PAGES PROLETARIENNES

jeudi 23 juin 2016

« Policiers fa-ti-gués allez vous cou-cher ! »


Beaucoup de bruit pour pas grand chose. N'allait-on pas interdire le sacro-saint droit de manifester dans la France sociale éternelle, syndiquée et rétive au grand patronat ? Conciliabules, rencontres avancées entre ministres et bonzes syndicalistes. Le pouvoir aurait tremblé selon les journaputes de droite. Valls aurait été recadré par Hollande selon les journaputes de gauche. De statique la manif est devenu manège de foire syndicale avec ces ridicules ballons qu'on rêve qu'un casseur pense à les crever, plutôt qu'à casser une vitrine d'hôpital pour enfants sous le regard bienveillant de son collègue de la Préf, qui joue au faux journaliste photographe pour couvrir un fonctionnaire casseur professionnel, et pas de ces vulgaires amateurs cagoulés encore morveux.
La casse exagérée de l'hôpital « pour enfants malades » semblait déjà loin au terme du défilé pépère Bastille- Bastille. Une innovation hollandesque. Pendant des siècles syndicaux on avait gratté le pavé parisien Bastille-Nation, Nation-République, République-Bastille. A quand Nation-Nation, et Réublique-République (mais y a déjà les dormeurs de nuit debout!)... Tout le monde pouvait être satisfait. Les braves bonzes défenseurs du droit de manifester (sans faire prendre des risques politiques inconsidérés à leurs SO). Sérénité du côté de l'Elysée et Matignon. Sérénité des gendarmes, le top de la répression (pas la piétaille du 14 envoyée au casse-pipe pendant de longues minutes) pouvait s'octroyer une bière dans les rade attenants, car l'uniforme de Du Guesclin par 31 degrés à l'ombre est une étuve.
Bref commentateurs et commentatrices transgenres pouvaient au soir de ce 23 juin rasséréner les 30% de français supposés d'accord avec une loi que même Tonton Mitterrand n'aurait pas osé faire voter par les minoritaires planqués des assemblées de fainéants de la république bourgeoise.

Parmi la piétaille je dois témoigner que j'avais rarement vu une telle souricière. Rues adjacentes cloisonnées par les véhicules de police, double rangée de cognes harnachés comme à la veille de n'importe quelle guerre civile. Vosins, passants du quartier priés d'aller se faire voir chez les grecs. Lorsque j'arrive en vue de la Bastille, un premier manifestant se fait dépouiller de son citron et de sa paire de lunettes de piscine. Un des flics l'humilie en lui rendant son citron plastique vidé du contenu et garde les lunettes. De colère le gars jette au sol le citron vide, le flic lui ordonne de ramasser. Cela sent la poudre, je me joins à ce jeune homme et je lui dis d'obtempérer et je l'entraîne plus loin avec moi. Pas besoin qu'il se fasse coffrer.
La foule du manège octroyé par le gouvernement est encore clairsemée. Le SO des syndicats avec casquettes rouges ne se fait pas trop remarquer. Pas besoin, pensé-je, vu que la plupart des potentiels casseurs ont été dépouillé comme mon malheureux manifestant, pourtant pourvu de simples objets défensifs.

Les manifs les plus nulles permettent aux vieux grigous de se retrouver. J'ai entendu siffler, mais c'est Jean-Marc, notre postier de choc à la retraite. Il est assis sur le rebord du trottoir, mais il a toujours été du genre propre, pas comme les générations d'aujourd'hui qui posent le cul par terre n'importe où; non lui il était assis sur le dernier numéro de RI, qu'il range d'ailleurs soigneusement dans son sac en se relevant. On s'embrasse. Il ressemble plus à Belmondo désormais qu'a John Travolta, mais toujours aussi dynamique, intelligence vive et sagacité politique inchangée (le CCI fût
une école de formation à la pensée révolutionnaire maximaliste). Nous étions tous deux les plantons du CCI dans la plupart des manifs parisiennes des années 80, bien connus des services de police les deux hommes sandwichs du journal Révolution Internationale. Ah la la on les a arpentés les boulevards parisiens, Nation-République, République-bastille, et on se retrouve 30 ans après pour un Bastille-Bastille. Génial ! Et le père il analyse bien la situation merdique, la gauche prend une mesure dont même la droite ne se sentait pas cap. Les violences dans les manifs actuelles le font rire : « hé ho ils rigolent les jeunes et les journalistes, c'était autrement violent dans les années 50 où des ouvriers étaient tués par la police, et faut pas oublier Charonne, et... tu te souviens dans l'attaque du commissariat à Longwy... ». Et puis on a évoqué ceux et celles dans nos rangs si vite emporté(e)s par le cancer : Martine, Michelle, Claude, Bernadette, Michel Pi... Et puis il est aussi capable de vous fournir avec un débit vocal rapide une analyse fluide de l'utilisation du terrorisme contre la lutte de classe.
Salut mon pote à la revoyure. Il est allé défilé avec ses potes actifs de la Poste, et moi j'ai foncé en tête de la manif.
La stratégie policière était la même que le 14, l'accordéon, start on, start stop. Mais j'ai distingué au milieu de nous les manifestants un type avec un talkie-walkie qui pilotait la rangée de flics en avant : si la pression montait : go. Sinon : stop. Il fallait laisser se tasser derrière le SO des syndicats et le cortège contenant les bonzes gouvernementaux. A l'approche qui quai de la Rapée, les manifestants poussant tellement que cela devenait un trot mais pas un galop. Curieusement les policiers laissèrent filer une quarantaine de casquettes rouges (SO syndical) pour à nouveau stopper la progression. Nous vîmes le SO aller rejoindre près du pont d'Austerlitz les camions de la gendarmerie. Alors que nous croyions que c'étaient nos amis en tête avec nous. Nos surveillants avaient anticipés ce qui était de l'ordre de l'évidence, pour sortir de la nasse du tour de piscine de l'Arsenal il n'y avait que cet endroit bien que barré par deux camions de gendarmes + le fameux camion moto-pompe (qui avait servi le 14 juin) avec ses pompes tournées vers nous comme des bites en berne. Il y eût bien quelques bousculades, avec une nuée de photograpes et caméramen qui filmaient comme s'ils allaient sasir un événement important. Beaucoup de manifestants inorganisés étaient très jeunes et à part un ou deux excités avinés personne n'avait envie de se coltiner la rangée de gendarmes entre les camions.
Par contre ce fût un beau tollé lorsque se pointèrent les cortèges des divers syndicalistes qui prirent le virage sans hésiter autour du bassin malgré les appels des jeunes manifestants à venir tenter de forcer le barrage de la police. Sifflets et quolibets : collabos, etc. s'adressaient aux divers FO-CGT-SUD-Solidaires, et tralalère, dont les sonos scandaient miséablement « ça va péter », mais tout cela vous pouvez le voir sur mon film. Je n'en ai retenu que les deux slogans les plus originaux : « une manif c'est pas fait pour tourner en rond », et « policiers fatigués allez vous coucher ! ». Pour le reste ils vont encore nous balader longtemps syndicats et gouvernements ?

Pauvre manif encasernée qui passait comme par hasard boulevard Bourdon.


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