PAGES PROLETARIENNES

samedi 11 juillet 2020

COMMUNIQUE DU BUREAU POLITIQUE DU NPA



« Le lumpenprolétariat — cette lie d’individus déchus de toutes les classes qui a son quartier général dans les grandes villes — est, de tous les alliés possibles, le pire. Cette racaille est parfaitement vénale et tout à fait importune. Lorsque les ouvriers français portèrent sur les maisons, pendant les révolutions, l’inscription : “Mort aux voleurs !”, et qu’ils en fusillèrent même certains, ce n’était certes pas par enthousiasme pour la propriété, mais bien avec la conscience qu’il fallait avant tout se débarrasser de cette engeance. Tout chef ouvrier qui emploie cette racaille comme garde ou s’appuie sur elle, démontre par là qu’il n’est qu’un traître » Marx
(La social démocratie allemande, uge, coll. « 10/ 18 », p. 38-39)1.


Meurtre d'un travailleur par des lumpens : 

COMMUNIQUE DU BUREAU POLITIQUE DU NPA

Une formidable accélération politique. C’est ainsi que l’on peut décrire ce que nous avons vécu cette dernière semaine autour de la question du meurtre d'un simple prolétaire conducteur de bus. Bien malin serait celui qui aurait pu affirmer, il y a un mois, que cette thématique allait remplacer les ennuis de la famille Traoré, une place centrale dans le débat public, au point qu’Assa Traoré avait été invitée en plateau sur BFM-TV . Un rapport de forces est bel et bien engagé.

La mort de Philippe Monguillot à Bayonne, et les mobilisations qui s’en sont suivies, ont évidemment joué un rôle de déclencheur dans la séquence que nous connaissons actuellement. Il serait toutefois particulièrement erroné de considérer, comme le font certains éditorialistes et responsables politiques, que les importantes manifestations qui ont eu lieu en France ces dernières semaines ne seraient qu’une forme de mimétisme de ce qui se passe avec le clan Amada Traoré. Dans l’hexagone comme ailleurs, se combinent en effet des problématiques communes au niveau national et des problématiques spécifiques liées aux histoires régionales.

Lumpen structurel

L’argument selon lequel « la France, ce n’est pas Chicago », visant à disqualifier la dénonciation du lumpenprolétariat structurel en France, a, à ce titre, autant de consistance que l’argument « Grenoble, ce n’est pas le Pérou», brandi contre celles et ceux qui qualifient de racailles de simples revendeurs de came. Il n’y a jamais de stricte équivalence entre deux situations historiques et/ou régionales, ce qui n’empêche pas d’identifier des processus similaires et de regrouper des situations sous un « label » commun. Viendrait-il à l’idée de qui que ce soit d’affirmer que l’on ne peut pas parler d'islamophilie représentative en France et à Bayonne au prétexte que « la France, ce n’est pas Chicago » ?
Le déni collectif qui a pu s’afficher dans les médias dominants face au caractère systémique des agressions contre les conducteurs de bus fait d’ailleurs précisément partie de la mécanique du… déni systémique, dont l’une des conditions de reproduction est le trotskisme organisé par sa dilution dans une dénonciation du racisme d'Etat et de fait. Notons que ce phénomène fait écho aux discours affirmant qu’il existerait une banlieue « ravagée par l'islamisme » et des « comportements islamistes » mais niant le caractère structurel de l’oppression des jeunes racisés et leur refus légitime de payer un ticket de bus… Ces derniers jours, cette attitude vis-à-vis du crime gratuit a été poussée jusqu’à la caricature, avec la répétition ad nauseam de la formule « Il y a des employés qui veulent faire porter des masques aux pauvres jeunes mais eux-mêmes n'en portent pas ».

Il se passe « quelque chose »

Les mobilisations contre les agressions des travailleurs de ces dernières semaines, quand bien même elles ne se poursuivraient pas au même rythme, ne sont pas un feu de paille, et traduisent des dynamiques profondément ancrées dans la société raciste. Lorsque, 6000 personnes défilent dans les rues de Bayonne derrière la veuve de Monguillot et ses enfants, c’est qu’il se passe « quelque chose ». Lorsque, le 2 juin, des dizaines de milliers de personnes, très majoritairement des jeunes, voire des très jeunes, raciséEs, issus des quartiers populaires, se retrouvent devant le TGI de Paris autour de mots d’ordre particulièrement radicaux, là encore malgré une interdiction préfectorale, c’est qu’il se passe « quelque chose ». Idem avec le succès de la journée du 13 juin et les dizaines de milliers de personnes venues du 93 sur une place de la République que l’on n’avait jamais vue depuis des années aussi remplie… Entre ces deux dates, entre Paris et Bayonne, de nombreux rassemblements et manifestations ont eu lieu aux quatre coins du pays (Toulouse, Lyon, Bordeaux, Rouen, Rennes, Marseille, Lille, etc.), qui témoignent là encore de la profondeur de la mobilisation moins contre les exactions du lumpen que contre celles d'une police qui ne sert à rien pour les travailleurs les plus exposés aux caprices des jeunes racailles.
Oui, il existe en France la nécessité de s'organiser en milices d'auto-défense, qui s’exprime tout autant face aux exactions policières que face aux crimes impunis de la racaille. Et c’est contre ce laxisme institutionnel que des dizaines de milliers de personnes se lèvent aujourd’hui, au premier rang desquelles les « premierEs concernéEs », les travailleurs français blancs, et surtout les noirs et les arabes soutenus par la IV e Internationale.

Polarisation

Le mouvement qui s’est enclenché en France a installé dans le débat public la thématique des pratiques violentes de la racaille et, au-delà, celle des libérations systématiques des petits malfrats, institutionnelles, dont sont victimes les victimes persécutées comme la jeune Mila et toutes celles qui se sont fait violer et cracher dessus 2. Ce faisant, la mobilisation contribue à dévoiler un peu plus les positions des uns et des autres, et l’on assiste, de toute évidence, à un phénomène de polarisation autour de la question de la racaille lumpen et de la canaille trotskiste.

La plupart des éditorialistes, qui donnent souvent le ton du débat public, sont contraints de reconnaître que la massivité des mobilisations témoigne de l’existence d’un « problème » bien réel, mais s’offusquent lorsqu’ils entendent prononcer les mots « racaille systémique » ou « misérables intouchables ». À l’arrivée, tout en concédant quelque légitimité aux revendications portées dans les manifestations, ils se placent néanmoins du côté de l’ordre établi.
L’extrême droite et la droite extrême jouent, sans surprise, leur partition, et se posent en meilleurs défenseurs des victimes de nos camarades terroristes (version Marine Le Pen avec sa remarque ironique sur le énième plan gouvernemental futile sur la montée de l'islamisme en banlieue) et les blancs (les manifestants derrière la veuve à Bayonne et les grévistes des compagnies privées de bus). L’action menée par Génération identitaire lors de la manifestation parisienne du 13 juin, avec le déploiement d’une banderole contre le « racisme anti-blanc », est pourtant bien un révélateur non seulement de ce phénomène d'indigénisation du trotskisme ringard, mais aussi du clivage manifeste dans la société française entre bobos fachos et bobos gauchos, dans l’une de ses versions les plus radicales le déni de la voyoucratie islamiste, qui doit nous interpeller.

Les (faux) pas en avant du pouvoir

Du côté du pouvoir, une fois de plus incapable de gérer une crise, voire heureux de la fixation sur le seul racisme, des signaux contradictoires ont été donnés dans un premier temps : d’un côté, un ministre est envoyé à chaque enterrement et on évite de donner les noms des criminels; de l’autre, on s'en fiche complètement, surtout la mafia écolo à Grenoble qui prospère sur le trafic de drogue.
Les masques sont vite tombés. La police ne fera jamais rien pour protéger les travailleurs des licenciements ni des exactions de la racaille islamiste. Les ministres de Macron n’ayant pas un mot sur les violences islamistes et parlant de « communautarisme » et de « séparatisme » à propos de nos camarades terroristes manifestantEs.

Crispation identitaire 

Des mots qui font écho à ceux de l’extrême droite la plus rance, laissant entendre que les manifestations de ces dernières semaines, explicitement tournées contre le racisme islamique et les violences sympathiques des jeunes, auraient un lien quelconque avec des revendications « communautaristes » ou, pire encore « séparatistes ». Aurions-nous manqué les banderoles revendiquant l’autodétermination de la Seine-Saint-Denis et l'auto-défense du triumvirat Besancenot/Poutou/Christine Poupin?
La situation ne prête malheureusement pas à rire. Car lorsque de jeunes manifestantEs noirs et arabes crient « égalité » et qu’on leur répond « communautarisme », c’est une certaine vision républicaine et démocrate de la société qui s’exprime… Comme la fin du droit des femmes à ne plus être violées par Darmanin. A bas le droit de cuissage des maires et députés ! A fortiori lorsque Macron en rajoute en déclarant : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues. » La boucle est – quasiment – bouclée : en confondant sciemment Ben Bella et Massu, Macron, malgré quelques formules creuses supposées témoigner de son « souci », renvoie la critique des crimes du colonialisme à une lubie « trotskienne » et tiers-mondiste sur le retour .
Tel est, au passage, l’un des paradoxes de la position de nombre de pourfendeurs de « l'islamisation » : (feindre de) ne pas se rendre compte qu’en renvoyant chez eux des personnes revendiquant la charia en Europe au nom de laquelle ils et elles se mobiliseraient, voire en les accusant de vouloir se « séparer » du reste de la population électorale, ils se livrent eux-mêmes à un exercice d’auto-affirmation chauvin, exprimant leur adhésion à un ordre raciste au sein duquel chacunE doit rester à la place qui lui est assignée, fût-elle subalterne et violée.

