PAGES PROLETARIENNES

vendredi 17 février 2017

L'Etat et L'individu sous le national-socialisme



Il  ne  s'agit  pas de  Benoit Poelvoorde!
par Herbert Marcuse (1942)
(trad JLR)

Depuis une dizaine d'années j'attendais que cette analyse originale, et très marxiste, du nazisme par Marcuse, soit traduite en français. Bernique. Donc je me suis mis à la tâche. C'est curieux quand même que aucun éditeur européen n'ait jugé utile de traduire et publier cette partie de l'oeuvre de Marcuse – non centrée certes sur Eros et son sexe – trop dérangeante ? Trop marxiste pour la doxa antifa et centrée sur la shoah ? Oui Marcuse est dérangeant pour tout ce système pourri qui noie constamment les raisons de la Deuxième boucherie mondiale dans la lutte du bien contre le mal, dans la seule explication « raciste » et « naziphobie » (pour parodier cet autre oxymore islamophobie). Ces travaux ont été réalisés pendant la guerre, avant les trompettes assourdissantes de la victoire « antifasciste », ils vont dans le même sens de dénonciation des vraies raisons économiques et politiques et militaires que les minorités maximalistes dans la clandestinité et avec leurs faibles moyens. La vérité de la cruauté d'Hitler n'est pas dans son racisme idéologique – qui est la couverture sinistre des besoins capitalistes – mais dans les discours qu'il tient aux "entrepreneurs" genre crétin Macron (et sa bêtise électoraliste répugnante sur le colonialisme). Marcuse a raison de citer Hitler dans le texte, de montrer le fond de son argumentation, qui n'est pas simplement la quête du Graal allemand, mais des intérêts bourgeois les plus sordides, pour qui tous les moyens sont bons y compris la guerre mondiale. A lire ce début de traduction – il y a d'autres articles encore plus longs sur technologie moderne et guerre – on a un frisson dans le dos, cela ressemble tant à aujourd'hui. Marcuse livre une analyse originale de l'Etat moderne, de ses variantes, de la spécificité de l'Etat nazi que personne n'a aussi bien décrypté il me semble ; cela n'aurait pas déplu à Engels.

PREMIERE PARTIE

Aujourd'hui, nous n'avons plus besoin de réfuter l'avis que le national-socialisme signifie une révolution. Ce mouvement, nous le voyons maintenant, n'a pas changé les rapports de base du processus productif qui est toujours administré par les groupes sociaux spéciaux qui contrôlent les instruments de travail indépendamment des besoins et de l'intérêt de société comme un tout.1 L'organisation économique du Troisième Reich est construite autour des grandes combinats industriels, en grande partie avec l'aide gouvernementale, et elle s'était déjà considérablement renforcée avant la montée au pouvoir d'Hitler. Ils ont maintenu leur position clé dans la production pour la guerre et pour l'exportation. Depuis 1933, ils ont été amalgamés avec une nouvelle "élite", recrutée à partir des rangs supérieurs du parti National-socialiste, mais ils n'ont pas perdu leurs fonctions décisives sociales et économiques2.

D'autre part, le national-socialisme n'est pas une restauration sociale et politique, bien que le régime national-socialiste ait rétabli au pouvoir à grande échelle ces forces et ces intérêts qui avaient été menacés et même frustrées par la République de Weimar : l'armée est redevenue un Etat dans l'Etat, l'autorité du patron dans l'entreprise a été libérée de nombreuses limitations et la classe ouvrière a été réduite sous un contrôle totalitaire. Mais ce processus n'a pas fait revenir les vieilles formes de domination et de stratification. L'Etat national-socialiste comme tel a peu de choses en commun avec la structure politique du vieux Reich. L'armée, une fois écarté le terreau de la forêt prussienne et du féodalisme, a été réorganisée selon des principes de sélection plus démocratiques, tandis qu'à l'extérieur de l'armée un réseau de mesures pseudo-démocratiques a été étendu aux rapports sociaux.
Le patron et le travailleur sont réunis dans le Front du Travail Allemand, et, épaule contre épaule, sont tenus de respecter les mêmes règles de comportement. Les nombreux privilèges et distinctions vestiges de l'ordre féodal, ont été supprimés. De plus en plus, et c'est cela qui importe, la vieille bureaucratie d'Etat et les rangs supérieurs dans l'industrie et la finance ont reconnu un nouveau maître et les nouvelles méthodes de gouvernement. Si le national-socialisme n'est ni une révolution ni une restauration, qu'est-il ?
L'approche commune du national-socialisme est influencée par deux facettes remarquables : 1. le caractère totalitaire de l'Etat et 2. le caractère autoritaire de la société. Ces phénomènes nous incitent à voir dans le national-socialisme avant tout la domination absolue de l'Etat sur tous les rapports privés et sociaux, et la répression absolue de l'individu dans ses droits et capacités. Nous essaierons de montrer en quoi cette interprétation est au mieux problématique. La proposition que nous allons développer est que le national-socialisme a supprimé les traits essentiels qui ont caractérisé l'Etat moderne. Il a tendance à abolir toute séparation entre l'Etat et la société en transférant les fonctions politiques aux groupes sociaux actuellement au pouvoir. Autrement dit, le national-socialisme tend vers un auto-gouvernement direct et immédiat par ces groupes sociaux dominants sur le reste de la population. Il manipule les masses en faisant délivrer les instincts les plus brutaux et égoïstes de l'individu.
L'Etat moderne – et nous traitons seulement de cette forme – a été institué et organisé à l'extérieur du royaume des rapports humains qui sont considérés comme non-politiques et soumis à leurs propres lois et normes. La vie privée de l'individu, la famille, l'église, les grands secteurs économiques et culturels de la vie appartenant à ce royaume. Ceci ne signifie pas que l'Etat devrait s'abstenir d'interférer dans les relations sociales ; non seulement l'Etat absolutiste mais aussi les Etats démocratiques ont revendiqué et exercé le droit d'interférence. De cette manière, cependant, l'Etat a reconnu que certains droits sociaux inhérents étaient antérieurs à son propre pouvoir, et que son interférence était justifiée et acceptée pour autant qu'il sauvegardait, promouvait ou rétablissait ces droits. Les droits d'hommes comme êtres sociaux, comme membres de la société, ont été définis de différentes manières – (la liberté d'acheter ou de vendre, d'établir des contacts, de choisir son propre domicile et sa profession, de gagner de quoi vivre) – en tout cas, l'Etat y a trouvé la limite ou la fin de son territoire. L'Etat a constitué un royaume d'administration calculable qui est resté distinct du royaume de la société comme telle. Cela était vrai pour l'Etat absolutiste, qui même sous la forme discutée dans le Léviathan, avait dû promouvoir et soutenir les libertés fondamentales de la société compétitive. La fonction progressiste de l'Etat absolutiste, à savoir d'équilibrer les activités sociales rivales dans un ordre stable et calculé, s'est réalisée sous la forme de l'Etat libéral. L'Etat de droit, le monopole du pouvoir de coercition et de souveraineté nationale ont été les trois traits de l'Etat moderne qui ont le plus clairement exprimé la division rationnelle des fonctions entre l'Etat et la société. Le national-socialisme a aboli cette division.

Pendant l'ère moderne, l'Etat de droit, d'une façon croissante, est devenu le moyen par lequel l'Etat a opéré avec un système d'administration raisonnable. La loi traitait les hommes, même si pas équitablement, au moins en tenant compte des contingences sociales les plus évidentes ; il était, pour ainsi dire, la cour d'appel qui relativisait les hasards et l'injustice dont souffrent les hommes dans leurs relations sociales. Le caractère universel de la loi offrait une protection universelle à tous les citoyens non seulement dans le jeu désastreux des conflits personnels contradictoires, mais aussi face au caprice gouvernemental.
Le régime national-socialiste a mis fin à ces propriétés de la loi qui l'avait élevé au-dessus des dangers de la lutte sociale. Ce même concept de loi universellement valable et équitable a été abandonné et remplacé par divers droits particuliers : un pour le parti, un autre pour l'armée, un troisième pour l'ordinaire Volkgenossen3. Le résidu d'universalité qui restait encore dans ces groupes de droits a été en plus limité par la pratique qui conférait au juge de se libérer sous sa seule autorité des chaînes de la loi écrite. La loi était subordonnée à des normes telles que la communauté raciale (Rechtsempfinden)4 en réalité dépendante de l'opportunisme politique, servant à renforcer les privilèges politiques et sociaux existants. La promulgation de lois rétroactives détruisait tout calcul ou rationalité de l'administration de la justice. La loi n'est plus une réalité connue établie et générale qui équilibre intérêts sociaux et politiques, elle n'est plus que l'expression directe de ces intérêts eux-mêmes, changeant constamment selon les obligations sociales et politiques.
C'est vrai le règne de la loi avait caractérisé l'Etat seulement pendant l'ère libérale.

Avec l'Etat absolutiste la loi était réduite aux ordres du souverain. Quand même, cependant, cet Etat était une institution séparée de la société. Il assumait cette forme indépendante et autonome parce qu'aucun groupe social seul n'était assez puissant pour diriger toute la société ; l'Etat pouvait ainsi obtenir et sécuriser son propre territoire, contre la noblesse aussi bien que contre le clergé et les classes moyennes. En revanche l'Etat national-socialiste a écarté les restes d'indépendance des groupes sociaux dominants pour devenir l'organe exécutif des intérêts économiques impérialistes. S'il y a quoi que ce soit de totalitaire dans le national-socialisme, ce n'est certainement pas l'Etat. L' « Etat abstrait » était « une idée de l'ère libérale ». L'Etat, en tant que « instrument technique du pouvoir a été mis en dehors de l'économie et de la culture ». Le troisième Reich ne s'arroge pas « la soi-disant totalité de l'Etat mais du mouvement national-socialiste »5. Hitler a protesté lui-même contre l'Etat totalitaire et proclamé que le national-socialisme est caractérisé par le fait qu'il dénie l'indépendance et la supériorité de l'Etat : « La réalité de base est que l'Etat ne représente pas une fin mais un moyen. C'est en effet la présomption pour la formation d'une culture humaine plus haute. Au contraire cette dernière est liée à l'existence d'une race capable de culture »6. Hitler et ses porte-paroles officiels exprimaient fréquemment l'opinion considérant l'Etat comme partie compréhensible d'un plan. Partout où ils se sont abstenus de sa glorification idéologique, ils ont déclaré que ce plan n'est utilisé et déterminé que par les besoins d'expansion du capitalisme allemand.
En Europe, l'autonomie, le monopole du pouvoir et la règle de la loi ont caractérisé l'Etat aussi longtemps que l'industrie était en capacité de produire pour les marchés internes et externes qui étaient encore ouverts. Pour l'Allemagne cette période s'est terminée avec la Première Guerre mondiale. L'Allemagne a reconstruit et modernisé son appareil industriel à un taux incroyable, mais la contraction du marché interne, la perte des débouchés, et surtout, la législation sociale de la République de Weimar a empêché une utilisation rentable de cet appareil. Dans ces conditions, le retour à une politique impérialiste directe s'est avéré être la solution la plus plausible. Elle fût l'objet d'une opposition violente de la part des groupes sociaux qui avaient organisé l'Etat démocratique. La croissance industrielle et, en même temps, un ordre social basé sur cette expansion ne pouvaient se maintenir qu'à travers la transformation de l'Etat démocratique en un système politique autoritaire.

