PAGES PROLETARIENNES

vendredi 5 octobre 2018

LE TESTAMENT "SURREALISTE" DE JANOVER


Comment un petit littérateur « libertaire » se moque de Rosa Luxemburg et de Lénine


Après s'être attaché à la publication, très louable, des œuvres complètes de Rosa Luxemburg, les éditions Smolny, de la région Occitanie, ont décidé de se livrer à la publication d'auteurs, et pas de n'importe quels auteurs, de préférence de tendance anarchiste et anti-léniniste primaire. Le choix de Louis Janover ne fût pas innocent. D'une notoriété limitée dans le milieu micro-universitaire ou dans un vague milieu d'esthètes, cet auteur avait déjà été sollicité avec force ronds de jambes pour rédiger près de cent pages en introduction aux OC de Rosa. L'introduction releva cependant franchement de la perversion narcissique, voire de l'auto-congratulation. Comme tant d'autres que moi l'ont remarqué, Janover parle de son nombril mais peu de Rosa Luxemburg. C'est un peu le même sentiment que l'on éprouve en lisant cette petite soixantaine de pages : « Le testament de Lénine et l'héritage de Rosa Luxemburg », qui vient d'être édité, d'ailleurs fort soigneusement par le maniaque Eric et son équipe.
Le choix d'une relative petite notoriété littéraire peut-il être gage de succès, en outre pour faire passer une camelote « conseilliste » assez ringarde et qui sert de balais à tous les léninistes défroqués comme aux anars marginaux qui se piquent de culture « gauche communiste » ? Non pas, si vous n'y ajoutez point une bonne dose de censure, c'est à dire, à la façon du « néo-stalinisme », d'oubli des principaux, je dirai lutteurs aux côté des bolcheviques, et ensuite seulement critiques, et non pas des critiques en chambre ou des observateurs surréalistes, j'allais dire grotesques. D'emblée c'est la démarche des introducteurs. Ils sont cinq ou six ! Oui oui ! Quasi un comité central, alors que conseillistes comme anars sont les rois de l'individuation des écrits et ne se repaissent que de « livres » et d'auteurs « de référence ». Donc, comme un vulgaire bureau politique, ils s'y sont mis à plusieurs... pour mentir. Leur tapis rose élancé vers Janover pose le débat « historique », mais simpliste, résumé à une opposition frontale entre Rosa et Vladimir. Les groupies de Janover ne trouvent pas mieux que de lui réserver comme (piètres) contradicteurs « néo-staliniens », les trotskiens Tariq Ali, O. Besancenot et le dinosaure stalinien Lucien Sève. C'est sûr qu'évoquer Miasnikov, Ossinsky, la Gauche Communiste de France, Bordiga ou le CCI, ne ferait pas vendre dans les librairies du NPA ou à la fête de l'Huma. Stratégie éditoriale pour une première publication « personnalisée ». Ils devaient bien çà à un critique passionné du culte de la personnalité léninienne ou stalinienne.

Le titre avait un aspect accrocheur éditorialement, et il fera probablement vendre. Gare au contenu hélas. Car il n'y a ni testament de Lénine ni d'héritage de Rosa Luxemburg, en tout cas pas celui que lui prête le comité éditorial Smolny et le renégat Janover. Que l'on s'apitoie ou que l'on se fiche du chanteur de « je me voyais déjà en haut de l'affiche », l'arrivisme et la cupidité valsent de concert toujours pour masquer la complexité des situations et flatter les clichés les plus éculés ; c'est même une des lois « éthiques » de la politique bourgeoise. Dans les répétitions lassantes et les phrases d'un kilomètre il suinte un Victor Loupan bis1, de la haine de petit bourgeois aigri. Il n'y a non seulement aucune réflexion politique sensée sur la question de la perspective de la « transformation socialiste » de la société (expression de Rosa) mais une accumulation de citations de divers défroqués du bolchevisme allemand, lesquels ont servi de critère de pensée à toute une génération de bobos ultra-gauches dans l'après 68. Il ne part pas de la réussite de la révolution, du point de vue des heureux millions de spectateurs exploités de l'époque, pour éventuellement comprendre l'échec de la révolution (au niveau international, face aux coalitions impérialistes, etc.) mais passe son temps à pointer du doigt les « péchés » bolcheviques et à nous faire lanterner avec le miracle attendu de la « spontanéité prolétarienne », avec la bénédiction des Saint Rubel2, Rühle le grand négateur du parti3, Mattick4, Ciliga, Korsch5, Souyri6, les moines de l'Ecole de Francfort et les bobos surréalistes qu'il se vante d'avoir cotoyé. Pas tellement plus jeune que le dinosaure Henri Simon, Janover est plus démagogue, bien que l'un surfe aux niveaux trade-unionistes et zadistes et le suivant dans un petit milieu de libraires, voici en résumé « l'escroquerie » bolchevique :
« Ainsi, c'est au nom du « socialisme » que les intellectuels se sont emparé de toutes les formes de luttes du passé, de toutes les aspirations à l'émancipation humaine pour les transformer en leur contraire et façonner le vocabulaire au gré des besoins du Parti-Etat » (p28).
Machiavélique mon cher Watson ! Prions pour « l'éthique impersonnelle du mouvement ouvrier » !

De tradition historique pour le passage du témoin de la révolution (outre Janover soi-même derrière son bureau) il ne reste plus que « les milieux libertaires et les courants du socialisme de conseils, en dépit de la pression exercée sous toutes ses formes par l'appareil idéologique du Parti ». C'est en gros ce qu'il va radoter pendant cette soixantaine de pages, c'est à dire à la manière des trotskistes disparus et des staliniens agonisants : on est seul au monde ! Vous imaginez Rubel sur papier bible Gallimard remplaçant le Manifeste de 1848 parmi nos ouvriers modernes, peu ouvriers d'ailleurs dans leur tête ? Sauf que trotskistes et staliniens, eux, ont réinvesti dans de nouvelles formes genre NPA et FdG, tandis que les milieux libertaires sont toujours aussi miteux, on en croise en librairie ou chez les blacks blocs, et les courants du socialisme de conseils qui étaient déjà venteux en 1968 ne sont plus que des fumerolles soigneusement contenues à l'Institut d'histoire sociale par les successeurs de Ken Rodenburg. Sauf que comme critiques de Rosa ou souteneurs de l'affreux parti « minoritaire », Janover ne trouve pas mieux que de nous coller encore Sève Lucien et Besancenot Olivier7

Au deux tiers de son brouet haineux, Janover se propose d'aller « à la racine du mythe bolchevik » et s'appuie sur un saint anarchiste Alexandre Berckman qui a certes dénoncé les bolcheviks mais qui a eu les honneurs de la presse américaine, on n'a jamais vu une contribution palpable de sa part sur la nécessité ou pas d'une transition du capitalisme au communisme, chez Janover non plus qui attend, comme Rosa en prison, du « brouillard de l'avenir » et du miracle prolétarien. Il accable la dernière lettre de mise en garde de Lénine (malade et diminué) des pires turpitudes jusqu'à l'invention du stalinisme ; curieusement par contre il n'a pas un mot pour développer, ce qui est central pourtant, sur le fait que la lettre ait été considérée comme dangereuse pour tout le parti, même Trotsky l'a tu. Cela signifie quoi ? Non pas que Lénine « machiavélisait » encore mais que, comme à diverses reprises tout au long de son combat il n'avait pas le dessus sur l'appareil comme sur l'Etat, qu'il n'était donc pas du tout ce petit dictateur qu'invente à longueur de phrase l'intello hors histoire.

Janover n'invente rien, il ne joue qu'au perroquet. Il emprunte même sans citer au rigorisme batave de Pannekoek en nous balançant d'emblée que Rosa c'est une « éthique », quant à ce Lénine, un immoral complet. J'ai lu tous les Janover et je l'ai toujours imaginé en curé, ou en psychologue ; Rosa est d'ailleurs son Freud : « Rosa répond toujours à nos interrogations et à nos angoisses » tandis que le bolchevisme... c'est l'entrée dans l'industrie moderne ! La perspective post-capitaliste est donc, on l'a compris, une morale. Le pasteur Janover va passer ses quelques pages superficielles à faire la morale anti-parti à tous les quelques profs et étudiants qui le lisent. Cependant, c'est le projet en lui-même qui capote dès l'abord, pas pour les ignares et les naïfs d'accord. Le projet était de démolir Lénine en se servant de Rosa Luxemburg et de ses critiques aux différentes époques. Or il n'y a aucune méthode chez Janover autre que le dénigrement systématique, voire névrotique avec des phrases d'une demi-page, typiques de la façon de s'exprimer des pervers narcissiques ou du narcissique de base8, qui prétendent tout dire, sans discussion, mais toujours la même chose, le même dénigrement. Ce sont ainsi des dizaines de phrases à rallonge qu'on subit chez ce monsieur qui se pique d'avoir fréquenté le beau monde du surréalisme. De la belle phrase en veux-tu en voilà, il y en a un paquet mais à force d'utiliser cette vieille ficelle elles en deviennent bêtes et incompréhensibles.
ABSENCE TOTALE DE METHODE donc, car s'appuyer sur les critiques de Rosa eût nécessité de respecter la chronologie historique et au moins de resituer les critiques dans les circonstances même. Or Rosa est citée à tort et à travers, hors contexte et même, super mensonges, affublée à d'autres contextes ! Il eût été au moins honnête de suivre le raisonnement de Rosa dans la compil de ses notes « La révolution russe » pas à pas pour montrer ce qu'il voulait montrer, en tout cas pour constamment dénigrer ce qu'il a dénigré sans fondements autres que moraux et même infrapolitiques. Mais voilà, s'il ne l'a point fait c'est parce qu'il se serait ridiculisé. La fameuse brochure controversée (et qui gêne tout le monde en fait) n'est pas du tout « antiblochevique »9. Je vais le démontrer très facilement par après.