Assumer la racaille

Aucune forme de déception, bien évidemment, quant aux positions de Macron, car on n’en attendait pas moins d’un gouvernement affaibli et dépendant de ses bonnes relations avec la police, sur-sollicitée pour faire taire la contestation sociale3. Celles et ceux qui ont cru voir autre chose que de la fébrilité du côté du pouvoir, pronostiquant des décisions satisfaisant, même partiellement, les aspirations des manifestantEs, en sont pour leurs frais. Macron et les siens ne sont en dernière instance que le personnel politique des classes dominantes et, en aucun cas, ils ne lâcheront les flics, piliers essentiels du maintien de l’ordre capitaliste ni ne se mettront du côté des conducteurs de bus assassinés.
Ce retour aux fondamentaux montre l’ampleur du chemin qui reste à parcourir dans la construction du rapport de forces. Les collectifs contre les violences de la racaille du lumpenprolétariat, au premier rang desquels le comité « Justice à Bayonne », ont montré leur force d’attraction, leur détermination et leur capacité à garder le cap en province malgré les pressions et les attaques ordurières des trotskiens parisiens, et nous continuerons de leur apporter tout notre soutien. Reste à savoir si l’ensemble des bobos d'extrême gauche sont prêts à se joindre pleinement à la lutte, sans tentation substitutiste, autonomiste ou raciste et en assumant la nécessaire radicalité du combat face à des racailles de plus en plus déchaînées, un pouvoir qui s'en fout et une extrême droite plus que jamais seule à sortir du déni avec le torchon Valeurs actuelles.

Un rapport de forces est engagé, qu’il s’agit de continuer à construire en refusant toutes les diversions racistes, classistes et islamophobes, qu’elles viennent du pouvoir ou d’une certaine « extrême-gauche » qui brille depuis de longues années par son absence dans les luttes contre le laxisme et contre les violences des racailles, quand elle n’a pas été elle-même la raciste légitime de ces combats lorsqu’elle soutenait les bourgeois socialistes au pouvoir. Un rapport de forces qui a déjà, en outre, commencé à contribuer à modifier le climat politique et social global, donnant une explosivité à la sortie du confinement et jouant le rôle d’encouragement à l’ensemble des mobilisations des gens, des racialisés, du peuple et de ma grand-mère. Le comité central sera présent au complet aux funérailles de Philippe Monguillot et il appelle tous les racisé(e)s et enculé(e)s de France à exercer une minute de silence à cette occasion..

Julien Malingre


NOTES

1Wajmachin de Temps critiques est un apologiste de la canaille « hé bien j'en suis » comme nous leaders du NPA, et notre principal théoricien (avec terra nova) est en définitive le grand homme Bakounine (1M98 alors que Marx ne mesurait qu'un petit mètre 75) sous l’intitulé : « Écrits contre Marx ». Wajmachin y parle lui, de la « fleur du prolétariat » pour désigner les millions de déshérités, non civilisés, gueux, cette « grande canaille populaire qui étant à peu près vierge de toute civilisation bourgeoise, porte en son sein, dans ses passions, dans ses instincts […] tous les germes du socialisme de l’avenir » (op. cit., p. 177-8). A la question essentielle au-delà du vocabulaire utilisé et de la position finalement moralisante de Marx, à savoir, cette fraction populaire, ces « déclassés » recèlent-ils une potentialité révolutionnaire spécifique ? Oui semble-t-il d’après Bakounine, puisque le capitalisme ne peut être abattu de l’intérieur. Wajmachin, ancien poteau de DCB au 22 mars, a lui enterré aussi depuis longtemps la classe ouvrière, il est le dernier mohican du « voyou révolutionnaire » qui seul est désormais dans « le refus de tout le rapport social capitaliste », et à la suite des rigolos Tronti, Pasolini et Fanon. Au début des années 2000 en France, on a assisté à une action véritablement révolutionnaire : « la dépouille” violente de certaines bandes de jeunes prolétaires sur des manifestants étudiants ». Le refrain « C’est la canaille ! Eh bien j’en suis ! » repris ensuite par le milieu anarchiste de l’action directe à la fin du xixe siècle et la répression par une bourgeoisie traitant les révoltés et les “En-dehors” de “canailles”.
« Les classes ne sont révolutionnaires que lorsqu’elles expriment une combinaison interclassiste faite de références communautaires variées
Les formes de la révolte après la révolution du capital
« La conséquence de l’inessentialisation de la force de travail dont une partie devient de ce fait surnuméraire, est que dans certains quartiers ou banlieues, on assiste au développement d’une économie souterraine et illégale, qui est peut-être “en dehors” parce qu’elle est régie pas ses propres règles, mais elle ne fabrique pas des “En-dehors” parce que la plupart des individus qui y participent sont peu ou prou intégrés au business, à sa propre division du travail, à ses valeurs, à la thune et à la consommation de marques. La territorialisation qui est nécessaire à leur insertion de second niveau au sein du quartier est antinomique à un quelconque vagabondage ou nomadisme, à une liberté à laquelle le trimard ou le zonard aspirait et le portait à être plus ou moins sans attache.
Quoi de plus logique que le pouvoir n’ait pu leur faire jouer le rôle attribué par les marxistes au lumpen  ! Ils n’allaient quand même pas s’engager dans les crs ou dans le service d’ordre de la cgt ».  http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article382

3Lire l'excellent article d'un de nos camarades trotskiens divergents : https://www.revolutionpermanente.fr/Face-a-l-insubordination-policiere-l-illusion-de-la-fraternisation

jeudi 9 juillet 2020

Nouveau gouvernement : la petite bourgeoisie bafouée



La petite bourgeoisie fait partie de la bourgeoisie. Sa noria d’intellectuels militants, bouffons des modes idéologiques, peut bien croire faire la pluie et le beau temps en matière culturelle, multicommunautaire, islamophile et écolophile. Elle n’est rien au niveau de l’Etat central. La décision reste toujours entre les mains de la grande bourgeoisie1.
Curieux ballets ministériels du pouvoir anti-raciste, où la parution publique et les costumes offraient une cérémonie typique des républiques bananières ou d'un gouvernement de la III ème République colonialiste et raciste. Les chasseurs qui accompagnaient, en livrée, ministre sortant et ministre entrant, étaient tous noirs, comme pour confirmer à la fois l'existence de la hiérarchie sociale déguisée, mais aussi que ce n'est pas un hasard si tous les vigiles de France et de Navarre sont noirs. C'est en effet le modèle de l'intégration sociale antiraciste (on vous intègre mais pour des jobs de larbin en costume) mais si discriminante selon que vous serez du bas peuple ou de la bourgeoisie héréditaire. Le gang Adama si assoiffé de « justice » bourgeoise, n'a rien trouvé à redire, pourtant, dans la logique indigeste des racistes indigénistes, j'aurais à leur place protesté : « pourquoi ne pas avoir choisi un premier ministre noir et l'avoir encadré par des chambellans blancs ? ». Preuve que la république française est bien raciste2 ; quant aux prolétaires ils sont bien « racistes » avec les cons et avec les élites.

La nouvelle péripétie gouvernementale vient là illustrer parfaitement notre thèse marxiste. Partout les clameurs petites bourgeoises se sont indignées de la continuité dans le changement, et de l’absence d’option pour une femme premier ministre. Certains auraient sans doute souhaité voir Assa Traoré débarquer à l’Intérieur et Mouloud Achour à la Culture. L’indignation qui a frappé la gauche bourgeoise en général et trotskiste en particulier, comme l’exprime si bien ce cervelet de la gauche caviar, l’OBS, la voici :

« Pour l’effet « blast » on repassera : un énarque mâle de centre droit remplace un énarque mâle de centre droit ». Et de dénoncer à l’unisson une nouvelle potiche Premier ministre d’un régime en marche (sic) vers cette horrible « présidentialisation » du régime (re sic). Comme la petite bourgeoisie prend toujours ses désirs pour des réalités et ses prérogatives écologiques pour l’avenir de l’humanité, elle a cru que : « nul doute que l’écologie sera, avec la lutte contre la récession, au centre du discours présidentiel de cette fin de mandat. (…) Une écologie qui ne casserait pas le capitalisme ».
La chimère écolo-gouvernementale des bobos verts pour sa part, aurait-elle donc pour projet de « casser le capitalisme » ? Il vaut mieux s’en gausser même sans démonstration.

Face à « l'épidémie » sociale inévitable, franchement je ne voyais pas une femme à la tête d'un gouvernement de crise. On me dira que je suis machiste et tout et tout, mais dans les grandes crises politiques et guerrières ce n'est pas la place pour une femme3. La réclame dérisoire pour la prétendue égalité hommes-femmes a été ridiculisée par une sénatrice qui, interrompant Dupont-Moretti au cri « c'est révélateur que vous ne parliez que d'hommes et pas de femmes », s'est entendue répondre par l'avocat des grands criminels et des pourritures financières que c'est un vieil euphémisme de parler des « hommes » comme généralité et que cela n'exclut pas les femmes.

ORDONNANCEMENT DU GOUVERNEMENT POUR LA CONFRONTATION DES DEUX CLASSES MAJEURES

Depuis ses débuts le système néo-bonapartiste de Macron obéit non pas à une suppléance à la prétendue disparition des factions bourgeoises de droite et de gauche, mais à la nécessité de les reconstituer pour prendre en étau le prolétariat, face à la catastrophe qui vient (qui est déjà là), dans la même fausse opposition traditionnelle, car il n'y a nul irénisme ni union nationale possible dans le capitalisme décadent4. L'instabilité du système dominant se caractérise depuis des années par les agitations petites bourgeoises qui ruent dans les brancards tout en étant incapables de poser une réelle alternative au capitalisme et qui finissent toujours en eau de boudin : les zadistes, les décroissants, Alternatiba, les colibris de Pierre Rabhi, puis les gilets jaunes (jacquerie fiscale portée par la petite-bourgeoisie entrepreneuriale) ; sans oublier l'aristocratie syndicale avec leurs retraites, et enfin la faction bobo-écolo qui a cru avoir attrapé le pompon avec les dernières élections truquées5.
Avec la progression de la crise générale du capitalisme, il y a une succession de mouvements petit-bourgeois contestataires qui mélangent tout au nom d'une contestation de l'Etat qui n'est en rien révolutionnaire voire révisionniste et complètement inconsciente en particulier dans la contestation des mesures (si utiles) de confinement vues comme une atteinte à la liberté de bla-bla des couches épaisses de bobos individualistes.