Tout ceci pourrait paraître comme une interprétation très unilatérale, mais c'est l'explication du national-socialisme que Hitler a donné lui-même. Il a élaboré ce point de vue dans un discours improvisé à partir de ses attributs idéologiques habituels, ce qui est d'autant révélateur. Ce discours a été tenu devant le Industry Club à Düsseldorf en janvier 1932, soit un an avant son accession au pouvoir. Hitler partit du fait que, dans le monde moderne, la vie privée aussi bien que sociale et politique est basée sur le « principe d'efficacité ». Selon ces principes individuels aussi bien que sociaux ou nationaux un partage s'effectue dans le produit social mesuré par la performance dans la lutte pour la compétition – indépendamment des moyens par lesquels a été obtenue cette performance, et indépendamment de ses fins, à condition qu'il s'effectue dans le modèle social établi. Selon Hitler, la société moderne est perpétuée par une compétition impitoyable entre individus et groupes inégaux : seul le concurrent le plus impitoyable et le plus efficace peut avancer dans ce monde. La première tâche du national-socialisme est, par conséquent, de restaurer la position de l'Allemagne comme compétiteur puissant sur le marché international. Il dit :

« La situation mondiale peut aujourd'hui être brièvement exposée : l'Allemagne, l'Angleterre, la France, et plus encore – mais pas pour des raisons contraignantes – l'Union américaine avec toute une série de petits Etats, sont des nations industrielles dépendant de l'exportation. Après la fin de la guerre, tous ces peuples ont été confrontés à un marché mondial comparativement vidé de matières premières. Des méthodes ont été expérimentées dans l'industrie et dans les usines... avec une grande ingénuité à cause de la guerre, et armés de ces nouvelles méthodes des hommes se sont précipités dans ce grand vide, ont commencé à remodeler leurs travaux, à investir du capital, et sous la contrainte de ce capital investi, ont cherché à augmenter la production au niveau le plus haut possible. Ce processus pourrait continuer avec succès pendant deux, trois, quatre ou cinq ans. Il pourrait continuer plus longtemps encore si de nouvelles possibilités d'exportation pouvaient être créées qui correspondent à la rapide croissance et aux améliorations de la production et des méthodes. Ceci était de première importance pour la rationalisation du business... mais conduit à une réduction du nombre d'hommes au travail, une réduction qui ne peut être utile que si les hommes rejetés du travail peuvent être facilement transférés dans de nouvelles branches de l'activité économique... Mais nous avons vu que depuis la guerre mondiale il n'y a pas eu une importante extension des marchés d'exportation, au contraire, nous avons vu une contraction relative de ces marchés d'exportation, que le nombre de nations exportatrices s'est accru, et qu'un grand nombre des premiers marchés d'exportation se sont eux-mêmes industrialisés...
« L'essentiel est de réaliser, à l'heure actuelle, que nous nous trouvons dans une condition qui s'est déjà produite plusieurs fois auparavant dans l'histoire du monde : déjà il y a eu des époques où le volume de certains produits excédait la demande... on a atteint un tel niveau dans la capacité productive que la consommation n'a plus de rapport avec cette capacité accrue. Mais si le bolchevisme... extrait le continent asiatique de la communauté économique humaine, alors les conditions pour l'emploi de ces industries qui se sont développées à une si gigantesque échelle ne pourront même plus être appréciées... ».

Dans une telle situation, le fonctionnement de l'appareil économique ne peut plus être garanti par « des résolutions économiques volontaires mais seulement par des décisions politiques... A mon avis c'est mettre la charrue avant les bœufs quand des gens croient aujourd'hui que par les méthodes du business ils pourraient... retrouver la position de pouvoir de l'Allemagne au lieu de se rendre compte que la position de pouvoir est aussi la condition pour les améliorations de la situation économique »7.

Quelles conséquences Hitler en tire-t-il ? Dans les conditions externes et internes dominantes, l'économie allemande n'est plus capable de fonctionner par ses propres forces inhérentes ni ses mécanismes. Les relations économiques doivent être transformées en relations politiques, l'expansion économique et la domination doivent non seulement être complétées mais remplacées par l'expansion politique et la domination. Hitler promet que le nouvel Etat deviendra l'agent exécutif de l'économie, qu'il organisera et coordonnera la nation entière pour favoriser l'expansion économique, qu'il fera de l'industrie allemande la gagnante dans la compétition internationale. Et il promet qu'il fournira l'arme qui seule permettra à l'industrie allemande de réduire ses concurrents et d'ouvrir les marchés, à savoir, l'armée la plus formidable du monde. Et, 8 ans après la promesse d'Hitler, Robert Ley, le chef du Front du Travail allemand, déclare joyeusement que Hitler a tenu sa promesse:

«L'économie capitaliste avait atteint une barrière qu'elle ne pouvait plus surmonter par ses propres moyens . Le risque de conquérir de nouveaux territoires économiques était tel qu'il ne pouvait pas être pris par le capital privé ; le capital avait battu en retraite et défendait plutôt sa position antérieure. Il se produisit donc, d'un côté, des capacités productives gigantesques et même des moyens de consommation gigantesques restant inutilisés, pendant que, de l'autre côté, des millions d'hommes ont pu à peine éviter la famine. Alors le national-socialisme s'est aventuré par une tentative réussie pour ouvrir de nouvelles voies à une économie qui avait été frustrée et avait atteint les limites de son propre pouvoir 8».

L'Etat national-socialiste lui-même a assumé le risque que l'entrepreneur privé ne pouvait plus assumer, ou, selon les termes de Ley, l'Etat a entrepris de fournir le nouvel espace pour l'initiative de l'entrepreneur. Ceci, cependant, ne pouvait pas être accompli dans le cadre de l'Etat établi. Dans le discours que nous avons cité, Hitler effrayait les industriels en affirmant que 50% de la population allemande était devenue bolchevique. Il voulait dire que 50% de la population allemande n'était pas encline à sacrifier leurs vœux et peut-être leur vie pour l'expansion impérialiste, et que l'Etat démocratique leur donnait les moyens d'exprimer leur réticence. Pour garantir la capacité industrielle et sa pleine utilisation, toutes les barrières entre la politique et l'économie, entre l'Etat et la société devaient être ôtées, et les institutions intermédiaires qui avaient atténué l'oppression sociale et économique devaient être abandonnées, l'Etat devait s'identifier désormais avec les intérêts économiques prédominants et ordonner toutes les relations sociales en fonction de ces exigences.

À suivre...


NOTES:

1Le matériel pour vérifier cette interprétation se trouve dans le livre de F.Neumann « Behemoth, The origin and structure of National Socialism, New York, 1942.
2Pour la « division du travail » entre la machine politique et le gros business, voir Gurland « Technological Trends under National Socialism », in studies in Philosophy and Social Science, 1941.
3Carl Schmidt a fourni la justification idéologique concernant l'abolition de l'universalisme de la loi : « Dans un peuple hiérarchisé par l'Etat, il prévaut toujours une pluralité d'ordres dont chacun forme sa propre loi d'Etat » (Standesgerichtbarkeit - « autant d'Etats, autant de rangs » (Uber die drei Arten des rechtswissenschaftlichen, Hamburg 1934).
4Hermann Göring, Hamburg, 1935.
5Alfred Rosenberg, Gestaltung der Idee, München, 1936.
6Mein Kampf, New York, 1939.
7Hitler, My New Order, New York, 1941.
8Neue Intenationale Rundschau der Arbeit, avril 1941.

dimanche 12 février 2017

LA POLICE FASCISTE LA PLUS INTELLIGENTE DU MONDE



à Marc Chirik, et à Ottorino Perrone,

" Dans l'armée, il y avait une arme qui, avant tout, présentait un caractère exclusivement dynastique : l'arme des carabiniers. Elle était l'arme du roi. Le Fascisme s'employa lui aussi à organiser une police qui offrît des garanties du point de vue politique, et lui adjoignit une organisation secrète : l`OVRA. »
Benito Mussolini (Il tempo del bastone e della carota. Storia di un anno (octobre 1942 – septembre 1943), dans le supplément au Corriere della Sera, n° 190 du 9 août 1944, p. 40.)

« Messieurs : il est temps de dire que la police n'est plus désormais seulement respectée, mais qu'elle est aussi honorée ; messieurs : il est temps de dire que l'homme, avant d'éprouver le besoin de la culture, a senti le besoin de l'ordre : en un certain sens, l'on peut dire que le policier a précédé dans l'Histoire le professeur. (...) « Benito Mussolini (discours de l'Ascension du 26 mai 1927 devant la Chambre des députés)

    Lecteur tu as de la chance, tu vas pénétrer au cœur d'un des secrets des mieux gardés du déroulement de la Seconde Guerre mondiale, comment une des meilleures polices de la contre révolution a surveillé les fractions révolutionnaires pendant la durée de la guerre, mais pas simplement surveillé. Les ignorants et nos divers gauchistes antifas ne voient dans toutes les polices que brutalités, bêtise à front de bœuf. Les intellectuels de l'OVRA italienne sont les dignes successeurs des deux plus futées polices du monde moderne, celle des Vidocq et Lépine et celle de l'Okhrana ; la Gestapo a d'ailleurs été organisée sur le moule de l'OVRA1.
La principale police occidentale de la contre-révolution, en première ligne, contrairement aux autres pays qui n'ont pas connu de véritable menaces révolutionnaires, à la différence de la Russie, de l'Allemagne et de l'Italie - confrontation directe avec le prolétariat et ses organismes politiques - donne des leçons cruciales à toutes les nations bourgeoises du monde. Elle est "exemplaire", au point que la Gestapo et la CIA l'encenseront avant de la prendre pour modèle.
Les perspicaces voyeurs de la police secrète mussolinienne ne surveillent pas en premier lieu les allées et venues des clandestins communistes ou démocrates républicains opposés au règne du Duce, c'est le boulot de la basse police; ils analysent les textes théoriques. Et, avec une particulière sagacité et connaissance des différences entre véritables maximalistes communistes intransigeants qui refusent l'alliance avec tel ou tel camp bourgeois, les staliniens terroristes et leurs homologues "républicains et curés". Ils font par exemple la nette différence entre les partisans du parti stalinien, qu'ils voient, mieux que les trotskystes, comme un impérialisme. Mais, surtout, ils mettent en relief deux choses, totalement gommées par les historiens du camp américain victorieux. La première est que la « fraction italienne », PROMETEO, est franchement et de manière inconciliable internationaliste et dénonciatrice de tous les camps en guerre (y compris le leur, impérialisme fasciste) ; ils rendent même souvent un hommage appuyé à l'honnêteté et au courage de PROMETEO, ce qui est toujours un salut d'honneur venant d'ennemis politiques ! Et d'une certaine façon de respect, même si leurs hommes de main de basse police étaient chargés de les emprisonner ou les zigouiller. Ombre au tableau, si les textes de la police secrète fasciste italienne sont d'une telle qualité, on peut raisonnablement penser qu'ils n'ont qu'un auteur principal, Ambrogi. Or, Ambrogi, agent double voire triple, qui a été identifié par après comme agent de l'OVRA (voir la formidable contribution de Philippe Bourrinet) n'était pas n'importe qui mais un vieux membre de la cohorte des grands révolutionnaires italiens avec Bordiga, Damen et Perrone. Il savait de quoi il parlait et connaissait « son » sujet à fond ! On a toujours ce genre de parasite au cul dans le mouvement révolutionnaire, Lénine avait bien eu Malinovski en qui il avait placé toute sa confiance... Et le naïf Trotsky Mill et son tueur Ramon Mercader.
   La deuxième est que le prolétariat a constitué en permanence la principale menace interne aux principaux pays belligérants tout au long de la guerre. Quelle confirmation éclatante pour toute la tradition dite « gauche communiste », ce maximalisme intransigeant qui a survécu aux tonnes de mensonges des vainqueurs et des nouveaux contre-révolutionnaires trotskistes souteneurs de la contre révolution stalinienne. Ces extraits des rapports réguliers et permanents de l'OVRA valent toutes nos maintes et répétés affirmations depuis des décennies sur la persistance du danger d'une classe ouvrière reproduisant depuis, même à petite échelle, même en nombre infime, de petits groupes d'éléments profondément convaincus et fidèles à une tradition indéfectible qui se perpétue de génération en génération.
Comment ces archives sont-elles parvenues à un vulgaire péquin comme moi ? A la « libération » en Italie, comme dans un autre contexte en Russie (la saisie des archives de l'Okhrana et leur dépouillement par Victor Serge), celles de l'OVRA sont livrées au public. Nos grands révolutionnaires italiens, de Bordiga à Perrone et Damen, en ont évidemment connaissance et l'on se représente leur joie de voir citer des paragraphes entiers de leurs propres prises de position (comme aucun historien académique français et trotskiste n'a jamais été capable de le faire, au nom de la tabula rasa antifa) et leur rire à voir ainsi reconnue, non simplement leur importance, mais le fait d'être aussi nettement différenciés du stalinisme, mais le fait de voir reconnu le souci permanent par le régime de Mussolini du danger de la classe ouvrière. Le seul défaut que l'on peut noter chez les « analystes policiers » est de mettre sur le même plan l'extraordinaire contribution politique subversive de la « gauche italienne » et le trotskisme, voire de l'assimiler à un trotskisme italien ; ce n'était point une insulte à l'époque car le trotskisme faisant encore partie du camp révolutionnaire marxiste, bien que plus pour longtemps...
Le CCI disposait dans un ancien local secret à Montrouge d'archives précieuses. Lorsqu'un jour fût décidée la destruction de ces archives, qui me scandalisa, j'ai décidé de sauvegarder plusieurs documents qui nous avaient été refilés, je crois, par les archives Perrone/Vercesi en Belgique.

