PAGES PROLETARIENNES

jeudi 18 avril 2019

LES CHIMERES DE MONSIEUR MACRON


"On ne pourra rien réussir dans notre pays en termes de solidarité si nous ne produisons pas davantage".   Macron (Allocution qui n'a pas eu lieu)

« Que veut cette maudite engeance,
Cette canaille à jupon noir ?
Elle veut étouffer la France
Sous la calotte et l'éteignoir ! »
Marseillaise anticléricale


MACRON CONTRAINT DE REVOIR SA COPIE...pas vraiment
L'appel de Macron à la « communion nationale » des curés et des laïcs après l'incendie « involontaire » de Notre Dame de Paris a certes fait ouvrir de gros portefeuilles de grands patrons, s'agenouiller des grenouilles de bénitier du RN face à la cathédrale moyenâgeuse à touristes et entraîné une émotion contrôlée sur la planète terre. Pas de quoi béatifier Saint Macron ni lui donner blanc seing pour sa politique d'agression sociale ni transcender ses ambitions européennes. La classe ouvrière et une bonne partie des couches moyennes se fichent de raquer pour l'impéritie et l'imprévoyance de cette oligarchie qui nous gouverne, pour les revenus de ses curés pour ceux de leurs généraux afin qu'ils président à la restauration de leurs reliques ridicules.

Le report sine die de la théâtrale conclusion du grandissime débat national puis le fuitage, à l'insu de son plein gré, du contenu péteux et opportuniste de la synthèse présidentielle annoncée comme « révolutionnaire démocratique », auront été le seul service que le bon dieu pyromane ait rendu au président des riches. Comme je l'ai déjà remarqué, Macron saute sur toutes les occasions pour « gagner du temps » face à une situation sociale plus tendue qu'explosive, plus au niveau du désarroi et d'une crainte diffuse de l'avenir. Il fait durer le suspense, même en se servant de l'imprévu, ce qui le fait passer pour un petit malin. Puis arriveront les élections puis la période vacancière et il pourra faire voter ses lois liberticides et anti-ouvrières... Quoique les lois passent et les présidents trépassent.

Contrairement aux sans-culottes bobos trotskistes et agités du bonnet mélenchoniens, l'ambiance n'est pas à une prochaine déflagration des luttes « de classe » ni à une remontée en puissance de nos ringards gilets jaunes. Un vent de pessimisme souffle sur les prolétaires en France, entend-t-on. Ils ne croient ni à une insurrection d'opérette des gilets jaunes obstinés ni à une révolution de la principale classe opprimée. Ils ont peur pour leur emploi, ce qui n'est pas un signe de combativité. Selon un sondage de deux sociétés d'études de marché, trois travailleurs sur dix craignent que la contestation bordélique des gilets jaunes aboutissent à des mises de clé sous la porte des petits employeurs. Selon mes sondages quotidiens aux caisses des supermarchés, chaque fois que je pose la question « vous considérez-vous comme prolétaire ou couche moyenne », employés ou ouvriers de passage, qui ne savent même plus que le mot prolétaire existe toujours, me répondent « couche moyenne ». Je n'en conclus pas que tous les ouvriers n'ont plus de conscience de classe, mais presque, et nos bobos gilets jaunes n'auront en rien favorisé une reviviscence de cette conscience de classe.

LA FOCALISATION SUR LE PERSONNAGE MACRON EST UN ENFUMAGE

Macron a bien cherché les coups de pied au cul, mais ce n'est pas lui qui décide, ni même le seul Etat français (cf. la comédie du Brexit intenable sous les désidérata de Washington, Berlin et Londres). Macron n'a cessé de dire qu'il avait entendu « les français » or tous les commentateurs étaient dans l'attente de sa « réponse aux gilets jaunes » comme si cette entité de révoltés à dominante petite bourgeoise était devenue une nouvelle représentation du « peuple », des « gens » (terme générique usité désormais par le particule PCF), vu que « la classe a disparu » des radars journalistiques.
Mamie et Fifi