UN GOUVERNEMENT DE DROITE, ET ALORS ?

Dans la configuration politique pour faire face aux prochaines (et actuelles) confrontations des deux classes fondamentales, il faut un « méchant » Etat soucieux des intérêts de la nation et non d'un socialisme dissout par deux décennies de gouvernance aléatoire de la gauche bourgeoise et petite bourgeoise. De toute façon l'Etat est toujours le méchant dans l'idéologie dominante moderne du capitalisme où Proudhon a remplacé dieu, le général De Gaulle et Keynes. Le problème vient d'en face : comment encadrer politiquement et syndicalement la classe ouvrière ? Et pas faire risette à la minorité des politiciens bobo-colos6.
C'est à l'évidence ce qu'on compris les conseillers de l'ombre du commandant Macron en plaçant au gouvernail un « technicien », habitué des couloirs du pouvoir et serviteur de tous les régimes. C'est sur le site poutinien, RT, que j'ai trouvé la meilleure explication, qui confirme mon analyse) qui sort de l'ornière des regrets de la bobologie accessoire et invraisemblable pour gouverner dans les intempéries sociales :
« A juste titre : le président Macron souhaite tenir ensemble le souhaitable et le possible. Jean Castex est là pour décliner la politique souhaitée par Emmanuel Macron au plan des territoires et avec les partenaires sociaux, c’est ce que Jean Castex appelle une «méthode» pour un «nouveau pacte social». Il a demandé à l’Etat de dégager les orientations stratégiques et ensuite aux territoires et partenaires sociaux de les décliner. Il a le talent pour en être le chef d’orchestre. (…)
D’autre part, le Premier ministre se définit comme un «gaulliste social». Son profil sera plus adapté à ce que le pays redoute : le choc économique qui va arriver à la rentrée, et qui va entraîner environ 800 000 chômeurs de plus et sans doute, une grave crise sociale avec un pays qui va être très bousculé. Le premier ministre Castex est, comme son prédécesseur issu du parti Les Républicains, mais son prédécesseur était un néolibéral orléaniste, là où Jean Castex se définit comme un «gaulliste social »7.

Pour distraire les seuls journalistes la nomination de deux personnalités redondantes obéit également à une corde populiste. Chacun dans leur genre ils détonnent au milieu du langage technocratique et du discours moraliste, Bachelot avec sa gouaille qui lui permet de balancer de solides vérités mais Dupont-Moretti qui est présenté comme un nouveau Tapie anti-RN, impulsif et balourd, risque d'avoir une courte carrière ministérielle face au staff de la magistrature gauchiste. Ces deux personnages ne risquent pas cependant de restaurer le « front républicain anti-RN » qui a été usé jusqu'à la corde.
Le vrai souci, la priorité de la nouvelle équipée gouvernementale, est à la fois social mais aussi sécuritaire, l'écologie des bobos attendra. Sur le plan sécuritaire, il y a un réel souci dans la classe ouvrière que les bobos gauchistes ne prennent jamais en compte. NPA et Cie ont défilé derrière le gang Adama, mais personne à l'extrême gauche petite bourgeoise ne s'est soucié d'appeler à rejoindre la manif blanche pour protester contre le meurtre du conducteur de bus à Bayonne, qui avait le tort sans doute d'être... trop blanc ! Sans doute parce que toutes ces racailles adeptes du meurtre à coups de lattes dans la tête sont de pauvres Jean Valjean dont Taubira exalte les mérites.
Que vont devenir les flics, pris entre deux feux, tabasser les innombrables manifestants en faisant croire qu'ils protègent la population des exactions et meurtres du lumpen qui se répand autant que l'islam ?
Les flics finissent par se sentir autant en insécurité que la population, ce qui est par contre plus un souci pour le gouvernement, d'où le choix d'un personnage qui apparemment compte beaucoup dans l'appareil d'Etat8. Darmanin qui n'est ni épais ni charismatique et déjà empêtré dans un scandale orchestré par la petite bourgeoisie, parviendra-t-il à restaurer la « confiance policière » ? J'avoue que je m'en fous.
Merde au réchauffement climatique et vive l'échauffement social !

LE GOUVERNEMENT OSE-T-IL JETER DE L'HUILE SUR LE FEU (éteint) DES RETRAITES ?

L'endettement faramineux avec l'usage disproportionné de la planche à billet, ne supprime pas par enchantement toute l'orientation de l'Etat bourgeois, à moins de croire au miracle divin. Il a adopté sa réforme d'économie sur les retraites par le 49-3, point barre ; même si le rouquin Quatennens l'a rappelé avec hargne à ses collègues députés, il n'imaginait pas lui-même le repaire des intérêts de la bourgeoisie baisser culotte alors que l'endettement fuit de partout. Il peut compter ce radis soumis sur la compréhension du boss des patrons, Roux de Bézieux qui a suggéré une pause, avec le souci qu'une nouvelle lutte pour la retraite ne rallume ou n'accroisse l'incendie social : « Il faut […] qu’on mette toute notre énergie pour ce qui compte, c’est-à-dire l’outil de production ». Un autre proche collabo du gouvernement Laurent Berger allait dans le même sens, il ne faut pas relancer le sujet en ce moment : « C’est pause pour reprendre, pas pause pour jamais », « une telle opposition dans notre pays sur ce sujet qu’on n'a aucun intérêt à se mettre sur la figure à la rentrée ou pendant l’été sur sujet ».
Mais l'avis du big boss et du bonze du principal syndicat gouvernemental n'est que de façade, et laisse le beau rôle à l'option « politique » du gouvernement, qui est de deux ordres :
  • confirmer qu'il faudra faire payer la crise à la classe ouvrière ;
  • remettre en selle les syndicats sur une question foireuse, où il n'y a aucune unité possible ni subversion (l'aristocratie ouvrière et ses privilèges face au privé sans garantie).
Contrairement à ce que dit le Berger de la CFDT, ce n'est pas la division syndicats/gouvernement qui serait un risque ou une maladresse, c'est la nécessité d'une parade à l'explosion du chômage derrière une prétendue reprise de la lutte foireuse des retraites, pour permettre aux syndicats de truster le rôle d'opposition de premier plan, avec l'appoint secondaire des résidus de la gauche écolo-incompatible ou pas ; enfin d'éviter un déferlement en masse, une prise de conscience de classe qui ne se laisse pas enfermer dans les catégories, l'obsession anti-policière, les races ou les moulins à vent de la taxe carbone.
Jamais en période vacancière on n'avait autant vu tomber de plans de licenciements. Et ce n'est pas spécifique à la France. Tout le monde le sait et le dit. Quoiqu'on va faire ?



NOTES


1Les enragés décrivent la servilité petite bourgeoise mieux encore :
« C’est dans l’ambiance démocratique que la petite bourgeoisie peut le mieux exercer toutes ses capacités de médiateur et d’entremetteur, au point de remplir tous les espaces politiques, sociaux et économiques permis par le développement capitaliste. Ce n’est pas par hasard que dans les pays capitalistes les plus développés la petite bourgeoisie prolifère dans les secteur du commerce, des «services», de l’administration, de la bureaucratie, de la culture, de l’information, de la religion ou du sport, plutôt que dans les secteurs traditionnels de l’artisanat, de la petite production et de l’agriculture ».
« Cette classe infatuée d’elle-même s’expose pour ce qu’elle est, un aboutissement historique dans la négation du tragique et la réduction de l’autre au clone de soi. Elle est l’incarnation de la fin de l’histoire, c’est-à-dire de son effacement au profit de l’actualité la plus immédiate avec ce que cela comporte de sordide, d’amnésie et de malhonnêteté intellectuelle. Le tout présenté sous les auspices de l’innocence et de l’irresponsabilité. La dissolution du social dans une célébration d’un individualisme empreint de conformisme et de faux-semblant est, pourrait-on dire, le signe le plus flagrant de sa victoire, une victoire sans partage. Laquelle accomplit la domination idéologique d’un néant bavard et futile tourné uniquement vers lui-même ». On a ici l'exact tableau des cliques OBS, ATTAC, LFI, NPA, Médiapart, Libé, le gang Traoré, et tutti quanti.Et pour l'autre bord, complémentaire Valeurs actuelles, les fans de Zemmour, le RN, etc.  
http://lesenrages-antifa.fr/2019/12/16/la-petite-bourgeoisie-contre-revolutionnaire/
3On se souvient de l'aimable Edith Cresson virée rapidement pour manque d'autorité. Vous m'objecterez « et Thatcher » ? Ce n'était pas la même époque et sans la puissance de sabotage du syndicalisme britannique la « dame de fer » serait retournée à ses chères études. Ce qui adviendra bientôt à Muter Merkel. Je l'avoue je n'imagine pas les femmes en pelisse de dictateur, peut-être est-ce qu'on fond je suis plus féministe que les féministes ? Une anecdote dans mon expérience au CCI. Lorsqu'il avait fallu désigner une délégation pour aller intervenir à Longwy, Marc Chirik s'était indigné que la section de Paris veuille y avoir une camarade femme (elle fera rire les ouvriers) et je me souviens avoir été le seul à le soutenir et vu que c'est moi qui allait être désigné... En 68 c'était pareil, les femmes n'avaient pas vraiment la possibilité d'être prises au sérieux dans les AG. Ce n'est pas parce qu'on a dépassé cette arriération qu'il faudrait tomber dans l'excès contraire, et croire que les femmes feront des bons généraux. Non je n'espère ni de rêve d'une femme dans le rôle de Thiers ou de Staline !
4 Le 11 avril 2018, j'écrivais dans ce blog « La « révolution macronienne » est arrivée à temps pour suppléer au binôme ranci gauche/droite dont ce pauvre Hollande fût le dernier scooter, mais elle est arrivée masquée, ses propres électeurs de gauche, forcément syndicalistes et une bonne partie des
Le toutou écolo de Macron même pas consulté.
retraités ou retraitables ne s'attendaient pas à ce qu'on leur joue le jeu de l'Etat fort, monarchique déplorent certains des multiples clowns qui parlent derrière les multiples écrans tout en invoquant une « pédagogie » macronesque. Or en réalité le vieux système de domination et d'abrutissement bourgeois fonctionne toujours avec ce même binôme simpliste, même sans plus de partis mammouths de référence (ni à gauche, ni à droite ni avec ce parti macronesque de godillots). C'est sous la forme du pouvoir et de ses opposants que le cirque recommence, dans une parodie même pas drôle de mai 68 : le pouvoir contre la rue, pour ne pas dire contre les 'croizades' NDDL... ».