[J'ai publié d'autres documents, traduits également par Laffite, qui éclairent et la faillite du trotskisme et les raisons de la montée irrésistible du nazisme en Allemagne, avec des textes du génial « envoyé spécial » Ambrogi, une lettre inédite de Trotski à Bordiga, un texte rare et inconnu du tout aussi génial Vercesi sur comment, de tout temps, les révolutionnaires dispersés se doivent et peuvent constituer des fractions et cadres du parti révolutionnaire à venir, seulement à la veille de la montée révolutionnaire.... sur mon deuxième blog Archives maximalistes: http://maximalismarx.over-blog.com/]

Ces textes qui circulaient plus ou moins parmi les groupes maximalistes italiens, n'ont jamais été traduit en français. Je remercie infiniment Jean-Pierre Lafitte, auteur de tant et tant de traductions de l'italien ou de l'allemand depuis de longues années – qui ont alimenté et alimenteront de textes introuvables et géniaux tout le mouvement révolutionnaires en France et ailleurs. Du fond du cœur merci Jean-Pierre d'avoir répondu à ma requête et de contribuer à combler nos lacunes, mais aussi, de fait, d'enrichir la théorie et la compréhension de la lutte des classes. Cette vieillerie...
L'on désigne par OVRA l'ensemble des services secrets de police politique dont se dota l'Italie fasciste, et qui furent actifs d'abord entre 1930 et 1943, puis sous la République sociale italienne (RSI) de 1943 à 1945. Cependant, il est d'usage de nommer par cet acronyme de façon plus générale la police politique fasciste telle qu'elle œuvra dès avant la date officielle de 1930, en particulier à partir de 1926, à la suite de l'entrée en vigueur des lois dites fascistissimes. Cette police secrète, créée à l'initiative de Benito Mussolini lui-même, était organisée en onze inspectorats de sécurité publique (en it. ispettorati di pubblica sicurezza), couvrant la totalité du territoire de l'Italie et s'appuyant sur un vaste et redoutable réseau d'informateurs. Les missions imparties à l'OVRA consistaient à surveiller et réprimer les organisations subversives, la presse hostile à l'État et les groupes d'étrangers. À cet effet, l'OVRA compilait également les informations recueillies par les services de renseignements de plusieurs autres corps de l'État investis de missions de sécurité publique, et se chargeait de transmettre le dossier des suspects au Tribunal spécial de défense de l'État ou aux commissions de relégation (confino).

L'appellation OVRA demeure inexpliquée ; si elle passe habituellement pour un sigle, son libellé est sujet à plusieurs interprétations différentes : Opera Volontaria per la Repressione dell'Antifascismo (Œuvre Volontaire pour la Répression de l'Antifascisme), Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell'Antifascismo (Organisation de Surveillance et de Répression de l'Antifascisme), ou Organo di Vigilanza dei Reati Antistatali (Organe de Surveillance des Crimes contre l'État). L'historien Luigi Salvatorelli se souvient de l'énoncé suivant, donné au moment où l'existence de ce service fut révélé pour la première fois : Opera Volontaria di Repressione Antifascista, appellation ayant la vertu d'en souligner le caractère volontaire et son fonctionnement par la délation, et donc propre à bien faire comprendre aux opposants qu'ils risquaient de buter à tout moment sur quelque agent fasciste volontaire vêtu en bourgeois. Il a été observé par ailleurs que l'acronyme rappelle par ses sonorités le mot italien piovra (pieuvre) ou le nom Okhrana, la police secrète du tsar de Russie. Il existe une autre version encore selon laquelle une faute d'impression serait à l'origine de cette désignation (laquelle dès lors ne serait pas un acronyme), et que celle-ci aurait ensuite été maintenue en raison de sa consonance menaçante2.

Extraits de rapports de l’OVRA sur la presse clandestine (1943-1945)

…………. (Le document est en mauvais état et certaines pages ou paragraphes illisibles)

[page 5] … des bandes de rebelles dont il énumère et exalte les actions guerrières et les coups de main plus ou moins de brigands, et à qui il donne des instructions et des ordres.
Organe communiste évident dans lequel les autres feuilles du parti puisent leurs informations du “Front partisan” (voir l’Unità qui, en supprimant certaines nouvelles, invite à lire dans le Combattente le “bulletin” complet), mais qui se rattache, en vertu de cette unité de directives dont il a été fait mention dans le préambule de ce rapport, au “Comité de Libération Nationale”, « guide et gouvernement de fait de l’Italie qui veut chasser les Allemands, et se libérer de la peste nazie et fasciste ».
Cela n’empêche pas qu’il attaque violemment certains Comités locaux, comme ceux de Turin et de Biella, qui tolèreraient à la tête de leurs organismes militaires des officiers inféodés à des industriels soupçonnés de collaboration (avec les Allemands).

6°) VOCE OPERAIA : est publiée à Rome. Comporte le sous-titre : “Organe du Mouvement des catholiques communistes”. Rédigée avec peu d’habileté par des éléments plutôt ignorants en matière de théologie, destinée à attirer des éléments catholiques au communisme. Extrêmement superficielle du côté de la doctrine, simpliste, truffée de lettres apocryphes de prêtres et de “partisans” catholiques, elle apparaît plutôt comme un stratagème grossier du Parti Communiste Italien voué à gêner l’action des chrétiens-sociaux.
Cette feuille soutient également la nécessité de la guerre par tous les moyens contre les Allemands et les fascistes.

7°) PROMETEO : “Organe du Parti Communiste Internationaliste”. Comporte sous le titre : “Année 22, série III - Sur la voie de la gauche”.
Unique journal indépendant. Idéologiquement le plus intéressant et le plus expérimenté. Opposé à tout compromis, prêche un communisme pur, indubitablement trotskiste, et de toute façon antistalinien. Cette attitude est définie de manière claire et résolue dans l’article : “La Russie que nous aimons et défendons” (01/01/1943), dans lequel le journal « se déclare sans hésitations être un adversaire de la Russie de Staline, dans le même temps qu’il se proclame être un fidèle combattant de la Russie de Lénine ». À ce propos, il invite les ouvriers à méditer sur le phénomène de la solidarité profonde et soudaine de la bourgeoisie réactionnaire à l’égard de la Russie d’aujourd’hui. Dans un autre article du 01/02/1944, pour le vingtième anniversaire de la mort de Lénine, le journal se dresse contre « la fourberie de l’État stalinien qui a réalisé le rêve de toutes les réactions : celui d’endormir les masses avec l’opium de la mystification officielle et mensongère ».
Il combat la guerre quel que soit son aspect : démocratique, fasciste ou stalinien. C’est pourquoi il lutte ouvertement aussi contre les “partisans”, le Comité de Libération Nationale et le Parti Communiste Italien. Cette attitude est exposée clairement dans l’article d’ouverture du numéro du 1° novembre 1943 : “Notre voie”, dans lequel il approfondissait, à la lumière de la doctrine léniniste, la nature du conflit actuel et il définissait la position des deux groupes belligérants comme « des visages différents d’une même réalité bourgeoise ». Dans le même article, après avoir dénoncé le bloc des partis antifascistes comme un facteur de détournement et d’assoupissement des idéaux prolétariens, il soulignait l’absurdité de l’internationalisme propagateur de la guerre nationale - « mais seulement contre les Allemands ! - tandis que l’on ne déjouait pas le danger de l’impérialisme anglais ». Est intéressante, dans le même article, la critique de cette croisade antiallemande à laquelle les masses ont stupidement mordu en cédant à un sentiment dont « toutes les réactions se sont jusqu’à présent servies pour leurs guerres de rapine et d’extermination ».
Dans la seconde page du même numéro, on peut signaler la phrase suivante en gras, corps 12 en italique : « Ouvriers ! Opposez au mot d’ordre de la guerre nationale qui arme les prolétaires italiens contre les prolétaires allemands et anglais, le mot d’ordre de la révolution communiste qui unit par-dessus les frontières contre le même ennemi - le capitalisme - les travailleurs du monde entier ».
Nettement antinational, le journal affirme que, « entre le drapeau tricolore et le drapeau rouge, le prolétariat a déjà choisi » (01/11/1944, texte en gras p. 2).
Prometeo mène une polémique particulièrement acérée et vive à l’encontre de Palmiro Togliatti (Ercoli), chef « par investiture stalinienne » de « ce qui fut jadis le Parti Communiste d’Italie », et ce à cause principalement des efforts de celui-ci pour la mise en œuvre d’une politique « qui garantisse l’entrée en guerre des masses populaires » (même numéro).
Le journal condamne également « la chaîne des assassinats politiques et des représailles qui a pour unique résultat de disperser en actions sans avenir la volonté révolutionnaire des masses ». Quant aux bandes armées, « nées de la débâcle de l’armée », il les définit comme « des instruments du mécanisme de guerre anglais ».
Cette attitude de Prometeo ne pouvait pas manquer de susciter la violente réaction du Parti Communiste Italien, et en particulier d’Ercoli, come on le verra à propos de la revue La nostra lotta.

8°) STELLA ROSSA : se proclame être l’organe du “Parti Communiste Intégral”. De peu d’intérêt, présente un aspect et un contenu de pamphlet louche. Prêche un communisme absolu et infantile, et met fortement en évidence la liste des Allemands et des fascistes tués dans des embuscades subversives.
Elle est dénoncée par les organes du PCI comme une feuille provocatrice qui sème la zizanie. Voici ce qu’écrit à ce propos Il Grido di Spartaco dans son numéro du 25/11/43 : …

…………..

[page 10]

10°) LA NOSTRA LOTTA : Organe du Parti Communiste Italien, qui est publié sous forme de revue.
Elle donne une grande importance aux grèves qu’elle présente comme des épisodes sérieux de la lutte antiallemande (encore plus qu’antifasciste). À l’occasion, elle souligne l’inefficacité des courants libéraux-démocratiques qui influencent le Comité de Libération Nationale, et même la faible capacité de lutte du Comité lui-même, dont elle fait néanmoins partie. C’est à l’isolement du Parti Communiste que l’on doit le fait que les grèves n’aient pas pris un caractère de plus grande extension et intensité.
Ces accusations aident encore mieux à comprendre le désaccord qui existe entre les différents groupes et qui a été souligné plus haut.
Il ne fait pas de doute que c’est l’élément communiste qui est le plus dynamique et le plus aguerri de ceux qui sont liés au Comité de Libération Nationale. Et fait foi de cela la polémique qui s’est engagée avec ceux qui prétendent donner aux formations armées de rebelles un caractère apolitique et “antiparti”, chose qui est jugé comme éminemment nuisible par la revue. Une telle conception pouvait avoir sa raison d’être durant le Risorgimento national (le communisme italien ne renonce pas encore à se présenter comme l’héritier légitime des courants patriotiques du siècle passé), mais plus maintenant que la nation italienne n’est plus une nation de peuple dans le sens qui était valide à cette époque-là, mais une nation de partis. Il est trop facile de reconnaître dans la tentative de formation d’un bloc national extérieur aux partis “la patte badoglienne” qui, toujours équivoque, ne veut pas reconnaître son échec « et cherche à s’assurer de certaines positions antidémocratiques pour l’avenir ».
La revue propose au contraire l’encadrement des forces combattantes dans un “Front National de la Jeunesse” dans lequel il est par trop évident que la propagande communiste pourra se développer efficacement.
Les attaques lancées par la revue contre le capitalisme italien, profiteur des vingt années de fascisme, s’intégrant ensuite dans l’ordre badoglien, et maintenant « au service des Allemands pour affronter la pression de plus en plus sensible des masses ouvrières » (ce qui le contraindrait encore à soutenir et à financer les fascistes) sont intelligentes. C’est avec un grand étalage de données statistiques, destinées à avoir prise sur les cerveaux ouvriers et surtout à fournir du matériel de discussion aux propagandistes du parti, qu’« il démontre que le capital financier est l’unique profiteur de l’immense tragédie qui s’est déchaînée sur l’Italie ». C’est pourquoi « la lutte contre le grand capital réactionnaire doit faire partie intégrante de la lutte de libération ».
La revue est rédigée avec une grande habileté dialectique. Ercoli qui sans aucun doute en écrit ou en inspire les articles, se révèle être un connaisseur avisé du milieu ouvrier et un pseudo-intellectuel qui entend les attirer vers l’idéologie communiste, idéologie dont il est un excellent catéchiste.
Il semble toutefois sensible aux piques lancées contre lui avec une grande maestria par Prometeo et vis-à-vis desquelles il réagit de façon violente en amalgamant cette feuille du “gauchisme international” à la Stella Rossa contestataire et provocatrice, et en l’accusant d’être, avec cette dernière, au service de la Gestapo. Bandiera rossa, qui aurait pris des positions “attentistes” et ouvertement opportunistes (en réalité, à cause des attaques lancées contre le Comité de Libération Nationale) n’est pas non plus épargnée par cette furie polémique.

