PAGES PROLETARIENNES

samedi 4 mai 2019

Giletjaunisme : de l'étincelle au déclin



Le mouvement des gilets jaunes s'est incrusté dans le paysage et semble bien destiné à durer malgré tous les espoirs ministériels d'un enterrement qui s'éloigne un peu plus chaque samedi. La plupart des organismes politiques de droite et de gauche de la bourgeoisie s'efforcent d'en parler élogieusement tant la séquance électorale européenne se rapproche. Le gouvernement et son chef de la police déploient aujourd'hui autant d'éloquence à criminaliser une continuation aléatoire qu'ils mettaient hier de verve à en prévoir la fin prochaine. Un mouvement irrécupérable n'est pas forcément irrécupérable malgré des tentatives successives ratées dont le premier mai chamboulé a été une illustration supplémentaire. L'excès de colère des petits blancs provinciaux ne se sera-t-il pas échoué finalement tel un long fleuve tranquille?
La science politique doit se préoccuper d'étudier minutieusement toute cette littérature consacrée au giletjaunisme depuis la naissance subite le 17 novembre de l'an passé. Cette étude permet de distinguer, parmi les partis politiques, les organismes professionnels et les individus, celles et ceux qui ont été constamment pour ou constamment contre, ceux qui ont été pour puis contre, ceux qui ont été contre puis pour, ceux qui ont changé plusieurs fois d'avis... Mais le giletjaunisme dans son ensemble n'est-il pas un des plus singuliers phénomènes dont la science politique ait à rechercher les causes à l'instar de mai 68 ?
Qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, le giletjaunisme appartient à l'histoire. C'est peut-être un mythe, mais c'est aussi un fait, et si, comme l'a écrit M. Karl Marx, la démystification est la principale mission de la science politique -, gageons qu'il est urgent de présenter un giletjaunisme sans littérature.

Comme le poujadisme des années 1950, le giletjaunisme n'a pas de programme. Il n'est qu'un émiettement de revendications décousues après avoir cumulé plusieurs types de réclamations, du référendum chimérique à l'abolition ou diminutions des taxes, puis à l'ajout de revendications pour « plus d'argent » . Il sera resté l'affaire sous-politique de nostalgiques d’un temps où les petits travailleurs indépendants étaient mieux reconnus que le prolétariat ou que les salariés d’un secteur tertiaire « moyen » en devenir.

Dans la pérennité d'une petite mythologie du giletjaunisme on adjoindra une autre similarité avec Poujade, la voiture paradoxale, arme de combat anti-écologique, péril de cancer et aussi instrument de travail. Le rôle des transporteurs routiers, des marchands forains, des représentants de commerce dans la diffusion du poujadisme à ses débuts fût aussi notoire que les tweets des routiers Drouet et Nicolle Maxime.

Comme je l'avais signalé avant la fin de l'an passé, c'est le politologue1 Jérôme Sainte-Marie qui avait vu clair sur les causes au tout début contrairement à tous mes super-marxistes maximalistes :

« Il y a tout d’abord, la défaite en rase campagne du mouvement social dans la première année du quinquennat. Puis, l’opposition politique est hors d’état de profiter de l’impopularité de l’exécutif de par ses divisions profondes. Le pays est dans un état de nervosité perpétuelle. Il est donc logique que des formes de contestation plus ou moins spontanées, émanant de la base, voient le jour ».

Alors que diverses formations, parmi lesquelles le Rassemblement national et la France insoumise, se sont plus ou moins liées à la colère pour la récupérer, le politomachin voyait déjà dans l'événement un camouflet pour la classe politique: « Il n’y a pas de débouché politique évident donc on cherche une forme d’expression spontanée, directe ». Les mêmes causes (exaspération populaire, affaiblissement de l'exécutif, défaite des syndicats et réponse politique problématique) produisant les mêmes effets, les "gilets jaunes" allaient rester un moment sur les épaules des mécontents ou engendrer des phénomènes jumeaux. Et il en déduisait : « Même si ça ne devait être qu’un feu de paille cette fois-ci, d’autres mouvements de ce type se produiront durant ce quinquennat ».

Le contexte actuel est plus grave qu'à la veille de l'avènement du gaullisme en période de reconstruction car nous sommes en période de destruction sociale, identitaire et politique... Le poujadisme fût une illusoire croyance à un retour en arrière face à un capitalisme rajeuni provisoirement. La crise de société actuelle, pas limitée à la France, est une crise des classes qui frappe toutes les catégories, toutes les régions. Il n'existait pas une telle coupure entre la population et les élites au pouvoir ni en 1953 ni en 1968. Une telle perte de contrôle social par l'Etat n'est pourtant pas la voie ouverte à l'affirmation du prolétariat puisque le giletjaunisme, sans pouvoir être récupéré par les formes classiques d'encadrement social et politique se laisse noyer par l'altermondialisme dont les black blocs ne sont que les petits représentants de commerce, et dont le gauchisme écologique reste le principal vecteur.

LA MEFIANCE ET LE REJET AU TOUT DEBUT


La méfiance du giletjaunisme naissant par les uns et des autres n'est pas totalement infondée au début, une protestation destinée à devenir idéologie fonctionne très bien à partir de l'anticapitalisme et de l'action directe même avec des buts mal définis ou qui semblaient dérisoires :
  • dénonciation de la hausse des taxes avec l'hypocrite argumentation de la taxe bourgeoise « carbone » par des provinciaux incultes insouciant de la "dette nationale" ;
  • blocage des carrefours qui fait tout de suite sensation ainsi que les manifs dans les quartiers bourgeois ; on ne discute pas on agit, on suit les consignes... le refus de désigner des délégués et de participer à d'hypocrite conciliations avec le gouvernement rend populaire le mouvement ;
  • l'intelligentsia bourgeoise se liguant immédiatement contre ces « gueux », l'anti-intellectualisme des humbles reprend son vol sauf pour les aventuriers à la Chouard ;
  • les élus des partis bourgeois et les journalistes sont très vite conspués et se font jeter des lieux de manifestations ; le drapeau tricolore est toujours présent manifestant l'illusion du repli national ;
  • présence d'un grand nombre de chômeurs désoeuvrés et desespérés, mais diminution du nombre des petits commerçants... (à la différence du poujadisme)
  • la rigidité du gouvernement a fait le reste.

Le mouvement n'est en aucune manière à prétention révolutionnaire et il est longtemps dépassé par ce qu'il est amené à faire, il est réduit par les commentateurs à l'étrange et peu approprié "pouvoir d'achat" et à un désir de reconnaissance civique. La plupart de ses figures, de femmes et de retraités, parlent pour la première fois en public et dépoussièrent des plateaux télé devenus ennuyeux et redondants avec leurs politologues et autres conologues. Dans les cabanes des ronds-points on croît retrouver le bon temps jadis de la fraternité villageoise.

LE REJET DU POINT DE VUE DE L'ECOLOGIE BOURGEOISE2

« On ne suspend pas la transition écologique ». (Bruno Lemaire, ministre, le 5 novembre)
« Le dialogue arrive un peu tard, l'écologie c'est pas le sujet, et Macron ne répond jamais aux questions ». Priscillia Ludosky (décembre 2018)

Les déclarations des larbins du pouvoir se succèdent pendant plusieurs jours d'un silence total des « minorités révolutionnaires » et même de la plupart des sectes gauchistes; les bobos parisiens n'imaginent qu'un tas de petits blancs provinciaux vélléitaires.

«Je confirme qu'il s'agit d'un mouvement de beaufs – j'ajoute poujadiste et largement d'extrême-droite –, au vu de la violence des réactions et de la "pensée" des gilets jaunes.»
Jean Quatremer (journaliste de Libération, le 7 novembre)

Le conseiller de Macron, Cohn-Bendit : « «Ce mouvement poujadiste mélange des tas de revendications et refuse de mener le débat de fond, à savoir comment répondre de front à deux défis, la dette écologique et la dette financière. Si l'on veut être à la hauteur du challenge pour l'avenir […]. La réaction des gilets jaunes face à la hausse des prix de l'énergie, même si je comprends certains problèmes qu'elle pose, est une erreur de fond, car à ce rythme-là on n'affrontera jamais la dette écologique. Il n'y aura jamais de moment opportun pour s'y attaquer !».