Macron a été choisi par le Capital, ses banquiers et ses francs-macs pour appliquer un programme de restriction sévère des dépenses sociales, en gros de sous-payer et précariser les ouvriers, de faire les poches des retraités, des handicapés et des chômeurs qui coûtent trop cher à l'ordre bourgeois, et ne sont pas « productifs ». Le monstre Mammouth, auprès duquel les précédents politiciens s'étaient brisés les dents, telle était la première chimère à laquelle la bande à Macron s'était juré de s'attaquer, en particulier en haussant l'âge de la retraite de 62 à 64 ans ; ce que le patronat vient seul de promettre pour... 2028. On ne sait pas si la plupart des gargouilles et des chimères de Notre Dame de Paris ont été détruites, mais Macron croit encore préserver les siennes, et il s'en est inventée une autre, rénover la cathédrale abîmée en cinq années en guise de bénédiction pour un prolongement de son mandat, avec création développée d'un nouveau métier d'avenir : tailleur de pierre. Durant le Moyen Âge, la chimère symbolisait la tentation et les désirs irréalisables, après la tentation de casser des garanties sociales de plus d'un demi-siècle, instituées dès 1945 par De Gaulle et la CGT pour éviter la révolution en France, l'Etat bourgeois est contraint de constater ses désirs comme irréalisables dans l'immédiat.

Le discours éventé et évincé1 laisse transparaître deux reculs importants : pas question d'imposer abusivement ou sans concertation les « couches moyennes » (comprenez : la partie haute de celles-ci, ces singes de la petite bourgeoisie qui soutiennent le capital et l'Etat), quant à la partie basse (la classe ouvrière) on lui jettera encore des miettes (reconduction des primes GJ) ; enfin gel de l'allongement du départ en retraite et la réindexation sur l'inflation des petites retraites. Un RIC local et la suppression de l'ENA ne seraient que gadgets dérisoires pour nous chanter l'égalité des chances citoyennes et scolaires... mais pas sociales2.

Un entregent du lilliputien PCF?

Pas besoin de l'avis des petits rigolos Drouet et Nicolle pour savoir que ces reculs sont autrement plus importants que les pinaillages sur le chimé...RIC, cette chimère à Gilet jaune comme dirait Viollet-Leduc. Ces questions n'ont jamais été prioritaires dans la mouvance gilets jaunes avec leurs jérémiades de petits coms et ce ridicule RIC petit suisse. Par contre l'Etat, via Macron, prend des mesures qui concernent avant tout la vraie classe dangereuse, la classe ouvrière, pas le petit monde éparpillé des bobos gilets jaunes. Si l'Etat ne réagissait pas en temporisant, ce n'est pas la fumée des derniers gilets jaunes qui viendrait l'inquiéter mais une classe qui, elle, est frappée sans avoir pour souci un lendemain écologique meilleur et une « fiscalité juste ». C'est la gauche bobo qui tente de mêler à nouveau à la question sociale l'escroquerie écologique capitaliste. Au capitalisme rajeuni et vert dont rêvent une poignées de bobos en gilets jaunes, vient s'ajouter la protestation des particules de gauche contre la rétention d'argent dont se rendrait coupable l'Etat et les riches. Le scandale ne serait plus qu'une mauvaise répartition de l'argent. De LO aux tronches gilets jaunes : « de l'argent il y en a » ! La preuve : ces salauds de riches qui crachent tant au bassinet pour les curés ! Et pourquoi ne le donnent-ils pas aux « gens » ou aux « travailleurs » ? Hein ? 



C'est aussi ridicule et utopique que les lamentations pour le RIC, il n'y aurait de toute façon pas assez d'argent dans les poches des riches s'il fallait payer correctement les millions de prolétaires. De même la fixette de la gauche disparue et ses morts-vivants sur l'ISF tente de nous convaincre que le capitalisme pourrait n'être plus un cauchemar. Alors il faudrait croire à la révolution « plus d'argent et on sera heureux » ! La révolution comme « argent juste » !? Le fameux « des sous » de la CGT des 70. Comme prolongation de « l'argent fait le bonheur »... des anciens exploités devenus consommateurs et rien d'autre. Une société avec plus de sans dents mais des gros bides.

LES GILETS JAUNES CANDIDATS AU REMPLACEMENT DES SYNDICATS ?