11°) LA NUOVA CRITICA SOCIALE : Bimensuel de L’union des Travailleurs Italiens, dont le premier numéro a paru le 15 décembre 1943.
Est publiée sur quatre petites pages, du type habituel des feuilles de propagande communiste.
Les promoteurs de cette nouvelle publication ont joué un tout pendable aux socialistes qui étaient en train de préparer l’exhumation clandestine de la Critica Sociale de Turati et de Treves dont le premier numéro devait sortir prochainement.
Cette petite revue voit aussi dans les grèves de Gênes et de Turin « une preuve générale de la guerre qui se déchaînera d’ici quelques mois quand le prolétariat prendra le fusil pour chasser l’ennemi teuton et les hordes fascistes scélérates ».
Une violente attaque est portée contre Victor-Emmanuel à cause de sa proclamation à la radio de Bari. L’on promet à ce « grand ennemi de l’Italie » le sort des Capet et des Romanov.
Mais ce qui mérite d’être noté, c’est un article intitulé : “Frapper tous les responsables” (31/12/1943), qui est dirigé contre les représentants du mouvement socialiste (il y en a même qui considèrent que cette attaque est le but principal de la feuille), et en particulier - bien qu’il ne soit pas clairement nommé - contre Domenico Viotto, le chef du mouvement socialiste de Milan, qui s’abrite maintenant “confortablement” sur le sol de la Confédération Helvétique. « Et pendant ce temps, le sang du peuple coule ! ».

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[page ?]

Prometeo est résolument hostile à la guerre et il considère que l’impérialisme anglais n’est pas moins odieux que le national-socialisme allemand. L’on a déjà mentionné les paroles de réprobation de ce journal concernant la « croisade antiallemande » prêchée par le bloc des partis antifascistes (01/12/43) et la politique impérialiste de la Russie de Staline, opposée idéalement à celle de Lénine (01/12/43). Cette seconde guerre impérialiste « devenue guerre populaire pour la démocratie par vertu stalinienne » ne peut pas être la véritable guerre du prolétariat quoi qu’en pensent les divers Ercoli, contre lesquels le journal développe une argumentation serrée dans l’article « Lénine aujourd'hui » paru dans le numéro du 01/11/44. À chacune des exhortations à la guerre à côté des Nations Unies lancées par Ercoli dans la presse du Parti, Prometeo fait suivre un commentaire tiré des écrits ou de l’exemple de Lénine. Qu’on en juge par le passage suivant :
« Togliatti », chef par investiture stalinienne, « établit ainsi l’orientation de son parti : le problème de l’heure présente doit être ainsi posé : faire une politique qui garantisse l’entrée des masses populaires en guerre.
« Lénine a mené le prolétariat à la victoire en s’opposant impitoyablement à la guerre : le centrisme traître voudrait au contraire le conduire au massacre de la guerre démocratique en le livrant, pieds et mains liés, à la bourgeoisie impérialiste. ».
Le coup a été accusé par Ercoli qui répond ainsi dans les pages de La nostra lotta : « Lutter les armes à la main contre l’ennemi numéro un de l’humanité, lutter pour libérer le peuple italien de l’oppression germano-fasciste, lutter pour aider à défaire l’ennemi, l’agresseur de l’Union soviétique, lutter pour faciliter et tendre plus rapidement….

[Page 20]

« Vive la révolution mondiale ! 
« Mort à la bourgeoisie exploiteuse et capitaliste !
« Mort aux prêtres du dieu bourgeois faux et mensonger !
« Le drapeau rouge triomphera !
« Vive les soviets italiens !
« Vive la dictature du prolétariat !
« Tout le pouvoir aux ouvriers et aux paysans, et à eux seulement ! ».
Pour résumer, nous sommes en présence d’une feuille qui prêche le bolchevisme intégral, léniniste et stalinien, qui n’admet pas de compromis avec les puissances capitalistes, ni avec des alliés occasionnels, et encore moins avec les prêtres et la religion catholique. Elle a même pour toute cette engeance des flèches bien plus appointées que contre le fascisme et le national-socialisme.
9°) PROMETEO : Déjà signalé dans le rapport précédent. Se dit : “Organe du Parti Communiste Internationaliste”. Comporte sous le titre l’indication suivante : Année 22, série III, et le au-dessus du titre : “Sur la voie de la gauche”. Dans l’angle de droite : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Journal qui, par son ton, surprend encore plus que Spartaco. Malgré tout authentique en dépit des accusations des autres journaux communistes inspirés par le camarade Ercoli.
C'est sans aucun doute le plus indépendant des journaux clandestins qui sont parvenus jusqu’ici entre nos mains. Idéologiquement, comme cela a déjà été mentionné, il est aussi plus intéressant et compétent. Il prêche un communisme pur, léniniste (et probablement trotskiste), et antistalinien. Opposé à la guerre, sous n’importe quel aspect : capitaliste-démocratique, fasciste ou stalinien. Par conséquent, en lutte ouverte aussi contre la coalition antifasciste, alliée avec les Anglo-saxons, et avec le mouvement “partisan”.
Nous avons signalé dans le rapport précédent la polémique particulièrement acérée et vive que le journal a soutenue avec le camarade Togliatti (Ercoli) qui, touché au vif, a réagi avec violence dans la revue La nostra lotta.
Dans le numéro du 1° mars 1944, les attaques contre le fascisme se sont faites plus vives, et ce pour trois raisons principales : en raison des accusations de philofascismse formulées par les organes “centristes”, d’un appel du Corriere della Sera à son intransigeance révolutionnaire (ce qui risquerait d’avaliser les accusations en paroles), et du coup porté aux mouvements subversifs par la mesure de la socialisation des entreprises.
Mais il ne veut voir dans le fascisme républicain que la survivance de la structure politico-administrative du régime d’avant juillet, laquelle n’aurait pas de raison d’être en dehors des nécessités de guerre du nazisme allemand. En abattant ce fascisme républicain, on se retrouverait ensuite en n’ayant « fait place nette que d’un fantôme », pour la raison toute simple que « la classe du sein et pour la défense de laquelle est né le fascisme » est passée dans l’autre camp en se proclamant démocratique dans la tentative de séparer son propre destin du sien. Pour frapper le fascisme au cœur, il ne sert donc à rien de se jeter « contre un groupe d’hommes et de formations politiques provisoires … il faut le chercher non seulement derrière les chemises noires de hiérarques et de sous-fifres plus ou moins titubants, mais aussi derrière les toges immaculées des néo-démocrates et derrière le [illisible] rouge de leurs serviteurs opportunistes. Derrière le rameau d’olivier que la bourgeoise “antifasciste” tend au prolétariat, il y a toujours en réserve la hache du licteur prête à servir ». Ce qu’il faut en d’autres termes, c'est éradiquer le régime bourgeois avec le lutte de classe. Autrement le prolétariat devra constater avec amertume « que le fascisme est mort, mais que son héritage a été recueilli par la démocratie ». (“Comment et où l’on combat de fascisme”, 01 - III.1944, pages 2 et 3).
C'est la même chose qui est dite en ce qui concerne la lutte contre le nazisme, lequel est un phénomène allemand « non pas parce qu’il aurait sa racine dans la soi-disant âme germanique ou dans quelque obscure malédiction de la race, mais parce que précisément c'est en Allemagne que le capitalisme a atteint ses manifestions les plus paroxystiques. Et pour guérir cette plaie, il n’y a que l’acte chirurgical de la révolution communiste. ». Comment vaincre le nazisme ? « Pour faire sauter en l’air la machine de guerre qui opprime le prolétariat allemand, n’appelez pas au secours une autre machine de guerre (anglo-saxonne ou russe), mais répandez dans les rangs des soldats allemands la graine de la fraternisation, de l’antimilitarisme et de la lutte de classe. » (“Mort aux Allemands ou mort au nazisme ?”, 14/03/1944, page 3).
La guerre doit être transformée en révolution. Mais l’on n’obtiendra pas cela avec le “partisianisme” qui ne représente pas autre chose qu’une manœuvre de l’ennemi pour créer le chaos politique dans les rangs du prolétariat. L’on doit répondre à l’appel du centrisme pour rejoindre les bandes de partisans par la présence dans les usines desquelles sortira la violence de classe qui détruira les ganglions vitaux de l’État capitaliste. (“Sur la guerre”).
Dans la rubrique de la page 4 intitulée “Coups de pied”, l’on commente l’abandon de l’hymne de l’“Internationale” par l’Union soviétique. Abandon logique, cependant : « Il n’y a rien de commun entre le capitalisme d’État et l’économie communiste, entre l’“Interna-tionale” et le panslavisme soviétique ; ce sont des termes historiquement antithétiques que seul le réalisme affairiste anglo-américain de la Conférence de Téhéran pouvait faire exploser sur le plan de la guerre impérialiste. ».
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[page 30]

une vulgarité jamais encore rencontrée jusqu’à maintenant dans aucun autre journal clandestin. Des insultes sanglantes sont aussi réservées au maréchal Graziani.
On se sert remarquablement de l’arme de la calomnie à l’égard des Allemands et l’on déforme les nouvelles jusqu’à les dénaturer complètement.
Politiquement, il s’avoue monarchiste : « En ce moment tragique pour la Patrie, il ne peut pas y avoir d’autre alternative : la Monarchie ou une nouvelle dictature. Toute autre concession est éphémère et caduque. Mais, tandis que, dans le la dictature, il y a toujours contrainte et coercition et souvent arbitraire et illégalité partisane, l’on doit reconnaître dans la Monarchie le moyen capable de rassembler les forces restantes d’un peuple épuisé, saigné à blanc, découragé, égaré, désagrégé par ce qui est le plus horrible et le plus absurde des conflits dont l’histoire se souvient… » (“D’où viendra le salut”, page 1).
Vis-à-vis des Anglo-saxons, l’attitude du journal ne peut pas être mieux définie que par la citation du passage suivant : « Aujourd'hui, l’Italie ne peut pas reprendre son chemin toute seule : elle a besoin d’une main fraternelle qui l’aide, et elle tend la sienne en quête de cette main fraternelle !... Si les faits doivent correspondre aux paroles, nous attendons cette aide des Anglo-saxons ! L’Angleterre, les États-Unis, peuvent trouver dans ce peuple de presque quarante-cinq millions d’habitants celui qui coopèrera le plus fidèlement, le plus intelligem-ment, en vue de la réalisation des postulats de justice et de paix qu’ils proclament… ».