 Et d'expliquer «Regardez le tabac. Il est admis par tous qu'il faut le taxer, car, sinon, les cancers seraient plus nombreux et les coûts de santé augmenteraient pour la collectivité. C'est pourtant injuste, car les plus affectés par la hausse du prix des cigarettes sont les plus pauvres. C'est le même principe pour la taxation écologique. Si on veut s'attaquer à la dégradation climatique, il faut changer nos comportements de mobilité.»

Le nouveau secrétaire du PS rabougri, Olivier Faure a le mot juste : « écologie punitive » ! Une égérie de la France insoumise étale son mépris de bobo parisienne certifiée antifa et antiraciste :

« Je ne serai pas le 17 dans les blocages parce que je ne me vois pas défiler à l’appel de Minute et avec Marine Le Pen, et que je sais combien notre enjeu est celui d’une réelle transformation, d’un changement de modèle de développement incluant la transition énergétique, l’égalité entre les personnes et les territoires. Je ferai tout mon possible pour que les décisions prises se conjuguent avec justice sociale et recul effectif, massif, des émissions dangereuses. » (Clémentine Autain)

Son caïd Mélenchon est plus subtil après avoir lanterné lui aussi à prendre position :

« Ils ont raison de se mettre en colère. Des fachos se sont mis dedans, ce n’est pas bon pour la lutte. Parmi nos amis, certains veulent y aller. Je vais leur dire quoi ? De ne pas y aller ? Ils vont me répondre : "Mais on est fâchés, pas fachos !" D’autres ne veulent pas mettre un pied là où il y a des fachos. Les deux positions se valent en dignité. […] Si nos amis sont dedans, on sera fier d’eux. Ceux qui ne veulent pas y aller également. » (le 30 octobre à Lille alors qu'il n'y a encore que les appels sur les réseaux sociaux).

Pour le 17 novembre, Besancenot a dénoncé « une vague poujadiste », le NPA refuse de se joindre à des fascistes :
«On ne s’y trompera donc pas. Tout comme les syndicats CGT et Solidaires, samedi 17 novembre, nous ne mêlerons pas nos colères aux manœuvres des patrons et aux récupérations de l’extrême droite qui n'est pas une alliée de circonstance mais reste notre ennemie mortelle. Oui, tout augmente sauf les salaires, et les classes populaires ont bien raison d’avoir ras-le-bol de l'augmentation du carburant et des prix en général, conséquence du décrochage de plus en plus important entre les salaires (ou les pensions) et l'inflation (…) nous ne pourrons pas le dire le samedi 17 novembre dans des actions ou des rassemblements prétendument « citoyens » aux allures de foire poujadiste, dans lesquels nous nous retrouverions au côté des ennemis les plus farouches du mouvement ouvrier ».

L'autre secte bourgeoise trotskiste, LO, navigue guère plus loin que les antifas neuneus du NPA, le mouvement risquant d'être récupéré... par l'extrême droite qui reste aussi dangereuse voire plus que le gouvernement :

« Dans le mouvement des gilets jaunes, il y a d’autres catégories sociales que les salariés. Patrons du transport ou du BTP, agriculteurs et artisans mettent en avant les revendications contre les taxes, qui correspondent à la défense de leurs intérêts. Ces revendications « antitaxes » cantonnent la mobilisation sur le terrain de l’opposition au gouvernement qui permet aussi à la droite et à l’extrême droite de tenter de jouer leur carte. Tant que l’on ne remet pas en cause les profits de la classe capitaliste, des politiciens comme Le Pen, Dupont-Aignan ou Wauquiez veulent bien faire des discours sur les intérêts du peuple ».

« On a affaire à une manifestation d'extrême droite. Elle cherche à détourner une partie de la révolte de la couche populaire. Il y a deux manifestations très distinctes : on a une manifestation claire et facile à identifier, et une manif clairement d'extrême droite au début, et il faut faire très attention aux images... ». (Sylvain Boulouque, observateur (policier) de la « gauche radicale », invité permanent des plateaux télé)

LE REJET DE LA PART DE TOUS LES SYNDICATS DE L'ORDRE ETABLI

Le 18 novembre, sur le site de Robert Paris, on trouve un bijou d'argumentation :

« Un autre aspect frappe dans le mouvement des gilets jaunes : l’hostilité des appareils syndicaux à l’égard de ce mouvement auto-organisé, la volonté de faire croire qu’un tel mouvement ne pourrait favoriser que le fascisme. Cependant, nous constatons sur les lieux de travail que la classe ouvrière y est favorable, y compris la base syndicale ! Même l’extrême gauche officielle qui cultive le suivisme vis-à-vis des appareils syndicaux s’en est étonnée et offusquée. Mais elle s’est bien gardée d’expliquer le fondement même de cette réaction hostile des bureaucraties qui encadrent les travailleurs : la crainte d’être débordée dans ce rôle d’encadrement. En hurlant au fascisme à propos de cette tentative d’auto-organisation, les appareils, très discrédités, se préparent à en faire de même quand la classe ouvrière tentera de les déborder. Nous sommes maintenant avertis qu’ils crieront alors au fascisme et dénonceront tous ceux qui se feront les porte-parole de l’auto-organisation ouvrière comme des fascises en puissance !!! ».

J'ai déjà pris position et participé physiquement au mouvement au tout début et j'écris ceci le 19 novembre :

« Mais le vrai problème actuel n'est pas constitué par les vautours politiques et syndicaux, qui ne pourront rien récupérer de toute façon pour leurs sectes, ce ne sont que des éteignoirs politiques et ce pourquoi l'Etat leur laisse des strapontins dans ses médias. Le ver est déjà dans le fruit depuis le début. Les quelques oies blanches qui ont lancé les premières pétitions – on leur reste reconnaissants – ne sont pas des interlocutrices de taille à prétendre représenter ce qu'est devenue cette révolte si inquiétante pour les puissants contrairement à ce qu'ils laissent paraître ».

Je m'indigne de la dénonciation immédiate du mouvement par le CCI, lequel a écrit :

« Ce mouvement apparaît comme l’expression d’une immense colère de la population. Mais par son caractère protéiforme, il est déjà comparé à une sorte de “jacquerie” du même genre que la mobilisation des “bonnets rouges” en Bretagne. Par son “apolitisme” affiché et ses appels à la “mobilisation citoyenne”, largement relayés par les médias, ce mouvement se situe non pas sur le terrain de la lutte de la classe ouvrière mais sur celui sur de l’inter-classisme et de l’idéologie petite-bourgeoise. La présence d’ouvriers en son sein se fait davantage sur la base d’initiatives individuelles d’ “automobilistes excédés” que sur celle de prolétaires conscients, capables d’imposer un combat de classe autonome. De ce fait, ce mouvement est non seulement sujet à toutes formes de récupérations politiques, mais il apparaît comme une nébuleuse confuse dans laquelle la petite-bourgeoisie est souvent à l’initiative et marque de son idéologie bon nombre d’actions et de revendications. Même si Macron et le gouvernement semblent préoccupés par les questions de sécurité et si la bourgeoisie s’inquiète des difficultés pour encadrer cette colère qui navigue à vue, la classe ouvrière est la seule force sociale capable de faire reculer l’État. Face aux offensives anti-ouvrières, seul le prolétariat peut en effet offrir une réelle perspective ».

« Le mouvement des “gilets jaunes” est à ce titre très clairement un mouvement interclassiste où sont mélangées toutes les classes et couches intermédiaires et exploitées de la société, qui ne défendent pas les mêmes intérêts. Se retrouvent, ensemble, prolétaires (travailleurs, chômeurs, précaires, retraités) et petit-bourgeois (artisans, professions libérales, petits entrepreneurs, petits commerçants, agriculteurs asphyxiés par les taxes). Les ouvriers les plus pauvres se sont mobilisés contre leur misère croissante, contre la pauvreté, les attaques économiques incessantes, le chômage, la précarité de l’emploi, tandis que les petits patrons protestent seulement contre l’augmentation du carburant et des taxes ».