OU IL PREDOMINE DES CRITIQUES FRATERNELLES DE LA PART DE ROSA

Prenons sur le site « Matière et Révolution », qui irrite les bonzes de LO – où sont rassemblées les appréciations de Rosa sur l'ensemble de la révolution - une poignée des premières remarques de Rosa, alors que le black out de la presse est total, et voyons comment elle raisonne avec son « éthique de classe » :

« Certes, les ouvriers russes n’ont pas d’organisations, pas d’associations électorales, presque pas de syndicats, pas de presse. Mais ils disposent d’atouts décisifs pour leur pouvoir et leur influence : une combativité toute neuve, une volonté arrêtée et un esprit de sacrifice sans bornes pour les idéaux du socialisme ; ils disposent de ces qualités sans lesquelles le plus bel appareil organisationnel n’est qu’un vain bric-à-brac, un boulet au pied de la masse prolétarienne. Certes, sans organisation, la classe ouvrière ne peut conserver longtemps toutes ses facultés d’action. Voilà pourquoi nous sommes prêts à affirmer qu’en ce moment même, à Pétersbourg, à Moscou, dans toute la Russie, les ouvriers ont fébrilement entrepris de se créer une organisation, des associations politiques, des syndicats, des instituts culturels, tout l’appareil. Comme il y a dix ans, le premier acte du prolétariat révolutionnaire russe sera de combler le plus rapidement possible les lacunes dans l’organisation. Et cette organisation, née du combat et trempée à ce feu constituera certainement une authentique cuirasse pour sa puissance et non pas le carcan de son impuissance ».

Elle n'a encore aucune idée de la place centrale occupée par le parti bolchevique. Janover nous noie sous les citations très très « démocratiques », voire nunuches de Rosa, sans les resituer dans leur contexte, mais il évite les plus mises en avant par Rosa comme cette suivante :


« Le Parti de Lénine fut ainsi le seul en Russie qui comprit les vrais intérêts de la Révolution dans cette première période, il en fut l'élément propulseur, étant en ce sens le seul parti qui fît une politique réellement socialiste ».(...) Le Parti de Lénine est le seul qui ait compris la loi et le devoir d'un parti vraiment révolutionnaire ».
Elle salue que « Lénine et ses camarades aient lancé « tout le pouvoir au prolétariat et aux paysans », donc pas aux soviets pas encore affirmés. Elle en rajoute, quitte à Indigner Bourrinet, Philippe le certifié, Henri Simon et Janover réunis :
« Ce qu'un parti peut, à une heure historique, fournir de courage, de force d'action, de coup d'oeil révolutionnaire et de logique, les Lénine, Trotsky et leurs camarades l'ont donné largement. Tout l'honneur révolutionnaire et la capacité d'action qui a manqué à la démocratie socialiste en Occident s'est trouvé chez les bolcheviks. Leur insurrection d'octobre n'a pas sauvé effectivement la Révolution russe, elle a aussi sauvé l'honneur du socialisme international ». Elle ose même insinuer que Janover est un vrai con de radoter sur le machiavélisme de Lénine :
« Ce serait une mauvaise plaisanterie d'exiger ou d'attendre de Lénine et consorts10 (d'en passer) à attaquer un des plus difficiles problèmes, et nous pouvons dire avec assurance le problème le plus difficile, de la transformation socialiste ».

Dans cette compil de notes prises dans l'enfer de la prison et de l'angoisse sur son devenir, la grande révolutionnaire marxiste, au contraire de Janover, ne raisonne pas en idéaliste ni en vieille toupie utopiste. Elle ne se focalise pas sur Lénine, c'est, selon les traductions « Lénine et ses camarades », dans le courant lefeuvrien, les aimables éditions hétéroclites Spartacus, on a déjà maquillé par « Lénine et consorts ». On trouve38 occurrences pour Lénine, et la plupart des appréciations ne sont pas insultantes. A mon point de vue, il y à boire et à manger, beaucoup de contradictions et d'idées ébauchées. Rosa est irréaliste sur la gestion gouvernementale transitoire, rigide et irréfléchie sur les concessions inévitables aux paysans ; sur la guerre révolutionnaire, elle reste sur des position opportunistes et dépassées des anarchistes ; on peut même penser qu'elle est une sociale-démocrate bon teint avec des phrases genre humanitaire qui ont été récupérées par toutes les fractions bourgeoises et « Révolution démocratique ». 

Elle parle de vie politique « de la nation » ! Comme héritage d'une réflexion sur le communisme mondial, y a mieux. Elle offre de belles envolées lyriques, mais se contente de singer Marx en disant que la réalisation du socialisme réside dans le brouillard de l'avenir. On ne peut pas lui donner raison lorsqu'elle accuse Lénine d'avoir une conception simpliste de l'Etat, de simplement le renverser sur la tête pour le faire équivaloir à celui des bourgeois. Certes mais paradoxalement c'est elle qui dit par ailleurs que le problème « pouvait être simplement posé en Russie et pas résolu » ! Or, Lénine, jusqu'à ce jour, si l'on excepte la Gauche germano-hollandaise, la GCF et le CCI, reste le seul à avoir fourni les questionnements les plus cruciaux sur la nature de l'Etat et les difficultés de son remplacement. Quand Janover cite l'image de la locomotive par Lénine il charge celui-ci ad hominem, mais se garde de rappeler la phrase gênante pour un brave conseilliste utopique : « la machine nous échappe des mains » ; et c'est même Rosa qui rend hommage à ce Lénine théoricien, mais bientôt emprisonné par cet Etat qui le conduit à se retourner contre le prolétariat, notamment contre les grèves du début à Pétrograd, puis malheureusement à la tragédie de Kronstadt ; elle note bien (avce son éthique de classe) que Lénine a en permanence le souci des risques de corruption que génère tout Etat, même « prolétarien » ; c'est même Lénine qui, le premier, avouera que « non nous n'avons pas un Etat prolétarien, même pas un demi-Etat mais un Etat qui relève du capitalisme d'Etat" ! Il faut savoir qu'une partie des bolcheviques ont toujours considéré quand même la révolution de 1917 comme bourgeoise ! Ils n'avaient pas la plupart reçu une formation marxiste pour rien, et n'avaient pas attendu la spontanéité des grèves miraculeuses, qui se produisent archi rarement.

Dans ses notes un peu décousues, elle manifeste toujours respect et égard pour Lénine, c'est le jeune Trotsky de 1905 qui l'avait appelé Maximilien ; elle a « noté » le positif, que les masses devront évoluer (pour la pasteur et pesteur Janover les masses sont des saintes) :« dépasser les instincts égoïstes et les remplacer par les instincts sociaux » ; elle l'approuve mais lui reproche d'user d'inspecteurs d'usine, de décrets de terreur « c'est justement la terreur qui démoralise », et de provoquer un « étouffement de la vie politique ». Mais on sent qu'elle hésite, qu'elle n'est pas convaincue elle-même par sa critique ; ce sont des notes en effet, et quand on connaît le haut niveau intellectuel de Rosa, on peut imaginer qu'elle pouvait revoir ou amender ou biffer son texte, d'ailleurs on ne sait pas trop ce qui a été sauvé du manuscrit. Elle développe une argumentation spécieuse et qui, prise comme telle, n'est autre que celle de n'importe quel bourgeois radical : « on ne peut pas opposer dictature et démocratie, ce qui revient à raisonner comme Kautsky » ; mais elle ne développe pas cette remarque fort ambiguë dans la « guerre des classes », surtout quand peu de temps après c'est la démocratie allemande qui l'assassine ! « La liberté est la liberté de celui qui pense autrement »... et qui vous égorge ou vous fusille !? La phrase bizarre a fait le tour du monde et a fait dire à Hannah Arendt que Rosa n'était au fond pas vraiment marxiste.
Ces notes semblent avoir été jetées à la va vite, mais se contredisent entre elles. Elle en conclut « comprendre » : carence du prolétariat allemand et occupation de la Russie par l'impérialisme allemandes ». Rien à voir avec tous ces faux derches qui accusent Lénine et le parti de machiavélisme sournois, et assurent qu'à tout bout de champ Lénine fût accusé par Sainte Rosa d' « esprit de caserne »11.

Avec ce raisonnement d'autruche des petits messieurs pervers, voilà comment le Janover se contente de nous « prouver » que cette révolution était bourgeoisie et ce Lénine un vrai salaud :
« Paradoxalement, ce sont les « défauts » du Parti dénoncés par Rosa Luxemburg qui ont permis à Lénine de s'emparer du pouvoir et de mener à son terme la révolution qui devait nécessairement aboutir à l'industrialisation, donc à la suprématie d'une classe managériale, à la suite de quoi le Parti a dû s'adapter au sol historique pour y enraciner ses organes directeurs et en éliminer les soviets » (p61).
C'est invraisemblable, le parti stalinien n'est plus le parti de Lénine et cette théorie d'une certaine ultra-gauche encore existante – comme les courants d'air – qui nous théorise à la suite de Souyri ou Tartempion que le bolchevisme a servi à réaliser l'accumulation primitive est bien faite pour nous amuser12. Tous ces idiots apolitiques libertaires oublient une poutre : la guerre mondiale qui repart. L'accession au pouvoir des Hitler et Staline n'obéit pas à un accumulation primitive mais est la fois le parachèvement de la contre révolution et l'hallali qui va permettre au capitalisme de redémarrer en 194513.

Elle est certes très « démocrate » mais assez irréaliste concernant la dissolution de la Constituante (où les partis dominants voulaient poursuivre la guerre), quand par ailleurs elle reconnaît que les révolutions sont toujours le fait de minorités « volontaristes ». Le mot d'ordre prêté généralement dans la confusion et tous les amateurs d'histoire en goguette comme Janover et Consorts, n'a pas été généralement « tout le pouvoirs aux conseils » mais il a alterné avec « tout le pouvoir au prolétariat et aux paysans », et certainement aussi des divers « tout le pouvoir au peuple », etc.