En se pérennisant sans abandonner ses revendications les plus réactionnaires, devenant "permanents", hebdomadaires quoique plus aléatoires que les messes syndicales, les bandes de gilets jaunes viennent occuper la place des vendeurs de chimères disparus, ces pauvres appareils syndicaux appointés par l'Etat pour garantir la paix sociale à Neuilly et le sommeil à l'aristocratie ouvrière. Ses pantins les plus en vue posent d'ailleurs, avec la complaisance du Journal du Dimanche, aux lanceurs d'alerte sociale à la façon des bonzes syndicaux au point qu'on se demande si moustache Martinez de la CGT n'est pas devenu représentant gilet jaune et les ex-vedettes en jaune une copie de délégués syndicaux en représentation. Avec cette tunique de rois de la contestation ils rendent un fieffé service à Macron dans la durée en focalisant rejet de leur confusion, de leur inaptitude politique et de l'arrivisme de leurs "tronches". Mais la concurrence va s'avérer rude. Comme l'a signalé mon ami Xavier dans l'article précédent, on va voir éclore toute une série de compétiteurs, plus ou moins violents et imprévisibles, comme "Extinction Rebellion" de la noria bourgeoise écologique où d'autres bobos prétendent "éveiller les consciences" hors de toute conscience de classe et surtout anticommunistes de première. Examinons tout de même les derniers feux follets de leurs vedettes.
Réaction de nos nouveaux bonzes en jaune : « "Encore de la com', pendant ce temps-là rien de concret". "Rien sur les 80 km/h, ni sur le prix de l'essence, tout ça est totalement ridicule". C'est du niveau revendication ultra-corporative de la boite en grève du coin.
Drouet, à la manière de Benito, a mis en garde le gouvernement pour le possibles représailles lors de l' « ultimatum II ». Il se prend pour qui le routier avec sa maman ? Fin mars, cet olibrius appelait Emmanuel Macron et Christophe Castaner à se "préparer". On retrouve la même faconde néo-syndicale dans le langage de Fly rider, casquette à l'envers. Depuis son poste télé, pardon sa vidéo, Maxime Nicolle a martelé. "L'instauration du référendum d'initiative citoyenne n'est pas négociable", disant avoir "lu que le RIC pourrait être accepté sous une forme locale" seulement. « Ce RIC, il doit être fait pour que les déboires, les excès et les écarts de ceux qui sont en politique s'arrêtent », a-t-il précisé, oubliant que même un crs de base pouvait se foutre de sa gueule. Priscilia, après avoir fait route commune avec Chouard, a reproduit un article se moquant de la déclaration fuitée de Macron ; elle nous écrit qu'il faut participer à la création d'une "assemblée citoyenne" depuis qu'elle est membre de "gilets citoyens". Sera-t-elle le Pouget du XXI ème siècle ? mais version petite bourgeoisie démocratique citoyenniste-moyenniste!

DES ASSEMBLEES EN VEUX-TU EN VOILA !

Cette histoire d'assembléisme depuis Commercy commence à me plaire ! Un tas d'observateurs naïfs et de militants gauchistes intéressés se sont rabattus sur ces tentatives de sortir de l'action sans tête pour croire en une pérennité légitime du mouvement des gilets jaunes trouvant enfin une expression « organisée ». Le problème est que cela fait aussi mystérieux que les Dalton Drouet, Nicolle et Rodriguez font bilieux pas sérieux auprès du public en général, et je n'use pas du terme opinion de mon point de vue.
Ce truc est devenu une passoire à récupération trotskiste se calquant sur une mouvance anar dite ultra-gauche spécialiste de l'émeute en kit. Au milieu du ringard discours creux grève-généraliste, le NPA consacre des pages à noyer toute réflexion de classe ou éventuelle embellie d'un mouvement petit bourgeois vers un ouverture prolétarienne, à coller dessus les revendications écologiques (marcher pour le climat!), à y coller les grèves en cours (hôpitaux) ; il appelle les gilets jaunes (ce qu'il en reste) à jouer le rôle de la « locomotive » (image sacrée trotskienne) de la foultitude des revendications bourgeoises et corporatives des bobos organisés3. Cette présence envahissante signe déjà la mort de toute organisation autonome ou même simplement prolétarienne. En fin ces assemblées font peur, qui esdt qui ? C'est quoi ces machines ? J'ai déjà dit que les prolétaires se méfient des lieux de palabres en général où excellent les parleurs militants et les moutons à l'applaudimètre ; c'est pourquoi les manifestations étaient rassurantes dans un premier temps : l'action pas le blabla avec la magouille habituelle des sectes politiques !

En marge, un Robert Paris, de formation LO, avait même créé un journal numérique « Le gilet jaune insurgé » qui donnait tous les conseils en kit pour transformer une révolte de consommateurs et révolution bolchevique, puis a disparu. Sur son site « Matière et Révolution » il continue à étaler ses illusions sur l'aboutissement du mouvement en gilets jaunes, en croyant pouvoir le driver vers la vraie révolution de classe avec cette stratégie verbale éculée et ringarde typique de l'école trotskienne caméléoniste, reprendre ou répercuter les slogans les plus creux, voire lamentablement jacobins ou populistes, et ridicules et d'un autre âge :
  • Debout les forçats de la faim !
  • Imposons le bien-être social ! (formule stalinienne des années 1950)
  • Marre des inégalités sociales et de la pauvreté !
  • Nous décidons de rien nous voulons décider de tout, voilà le chemin de la démocratie pour le peuple travailleur !