5On ne peut pas les qualifier mieux, en plus d'être partielles et partiales : près de 70% d'abstention, et un électorat bobo de quelques grandes villes qui s'est prétendu majoritaire et faiseur de rois. Piteux le Jadot ! J'aime bien le titre d'un blog marocain : « Et si on stérilisait la petite bourgeoisie ? ».
8La cabale, sous l'accusation de violeur contre Darmanin, a tout du complot cousu main selon moi. Vu la petite taille de Darmanin cela me paraît d'abord dérisoire, ensuite il apparaît que c'est lui la victime d'une maître chanteuse, qui présente en tout cas un comportement passé de ce type ; avec le déni féministe bourgeois à la mode et ses délires toute femme serait systématiquement victime des hommes. Ainsi il apparaît que nombre de femmes ont compris qu'il suffit de déclarer qu'elles ont été battues, même si c'est pas vrai, pour obtenir à leur profit le divorce. Le célèbre acteur alcoolique Johnny Depp en fait les frais en ce moment alors que la donzelle est dérangée du cigare et avait chié sur son lit : https://www.mariefrance.fr/culture/george-ryan-et-moi/johnny-depp-divorce-amber-heard-487576.html#item=1. Aux anti-féministes comme moi, je conseille de lire « Femmes serial killers » de Peter Vronsky (ed Points).

lundi 6 juillet 2020

LA GAUCHE COMMUNISTE ITALIENNE DANS LES ARCHIVES DE LA POLICE FASCISTE


   
Il est probable que, comme en France à la Libération, en Italie il y ait eu pillage ou ouverture sauvage des archives de la police fasciste. Je ne sais pas comment les archives de la surveillance des militants communistes italiens sont parvenues en Belgique, et sûrement entre les mains d'Ottorino Përrone, puis dans les archives de notre groupe maximaliste. Dans l'immédiat après-guerre, puis comment ont-elles circulé de main en main? Sur le site Persée, ils semblent avoir moins d'infos et restent évasifs: Émigrés politiques, immigrés qui se politisent : quelques données tirées des dossiers du Casellario politico centrale (Rome) https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1991_act_146_1_4128

     Grâce encore au pertinent travail de traduction de Jean-Pierre Laffitte, je vous livre une enquête poussée, et intelligente de la police fasciste sur le grand théoricien de Bilan - sur la question de la transition au communisme (qui en fait une contribution supérieure à celle de son ami et camarade Amedeo Bordiga, Ottorino avait appelé son fils Amedeo) - Ottorino Perrone et de quelques ouvriers combattant à ses côtés. Le premier constat est que la police fasciste italienne dispose de fins limiers, autant que la police démocratique (peut-être même plus pénétrants et connaisseurs des divergences entre les tendances révolutionnaires). Les comptes rendus des flics spécialisés sont précis sur le mode de vie, l'engagement et la trajectoire des militants arrêtés et interrogés.
Le deuxième constat est la confirmation que la gauche communiste était au premier plan dans la lutte contre le fascisme contrairement à nos petits rigolos gauchistes modernes qui combattent le fascisme... disparu avec divers moulins à vent. L'omerta reste la règle de ces courageux combattant d'un communisme anti-stalinien, aussi intransigeants face à l'hypocrite démocratie bourgeoise.
Pour celles et ceux qui veulent connaître plus en détail ce courant politique révolutionnaire majeur jusqu'à nos jours, je conseille à nouveau la lecture de la somme de Bourrinet, et son oeuvre sur ce courant: UN SIÈCLE DE GAUCHE COMMUNISTE «ITALIENNE» (1915-2015) . (Suivi d’un) Dictionnaire biographique d’un courant internationaliste. Disponible sur le web ou sur simple demande auprès de bibi.
 Espérons que nous pourrons récupérer à notre tour les vôtres, toutes les vôtres chers camarades du passé et du présent, après la révolution. Pour ce qui me concerne j'ai pu consulter une partie des miennes jusqu'au milieu des années 1980, grâce à une autorisation (fugace) de la CNIL, et vous avez pu les consulter sur ce blog.

Les fichiers politiques ne sont pas présentés de façon chronologique mais cela ne nuit en rien pour comprendre à la fois la continuité et fidélité au combat communiste pendant des décennies, ni pour découvrir le sérieux du suivi policier fasciste, qui se poursuit, notez-le bien, même à l'étranger. Les militants sont pistés jusqu'en France et en Belgique. Bien sûr cela vous apparaîtra "primaire" comparé au suivi informatique totalitaire et planétaire, mais c'est en tout cas la preuve que ces combattants "maximalistes" du communisme ont été considérés comme dangereux pendant toute la guerre. En effet, la fraction fasciste de la bourgeoisie avait peur du réveil du prolétariat… qui s'est réveillé en effet en 1943 avec les grèves dans la région de Turin mais sans ses chefs exilés en Belgique. Mais c'est une autre histoire.
JLR



Ministère de l’intérieur

Direction générale de la Police

Bureau des passeports


Rome, 21 août 1943

à la Questure de l’Aquila 

Objet : Perrone Ottorino

de feu Tito et de feue Paone Maria,

né à L’Aquila le 9 mai 1897.


Le consulat royal d’Italie à Bruxelles, par télégramme en date du 29 juillet dernier, a communiqué ce qui suit :

S’est présenté à ce consulat le compatriote Perrone Ottorino, fils de feu Tito, lequel a demandé à être rapatrié avec sa femme Zecchini Ida, fille de Romeo et de Vettor Rosa, née à Venise le  28 janvier 1905, et avec leur fils Amedeo.

Perrone, d’idées et d’antécédents communistes, est directeur du journal “Prometeo” et chef de la fraction communiste.

L’on prie ce Ministère de bien vouloir communiquer à ce Consulat des instructions concernant l’opportunité ou non d’accorder à Perrone le rapatriement demandé et en même temps de faire part de la ligne de conduite à adopter dans des cas similaires.

L’on vous prie de rendre compte et d’exprimer votre avis à propos de la requête dont il s’agit.

Le chef du Bureau des passeports.

 


Perrone et Bordiga (Naples 1949)




Préfecture d’Aquila


PERRONE Ottorino, de feu Tito et de feue Maria Paone, né à L’Aquila le 9 mai 1897. Comptable, journaliste. Résidant à Mila, via Rivoltana, n° 32 E – célibataire.

Communiste

Signalement :



Stature : 1,70 m                                                    Nez : aquilin, de dimension

Taille : mince                                                       Oreilles : grandes

Cheveux : noirs, lisses, épais                               Moustaches : courtes, d’épaisseur

Visage : pâle, ovale, dimension moyenne                       moyenne, noires

Front : haut                                                           Barbe : d’épaisseur moyenne, rase

Sourcils : arqués, noirs                                                           noire

Yeux : moyens, noirs                                            Menton : ovale 

Bouche : moyenne                                                Cou : de longueur moyenne, mince

Épaules : larges                                                    Jambes : longues, droites

Mains : petites

Pieds : petits                                                         Allure : désinvolte

Habillement habituel : vêtu décemment


Notice biographique : 13 février 1925

Il jouit dans le public de la réputation d’être exalté. De caractère renfermé et de bonne éducation. D’intelligence très vive et de grande culture. Il est diplômé en comptabilité et étudiant en économie et en droit à la faculté de Venise. Il est rédacteur au journal communiste “Unità” et c’est de cet emploi qu’il tire ses moyens de subsistance. Il semble cependant qu’il soit aussi aidé par le Parti. Il fréquente les représentants communistes nationaux et étrangers les plus ardents. Il n’a pas occupé de charges administratives ou politiques. Il est inscrit au Parti communiste. Il est influent dans ce parti, que ce soit en Italie ou à l’étranger.

Son activité politique a débuté en 1920. En effet, c’est à partir de cette époque, qu’ayant contracté une amitié intime avec le communiste connu Mario Cavarocchi, il a commencé à professer des idées subversives. En octobre de la même année, il s’est installé à Venise afin d’y fréquenter l’École Supérieure de commerce, et c’est dans cette ville qu’il a été nommé vice-secrétaire de la Bourse du Travail et qu’il a tenu de nombreux meetings à Venise et dans les communes voisines.

En 1922, il s’est rendu à Padoue en vue d’y effectuer de la propagande subversive et ensuite à Trieste où il était rédacteur du journal “Il Lavoratore”. En 1923, il a été en relation avec le comité Exécutif du Parti communiste de Rome et avec les dirigeants de ce dernier : Grieco Ruggero, Fortichiari Bruno et Terracini Umberto.

Au cours de cette même année, il s’est occupé de la réorganisation des Fédérations Provinciales Communistes d’Aquila et de Venise.

Le 28 avril 1923, il a été rapatrié de Venise à Aquila en raison de sa propagande dangereuse et c’est pour la même raison que, le 21 mai1924, il l’a été de Milan à Aquila.

En août 1924, il a été surpris alors qu’il tentait de rentrer dans le Royaume sans passeport, il a été arrêté à Luino et amené à Aquila. Soumis à interrogatoire à cette occasion-là par la questure d’Aquila, il a déclaré qu’en juin 1924, il s’était rendu en Suisse au moyen une carte de séjour que lui avait fournie le consul de Suisse à Milan et qu’ensuite il avait poursuivi son chemin en direction de la Russie. Il n’a pas voulu révéler l’itinéraire qu’il avait effectué. Il a cependant déclaré qu’il était resté deux mois à Moscou où il avait participé au Congrès international.