Sur Brest Litovsk, malgré tout le respect qu'elle m'inspire, la position de Rosa est ridicule si on se fit aux âneries de Sabatier et de l'argumentation des anarchistes donneurs de leçon de « guerre révolutionnaire »14. Mais si l'on suit le brouillon disons, sa position est bien plus nuancée que celle que lui ont attribué les marxistes en peau de lapin et Sabatier ; en outre la fameuse saillie de l'accouplement de Hindenburg et de Lénine, que ce pauvre Janover utilise pour en faire l'explication sommaire de l'absence de contre révolution, mais une prescience de Rosa sur un Machiavel Lénine, c'est plutôt de l'ordre de la polémique amicale ; Lénine n'est jamais qualifié de bourgeois ni d'assassin :

« ...Mais outre ces arguments prétendument réalistes, il en est d’autres qu’il faut prendre en considération. Une alliance des bolchéviks avec l’impérialisme allemand porterait au socialisme international le coup moral le plus terrible qui pût encore lui être infligé. La Russie était le dernier refuge où le socialisme révolutionnaire, la pureté des principes, les idéaux avaient encore cours (sic) ; les éléments authentiquement socialistes en Allemagne et dans toute l’Europe portaient vers elle leurs regards afin de se guérir du dégoût que suscite la pratique du mouvement ouvrier d’Europe occidentale, afin de s’armer de courage pour persé­vérer et croire encore aux oeuvres idéales, aux paroles sacrées. Avec l’ « accouplement » grotesque de Lénine et de Hindenburg s’éteindrait à l’Est la source de lumière morale. Il est bien évident que les dirigeants allemands mettent le couteau sous la gorge du gouvernement soviétique et profitent de sa situation désespérée pour lui imposer cette alliance contre nature (Hé janover tu lis bien ou tu dors?). Mais nous espérons que Lénine et ses amis ne céderont à aucun prix, qu’ils seront catégoriques dans leur réponse à cette provocation : jusque-là et pas plus loin !
Une révolution socialiste assise sur les baïonnettes allemandes, une dictature proléta­rienne sous la juridiction protectrice de l’impérialisme allemand - voilà qui serait pour nous un spectacle d’une monstruosité inégalée. Et ce serait de surcroît purement et simplement de l’utopie. Sans compter que le prestige des bolcheviks dans leur propre pays, serait anéanti ; ils y perdraient toute liberté d’action, toute indépendance, même intérieure, et d’ici très peu de temps, ils disparaîtraient totalement de la scène. Même un enfant aurait discerné depuis longtemps que l’Allemagne n’est qu’hésitante mais guette l’occasion qui lui permettra, à l’aide des Milioukov, de quelconques hetmans et de Dieu sait quels sombres hommes d’honneur et de paille, de mettre un terme au pouvoir bolchevik, de contraindre Lénine et ses amis à étrangler ce pouvoir de leurs propres mains, après leur avoir fait jouer comme aux Ukrainiens, aux Loubinski et consorts le rôle du cheval de Troie ».

On le voit, la critique est ici à l'imparfait, pleine de suppositions qui n'ont pas pu devenir crédibles par la suite, d'abord parce que l'armée russe était en complète débandade et que cela aurait même pu pousser à encore plus de désertions massives des prolétaires et surtout de la masse paysanne. L'enfant chéri Boukharine pouvait continuer à délirer avec la conception obsolète de l'extension de la révolution au bout des baïonnettes. Heureusement Lénine et Trotsky ont été réalistes, mais dans l'ambiance échevelée du moment la décision d'arrêter les frais s'est faible à une faible majorité. Ce qui met à mal toute la théorie d'un Lénine hyper dictateur qui contrôlait tout, et qui n'avait aucune « morale » selon notre bon pasteur Janover15.
Je me marre des circonvolutions du pasteur Janover lorsqu'il est obligé d'user d'une ou deux citations trop gentilles à son goût pour les méchants bolcheviques, dont cette fameuse : « en Russie le problème ne pouvait être que posé, il ne pouvait pas être résolu en Russie. Et c'est en ce sens que l'avenir appartient partout au « bolchevisme ». Janover en reste bouche bée.
Il n'est pas sûr que c'était la conclusion en formulation définitive de cette série de notes rédigées en prison et peut-être trafiquées dans un sens ou un autre, mais dans le sens de sa démonstration c'est OK ; elle ne saluait pas le bolchevisme en soi et ses futurs errements étatiques à Kronstadt, mais cet état d'esprit de rupture résolue avec l'ordre ancien et de porte-voix du prolétariat qui avait animé jusque là le bolchevisme, et de nécessité d'un parti politique.

Janover exprime surtout la crise du dogmatisme conseilliste et ses sophismes anti-parti. Il répète dix fois, cent fois les mêmes litanies contre la révolution russe de ces milieux limités de l'anarchie sans principe et des bobos de l'ultra-gauche, sa clientèle. On arrive au bout de notre calvaire et aux bonnes formules finales qui ne sont que resucées des auteurs de bibliothèque qu'il n'a fait que citer, incapable d'analyser au plan politique. On a compris que c'est Lénine qui nous lègue le mensonge déconcertant (coucou Ciliga et coucou Staline!)16.
Mais les affirmations ultimes de Janover nous déconcertent davantage :
« Et les révolutions commencent toujours par cette prise de parole et finissent toujours par un bâillon ». C'est un auteur du livre noir du communisme qui a dit ça ? N'est-ce pas ?

J'ai gardé le meilleur pour la fin effective de Janover, il est Janus, il est Jupiter plus que Macron :

« … les pourfendeurs de toutes les formes concrètes « de la vie humaine aliénée » sont eux-mêmes amenés, en l'absence d'une classe révolutionnaire (sic), à mettre en œuvre le système qui a renouvelé le mode de réification des idées et des échanges. Ce sont eux qui sont appelés par leur culture à intégrer la subversion au mode de production afin de produire « du nouveau » et de répondre à la demande que formulent les critiques en vue d'éradiquer les expressions périmées, dépassées de ce spectacle ».

On ne sait en soi pas non plus de qui il parle, de lui et de ses consorts libraires ou des salauds de bolcheviques, mais peu importe les dernières pages c'est une bouillie complète, du bla-bla dont est capable n'importe quel anar. S'il nous a écrit quelques bons livres, il reste qu'il mérite le sort d'Anatole France.


En vérité c'est ce petit littérateur qui nous a livré ce spectacle ridicule, bien que plaisant pour tout libertaire ignorant ou peu regardant, d'une invraisemblable opposition "éthique" entre Lénine et Rosa. C'est cette absence de méthode qui permet d'oublier que ces deux têtes ont été à l'unisson, sans se concerter, dans leur dénonciation de la guerre, qui ne tient pas compte de l'avis qui aurait pu être celui de Rosa, si elle n'avait pas été assassinée, devant l'évolution et les difficultés de la révolution en Russie. Nul doute qu'elle n'aurait pas raisonné comme ce vieux machin français de l'extérieur ou en donneuse de leçon d' "éthique". Il est donc doublement ridicule d'opposer Rosa à Lénine.
Rosa ne prétendait pas léguer une science infuse. Lénine n'avait pas intitulé sa lettre de mise en garde "testament", c'est une invention des exégètes.  Lénine et Rosa nous ont laissé en héritage des textes et des travaux inoubliables. Rosa peut sembler plus romantique du fait qu'elle ne s'est pas trouvée au cœur du chaudron ni dans la suite de l'histoire, quand Lénine a été amené, quelles qu'aient été ses erreurs, à poser concrètement la question de la réalisation du communisme comme ni Marx ni Rosa n'ont été en situation de le poser. A tous deux il revient le mérite d'avoir actualisé le marxisme, de s'en être servir comme méthode de combat, d'avoir montré par leurs polémiques qu'il n'est pas monolithique et que l'avenir appartient partout… au marxisme.