11°) PROMETEO : “Organe du Parti Communiste Internationaliste”. Déjà signalé dans les deux rapports précédents. Comporte au-dessus du titre : “Sur la voie de la gauche”, et dans l’angle de droite : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Il prêche un communisme pur, léniniste et trotskiste, antistalinien.
Opposé à la guerre, sous n’importe quel aspect (qu’il soit capitaliste et démocratique, fasciste ou soviético-stalinien). Par conséquent en lutte ouverte aussi avec la coalition antifasciste, alliée des Anglo-saxons. Opposé au phénomène “partisan” et aux grèves inconsidérées.
Ennemi résolu et calé en matière de doctrine du Parti Communiste d’Ercoli.
Comme cela a déjà été dit, c'est le journal le plus indépendant qui soit parvenu jusqu’ici entre nos mains, et il ne manque pas de susciter la surprise chez qui le lit. Authentique cependant, malgré les accusations des feuilles inspirées par Togliatti.
Antifasciste, il ne veut voir dans le régime actuel qu’une survivance précaire de la “structure politico-administrative” du régime d’avant juillet.
Antinazi, il distingue entre le national-socialisme et le peuple allemand, et il condamne âprement la campagne antiallemande des autres feuilles subversives, inféodées à la guerre démocratique.
Dans le numéro du 1° avril 1944, il s’oppose encore une fois aux grèves organisées par la coalition antifasciste pour laquelle le prolétariat, « lâché par le fascisme », se retrouve arrimé à la démocratie, qui n’est pas moins dangereuse pour lui, « par l’intermédiaire de l’opportunisme socialiste et surtout centriste ». Par cet adjectif, le journal définit la position du Parti Communiste d’Ercoli.
À propos de la socialisation, l’on a déjà vu dans le deuxième rapport quel était l’avis de Prometeo. À toute fin utile, le journal revient sur le sujet dans une note de la page 3 avec le titre : “Socialisation et socialisme”.
Pour le journal, États fascistes et États démocratiques sont quand même des États bourgeois. Bien qu’ils soient ennemis, « ils sont unis face à l’ennemi commun d’une explosion révolutionnaire ». Cela est si vrai que, « justement sur le terrain social, leurs programmes ont tendance à se ressembler graduellement ». Peu importe que les uns contestent aux autres le qualificatif de “vrais socialistes”. « Qu’elle soit attestée par les régimes fascistes ou par les régimes démocratiques, la socialisation non seulement ne représente pas une déviation du système capitaliste, mais elle en est même le développement extrême ; non seulement elle n’est pas le socialisme, mais elle est l’expédient de la classe dominante pour barrer la voie à la révolution prolétarienne. ».
Ici, le journal fait suivre une analyse extrêmement habile du phénomène lorsqu’il affirme que, en assumant la gestion des entreprises, l’État « les encadre dans un plan économique qui n’est plus dicté par des intérêts d’individus ou de catégories, mais par les nécessités supérieures de la classe dans son ensemble ». En d’autres termes, « l’État absorbe les entreprises privées et le capitaliste qui détenait auparavant les actions devient le grand actionnaire de l’État. Lequel non seulement lui garantit un revenu fixe, mais prend sur lui les risques… De cette façon-là, la concentration capitaliste donne à l’État la physionomie la plus insolente d’organe d’administration de la classe dominante… ».
Un expédient politique bourgeois serait également la nouvelle réforme constitutionnelle de l’Union soviétique dans laquelle le journal voit une manœuvre uniquement destinée « à assurer de nouveaux avantages à la Russie dans la bataille diplomatique et dans le partage du monde ».
Dans la rubrique “Coups de pied”, Prometeo accorde également beaucoup d’ironie à la soi-disant “liberté démocratique” prodiguée aux provinces méridionales par les envahisseurs anglo-saxons.
Comme conséquence de ce qui précède, le journal adresse un appel aux ouvriers auxquels il prêche ceci : « Votre bataille est en même temps une bataille contre le régime bourgeois qui croule sous le poids de ses fautes et une bataille contre le régime bourgeois qui prétend en assurer la succession pour vous l’arracher : c'est à cette bataille que votre Parti vous appelle, en laissant les opportunistes de toutes les nuances courir derrière les partis qui, sous une nouvelle apparence, incarnent la domination séculaire du capital sur le travail, et en levant haut sur la scène sanglante du massacre le drapeau rouge vif de la révolution prolétarienne. ».
Il serait intéressant de savoir si le mouvement de Prometeo a eu une suite effective. On peut considérer qu’il y en a eu peu étant donné sa position intransigeante, trop en contradiction avec l’opportunisme galopant des masses antifascistes, résultat de la lâcheté morale et physique dont les événements de juillet et de septembre ne furent que les manifestations les plus voyantes. Quoi qu’il en soit, la bonne foi de cette feuille extrémiste semble assurée, car elle est l’unique sans doute digne de quelque considération dans le chœur ignoble des courants subversifs.

12° ITALIA COMBATTE : organe de la propagande ennemie, probablement imprimée à Naples. Comporte l’indication : “Transportée par l’aviation alliée”. Au-dessus du titre, les drapeaux de la Grande-Bretagne, du royaume d’Italie, des États-Unis.
De par son caractère et son contenu, cette feuille s’apparente à d’autres qui ont été analysées dans le rapport précédent : Il Quarto Fronte et Il Patriota.
À la fois bulletin d’instructions pour les bandes rebelles et feuille menaçante à l’adresse des fascistes et des fonctionnaires de l’État républicain. Donne une grande importance aux informations partisanes et aux meurtres des “nazis-fascistes”.
Le numéro du 24/04/1944 en notre possession exalte l’assassinat de Giovanni Gentile qui aurait « mis une plus forte dose de peur dans les rangs des hiérarques fascistes ».
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[page 42]

Comporte le sous-titre : “Le journal des travailleurs italiens”.
Il est imprimé en petit format dans les provinces opprimées et il est introduit en Italie du Nord par l’aviation ennemie, comme cela est dit dans l’article liminaire du n° 11 :
« Ce journal est fait pour vous, travailleurs italiens, vous qui combattez sur le quatrième front, le front de la guérilla, du sabotage et de la résistance passive. Ce journal qui, grâce à la coopération des Alliés, vous tiendra régulièrement informés du mouvement ouvrier renaissant dans l’Italie libérée et de la nécessité pour le prolétariat européen à lutter conte le joug nazi… ».
Cette petite feuille veut être un bulletin de propagande syndicale et partisane.
En page 2 du n° 1, on lit en gras la chose suivante : « Les libertés dont nous jouissons aujourd'hui nous sont plus chères car nous savons que nous avons combattu pour elles ».

17°) PROMETEO : Déjà signalé dans les rapports précédents. Comporte l’indication : “Organe du Parti Communiste Internationaliste”.
Comme cela a déjà été dit, il prêche un communisme pur, léniniste et trotskiste, antistalinien. Opposé à la guerre sous quelque aspect que ce soit et par conséquent en lutte ouverte aussi avec la coalition antifasciste, alliée aux ploutocraties. De même, opposé au phénomène partisan et aux grèves inconsidérées.
C'est un ennemi implacable, et, ce qui compte beaucoup, calé en matière de doctrine, du Parti Communiste d’Ercoli, qui a montré à plusieurs reprises qu’il était sensible à ses piques.
Malgré ses attaques à l’encontre du fascisme, il ne manque pas de susciter de la surprise chez celui qui le lit, précisément du fait de son attitude d’indépendance à l’égard des autres mouvements subversifs. Il est toutefois à considérer comme authentique.
L’on a déjà parlé de manière exhaustive de la position doctrinale de ce journal dans les précédents rapports, en particulier dans le rapport n° 3 (p. 30 et suivantes).
Ici aussi, la note dominante est celle de l’aversion pour la guerre dont on fait retomber la responsabilité sur la classe dirigeante capitaliste des impérialismes opposés : les impéria-lismes fascistes et les impérialismes démocratiques. Selon le journal, « cette saignée criminelle effectuée dans les chairs vives de générations entières et cette déperdition folle et idiote de richesses, fruit d’un travail humain séculaire, demeurent des réalités irrésistibles du régime bourgeois bien qu’agonisant ».
« La guerre est toujours un conflit entre des impérialismes rivaux, mais quel en est l’enjeu ? Évidemment, la consolidation d’un impérialisme qui se fait aux dépens d’un autre. Mais à quel besoin urgent et soudain répond cette consolidation réalisée aux dépens d’un autre impérialisme qui est lui aussi capitaliste ? ». Il n’y a qu’une seule réponse. Chaque impérialisme, qu’il soit fasciste ou démocratique - et l’impérialisme stalinien rentre lui aussi dans cette catégorie - se préoccupe, avec cette diversion sanglante, d’échapper à la poussée de ses forces prolétariennes internes. Chaque bourgeoisie nationale est par conséquent amenée inexorablement « à rompre la solidarité de classe et son équilibre international lorsque le problème de son équilibre national est devenu pour elle plus obsédant et menaçant ».
Mais aujourd'hui, l’on perçoit partout les signes d’une lassitude qui est déjà en cours et qui est « fatalement contagieuse ». La bourgeoisie est définitivement condamnée. « Qui-conque sera le vainqueur temporaire par les armes ne sera plus en mesure de se servir d’une victoire fictive comme base d’une reconstruction bourgeoise capitaliste de la société… Aucun régime ne sera plus en mesure d’opérer le miracle de la résurrection bourgeoise… (“Le prolétariat gagnera la guerre”, pp. 1-2).
Dans ces conditions, le prolétariat doit s’apprêter à donner l’assaut au pouvoir. Et par conséquent, il faut qu’il ne se laisse pas leurrer par les manœuvres de ses ennemis naturels, qui, « d’un côté et de l’autre de la barricade », cherchent à l’appâter avec les promesses les plus fallacieuses. La date du 1° mai tombe à propos pour ramener les travailleurs de tous les pays au sens des réalités. « Dans ce climat de guerre, la classe dominante et les opportunismes socialiste et centriste ont transformé le Premier Mai de journée de veille révolutionnaire en une espèce de grande fête nationale dans laquelle on célèbre non pas la lutte mais la concorde des classes, non pas la solidarité internationale des prolétaires, mais leur massacre. Et Hitler en fait le symbole de la “renaissance” - tragique renaissance - de l’Allemagne, et les bourgeois de chez nous chantent vos hymnes de combat en même temps que les hymnes de l’hypocrisie patriotique ; et sur la Place rouge, au lieu des notes entraînantes de l’Internationale, c’est le rythme d’un nouvel hymne de guerre qui retentit. » (“Nouvelle aube pour le prolétariat”, page 1).
Ce n’est pas le seul à l’être, mais partout le destin des jeunes est tragique. Chez nous, ceux qui sont les plus jeunes « accourent pour faire résonner les casernes de chants guerriers et pour se préparer à la mort lointaine de la guerre pour échapper à la mort proche du peloton d’exécution. Et, étant donné que ne vient à eux depuis l’autre côté de la barricade qu’une autre invitation à la guerre - bien que ce soit la guerre de partisans -, il leur semble n’y avoir qu’une seule alternative : la guerre fasciste ou la guerre démocratique, les balles de la nouvelle “charte du travail” ou les balles de la “charte atlantique”, mise à jour à Téhéran » (“Sur la voie juste”, page 1, “La voie des jeunes”, page 3).
C'est pourquoi le journal prône la désertion, mais pas la désertion d’un camp pour s’enrôler dans l’autre camp armé. “Refuser la guerre”. Voilà ce qu’il faut faire. « Jeunes ouvriers, contre toutes les guerres, contre toutes les parties, pour la révolution ».
Parmi les mensonges qui visent le peuple, Prometeo dénonce particulièrement celui de l’extrémisme catholique dont les cerveaux brouillés par les alliances hybrides de notre époque ne s’aperçoivent pas du grand piège. « Ils voient dans ce phénomène le symptôme, le signe d’un bouillonnement de forces sociales, dans le sous-sol sur lequel le travail quotidien du prêtre s’exerce plus directement, le milieu paysan : ils ne voient pas la gigantesque manœuvre d’une institution de conservation qu’une expérience séculaire a éduquée à l’art majeur consistant à assimiler les forces rebelles pour les étouffer à la naissance, avant qu’elles ne menacent les assises sociales sur lesquelles repose l’édifice supranational de l’Église ». Et le journal de poursuivre : « L’Église, avec toutes ses nuances de dissidences, l’Église qui accueille dans ses grands bras, l’un à côté de l’autre, don Calcagno(*) et don Pecoraro(**), ne peut pas - en tant qu’institution politique liée par de nombreux fils à la société actuelle - être épargnée par la révolution prolétarienne davantage que ne doivent et ne peuvent l’être d’autres manifestations de cette société qui sont plus nettement politiques » (“Sur la voie juste : 2 -Extrémisme catholique”, page 3).
La position prise par Prometeo dans le conflit en cours ressort clairement des citations qui précèdent. Les attaques lancées contre Togliatti et son opportunisme centriste méritent également d’être signalés (dans la rubrique “Coups de pied”, page 4).

18°) UMANITÀ : Apparaît pour la première fois dans notre rapport. Se proclame l’“Organe de l’Union des Travailleurs Italiens”.
L’unique copie qui est tombée en notre possession comporte le n° 6 (année II) et la date de juillet 1944. Elle ne nous permet pas de définir clairement la tendance de ce journal qui affirme par ailleurs qu’il a exposé les lignes générales de son orientation idéologique dans le n° 5. À cause du titre, qui reprend celui du quotidien fondé à l’époque en France par Jean Jaurès (et devenu ensuite l’organe communiste), et de la publication en page 2 de l’”Hymne des travailleurs” de Filippo Turati, il semblerait qu’il s’agisse d’un journal socialiste indépendant. À moins qu’il ne s’agisse d’une feuille pseudo-subversive éditée, à des fins secrètes, par la propagande monarchiste, ou mieux encore un organe purement et simplement de la propagande ennemie. Considérant cela, il serait bien de procéder à un examen systématique de l’attitude observée par la feuille sur des questions qui divisent aujourd'hui de manière essentielle l’opinion des différents groupes et des différentes tendances.
Relativement à la question institutionnelle, cette feuille considère elle aussi que l’on devrait attendre le résultat d’une consultation du peuple italien après la guerre. Mais son avis est un peu celui de certains groupes démocratiques-libéraux : l’opinion publique ne doit pas être contrainte ou de toute façon incitée par telle ou telle tendance. L’on pourrait déduire de cela qu’elle se préoccupe pas mal de l’ingérence des deux partis d’extrême-gauche : le Parti Communiste et le Parti Socialiste d’Unité Prolétarienne. Si donc cette feuille est une feuille socialiste - comme elle voudrait le paraître - sa position par rapport au socialisme officiel pourrait être comparée à celle de Prometeo
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4°) PARTI COMMUNISTE INTERNATIONALISTE

C’est ce “parti” qui a pour organe le périodique Prometeo et dont nous avons mentionné amplement l’attitude dans chacun de nos rapports. Les trois documents qui suivent sont, sans aucun doute, les plus intéressants parmi ceux que nous avons eu l’occasion d’examiner.
Les deux premiers sont à vrai dire des écrits d’actualité. Il s’agit de deux articles dactylographiés, anonymes, obtenus par l’intermédiaire d’un élément de confiance introduit dans ce mouvement subversif. Le premier traite de la politique russe sous la direction de stalinienne, et le second prétend étudier la situation générale du moment historique actuel : examens menés à la lumière de la doctrine communiste pure, avec l’intention de mettre au clair ce qui devra être l’orientation nécessaire de la IV° Internationale face aux problèmes posés par la guerre et par la paix. D’où la valeur programmatique de ces deux écrits.
Le troisième document est un manifeste d’action pratique révélateur d’une prise de position plus résolue d’un mouvement qui, jusqu’à présent, nous était surtout connu par son attitude critique plutôt académique, d’autres diraient “attentiste”. Un document donc qui mérite d’être examiné avec une attention particulière.


n.IV. B.5 : “La question russe. L’expérience démocratique sous l’égide du centrisme en Italie”.