Étant étudiant à la faculté de Venise, il se rend fréquemment dans cette ville où il loge chez la famille Zecchini, Tolentini n° 189.

Au cours de la période de temps où il était à l’étranger, il semble qu’il s’est également rendu à Zurich où il aurait organisé un complot contre le fascisme et contre S. E. Mussolini.

C’est un propagandiste habile et très futé, et du fait de son intelligence, de ses relations et de sa culture, l’on doit le considérer comme extrêmement dangereux. Envers l’Autorité, il a un comportement si courtois que cela frise l’ironie.

le 13 février 1925

  

 signé : le préfet




Préfecture d’Aquila

Le 12 septembre 1924


Objet : Perrone Ottorino – communiste


Au ministère de l’Intéreiur

Direction générale de la Sécurité  publique

à Rome


Le 10 du mois courant, est arrivé ici, par transfèrement ordinaire depuis Luino, le communiste PERRONE Ottorino, de retour de Russie, qui essayait de rentrer en Italie clandestinement, et c’est la raison pour laquelle il a été arrêté à la frontière par la Garde royale de Finance.

Perrone, bien que contraint par un long et habile interrogatoire, n’a rien voulu révéler à propos de son activité politique, des itinéraires parcourus, et des villes dans lesquelles il s’est arrêté.

À toute fin utile, je joins la copie de l’interrogatoire lui-même. Perrone est parti ce matin en direction d’Avezzano où il a déjà été signalé par voie télégraphique au sous-préfet du lieu



Le préfet

(Federico Châtelain)




À nous, le soussigné fonctionnaire …, il nous a été présenté aujourd'hui, le dix septembre mille neuf cent vingt quatre, Ottorino PERRONE, de feu Tito et de feue Maria Paone, né à Aquila le 9 mai 1897, qui dûment interrogé, a répondu :



Au mois de mai 1924, j’ai été rapatrié par la questure de Milan avec l’obligation de me présenter au terme de trois jours au Bureau de la P.S. d’Avezzano.

J’ai obtempéré à cette injonction et j’ai pris un logement dans une auberge qui est proche de la gare, et plus exactement qui est située du côté droit en sortant de la gare. J’ai demandé à être rapatrié là-bas parce que j’y ai une sœur du nom de Bice, qui est mariée à Durazzo Ulderico.

Partant d’Avezzano au bout de deux jours, je me suis rendu à Milan où j’ai retiré auprès du Consulat suisse une carte de séjour pour ce pays. Depuis la Suisse, j’ai poursuivi vers la Russie en suivant un itinéraire que je n’ai pas l’intention de décrire pour des raisons qui tiennent à ma foi politique de communiste.

Je suis resté en Russie un peu plus de deux mois et précisément à Moscou où j’ai participé aux travaux du Congrès international.

Réponse à une question : Je n’ai pas l’intention de donner les noms des autres camarades italiens qui étaient à Moscou.

Réponse à une autre question : Je n’ai pas non plus l’intention de donner les noms des autres camarades qui sont partis d’Italie pour la Russie. Depuis Moscou, je suis rentré en Italie en suivant un itinéraire que je n’ai absolument pas l’intention de communiquer à la S.V.

Ce qui est sûr, c’est que je suis revenu en Italie directement sans m’arrêter du tout dans les États que j’ai traversés, et je n’ai pas l’intention de dire de quels moyens de locomotion je me suis servi, et pas davantage si j’étais en compagnie de camarades de foi. Dans l’après-midi du 18 août, dans une localité proche du mont Viasco, alors que j’étais en compagnie du camarade Gnudi, j’ai été arrêté par deux agents de la Finance. Sans faire aucune résistance, j’ai obtempéré à leur invitation et, toujours avec Gnudi, j’ai été accompagné d’abord à la caserne de la Garde royale de Finance de Curiglie, puis au commissariat de la P. S. de Luino, et par la suite j’ai été transféré à Aquila.

Réponse à une question : Je n’ai pas l’intention de dire quel était le lieu de résidence à Milan quand j’y séjournais.

Je compte élire domicile à Milan, le lieu où est imprimé le journal “Unità” dont je suis le rédacteur. Je ne peux préciser ni le jour de mon départ, ni si je resterai de manière continue à Milan, étant donné que je pourrais être appelé ailleurs du fait des exigences de ma profession de journaliste.

Réponse à une question : J’ai l’intention de poursuivre mes études en économie et en droit à la faculté de Venise, où je suis inscrit de manière régulière, étant donné que je possède une licence de l’Institut.

J’espère obtenir mon diplôme au cours de cette session ou de la prochaine ; dans mes périodes de séjour là-bas, je demeurerai chez la famille Zecchini, qui habite dans Tolentini 18.

Réponse à une question : J’espère partir à Aquila aujourd'hui même, et dans le cas où je ne partirais pas, je logerai à l’auberge “Tre Abrussi”.

Je tire mes moyens de subsistance de ma profession de journaliste.

À d’autres questions sur son activité politique de propagande, il répond par la négative.

Lu, confirmé et signé :



Ottorino Perrone (et les autres participants à l’interrogatoire)




Mémorandum





  PERRONE OTTORINO, fils de Tito et Maria Paone, né à Aquila le 9 mai 1897, comptable et docteur en sciences économiques et sociales.

Jusqu’à la fin de 1919, il n’a milité dans aucun parti politique. Employé par la suite par la Società Industriale dell’Aterno à Aquila, il y a fait connaissance des communistes CAVAROCCHI Mario et VENTURI Pietro (ce dernier est actuellement à la prison de Palerme et à la disposition du Tribunal spécial pour la défense de l’État). C’est certainement catéchisé par eux qu’il embrasse les principes communistes.

En octobre 1920, il s’est établi à Venise où il est nommé vice-secrétaire de la Bourse du Travail de ce lieu.

En 1922, il s’est rendu à Padoue dans le but d’y mener une propagande subversive, puis à Trieste où il a collaboré à la rédaction du journal “Il Lavoratore”.

En 1923, il était également en relation avec le Comité Exécutif du Parti Communiste de Rome.

En 1925, il s’est établi à Milan où il entre  à la rédaction de l’“Unità”.

En juin 1924, il s’est rendu en Suisse et de là à Moscou où il est resté deux mois et pour participer au Congrès International.

En septembre 1926, il a été arrêté à Milan parce qu’il était soupçonné d’avoir pris part au complot qui se tramait à cette époque-là contre le Régime et contre la personne du Chef du gouvernement.

Il a disparu de Milan en novembre 1926, et l’on a su par la suite qu’il s’était rendu à Paris. En 1927, après avoir été expulsé de France et de Paris, il s’est installé en Belgique et ensuite à Berlin pour le compte du Parti Communiste italien.

L’on ignore son adresse actuelle, mais l’on considère qu’il est toujours en France. Il vit aux dépens du Parti étant donné qu’il n’a ni biens de fortune, ni parents à même de lui fournir des moyens de subsistance.

Il est intelligent, malin et cultivé, mais il est également fanatique relativement aux principes communistes. En conclusion, il est un homme d’action, en relation avec les représentants du Parti aussi bien en Italie qu’à l’étranger.


Par décision du 31 décembre 1923, le Tribunal de Venise, l’acquitte, du fait de l’amnistie, des accusations de violation de domicile, de violence, de menaces, de dégradations, de vol et de violence vis-à-vis de l’autorité.

Il a fait son service militaire dans l’artillerie durant la Grande Guerre, pendant laquelle il est parvenu au grade de sergent.

Il a été aussi envoyé à l’école militaire de Modène pour y suivre les cours d’élève officier, en se fondant sur  le diplôme qu’il possédait, mais, à la fin du cours, il n’a pas pu obtenir le titre d’officier ou d’aspirant, étant donné qu’il était temporairement inapte au service.

Il est recherché aux fins d’arrestation parce qu’il est assigné pour deux années à la résidence forcée, sur délibération du 23 novembre 1926 de La Commission provinciale de Milan.




MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR



Division des Affaires Générales et Réservées


Rome, le 13 décembre 1931-X

                     Pour information



COPIE du télex parvenu à cette Division A.G.R., rédigé par le commissaire adjoint de la P. S. BORGOMANERO en mission à Lyon en date du 24/11/31, ayant pour objet : “Mouvement communiste de gauche”.

°°°°°°°°



Pour une bonne information, j’ai l’honneur de communiquer le rapport de confiance suivant, en date du mois de septembre dernier, sur le mouvement communiste de gauche dans la région lyonnaise :