NOTES
1Sinistre réac poutinien dont j'ai déconstruit dans ce blog le bouquin haineux sur la révolution en Russie.
2Rubel a produit un bon travail académique chez Gallimard avec d'autres de la GCF comme Evrad et Suzanne Voute la fondatrice du parti bordiguiste en France, mais ce travail ne valide pas sa théorie d'un Marx anarchiste. Nous avions regardé Rubel lors de son passage à la télévision avec Marc Chiric qui avait milité avec lui après guerre et nous avions été déçu de son incapacité à remettre en place les aboyeurs staliniens sur le plateau. Le conseillisme c'est ça, on conseille dans les coins mais c'est mou, aucune force comme celle (désolé) de l'esprit de parti !
3Il lui reste l'honneur d'avoir voté contre les crédits de guerre avec Liebknecht, mais il fait partie de ces brillants et courageux éléments qui n'ont pas su se relier à un travail de fraction, et qui ont théorisé dans leur coin... le renoncement au nom de la conception fumeuse de la spontanéité des masses coupée de toutes minorités plus aguerries au combat politique. C'est chez ces gens-là et chez l'apôtre Janover, comme l'explication de la génération spontanée avant l'arrivée de Pasteur.
4Mattick est devenu la grande référence des libertaires mais il n'aura été qu'un Henri Simon à l'américaine, noyé dans la « contre-culture » et inaudible pour le prolétariat en général.
5Comme Rühle, Korsch force l'admiration pour son rôle dans la vague révolutionnaire mais, comme nombre d'intellectuels de haut niveau il finit prof et écrivain, et ses écrits de style philosophique, servent plutôt aux étudiants bourgeois à réfléchir à l'impossibilité de la révolution avec un parti. En jetant le bébé avec l'eau du bain, tous ces défroqués de l'iNTERNATIONALE sont récupérés par le système comme profs et maîtres à penser des bobos salonards.
6J'ai connu Pierre Souyri au tout débuts des années 1970 et je lui ai demandé conseil une paire de fois. Il fût un jeune commandant de la résistance dans la région sud puis rejoignit S ou B. Il s'est hélas suicidé. Il a publié deux ou trois ouvrages intéressants, mais il est cité à tour de bras par Janover seulement lorsqu'il s'agit de qualifier la révolution russe de bourgeoise. Souyri était plus subtil.
7Rien donc sur le mouvement maximaliste qui s'étend du PCI au CCI. ET subterfuge car Besancenot ne défens pas du tout la tradition maximaliste communiste. Il peut saluer la révolution bolchevique comme n'étant pas un coup d'Eta, comme moi, mais c'est la suite où il est hors classe et hors marxisme, avec son courant néo-guévariste et maintenant islamophile. J'ai démonté son dernier opus (cf. Le catéchisme de Besancenot). Un Macron peut tout aussi bien dire la révolution n'était pas un coup d'Etat, mais je suis président des français et c'est pas mon problème aujourd'hui.
8Elles fourmillent, mais je vous en ressert une : « Cette double référence détruit la pensée de l'émancipation en la disposant dans un champ de réflexion qui la fait dépendre de son contraire : se réclamer de la pensée et de l'action de ceux qui ont été aux racines de l'exploitation et de la domination pour démontrer qu'ils étaient en même temps les initiateurs de la révolution prolétarienne ». Vous avez compris ? Moi pas. Janover est coutumier des phrases tordues. IL y a quelques années avec son compère Lastelle, comme deux fous ambulants, ils ont été au salon de l'auto ou des gensdelettres distribuer chacun leur tract ésotérique et sotériologique. L'un se prenant pour Napoléon et l'autre pour Aragon.
9C'est Paul Lévi qui a réuni ces notes post mortem ; cet ancien chef du parti allemand n'était pas des plus clairs. Il a existé une polémique dans l'Internationale où certains affirmaient que la brochure avait été truquée ou caviardée. Ce fût l'objet de mon débat avec Calude Bitot au début des années 1990 (cf. lisible sur mon autre blog : Archives maximalistes)
10Traduction de la revue libertaire Masses après guerre, puis c'est devenu Lénine et ses amis et pour d'autres Lénine et ses camarades. « Consorts » ça fait bande de coquins, ne trouvez-vous pas ?
11En page 59, Janover se permet un jugement de valeur méprisant : « Peut-être faut-il dire que la révolution est restée en deçà de ce qu'en attendait Rosa Luxemburg ? ». C'est fielleux, et une esquive de littérateur. En fait Rosa ne charge pas Lénine, hélas mon pauvre, ni de déblatère à la trotskiste ou bordiguiste sur l'absence de parti, mais pointe la carence des masses, carence que nous pouvons aussi expliquer par l'arrêt de la guerre mondiale... Rosa n'est pas blanche concernant sa vision des prolétaires, elle était hautaine avec les « militants de la base » nous dit un de ses biographes (Nettl je crois). ET ce qu'en cite Janover n'est pas reluisant non plus (p.61). Elle avait parfois son côté ouvriériste avec certaines expressions nunuches telles que le « poing viril du prolétaire » ou féminines (les « griffes » reviennent souvent pour figurer la bataille).
12Dans le jargon Janovérien cela donne ceci : « Le Parti communiste réalise sous le signe du marxisme tout ce qui chez Marx relevait de l'accumulation primitive du capital et la dernière intervention de Lénine porte les stigmates d'une structure archaïque qui ramène toute la problématique à des questions de politique dominée par le choix du dirigeant. Le culte de la personnalité cherche encore la personnalité qui doit occuper le trône laissé vacant. C'est la quintessence de la révolution que contiennent les écrits qui ont été appelés « Le Testament de Lénine ».
13C'est assez consternant de voir que Janover imagine la fin de la contre révolution, qu'il n'a même pas analysée politiquement et géopolitiquement en Hongrie en 1956 ! Révolution en Hongrie ou émeutes anti-staliniennes ? Il est dans le bla-bla ignare sur Thermidor, dont Bordiga a contesté l'interprétation trotskiste.
14J'ai dû publier un livre, qui m'a coûté fort cher et que tout le monde a voulu ignorer – Le mythe de la guerre révolutionnaire. Le silence a été mon salaire comme dans le cas de Philippe Riviale qui avait été très novateur sur ce sujet mais ignorant que dès 1921 dans Il Soviet la Gauche italienne se moquait déjà de ce concept anarchiste. Riviale a aussi publié des travaux très percutants sur le mythe entretenu de la Commune ; il a été couvert d'insultes, et bien que je l'ai contacté, il reste dans son coin, aigri.
15Un petit livre est sorti récemment qui démontre tout le long le merdier qu'a été la révolution et où Lénine était sans cesse mis en minorité, devait batailler ferme, etc. Oui cette situation a complètement disparu avec la contre révolution. Staline lui s'est arrangé pour être toujours en majorité. Mais comme n'importe quel trotskien défroqué ou le Victor Loupan, ou Raymond Aron et tutti quanti ce pauvre Jaover a décidé : Lénine = Staline. Que dieu le bénisse, mais moi je n'irai pas fleurir sa tombe de coryphée de l'anarcho-conseillisme.
16Le PN se trahissent toujours à un moment donné, et Janover détruit lui-même sa compil de citations de tant d'intellos floués, paumés mais devenus doctes profs ou sociologues, il nous balance ceci de Marx : Dans les programmes du parti, il faut avant tout affirmer la dépendance directe de tel ou tel auteur et de tel livre », ce à quoi il a fait dépendre ton son bla-bla anti-parti tout le long !

mercredi 3 octobre 2018

COMMENT LE REVISIONISME ANTIRACISTE ELIMINE PEUPLE FRANCAIS ET PROLETARIAT


ACCOUPLEMENT DU GAUCHO-MACRONISME

HISTOIRES… de la falsification antifasciste et antiraciste (suite 1)

Nouveau promu au perchoir, Richard Ferrand s'est démarqué de toutes les déclarations lyriques de ses confrères au « monument de la chanson française » pour indiquer, selon la culture macronienne en vigueur non discriminatoire et donc universaliste - et pas vulgairement gauloise - que le petit arménien qui avait réussi en France était un homme qui incarnait « talentueusement l'appartenance à plusieurs cultures ». Il y a tant de futurs Mozart parmi les migrants, comme le répète LO, qu'il pourrait bien y avoir, qui sait, plein de nouveaux Aznavour pour nous chanter que la misère est moins dure au soleil et que le but d'une vie réussie est de rouler en Rolls Royce.
On est déjà en pleine campagne électorale dans la durée qui voit s'opposer déjà deux forces monumentales : le macronisme antiraciste labellisé discriminant positif et un Rassemblement National raciste jeté aux chiens d'électeurs telle une viande pourrie. Le choix est désormais clair pour les électeurs gaulois de souche et maghrébins d'adoption. Racisés de tous les pays unissez-vous pour reconduire la bande soutiers et godillots du macronisme au-delà des siècles..
Le roi Ubu de l'Elysée qui n'adore tant que jouer à Johnny au milieu de ses fans dans la rue et poser avec des cailleras pétulants de doigts d'honneur, a écrit la partition de la nouvelle politique qu'il peut dicter à la province européenne sans s'inquiéter outre mesure d'éventuelles oppositions réduites à lanterner dans une figuration honteuse.

Synopsis de la troisième partie, (j'ai dû rater la première) :
« En 1954, dans une France en pleine reconstruction, des immigrés arrivent pour redresser le pays : des Italiens en Lorraine, mais aussi des Espagnols et des Algériens dont certains vivent dans des bidonvilles. Le père de Zinédine Zidane dort en plein hiver sur un chantier près du futur Stade de France où son fils gagnera 44 ans plus tard la Coupe du monde de football avec les Bleus. L'ascenseur social fonctionne dans l'école de la République et des enfants d'immigrés se retrouvent en haut de l'affiche : Aznavour, Ventura, Montand, Jazy, Kopa, Goscinny et Uderzo... »
« Ce troisième volet explique bien les différences de traitement selon le pays d'origine des immigrés et l'intégration qui fonctionnait bien. Alors que les Italiens, les Espagnols ou les Portugais sont relativement bien acceptés, les Algériens sont catalogués comme des terroristes et une centaine d'entre eux ont été tués lors d'une manifestation à Paris le 17 octobre 1961. Un grand massacre occulté pendant près de 30 ans.
En deuxième partie de soirée on annonce : « Synopsis
« Des enfants d'immigrés, célèbres ou anonymes, racontent leur enfance en France. Dans les années 2000, notre pays possède une population venant de plus de cent pays mais il est tiraillé entre désir d'unité et repli. Au milieu des années 1970, la crise fait basculer la vie de nombreux Français. L'arrivée des étrangers est stoppée. Des pressions sont exercées sur les immigrés installés en France et une prime au retour est proposée. En 1981, l'arrivée de la gauche au pouvoir change la donne. C'est la fin des retours forcés et 140 000 clandestins obtiennent leurs papiers ».
Ce sera émouvant nul doute : « Un dernier volet très émouvant avec des témoignages forts de Ramzy Bedia, Amel Bent, Camélia Jordana qui sont nés en France mais ont été confrontés au racisme. L'acteur Frédéric Chau, dont les parents ont fui le génocide au Cambodge, rappelle qu'il a fallu que les banlieues s'embrassent en 2005 pour avoir une prise de conscience salutaire ».

