PAGES PROLETARIENNES

samedi 26 novembre 2016

CASTRO : MORT DU DERNIER DINOSAURE LATINO-STALINIEN

Raul Modesto n'est qu'un brontosaure
La longévité politique du « charismatique » Castro, ce grand pote aux Staline et Kadhafi 1, pourrait forcer l'admiration, comme lorsque vous allez promener vos gosses au jardin des plantes et que vous leur pointez du doigt la reconstitution d'un dinosaure. Cela prête à réfléchir, mais c'est du domaine d'un lointain passé. Pour le musée et les vrais dinosaures, pas pour le dictateur admiré des gauchistes et de la gauche anti-ouvrière. Le dinosaure Castro aura pourtant continué jusqu'à nos jours à écraser la véritable référence à la révolution prolétarienne par subterfuge avec son passé de « lutte armée », minimisant son occupation de dictateur d'Etat, puis ses accointances avec tant de « collègues » des dictatures homologues et la complaisance des démocraties bourgeoises envers le mythe du seul adversaire prétendu aux régimes odieux de Haïti, d'Argentine et du Chili, mais comment oublier la torture des opposants, les milliers en fuite en Floride, les milliers qui ont servi de chair à canon pour l'impérialisme russe en Angola, etc. Héritage si purulent de honte quand les divers avortons et résidus des PC staliniens ou néos avec les gauchistes parvenus vont verser tant de larmes de crocodiles sur le « bilan Castro », « Cuba si », « spasibo Cuba »2. Le pape et toute la "communauté internationale" s'inclinent sur la dépouille de cet imbécile qui souhaitait que Krouchtchev utilise la bombe atomique!
UN SELFIE AVEC CASTRO VITE!

Le dernier hommage rendu perso par Hollande, avant celui d'Obama, au chef cubain – il devrait se rendre aussi à l'enterrement spectaculaire à Cuba en mondiovision – sera-t-il un élément positif de son carnet électoral ? Sans conteste, pour les enterrements le président de la gauche en faillite idéologique et sociale3
L'usure du pouvoir, Castro mesurait 1M90
 a fait fort. Il aura été un excellent croque-mort que même le révérend Fillon ne pourra jamais l' égaler, pas pour empêcher la « droite brutale » de revenir aux rênes de l'exploitation, car il y faudrait au moins un curé castro-guévariste

On ne peut pas nier cependant le rôle central du caméléon Castro qui, comme Johnny Hallyday dans sa catégorie, a su s'adapter à toutes les modes du XX ème au XXI ème siècles, mais dans la variété sanguinaire, celle du despotisme capitaliste sous couleur de communisme de caserne, réussissant même à transformer une grande partie du peuple cubain en propagandistes sectaires et staliniens latinos propres à exalter leur propre misère politique et sociale, surtout à chaque voyage féminin pour ramener un époux friqué au bercail du grand barbu. Plus que les épisodes sanglants et délirants des libérations nationales, « l'expérience de Cuba » servit longtemps de vitrine et de caution aux anti-impérialistes néo-staliniens, et à la floraison expansive et successive d'une noria de groupes trotskystes et maoïstes ultra-sectaires et apôtres inconscients des « guerres révolutionnaires », sans savoir ce qu'est une guerre ni ce qu'est la révolution4.

Castro ne fût ni un marxiste héritier de Lénine ni un sincère révolutionnaire mais un produit opportuniste (au sens politicien militaro-politique) de l'avortement de l'idéologie alliée de la deuxième boucherie mondiale- l'antifascisme relayé par l'anti-stalinisme:

«Le renversement par Fidel Castro, en 1959, du dictateur soutenu par les Américains a posé un sérieux dilemme
dans la confrontation bipolaire de la Guerre froide et a amené les superpuissances au bord de la guerre nucléaire pendant la crise des missiles cubains, en octobre 1962. Au départ, le caractère de la révolution castriste n’était pas clair. Drapé dans une idéologie de populisme démocratique, à la sauce romantique des guérillas, Castro n’était pas membre du parti stalinien et ses liens avec ce dernier étaient très ténus. Cependant, sa politique de nationalisation des biens américains dès le début de sa prise du pouvoir lui aliénèrent rapidement Washington. L’animosité de Washington ne fit que pousser Castro, à la recherche d’une aide étrangère et d’une assistance militaire, dans les bras de Moscou. L’invasion de la Baie des Cochons en avril 1961, soutenue par la CIA – prévue par Eisenhower au départ et mise en œuvre par Kennedy – a montré que Washington était prêt à renverser le régime soutenu par les Russes. Pour les Etats-Unis, l’existence de ce régime lié à Moscou dans son pré carré était intolérable. Depuis la Doctrine Monroe formulée en 1823, les Etats-Unis avaient toujours maintenu la position selon laquelle les pays d’Amérique étaient hors de portée des impérialismes européens. Voir l’impérialisme adverse de la Guerre froide établir une tête de pont à 150 km du territoire américain de Floride, était totalement inacceptable pour Washington »5.