Le compte-rendu du déroulement de ces assemblées en province par le NPA par la façon de commenter l'organisativite néo-stalinienne, avec ce langage bien connu du trotskisme organisé, ésotérique, hâbleur et conquérant, a tout pour faire fuir tous ceux qui veulent bien se battre mais en tant que prolétaires maîtres de leur destinée et avec en tête la conscience claire qu'il faut virer le capitalisme et pas croire qu'on peut le guérir :
«  Sur bien des thèmes abordés, dont la structuration du mouvement elle-même, l’appel final de l’Ada a reculé devant cette affirmation pour renvoyer les Gilets jaunes aux discussions dans leurs assemblées locales. Cette assemblée de Saint-Nazaire n’en a pas moins joué le rôle d’une direction démocratique en situation d’impulser des suites pour le mouvement, dont la fixation de dates de mobilisation et l’accord pour se donner une expression publique au nom de celui-ci. Dont les médias se sont faits le relais ».

Vous y allez vous à la prochaine ? Moi pas. C'est dans la lutte réelle comme classe, pas comme agglomération de couches indistinctes à la merci de déclarations impromptues d'olibrius sans principes et... sans classe, que se pose la question « comment s'organiser ». Là c'est mort, ce ne sont que des has been qui se jouent la comédie du grand soir autour du brasero du rond-point que Mélenchon appelle à réinstaller partout, espérant devenir le nouveau Drouet de la « justice électorale ».



NOTES

1«Rien ne sera comme avant.» La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye avait donné le ton si bêtement, celui d’une promesse de changement radical. Le chef de l’État devait annoncer des mesures «puissantes et concrètes», selon Édouard Philippe. La presse bourgeoise s'est divisée autour du « fiasco » avec tout un tas d'hypothèses farfelues:RTL aurait vendu la mèche, les autres auraient suivi, comme quoi la presse bourgeoise serait indépendante de l'Etat (qui la nourrit). Plus comique est la TV la plus servile BFM qui, la veille, déplorait une fuite irresponsable et louait la pondération religieuse du président, puis laissait le laquais Neumann expliquait le machiavélisme du chef : « "Cela arrangeait l’Elysée, je ne crois pas au piratage. L’allocution est mort-née à cause de l’incendie mais il fallait quand même faire sortir les idées pour voir comment les oppositions réagissent, comment l’opposition et le peuple se positionnent et à partir de là on passe à la phase suivante, histoire de ne pas perdre complètement l’effet des annonces même si on a perdu l’effet de souffle d’une allocution solennelle ». Je doute de l'effet de souffle d'une montagne de bla-bla qui accouche toujours d'une souris. Par ailleurs, plus drôle encore si on veut, certains supposent que l'écologie négligée pourrait l'emporter sur le parti présidentiel, ce qui est une autre souris à bobos qui fait de plus en plus pitié même aux couches moyennes.
2Je ne résiste pas à citer ce commentaire éclairant qui montre qu'il vaut mieux un incendie de cathédrale qu'un incendie social : « C'est une marche dans le brouillard, des mesures pour "occuper" l'esprit, noyer le présent, gagner les Européennes en anesthésiant le raisonnement, grâce aussi à ce terrible incendie de Notre-Dame qui sidère, pour se conforter. Toutes ces "mesures" sont pour le futur, restera la réalité : les augmentations des charges, taxes, amendes, nouvelles réglementations enchérissant la vie courantes, que supporteront les plus fragiles, les plus vulnérables de la classe moyenne "inférieure"... et l'impossibilité pour celle-ci de se faire vraiment entendre... C'est la technique du pouvoir anesthésiant. Aujourd'hui on est soudain plus français, l'art français existerait donc... on le découvre au bon moment grâce à ce tragique incendie ».
3« Les lumières fluo des Gilets jaunes restent les phares de la contestation ».En route vers une « semaine jaune » . « Pour la suite du mouvement, beaucoup de dates ont été discutées, s’étendant sur plusieurs semaines voire plusieurs mois. Macron a du souci à se faire ! Un temps fort est d’ores et déjà prévu à l’occasion d’une « semaine jaune », celle du 1er Mai. Elle devrait notamment se traduire par la présence de Gilets jaunes dans les cortèges du 1er Mai : rendez-vous est pris ! D’ici là, nombre de présentEs à Saint-Nazaire et plus globalement de Gilets jaunes convergeront à nouveau dans la rue à Paris, le samedi 20 avril, à l’occasion d’une montée nationale ». 
Retaper la gauche stalino-bourgeoise nationaliste en jaune?