Un article comme on l’a dit anonyme, mais qui reflète l’attitude du Parti Communiste Internationaliste sur la question de l’avènement du socialisme.
Sur la base de la documentation la plus orthodoxe, il étudie avec beaucoup de finesse le processus de dégénérescence de la Révolution russe, qui, après le tournant pas seulement tactique de 1926-27 (Nouvelle Politique Économique), en est venue graduellement à s’orienter vers la création d’un État capitaliste d’un nouveau genre, sans désormais de contrôle ouvrier, sous la direction d’une nouvelle classe bureaucratique de “bénéficiaires de l’État”. Dans sa seconde partie, l’article met en lumière l’action fondamentalement anti-prolétarienne de la politique “centriste” (Togliatti) en Italie et il invite les communistes internationalistes à se préparer à une lutte qui sera dure, mais qui sera cependant facilitée par les contradictions dans lesquelles la politique soviétique s’est fourrée comme n’importe quel régime capitaliste bourgeois.
Les étapes du processus de dégénérescence soviétique, telles qu’elles sont indiquées par l’auteur, peuvent être récapitulées succinctement comme suit :
En 1926-27 (année au cours de laquelle il y a eu la phase culminante de la lutte entre le “centrisme” stalinien et la gauche trotskiste), afflux dans le Parti de nombreux représentants les plus typiques du courant menchevik et populiste ; décapitation de l’avant-garde prolétarienne ; implantation dans les points névralgiques de l’organisation de l’État de débris loin d’être négligeables d’autres classes ; prémisses de la reconstitution de la propriété privée des moyens de production créés par la NEP ; intégration, à l’époque de la collectivisation forcée - imposée par la pression de l’avant-garde prolétarienne qui d’autre part venait d’être décimée - des hommes de la NEP comme fonctionnaires dans l’appareil économique et financier de l’État.
Ces derniers, qui disposaient du levier de commande politique, se sont créés une situation de privilèges en s’accaparant du fonds d’accumulation de l’industrie et en spoliant les ouvriers et les paysans comme consommateurs, grâce aux prix de vente exagérément élevés, dus au coût de production exorbitant que leur maintient exigeait.
En d’autres termes, l’on a eu : 1) la formation, sur la base d’une économie socialisée, d’une nouvelle classe exploiteuse ; 2) la transformation de l’État, propriétaire du capital social, en un organe d’administration des intérêts de cette classe.
Le programme de la gauche était employé comme une arme contre elle : l’économie des plans quinquennaux mobilisait les masses prolétariennes, en leur faisant miroiter le mirage d’une nouvelle marche vers le socialisme, en vue de la création d’un régime de propriété étatique gérée dans l’intérêt de la nouvelle classe dominante. L’État à direction “opportuniste” pouvait assurer aux nouveaux exploiteurs, non plus en qualité d’entrepreneurs, mais de fonctionnaires, de spécialistes, d’administrateurs, le profit qui, en régime capitaliste, naît de la propriété privée des moyens de production.
Peu à peu, les derniers restes de contrôle ouvrier disparaissent au sein de l’entreprise. L’établissement des salaires en 8 catégories légalisait de fortes inégalités entre travail manuel et travail spécialisé, et l’auteur relève que, lors du VIII° Congrès des soviets de l’Union (décembre 1936), 3% seulement des délégués étaient des ouvriers et des paysans ordinaires.
« La guerre ne peut qu’avoir concentré ce phénomène et on le voit dans la reconstitution de la caste militaire, dans l’extension des privilèges des couches supérieures (limitation de l’accès à l’enseignement supérieur, etc.), dans la liquidation de l’Interna-tionale, dans l’exaspération de l’idéologie patriotique, démocratique, panslave. La guerre elle-même, qu’il est ridicule de présenter comme une guerre défensive (pour un pays qui fait partie de la SDN depuis 1933 et qui était devenue partie dirigeante de l’encerclement des fascismes), est l’expression ultime de ce processus. Les plans quinquennaux, avec la dilatation hypertrophiée de l’appareil industriel et de la production des biens d’équipement, ont été la meilleure introduction à la guerre… ».
Maintenant, l’impérialisme soviétique, né sur les ruines de la révolution prolétarienne, se trouve en net avantage par rapport aux autres États capitalistes dans la lutte contre les forces de la “vraie” révolution du fait qu’il peut encore jouer, devant les masses, sur un capital accumulé de démagogie révolutionnaire. Dans ce jeu de sa part, il se sert de l’agent en sous-main du “centrisme”, lequel a aujourd'hui la fonction d’impliquer les masses dans une guerre de libération démocratique, que sa présence en qualité de parti communiste semble transformer en guerre prolétarienne, et de préparer dès à présent le passage d’un régime bourgeois en crise en un autre régime bourgeois, capable de fusionner les caractéristiques fondamentales des démocraties vieux style et les résultats finaux auxquels le soviétisme  est parvenu.
La première initiative concrète du stalinisme dans l’Europe d’aujourd'hui est en train de s’accomplir, à des fins expérimentales, sur le corps malade de l’Italie. Entre les deux termes du dilemme : guerre ou révolution, le “centrisme” a choisi la guerre. D’où, en toute logique, sa participation au gouvernement Badoglio. Cela, tandis que, dans un pays comme le nôtre « destiné à être le point de croisement d’expériences politiques et de diverses solutions diplomatiques », le centrisme se dirige en vue de l’avenir vers une carte intermédiaire - pour ne pas trop effrayer les capitalismes occidentaux - : la restauration démocratique, ou, selon la formule synthétique de Togliatti, la république progressiste, qui devait renouveler sous une forme plus active l’expérience des fronts populaires français et espagnol.
Le mensonge exposé aux masses prolétariennes consiste en ceci : dans l’intention d’établir demain un contrôle soviétique, c'est-à-dire bourgeois, sur une révolution socialiste : bureaucratisation des mouvements révolutionnaires par le fonctionnarisme centriste et l’intervention “colonisatrice” d’agents soviétiques (les “spécialistes de la révolution” que certains attendent de l’URSS).
L’expansion soviétique est par ailleurs prisonnière d’une grave contradiction : elle a besoin, pour s’imposer, d’une amplification de l’explosion révolutionnaire ouvrière, et, dans le même temps, elle doit en craindre les développements et ses conséquences extrêmes. En effet, le régime soviétique est miné par les mêmes contradictions qui caractérisent - selon la critique marxiste - le régime de production capitaliste : en premier lieu, celle qui se manifeste entre le caractère social de la production et la forme privée d’appropriation de la plus-value. « Les masses elles-mêmes qui combattent aujourd'hui pour la défense désespérée de quelque chose qu’elles ont déjà perdu, ne voudront-elles pas demain ce qui était le résultat d’Octobre ? ».
D’où la nécessité pour la gauche communiste de se préparer dès à présent à la lutte. « L’axe du régime bourgeois, qui a été d’abord la démocratie et ensuite le fascisme, sera demain le soviétisme de marque stalinienne avec son centre pensant en URSS et son épine dorsale sur son terrain d’expansion et de colonisation (Balkans ? Allemagne ? bande méditerranéenne ?) ».
La force de la gauche « sera donnée par la faiblesse intrinsèque de l’expérience qui est une expérience de compromis ». « La classe ouvrière se trouvera confrontée à un nouveau type d’expérience du type front populaire, qui sera davantage sans préjugés et innovatrice, mais qui sera destinée à se heurter à des difficultés bien plus graves que celles des expériences précédentes. Il y a à la base du succès centriste un malentendu gigantesque : le malentendu de masses qui attendent de la victoire de ce parti, dès aujourd'hui, une transformation révolutionnaire. ». Ces ferments de désagrégation qui sont comprimés à l’heure actuelle « par l’immaturité politique, par le malentendu et le sentimentalisme de parti » ne pourront pas manquer d’agir. La gauche communiste italienne doit se préparer à accueillir en son sein les forces saines de la révolution prolétarienne, de façon à empêcher, au moment opportun, le centrisme de réaliser, « avec l’arme de la corruption, sur le dos du prolétariat en marche vers la conquête du pouvoir, … cette même manœuvre qui a réussi à la nouvelle bourgeoisie russe dans le tourment de vingt années de dictature stalinienne. ».
Jusqu’ici, l’auteur reste anonyme. Si nous oublions ces idées fixes propres à l’idéologie trotskiste, nous ne pouvons pas nier une certaine acuité à son analyse du processus de dégénérescence soviétique et la caractérisation des contradictions intimes qui minent la structure du régime stalinien.
Du point de vue fasciste, nous pourrions signaler que le texte considère comme déjà liquidés le régime mussolinien et son expérience sociale. Mais, parmi les adversaires qui sont en notre présence, l’on doit reconnaître que celui-ci est le seul qui est peut-être de bonne foi.

n.IV. B.6 : “La situation générale”