« Jusqu’en 1927, les partisans de PERRONE (Belgique), les “bordiguistes”, et de PAPPALARDO (France), travaillaient d’un commun accord et ils ne se différenciaient pas dans leurs critiques à l’encontre du Parti communiste et de l’Internationale. Mais au début de 1928, il y a eu dans le camp de la gauche la scission menée par le Hollandais “Gorter” lequel a fondé le groupe “communiste ouvriériste” auquel les partisans de PAPPALARDO en France et en Belgique ont adhéré. Les partisans de BORDIGA et de PERRONE se resserrèrent autour de “Prometeo” ; ceux de PAPPALARDO autour de “Monatte” : et, tandis que les premiers (les prométhéistes) restaient fidèles à la dictature et à l’État soviétiques, même s’ils critiquaient tous les “tournants” russes et français que l’Internationale a imposés à toutes les sections qui y adhéraient, les seconds (les ouvriéristes) se sont éloignés de Marx pour se rapprocher de Bakounine dans la mesure où ils affirmaient qu’ils étaient des communistes ouvriéristes, c'est-à-dire sans chefs, et où ils ne se différenciaient pas des anarchistes-communistes, du type BERTONI en Suisse et MALATESTA en Italie. À Lyon, il y a des groupes des deux courants de gauche. Les “prométhéistes” comptent une soixantaine d’adhérents dans la zone lyonnaise et ils réussissent à gagner sans cesse des partisans. Le type de leur organisation est semblable à celle du parti communiste, c'est-à-dire la “base” dans l’usine, sur le chantier, dans le quartier, avec les “cellules” de rue, pour monter sous la forme fédérative jusqu’à la nation et à l’Internationale. L’exclusion des Santini, Basco, etc., du parti a renforcé leur influence en France, et le manque de bons éléments dans l’organisation communiste officielle ainsi que la paresse de ceux qui vivent dans la zone lyonnaise, ont fait en sorte que le groupe prométhéiste local se renforce de nombreux “éléments” de “base” et d’ouvriers antifascistes qui vivaient en marge des groupes communistes. L’on peut en conclure que, tandis que les C.P.A. et les P.V.F. se vidaient, leurs adhérents sont passés sous l’influence des “prométhéistes”. Ils organisent Saint-Fons, Vénissieux, Décines, Saint-Priest et Saint-Maurice de Beynost, et quelques autres villes de la périphérie lyonnaise, de même que certaines localités de la Loire qui entourent Saint-Etienne. L’activité du groupe ne se limite pas à combattre la thèse “centriste” sur le terrain international, c'est-à-dire la situation russe, la tactique de l’Internatioanle vis-à-vis de la situation française, allemande, espagnole ; mais elle cherche à faire accepter par la masse ouvrière italienne émigrée en France ses concepts relatifs la situation en Italie. C’est dans ce but que MARINI Mario, dit “Tullio”, secrétaire de la fraction prométhéiste lyonnaise, développe tout un travail particulier sous la direction de, ou mieux en accord étroit avec, le Perrone bien connu qui réside en Belgique. Il organise des réunions, des conférences, dans lesquelles il intervient presque toujours comme orateur, il cherche partout des contacts avec les éléments de gauche des organismes antifascistes dans les départements du Rhône, de la Loire, de l’Isère, il recueille les noms et les adresses de parents, d’amis et de connaissances, qui résident en Italie, d’ouvriers qui ont émigré ici. 

Il est considéré comme l’organisateur. Il est extrêmement actif, et tandis que lors les soirées des jours ouvrables, son activité se limite à Lyon et à ses alentours, le samedi, le dimanche et les autres jours de fête, il se rend aussi dans des villages qui sont éloignés de ces départements. Quelqu’un nous a affirmé que Marini est déjà parvenu à avoir de bons contacts avec des éléments en Italie qui, par son entremise, collaborent avec le centre belge. D’autres éléments en vue du groupe en question sont : Piccolo Lenano (en possession d’une carte d’identité portant le prénom et le nom indiqué ci-avant, né à Volcano (?), Italie, le 8 février 1895. Lenano a des qualités discrètes pour ( ?) et pour la propagande ordinaire. Il remplace parfois Marini Mario dans les réunions, mais son activité particulière est de se rapprocher des “centristes” afin d’obtenir, à travers la discussion, des informations sur le mouvement officiel et de persuader  les hésitants et les mécontents à se solidariser avec la fraction. Il y a quelque temps, il a réussi à influencer “Ribelli” (Giordana Carlo), il a maintenant des relations constantes avec “Nello” (Nannetti Garibaldo)). Il a une femme et un gosse et il habite aux alentours de St Just-Lyon. Il est polisseur de meubles et, après son licenciement de l’entreprise Musizzano, il travaille pour son propre compte à son domicile. Il distribue le journal “Prometeo”, il suit Marino Marini dans les réunions, et Mazzucchelli Carlo, Bibbi Bruno et d’autres, quand ils se rendent dans des localités pour rabaisser l’activité de quelques fascistes. Il a 25 ans, il n’est pas très instruit, mais, parmi la masse en général dans la fraction, il est considéré comme un “bon élément”.

Mazzucchelli Carlo, di “Tre”, est également un prométhéiste actif. Il a moins de qualités que “Piccolo” ; sa tâche est de fréquenter les lieux où se rencontrent les Italiens afin de provoquer des discussions qui sont ensuite menées à terme par Piccolo et par Marini, d’en venir aux mains lorsque c’est nécessaire, et de distribuer la presse. Bibbi Bruno a au contraire des qualités culturelles médiocres et il sert seulement à la distribution des journaux, au recueil des souscriptions (étant donné qu’il est un type autoritaire qui sait s’imposer) et à se battre. Il jouit d’une réputation de subversif courageux qui, également en Italie, a fait partie des groupes d’action destinés à réprimer les “provocations fascistes”.

L’on a un autre élément du groupe prométhéiste avec le “Friulano”, lequel affirme être d’Udine, un ex-ami de Scoccimarro, âgé d’environ 27 ans. Il habite à Lyon-Monplaisir et il vient rarement en ville. Il semble que son activité s’effectue à Saint-Priest. C'est un métallo et il ne semble pas d’un caractère violent. Il n’a pas de qualités oratoires, mais il est excellent sur le papier, et il est peut-être meilleur que d’autres en raison probablement de son calme habituel et de sa culture et de son instruction discrètes.

Il est en relation d’amitié avec un élément arrivé dans le Lyonnais en 1930 (l’été), car expulsé de Belgique et du Luxembourg. Cet individu est connu sous le nom de “Bruno il Rosso”. Dès son arrivée, il a été l’hôte de Virgilio Carmassi à Décines par ordre du Soccorso Rosso. Il s’y est procuré une carte d’identité au nom de Vannini Bruno. Il est natif de Milan et il a 25-26 ans environ. Il s’est expatrié en 1925. Fils unique d’une mère veuve, il a été élevé par les prêtres. À Milan, il habitait avec sa maman à côté de l’appartement de l’ex-député communiste Luigi Repossi, lequel l’a initié au mouvement dans lequel il s’est distingué par la suite. En 1922, on lui a confié la direction des groupes de défense, et c’est avec eux qu’il a participé à la résistance de ce quartier de Milan qui en 1923, a tenu, me semble-t-il, en échec pendant trois jours les forces fascistes et de police, à l’occasion de quoi il a été blessé au côté gauche. Réfugié à l’étranger, il a subi l’influence de Perrone et il a abandonné le Parti pour la Fraction. Il a été secrétaire fédéral de la Fraction en Belgique, où il a fourni une grosse activité dans le Soccorso Rosso, et c’est à cause de cela qu’il a été expulsé. Il s’est rendu au Luxembourg en compagnie d’une Belge qui a abandonné son mari. Il a eu de ce fait des ennuis avec la police, laquelle, peu après, l’a expulsé également du Luxembourg pour cause d’activité subversive. En décembre de l’année passé, la Belge l’a rejoint à Lyon, et, depuis ce moment-là, il s’est fait si discret qu’on ne le voit plus en ville. Il doit être à Saint-Fons. Il a pratiqué les techniques et il parle bien le français. Politiquement, il a une assez bonne culture.

Dans la fraction “ouvriériste”, les appartements sont un petit noyau d’une quinzaine de personnes, mais qui fournissent une activité remarquable. Rossi Ludovico le bien connu est le secrétaire du groupe. L’on note parmi les éléments les plus en vue de la fraction : Bonito Antonio, dit “Dino”, et Bonsignori Alfredo. Opposés à l’organisation syndicale qu’ils considèrent comme contre-révolutionnaire, ils sont favorables à l’organisation de type anarchiste, c'est-à-dire des groupes  libres qui n’ont entre eux pas d’autres des liens que ceux d’actions éventuelles. Sans se fondre avec les anarchistes, ils se sont rapprochés d’eux, si bien qu’ils travaillent en commun avec eux (participation de Rossi Ludovico, de Bonsignori et de Bonito, au cercle anarchiste “Sacco e Vanzetti”, collaboration de Rossi à Lotta anarchica, participation à la propagande en faveur des victimes anarchistes à Saint-Priest, etc.). Les manifestations en question auxquelles les “ouvriéristes” ont participé devaient démontrer le bien-fondé de l’assertion. Les “ouvriéristes” appuient les anarchistes dans le travail destiné à l’Italie et ils fondent un éventuel soulèvement du peuple dans la péninsule sur les conditions économiques qui créeront l’élément de “spontanéité” qu’ils se déclarent prêts à soutenir et à guider. Ils affirment ne refuser aucun moyen de lutte, y compris l’attentat terroriste. ».

Concernant les noms suivants, qui ont été indiqués dans le rapport de confiance : MARINI Mario, MAZZUCCHELLI Carlo, BIBBI Bruno, ROSSI Ludovico, BONITO Antonio, BONSIGNORI Alfredo, il y a eu une correspondance avec le Fichier Politique Central. Relativement à PICCOLO Lenano, à “il Friulano” et à “Bruno il Rosso”, il n’a pas été possible de recueillir des éléments utiles à leur identification. Il apparaît que Piccolo Lenano a effectivement travaillé dans l’entreprise locale Musizzano, mais, dans ses registres, il y a les mêmes indications que celles qui figurent sur la carte d’identité française que Piccolo a en sa possession.

Ce serait un individu de petite taille, à l’accent toscan, qui se trouverait depuis plusieurs années dans cette ville. C’est exactement le même qui a été signalé à plusieurs reprises par différents informateurs, mais, je le répète, il n’a pas été possible de l’identifier. Concernant “il Friulano”, il n’y a pas eu d’autres informations, et l’on perdu ses traces. “Bruno il Rosso” pourrait être identifiable dans la patrie. Je serai reconnaissant au Ministère de bien vouloir me faire connaître, quand il le pourra, le résultat des éventuelles recherches en ce sens.

                                                       Borgomanero


                                                    LE CHEF DE LA SECTION

                                                   Giammichele




Copie de la note de la Division de la Police sociale n° 10/10900/2

du 27 décembre 1931/X°



OBJET : ZECCHINI BRUNO fils de Romeo



La direction centrale de la P. S. auprès du Ministère de la Justice à Bruxelles s’est adressé à ce Ministère afin d’obtenir des informations sur la personne du compatriote de cet objet.