dimanche 14 avril 2019

QUELQUES ENSEIGNEMENTS SUR LA LUTTE DES "GILETS JAUNES" DU POINT DE VUE COMMUNISTE




par Xavier

« A la place de la conception critique, la minorité met une conception dogmatique, et, à la place de la conception matérialiste, une conception idéaliste. Au lieu de la situation réelle, c’est la simple volonté qui devient la force motrice de la révolution. Nous, nous disons aux ouvriers : VOUS AVEZ À TRAVERSER 15, 20, 50 ANS DE GUERRES CIVILES ET DE LUTTES INTERNATIONALES, NON SEULEMENT POUR CHANGER LA SITUATION EXISTANTE, MAIS POUR VOUS CHANGER VOUS-MEME ET VOUS RENDRE APTE AU POUVOIR POLITIQUE. Et vous leur dites au contraire : il nous faut immédiatement arriver au pouvoir, ou bien nous n’avons qu’à dormir sur nos deux oreilles. Tandis que nous, nous faisons tout spécialement remarquer aux ouvriers allemands l’état informe du prolétariat allemand ; vous, vous flattez de la façon la plus grossière le sentiment national et le préjugé corporatif des artisans allemands, ce qui est évidemment plus populaire. De même que les démocrates ont fait du mot peuple (démos) une entité sacrée, vous faites, vous une entité sacrée du mot prolétariat. Tout comme les démocrates, vous substituez à l’évolution révolutionnaire la phraséologie révolutionnaire, etc ». (Marx-Engels, « Révélations sur le procès des communistes, 4 octobre 1852 » c’est nous qui soulignons)



1 Le capital et l’État bourgeois ne se laisseront pas déstabiliser sans actionner l'arsenal répressif totalitaire déjà en place. La démocratie rend superflu tout besoin de la «solution» fasciste, tant les moyens de contrôle, de traçabilité, de neutralisation et d’intégration sont omniprésents dans la société démocratique achevée, techniquement toujours plus perfectionnés et juridiquement mieux encadrés. La démocratie est l’idéologie conforme au capital(1).Elle lui est nécessaire tant pour dominer et intégrer, donc pour maîtriser la classe qu'elle exploite, que pour réguler ses conflits propres issus de la concurrence à tous les échelons. La bourgeoisie s’est accaparé tous les idéaux de gauche permettant une adhésion plus profonde de la population et une meilleure légitimité, notamment auprès des nouvelles couches moyennes vivant dans la circulation du capital, qui ont pour fonction de réaliser la plus value, couches substantiellement  prépondérantes au sein de la population active dans la phase de soumission réelle au capital. Ces nouvelles couches moyennes (2), produites dans cette phase, se sentent solidaires de la continuité de l’accumulation du capital que l’on retrouve en majorité dans les grandes métropoles, phare du fétichisme de la marchandise et de la réification, où se trouvent bobos écolos,  anti fascistes et anti racistes démocratiques. Ces idéaux de la gauche du capital sont un facteur de mobilisation et d’instrumentalisation idéologique des plus efficaces dans le renouvellement des formes marchandes et de la modernisation des instruments de production (3). Ces couches moyennes sont donc un des facteurs  essentiels de la pérennisation de l'ensemble du système capitaliste.