Avec le recul, puis-je dire six mois plus tard « ils avaient raison » ? Oui et non en même temps puisque comme d'hab les sectes politiques sont forcément cassantes et sans appel, et qu'elles ont souvent raison en soi contre la confusion ambiante et les mensonges dominants, parce qu'elles partent toujours du point de vue de l'élite bourgeoise cynique. En outre, généralement tout ce qui est révolte n'est pas forcément révolution. Mais leur prise de position reste dans l'abstrait une position politique coupée de la complexité de la réalité. Au lieu de réfléchir d'abord à ce qu'exprime telle révolte ils la fichent dans une catégorie, une boite ou un courant d'idée, de la même manière que les gauchistes fichèrent le giletjaunisme dans une résurgence poujadiste-fasciste, de la même manière ils collaient interclassisme aux gilets jaunes, alors que le combat des couches mêlées n'était pas tranché, que le néo-facho Chouard n'avait pas encore instillé cette stupidité de RIC dans des oreilles incultes, alors que le mouvement n'était pas encore à son pic. Quand on a raison trop tôt c'est qu'on a tort trop tard. Au lieu de se branler avec des grèves inexistantes ou disparues ils auraient mieux fait de réfléchir comme notre politologue aux causes de « l'échappée belle » comme je l'avais nommée. Et peut-être, mais pas sûr, d'y intervenir afin d'y gagner des éléments de compréhension pour leur gouverne plus que des futurs enrôlés, pour creuser sur ce qui sort des ornières des schémas du passé ou bordiguisme comme chiriquisme et autres conseillismes sont bien incapables de nous guider dans le marasme politique actuel. Une classe ouvrière niée et sans plus de repères liée à une longue et incertaine recomposition des forces d'encadrement bourgeoises sociales et politiques, c'est le révélateur principal de cette « crise des gilets jaunes » ; cela n'augure-t-il pas d'un combat politique où de graves questions de choix de société pourront être dénouées et avoir valeur d'exemple international ?

Un pitre révisionniste du mouvement ouvrier comme Gérard Noiriel peut bien dire que les gilets jaunes « replacent la question sociale au centre du jeu politique », mais c'est faux. Les obstinés continuateurs, et ils peuvent continuer pendant des années, veulent placer toute révolte au centre de la comédie citoyenniste. La seule vraie revendication initiale qui sous-tend toutes leurs confuses requêtes reste « Macron dégage », mais pour le remplacer par qui et par quel programme ? Un capitalisme bourré de sondages et de référendums à chier ? Un capitalisme repeint en vert comme semblent le souhaiter même les plus incultes du début qui ont fini par se laisser empapaouter par l'idéologie écolo-bourgeoise ?

Depuis décembre l'Etat a compris que ni la gauche ni les syndicats ne peuvent absorber ce mouvement décidément irrécupérable (au sens propre comme au sens figuré)3. La vingtaine de rallyes jaunes a été déclinant, pas tant dans le nombre plus ou moins trafiqués et incertains des promeneurs et promenés du samedi que dans l'opinion, qui semble avoir été plus sincère que jamais depuis six mois (étrange mon cher Watson qu'on arrive quand même à percevoir une opinion non moutonnière!). Parce qu'elle est indifférente à ce tohu-bohu devenu nid à violences des bobos black blocs. Voué à disparaître cette révolte plus sociétale que poujadiste aura révélé le cynisme étatique "démocratique"; personne n'oubliera que le mépris aristocratique, les exactions policières, les rafles de manifestants, leur fichage systématique, les yeux crevés, les membres mutilés, les condamnations disproportionnées, c'est Macron et sa bande.

LES BASES DU DECLIN

Le début de la chute dans les bras vermoulus de la gauche bourgeoise peut être situé au 5 février, au fameux appel riquiqui à la grève générale avec de soudains et obscurément marchandés mamours. La CGT en appela sans honte ni désir à une grève générale fictive le mardi 5 février, appel relayé par notre pauvre Éric Drouet, Mélenchon et Besancenot et le nain PCF. La chute était déjà perceptible du fait de l'anémie de la revendication du chiméric et par le bruit des éclats de rire des milieux révolutionnaires aux brames de « justice fiscale » et «capitalisme vert ».

Tout le monde pensait plus ou moins (même moi) que le déclin en gilet jaune terni viendrait du succès de l'électorat dit « facho » et gonflé pour la fille Le Pen ; quoique je n'attende point une participation massive aux élections européennes ni ne m'exagère un relatif succès du RN, je pense que tout se tranche toujours en définitive face au gouvernement bourgeois et sur le plan social et pas dans la rue avec ou sans émeute. En réalité, comme l'ont démontré les dernières manifestations et ce défunt 1er mai, qui est dérisoire depuis longtemps pour le prolétariat, il n'y a pas eu non plus une récupération DIRECTE par la gauche et l'extrême-gauche bourgeoises.
La fable des convergences a fait pschitt. On ne voit qu'addition de mécontentements et bagarres de rue, violences policières révoltantes et insultes aux flics aussi révoltantes. Les syndicat ont en effet été débordés au premier mai ringard. Dépassée la CGT par gilets jaunes et ultra-jaunes, c'est beaucoup trop dire ; les excités ultra ceci ou ultra cela n'ont pas le dixième d'ossature en entreprises des grands barnums syndicaux. Moustache Martinez ne peut sérieusement se faire passer pour une victime des CRS. C'est la chienlit, comme aurait dit l'autre, qui prédominait : bannières syndicales + drapeaux tricolores + CGT, FSU, Solidaires, fanions de La France insoumise et du nain PCF ainsi que des drapeaux kurdes ou palestiniens, des banderoles associatives.

Mélenchon a vendu l'article « convergence populaire » lui qui rêve d'une nouvelle césure comme en 1958 où l'on sauterait de la V ème à une VI ème république bourgeoise ; ce mal-aimé des sondages qui n'a que « les gens » à la bouche, a essayé de nous refiler sa version vintage du « mouvement ouvrier » au milieu de sa soupe d'incertitudes :
« Ce qu’il y a de nouveau cette année, ce n’est pas la violence, c’est la jonction entre le mouvement ouvrier, traditionnel, syndical, et le mouvement spontané, insurrectionnel des gilets jaunes. Jusqu’à quel point? Dans quelles proportions? Comment tout ça se mélange bien ou mal, c’est ça la grande question politique dans laquelle est plongé notre pays.»

Tel gilet jaune prétendit qu'en s'affirmant comme travailleur et en « se regroupant » avec syndicats et assocs on donnera un « second souffle au mouvement » qui pourtant ne demeure qu'éparpillement de volontés contrariées. Il a le droit de rêver gauche bourgeoise repetita mais sur le fond la vérité est que le giletjaunisme n'a plus de souffle. Qu'il est récupéré INDIRECTEMENT et sans vouloir le reconnaître par la gauche bourgeoise, écologiste et altermondialiste4. Ca se construit dans la diversité, mais quand on fait le point sur nos revendications on est à 90% sur la même base. La question aujourd'hui n'est plus de savoir s'il y a des moyens dans ce pays, mais comment construire 
Le summum de la conjonction de l'inanité syndicale et de la vacuité jaune est atteint par ce cégétiste qui marche à côté de Mélenchon: "Le plus important c'est que, chacun à sa place, en se respectant, travaille à la victoire générale. ça se construit dans la diversité, mais quand on fait le point sur nos revendications, on est à 90% sur la même base. La question aujourd'hui n'est plus de savoir s'il y a les moyens dans ce pays, mais comment construire ensemble des solutions pour aller chercher cet argent-là". Avec un raisonnement aussi toqué la lutte sociale se résume à attaquer les banques!