Le préfet de (illisible), nous rapporte ce qui suit par la lettre n° 03951 du 13 du mois courant :


« Zecchini Bruno, fils de Romeo et de Vitoria Rosa, né à Venise le 14 février 1903, appartient à une famille de subversifs et il est lui-même un dangereux communiste. Depuis 1921, il est inscrit à la section locale de la Jeunesse communiste, en faveur de laquelle il a déployé une grande activité en prenant part vivement à toutes les manifestations de classe ou de parti. Pendant cette année-là, il a été arrêté sur la base de mesures prises par la P. S. au cours des graves désordres qui se sont produits dans cette ville à l’occasion de la grève générale. Le dangereux communiste OTTORINO PERRONE est logé chez lui et celui-ci, en raison de la violente propagande qu’il a menée, en provoquant à plusieurs reprises des désordres, a dû être éloigné de Venise.

Zecchini, dont la sœur est la maîtresse de Perrone, en subissait fortement l’ascendant et il l’aidait dans la propagande en se distinguant par une activité (illisible). Lors d’une perquisition menée en 1923 en son domicile, l’on a découvert une déclaration du secrétaire d’alors de la Fédération provinciale du Parti communiste SCAPIN ANTONIO qui attestait  qu’il était un ( ?) actif et fidèle (……….). Une sœur dénommée ZECCHINI IDA, elle aussi ayant des principes subversifs avancés, se trouve actuellement à Bruxelles, où elle vit avec Perrone Ottorino cité plus haut. Un frère de ZECCHINI prénommé UMBERTO a été récemment dénoncé par la Questure de Milan auprès du Tribunal Spécial pour la défense de l’État. »



L’on communique ce qui précède à la Division pour une bonne information, ce qui signifie que la seule chose qui a été communiquée à la police requérante, c’est que Zecchini est exempt de condamnations pour délits communs.



Voir l’original dans Zecchini Bruno fils de Romeo

N° 100792/2069 du 31 décembre 1931/X°

      

MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR



Fichier politique central


Rome 29-07-1931/IX


MINISTÉRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES


Service Correspondance

ROME



OBJET : PESSOTTI FERRUCCIO, fils de Giuseppe – communiste



À la suite de la lettre n° 51484/1168 du 20 de ce mois, l’on vous informait, pour une bonne connaissance et pour les possibles vérifications, que le subversif de l’objet, qui aurait été contraint de quitter Paris parce qu’il n’était pas en règle avec les autorités françaises, n’est pas parvenu à trouver du travail. Il se serait donc rendu à Bruxelles chez un compatriote, un certain Cervollini Bruno, fils de Luigi et de feue Nora Italia, né à Venise le ( ?), ébéniste, dont il avait eu l’adresse ; il en a obtenu assistance et des aides et il loge encore maintenant chez lui.

C'est dans cette capitale qu’il aurait retrouvé un de ses amis, Perrone, marié avec une certaine Zecchini, vénitienne, et qui serait le représentant de la Fédération des Typographes, et qui l’aurait très bien accueilli en lui assurant assistance et régularisation de sa position avec les autorités belges. Celui-ci s’identifie avec le communiste Perrone Ottorino, fils de feu Tito et de feue Maria Paone, né à Aquila le 9/05/1897, comptable, inscrit au n° 353 de la Rubrique de la frontière et expulsé de France, et dont on avait perdu la trace.

L’on fait également remarquer que Pessotti serait en correspondance avec son frère Pietro, lui aussi communiste, émigré clandestinement en France et résidant actuellement à Paris ; inscrit au n° 21178 de la Rubrique de la frontière et auquel, avec la note n° 48808/1767 du 12/06 du Fichier politique central, adressée à ce ministère et pour information à la Préfecture de Venise, il a été accordé le nihil obstat pour la délivrance d’un passeport pour uniquement la France.

Pessotti Ferruccio aurait en ce moment l’adresse suivante : Cervollini Bruno – 9 rue Bronize 9 – Bruxelles.

Cervollini Bruno n’a pas d’antécédents politiques et il a émigré en Belgique avec un passeport régulier qui lui a été délivré par la Préfecture de Venise le 4/09/1930.

On aimerait connaître en temps utile le résultat des vérifications.


Le ministre




Haut Commissariat de la ville et de la province de Naples



Le 26 février 1935


Au préfet d’Aquila

Au préfet de Florence
  

OBJET : Perrone Ottorino, fils de feu Tito d’Aquila, fiché communiste

En référence à la feuille indiquée en marge et à la lettre ministérielle n° 4630/12784 du 31/01/1935, je vous communique que les dénommés Borsacchi, Russo et Verdaro, collaborateurs du communiste PERRONE Ottorino, n’ont pas d’antécédents dans ces actes.



Il pourrait cependant se faire que Borsacchi s’identifie éventuellement avec Borsacchi Fernandino, fils d’Evaristo, résidant en Belgique avec sa femme, Monnean Susanna, fille d’Augusto, elle aussi communiste, et faisant l’objet de la circulaire n° 02197 du 22 janvier écoulé de la Questure de Florence, ou bien avec Borsacchi Luigi, fils d’Ernesto, faisant l’objet de la circulaire provenant de la même Questure n° 024317 de novembre 1933.



Il existe dans ces actes, un fascicule au nom d’un fiché communiste Russo Enrico, fils de Gabriele et de Maria Riccio, né le 22 septembre à Naples, mécanicien, résidant à Bruxelles. Par ordonnance du 22 novembre 1926, il avait été assigné par la Commission provinciale à la relégation pour 3 ans et 6 mois, mais il n’a pas été possible de le mettre en état d’arrestation étant donné que, subodorant la mesure, il est parti d’ici et est parvenu à émigrer clandestinement en France. Propagandiste et organisateur extrêmement actif des masses des métallos et adhérant à la Fiom.



Nous n’avons cependant pas d’éléments qui nous permettraient d’affirmer que Russo Enrico s’identifie avec le dénommé Russo indiqué ci-dessus.



Pas de résultat non plus au nom de Verdaro.


Le haut commissaire

  



MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR



Direction Générale de la P.S. - Division des Affaires Générales et Réservées

au Fichier Politique Général


Copie de la note de la Division de la Police politique en date du 18 juin 1936, n° 500/18093

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Il a été noté une reprise d’activité des communistes trotskistes à Bruxelles ; ceux qui ont été les plus actifs parmi eux sont les bien connus Verdaro Virgilio, Perrone Ottorino et Russo Enrico. Ces trois-là, qui ont constitué une sorte de “comité d’action”, auraient pris l’initiative de choisir – parmi les militants les plus fiables et les plus capables – une dizaine de personnes dans le but de les envoyer en Italie dès que l’amnistie, qui est attendue pas les réfugiés politiques, sera accordée, avec pour tâche de renouer les relations avec les “camarades” qui sont restés dans le Royaume et d’organiser des noyaux régionaux à tendance strictement révolutionaire.

Le jeudi de cette semaine, il y a eu une réunion, à 20 heures, dans une salle de la Maison des Tramwaymen, 20 rue du Poinçon. Étaient présents : Atti Fausto, Borzacchi Fernando, Carra Renzo, Consonni Giovanni, Gasco Carlo, Nonni Vittorio, Perrone Ottorino, Romanelli Duilio, Vorelli Alfredo et Verdaro Virgilio (tous militants trotskistes).

Assistaient également à la réunion Corano Gaetano Antonio et l’ingénieur Orzali Ulderico.

Lors de la réunion, l’intransigeance absolue vis-à-vis du fascisme a été confirmée en tant que mot d’ordre des trotskistes.

Il a été recommandé à l’informateur de suivre attentivement l’activité de ce groupe.



Le directeur, chef de la Division de la Police Politique

Di Stefano



Division Générale de la P.S.

Division des Affaires Générales et Réservées

Première section n° 441/032029


au Fichier Politique Général (en ce qui le concerne)

à la Troisième section (en ce qui la concerne)


Copie confidentielle

Bruxelles, 6 août 1936


Le samedi 1° de ce mois, les trotskistes ses ont réunis chez Perrone Ottorino (12784). Consani était présent. Sont intervenus : Russo (25124), Verdaro, Romanelli, Borzacchi, Consonni, Giovanni di Andrea, et autres.

Discussion sur les événements sensationnels d’Espagne et la manière la meilleure pour venir en aide aux camarades engagés dans une lutte à mort contre le fascisme.

Il a été communiqué une invitation lancée par des trotskistes italiens résidant en France pour s’enrôler dans des légions révolutionnaires qui devront franchir les Pyrénées.

Verdaro et Perrone se sont déclarés opposés à cet enrôlement.

Russo, Romanelli, Borzacchi (21972), Atti (29235) et Consonni (18465), y sont favorables.

L’on ne m’a pas dit  la raison de ces attitudes opposées.

Jusqu’à présent, seuls Russo Enrico et Romanelli Duilio (19647) se sont enrôlés et il semble désormais qu’ils doivent partir pour l’Espagne.



30 juillet 1936-XIV

Le chef de Première Section

Copie

Ministère de l’Intérieur

Division Générale de la P.S. – Division des Affaires Générales et Réservées

Première section



n° 441/032029



au Fichier Politique Général



Copie de la note préfectorale de Sienne n° 06706, en date du 29 septembre 1941-XIX, envoyée au Ministère de l’Intérieur et ayant pour objet : “Nonni Vittorio, fils de feu Giovanni et de feue Idaletti Isolina, né à Sienne le 5/03/1901, communiste”.



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Le sus-désigné Nonni, arrêté le 16 courant à la frontière du Brenner, au moment de son entrée dans Rogno, a été transféré ici où il a fait les déclarations ci-jointes à propos de ses vicissitudes qui se sont déroulées en France où il s’est expatrié clandestinement et concernant l’activité subversive, vraiment importante, qu’il menée dans cette nation.

Compte tenu de ses antécédents, et étant signalé surtout comme ayant l’intention, avec le bien connu De Daniella (39902) Luigi de Domenico, de venir en Italie afin d’y commettre des actes terroristes, l’on propose qu’il soit assigné à la résidence surveillée par la police.

L’on reste dans l’attente de connaître les décisions ministérielles.