LA BONNE CONSCIENCE MULTICULTURALISTE SE PARE DE LA CHARITE CHRETIENNE

1Cette nouvelle série se penche sur l'après guerre de la façon la plus mensongère qui soit : rien pour nous expliquer l'état de misère de la classe ouvrière au sortir de la guerre et comme prélude aux exigences de la reconstruction, mais exhibition de la saga de l'abbé Pierre, mais revendication d'une soupe chaude pour les pauvres à la rue où la voix off du célèbre acteur franco-algérien ajoute que c'est pour les deux tiers d'algériens à la rue. Le
synopsis développé introduit, comme par hasard, le père d'un héros national de 98, monsieur Zidane père qui écrit dans ses mémoires que « plus personne ne devait dormir dehors ». La larme nous vient à l'oeil, la misère de l'immédiat après guerre est ainsi immédiatement instrumentalisée pour seule misère des immigrés dont le père du Mozart du football cinquante ans plus tard... Les « histoires » de la propagande multiculturaliste s'apprêtent à nous coller partout de Marseille à Vaux en Velin une histoire inventée de bric et de broc de « 20 années qui ont révolutionné la France », gommant par la même occasion les exigences cyniques de la reconstruction nationale et la surexploitation de la classe ouvrière autant française qu'immigrée ! On saute bien vite dans l'imagerie des bidonvilles (fifties et seventies) avec des films tournés maladroitement mais qui montrent cette ambiance si chaude et si folklorique « chez les pauvres », car il n'est question que de pauvres ouvriers séparés des prolétaires français invisibles, et qu'on suppose confortablement installés... La classe ouvrière comme totalité indifférenciée de prolétaires de tous pays et surtout d'ouvriers français, qui font grève, qui « reconstruisent » sur les ruines de la guerre capitaliste est absente de la saga antiraciste recomposée et inventée hors des circonstances précises.
Des commentaires affligeants alternent avec des images fort touchantes des « milieux pauvres » : « Comme en 1870 et en 1918, les immigrés arrivent pour redresser le pays ». Tiens donc ! Super ! Mais pourquoi ne nous rappelle-t-on pas que c'est parce que la classe ouvrière (française) a été exterminée en 1871 à Paris et plus encore, comme tant d'autres classes ouvrières en 14-18 ?
Les immigrés sont ainsi exhibés comme sauveurs de « la nation » bourgeoise mais pas membres d'une classe internationaliste.
On saute ensuite à l'époque des indépendances, version scénario France 2 : « Les colonisés rapidement veulent leur indépendance. L'Etat français ne mesure pas ce mouvement de décolonisation qui commence ». C'est de la foutaise trotskiste de première main, ce sont les anciens caïds gauchistes devenus journalistes ou intellectuels d'Etat comme B. Stora qui nous barbotent ces scénarios qui passent sous silence que la majorité des populations colonisées ont plus souffert de ces dites guerres de libération nationale au profit de dictateurs girouettes d'un des deux blocs de l'époque.
Les blancs qui se succèdent entre chaque séquence victimisent (pour les ignorants des cités HLM qu'il faut historiciser à la mode multiculturaliste et confusionniste) les algériens en général : « les algériens sont étiquetés comme terroristes » (clin d'oeil à l'actuel étiquetage islamisant?), mais certains l'étaient en effet et ne terrorisaient pas seulement les civils français mais aussi la population en Algérie. Et voilà les algériens de France embrigadés par un trotskiste de l'ombre télévisuelle en partisans : « Pour les 230.000 algériens en France, comment ne pas s'engager pour l'indépendance ? ». Ben voyons, surtout avec les menaces des séides du FLN, alors que la plupart venaient pour échapper à la misère là-bas. Introduction au mensonge suivant, sous le témoignage inconnu et anecdotique du père Zidane (une référence en histoire) : « le massacre a été occulté pendant plus de 30 ans » ! Le pitre Ramzy Bédia est convoqué pour en rajouter une louche à l'encontre de l'histoire « gauloise » : « j'en sais plus sur le roi Clovis que sur la guerre d'Algérie ». Faux et archi-faux, même le principal historien du massacre à Paris en octobre 1961 a démontré que la plupart des manifestants avaient été réquisitionné revolver dans le dos par les activistes FLN pour venir obligatoirement se jeter dans la gueule des flics de Papon. La provocation était typique des plus puantes idéologies nationalistes : faire défiler des victimes offertes dans un pays en guerre avec leurs soit disant représentants politiques bourgeois en gestation mais eux planqués dans la clandestinité.
Cette version aménagée, glorifiant les futurs dictateurs militaro-staliniens, succède au silence des professeurs de l'époque, mais vise à mythifier les spectateurs, en famille, des banlieues « ghettoïsées » qui y verront une confirmation de l'injustice... raciste française colonialiste et tout et tout.
Commentaire suivant qui découlent de la victimisation précédente : « tout cela va marquer les générations à venir », en tout cas abrutir un peu plus dans la fable communautariste ceux qui regardent et entendent pareilles âneries sur la « chaîne » d'Etat antiraciste. Les algériens ne deviennent-ils pas ainsi après le prolétariat et les juifs les ennemis de l'intérieur : « Les algériens ne sont pas les bienvenus, ils incarnent toujours les ennemis de l'intérieur ». Les arabes d'origine et de souche HLM se redressent face à une telle décoration. Ne sont-ils pas par le simple bla-bla dun acteur de cinéma maghrébin immortalisés comme les vrais supplétifs du prolétariat disparu en Russie soviétique et en 39-45 ? Une race qui dépossède la classe universelle de son aspect « ennemi intérieur » ? Voilà qui fait penser aux théories nationalo-staliniennes des trotskistes guévaristes qui misèrent tant et si bien sur les révolutions coloniales par dépit de la banqueroute de la perspective de révolution prolétarienne, qu'ils finirent dans les cabinets ministériels de la gauche bourgeoise.

La séquence suivante est portugophile. Mais ceux-là sont plutôt bien accueillis surtout chez Michelin à Clermont. Ils sont 700.000 à échapper à Salazar (pensez donc un peu : « de nos jours 26 migrants dans un bateau gauchiste et c'est l'hystérie des masses racistes! »). Et à fuir la guerre (libératrice?) en Angola comme en témoigne le comique Luis Rego. Années 1970 on est en plein boom économique « de l'Europe » (sic) ce qui attire les immigrés du sud vers la France. On n'insiste pas trop sur la surexploitation mais la voix off de l'acteur donne satisfecit à l'école républicaine de la France, en Espagne sous Franco elle était payante et cornaquée par les curés (il faut quand même faire des concessions aux autochtones racistes). L'école c'est l'espoir, presque celui, gaulliste, de Malraux. Elle réalise le « miracle de l'intégration ». regardez nos héros d'alors, les polacks Jazy et Kopa !
Peut-on pousser le bouchon multiculturaliste hors classes ? Mai 68, mais oui : « les étrangers vont faire trembler l'Etat ! ». Ah bon. Va-t-on frôler l'antisémitisme primaire et nous refiler le petit rouquin de Nanterre ? Non cette menace qui fît trembler De Gaulle c'est un obscur Tewfik Allal, permanent du comité d'occupation de la triste Sorbonne ! Mince comme menace ! Alors confortons-là par le satisfecit de l'ex-trotskien pied noir Stora, proposé présidentiel à la mémoire meurtrie : « avant on avait une difficulté à se faire admettre. En 68 il y avait toutes ces multiplicités d'appartenance » ! Mai 68 a donc été le bassin nuptial du multiculturalisme ! J'en suis ébahi. On ajoute quelques précisions pour atténuer la grossièreté du mensonge : « la plupart des immigrés restaient à l'écart des bagarres de rue face au risque d'expulsion immédiate ». C'est possible que les lanceurs de pavés n'ont été en majorité que des petits bourgeois mais franchement, même pour ceux qui ne l'ont pas vécu, il suffit de revoir les actualités de l'époque mais dans les masses d'ouvriers en grève en AG, qui rient et qui écoutent la radio, on voit quoi ? Plein d'ouvriers arabes, noirs et français !
La saga révisionniste impose, malgré cet événement qui se fiche des racistes, des antiracistes et des colonies libérées, que la voix off liquide encore et toujours la spécificité de classe des ouvriers immigrés en général : « Neuf millions de travailleurs en grève et les immigrés parmi eux mais il faudra attendre deux ans pour qu'ils puissent revendiquer leurs revendications à eux »... au cours de la grève à Pennaroya. Pourtant la spécificité antiraciste, certes agitée par les maoïstes, n'est pas première dans cette longue grève isolée, et la voix off doit convenir que, surtout : « pour la première fois on n'exhibe plus des 'malheureux' algériens mais des frères d'armes des ouvriers français » !
Allez abandonnons le ringard mouvement ouvrier, si peu éveillé à l'antiracisme, et célébrons le grand antiraciste Pompidou qui, enfin, en 1972, fait voter la première loi contre le racisme2.
Il y a des rebondissements dans toutes les sagas inventées, pour tenir bien sûr en haleine le spectateur (surtout maghrébin et électeur des grouillots d'En Marche), Au milieu des années 1970, on assiste à une série de meurtres crapuleux de pauvres immigrés par des résidus du colonialisme déchu. Giscard compatit à visiter un bidonville et à jouer au foot avec des ouvriers. La terrible extrême droite est pointée du doigt plus que des explications sur l'affolement et les manœuvres criminelles même à partir des plus hautes sphères de l'Etat face aux conséquences de la première grande crise économique de l'après guerre.

La deuxième partie de l'émission de la fable d'un antiracisme a-historique et substitutif d'une classe ouvrière en consommation avancée, n'a pas pour but de provoquer la moindre réflexion politique critique mais, dépossession oblige, commence par exalter le foot prolétarien de Saint Etienne, les « Verts » ne sont composés que de ritals et de types plus ou moins mélangés Afrique du Nord, allez disons-le tout cru : « ces générations qui inventent la France d'aujourd'hui, Notre France ». Le ton pathétique est quasi gaullien à cet instant plus que macronien. Une telle emphase pourrait mettre du baume au cœur de Napoléon IV voyant son ministre de l'intérieur, vulgaire baronnet provincial, déserter son gouvernement de godillots comme une colombe de mauvais présage.
L'increvable Giscard, qui aura survécu à Aznavour, officie au regroupement familial et bénit les hautes tours en béton qui vont donner naissance 40 ans plus tard au Rap. Paf la crise de 1975 ne vient pas seulement vérifier les prévisions de Bordiga, mais fini « Manufrance », fini le plein emploi : Giscard stoppe les arrivées des ouvriers étrangers. Nouveau rebondissement de la saga, la même année, mais pas pour les arabes, on rouvre les frontières aux « victimes du communisme » au Cambodge et au Vietnam : « 130.000 réfugiés sont accueillis » (hein ! Ça vous fait rien ce généreux accueil aux dits « boat-people » quand de nos jours les bateaux humanitaires des gauchistes allemands sont systématiquement refoulés!). Aucune explication sur la stratégie d'accueil de ces « immigrants » forcés par les capitalistes occidentaux dans leur bras de fer avec le « bloc communiste » encore soutenu par les trotskistes mais pas pas les maoïstes qui, eux, soutenaient les massacreurs « marxistes » du Cambodge.
Dépitée la voix off de Roschdy Zem gémit : « Les envahisseurs sans papiers (dixit arabes et noirs eux) sont condamnés au travail au noir ». « Comme dans les années 30, pas de renouvellement des cartes de séjour pour les indésirables ».
Merveilleux rebondissement de la saga en l'an 81 : victoire de la saint gauche bourgeoise résolument contre le rejet, quoique en paroles, des étrangers. On ose nous ressortir les plus consternantes avancées d'époque, la multiplication des radios « libres » : radio caraïbes et ses musiques colorées, radio corsaire, radio cocotier... Dans ce monde bienheureux le mauvais vent raciste se met soudain à souffler à nouveau, quoique orchestré par le prince Mitterrand (mais cela il vaut mieux éviter d'en ternir la saga antiraciste). Extrait du discours xénophobe de la bande du borgne breton. En 1983, il y a encore un meurtre raciste mais, heureusement, par suite à l'impressionnante marche des beurs pour l'égalité des chances, le parlement vote à l'unanimité la carte de séjour valable pour dix années. Le chanteur Renaud en est tout ébaubi. Gros plans sur les manifs et celles et ceux qui marchèrent en tête, puis toujours cette voix grave en off : « Ils renouvellent la France.
Nouvelle dépression en 1984 : le tournant de la rigueur par la gauche antiraciste. Deux millions de chômeurs et le sang qui coule entre ouvriers immigrés à l'usine Talbot. Les licenciements massifs sont devenus inévitables dans l'automobile face à la concurrence allemande. Commentaire off : « Le gouvernement dénonce des grévistes immigrés manipulés par des groupes religieux. L'islam est pointé du doigt. La gauche se rallie aux thèses de la droite. Le ministre de l'Intérieur, Gaston Deferre parle de « guerre sainte ». Le pigiste de la télé de l'ombre n'a fait que reprendre le contenu d'un article de Libération3. Vérification faite, ce n'est pas aussi simple que le restitue ce journal ou plutôt c'est la même utilisation ethniciste qui sert aux antiracistes aclassistes aujourd'hui pour limiter les problèmes aux seuls immigrés « musulmans » devenus les grands remplaçants d'une classe ouvrière multicouleurs mais rayée de l'histoire, et victimisés systématiquement au nom d'un antiracisme éternel et seule alternative morale aux humiliations effectives. Si le ministre Auroux développe la thématique des grévistes noyautés par les intégristes, ce n'est pas faux concernant la revendication de salles de prière en entreprise4, chose que nous les militants maximalistes ne voyons pas à l'époque (je suis intervenu à Aulnay). La grève malheureuse et tristement médiatisée révèle déjà un entre soi religieux des travailleurs arabes et qui fait tâche à l'époque même de la réaction chiite triomphante en Iran.
Indépendamment de la montée effective de revendications parcellaires – qui divisent de fait ouvriers français et immigrés (majoritaires dans ces bagnes industriels) et religieuses, notre commentateur musclé oublie de nous rappeler que ces prurits particularistes réapparaissent à chaque cycle de la crise, à chaque replongée vers le chômage de masse. Les gouvernements (bourgeois) successifs ne font que se servir à pleines mains des divisions qui existent dans la classe ouvrière où à chaque échec se manifeste les diverses formes de repli sur soi, de type religieux communautaristes chez les anciens colonisés et ce sentiment d'abandon et de mépris pour les ouvriers blancs de souche si on peut dire. La fameuse phrase de Rocard, si pertinente pourtant, su l'accueil de toute la misère du monde, n'est évoquée que comme si elle n'avait été que du Mauroy ou du Pasqua pur.