Le quorum de la récupération bobo est atteint avec les 1400 signataires du monde de la kultur qui « réclament des choses essentielles : une démocratie plus directe, une plus grande justice sociale et fiscale, des mesures radicales face à l’état d’urgence écologique ». « Les “gilets jaunes”, c’est nous », insistent les signataires, qui se déclarent « absolument concernés par cette mobilisation historique »5.(pétition : Nous ne sommes pas dupes)

Allez, au hasard, je vous livre un commentaire d'un anonyme prolétaire :

« Les nantis subventionnés du monde du spectacle viennent ici nous parler de solidarité avec la France d'en bas ? Les biberonnés subventionnés encartés n'ont pas bougé une oreille au début.
Maintenant que le mouvement est récupéré par l’extrême gauche, ils font une pétition... ».


Le mouvement n'est pas récupéré par l'extrême gauche, il est dissout. L'extrême gauche ne récupère rien, elle dissout dans l'idéologie bourgeoise de la gauche rancie, no future dans l'immobilisme et l'incantation.




Notes



1La catégorie a été inventée il y a une vingtaine d'années mais recouvrent les mêmes divers anciens de sciences-po, des écoles de journalisme, au total toute une série de charlatans bombardés spécialistes, consultants, sondeurs ou connards de la première espèce comme Boulouque.
2Malgré la forte mobilisation des «gilets jaunes» à travers la France le 17 novembre, le gouvernement a annoncé qu’il ne remettrait pas en cause sa politique de fiscalité écologique basée en partie sur une taxation des énergies fossiles, dont le carburant (taxation dont seules 19% des recettes sont effectivement consacrées à la transition écologique). Si ce maintien de cap suscite de vives inquiétudes au sein d’une partie de l’opinion et de de la scène politique, le gouvernement peut compter sur le soutien de Daniel Cohn-Bendit, qui juge la taxe carbone «juste» et «nécessaire» dans une interview parue dans Le Point le jour de la mobilisation nationale.
3Même moi autocrate je n'en voudrais pas ! Si la colère au départ fût juste, elle fût ensuite déviée sur le terrain pourri de l'interclassisme dont rien ne peut sortir n'en déplaise à Juliette Boutron et aux derniers ultra-gauches has been et aigris persuadés que nouveauté et complexité mènent au sommet, au graal communiste. Nouveauté et complexité vont en bateau, qui tombe à l'eau ?
4La mouvance altermondialiste fricote pour attirer les GJ. A Lyon, où un rassemblement national est déjà prévu pour l’acte 26, une manifestation organisée avec le collectif YouthClimate partira à 14h de la place Jean Macé avec comme mot d’ordre l'"urgence sociale et écologique". "Jeunes pour le climat et Gilets Jaunes : nous avons des adversaires communs!", justifient les organisateurs. On l'avait vu franchir la frontière italienne en février, Maxime Nicolle est cette fois à Londres. Le Breton, figure du mouvement des Gilets jaunes, s'est rendu jeudi devant le tribunal de Westminster pour réclamer la libération de Julian Assange, arrêté le 11 avril dernier après avoir passé 7 ans reclus dans l'ambassade d'Equateur. Maxime Nicolle partage avec le fondateur de WikiLeaks un avocat, en la personne de Juan Branco, qui est lui aussi à Londres, comme le montrent les images tournées par le Gilet jaune.
Le Breton a affirmé que "80 personnes" avaient fait le voyage avec lui. Il prépare depuis plusieurs semaines ce déplacement, dont il a parlé à plusieurs reprises sur son groupe Facebook "Fly Rider infos blocage". Il y décrivait notamment Assange comme un lanceur d'alerte "grâce à qui nous pouvons voir ce qui se passe derrière les mensonges d'Etat".Etienne Chouard sera aussi présent.
5 Pétition : Gilets jaunes : Nous ne sommes pas dupes)

EPISODES SUPPLEMENTAIRES ET ACCESSOIRES:

LE PETIT GILET JAUNE QUI VOULAIT DEVENIR GRAND

"J'appelle au vote, j'appelle surtout pas à l'abstention, l'abstention c'est voter Macron, ça rime, aussi bien pour le vote blanc, on évite, et surtout je m'inscris dans un vote anti-Macron", a insisté le petit Rodrigues avec son chapeau de zozo et sa barbe de clodo, sans être plus précis sur le bulletin que lui-même glissera dans l'urne, et sans être capable de dénoncer sérieusement l'aventurier Lalanne qui s'est fait jeter d'une procession en jaune. "Quitte à ce qu'il finisse deuxième". Jérôme Rodrigues, le borgne des gilets jaunes, a appelé pour les élections européennes "à faire un vote anti-Macron ».
Pour qui se prend-il ? Ce n'est pas parce que la police lui a crevé un œil qu'il doit se permettre de dire aux gens ce qu'ils doivent voter ou pas. Voilà à quoi aboutit ce petit vedettariat entretenu par toute la presse bourgeoise, à ce que ces personnages creux sous couleur d'apolitisme appellent à se soumettre à une des pires mystifications bourgeoises, comme le dit la rengaine « l'essentiel c'est de participer » ; pour mieux se faire entuber. Mais plus précisément de participer à cet antimacronisme primaire, qui sert si bien de garde-fou (sic) à l'Etat, dans un spectacle consensuel où quelques crétins petits bourgeois suppléent à l'évanescence de la CGT et à la sénescence des islamo-trotskistes.
Plus ridicule encore la Priscillia Ludosky a lancé le concours des plus belles habitations jaunes !
Va-t-on bientôt les interner ? Naguère le jaune était la couleur avec laquelle on habillait les fous pour mieux les rattraper. C'est aussi traditionnellement la couleur des cocus.


AVATARS DU « POUVOIR CITOYEN » LORS DU 25 E RALLYE GILET JAUNE

Les pauvres… ils ramassent tout ce qui traîne...
Bien plus interclassiste que le lointain poujadisme le giletjaunisme tente de s'extraire de son ornière étroite et creuse de « pouvoir citoyen » en draguant comme le gauchisme trotskien, et mieux que le syndicalisme décati, toutes les couches imaginables pour pêcher dans l'eau trouble du marasme politique français. Les bouffons montent en première ligne. Le clown Lalanne continue à sponsoriser une petite clique électorale. Le pitre Ruffin appelle à réoccuper les ronds-points avec sa « merguez révolutionnaire".
Priscillia Ludosky et l'avocaillon arriviste François Boulo concèderont au vedettariat en se montrant dans un débat sur le traitement médiatique du giletjaunisme, pendant que la gueule cassée Rodrigues plastronnera dans un petit village de l’Ain baptisé Belley où un rond-point est occupé sans relâche depuis des mois avec cabane et retraités.
Dans les multiples « opérations gilets jaunes », chacun peut désormais apporter son manger et sa boisson personnelle dans une mouvance, semblable au gauchisme, qui durera certainement jusqu'à la fin du mandat de ce pauvre Macron, voire plus (en principe seule une nouvelle électionprésidentielle peut y mettre fin, le poujadisme dura cinq années et c'est De Gaulle qui y mit fin en mettant Poujade dans son escarcelle). A Lyon, les gilets jaunes devraient apporter leur soutien aux bobos en lutte pour le climat. A Bourges la manif aura pour motif le soutien aux invalides. L'aspect le plus hétéroclite et comique de cette noria de protestations et parfaitement intégrable dans le système vise des sections de la classe ouvrière, mais en soutien total aux menées des appareils syndicaux, soutien aux ADP (« notre patrimoine ») et aux soignants en grève.
C'est au sujet de cette dernière catégorie que l'interclassisme de la petite bourgeoise Priscillia Ludosky et sa bande révèle son ignorance de la dynamique lutte de classe indépendante. Les prolétaires des Services d'urgence des hôpitaux (couches moyennes?) ont raison de protester, ils sont au front de la régression sociale, des agressions physiques contre le personnel soignant. Ils font écho à la désertification rurale qui n'est pas prêt d'avoir une solution (quel médecin veut aller s'isoler dans un bled paumé de 30 habitants?). Mais on ne peut même pas parler de grève puisqu'ils restent obligés de travailler, avec un bandeau symbolique et encadrés par une myriade de syndicats traîtres.
Mlle Ludosky partira pédibus jambus sous la pluie avec ses potes citoyens – en soutien « aux personnels soignants » - dès
11h30 du Boulevard Magenta en direction de Nation. Son mot d’ordre est le soutien "aux personnels soignants des hôpitaux et aux citoyens ayant difficilement accès aux soins". Chacun aura une pensée charitable pour l'auteur de fake news Castaner concernant la fausse intrusion à La Pitié-Salpêtrière lors du énième dérisoire 1er mai. Le mouvement des soignants est certes une protestation légitime mais impuissante dans l'impossibilité de muer en véritable grève. Le soutien du giletjaunisme n'est qu'une parade d'une fraction de la petite bourgeoisie dans l'attente de la recréation d'une nouvelle idéologie oppositionnelle au pouvoir et qui tente de remplacer syndicats et partis de gauche déconfits, mais certainement pas de préparer la révolution comme le croient les naïves telle ma communiante bordiguienne Juliette Boutron.
PS: quoique Mme Boutron me traite avec mépris et me prête une exagérée admiration de mai 68 (ce qui ne fût jamais le cas): "
"je n'ai pas ta vénération pour Mai 68. Je préfère les GJ, je les trouve bien plus prometteurs du point de vue du cheminement complexe, jamais pur et jamais "automatique", de notre programme maximum. Ce programme là, que tout en te disant "maximaliste", tu sembles avoir définitivement abandonné".


