PAGES PROLETARIENNES

lundi 27 février 2017

CHEZ L'IMAGINAIRE GAUCHISTE


« Soyons terrible pour empêcher le peuple de l'être ». Danton (1789)
« Le prolétariat russe s'est délayé dans les bureaux ». Alexandra Kollontaï (1920)
« Le monde du capitalisme en décomposition est surpeuplé. L'admission d'une centaine de réfugiés supplémentaires devient un problème majeur pour une puissance mondiale telle que les Etats-Unis ». Trotsky, 26 mai 1940

Dans mon article du 10 février je m'interrogeais sur la campagne « propreté en politique », suite à la focalisation sur le Pénélopegate - où ce ramdam avait pour but de dire au peuple « tu es indigné de tant de détournement d'argent public et par cette trouble cagnotte des députés, c'est normal peuple tu as le pouvoir... de voter » ; et nous le gouvernement « de gauche » et la presse de nous foutre de ta gueule.
En réalité dans la prolongation de la campagne « propre » ce n'est plus ni le peuple ni tel ou tel candidat qui importe de consulter ou d'ausculter, mais « les juges » ; c'est inédit en France, des élections de type présidentiel qui ne sont plus qu'affaire de juges ; cet imbroglio peut-il redorer le blason corrompu de la démocratie bourgeoise ? J'en doute fort, la plupart de députés apparaissent bien comme des voyous en cravate. Chacun sent bien qu'il s'agit de règlements de compte entre factions bourgeoises via l'appareil judiciaire, intégralement inféodé lui au gouvernement « de gauche », et pendant que ça judiciarise à tour de bras, on en oublie la cagnotte... si profitable à tous les heureux « élus » !
Je ne me suis trompé que sur un point ; je pensais que le FN n'aurait été désigné à la vindicte électorale qu'entre les deux tours ; que nenni le voici déjà judiciarisé comme ce pauvre Fillon, coupable des mêmes détournements de fonds au titre des gardes du corps variante du népotiste garde du corps de Pénélope ; il est néanmoins frappant de voir que ni les électeurs « républicains » ni ceux du FN ne sont le moins du monde gênés par les révélations à flot continu sur les cagnottes respectives de leurs chevaux de course par les officines para-gouvernementales Canard Enchaîné et Médiapart. Et que même les ouvriers en général s'en foutent au fond – pourris pour pourris... qui se ressemble s'assemble.

Sachant ce dégoût quasi irréversible du prolétariat, l'inénarrable mafia de BFM n'a pu s'empêcher de manifester son mépris pour cette classe...lilliputienne et si inutile au fond à Marine ! Une vague pigiste fît savoir – de source sûre – que les ouvriers ne représentant plus que 11% de la population, ils étaient désormais insuffisants pour garnir le troupeau électoral de Mme Le Pen. Et qu'il fallait à cette dame souquer désormais plus ferme en direction par exemple des fonctionnaires. On ne s'abaissera pas ici à répondre à cette estimation ridicule d'une classe ouvrière riquiqui limitée au seul col bleu, mais quel acharnement pitoyable après nous avoir tant assuré que la classe ouvrière avait disparu, puis que ses résidus votaient FN systématiquement, voici ces mêmes résidus méprisés comme bons à rien. Gageons qu'il rendront une belle crotte abstentionniste à la pigiste de BFM (aux ordres d'un des ânes nommés « chef du service politique de BFM ») et à ce FN que tous les médias s'acharnent à criminaliser parce que le diaboliser ne sert plus.