Sur mon premier blog « Archives maximalistes » vous pouvez lire encore « un texte rare sur mai 68 » où est écrit ceci, qui reflétait assez bien notre pensée d'époque au lycée Buffon avec Jean-Pierre Hébert : « ces 'gauchistes' mettaient en avant la lutte anti-impérialiste contre la guerre du Vietnam menée par les américains, alors que les libertaires avaient été pour la plupart guéris du tiers-mondisme, échaudés par l'évolution de l'Algérie après son indépendance, et n'entretenaient aucune illusion sur les régimes dictatoriaux  africains, nés de la décolonisation, ni sur le castro-guévarisme, caricature stalinienne d'une révolution, ayant éliminé de la même manière ses participants libertaires qui l'avaient aidée à triompher » (…) « les "gauchistes" en étaient encore à glorifier les dinosaures marxistes-léninistes et à se pâmer devant leurs disciples vietnamiens ou castro-guévaristes ».

PELERINAGES DANS LA CASERNE CUBAINE
 
Cuba, même sous un Castro rabougri, resta lieu de pèlerinage trotskien, Besancenot n'a pas failli à la fausse tradition, allant rendre visite sans son vélo à la veuve et la fille du petit Vichinsky cubain le Che6 - qui signait ses lettres à sa mère « Staline II » - ne sachant pas, jeune ignorant de l'histoire réelle du mouvement révolutionnaire que le despote Castro, converti au stalinisme par Krouchtchev, prit pour conseiller politique au début des années 1960 l'assassin de Trotsky, Ramon Mercader (cf. in mon livre sur la guerre d'Espagne). Le spécialiste Löwy le lui avait caché pour ne pas affadir son émotion.

Castro n'a jamais été un héros révolutionnaire marxiste pour le mouvement maximaliste prolétarien, quoiqu'il se soit fait appeler "leader Maximo". Putschiste nationaliste reconverti en stalinien d'Etat, faut-il dire hélas ? Avec cet uniforme vert-olive qui signifiait désormais que la révolution ne pouvait être que militariste avec des militants-militaires bardés de médailles d'assassins, il n'aura été qu'un petit Staline latino-américain qui fût finalement si utile comme repoussoir diabolique pendant plus d'un demi-siècle à l'impérialisme, ce qui fît dire à certains que si Cuba castriste n'avait pas existé, un think tank américain aurait bien pu l'inventer. Cumulant les fonctions de chef du parti et de président de l'Etat national, Castro aura maintenu incarcéré son île à socialisme en peau de canne à sucre dans une misère relative pendant toutes ces années pour aboutir à se coucher devant les friandises avariées du capitalisme décadent.

La résistance carcérale cubaine après la chute de la maison mère du bloc de l'Est ne fut plus qu'un long intermède de misère et d'avilissement politique et social continuel. La chute du mur de Berlin ouvrit cependant une crise pour le cordon ombilical jusqu'à Cuba, mais le régime castriste ne s’effondre pas et tient jusqu’à l’arrivée du faux troc avec le Venezuela.
Evidemment le dit échange commercial anti-impérialiste entre les deux Etats d’Amérique du Sud, est présenté partout comme nouveau, révolutionnaire, consommable et un défi face à l’impérialisme US. Or ce genre d’accords commerciaux directs entre Etats secondaires avait déjà été mis en place, par exemple entre le Mexique et le Venezuela (accords de San José).