L'arrogance de mademoiselle Priscillia Ludosky

Pour l'acte 593 on veut toujours le HIC. Il y a quelques jours le Figaro titrait « le difficile retour à l'anonymat des figures du mouvement ». Ils pourraient titrer maintenant : « Les figures gilets jaunes commencent à nous gonfler », et j'ai fait ma petite enquête parmi mes frères prolétaires (pour qui ce n'est pas un mot grossier). Après Drouet et son « vous allez voir ce que vous allez voir » adressé au gouvernement (Ultimatum II pschitt), notre brave démocrate Priscillia s'est pris un jet de gaz dans la tronche pour avoir voulu faire la maline face à un cordon de CRS. A l'image on la voit s'approcher, commencer par humilier les grouillots de base en demandant à parler à un haut responsable, faire mine de bousculer forte de son autorisation à manifester jusqu'à 22 heures et de sa notoriété en berne. Elle s'entend dire « cassez-vous » et « on s'en branle ». Le jet de gaz part du rang arrière. Elle va se faire soigner par un street medic. Elle est ensuite interviewée par divers médias à l'affût du fait divers, dont BFM.
C'est pas bien ce qu'a fait la police, elle va donc porter plainte (la police anti-émeute est sans doute là pour garder les moutons). Après la « justice fiscale » son nouveau cheval de bataille va-t-il être la « justice policière » ? Mais le pire suit. Elle monte sur ses ergots et explique que tout est écrit, CLAIREMENT ET DEFINITIVEMENT dans la plate-forme de sa bande, il n'y à qu'à la lire, rien à changer : baisse des taxes, référendum démocratique, justice fiscale où vous êtes tous concernés, dans toutes les branches, vous aussi les journalistes... ». L'encravaté de BFM ose lui demander si elle est représentative, si elle a été élue.
Elle ne se démonte pas d'un poil : « la plupart de ceux qui ont peur de venir ne sont pas là, mais ils sont d'accord avec nous, nous avons une grande popularité, c'est clair ». Et la casse ? « C'est le problème du gouvernement dans ce genre de circonstances c'est inévitable ». Elle a la faconde, la réponse à tout de n'importe quel bonze syndical qui pour faire radical se félicite de n'importe quelle barricade; elle se croit, elle est au-dessus du lot. Elle est célèbre donc elle est chef, non plus banale entrepreneuse mais porte-parole de la France entière en colère, en bleu-blanc-rouge et en lutte pour un capitalisme propre et surtout « démocratique ».
Paris n'a pas été mis à feu et à sang comme le rêvaient les plus excités et notre chauffeur routier teweeteur. Les chiffres sont totalement fantaisistes et aléatoires, on nous annonce 30.000 contrôlés pour 9000 manifestants. Le gouvernement a bien réussi stratégiquement son pari après l'incendie de NDDP. Le petit jeu hebdo est rentré dans les mœurs comme les défilés syndicaux naguère, la population vaque à ses occupations et se fiche de la corporation gilet jaune.
L'ultimatum II a non seulement été coincé sur la place de la
République (démocratique-tique, sic!), mais – car j'avais coupé le son des commentaires débiles (profonds) des laquais et des propagandistes officiels – les images pouvaient parler d'elles-mêmes au public : encore des magasins défoncés avec pillage (les bouffons black blocks sont facilement infiltrés
et drivés par des taupes policières), CRS attaqués, humiliés, et encouragés à se suicider, suant sous leurs carapaces blindées, face à cette bande de charlots bobos courant en tous sens, plans visuels montrant un aspect éparpillé et dispersé des manifestants... Comme je l'ai déjà constaté les derniers mohicans gilets jaunes se chargent de se ridiculiser eux-mêmes avec leurs revendications bourgeoises et en soutenant la casse ridicule des anars pilotés par des flics infiltrés.
L'arrogance des gilets non pas historiques mais «hystériques » a un aspect facho (les djeuns représentants du RN se sont bien gardés de critiquer la PL). C'est sûr la reconversion dans la modestie de leur petit univers marchand et corporatif des boutiquiers Priscillia, Drouet, Rodriguez et Fifi Rider sera dure (même s'ils ne finissent pas tous au RN avec leur façon de faire déjà très autocratique), parce que nous les prolétaires on ne les considère que comme les représentants de la petite bourgeoisie versatile, flouée par la grande, l'incorrigible grosse vache financière et macronienne. Ils gémissent et aboient encore mais la caravane de l'Etat passe et repassera, et se moque de ces singes qui regrettent le temps antique où l'impôt n'avait pas été encore inventé.

mardi 30 avril 2019

MACRON A (encore) EU RAISON

« La misère d'être exploité par les capitalistes n'est rien comparée à la misère de ne pas être exploité du tout ». Joan Robinson (la Camille Claudel de Keynes)

« J'ai le chien, la résidence secondaire et je suis seul ». Pierre Palmade

« Les jeunes additionnent l'islam et Macron ». Christophe Guilluy


Nous le savons tous, le capitalisme « mondialisé » actuel vit en permanence depuis sa terreur de 2008 sous la menace d'un effondrement d'un système qui repose sur une dette impossible à rembourser (sauf à en passer par un moratoire général au seuil de la société communiste) ; plus excitant, un homme brillant, tel Thierry Breton PDG du fameux Atos, qui professe un génial avenir technologique sophistiqué au capitalisme, ne sait pas quand cet effondrement va avoir lieu, mais il est quasi certain1.