En tout cas, il y en a encore un qui aura tenté encore de le diaboliser, mais aux marges, sur le plan artistique. Ce type se nomme Lucas Belvaux. Son film « Chez nous », avec un Rassemblement National Populaire parodie grossière du FN et de sa blondasse, est un film totalement indépendant mais « engagé » puisqu'il est financé par la région des Hauts de France (antifascistes Les Républicains) et le très antifasciste gouvernement belge. Avec ces deux sources de financement il ne restait plus qu'à trouver, sans nuance - le décor, le meilleur décor possible avec en toile de fond les crassiers et les mornes plaines du ch'nord d'une classe ouvrière dissoute dans l'alcool, la pédophilie et le stade Bollaert. La vie de la classe ouvrière est à crédit. La classe ouvrière qui ne possédait pas grand chose jusque là, même pas les usines ni les mines du ch'ti coin, ni les bistrots qui ont fermé, serait-elle quelque part l'inventeur de la dernière formule du clochard assis à même le sol : « je suis chez moi » ? Je plaisantais.

On ne saura jamais, contrairement à « je suis Charlie » d'où est sortie, de quelle cour d'école, de quelle soirée avinée, la complainte « on est chez nous ». Elle n'est certainement pas issue d'une parole ouvrière. L'ouvrier sait qu'il n'est pas chez lui même dans sa tanière, qu'il lui faut payer jusqu'à son dernier souffle comme disait tonton Karl Marx. Elle n'est pas venue de ce ch'Nord qui est une région, depuis plus de trente années voire plus où la plupart des prolétaires doivent s'échapper vers d'autres lieux en France où trouver un travail, plutôt en région parisienne ou dans la gendarmerie. Ces « terres du Nord » - qui ont vu s'accumuler des générations d'ouvriers immigrés de tous pays, et qui doivent désormais subir le chantage à l'hospitalité aux migrants – qui signifie partager la misère1 - sous les désidératas de la Perfide Albion et regarder se répandre un communautarisme musulman arrogant (dixit Roubaix), consolation pour les uns face au chômage et à l'exclusion pour les uns et réceptacle de tous les fantasmes identitaires pour les autres – sont-elles vouées à être enfermées dans le choix sans nuance : « chez nous » ou « chez eux » ?2 Racistes versus antiracistes ?
La formule est devenue le credo des identitaires et du FN qui ne vont pas se gêner pour récupérer une identité... inexistante ou disparue. Mais faire de cette formule l'axe d'un scénario de film, sans un seul instant évoquer ce qu'elle signifie en vérité : l'isolement de classe voire le sentiment d'être étranger à toute classe, l'exclusion du travail, l'exclusion de la région natale, l'exclusion de toute considération sociale, civile et politique, etc. c'est se foutre de la gueule des prolétaires comme le FN qui répercute la formule pour mieux dissoudre le désarroi qu'elle contient en promettant la lune nationale et le père noël pour payer l'électricité et le loyer.

Avant de vous avouer mon sentiment, je tenais à vous témoigner de l'effet sur le public d'un tel film plus enragé dans la manipulation simpliste qu'engagé dans la vérité sociale et politique : la sidération. Dans une salle à Paris, j'ai vu l'ensemble du public rester assis malgré la longueur du générique final, comme tétanisé. J'ai entendu des : « ça fait peur », ou des « il est manichéiste mais reflète quand même la réalité ».