Le troc, comme les coopératives, est une mesure obsolète et ringarde que nous laissons aux anarchistes et à leurs amis de la petite bourgeoisie politique, mais l’échange « Pétrole contre médecins » de ce pauvre Chavez était plus vicelard. Car, révélant l’impossibilité du troc comme au demeurant de tout échange communiste (quoiqu’on ne sache pas trop ce que pourraient être encore des échanges communistes), le bricolage de Chavez visait à faire croire à une « solidarité internationaliste » l’accouplement de deux bébés stalinoïdes ! Chavez avait même réussi un coup de maître en osant la « solidarité sud/nord » lors de l’accord avec la municipalité de Londres en 2006 – un rabais de 20% sur le pétrole pour les transports en commun – afin de diminuer par deux le billet des « pauvres londoniens ». Facétie absolument pas généralisable par les autres pays du sud sans pétrole et sans mégalomanie.
 Curieuse cette notion de solidarité de riches (en or noir) vis-à-vis de pauvres (en sucre) qui ne supprime ni l’exploitation ni les classes ! Et plutôt « solidarité de convenance mercantile » qui, en fin de compte, a éclaté partout avec la crise mondiale où les pays du sud se sont divisés entre « largués » un peu plus et « émergents ». L’idéologie « d’autonomie collective » drainée peu ou prou depuis les conférences des non-alignés de Bandoeng s’est dissoute au profit de la très capitaliste « solidarité conditionnée ».
Clap de fin. Des fresques et des panneaux célébraient la fraternité entre les deux peuples: «Cuba-Venezuela: Deux pays, un seul peuple». La tentation de comparer le soutien vénézuélien à celui de l'URSS d'avant 1990 était logique, avec cette terrible nuance qu’apporte un ancien fonctionnaire cubain : « lorsque le frangin impérialiste russe était là, l'essence coûtait 10 centimes le litre et des cubains détournaient des camions citernes entiers de pétrole pour le revendre».
Le 4 oct 2011 j'écrivais sur ce blog : « Avatar de la « guerre révolutionnaire » disparue des gauchistes tiersmondistes et des marxistes orthodoxes, les cubains accèdent au droit de propriété. Le socialisme de caserne tant admiré par les trotskystes et leurs demi-frères altermondialistes ploie sous l’avancée du capitalisme qui a corrompu même pépé Castro, une figure de légende guérillériste qui a tant ridiculisé le communisme sous une dictature sous-développée d’un demi-siècle, adoubée par tout ce que la terre compte de staliniens indécrottables et de trotskiens indélébiles, qu’on se demande si ces vieux coucous niais ne vont pas entrer en dissidence avec la notion de capitalisme d’Etat dégénéré… ». Enfin Obama était venu porter les premiers chrysanthèmes du vivant de Castro. Le moins drôle, Fidel Castro gardera beaucoup de fidèles. Comme Staline.



NOTES

1Lire l'article de la section mexicaine du CCI : https://fr.internationalism.org/ri422/soutien_de_castro_chavez_et_ortega_a_kadhafi_quand_les_capos_se_donnent_la_main.html
2La pamoison ridicule a déjà commencé avec la tonalité chauvine de ce pauvre rejeton de bureaucrate à la triste figure, Laurent fils : « "Ca a été dans le XXe siècle, l'un des dirigeants du mouvement d'émancipation humaine. La révolution qu'il a menée a eu lieu à l'époque de la décolonisation et s'inscrivait dans ce mouvement de restauration de la souveraineté des peuples. C'est ça qui restera dans l'Histoire" », mais impasse sur le mensonge cubain hystérique, où les journalistes gauchistes de l'Immonde excellent dans la cuistrerie  : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/11/26/comment-fidel-est-devenu-revolutionnaire_5038496_3222.html. Le Figaro en rajoute deux couches: "disparition du père de la révolution cubaine", "le dernier révolutionnaire"; quand le gauchiste ministériel Mélenchon appelle à un rassemblement parisien de condoléance pour ceux à qu'il veut faire fantasmer sur "une prise de pouvoir" imaginaire mais pacifiste.
3Lire sur slate « L'hommage embarrassant de Hollande au Che » : http://www.slate.fr/story/101591/che-guevara-hollande. Et une toute autre version : http://www.revolution-socialiste.info/RS26Guevara.htm
4Lire l'excellent article sur cette genèse : Le PCF contre la reprise de la lutte de classe : https://fr.internationalism.org/brochures/pcf-lc68
5Cf . Notes sur la politique étrangère des Etats-unis : https://fr.internationalism.org/french/rint/113_pol_imp_US.html
6Il n'aurait fait exécuter que 216 personnes, quoique des anciens flics du régime Batista, selon ses fans en tee-shirt de Médiapart. Il est vrai qu'il y a une hystérie à sens unique contre Castro et Guevara par nombre de journalistes lâches qui ont toujours sucés les boules des dictatures européennes ou sud-américaines. Ne pas choisir un camp nationaliste contre un autre, ne veut pas dire nier le courage et le culot politique des Castro et Guevara. Mais c'est une autre question.


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