3 Le discours petit bourgeois au mieux néo-proudhonien, restera l’idéologie dominante  des «gilets jaunes» tant qu’une crise économique profonde n’aura pas lieu pouvant faire sauter l’illusion de l’espérance dans  un autre gouvernement ou dans l’illusion d’une solution nationale. On peut constater que la mystification du socialisme réel des anciens pays de l’Est et de la Chine reste encore très puissante ; les références aux luttes du mouvement ouvrier restent absentes et les
syndicats apparaissent pour ce qu’ils sont, des rouages de l’État avec les politiciens vendeurs d’illusions qui trompent de moins en moins les couches sociales les plus défavorisées, sans pour autant que ces dernières adhérent aux principes communistes. On peut remarque, au-delà du caractère hétéroclite de la composition sociale du mouvement, que les  revendications qui dominent se rapprochent d’un certain néo-proudhonisme : pouvoir du peuple, vraie patrie, démocratie directe, critique du capital porteur d’intérêt, etc... Les «gilets jaunes» revendiquent l’adhésion à l’État national et rejettent  le gouvernement Macron comme étant le défenseur du cosmopolitisme capitaliste international, pro immigré, chantre de la modernité et des idéaux de gauche. Les «gilets jaunes» se veulent les vrais défenseurs  du Peuple français et  voudraient  revenir à une situation du capital à un stade antérieur de son développement. Ils  se sentent dépossédés par ce capitalisme mondialisé, voudraient que l’État soit au service du citoyen et redevienne le canalisateur de la réalisation de la démocratie sociale tel qu’il fut après la deuxième guerre mondiale. Cette tentative de renouer avec le drapeau  de la Révolution française rend inaudible tout discours communiste. L’apparition de la future crise mondiale du capitalisme est d’autant plus nécessaire que les «gilets jaunes» attribuent à Macron et non au capitalisme leur souffrance.

8 A la différence des années 1968, la perspective de démantèlement de l’État providence, de l’augmentation de la précarisation, de la paupérisation et de la prolétarisation et de la future crise catastrophique du capital, est bien le présent et l’avenir qui se dessine. Les formes de lutte similaires à celle des «gilets jaunes» ne manqueront pas de réapparaître, à savoir des luttes spontanées, désordonnées, non encadrées par des syndicats et partis politiques, luttes frontales avec l’État et en dehors des lieux de production. Mais la crise catastrophique du capital provoquera parallèlement des luttes revendicatives aussi au sein des entreprises que tenteront encore d’étouffer les syndicats. Le chaos de la crise catastrophique du capital ne pourra pas ne pas faire renaître la lutte de classe révolutionnaire et l’émergence de fractions prolétariennes et communiste et le processus de différenciation de classe fournira les bases de l’émergence du Parti communiste.

9 Depuis plusieurs décennies, on avait dans les vieux pays capitalistes plutôt des mouvements revendicatifs catégoriels de la classe ouvrières dans les entreprises avec pour certaines luttes une classe ouvrière homogène, mais les revendications avaient un contenu bourgeois (défense de l’entreprise, droit au travail, etc…) et ne constituaient aucunement un pied d’appui pour l’unification de la classe ouvrière (4). Aujourd’hui, on a un mélange de classes sociales plutôt défavorisées, déclassées et paupérisées pour un type de revendications au mieux néo proudhoniennes (5) avec comme pour objectif le parachèvement de revendications issues de la révolution française sans remettre en cause le système capitaliste. Les «gilets jaunes» recherchent avec illusion le retour de l’État providence. Ce mouvement est plutôt composé d’une classe ouvrière périphérique ou présente dans de petites entreprises avec des couches moyennes travailleuses à bas salaires et une partie de la petite bourgeoisie paupérisée (certains petits patrons, artisans et micro-entrepreneurs).

10 Il sera nécessaire que d'illusoires alternatives politiques soient consommées comme en Italie ou en Grèce, et qu’une crise économique sérieuse apparaisse afin qu'émergent des revendications radicales contre le système et non des revendications démocratiques visant à rendre le capitalisme plus propre et plus honnête. Le mouvement des «gilets jaunes» est un mouvement qui veut le pouvoir du «peuple» (6), un capitalisme sans excès, sans trop de riches, sans trop de pauvres, sans crise économique, composé de politiciens et de patrons honnêtes avec la volonté de revenir à un
capitalisme à Papa ! Ce qui a fait illusion dans l’apparition d’un certain radicalisme de ce mouvement, c’est le fait d’avoir des formes de lutte subversives, souvent violentes, qui s’attaquent frontalement à l’État, en dehors de l’encadrement  des partis politiques et syndicaux, mais pour un contenu politique conservateur sans volonté de sortir du capitalisme et se proposant de parachever les idéaux de la révolution bourgeoise de 1789.  11 Tant que le système capitaliste dans les vieux pays industriels n’a pas encore épuisé toute une gamme de fausses alternatives, droite et gauche hier, populistes et libéraux aujourd’hui, tant qu’une crise profonde n’apparaîtra pas dans toutes ses conséquences palpables et tant qu’un nouveau dimanche de 1905 sanglant ne se  fera pas jour, point de reprise de classe prolétarienne. Une partie de la classe ouvrière dans cette perspective tend à redevenir prolétaire (sans réserve) et c’est sur cette classe ouvrière qui redevient sans réserve, qu’une perspective de genèse du Parti communiste pourra émerger entraînant derrière son programme toutes les couches moyennes déclassées et paupérisés.