Le « révolutionnaire » Macron a bien embobiné son monde au cours de sa première conférence de presse. Il a été aussi bon dans le cynisme que dans les reniements multiples, et des reniements justifiés du point de vue de l'ordre social dont la presse servile a fait mine de se moquer : « tout ça pour ça ! ». Dans la guerre sociale un général bourgeois qui s'obstine chute lourdement, dixit Juppé en 1995. Macron est plus subtil et montre une capacité à s'adapter aux exigences du pouvoir qui est par nature opportuniste et caméléon (mais fondamentalement terroriste). Certes les critiques les plus superficiels ont dénigré des mesurettes : repasser à 90 km/h au cas par cas, offrir un petit déjeuner aux écoliers, avancer les pensions aux femmes divorcées, supprimer une école d'élite. Mais il a fait bien plus que cela avec la baisse des impôts où il donne satisfaction non seulement à la couche moyenne qui soutient le pouvoir depuis un siècle mais aussi à une partie de la classe ouvrière du haut du tableau sans que l'autre partie – les dits « assistés » - ne paye d'impôts comme de coutume, sauf les indirects. Macron n'avait ni pour souci de répondre au foutoir inconsistant du « grand débat gériatrique national », sinon il n'aurait pas eu comme souci de poser une limitation de l'immigration (thème non abordé dans ce débat ad hoc), ni de répondre au merdier gilet jaune. Les mesures symboliques sont bien plus efficaces qu'on ne le croit généralement pour « l'opinion ». Augmenter la fiscalité des entreprises pour financer la baisse des impôts des particuliers est une riche idée même si elle aura une pauvre réalité, l'Etat bourgeois, macronien ou pas, répondant toujours à la dette par de nouvelles dettes. Cette fable de « s'en prendre aux riches » se joint merveilleusement en plus à la campagne mondiale de la rebellocratie contre les retraites chapeaux et à l'inculpation théâtralisée du patron de Renault/Nissan. Comme l'écrit Christophe Guilluy : « La contestation de la nouvelle bourgeoisie fait désormais partie d'un barnum participatif contrôlé et inoffensif pour la classe dominante (…) Dénoncer les riches ou le processus de captation des revenus par le capital au détriment des revenus du travail est aussi déstabilisant pour le système que de prendre position pour la paix contre la guerre ou d'être pour la fraternité contre le racisme »2.

La décomposition d'une révolte bâtarde

En général, historiquement, la haute bourgeoisie méprise les revendications politiques de la petite bourgeoisie, et elle fait bien. Le petit bourgeois individualiste voudrait décider de tout à tout moment, selon ses aises, ce qui suppose un système antédiluvien où chacun ferait ce qu'il veut à tout moment, comme le rêvait le petit bourgeois Marx3. Le chimé..RIC caractérise assez bien l'inanité et l'impuissance de la revendication petite bourgeoise, utopique, illusoire et surtout irréaliste. Il pourra rester éternel comme est éternelle la complainte du boutiquier pour une présumée « justice fiscale » dont se foutent royalement les prolétaires paupérisés. La politique, la gestion des affaires de la société, suppose des représentants. Le chamboulement ou le perfectionnement de la représentation ne réside pas dans sa suppression ou sa négation permanente. La Commune de Paris ne supprime pas la représentation mais l'encadre et en définit les limites. Au demeurant le mouvement des gilets jaunes a été incapable de se donner une réelle représentation sauf à exhiber un cocktail d'individus hétéroclites et tous plus ou moins inconscients. Les tentatives d'assemblées ou même, dernièrement, de coordinations, n'assemblaient que la confusion et ne tentaient de coordonner qu'une révolte bâtarde, sans référence à la principale classe sociale prolétaire, et de plus en plus cornaquées par des gauchistes revêtus de l'uniforme jaune. Pire, l'affirmation répétitive, sans discussion, comme science infuse de ce Ric, au lieu de symboliser une réelle lutte contre l'Etat et ses injustices, est devenu un gimmick totalitaire équivalent à « C'est Pétain qu'il nous faut », « la terre elle ne ment pas » ou « Staline a raison ».

Les queues de gilets jaunes c'est « ridicule en toutes matières ». Il est vrai que le 24 ème samedi a été particulièrement effrité et lamentable en projets avortés et en démonstration. Le nombre de participants chute par centaines comme à la fin de toute grève lambda qui s'éternise quoique le nombre de contrôlés par la police soit étrangement toujours du double ; ainsi si on vous annonce 3500 manifestants à Paris on ajoute que 7000 ont été contrôlés ; les médias et les sondeurs policiers ne se rendent pas toujours compte quand ils sont vraiment débiles.
On vit donc un panneau géant « Ric en toutes matières : RIC POUR NOTRE OR (!?), NOS AUTOROUTES (!?), NOTRE PATRIMOINE (NDD?) ». Nul doute que ce sont des sbires de la CGT et du misérable FDG qui s'étaient déguisés en jaune pour afficher des âneries pareilles.
Mais la panade de ce 24 ème enterrement fût sans conteste la débandade autour du projet de fusion ou prétendues retrouvailles entre résidus gilets jaunes et l'appareil classique et ringard d'encadrement, pas seulement de la gauche de la bourgeoisie, mais de la bourgeoisie elle-même. Se servant comme femme-sandwich de l'opportuniste Priscillia Ludovsky (de ces tristes figures peu éclairées qui se révulsent à l'idée de retourner dans l'ombre), on avait voulu nous refaire le coup du Front popu à la sauce multiculturelle de la bobologie parisienne, trotskienne et mélenchonienne :

« Nous proposons de former un Front Populaire et Citoyen, qui se matérialisera par une manifestation nationale à Paris le 27 avril 2019 à 13h, regroupant tous les acteurs de la société que nous sommes : salariés du privé, chômeurs, retraités, fonctionnaires, étudiants, organisations syndicales, associations, collectifs, partis politiques (sic), Gilets roses, Gilets jaunes, Chauffeurs VTC, Blouses Blanches, Robes Noires, journalistes, agriculteurs, forains, personnes à mobilité réduite ou handicapée... Tous unis, formons un bloc pour la justice fiscale, sociale et climatique.
Vous pourrez trouver l'Appel unitaire pour un Front populaire ici : https://lafranceinsoumise.fr/ »

Tudieu! Il n'y manquait que les collectionneurs de timbres ! Les images de la place d'Italie très clairsemée et les quelques bagarres à Strasbourg ont suffi à démontrer le fiasco de la récup gauche bobo. Au moins il se confirme que ce mouvement bâtard n'est même pas récupérable ni transcendable (ou sublimable?) politiquement par les fractions bourgeoises qui battent de l'aile et mendient des strapontins européens en conchiant l'Europe. Les médias eux-mêmes qui ont tant mis en scène les gilets jaunes et qui continuent à nous faire subir les mêmes têtes de cons spécialistes, font mousser la dangerosité d'un 1er mai « sous tension », or le 1er mai est lui aussi gentrifié depuis belle Paulette, il n'y a rien à en attendre pas plus une énorme casse des blak déblocs qu'une renaissance des gilets jaunes.

TOUT VA CONTINUER COMME AVANT...

En entretenant finalement l'éternisation du spectacle gilets jaunes/black déblocs/flics, le gouvernement favorise une sorte de culture de l'opposition stérile peu susceptible de mobiliser les masses quelles qu'elles soient et surtout pas ouvrières, ni concernées par les lamentations fiscales des épiciers ni intéressées à servir de claque électorale à des élections répétées. Derrière le spectacle on peut laisser de côté un temps le délitement de la société, sa fragmentation « voulue » à l'américaine comme le constate depuis longtemps fort justement Guilluy.
Le problème premier a été, on s'en souviendra longtemps, la bagnole, comment on l'alimente si son carburant devient hors de prix pour les « petits blancs périphériques ». Tranquillisez-vous un mouvement dix fois plus grave que celui des gilets jaunes va voir le jour grâce aux élus gauche caviar et écolos bobos parisiens, avec leurs projets de suppression du périphérique parisien. L'insurrection qui viendra ne devrait pas être provoquée par le viol du pouvoir d'achat ou par une impossible et utopique grève générale. Basée philosophiquement sur la supercherie de la taxe carbone (non réévaluée à cause des GJ), cette messe écologique présumé bain de jouvence d'un capitalisme très fiscal, inégalitaire et cynique les autorise tous à décréter « ôter cette odeur que je ne saurais supporter dans ma résidence parisienne ! ». Les ardeurs écologiques du début du gouvernement Macron ont bien favorisé l'explosion du mouvement en gilets jaunes ; il est normal que les derniers gilets jaunes soient noyés à leur tour dans le charabia écologique des Jadot, Glucksmann, Besancenot et Brossat. L'écologie capitaliste avec la décroissance et le revenu minimum font partie de l'idéologie de la privation forcée que les prolétaires ne seraient pas capables de comprendre. L'écologie est devenu un des principaux vecteurs de l'imposition étatique « dans l'intérêt des humains ». L'idéologie de la décroissance a toujours existé et signifié privation pour les prolétaires ; en période de guerre il fallait savoir se priver, même de sa vie pour la nation, après guerre il fallait se serrer la ceinture pour aider à reconstruire ; désormais comme le capitalisme pu et pollue il faudrait rouler à vélo et fumer des joints. Le revenu minimum de ce pauvre Hamon s'il apparaît comme une solution temporaire d'un traitement radical de la pauvreté et d'un chômage éternel n'est que la relégation sociale définitive des basses couches de la classe ouvrière exclues du travail massivement4.

