêtent finalement est l'existence d'un contrat qui doit régler les relations d'un vrai monarque avec ses sujets, d'une sorte de loi constitutionnelle, forme modernisée du vieux pacte féodal. Ce serait une erreur de croire que les doctrines constitutionnelles, en France du moins, soient nées dans les milieux bourgeois ; elles marquent d'une empreinte beaucoup plus profonde la pensée aristocratique, qui confond l'espérance d'une constitution avec le souvenir des « anciennes lois » ou de l' « ancien gouvernement », c'est à dire des institutions féodales. En fait, le gouvernement féodal n'avait jamais connu de lois au sens propre du mot ; ce qui bornait l'autorité, ce n'était jamais une disposition légale, c'était l'état des choses et l'impuissance matérielle où se trouvait tout pouvoir, quel qu'il fût à passer certaines limites. (…)

De là l'erreur relative par laquelle on a fait de Montesquieu le premier des libéraux au sens moderne du mot. De fait, toute cette littérature anti-despotique, issue des embarras d'une noblesse en mauvaise posture, devait finir par se retourner contre elle. Le public s'enflamma pour la liberté et pour les lois, mais en mettant derrière ces mots autre chose que la nostalgie du régime seigneurial. Ce malentendu, qui ne devait cesser qu'en 1789, alla en s'accentuant jusque-là, et est beaucoup plus visible au XVIII ème siècle qu'au XVII e. Mais il apparaît déjà à l'époque de Corneille, et particulièrement dans cette vogue paradoxale du civisme romain, à laquelle se laissait entraîner le public aristocratique et ses auteurs favoris (…). C'est que la haute noblesse assimilait d'instinct sa destinée à celle de cette aristocratie de Rome, de ce Sénat que le despotisme finit par avilir en même temps qu'il détruisait la vieille liberté. Qu'on se rappelle Cinna, tel un gentilhomme ligueur ou frondeur, parlant aux conjurés de leurs « illustres aïeux ». La connaissance de l'histoire et des institutions romaines n'a pas seulement servi aux théoriciens français de l'absolutisme et de la raison d'Etat, qui allaient y chercher surtout l'idée de la majesté impériale, de la toute-puissance du prince et de l'Etat. Vue sous un autre aspect, l'histoire romaine est apparue comme la représentation saisissante de la décadence attachée aux progrès du despotisme




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