On eût dit que la campagne électorale était entrée dans la salle par effraction avec le fantasme d'un nouveau 2002 ! Le scénario ne vaut pas tripette pourtant, il est franchement incrédible : une brave infirmière DE se fait recruter par un parti populiste, et se fait baiser doublement en acceptant de laisser apposer sa tronche sur l'affiche de la cheftaine du groupe national populo et par son mec, ex-ami d'enfance dont elle ne s'apercevra qu'en fin de scénario que ce n'est qu'un sale petit skin qui mène la chasse aux pauvres migrants apeurés. Les séquences sont assez représentatives du pauvre imaginaire gauchiste dans sa névrose antifa : repas de beaufs avec merguez, voitures qui se mettent en filature et conduites par on ne sait trop qui (vieille recette des antiques films noirs US pour ficher la trouille), couple marchand seul dans la nuit le long des sinistres corons, alternance de séquences de violences de skins avec la douce vie de famille de l'infirmière, complots des membres du parti populo pour masquer ses liens avec ses plus troubles et fachos sectateurs, Hénart Blog et Paint Ball pour catéchiser les petits skins, etc.. Les membres du parti populo et les skins de nuit ont tous des sales gueules ; la clone de Marine Le Pen, Catherine Jacob a autant de charisme que la plus belle vache blonde du salon de l'agriculture, tout comme Marine Le Pen a le même visage gracieux et glamour de papa.
Des petits cons de quartiers qui se moquent des femmes qui passent dans la rue ou taguent gentiment la voiture de l'infirmière, et qui se font buter par les skins vengeurs, entraînent la compassion de la salle qui a un haut le cœur face « à une violence disproportionnée » de la bande de skins en embuscade (j'ai pensé lors de cette séquence qu'au fond le film pouvait plaire aussi aux membres du FN capables d'humour). Le seul suspense paraît vers la fin, le mec skin de l'infirmière affirmant avoir viré sa cutie, gros plan sur la foule ouvrière du stade Bollaert (où sans doute se niche le fâchisme), bisous entre l'infirmière et son petit musclé qu'a pas les yeux en face des trous. Elle a renoncé à être une poule du parti populo et son skin « déradicalisé » (?) souriant aux côtés du papa communiste qui semble avoir pardonné l'escapade facho. Puis crac, faisant défiler les photos du portable de son mec ex-skin, la naïve infirmière tombe sur les photos où il pose en terrorisant un couple de migrants. Et que je te le gifle et que je te l'envoie par terre. Générique de fin. Atterrant de bêtise gauchiste ! L'imagination est au mouroir.

Grotesque vraiment. Le film du réalisateur gauchiste tombe à plat en plus au mauvais endroit, au mauvais moment, où ce ne sont certainement pas des sales skins qui butent les migrants, ni les manifestants contre le 49-3 mais... la police « démocratique », fée totalement absente de ce téléfilm manichéen comme l'est d'ailleurs l'antifascisme de salon pour ados boutonneux (et autres lecteurs infantiles du « livret brun » et du fascicule neuneu de feu Stéphane Hessel). Même si cette ennuyeuse compil de séquences clichés à gauchistes remplit des salles de gens séduit par la qualité des acteurs, ce film bâclé ne pouvait tomber plus mal après les violences criminelles de la soldatesque policière contre Adama Traoré, Théo, et un jeune blanc (bien de « chez nous ») lui aussi enculé avec une matraque, puis aussi cet autre jeune beur tabassé jusqu'à lui casser la mâchoire parce qu'il roulait sans permis... Ce pauvre film signifie en gros que quelques poignées de skins racistes qui défraient l'actualité seraient le danger principal ! Donc exit la police chienne de M.Hollande3 dont certains sont des amis sincères de ces mêmes skins.

D'ailleurs une des séquences, qui a fait peur à un des admirateurs du film de propagande gauchiste, montre un conférencier expliquant comment répandre la peur parmi la population – avec la méthode tupperware – sur le web ces salauds démultiplient les faits divers : « vous informez 20 contacts qui informeront 20 autres contacts, puis 50, puis cela fera des milliers ». (ouah la trouvaille de génie du réalisateur!)
Or le nombre de faits divers où sont impliqués en partie et parfois souvent certains des « derniers arrivés » n'a pas besoin d'être démultiplié par un « complot d'extrême droite », comme n'ont pas besoin d'être démultipliées les bavures policières qui sont, en effet, elles aussi nombreuses et répétées en ce moment avec le soutien total de la magistrature bourgeoise.
C'est là que la bât blesse, on avait senti la prétention du jeune réalisateur à « faire comprendre » comment des gens pouvaient s'embarquer dans un parti comme le FN, mais non seulement il est incapable de nous expliquer comment l'infirmière, qui n'est ni idiote ni raciste, finit par se faire embringuer par le manipulateur Dussolier (en Florian Philippot vieux), mais en plus il est incompétent pour ne serait-ce que tenter de nous décrire ce qui a fait monter le score du FN, dans la réalité électorale française. La vision est celle du gauchiste lambda, plaquée : le FN c'est des gros crânes ras, musclés et regard torve qui ratonnent du « bougnoule », et que leurs conférenciers soft du parti iceberg électoral-cool conseillent en vocabulaire alternatif: « dites pauvres migrants et pas bougnoules », etc.