La leçon magistrale donnée dès le départ par le mouvement gilets jaunes n'a pas suffi. Si Macron semble l'avoir compris, c'est pas le cas du tout de la bobologie parisienne socialo-libérale-antiraciste-antifa. Les périphériques des grandes métropoles débordent on le subit depuis longtemps. Il fût question de doubler, puis de couvrir, puis de supprimer carrément (Gaspard Gangster) le périph parisien, logique du point de vue de l'afflux croissant de véhicules individuels en leasing généralisé et en l'absence de transports publics transversaux et adéquats à une énorme population de travailleurs rejetés toujours plus loin par la spéculation immobilière. Voilà que les opposants bobos à Macron font pire que lui : ils ont pour projet de supprimer cet abominable périph en y faisant pousser des fleurs et des habitations avec ce putain d'argument de petit bourgeois blanc et antiraciste : « Le périphérique, cet anneau de bitume de 35 kilomètres, inauguré en 1973, est une « source de pollutions multiples », une « véritable barrière urbaine et un fossé culturel », explique le rapport de la mairie dans sa version actuelle ».

Guilluy, encore lui, a démasqué cet altruisme, où en réalité on privilégie la construction de logements sociaux par exemple à Arcueil et Bagneux (avec un métro bientôt) réservés plutôt aux populations récemment immigrées (Afrique subsaharienne et Maghreb) pour que la partie de la classe ouvrière des « services » soit plus proche au service de la bourgeoisie parisienne mais « de l'autre côté, avec ou sans périph : « L'altruisme des classes dominantes en direction des minorités ou des banlieues masque une volonté de contrôler socialement des populations utiles à l'économie locale ». Il ne s'agit pas d'encourager un retour des classes ouvrières à Paris mais des « key-workers » : « Ces 'travailleurs-clé' pour la ville que sont les personnels de santé, instituteurs policiers, professions intermédiaires, n'ont plus accès au parc de logements privés et doivent souvent s'exiler. Si la disparition des classes populaires traditionnelles ne préoccupe pas les municipalités, en revanche la disparition de ces petites mains qui assurent la continuité des services publics commence à inquiéter. Les immigrés dans le parc très social de banlieues, les key-workers dans le parc social intermédiaire de la ville-centre : la bourgeoisie libérale des métropoles sait se faire étatiste quand ses intérêts sont en jeu »5.
Cet épiphénomène de l'oligarchie parisienne confirme la volonté de reproduction sociale entre-soi, la cooptation sociale traditionnelle de la bourgeoisie de droite, de gauche, verte et moisie. Résumé de Guilluy : « Une stratégie qui permet d'évacuer le conflit de classes et de renforcer discrètement une production et une reproduction sociales » (p.50).
Le plus consternant n'est pas tant qu'on veuille résoudre ou supprimer un objet de nuisances. On comprendrait que des édiles de la République multiculturelle et antifasciste se soient demandé d'abord comment plutôt développer des transports en commun transversaux et ne pas laisser proliférer vélos et trottinettes anarchiques, afin de faciliter la vie aux millions qui circulent et vont travailler par obligation loin de chez eux. Non c'est la gêne occasionnée aux chétives oreilles et au fin odorat des bobos parisiens qui guide leur souci initial :
« La mission penche pour un scénario en trois temps. La première étape vise à diminuer au plus vite le bruit et les émissions de particules fines, les deux principales pollutions engendrées par le périphérique »6.

L'automobiliste lambda pourra continuer à aller s'embouteiller sur l'A86 en rallongeant son temps de parcours. Tout doit être fait pour tuer la voiture à Paris même si vos chaînes de TV vous incitent tous les quart d'heure à acquérir une SUV en leasing. Les travaux pharaoniques de la reine Hidalgo écrasent des carrefours entiers (Alésia, Bastille)de chantiers invraisemblables7 pour rétrécir les voies provoquant quotidiennement des embouteillages monstres quand aucun flic n'est jamais présent pour réguler (trop épuisés les flics par les GJ). L'autre argument de la bourgeoisie écolo-dorée parisienne vaut son pesant de cacahuètes : prenez les transports en commun « tels qu'ils sont » ou bourrez vous dans une autre voiture8.

LA REACTION CONFUSE D'UN PROLETARIAT PRIVE D'EXPRESSION ?

Mêmes tordues les revendications des gilets jaunes ont tendu à exprimer un réalité approximative. Cette invention sortie d'on ne sait où du Ric n'est-elle pas, à sa façon maladroite, irréaliste et confuse, une manière de crier contre l'hypocrisie démocratique bourgeoise ? Mais que oui et dans un monde kafkaïen et plutôt celui d'Orwell où comme le décrit si bien Guilluy, fustigeant la gentrification de la manifestation : « Produits des métropoles embourgeoisées les « mouvements sociaux d'en haut » sont une parabole d'un monde fermé et vide (…) la rebellocratie n'est plus depuis longtemps le porte-voix des plus modestes (…) la mobilisation pour des causes sociétales montre que le mouvement social ne s'adresse plus à la majorité des classes populaires »9.

Si les commentateurs ont noté le grand nombre de femmes (prolétaires considérées discrètement comme assistées et divorcées inconséquentes10) ils sont restés discrets sur la participation quasi nulle des populations immigrées ; ce n'est pas pour rien que le grand patronat a choisi l'immigration (p.117) et a tout intérêt au « brouillage des classes » C'est l'imposition du concept fourre-tout de « classe moyenne majoritaire » qui sert à revaloriser les notions creuses « des gens » ou du « peuple », comme je le note depuis plusieurs articles : « Cette représentation permet de réduire la question sociale à une question ethno-culturelle : une classe moyenne forcément « blanche » et intégrée d'un côté ; de l'autre, des classes populaires forcément issues de minorités ethniques » (p.131)11.
Guilluy voit une sorte de préservations des « solidarités en milieu populaire », c'est à dire qu'il ne voit pas le négatif des communautarismes comme étant forcément un péché, c'est un séparatisme qui est à l'oeuvre, dit-il : « Ce que la classe dominante appelle le repli est en fait une réponse à une société libérale qui détruit toute notion de solidarité ». Mais solidarité sélective dans le grégarisme musulman et une compassion de vieille France disparue. Autre déception, mais relative, les prolétaires français musulmans ne votent plus majoritairement pour la gauche et s'abstiennent en général comme la majorité des ouvriers autochtones. Les ouvriers issus de l'immigration européenne (Espagne, Portugal, Italie) sont souvent nombreux à voter Le Pen.(p.222)
Guilluy rejoint mon idée que l'immigration ne peut plus être révolutionnaire du point de vue du prolétariat. La jeunesse de banlieue n'est pas attirée par des luttes sociales dévoyées par la « quincaillerie révolutionnaire » de la petite bourgeoisie (p.194 et suiv) : « On voit ainsi émerger une génération de jeunes entrepreneurs issus des quartiers de l'immigration. Libéraux, ils restent toutefois attachés aux valeurs traditionnelles qui leur permettent de préserver un précieux capital social et culturel. Loin très loin de la doxa traditionnelle de la gauche, les jeunes additionnent ainsi Macron et l'islam ». Les quartiers immigrés « produisent de la classe moyenne » plus que du prolétariat conscient et libéré des chaînes de l'idéologie religieuse. L'islam n'est-il pas devenu le meilleur remède anti-marxiste  au point de ringardiser tous les anti-communistes radoteurs professionnels mais qui adaptent leur piqûre de rappel hâbleuse12?