12 Le mouvement des «gilets jaunes», au-delà de l’orientation politique, représente une forme de lutte qui a de fortes chances de se maintenir ou de se renouveler, à savoir des mouvements sans direction claire, sans représentant politique, des manifestations sans autorisations, violentes, sans objectifs précis, composés des classes sociales paupérisées. On ne peut pas exclure différentes formes de situations chaotiques en perspective de la reprise prolétarienne (7). Les syndicats ont démontré non seulement leur collusion à l’État, mais aussi leur incapacité à unifier des forces sociales en lutte contre l’État et le capital. La forme d’action subversive des «gilets jaunes» en tant que telle ne donne pas nécessairement un contenu révolutionnaire. La question de la reprise prolétarienne n’est pas un problème de forme mais de contenu et de force. Sans processus de différenciation communiste et l’émergence d’avant-gardes prolétariennes révolutionnaire, pas de Parti communiste et sans approfondissement de la crise économique pas de possibilité de radicalisation politique. La lutte de «gilets jaunes» est le symptôme et la conséquence de la réduction des amortisseurs sociaux et de l’impuissance significative de toute fonction syndicale. La progressive impossibilité de toute satisfaction des revendications économiques arrive au moment où l’État capitaliste a pour objet dans les vieux centres du capital, de reprendre les quelques «acquis» de la classe ouvrière, obtenus pendant les trente glorieuses et de concourir au démantèlement de l’État providence quelle que soit le prix à payer en terme de répression pour un capitalisme français en retard sur le plan des réformes d’adaptation à la mondialisation capitaliste. La fonction syndicale n’est plus opérante (8), non parce que les travailleurs ne doivent plus se défendre, mais parce que le système capitalise  va vers son effondrement économique et sa crise finale pour des raisons objectives et non à cause de la mauvaise volonté de Macron ou des patrons, mais par ses contradictions incontournables et inconciliables que l’on a cru oubliées durant les trente glorieuses. Le capital dans les anciens  centres industriels tente désespérément  de fuir dans la production de capital fictif, qui n’est qu’un moyen de chercher à gagner du temps  par une cavalerie financière, pour tenter de surmonter les contradictions insurmontables de la loi de la baisse du taux de profit.

NOTES

(1)«La valeur d'échange est la réalité de la démocratie, de même que la démocratie est l'idéologie de la valeur d'échange. Le communisme supprime donc la démocratie sans la réaliser, tandis que le capital réalise la démocratie sans la supprimer. L'idée centrale que nous travaillons à défendre et à diffuser contre toutes les déviations, errements et reniements est donc celle-ci : le prolétariat n'est pas l'héritier des valeurs bourgeoises, le communisme n'est pas la réalisation du projet
démocratique bourgeois (ainsi que l'affiche l'école révisionniste).» Extrait de «Délivrons nous du capital» 1981, Le programme de la société communiste.

(2) Extrait du numéro 6, Première série d’Invariance : «Le capital produit une telle quantité de marchandises qu'elles encombrent le marché. De ce fait, parallèlement, augmentation de la concurrence pour les faire consommer. D'où l'accroissement des points de vente, des circuits de distribution qui doivent faire connaître la marchandise. D'autre part, développement énorme de la publicité qui prend, dans les investissements, le relais du capital fixe en tant que moyen d'enlever au prolétariat une partie du produit. On a le gaspillage d'une fraction de capital afin de faire circuler l'autre (comme K. Marx l'indiquait d'ailleurs dans le passage cité à propos de la protection de l'autonomie de la valeur d'échange). Le capital s'est assujetti la science pour l'incorporer dans le procès de production; il en fait autant de l'art pour l'incorporer dans le procès de circulation. Toutes les formes artistiques sont utilisées pour faire circuler le capital. C'est l'expression même de Ι'inessentialité de ces productions. Tous les hommes adonnés à ces activités vivent donc de la circulation de la plus-value. Ils touchent un salaire d'autant plus élevé que la situation économique est plus prospère.»