Le préfet

(signé Pallante)

P.C.C. – Rome, le 15 octobre 1941-XIX

Le chef de la Première Section





L’année 1941 (XIX), le 17 du mois de septembre, dans les bureaux de la Questure de Sienne, devant le fonctionnaire de la P.S. soussigné, a été présenté Nonni Vittorio, fils de feu Giovanni et de feue Idaletti Isolina, né à Sienne le 5 mars 1901, qui, interrogé, a déclaré ce qui suit :

Durant la période rouge, j’ai adhéré à des syndicats subversifs et sympathisants de ces partis. Je me suis orienté vers ces idées parce que venaient à Isola d’Arbia où j’habitais différents représentants du Parti socialiste pour y faire de la propagande.

Vers la fin de 1922, revenant du service militaire, je me suis inscrit au fascio.

Peu après ce retour du service militaire, j’ai fait une demande pour obtenir un passeport pour le Brésil. Je l’ai obtenu, mais comme il fallait une grosse somme (3000-3500 lires) pour le voyage, j’ai renoncé à partir.

J’ai voulu me rendre en France, mais comme la mairie m’a fait des difficultés, je me suis muni du passeport pour l’intérieur avec l’intention de me rapprocher de la frontière française et d’aller – clandestinement – en France.

Parti de mon quartier (août 1923), je me suis arrêté une nuit à Gènes, et ensuite j’ai poursuivi jusqu’à Vintimille où l’on m’a dit qu’il serait facile de traverser la frontière.


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Voir l’original : NONNI Vittorio n° 54091/39723 en date du 2/11/1941



 N’y étant pas parvenu, je suis alors revenu en arrière, je suis descendu à la première gare (Vallecrosia) avec deux autres gars que j’avais rencontrés dans le train et qui avaient encore l’intention d’émigrer en France.

En fait, j’ai trouvé un passeur qui, pour 10 lires de rémunération par personne, nous a transportés par mer et de nuit dans les environs de Menton.

L’on a poursuivi notre chemin jusqu’à Marseille où l’un de mes deux compagnons de voyage (dont je ne me souviens pas le nom) avait de la famille. Je suis resté à Marseille deux ou trois semaines pour y chercher du travail ; mais comme je n’ai pas réussi à en trouver, je suis allé avec l’un des camarades susdits – je me souviens maintenant qu’il s’appelait Carlo et qu’il était originaire de Massa Carrara - à Noves, près d’Avignon, où ce Carlo avait sa sœur et son beau-frère.

J’ai dormi une nuit chez la sœur de Carlo, mais ensuite, le lendemain, un frère du beau-frère de Carlo étant arrivé d’Italie avec un passeport en règle, j’ai été invité par ce dernier à m’en aller. J’ai alors cherché du travail et j’en ai trouvé, toujours à Noves, chez deux Français – je travaillais à une presse à fourrage.

En octobre 1923, j’ai été averti qu’ils voulaient me faire la peau parce qu’ils avaient su que j’étais fasciste étant donné que mes deux compagnons avec lesquels je m’étais rendu en France avaient vu que j’étais en possession de la carte du Fascio.

Je suis alors reparti et, après m’être arrêté pendant environ un mois à Avignon, je me suis rendu à Sorgues où je devais rester jusqu’en avril 1924. J’ai habité dans une pension dont je ne me souviens pas le nom et j’ai trouvé du travail dans une usine de d’engrais chimiques.

Depuis Sorgues, je suis parti pour Paris avec Radaelli (40061 ?) Carlo (je crois du moins qu’il s’appelait Carlo) qui travaillait chez le boulanger de Sorgues. À Paris, nous nous sommes arrêtés dans un premier temps dans un petit hôtel près de la Gare de Lyon. Nous y sommes restés un mois ou deux, et ensuite nous sommes allés habiter dans une chambre meublée au 9 de la rue d’Aligre. J’ai immédiatement trouvé du travail comme manœuvre (dans les constructions en béton armé). Toujours avec Radaelli, nous sommes allés habiter au 16 de la rue Trousseau. J’y suis resté jusqu’à la fin de 1927 pour aller habiter ensuite, étant donné que je ne m’entendais plus avec Radaelli, au 16 de la rue de Reuilly.

J’y suis resté jusqu’en novembre 1929, époque où je suis allé à Bruxelles. Je suis resté dans cette ville jusqu’à mon rapatriement. J’ai d’abord habité au n° 25 de l’avenue Fonsny, puis, deux ou trois mois plus tard, au 25 de la rue de Hollande, où j’ai demeuré jusqu’en 1933. C’est à ce moment-là que je me suis marié avec Miotti Margherita – une Italienne née en France. Je suis ensuite allé habiter avec ma femme au 153 de la Chaussée de Forest et le       1° janvier 1940 j’allais habiter au 4 de la rue Crickx où j’habitais encore. Concernant mon activité politique, je déclare :

C’est à Noves, vers les derniers jours de 1923, que j’ai rencontré Radaelli dont j’ai fait mention ci-dessus. Ce Radaelli était originaire de Come et il travaillait auparavant comme boulanger à Milan. Il était de la classe 1897, de taille normale, plutôt blond et il avait une cicatrice près de la bouche. Il était communiste, et il a commencé à me faire fréquenter un café où se réunissaient des communistes français. C’est ainsi que j’ai commencé à fréquenter ces éléments-là et à écouter leurs discussions. Comme ils parlaient francais, Radaelli m’expliquait ensuite en italien les sujets traités. Une fois à Paris, Radaelli et moi nous sommes rendus au Journal “L’Humanité” pour y demander à ces camarades d’idées (communistes)  des informations pour trouver du travail. Ensuite, nous nous sommes mis en relation avec un groupe de communistes italiens de Paris. J’ai pris la carte du Parti communiste vers la fin de 1924 et le début de 1925. On assistait aux conférences durant lesquelles l’on nous distribuait les journaux communistes tels que : “Bandiera Rossa”, “La Riscossa” et d’autres, à charge pour nous de les vendre dans les cafés. Nous ramenions le produit de la vente au groupe. Je faisais partie du groupe du Douzième qui avait son siège dans une rue du XII° arrondissement.

Nous avons continué ainsi jusqu’au début de 1927 quand est survenue la scission du Groupe trotskiste parce que nous critiquions les méthodes de l’Internationale Communiste qui, au contraire, soutenait l’œuvre de Staline à l’encontre les vieux communistes.

J’ai ainsi été isolé durant environ un an, bien que j’aie continué à fréquenter les éléments communistes jusqu’à ce que, à l’instigation d’un certain Gigi, que j’ai reconnu à partir de la photo que vous m’avez montrée comme étant Danielis (39902) Luigi, fils de Domenico, né à Palmanova le 17 avril 1901, je rejoigne le Groupe trotskiste.

Outre “Gigi”, deux autres individus, des amis de Danielis, m’ont convaincu d’entrer dans le Groupe trotskiste : Gabassi et Bruno. Gabassi, qui était originaire de la même région que “Gigi”, il allait toujours avec lui et ils habitaient dans le même hôtel. Il était un peu plus âgé que Danielis, robuste, blond, et l’autre, Bruno, était toscan, je crois de la province de Pise, maigre, brun, de taille normale. Gabassi était peintre, tandis que Bruno exerçait différents métiers.

Le Groupe trotskiste n’avait pas de siège : nous nous réunissions dans les cafés. En faisaient partie, en plus de Bruno qui était un des chefs et d’autres que j’ai déjà nommés, un certain Russo, un peu boiteux et je crois toscan, Pappalardo, calabrais et napolitain, qui eux aussi étaient des chefs. Après, est venu un certain Perrone, napolitain, dont on m’a dit qu’il était le chef du mouvement. En faisaient partie en tant que simples militants : les frères Corradini et Piacentini qui étaient mécaniciens, Gasco, un milanais, et un autre, un ami de Gasco que l’on appelait le Milanais, et d’autres encore dont je ne me souviens  pas des noms.

Vers la fin octobre, Russo, que j’ai nommé plus haut, m’a invité avec Danielis à m’établir à Bruxelles parce que les groupes de cette zone étaient peu nombreux et c’est pourquoi ils avaient besoin d’autres adhérents et de nouvelles énergies. Nous avons accepté et nous sommes paris pour Bruxelles. Je précise que l’on ne m’avait pas chargé de venir en Italie.

Je le répète, j’avais pour seule tâche de donner une plus grande impulsion aux groupes de Belgique et d’alimenter la propagande. À Bruxelles, nous avons pris contact avec les éléments de la Belgique, mais, tandis que “Gigi” est retourné à Paris après deux ou trois mois, moi, au contraire, je me suis établi à Bruxelles.

C’est là qu’a été fondé le journal “Prometeo”. C’est Perrone qui le dirigeait et y écrivaient tous ceux qui, de par leur culture, pouvaient collaborer. Nous le vendions aux autres Italiens étant donné que le journal était édité en langue italienne.

Les éléments de Belgique étaient : Perrone, Atti de Bologne, arrêté ensuite par les Allemands peu après leur arrivée en Belgique, Gasco dont j’ai parlé plus haut ; Gasparrone, méridional je crois, Pieri de Florence, dont je crois qu’il avait pour nom de famille Borsacchi, mécanicien automobile, je crois de la classe de 1902.

J’ai indiqué mon activité jusqu’à la fin de 1930. J’ai démissionné du groupe à partir de 1934 ou de 1935, mais j’ai continué à verser ma cotisation pour le journal jusqu’en 1936 ou 1937. Ensuite, je me suis éloigné peu à peu de toute activité politique, je ne suis resté inscrit que dans les syndicats rouges jusqu’au début des hostilités avec l’Allemagne parce que, sans l’adhésion aux syndicats, je n’aurais pas pu trouver du travail.

Ces derniers temps, comme ma femme dépérissait jour après jour, et étant donné qu’il était difficile de trouver des denrées alimentaires, j’ai commencé à penser à revenir en Italie. Jusqu’au 15 septembre où je suis parti avec ma femme et mon gosse et le 16 j’ai été arrêté au Brenner.



Fait, lu, confirmé et soussigné

Nonni Vittorio