LA GENETIQUE DE LA FRANCE VIENT DES CITES...

L'idéologie antiraciste utopique refait surface dans toute sa platitude nationale-républicaine : « Etre français reste difficile pour les descendants d'immigrés » ! Mais il ne nous est pas dit à qui la faute et dans quel système on se trouve. L'idéologie big brother immigré hausse le ton sur l'infamante « intégration » avec le comique Ramzy, dont certes le père a été humilié par la police, contre le vieux Michel Debré. On nous ressort le Chirac et « les odeurs » qui, en effet, « désintègre » au lieu d'apaiser. L'Etat n'y va pas dans un premier temps en effet avec le dos de la cuillère : le droit du sol est supprimé en 1993, la ghettoïsation se développe dans « leurs » territoires, ils sont « parqués », mais on passe vite sur le fait que dans les années 1990 la rareté du travail croît comme jamais. On rase bien sûr les tours à misère, quoiqu'elles furent longtemps bien considérées après la vie en bidonvilles. La répression persiste à être la solution : « jeunes noirs et arabes sont contrôlés six fois plus que les autres ». Echec complet de l'intégration ou plutôt de la pacification sociale à coups de matraques : de 1990 à 1998, explosions des cités. C'est aussi, comme évitent de le dire la voix off, une grosse partie de la classe ouvrière qui est humiliée.
Pour endormir encore dans les chaumières HLM le parolier big brother musulman va butiner d'un sujet à l'autre. On sautille donc de l'apparition du Rap à l'action solidaire des bobos du milieu du cinéma lors de l'épisode de l'Eglise Saint Bernard où d'ailleurs l'Etat se ridiculise. On saute immédiatement au stade de France de 1998 pour l'événement chauvin antiraciste fondateur de la génération BBB. Triomphante l'idéologie révisionniste après avoir rappelé tête par tête l'origine des bleus, assène un argument tout à fait scientifique : « la génétique de la France vient des cités » ; quel est le pigiste qui a trouvé un truisme pareil ? La grande substitution de la classe ouvrière par les anciens colonisés serait trop grossière si on donnait la parole à un ayatollah syndical d''époque aussi on trouve son avocat du grand remplacement chauvin antiraciste chez l'ancien russe arménien Youri Djorkaeff qui vient figurer le stade suprême « l'immigré champion du monde »... et des couleurs de la France !
Le foot chauvin n'aura pourtant pas abusé longtemps, il n'y a toujours pas les bases éducatives et l'ascenseur social n'est toujours pas réparé par le concierge.
Nouveau tremblement de terre en 2002 où Hitler, pardon Le Pen, a pointé son nez menaçant. Ouf le président des odeurs a sauvé les immigrés d'une nouvelle déportation de masse. Là notre voix off ne se sent plus pisser et la tautologie suivante relève presque de la communion sacrée : « La question des origines est devenue centrale dans l'origine des problèmes ». Certes mais la droite au pouvoir persiste à montrer les muscles ; Sarko insulte les racailles, ce qui est déplorable pour les familles en fauteuil simili noir devant l'émission antiraciste, car elles, elles les « comprennent ». On évoque au passage deux faux saints d'un drame à Clichy, l'électrocution des tout jeunes Zyed et Bouna en tentant d'échapper à la police ; on évite de nous rappeler que fût érigé le premier monument à la bêtise antiraciste et à l'hostilité primaire à la police. Mais si en 2005 les banlieues s'embrasent à nouveau, quoique cet embrassement soit certainement dû au mépris social qui autorise le chômage généralisé qu'à de prétendues exactions policières, qui permettent aux professionnels du gauchisme de prétendre pouvoir encadrer les fils de prolétaires des banlieues spoliées. L'aboutissement de l'Etat d'urgence – Etat affolé – est bien connu : promotion de Rachida Dati comme ministre, tapis rouge à la bande de comique de Trappes avec Djamel qui s'affichera comme un fervent soutient de Hollande plus tard et comme proche ami du roi du Maroc, ce commandeur des croyants. L'idéologie big brother musulman a trouvé un excellent refaiseur d'histoire en la personne du célèbre rappeur Disiz la peste, haineux littéraire de salon et soutien de Ségolène Royal. Re-images enchanteresses des descendants des bleus en foot chauvin : « On peut être français et garder ses origines », ce qui peut se traduire par : on peut garder ses origines et ne pas se considérer comme français. Le final de big brother multiculturel, surtout en football, est dithyrambique pour ne pas dire musclé : « Nos forces sont infinies (…) les frontières se sont éloignées mais pour la plupart des migrants ils doivent encore chercher à se sauver de la guerre et de la misère ». Nul procès du capitalisme dans ce bon sentiment du très démocratique Big brother ni considération pour l'ensemble du prolétariat, mais exaltation du creuset national « renforcé » : « Ces arrivées ont donné naissance déjà à vingt millions de français et ils font notre histoire ». Ce qui est merveilleux pour jeter à la poubelle tous nos grands historiens et conchier notre conscience de classe et l'ignominie du révisionnisme antiraciste, si chauvin, cela dit sans fair-play footbalistique5.