Un article du même auteur anonyme. Il étudie la genèse du conflit actuel à la lumière de la doctrine marxiste-léniniste de la guerre, qu’il présente comme une solution, voulue par le capitalisme mondial, à une situation qui, si cette solution avait manqué, aurait eu comme débouché la révolution prolétarienne.
Dans cet article, les idées doctrinales préconçues sont bien plus sensibles que dans le précédent, y compris du fait de sa prétention à donner une structure trop rigoureuse à la présentation d’un phénomène qui n’a jamais été plus complexe. Entre autres - en ce qui concerne la partie qui nous intéresse plus directement -, l’auteur a le tort de juger le fascisme selon des schémas trop partisans et sur la base d’éléments formels. C'est ainsi qu’il tombe dans le malentendu consistant à considérer comme bourgeois et capitaliste un mouvement qui tendait au contraire de toutes se forces à se libérer de l’étreinte de forces étrangères avec lesquelles il avait dû transiger momentanément pour des raisons contingentes, intérieures et surtout internationales.
L’on ne peut cependant pas nier à l’auteur une certaine acuité de vues, notamment dans l’interprétation d’événements particuliers, comme pourrait l’être, par exemple, le comporte-ment de la Russie soviétique par rapport à la guerre, ou bien la manœuvre anglaise au moment de l’effondrement de la France. Et d’autre part, plus que du fait de son interprétation générale de situations et d’événements, le texte doit nous intéresser à cause de la lumière qu’il jette sur la doctrine révolutionnaire qui le façonne.
Dans la première partie de ce texte, il est fait allusion à la crise de la société capitaliste qui s’est manifestée avec la guerre de 1914-1918, contre laquelle le Révolution russe de 1917 s’est insurgée. Il se profilait alors une solution révolutionnaire qui devait durer jusqu’en 1927, date de la défaite du prolétariat chinois et de l’élimination par le parti russe de sa gauche bolchevique (Trotski). C'est le krach boursier américain de 1929 qui a marqué la fin de la phase révolutionnaire.
Le problème social, tel qu’il se pose à cette date, est le suivant : « ou continuer à produire des facteurs socialistes, c'est-à-dire de la richesse, sur la base de l’économie normale, en rapport avec les besoins des masses » (ce qui aurait assuré le triomphe pacifique du socialisme), « ou bien transférer l’économie sur le plan destructeur de la production de guerre, c'est-à-dire inaugurer l’époque de l’économie de guerre ». « Et c'est cette dernière voie qui a été choisie, car c’était l’unique voie qui permettait à la société capitaliste de survivre ».
L’Allemagne, selon l’avis de l’auteur, était « la grande malade », en particulier « à cause du manque de colonies qui auraient, dans une certaine mesure, atténué les coups destructeurs de l’économie de guerre ». « Les hautes sphères du capitalisme mondial ont eu une conscience exacte de la situation allemande, et c'est en fonction de cette situation - en dehors des facteurs concomitants des contradictions impérialistes… - que la guerre a été décidée ». L’auteur poursuit : «  La première phase de la guerre a vu en effet le débordement du bubon allemand avec une impétuosité telle qu’elle a fait trembler le capitalisme mondial face à la haute tension existant dans l’enveloppe sociale allemande, laquelle aurait certainement cédé si l’on avait tardé davantage à ouvrir la soupape de sécurité du conflit extérieur ».
Interprétation, comme on le voit, typiquement marxiste des événements de 1939. Quoi qu’il en soit, l’explication que l’article donne de l’attitude russe est intéressante. « Le rôle de premier plan joué par la Russie dans le déclenchement de la guerre est mis en relief par une situation qui a vu l’État prolétarien s’allier avec le présumé ennemi d’hier et compromettre ainsi toute sa politique d’influence sur le prolétariat français. Celui-ci, enivré par l’idée de la guerre antihitlérienne, ne pouvait pas en effet comprendre la signification de la volte-face russe qui était inspirée par les intérêts supérieurs de classe directement liés au cerveau mondial du capitalisme. La tâche était claire. D’une part, aider Hitler en lui facilitant l’entrée en guerre (unique voie pour résoudre la situation intérieure désespérée à travers l’un des deux pôles du dilemme, guerre ou révolution), et d’autre part placer dans des conditions juridiques favorables l’Angleterre et la France pour la déclaration de guerre. Il était inévitable que ce jeu raffiné auquel était convié la Russie comporte une certaine confusion, et il ne pouvait en être autrement étant donné que les prolétaires qui avaient précédemment mordu à l’hameçon de la guerre antifasciste ne pouvaient pas se convaincre que, au fond, il s’agissait seulement de faire la guerre… Le prolétariat français a reçu le coup de grâce de la volte-face russe et il est parti à la guerre démoralisé et décidé à ne pas combattre. Les armées allemandes pouvaient sous peu mettre de l’ordre dans un secteur qui menaçait de devenir dangereux. La tactique vraiment raffinée de l’Angleterre a facilité la tâche allemande : ce pays a compris que, dans une situation aussi scabreuse, il convenait mille fois de laisser aux Allemands la tâche de remettre de l’ordre, et cela au plus vite. Le capitalisme français a eu du reste une claire conscience de la manœuvre britannique et, après le limogeage du cabinet Reynaud, … il a ressorti la vieille épave Pétain, en le présentant sur la scène politique française comme un facteur de pacification : à ce moment-là, en effet, le seul ennemi était le prolétariat qui, dans le chaos de la défaite, pouvait peut-être trouver le fil de jonction avec les anciennes batailles révolutionnaires… ».
La citation est un peu longue. Mais l’on ne peut pas nier qu’elle contient une partie de la vérité, du moins pour ce qui concerne les calculs de la politique soviétique, eux aussi conduits avec une logique marxiste, même si c'est avec des objectifs impérialistes.
Nous ferons abstraction de l’explication que l’auteur trotskiste donne des événements ultérieurs pour passer à son interprétation du coup d’État badoglien. Il voit aussi en lui le reflet d’un instinct de classe de la bourgeoisie italienne qui, pour « se refaire une virginité, non seulement vis-à-vis des champions de l’ordre d’outre-Atlantique, mais, et surtout, vis-à-vis du prolétariat italien », n’a pas hésité « à passer du côté du soi-disant ennemi ».
Quelle est l’attitude des communistes italiens en cette occurrence ? Familier avec la façon de raisonner bolchevique, l’auteur peut ici aussi nous fournir des indications utiles.
« L’intervention centriste, à côté de la caste militaire, en faveur du maintien de l’ordre dans les usines, démontre le rôle de ce facteur au service de la conservation de classe de la bourgeoisie. En réalité, le gouvernement Badoglio s’est déclaré tout de suite en faveur de la continuation de la guerre contre l’Angleterre et par conséquent contre la Russie elle-même. La fin immédiate des hostilités n’était possible qu’avec l’entrée en lice des grandes masses : le centrisme a préféré la légalité badoglienne en prônant l’homogénéité et la pacification nationales (voir l’intervention de Scoccimarro), étant donné que lancer les masses au cri d’“à bas la guerre” voulait dire lancer le mot d’ordre de la prise du pouvoir et, par voie de conséquence, allumer le flambeau de l’insurrection générale du prolétariat européen contre la guerre. Le centrisme ne voulait pas de cela, il n’en veut pas et il n’en voudra jamais… ».
Suivent certaines considérations, plutôt gratuites, sur la situation allemande et sur la fin, considérée comme proche, des fascismes.
« Après la fracture politique du coup d’État de Badoglio, le capitalisme mondial a su manœuvrer si bien qu’il a évité la fracture sociale dans le secteur italien. Le prolétariat des autres secteurs, en particulier le prolétariat allemand, a dû renoncer momentanément à l’espoir de pouvoir se lever à la suite de la situation italienne. Mais l’évolution de la situation intérieure de l’Italie démontre que son rythme de développement se trouve sur le même plan que le rythme allemand. Le nazisme a pu éviter une crise politique qui aurait servi de thermomètre pour mesurer la température de la situation sociale intérieure : mais ce fait n’empêche pas la maturation accélérée des facteurs sociaux dans ce secteur et, par voie de conséquence, dans toute l’Europe. Les mesures de plus en plus strictes prises dans le secteur italien sur le terrain social et militaire donnent déjà un cadre de ce que peut être la situation générale en Europe : les “socialisations”, l’établissement du statut syndical, l’appel à l’unité de tous les Italiens, les sorties à tendance démocratique de quelques journalistes et journaux, l‘appel aux marginaux, et enfin les derniers discours de Mussolini, de Borsani et de Graziani, sont autant de symptômes d’une situation qui évolue vers son issue finale. Le rôle des fascismes allemand et italien se réduit désormais à la fonction de gardien de prison zélé qui, ne pouvant faire autrement, se préoccupe de livrer en bon ordre la prison européenne aux nouveaux patrons. Cette transition ne se passera cependant pas nécessairement de manière pacifique et administrative : pas du tout. C'est Borsani qui le dit : “Il faut combattre, même si combattre veut dire mourir”. En d’autres termes, il faut saigner à blanc la masse ouvrière pour pouvoir ensuite la dominer… Afin d’obtenir un bon résultat pour ce plan, les policiers démo-centristes ne perdent pas de temps. Après la Conférence de Téhéran, et l’accord pour la collaboration dans l’après-guerre, l’offensive diplomatique contre les neutres démarre… D’autre part, on assiste à une mise en scène de plus en plus spectaculaire de l’élément russe qui devrait servir de pôle d’attraction aux masses européennes dans la tentative de les empêcher de devenir conscientes des conditions réelles dans lesquelles elles se trouvent. En 1939, la grande malade était l’Allemagne : en 1944, la grande malade s’appelle l’Europe…. ».
Telles sont les idées du courant de Prometeo à propos de la crise qui tourmente l’Europe. Elles nous intéressent surtout pour leurs conclusions auxquelles parvient l’auteur, conclusions qui peuvent être synthétisées ainsi :
1°) incapacité du capitalisme, en dépit du contrôle absolu de l’économie de guerre, de maîtriser les crises qui passent du terrain économique au terrain social ;
2°) solidarité, même non intentionnelle, du capitalisme qui se manifeste par des faits concrets : tout ce qui concerne l’honneur, la patrie, la religion, la morale, etc., passe au second plan devant la tâche principale qui est d’empêcher l’émancipation du prolétariat ;
3°) préparation du capitalisme mondial à une campagne contre-révolutionnaire qu’il faudra mener non plus sur le terrain militaire, mais sur le terrain social, avec l’aide non seulement du “centrisme”, mais aussi d’éléments ex-anti-centristes, appâtés à cette fin ;
4°) ressources indéniables de l’ennemi de classe dans le domaine de la démagogie revendicative (augmentation des salaires, socialisation, etc.) ;
5°) probable intention du capitalisme mondial d’“arrimer” l’impétuosité révolutionnaire au char de la victoire militaire.
Et à ce dernier propos, l’article conclut ainsi :
« Les fronts militaires disparaîtront. Chaque ville sera transformée en foyer de sédition. Les masses insurgées auront à leur côté les soldats de toutes les couleurs, de tous les pays du monde, et le capitalisme sera obligé de fonctionner dans ce chaos, et il trouvera peut-être la mort en lui. ».
L’article se termine sur cette vision apocalyptique. Il ne précise pas quel côté la gauche communiste s’apprête à soutenir dans cette grosse tempête. Mais quelque chose en a été ébauché dans l’article précédent. Pour le reste, l’examen du document suivant sera utile.


n.IV. B.7 : “Contre l’opportunisme, pour une politique de classe”.

Manifeste du Parti Communiste Internationaliste aux ouvriers italiens, portant la date de juin 1944.
Ce manifeste est constitué d’un préambule et d’un programme d’action en 7 points.
Le préambule débute ainsi : « Ouvriers italiens ! La plus effroyable des guerres impérialistes touche à sa fin, et les plans politiques et diplomatiques se préparent déjà afin de surmonter la crise inévitable de la société bourgeoise. Le prolétariat est encore incapable de dire son mot décisif en elle. Sollicitée par les deux belligérants pour se sacrifier sur l’autel de la patrie, bercée de faux espoirs par les uns et par les autres avec le mirage d’une hypocrite “justice sociale”, exploitée par tous, la classe ouvrière cherche autour d’elle qui la guidera vers le but obscurément pressenti et voulu de la révolution prolétarienne. ».
Suivent quelques considérations sur la crise de l’autre après-guerre qui a vu le triomphe du prolétariat seulement en Russie, tandis qu’ailleurs, y compris du fait de l’inaptitude de partis à structure de masse, l’on passait d’un régime bourgeois à un autre régime bourgeois, et, dans quelques États, à la « terrible arme de la réaction fasciste ». Maintenant, le Parti Communiste Internationaliste semble considérer le fascisme  comme déjà vaincu et liquidé. Mais la menace de la bourgeoisie lui paraît évidente : celle-ci « se dépouille du costume râpé du fascisme et court se vêtir de l’habit blanc de la démocratie, dans l’union hybride avec les socialistes et les centristes ». Et même l’opportunisme de ces deux partis se sert des armes « les plus acérées et les plus délicates de la bataille de classe » pour « les transformer en instruments de guerre ou en éléments de restauration démocratique », en encadrant même « la fine fleur de la jeunesse prolétarienne non pas dans des organismes de défense et d’attaque prolétariennes, mais dans des formations partisanes organiquement liées à la stratégie militaire et politique des puissances démocratiques ».
Il est nécessaire que, après « vingt-deux années de répression féroce », les masses ouvrières éventent le mensonge qui leur est présenté par la social-démocratie et par le “centrisme”. D’où le programme d’action que l’on reproduit dans son texte intégral :
« Le prolétariat oppose à la guerre, à la réaction fasciste, au mensonge réapparaissant de la démocratie bourgeoise, comme notre Parti n’a cessé de l’indiquer :
« 1°) la désertion de la guerre dans toutes ses formes ;
« 2°) l’action quotidienne et systématique de l’ouvrier contre le mécanisme économique devenu destructeur de vie et producteur de mort ;
« 3°) la défense physique de la classe contre la réaction, contre la déportation, contre les réquisitions, contre l’enrôlement forcé, dans un esprit fraternel de solidarité ouvrière ;
« 4°) une agitation politique constante contre la guerre, agitation dans laquelle confluent et se réalisent tous les intérêts contingents et finaux de la classe laborieuse ;
« 5°) une entente - dont notre Parti souhaite la possibilité - entre les formations prolétariennes classistes qui ont pour base minimale la lutte contre la guerre ;
« 6°) la transformation des formations partisanes, là où elles sont composées d’éléments prolétariens et de saine conscience classiste, en organes d’autodéfense prolétarienne prêts à intervenir dans la lutte révolutionnaire pour le pouvoir, et seulement en elle ;
« 7°) la constitution d’organismes de masse dans lesquels toutes les tendances politiques ouvrières auront la liberté de déployer leur activité de propagande afin de maintenir intact le caractère d’organismes à structure démocratique et de les mettre en mesure d’œuvrer comme des agents de destruction de l’État bourgeois et comme des armes qui travaillent à la révolution.
« Ces initiatives, qui ramènent au centre du combat ouvrier contre la guerre et contre la réaction d’aujourd'hui et de demain les principes de base de la lutte de classe, ont pour condition nécessaire le dévoilement systématique de l’opportunisme patriotard et conciliateur ainsi que la présence d’un parti de classe solide qui rassemble en lui l’expérience d’un siècle de lutte ouvrière. ».
Suivent quelques lignes où, mêlée aux invectives habituelles contre la bourgeoisie et la guerre, la référence cinglante à « l’opportunisme social-patriote et centriste » est renouvelée.
Il est bon de prévenir tout de suite que les passages mis en exergue ci-dessus le sont également dans le texte original.
Et maintenant quelques considérations s’imposent.
L’on répète dans ce manifeste l’un des arguments les plus exploités par la propagande de la gauche communiste italienne : celui de la guerre en général, dont il est fait mention aux n° 1 et 4.
Les autres points, au contraire, même s’ils se présentent à nous en partie avec un langage désormais bien connu, nous placent devant une attitude en paroles tout à fait nouvelle du mouvement :