Je suis assez d'accord avec la conclusion, qui motive mon injonction au milieu révolutionnaire maximaliste de se renouveler face aux nouveaux aspects de la réalité des luttes de classes :

« Le crépuscule du monde d'en haut a démarré, il s'inscrit dans cette nouvelle lutte de classes entre une nouvelle bourgeoisie et un nouveau prolétariat qui n'a pas encore conscience de représenter une classe sociale potentiellement majoritaire ».
C'est pourquoi Macron a eu raison de reculer sur la question sociale. Les prolétaires sont plus sensible à une hausse du pouvoir d'achat du fric qu'à un ric de merde.

Pour notre part, place à la réflexion, il faudra dépoussiérer, réexaminer et laisser aux archives des fables disparues :
  • la grève générale (caricaturale et impossible)
  • la manifestation (gentrifiée)
  • la grève tout court (hyper corporative et non génératrice de conscience de classe)
  • la pérennité de l'aristocratie ouvrière (le grand mensonge de l'unité des travailleurs quand ils sont divisés et cloisonnés entre planqués, en effet, des services publics (jusqu'alors) et ceux du privés
  • la croyance à une chute automatique de la petite bourgeoisie dans le prolétariat
  • la croyance à un prolétariat « ouvrier » strictement révolutionnaire et seul
  • la fin de l'immigré automatiquement révolutionnaire
  • les esquives et mensonges de l'antiracisme et de l'antifascisme de salon.
  • Les conneries de Marx et Lénine, etc.

Pour une nouvelle élaboration des frontières (hic des limites) de classe ?



NOTES


1Déclaration au journaliste économique François Lenglet sur une chaîne d'info.
2J'aurai l'occasion de revenir sur la contribution de Guilluy, fondamentale mais avec des défauts, des répétitions et un manque de scrupules, ;ce qu'il croit découvrir, le rejet de la politique et de la morale des élites, il le doit plus qu'aux autres sociologues au mouvement maximaliste du XX ème siècle, que certains nomment maladroitement « gauche communiste », le mouvement germano-italien qui a été le plus novateur sur l'échec de 1917 sans être vraiment départagé. Des cinq ouvrages qu'il a publié, tous passionnants, le meilleur reste selon moi l'avant dernier – Le crépuscule de la France d'en haut – car dans le denier (No society) il a cédé à la mode et a abandonné le concept de classe ouvrière. Dans le crépuscule il se fait des illusions sur la compétence des maires, mais Macron a mis dans le mille en allant à leur rencontre.(p.149).
3Marx reste un grand auteur et acteur politique mais au niveau des préjugés et des goûts d'avenir il reste un petit bourgeois du XIX ème. J'y reviendrai, mais par exemple, il est insensé lorsqu'il repique le slogan des petits bourgeois utopistes (Saint Simon?) « de chacun selon ses besoins, à chacun selon ses capacités » pour tenter de définir l'état d'esprit communiste. Si la société devait satisfaire mes besoins, qui sont nombreux et pas forcément marchands, il faudrait qu'elle soit très généreuse et mes capacités je ne sais point si quelqu'un est capable de les identifier, ni moi-même. Quant à l'équivalence entre mes besoins et mes capacités c'est un vaste sujet philosophique que je n'entreprendrai pas ici.
4Voir le développement lumineux de Guilluy p.116 « Le crépuscule de la France d'en haut » : « Cette approche libérale, en apparence bienveillante, apparaît au contraire comme le moyen de conforter un modèle inégalitaire dans lequel les classes populaires n'ont plus leur place ». Et la citation fondamentale de Joan Robinson en exergue à ce texte.
5En lisant la suite on voit bien où le discours anti-fiscal de la couche petite bourgeoisie dominante des gilets jaunes trouvait sa source, dans l'argumentaire répétitif anti-ouvrier : « Cela n'empêche pas ces mêmes catégories d'expliquer à quel point les classes populaires, des ouvriers aux paysans, bénéficient de la solidarité nationale. Une solidarité qui ne serait pas possible sans le « matraquage fiscal » des classes supérieures » (cf. p.48).
6La mission ne lésine pas sur les moyens pour le confort des bobos parisiens, même ces constructions qui coûtent si chers, même si elles n'ont rien à voir avec une amélioration de la circulation : « Pour diminuer la pollution, la mission propose par ailleurs d’« achever l’installation de revêtements antibruit » afin de protéger immédiatement les riverains, et d’expérimenter des solutions de filtrage de l’air ». (...)Il ne s’agit pas seulement de diminuer le nombre de voies, et de remettre éventuellement les voies abandonnées en pleine terre. La mission propose aussi de planter des végétaux sur les parois, le terre-plein central ainsi que sur les murs antibruit du périphérique ». C'est finalement un retour à la nature très fasciste dans l'application municipale autoritaire comme dans le décor (Hitler aimait d'ailleurs être couvert de fleurs). L'article est de Denis Cosnard, désolé presque un euphémisme.
7Où les ouvriers, surtout noirs et maghrébins travaillent dans des conditions insupportables et forts risquées, deux morts la semaine dernière avenue du Général Leclarc.
8« Aujourd’hui, le taux d’occupation des véhicules sur le périphérique est très faible, environ 1,1 passager par véhicule, souligne le rapport. Il faut donc inciter aux transports en commun et au covoiturage » afin de réduire le nombre de véhicules. Encore faut-il trouver un voisin ou un pote qui veut bien rallonger son temps de trajet avec cette contrainte aléatoire de covoiturage !
9Lire les intéressants développements p.78 et suivantes. Guilluy a complètement prévu la révolte des gilets jaunes et sa durabilité, grâce à son analyse, parfois confuse, de la crise de la petite bourgeoisie, des flux migratoires et de l'insécurité culturelle. Il dénonce avec efficacité l'attaque idéologique de la bourgeoisie contre ses réels opposants de classe via « ostracisation et fascisation » de ses adversaires, autant nous d'ailleurs que les souverainistes. Voir aussi la falsification sur la crise du chômage p.92.
10L'idéologie « bougiste » de la petite bourgeoisie théorisée nota par le nomadisme d'Attali, prétend être la réponse au chômage et méprise les sédentaires qui « par leur refus d'être mobiles... s'enfoncent dans la précarité », ce n'est donc pas la faute au capitalisme mais aux ouvriers eux-mêmes et qui n'avaient pas à alourdir leur possibilité de « nomadiser » en faisant des enfants ! Quoique le modèle bougiste soit décrié par les bobos parisiens désormais car polluant, cher et chronophage (p. 231).
11« Un tour de passe-passe d'autant plus efficace que les catégories modestes, les ouvriers, les employés, les paysans ont depuis longtemps disparus des écrans radars des médias et de la classe politique ».
12Un certain Thierry Wolton avait récemment les honneurs du journal de Neuilly, Le Figaro, pour son ouvrage rassis « le négationnisme de gauche » où il nous ressort les vieilleries de Courtois et Cie, et surtout l'équivalence, le marxisme n'aurait-il pas produit l'islamisme ? Echantillon: « Le philosophe anglais Bertrand Russel remarquait déjà au début des années 1920 une ressemblance entre communisme et islamisme, notamment la même volonté de convertir le monde. N'oublions pas que la propagande communiste, très présente au XXe siècle, a développé des thèmes anti-occidentaux au nom de la lutte contre l'abomination capitaliste, et contre l'impérialisme. Cela a façonné des esprits, y compris dans des pays musulmans influencés par l'URSS, leur allié contre l'ennemi principal, Israël. La doxa communiste contre la liberté d'être, de penser, de se mouvoir, d'entreprendre, etc., se retrouve dans le discours des islamistes, présentée comme des tentations de Satan. En tant qu'idéologie totalitaire, le communisme cherchait à atomiser les individus en les arrachant de leurs racines sociales, politiques, culturelles, voire familiales, pour mieux les dominer, les contrôler. L'islamisme, lui, propose des repères, des codes, à des individus déjà déracinés sous la poussée d'une mondialisation dont les effets ont tendance à déstructurer les sociétés traditionnelles. La démarche est différente, mais le résultat est comparable ».