DECOMPOSITION FRANCAISE ?6

Je me fiche, contrairement à Malika Sorel-Sutter, que les élites bourgeoises se moquent royalement de la France comme catégorie historique, et des prolétaires en général, mais cette ancienne membre du HCI (Haut Conseil à l'intégration) dit nombre de vérités gênantes sur le virage vers les falsifications antiracistes et apolitiques : « La société française a préféré retenir d'elle-même une histoire fausse7, à savoir que l'intégration des migrants intra-européens a fini par se faire pour la majorité d'entre eux. (…) Il y a aujourd'hui une croyance répandue que l'émigration est facile, que l'on peut déplacer les personnes sans dommage, que l'on peut vivre indépendamment partout, pour peu que le bien-être matériel soit au rendez-vous. C'est oublier une réalité humaine : l'exil, c'est souvent un exil au mieux choisi à contrecoeur, et cette nostalgie du pays, et de ceux qu'on a laissé derrière soi, est transmise aux descendants ». Quoique les multiples noyades en Méditerranée démente désormais complètement toute facilité d'émigration quand les professionnels « humanitaires » - c'est surtout leur gagne pain – taisent aux désespérés ce qui les attend en Europe8. La dame du HCI est bien placée pour révéler l'hypocrisie de Big brother antiraciste avec ses bras ouverts sans compter les dégâts : « Aujourd'hui encore, malgré la crise, malgré le chômage, malgré la dégradation de la situation pour une part croissante des français, malgré un vivre-ensemble qui se révèle de plus en plus chaotique, l'immigration demeure un angle mort. Il est interdit d'évoquer une quelconque incidence possible de l'immigration sur, entre autres, les comptes de l'Etat ou les chiffres du chômage (…) et comme s'il ne pouvait y avoir de conséquence à faire entrer ou à laisser entrer un flot de migrants (…) qui plus est porteurs d'un modèle culturel de société radicalement différent  ».
« La victoire de l'équipe de France au Mondial de foot en 1998, a constitué un grand malheur pour le peuple français. Elle a en effet donné à nos élites, de manière générale la possibilité de répandre le mythe d'une « nation arc-en-ciel », à la française, fraternelle et pacifiée (…) Une illusion ». Dugarry a révélé qu'au soir du sacre, le futur monsieur bons offices de l'antiracisme, Lilian Thuram convoque ses potes de couleur dans les vestiaires : « Allez les blacks, venez, on va faire une photo tous ensemble ! ». L'auteure démontre aussi la fumisterie du CRAN car « au fil du temps, nos élites politiques se sont mises à s'adresser avec une insistance croissante à des « communautés ». Elle raconte très bien comment la gauche bourgeoise dès 1980 a été innovatrice pour l'ensemble de la classe dominante en inventant l'idéologie antiraciste « républicaine », comment le PS a ridiculisé un Marchais qui n'était pas raciste mais lucide face à la venue d'une immigration massive. Ont suivi la création de SOS racisme qui a formaté toute une génération de bobos et de politiciens recalés du gauchisme ; sans oublier l'intronisation habile du Front national par Mitterrand Ier9.
Comment ne pas convenir de cette évidence : « L'idéologie de l'antiracisme a servi à imposer l'esprit de repentance ». Et quelle superbe coïncidence que cette idéologie ait été le fruit de l'accouplement d'un des principaux ministres de la colonisation et des gauchistes tiers-mondistes parvenus. La dépossession de classe est bien et cyniquement analysé par une ancienne idole à gauchistes, Régis Debray : « Le grand mythe de substitution pour les socialistes des années 1980, ça a été l'Europe (…) Et c'est vrai que l'antiracisme a été comme un supplément d'âme, un petit parfum moral qui était dans l'air du temps, qui était facile et qui était très médiatique » (p.88). En effet de plus : « le gauchisme culturel s'est infiltré partout ». La novlangue aussi : mesure de la diversité au lieu d'origine ethnique, discrimination positive au lieu de traitement inégalitaire, diversités au lieu de classes sociales,
Quand le révisionnisme devient négationnisme, en chasse au vote maghrébin et musulman, cela donne ceci : « La France n'est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c'est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n'y a pas de français de souche, il n'y a qu'une France de métissage »10.
Comme nous l'a rappelé l'émission décrite plus haut, les mots intégration et assimilation ont été très vite diabolisés. Syndicalistes et marxistes se contentant eux de recourir à la planche de salut classique : intégration oui mais à la classe ouvrière, pas à la nation. Quoique les deux intégrations opposées ne semblent plus fonctionner de la même manière... : « De glissement en glissement, le processus d'intégration, dans lequel l'école de la République jouait un rôle de premier plan aux côtés des français eux-mêmes, a été amputé de la dimension culturelle pour déboucher sur une intégration qui se réduit à une simple insertion économique » (p.114). « Qu'à cela ne tienne, nos élites en ont déduit que cela ne pouvait qu'être imputable aux français de souche, racistes par essence et discriminateurs, et pratiquant l'exclusion du monde de l'emploi ». Ségolène Royal a formé politiquement Emmanuel Macron au fait que faire partie de la « diversité » est désormais un avantage : « Deux mouvements se conjuguent : l'un consiste à glorifier tout ce qui n'est pas français, l'autre à dénigrer ou à mépriser tout ce qui l'est ».

L'IMMIGRATION DE MASSE ET SES AVATARS

Malgré le conditionnement à une nouvelle version de l'histoire « multiculturelle » et « diversifiée » hors de toute problématique de l'existence de classes sociales antagonistes, l'accueil « humanitaire » prôné par toutes les dames patronnesses de l'élite et du gauchisme ne passe pas même chez les derniers arrivés de la classe ouvrière mondiale. L'argument selon laquelle la France accueille peu en nombre comparée à d'autres pays européens est fallacieux tant en réalité les grandes concentrations comme Paris sont littéralement débordées et pas la lozère. Je déambule depuis plus de cinquante années dans les rues de Paris et je n'ai jamais vu autant de miséreux, de toute origine (y compris français et française), affalés tous les dix mètres sur les trottoirs de certains quartiers où se restaurent en abondance bourgeois et bobos ; ou à proximité des poubelles des superettes. C'est l'Europe bourgeoise qui permet l'engendrement crapuleux de flux migratoires incontrôlables parce que incontrôlés de plus en plus. C'est en effet le laxisme face au sauve qui peut, économique mais surtout identitaire. Quand on ne croit plus en rien ni au socialisme ni au capitalisme, il reste toujours le retour en arrière avec la dissonance identitaire, qui génère confusion et impuissance et permet de perpétuer l'ordre bourgeois dans une décomposition générale qui n'est pas que française.
On ne peut pas épiloguer plus longuement ici sur le clientélisme religieux et le business de la mémoire de toutes les factions bourgeoise, y compris l'ex FN. Mais on ne peut pas oublier la facétie de cet organisme à réviser en conclave pour la gauche bourgeoise, le cercle Terra Nova et ses inventions qui surfent sur « le déclin de la classe ouvrière » et que nous rappelle l'auteure. Le rapport « La grande Nation pour une société inclusive » totalement farfelue et immigrationniste aveugle, a suscité de telles indignations qu'il a été remis dans les tiroirs du sieur Hollande. Ce rapport hors sol de crâne d'oeuf de la gauche élitaire bourgeoise imprègne pourtant l'ensemble de la classe dominante dans sa volonté de dépossession totale de la classe ouvrière, mais en « distribuant la nationalité » comme une faveur et en dénigrant ou rejetant tout apport culturel à l'humanité de la France, tant au plan historique qu'au plan de l'expérience de lutte de classe : « C'est ainsi que le rapport recommande à la France d' « assumer la dimension « arabe-orientale » de son identité et c'est en toute logique qu'est également préconisé de « valoriser l'enseignement de l'arabe » et de « proposer l'enseignement dès le collège d'une langue africaine » (p.282).11 C'est à peu près ce que Macron est en train d'essayer tout en gardant le latin et l'allemand pour les beaux quartiers, comme on va le voir via les sociologues.

RACISME OUVRIER OU MEPRIS DE CLASSE ?

La place prise par l'antiracisme et une montée incontestable de ce ce que préfère nommer ostracisme nous imposait d'analyser le phénomène, comme à sa manière le premier des sociologues marxistes, et le nôtre surtout, Friedrich Engels le fît au début de l'affirmation de la classe ouvrière (The condition of the working class), chose qu'aucun groupe maximaliste s'est avéré capable d'effectuer sauf à singer et écarter le problème, au même niveau que les gauchistes, en invoquant un internationalisme abstrait ou éternel. Dans la compil des frères Fassin, spécialistes de l'antiracisme et de l'anti-antiracisme, c'est certainement la contribution de Béaud et Pialoux qui s'avère la plus intéressante du point de vue de notre recherche d'actualiser les conditions nouvelles, contrariantes et aliénantes, qui conditionnent de la situation de la classe, voire mettent à mal un internationalisme supposé automatique et invariant12. Ils annoncent avoir abordé avec prudence l' « ethnicisation des relations sociales » ou la « racialisation des rapports sociaux ». Sage précaution d'honnêtes sociologues (il y en a) d'autant que dès le milieu des années 1980 (triomphe de l'antiracisme mitterrandien) il n'était plus de mode d'étudié la « classe ouvrière » du fait de la « marginalisation d'un marxisme discrédité par la faillite des pays de l'Est et le retour en force des idées libérales ». Ils avaient été travailler dans le bastion ouvrier de Sochaux-Montbéliard pour éprouver des hypothèses de travail sur la condition ouvrière aujourd'hui : « sans idée romantique sur la « classe », mais en restant fidèle à une histoire collective qui avait joué un grand rôle dans la transformation de la société française ». Il leur fallait donc étudier « L'affaiblissement du groupe ouvrier et l'émergence de tensions « raciales » à l'usine et à l'extérieur ». Ils voient d'abord, dans leur langage pro, une destructuration de cette classe sous l'impact des fermetures d'usines, une déstabilisation des identités, elle même liée à la perte de confiance aux partis politique de la gauche bourgeoise, et une « perte de centralité » de la question ouvrière dans la société française. Leur notion d'affaiblissement du groupe ouvrier ne recoupe évidemment pas notre analyse maximaliste et politique de repli de la classe à la suite d'une longue série d'échecs, mais pas seulement au niveau national. Ils rappellent que le cadre des usines dans les années 1970 était un espace de socialisation et de fraternité entre travailleurs de toute origine malgré la traditionnelle concurrence au travail en temps normal (hors grève). Mais il se produit ce qu'ils nomment un « vieillissement social » (?) où, déjà bien avant la sale grève de Talbot, dans la concurrence aggravée par la crise : « On a vu certains de ces vieux immigrés « contre-attaquer », se défendre ou se tourner vers la religion, demander par exemple une mosquée ». Ce qui, notons-le, relevait du même principe des trente glorieuses en milieu ouvrier : toujours plus, toujours ça de pris au capitalisme ! Mais pas encore du retour à l'identité musulmane comme actuellement. La dégradation se produit cependant surtout hors de l'usine : « C'est donc surtout hors de l'usine, dans les cités, que les distances entre français et immigrés s'accusent : c'est là que les immigrés, pris en bloc et ethnicisés, deviennent le danger (…) la surreprésentation d'enfants d'immigrés dans les principaux quartiers d'habitat HLMde la région alimente les conflits entre « français » et « immigrés » autour des modes d'éducation des enfants et adolescents : le laisser-aller éducatif attribué aux familles nombreuses immigrées est condamné par ceux-là mêmes (ouvriers français) qui ont adopté récemment une certaine forme de rigorisme pour assurer une bonne scolarisation à leurs enfants ». (cf. la très grande liberté accordée aux garçons des familles immigrés...). Il s'ensuit une vision simpliste binaire de la société française, où l'on parle désormais de « fracture sociale », pas encore de fracture raciale, où rivalisent déjà des enjeux de mémoire, une ségrégation spatiale et l'apparition d' « entrepreneurs d'identité » !
Nos deux sociologues eux ont les pieds sur terre et ne se focalisant pas sur la race, détaillent les premières causes comme liées à une désormais faible socialisation du travail et par conséquent à un voile posé sur la conscience de classe : « … aujourd'hui, l'entrée dans le monde du travail d'exécution est éminemment plus difficile et compliquée qu'hier parce que la précarité est le lot commun des jeunes salariés pas ou peu qualifiés, mais aussi parce que, sur le plan sociodémographique, les jeunes générations affrontent au travail des collectifs de travail soudés par une même expérience générationnelle et souvent assez ignorants des codes de conduite de ces jeunes de cité qui arrivent en bloc et qui font peur. D'où un conflit larvé entre les uns et les autres dans les ateliers ». « En ce qui concerne la religion, la manière ostensible de montrer leur appartenance religieuse (habits, petite barbe, prière régulière) ne pouvait pas ne pas irriter de vieux OS qui adhèrent pour la plupart à un mode de comportement qui relègue la religion dans la sphère privée de leur existence, tandis que les OS plus militants sont furieux de voir entrer dans l'usine ces questions de religion ». Ces jeunes ne veulent plus « courber l'échine » et rabâchent « le sacrifice de leurs parents », ce qui ne les incite pas pour autant à devenir révolutionnaires et marxistes.
Nos deux sociologues refusent d'admettre en soi cette idée de racisme ouvrier et insiste sur le fait que leur enquête ethnographique repose sur la contextualisation des propos et des situations », ce qui est en soi fort justement marxiste, contrairement aux leçons de morale des gauchistes bourgeois. Ils consacrent d'ailleurs deux pages à se démarquer du filou Plenel qui a détourné leurs études précédentes (Plenel n'a jamais mis les pieds dans une usine) au profit de mantra antiraciste immigrationniste, l'un des inventeurs « d'un oxymore chic et séduisant ». Ce concept de « gaucho-lepénisme » notamment : « pseudo concept souffrant d'une absence de validation empirique, notion portant en elle, d'une manière quasi substantielle, comme un véritable mépris de classe » :
« Certes, nous avons trouvé des ouvriers qui avaient voté communiste et qui se sont mis par moments, selon le contexte, à voter FN, mais très peu de militants de gauche qui soient passés durablement de l'autre côté : il était même frappant de constater que dans les quartiers ouvriers de la région enquêtée, personne ne pouvait nous donner de noms de militants ouvriers encartés au FN, les éligibles du FN se recrutant du côté des indépendants (patrons, gros commerçants), des professions libérales (médecins notamment) ou des étudiants (…) ce que, en revanche, nous avons rencontré en grand nombre, ce sont des ouvriers pas toujours très fiers, parfois honteux, d'avoir voté FN à telle ou telle occasion ».
« Ce mépris de classe a une histoire : il s'enracine dans une sorte d'incapacité des « élites » à comprendre ce que vivent « réellement » (la « mal-vie »...) les ouvriers et les employés en voie de prolétarisation (…) les classes populaires sont largement devenues « invisibles ». A force de ne pas les voir dans l'espace public, on s'expose à parler d'elles sans les connaître, en les identifiant à travers des préjugés sociaux, bref on risque de renouer avec un « racisme de classe ».
Bien sûr il a toujours existé des conduites « racistes » dans l'ancienne classe ouvrière mais toujours secondaires dans « le souvenir du partage d'une même condition sociale faite d' « exploitation au travail », du sentiment collectif d'un destin de classe, d'une nécessité de « défendre » les mêmes droits en tant que travailleurs ».
« C'est ce « moralisme » écrasant une réalité complexe, qui exaspère les ouvriers/employés concernés et alimente les attitudes anti-intellectuelles : le jugement moral, proféré d'en haut, peut aussi être interprété comme le comble de pharisaïsme par ceux qui sont touchés le plus durement par la précarisation sociale. Il ne faut pas oublier qu'un des privilèges des classes supérieures est de pouvoir toujours « se débrouiller » , notamment par la mise en place de stratégies résidentielles et scolaires, pour se mettre à l'abri des formes les plus dures de violence sociale ».
« Pour le dire vite, l'analyse en soi d'un « racisme ouvrier » n'a ps grand sens parce qu'elle procède, fondamentalement, par abstraction des conditions sociales d'existence du groupe ouvrier ».
« On peut dire de manière schématique que dans les régions (post) industrielles à forte tradition d'immigration, la population ouvrière est de plus en plus différenciée selon des critères raciaux ».
« ...l'identification raciale venant en quelque sorte compenser, par les dividendes symboliques qu'elle autorise, la forte dévalorisation que connaît l'identité sociale ouvrière ».
La racialisation des couches de la classe ouvrière est « organisée », et même planifiée... pas d'alternative ? Si :
« … selon les phases historique du mouvement social, cette logique de racialisation peut être combattue ou débordée par des logiques de solidarisation en acte des membres des classes populaires, que ce soit au travail ou à l'occasion d'autres luttes extérieures à la sphère du travail. Il était, par exemple, frappant d'observer que les luttes contre les fermetures d'usines au cours de ces cinq dernières années – Cellatex à Givet, Daewoo à Longwy, Mataleurop à Noyelles – avaient à leur tête des militants ouvriers « beurs » de trente ou quarante ans, qui ont, semble-t-il, fait l'unanimité autour d'eux ».