  • En fait, la position hostile vis-à-vis de l’actuel “mécanisme économique” dont il est question au n° 2 n’est pas nouvelle. Mais jusqu’à présent, avec l’exhortation faite aux ouvriers de se méfier des partisans des grèves, nous nous étions habitués à interpréter l’attitude de la gauche communiste comme un “attentisme” de prudence qui entendait, avec ses réserves formelles, conserver sa liberté de décision pour un avenir plus ou moins lointain d’agitation ouvrière. Or ici, au contraire, l’on parle d’action, quotidienne et systématique. Ce qui pose deux questions :
  1. ou cette action est aussi dirigée contre l’organisation fasciste du travail, et elle menace de faire le jeu de l’ennemi ;
  2. ou elle considère le fascisme comme déjà liquidé et l’occupation ennemie comme imminente, et elle vise à créer des obstacles à cette dernière et à la politique “centriste” et “social-patriote” (Togliatti et Comité de Libération Nationale).
La formule employée est par conséquent ambiguë et elle ne dicte pas aux masses que l’on essaie d’approcher une règle claire et précise.

  • L’invitation faite au n° 3 (“déportation”, “réquisitions”, “enrôlement de force”) semble avoir au contraire un sens résolument antifasciste, ou pour le moins antiallemand.
Ici, la gauche communiste fait sien le langage des autres groupes subversifs, indubitablement dans l’intention de se constituer sa propre masse de manœuvre.

  • L’invitation faite au n° 5 pour une entente avec d’autres formations classistes (lire : prolétariennes) est nouvelle et inattendue.
Devons-nous considérer cette invitation comme une tentative de rapprochement avec les autres groupes marxistes ? L’hypothèse serait à exclure si l’on tient compte des attaques contre le “centrisme” qui fourmillent dans le manifeste. Il est plus vraisemblable de considérer que nous sommes en présence d’une tentative de désagrégation des autres forces ou organisations socialo-communistes.

  • Cette nouvelle hypothèse accréditerait la transformation des organisations partisanes invoquée au n° 6.
C'est là sans aucun doute le point du manifeste examiné qui présente le plus grand intérêt, un point sur lequel notre attention doit se porter de manière particulière.

  • La nouveauté de l’attitude de la gauche communiste italienne ressort quand même de manière évidente avec la proposition contenue dans le n° 7 et avec l’usage fait de l’adjectif “démocratique” qui était toujours employé jusqu’ici dans un sens péjoratif. Mais à quelles “tendances ouvrières” le manifeste fait-il allusion si l’anathème contre les tendances “socialo-centristes” est maintenu ?

Ainsi qu’on le voit, nous sommes en présence d’une tentative de la part de la gauche communiste italienne pour passer du domaine de la pure propagande doctrinaire - à caractère plus ou moins abstentionniste - à celui d’une action directe pour laquelle on prend cependant soin de ne donner que des directives imprécises, ou pour le moins ambiguës, de façon à ne pas susciter le raidissement des éléments ouvriers que l’on voudrait soustraire à l’influence des groupes rivaux.


5°) PARTI D’UNION (monarchiste)

La propagande monarchiste semble elle aussi s’orienter vers cette tactique de pénétration capillaire déjà relevée pour les groupes subversifs clandestins. Le document qui suit témoigne d’une tentative d’organisation étudiante, encouragée dans la ville de Milan.

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B.46 - “Patriotes, patriotes
Bulletin de 4 pages, de très petit format, sans indication de provenance. Imprimé probablement à Naples ou à Bari et introduit en Italie républicaine par l’aviation ennemie.
En page 1, sous le “titre “Patriotes, patriotes”, il exalte ce qu’il ne craint pas d’appeler « l’épopée garibaldienne » des rebelles, en poussant le toupet jusqu’à écrire : « La semence rebelle tombée sur les mottes de terre d’Aspromonte et de Montana (sic !) rapporte de splendides fruits ». Suivent naturellement des paroles insultantes pour les soldats « de la soi-disant République sociale » et pour la presse fasciste qui « déverse des accusations insensées sur les patriotes ».
En page 2, il commente ad usum delphini(*) la nouvelle réforme constitutionnelle soviétique en faisant observer : « Les pays qui, par suite de la défaite du fascisme en Europe ... voudront entrer dans ou faire partie de l’Union soviétique, ne seront pas absorbés ou subjugués par le vainqueur … mais ils seront accueillis comme dans une immense confédération de peuples… ».
En page 3, il rappel l’Anschluss afin de railler Mussolini.


B.47 - Le Parti Communiste aux prolétaires italiens
Tract sur papier rouge découvert à Rome.
Il lance encore l’appât soviétique au peuple italien qu’il incite au massacre des fascistes et des Allemands :
« Tuez les fascistes travestis en socialistes de la dernière heure ! Tuez, tuez tous les nazis !... Vos meilleurs fils, qui ne seront plus éduqués à l’école de la servitude, apprendront en Russie comment devenir les dirigeants de demain. Dans les villas, dans les hôtels, plus de monopoles de quelques enrichis, … passez-y vos journées de repos et de liberté… Ouvriers, sabotez les machines ! Paysans, quittez la terre ! Soldats, prenez le maquis ! Le soleil de la nouvelle Europe est en train de se lever ».



8°) MATÉRIEL ANTIALLEMAND

Comme cela découle de la lecture de ce qui précède, il n’y a pas un seul tract diffusé par les groupes subversifs qui ne soit pas enflammé par la haine la plus féroce contre l’Allemagne : en particulier ceux qui sont distribués à Rome après les représailles du 24 mars.
Nous ne présentons ici que deux tracts qui ne rentraient dans aucun des dossiers précédents.


B.48 - Faire cesser la production de guerre
Tract diffusé dans la province de Forlì par les “Groupes de défense de la Femme” déjà cités.
Il invite les ouvrières romagnoles à soutenir l’action subversive de leurs camarades de travail et à demander « la cessation de la production de guerre pour les Allemands, qui ne fait qu’attirer les bombardements, les destructions, les deuils et les misères pour le peuple italien ».


B.49 - “La cinquième année” - “Das fünfte Jahr”
Premier numéro d’un minuscule journal en langue allemande, “Das fünfte Jahr” (La cinquième année), lancée par l’aviation ennemie en territoire italien.
Il rapporte pour commencer les commentaires de la radio londonienne sur la “bataille de Berlin”.
Suivent des informations tendancieuses de divers genres : depuis celles sur les nouveaux quadrimoteurs ennemis jusqu’à celles sur la perte de Krivoï-Rog et sur l’exode de fonctionnaires allemands à partir de la Turquie (“Deutsche Beamte laufen über”). Il publie également des nouvelles “en provenance d’Allemagne et d’Autriche”.

(*)(*) Don Tullio Calcagno (10/04/1899), directeur de Crociata italica, fusillé par les partisans communistes à Milan le 29 avril 1945. (NdT).
(**)(**) Don Paolo Pecoraro, mort en 2011 à l’âge de 95 ans, médaille d’argent de la Résistance pour son action à Rome. (NdT).
(*)(*) Ad usum Delphini est une locution latine signifiant « à l’usage du Dauphin”. Cette formule était estampillée sur la couverture des textes classiques qui avaient été épurés de leurs passages trop scabreux ou inappropriés pour le jeune âge du Dauphin. Aujourd’hui, cette expression est employée de façon ironique pour désigner un ouvrage expurgé afin de pouvoir être mis entre toutes les mains. (NdT).


NOTES GENERALES:

1 En particulier, l'une des missions de l'OVRA consistait à tenir à jour le dénommé CPC (Casellario Politico Centrale, soit litt. Casier politique central), fichier spécial où était scrupuleusement consignée toute information personnelle concernant les subversifs connus, en vue d'établir de chacun d'entre eux un profil personnel contenant toutes données utiles sur sa formation scolaire, sa culture et ses habitudes, jusqu'à des détails précis sur son caractère personnel et son orientation sexuelle. Ce casier sera pour l'OVRA l'un des outils les plus efficaces pour identifier et réprimer les dissidents politiques. L'ubiquité de l'OVRA du reste était telle qu'elle en vint à espionner le Duce lui-même. Salvatorelli a relevé le parallélisme entre développement organisationnel de l'OVRA et déclin des actions clandestines communistes en Italie. Opérant aussi à l'étranger, l'OVRA infiltrait ses espions parmi les exilés antifascistes, de sorte que lorsqu'un émissaire antifasciste était envoyé clandestinement en Italie, il n'était pas rare que la police ne fût au courant de son identité et des objectifs de sa mission avant même qu'il ne se mît en route. Des agents de l'OVRA furent aussi déployés en Espagne, pendant la guerre civile, lors d'actions clandestines visant des antifascistes italiens. (wikipédia). Elle aurait conseillé Franco d'utiliser les troupes marocaines pour contrer la rébellion républicaine, au souvenir de l'utilisation de troupes maghrébines par la bourgeoisie française lors de l'occupation de la Ruhr... favorisant ainsi le racisme hitlérien.
Une police très moderne donc, qui dont le siège était caché derrière la boutique d'un marchand de vins. Idem en France, de nos jours, je n'ai jamais cru à la dissolution réelle des RG, parce que la surveillance des tarés islamistes aurait éliminé le danger des « groupes extrêmes » qui se réclament de la classe ouvrière, maximalistes ou gauchistes divers, non, les RG existent toujours, sous un sigle de nous inconnu, sous l'égide bienveillante des successifs gouvernements de gauche ou de droite. La bourgeoisie n'est pas follement inconsciente. Mais elle doit savoir qu'on ne la croit pas sur parole.


2La démocratie républicaine victorieuse n'a pas vraiment supprimé l'OVRA mais l'a... prorogé en gardant les mêmes fonctionnaires « intellectuels » capables d'analyser sérieusement les groupes politiques « ennemis du système » démocratique bourgeois comme fasciste : Si, à l'issue de la guerre, l'OVRA fut officiellement démantelée, un décret fut rendu le 26 avril 1945 disposant que le CPC devait être maintenu et « actualisé par des renseignements sur toute personne dont l'activité politique tend à enfreindre les lois et règlements promulgués par le gouvernement démocratique et destinés à lutter contre le néo-fascisme, les anarchistes, lesquels par définition s'opposent à toute loi et à tout gouvernement quels qu'ils soient, et les activistes politiques, dont la dépravation morale et le mépris des lois pourraient les inciter à fomenter des troubles ou à commettre des actes de terrorisme ». Plus tard fut créée par le nouveau ministre de l'Intérieur, le socialiste Giuseppe Romita, à la suite d'une réorganisation des services de police, une division de la PS, dénommée Servizio Informazioni Speciali (mieux connue sous le sigle de SIS), ayant pour mission de reprendre la gestion du CPC et d'instruire les délits à mobiles politiques et les forfaits propres à cette époque particulière (tels que le marché noir etc.), et à laquelle furent intégrés comme membres du personnel nombre d'anciens officiers de l'OVRA. La personne nommée à la tête du SIS était l'inspecteur général Santoro, l'un des anciens lieutenants de Guido Leto, le ci-devant chef de l'OVRA.La plupart des lois et règlements de l'ancien TULPS de 1931 furent reconduites par la République italienne, et le même Guido Leto fut ultérieurement rétabli comme fonctionnaire de police de plein exercice, et chargé de la supervision et de la coordination des écoles de police dans l'Italie de l'après-guerre. Les malheureuses « années de plomb » ont révélé qu'en fait les services secrets italiens ont été constamment pilotés depuis la guerre par la CIA et les vieux employés fascistes de l'OVRA, à la fois flics et auteurs d'attentats criminels attribués à l'extrême gauche, comme aujourd'hui nombre de groupes djihadistes pilotés eux aussi par les services idoines...