(3)Cf. le Manifeste du Parti communiste, 1848 : « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner sans cesse les instruments de production, donc les rapports de production, donc l'ensemble des conditions sociales... Ce qui distingue l'époque bourgeoise de toutes les précédentes, c'est le bouleversement incessant de la production, l'ébranlement continuel de toutes les institutions sociales, bref la permanence de l'instabilité et du mouvement. »   (4) « Nous avons donc combattu l'idée que la somme des revendications catégorielles ferait un mouvement de classe. C'est ainsi que nous avons pu démontrer, en 1976, que les conflits catégoriels de "Lip", du "France" et de "Concorde", nés pour la défense de l'entreprise et de l'emploi, constituaient non des moyens mais des obstacles à l'organisation du prolétariat en classe : ce qui se trouve donc "légitime et urgent" pour chaque ouvrier peut être illusoire et réactionnaire à l'échelle de la classe. C'est pourquoi nous avons ainsi formulé cette position : "Or ce qui prévaut comme BUT dans le réformisme, ne saurait valoir même comme MOYEN dans le communisme. Un point fondamental d'ailleurs, déduit de l'évolution économique moderne, doit particulièrement être mis en évidence : avec le développement économique des nouvelles couches moyennes improductives, vivant du revenu (classe de la dissipation, du parasitisme et de la jouissance), toute poursuite d'objectifs revendicatifs qui n'est pas organiquement soumise aux buts révolutionnaires, se transforme nécessairement en apologie du parasitisme, du gaspillage et du crime" ("La question syndicale et le marxisme ",  Le programme de la société communiste 1976, point 47). »

(5) "Au demeurant, il se trouve que des socialistes reprennent ces insanités, notamment en France. Ils entendent démontrer que le socialisme est la réalisation des idées de la société bourgeoise énoncées par la Révolution Française. Ils affirment entre autres, qu'à l'origine, l'échange, la valeur, etc. représentaient (sous une forme adéquate) le règne de la liberté et de l'égalité pour tous, mais que tout cela a été faussé par l'argent, le capital, etc. L'histoire aurait vainement tenté jusqu'à ce jour de réaliser ces idées conformément à leur essence véritable (que Proudhon par exemple, tel Jacob, a découverte) : l'histoire fausse de ces idées peut donc faire place maintenant à l'histoire véritable. Il faut leur répondre : la valeur d'échange, et mieux encore le système monétaire, constituent en fait le fondement de l'égalité et de la liberté ; les perturbations survenues dans l'évolution moderne ne sont que des troubles immanents à ce système ; autrement dit, la réalisation de l'égalité et de la liberté
provoque l'inégalité et le despotisme. Vouloir que la valeur d'échange ne se développe pas en capital ou que le travail produisant des valeurs d'échange »

(6) « Au départ, dans sa signification littérale et son origine étymologique, la démocratie signifie pouvoir du peuple ; contre quoi le marxisme rétorque c'est une abstraction : le peuple étant divisé en classes sociales irréductiblement antagoniques parce que placées à des pôles contradictoires d'un mode de production et d'échange déterminé et, en conséquence, ne pouvant gouverner ensemble un intérêt commun durable qui ne saurait exister. » Extrait de « Délivrons nous du capital » 1981, Le programme de la société communiste.

(7) Extrait du texte de Mario Gangarossa :“Imaginer la révolution comme un affrontement ordonné entre les phalanges organisées du prolétariat et les forces de la répression au service de la bourgeoisie est au plus loin de la réalité que l’on puisse l’imaginer. Il n’existe pas de processus linéaire qui aurait comme inéluctable débouché, prévu et désiré, la palingénésie sociale. Infinis sont les carrefours, les choix à faire, les décisions à prendre, et ce sont des choix que des millions de femmes et d’hommes font poussés par la nécessité, parfois par hasard, presque toujours inconscients du résultat que leur action produira. Les « théoriciens » (au bénéfice de leur capacité à distinguer entre science et fausse conscience) sont un pas en avant par rapport au mouvement réel parce qu’il ont fait trésor de la praxis, des expériences, de l’histoire du passé mais risquent l’impuissance et l’incompétence s’ils ne réussissent pas à s’engager dans la vive expérience quotidienne, à interagir avec la pratique quotidienne, à faire les comptes « avec celui qui passe les couverts».

(8) «J’ai dit à plusieurs reprises que les grèves - lorsque les ouvriers les déclenchent tardivement, notamment lorsque les possibilités favorables suscitées par une prospérité exceptionnelle sont de nouveau à leur déclin - ne peuvent se montrer efficaces du point de vue économique ou pour ce qui est de leur objectif immédiat" (New York Daily Tribune, 16-12-1853 KARL MARX).