Semble-t-il ? Non pas semble-t-il, malheureusement un bureaucrate syndical beur ou français reste un bureaucrate syndical. Les sectes trotskiennes comme LO et le NPA en ont recrutés quelques uns. J'ai eu l'occasion d'en confronter à la fête de LO, et lors du début de la grève de merde à la SNCF. Pour sûr ce sont des arrivistes « ouvriers », futurs ou pas permanents syndicrates. Pas du tout révolutionnaires. Par contre oui on peut miser sur les milliers et milliers de prolétaires d'origine familiale immigrée qui ont une claire conscience de classe et une même volonté de changer le monde sans se laisser impressionner par la flopée d'ayatollahs de la politique et de la religion. Leur lutte est partie intégrante de celle du prolétariat, et ne peut se laisser disperser par les diverses racialisations, les envolées charitables pour les migrants en général qui sont plus un problème insoluble, et parcellaire (comparé aux autres ignominies du Capital) dans le capitalisme décadent qu'une voie pour unifier le prolétariat comme classe.

À suivre...




NOTES



1J'ai vécu cette époque de 1956 à Albi puis de 1961 à 1967 à Suresnes, en milieu ouvrier où ma mère et mon père n'avaient que des relations amicales et fraternelles avec des ouvriers espagnols. Quand nous étions comme on dit dans la mouisse, ce n'étaient point des collègues français qui aidaient mon père mais ses amis ouvriers espagnols. Ma mère disait toujours : « les étrangers valent bien les français ». Enfant pendant la guerre d'Algérie, je ne supportais pas les expressions « bicot » ou plus révulsante de « crouillas » entendue au collège. Je ne riais jamais avec les autres des remarques humiliantes de certains profs à tel congénère de classe maghrébin. Quand je fais le bilan de ma propre vie, je m'aperçois que dans les moments les plus pénibles ce sont des « frères de classe » étrangers, arabes, libanais, grecs, italiens qui m'ont sorti la tête de l'eau. Pas les compétiteurs français ni les militants de souche égoïste et plouc.
2Occasion pour nous refiler le sketch de Fernand Raynaud, qui est succulent en effet, sur le boulanger... arabe.
4Auroux n'a pas totalement tort même avec son raisonnement de bourgeois national : « Dans L’Alsace, il explique qu’il y a «à l’évidence, une donnée religieuse et intégriste dans les conflits que nous avons rencontrés, ce qui leur donne une tournure qui n’est pas exclusivement syndicale. […] Je m’oppose à l’institutionnalisation d’une religion quelle qu’elle soit à l’intérieur du lieu de travail. […] les immigrés sont les hôtes de la France et à ce titre ont un double devoir : jouer le jeu de l’entreprise et celui de la nation.»
5Cela dit il y a de petits historiens à la noix qui inventent un racisme typiquement ouvrier au 19e siècle pour contribuer à l'idéologie dissolvante de l'antiracisme, c'est le cas de Gérard Noiriel qui est choqué par Zemmour, lequel sur ce point a pourtant raison : « « L’Histoire – arrachée de gré ou de force aux historiens professionnels – est en train de (re)devenir l’arme politique qu’elle fut à la veille de la Révolution, et plus encore au XIXe siècle, lorsque les grands historiens comme Michelet préparèrent les esprits à l’avènement de la République. » Dans son dernier ouvrage, les historiens de métier « ont titres et postes. Amis et soutiens. Selon la logique mafieuse, ils ont intégré les lieux de pouvoir et tiennent les manettes de l’Etat. Ils appliquent à la lettre le précepte de George Orwell dans 1984 : “Qui contrôle le passé contrôle l’avenir. Qui contrôle le présent contrôle le passé.” » Noiriel s'est senti visé. A juste titre ! (https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/29/gerard-noiriel-eric-zemmour-tente-de-discrediter-tous-les-historiens-de-metier_5361955_3232.html). Les historiennes, elles, se discréditent elles-mêmes: https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/03/l-appel-de-440-historiennes-francaises-mettons-fin-a-la-domination-masculine-en-histoire_5364200_3232.html

6« Décomposition française, comment en est-on arrivé là ? » de Malika Sorel-Sutter (ed Fayard 2015)
7Cette auteur a anticipé les tonnes d'émissions révisionnistes avec lesquelles on allait nous rebattre les oreilles pendant des années : « ...la tactique de culpabilisation des français : l'exhumation récurrente de pages d'histoire – toujours les mêmes – donne un récit plus que minimaliste et bien noir (…) l'exhibition d'étrangers pauvres -les enfants et les femmes sont souvent privilégiés pour les images -, supposés rejetés par la France, sa population » (p.126).
8Cf. témoignage d'un membre du bateau Aquarius : « A bord du bateau nous ne leur disons pas ce qui les attend en Europe ».
9Elle rapporte cet échange avec Roland Dumas ce porte serviette de Mitterrand, en 2011 : « Guillaume Durand : A un moment la gauche a joué Le Pen pour éliminer la droite... Roland Dumas : ça c'est assez vrai, mais ça fait partie de la tactique électorale, de la tactique politique ». Cf. page 79. L'auteure reprend l'idée de dépossession en page 90 mais pas du point de vue marxiste comme moi.
10Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale. Ce transfuge du PS rallié à Sarkozy était un pur produit de la génération de fils de bourgeois de SOS racisme.
11Les élites dominantes ne reculent jamais, quitte à remettre le métier à plus tard : « Le rapport recommande « la suppression des dispositions légales et réglementaires scolaires discriminatoires, concernant notamment le voile », et également « la circulaire de 2012 concernant l'accompagnement aux sorties scolaires ». (p. 284). Il est aussi recommandé de créer un délit de « harcèlement racial ».
12« Racisme ouvrier ou mépris de classe ? Retour sur une enquête de terrain » in « De la question sociale à la question raciale », ed la découverte 2009.