La vision du gauchiste bobo est là tout entière, illustration poussive sur la causalité protestataire des
électeurs des partis populos : c'est des racistes et des amis honteux des skins buveurs de bière. L'imaginaire creux qui est le pâle décor du film pue le réchauffé petit bourgeois qui ne connaît ni le chômage, ni la violence des zones déshéritées, ni la loi des petits caïds de quartier. Il n'arrive même pas à la cheville du réalisme socialiste, du cinéma social ou des grandes œuvres qui moquent l'idéologie bourgeoise manichéenne. Un film qui n'apprend rien qu'on ne sache déjà sur les petits rigolos du cirque gauchiste et sur le vide sidéral de l'idéologie populiste. Un film certainement utile à la foire électorale française dont les comédiens-députés anti-fascistes peuvent remercier le gouvernement belge et son réalisateur. Une chose est sûre, le ch'Nord est une terre raciste et de plus en plus d'infirmières sont en passe de se mettre au chevet du FN...
Une autre est une certitude également, le FN recrute comme n'importe quel parti bourgeois officiel: la prise en considération par la "reconnaissance", promis à être tête de gondole du moindre péquin sur les affiches... apéro-pastaga et bals d'après-congrès, drague militante, corruption vénale, passe-droits, clientélisme et j'en passe.


NOTES:

1En 1938, Trotsky écrivait : « Les mesures philanthropiques en faveur des réfugiés deviennent de moins en moins efficaces... ».
2Dans les années 1930, Trotsky pouvait sortir parfois de belles âneries, sur les noirs américains comme sur les ouvriers immigrés, ainsi il pensait que les travailleurs étrangers étaient forcément révolutionnaires : « Les travailleurs étrangers ont une mentalité différente, tout simplement parce que ce sont des étrangers (!?), une mentalité d'émigrants, plus mobile, plus réceptive aux idées révolutionnaires. Voilà pourquoi l'idéologie communiste peut gagner le respect des travailleurs étrangers et en faire un puissant instrument de pénétration dans l'ensemble de la classe ouvrière française ». Après la conscience apportée de l'extérieur par des intellectuels selon Lénine jeune, la conscience apportée de l'étranger par Trotsky vieux ? Que dirait-il aujourd'hui de cette masse de migrants qui apporte « de l'extérieur » une mentalité de « mahométans arriérés » (l'expression est aussi de Trotsky), franchement anti-ouvrière et anti-communiste ? Admirable pénétration de l'idéologie (libérale) de la soumission pour les besoins industriels des bourgeoisies britannique et allemande.
3Lors de son émission en vedette, Mélenchon a effectivement posé la question qu'il fallait à un policier syndicaliste (noir) venu lui porter la contradiction, concernant l'affaire Théo, l'autre a été infoutu de répondre autrement qu'en défendant son corps de mercenaires d'Etat, pour ensuite reprocher au candidat de moquer ses potes « cowboys ». Une opération de basse police et de basse magistrature a au même moment « informé » que la famille de Théo aurait détourné des fonds généreusement alloués pour monter une entreprise, mais aurait fait acte de népotisme (comme Fillon...). Belle parade mais qui n'excuse aucunement les petits sadiques en uniforme qui enculent à l'aide de leur matraque télescopique les gens qu'ils ont alpagués à cinq contre un pour des délits inexistants.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire