PAGES PROLETARIENNES

vendredi 4 mars 2016

ESPAGNOLADE 2 : MUNIS CONTRE LA GUERRE SAINTE ANTIFASCISTE

Marina Ginesta comme tu étais belle, je t'aime toujours plus que la révolution échouée.


Frappante comparaison : en 1917 le prolétariat russe transforme la guerre en révolution quand en 1936 la bourgeoisie espagnole transforme la révolution en guerre.




Les historiens agréés par la classe dominante peuvent varier les interprétations selon les besoins de l'époque. Pour le petit frère de l'anti-fascisme, l'anti-racisme, on se gardera bien de « bouffer du curé » par les temps qui courent (et ne se rattrapent pas) - cannibalisme primitif bouseux que ne reste pas une des gloires de la guerre espagnole1 - comme la réquisition brutale des petits commerces et des petites entreprises à la manière du goulag stalinien ; réquisitions qui ont fait plus pour le succès de Franco que l'indignation occultée que le généralissime factieux ait envoyé des « maures » massacrer en premier lieu les prolétaires espagnols. L'anarchisme moderne était inévitablement propice à la pénétration stalinienne. Quoi de plus autoritaire et sectaire qu'un anarchiste si on lui donne « du pouvoir », même local ? Je souris toujours quand je vois les stades ou médiathèques des cités post-staliniennes nommées « salle Léo Ferré ».

Donc bien longtemps après la tragédie de 1936, l'historiographie bourgeoise tolérée a connu successivement deux vagues : jusqu'à la fin des années 1960, glorification du combat antifasciste indifférencié, mais après 1968 – on ne remarque guère que les grandes secousses politiques du prolétariat poussent les historiens à se rapprocher de la vérité – dénonciation du coup de poignard dans le dos du stalinisme en Espagne, mais cette dernière vague est encore une mystification qui dure jusqu'à aujourd'hui en mettant tout sur le dos des seuls affidés de Staline, faisant passer finalement les organismes traîtres comme la CNT et l'extrême gauche de l'époque (POUM et divers) pour des victimes, nonobstant qu'elles furent « consentantes » par leur soumission initiale au chantage « guerre anti-fasciste d'abord, révolution sociale ensuite », restaurant la criminelle « union sacrée » nationale (dans une version « internationale » romantique) qui sert à chaque fois à envoyer les prolétaires au casse-pipe.

Sans avoir à se fader tous les bons ouvrages classiques (Broué, l'épais Bolloten, etc.) je vous recommande, pour aller rapidement au cœur de la compréhension essentielle, les quinze pages du chapitre 3 (la fraction et la guerre d'Espagne) du livre de Michel Roger : Les années terribles 2. Voici ce que j'en disais sur ce blog le 12 décembre 2012 :
(1926-1945 – ed Coleman, 2012), qui fournit le meilleur résumé sur cette tentative révolutionnaire si vite détruite en guerre impérialiste occultée par la foutaise de l'antifascisme

« Sur le moment de la guerre d’Espagne, il n’y a rien à redire, tout est bien analysé ; y compris cette excellente remarque, contre tous les cinglés accrocs aux armes, que l’échec était certain sur le plan militaire et que les armes ne remplacent pas la lutte prioritaire sur le « front de classe ». La description de la militarisation des anars et des ouvriers par l’Etat bourgeois républicain est une douche froide pour tous les fans de la mythique « guerre révolutionnaire » ! 3.

LECONS D'UNE DEFAITE, PROMESSE DE VICTOIRE4

Le mexicain Munis a hérité sans nul doute du sens de la formule à la Trotsky. Bilan reconnaissait sa dette littéraire au talentueux Léon à la plume de paon. Munis a aussi la plume brillante, plus percutante que les lourds pensums de Bilan. Est-ce un hasard si Munis s'est associé avec le plus politique et le plus brillant des surréalistes Péret pour écrire bien plus tard le pamphlet « Les syndicats contre la révolution » qui nous a tant épaté en 1968 ? Non, Munis est non seulement un orateur brillant et courageux, mais aussi une pointure littéraire5 .
C'est aussi parce qu'il est au plus près des mystifications, qu'il trempe sa plume dans l'indignation, mais, contrairement aux poncifs selon lesquels être le nez sur le terrain diminuerait la sagacité, il va plus loin et plus profond que les réfugiés italiens en Belgique, ou même leur minorité de fraction qui est venue bec dans l'eau constater la mystification et la militarisation bourgeoise.

La contribution militante, politique et historique de Munis a été jusqu'à présent généralement ignorée ou minimisée. Les éditions au titre débile - Science Marxiste - ont comblé somptueusement une partie de cet oubli. Un autre individu s'est ajouté à l'exercice, Y Coleman avec son édition artisanale Sans patrie ni frontières. J'ai déjà dit en 2012 ce que je pensais de l'épicerie Coleman. Bref rappel. Coleman, ex de LO et Combat communiste, fait son retour en politique en 2002 avec sa propre machine à imprimer et lance un appel d'offre avec pour fonds de commerce réconcilier marxisme et anarchisme ; cela donne pendant des années des articles culturels, apolitiques où il pontifie dans le sens du vent de la gauche caviar6 : féminisme avec l'exhumation de Voltairine de Cleyre, Emma Goldman ; antiracisme où il enfourche tous les dadas de l'idéologie multiculturaliste
Tome 1 sans Tome 2
US et salue même les Gresh et autres islamophiles à la Tariq Ramadan. C'est une sorte de gauchisme philosophoque (c'est une faute de frappe involontaire, mais bienvenue car le phoque aime à se glisser « dans les eaux glacées de l'égoïsme »). Ces milieux cultuels ne passionnant guère que les bobos comme lui, il se met à la recherche, sans le dire à sa maman, d'un arrimage des textes de la « gauche communiste » maximaliste, il récupère au passage un Michel Roger, puis nous concocte une compil de textes de Munis. Recherche de la considération ? Projet orgueilleux d'être un jour reconnu comme spécialiste de tout le bazar politique du gauchisme et de l'ultra-gauchisme et pouvoir obtenir une chaire à Sciences-Po ? Peu importe, il compile et il n'y comprend rien, comme le démontre sa misérable introduction à Munis où il rend hommage obséquieusement, s'incline devant Munis qu'il a dû croiser une fois ou deux à la fête de LO, salue son honneur. Mais il laisse entendre que les idées de Munis c'est ringard, et que les textes du mexico-espagnol ne méritent d'être lus que pour leurs « qualités humaines et politiques rares » ! Munis avait totalement raison de dire que ce pauvre cénacle nommé Combat communiste était irrécupérable ; de même que nous avons eu confirmation que la plupart de ces individus n'étaient bons qu'à devenir des « avortons du capital ». Ce qui avait choqué les âmes sensibles à l'époque, de cette sorte d'âmes oecuméniques, pour l'union de tous, apolitiques en somme comme la plupart de ceux qu'on trouve dans les poubelles de LO.

Sous des airs caressant, tentant de parasiter des idées « radicales » auxquelles il ne pige que pouic,Coleman lance un dernier crachat ! « Il est très facile, à 50 ans de distance, de repérer sur quels points Munis s'est trompé, les phénomènes qu'il n'a pas prévus ou envisagés, ceux auxquels il a accordé trop d'importance, etc. ».

Quelle flagornerie ! Mais Munis ne fût jamais une anguille idéologique lui, ni un parasite ignorantin de la nature du projet révolutionnaire prolétarien. Il a eu droit dans sa vie à se tromper comme vous et moi, mais pourquoi notre sous-Maspéro7 n'a-t-il pas été capable de dire plutôt que Munis s'est « rarement » trompé politiquement, qu'il a surtout été capable d'être un théoricien du mouvement révolutionnaire ? Quelques exemples. Si, au début, Munis a du mal à décoller du carcan idéologique du trotskysme et croit même aux billevesées de Trostky sur la proximité de la révolution en France et en Espagne, il apprend très vite à penser par lui-même et bien. Il est très clair sur la capacité machiavélique de l'Etat à fabriquer la théorie interclassiste et dissolvante de l'antifascisme (sur laquelle l'antiraciste Coleman ne se prononce pas). Munis est très clair sur la nécessité de la primauté du politique sur toutes les jardineries autogestionnaires et peu à peu contre la fable de « l'armée rouge » comme avant-garde de la révolution. Coleman a pondu un texte lamentable d'incongruités et de banalités sur la guérilla (cf. Offensives réactionnaires) qu'il faut lire la contribution de Munis pour s'en laver les mains8. Toujours dans sa période trotskyste, face à ses camarades centristes américains Munis ne s'est pas non plus trompé : « L'impérialisme allemand en particulier illustrait seulement les intérêts de l'impérialisme en général. Sans révolution victorieuse, l'Europe était et reste à la servitude, toujours par rapport au camp victorieux » (p.197).Munis ne s'est pas trompé – ni n'a été complice comme les résidus de la IV e Internationale après guerre – sur la nature de la guérilla yougoslave (p.199). Munis ne s'est pas trompé en décrivant les résistants comme forces répressives de l'Etat capitaliste (p.200)9. Munis s'est-il trompé en répliquant aux trotskystes américains qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que l'armée rouge amène la révolution en Europe ? Munis n'est-il pas celui qui avec Natalia Trotsky, face à cet embryon d'Internationale auto-proclamée et impuissante remet en cause la sacro-sainte et réactionnaire défense de l'URSS ?10


Les héritiers espagnols nous fournissent une heureuse rectification aux billevesées de ce pauvre Coleman en introduction (géniale et exemplaire) de la compil aux éditions Coleman : « Munis ne croit pas au parti unique, il l'exècre, d'autant qu'il est une pure invention stalinienne. Pour lui, le parti historique du prolétariat ne peut être que le prolétariat lui-même en pleine action révolutionnaire. Aucune organisation ne pourra lui ravir cette fonction sans aller contre la révolution, car le mouvement révolutionnaire d'une classe, son devenir, n'admettent aucune camisole de force ni impositions partitistes, aussi savantes et raffinées qu'elles soient. Il incarne le mouvement de la liberté face à la nécessité : on ne peut donc penser la dictature du prolétariat, transition vers la liberté de tous les êtres humains, qu'en respectant et en approfondissant la liberté du prolétariat » (p.17). Et si Munis était le dernier grand marxiste d'envergure, le plus fidèle à l'esprit et à la méthode de Marx ? Pour Marx la dictature du prolétariat n'était-elle pas le contraire de la dictature d'un parti ? Pourquoi ses prétendus héritiers « orthodoxes » ou néo-staliniens occultent-ils sa méfiance instinctive à l'égard des conspirateurs ou révolutionnaires professionnels, leur prétention à être « les officiers de l'insurrection » et leur foi fétichiste en la puissance de l'organisation11. En vérité il exista bien un drôle de parti de la révolution, conspirateur et pour la prise du pouvoir... contre la classe ouvrière : le PSUC stalinien
Munis ne tresse pas un catalogue de nationalisations comme le contestataire du POUM Rebull12, qui croit encore à un socialisme national. Munis est encore au début sur la position trotskyste de soutien critique à la Russie et croit en juillet 1936 que l'Etat bourgeois a disparu ; il se rend compte vite que ce n'est pas le cas avec la réaction de la « contre révolution démocratique », laquelle dissout le comité central des milices le 22 octobre 1936, qui avaient pourtant déjà été « militarisées » par le gouvernement Caballero mais qui pouvaient devenir le principal contre pouvoir prolétarien.

L'Etat bourgeois peut s'adapter, se déguiser. Mais il y a un héritage bizarre et contre-indiqué du culte de l'Etat parmi la floppée de ceux qui se réclament de Marx, qui est un culte servile de l'Etat, oubliant sa nature, oubliant qu'il faut le détruire comme en Russie avant de pouvoir reconstruire un autre système. Marx et Engels ont toujours exprimé leur méfiance de l'Etat. Dans leur critique des programmes de Gotha et d'Erfurt, Marx et Engels écrivaient pourtant : « Une éducation du peuple par l'Etat est chose éminemment condamnable. Déterminer par une loi générale les ressources des écoles primaires, les aptitudes exigées du personnel enseignant, les disciplines enseignées, etc., et comme cela se passe aux Etats-Unis, surveiller à l'aide d'inspecteurs d'Etat , l'exécution de ces prescriptions légales, c'est absolument autre chose que de faire de l'Etat l'éducateur du peuple ! Bien plus, il faut proscrire de l'école au même titre toute influence du Gouvernement ou de l'Eglise (…) C'est au contraire l'Etat qui a besoin d'être éduqué d'une rude manière par le peuple »13.

Munis comprend très vite la supercherie « démocratique » qui enveloppe de sa toile d'araignée et de son chantage à l'anti-fascisme toute l'extrême gauche espagnole : « … le POUM a couvert les traîtres et s'est lui-même fermé l'accès aux masses. Le même processus s'est produit avec la CNT, de façon plus accentuée »14 ; bien que pas encore dégrossi de l'héritage lénino-trotskien – il manquerait le parti et une « armée rouge » - et donc paradoxal dans ses explications, Munis tape juste en ce début 1937, malgré son retard sur les prises de position des italiens de Bilan : « La bourgeoisie mondiale, aidée efficacement par la bureaucratie soviétique, s'appuie sur les partis socialiste et stalinien pour sauver la bourgeoisie espagnole et transformer la guerre civile en guerre impérialiste ». En février il est de plus en plus lucide : « Les rivalités impérialistes se déchaînent en Espagne puisque notre société reste capitaliste  (…) Les possibilités d'une issue révolutionnaire à court terme sont pratiquement inexistantes. (…) Avant d'être en mesure de vaincre militairement les fascistes, il (le prolétariat) devra vaincre politiquement les staliniens et les réformistes. Les plus grands maux sont à craindre si le prolétariat ne prend pas cette orientation » (p.58).

Le tract de la section « bolchevique-léniniste » de la IV e Internationale, qui suit au même moment, est certes rédigé collectivement mais on y trouve des formules à l'éclat de diamant dont seul Munis est capable : « … derrière le mot populaire, se cache la politique de la bourgeoisie ; celle-ci à son tour se reflète dans la création de l'armée populaire, dont le nationalisme va concurrencer celui de l'armée de Franco, dans la réorganisation de l'appareil répressif de la bourgeoisie ; elle se lance dans la persécution des révolutionnaires et apparaît dans toute sa splendeur réactionnaire en essayant de faire la paix avec les fascistes – aussi espagnols – ou en transformant la guerre révolutionnaire de classe, en guerre bourgeoise, c'est à dire impérialiste ». Mais des illusions de correction ou redressement des piou-pious de base des CNT, FAI et POUM demeurent, tout comme la fable de « l'armée révolutionnaire aux mains du prolétariat ». Les limites politiques évidentes des « amis de Durruti » sont fraternellement relevées. En août 1937, Munis émet des doutes sur l'aspect révolutionnaire des armes, qui n'ont pas servi à faire progresser la « révolution » en cours : « Cela montre que les armes ne peuvent pas résoudre le problème, si elles ne sont pas guidées par une politique claire » (p.77)15.
En février 1938, les victoires militaires et les prolétaires sous uniforme sont des pièges de plus en plus visibles : « Si un soldat émet une critique contre son chef immédiat ou contre le gouvernement, ou s'il lit un journal ouvrier clandestin, il est puni d'une peine d'emprisonnement et parfois d'une condamnation à mort. Dans 80% des cas, les commissaires politiques ne sont rien d'autre que des espions staliniens qui agissent contre les soldats révolutionnaires. (…) Loin de changer cet état d'esprit, la victoire de Teruel va renforcer la lutte des officiers contre les soldats (…) Les ouvriers, en revanche, peuvent être condamnés comme fascistes simplement parce qu'ils sont en possession d'un fusil. Les réunions des travailleurs sont interdites, les réunions syndicales elles-mêmes sont restreintes et surveillées par la police (…) la presse et les organisations ouvrières les plus fidèles à leur classe sont dans la clandestinité ; plus de quinze mille combattants sont emprisonnés et les agissements des bandes de la Guépéou sont couverts par le ministre de l'Intérieur » (cf. Voz leninista n°3, 5 février 1938).

Munis et ses compagnons rejoignent finalement l'analyse faite deux ans plus tôt par Bilan comme le raconte Michel Roger : « Au lieu de mener la lutte sur un front de classe, on a mené les ouvriers en dehors des centres industriels. La lutte était perdue d'avance ! Pour la Gauche italienne, pendant la révolution la lutte est essentiellement politique, sortir de cette sphère dès le début c'est aller à l'échec car sur le terrain militaire, on rencontre les spécialistes de la guerre et des professionnels qui sont mille fois plus forts que les prolétaires expérimentés. Sur le terrain de la lutte sociale, c'est une situation inverse qui existe » 16.
Le groupe de Munis n'est ni défaitiste ni résolu à rester observateur, ni manichéiste à la façon des éternels bobos, vis à vis des autres groupes aussi « impurs » soient-ils17 ; il se bat pour un regroupement avec les « centristes », la gauche du POUM et les Amis de Durruti : « Le centrisme peut inclure des éléments révolutionnaires qui évoluent vers le réformisme, ou vice versa ; dans tous les cas l'évolution prend du temps et transforme un courant politique au fil des événements. Personne ne se couche révolutionnaire un soir pour se réveiller centriste le lendemain matin » (p.90). Mais Munis n'a guère d'illusions sur l'avenir du POUM et Cie :
« Conquérir le pouvoir en faveur de la classe ouvrière », quelle belle perspective ! Les dirigeants du POUM espèrent se mettre d'accord avec la CNT et la FAI (…) alors qu'ils espèrent également arriver au pouvoir pour livrer le prolétariat entre les mains du gouvernement » (utilisant) le mot d'ordre de Front unique pour le transformer en un slogan mensonger, afin de calmer le mécontentement de leurs militants » (p.91).

En février 1939, interviewé par ses camarades français de la Lutte ouvrière (n°110), sur la déploration par les médias de la faiblesse en armement du gouvernement de Front populaire en Espagne, Munis va décoiffer ses interlocuteurs qui n'en attendaient pas tant :
« … Militairement, malgré la propagande du Front populaire, cette politique (de guerre) n'a pu créer qu'une « discipline » au sens bourgeois du mot, mécanique et répressive, sans donner aux soldats ni organisation, ni capacité technique, ni non plus la solidarité d'une armée bourgeoise. Le résultats concrets furent le monopole de tous les postes de commandement par des arrivistes dépourvus de toute capacité militaire, ce qui entraînait une discipline ne s'exerçant contre les soldats que pour maintenir les privilèges des parvenus (…) Les soldats avaient le sentiment que l'organisation de la fameuse « armée populaire » ne se faisait que pour garantir les privilèges des parvenus et de la caste militaire pour réfréner toute activité politique à la base. Aux moments décisifs et dangereux, cette organisation aboutissait inévitablement à la fuite du commandement18, ou à son passage à l'ennemi.. » (p. 98).

En avril 1938, Munis est à nouveau interviewé mais par Le Réveil syndicaliste. Décidément tous les intervieweurs sont obsédés par l'aspect militaire, et Munis corrige encore :
« C'est de toute évidence que les causes principales de la défaite militaire sont dans la politique du gouvernement et non dans l'insuffisance du matériel de guerre. Le Front populaire par son programme bourgeois démocratique, a réussi, grâce à l'aide des organisations ouvrières, à empêcher le prolétariat d'organiser la société socialiste esquissée le 19 juillet 1936 ». Mais il est encore dans la croyance en un socialisme pouvant débuter dans un cadre national (isolé) espagnol, pensée éminemment trotskyste et néo-stalinienne. Il pense encore que le comité central des milices (en effet vite dissous par le gouvernement bourgeois) aurait pu ouvrir la voie à un renforcement (militaire révolutionnaire?) de la tentative révolutionnaire. Mais sa pensée évolue très vite, basta les histoires de victoires militaires mais aussi les fumeuses collectivisations et autres nationalisations : « Toutes ces réalisations admirables du prolétariat n'ont aucune valeur durable sans l'affermissement de ses conquêtes par son pouvoir politique, ses armes ».

Un étonnant tract du groupe d'avril 1939 – intitulé Vive la révolution espagnole (p.111) – explique qu'une « révolution sociale » n'a pas pour principales armes... les armes :
« Pourquoi, avec leur force ordinaire, ont-ils pu vaincre votre héroïsme combatif et votre volonté d'émancipation politique et sociale ? A cause du manque d'armement, comme vous le disent les chefs du Front populaire ? Mensonge ! En juillet 1936, ils furent vaincus sans armes ; sans armes furent conquis l'Aragon, Guadalaraja, Albacette, San Sebastian ; avec une proportion d'armes infiniment inférieures à celles disponibles dernièrement, Madrid fût défendue durant les journées mémorables de novembre ; les révolutions se sont toujours faites et se feront en infériorité en armes par rapport à l'ennemi19. Ne vous laissez pas tromper par cette fumisterie mensongère répandue par les traîtres à votre cause, coupables de votre défaite. L'infériorité en armement du prolétariat résulte de son infériorité comme classe dans le monde capitaliste. C'est une difficulté qui ne pourra jamais être dépassée, mais contrecarrée à grande échelle en introduisant dans le camp ennemi le facteur dissolvant des idées et des consignes révolutionnaires »20.

Puis Munis avec ses formules concises et percutantes démolit l'idéologie antifasciste dominante et qui est derrière toutes les questions naïves des observateurs lointains du théâtre « des opérations » :
  • les russes ne fournissent qu'une quantité minuscule d'armes,
  • les partis pro-russes utilisent l'argument mensonger de l'infériorité en armement pour faire oublier qu'ils sont eux les vrais usurpateurs casseurs de la révolution,
  • la défaite n'est pas due à une « trahison des démocraties » amis à une idéologie de Front populaire qui a servi « à noyer le mouvement de solidarité du prolétariat international »,
  • le prolétariat a d'abord été vaincu par le Front populaire avant de l'être par Franco.

Munis frappe un grand coup en décrivant la soumission anarchiste et celle du principal parti d'extrême gauche le POUM comme le résultat, on peut dire classique, de l'apolitisme anarchiste21 : « … le Front populaire déchaîna contre les masses exploitées une véritable guerre civile, de l'apolitisation et de la hiérarchisation de l'armée en consonance avec le code bourgeois, jusqu'à l'assassinat et la persécution des militants révolutionnaires. Cette politique allait épuiser le prolétariat, lui imposer une passivité chaque fois plus évidente face à la guerre, à laquelle les commandants gouvernementaux ne fixaient que des objectifs bourgeois (les 13 points de Negrin) (…) Une situation, en somme, où même la supériorité en armement n'aurait pu garantir la victoire (…) Le Front populaire organisa une armée bourgeoise ».

Enfin, leçon supplémentaire, la plupart des organisations d'extrême gauche sont désormais, depuis l'expérience espagnole, étrangères au prolétariat et à ses buts : « Le Front populaire, pouvoir politique de la bourgeoisie, put se maintenir, vaincre les travailleurs et faciliter la voie à Franco, parce que les organisations ouvrières d'extrême gauche, l'anarchisme et le POUM ne surent pas (?) guider les masses vers la conquête du pouvoir politique. La trahison va d'une extrémité à l'autre de la gamme politique. Aucune de ces organisations ne sera capable demain de garantir la victoire de la révolution. La guerre civile espagnole a été leur tombe ».
J'ai mis un point d'interrogation sur le « ne surent pas » - car j'ai des doutes sur la traduction des anars de L'esclave salarié qui ont traduit ce texte – sans oublier l'incompétence politique de Coleman. J'aimerais savoir quel fût le verbe utilisé en espagnol, car le raisonnement ici de Munis est sortir des oeillères trotskystes, et signifie plutôt que les « organisations traîtres » n'étaient plus à même d'indiquer ou diriger quoi que ce soit au nom du prolétariat révolutionnaire.

Le texte qui résume superbement l'analyse de la tentative révolutionnaire en Espagne, est rédigé par Munis en août 1943 (p.126) : Signification historique du 19 juillet (p.137). Spécialiste de la dénonciation de la farce de la théorie de la « guerre révolutionnaire », j'ai évidemment été ébloui par la réflexion profonde, méconnue, et que tous les apprentis guévaristes ou terroristes eussent dû avoir lu (sans lustucru) à l'orée des sixties : Quelques réflexions sur la guérilla « nationaliste », qui ne comporte qu'un seul r contrairement à guerre. Munis démonte impeccablement les lubies et illusions sur les possibilités des guérillas « organisées en général par des pouvoirs réactionnaires » : « Les paysans sont les derniers à se mobiliser contre l'oppression, et, quand ils le font, ils ont tendance à adopter des formes de lutte extrêmes et antisociales si l'occasion se présente. Ce sont ces caractéristiques qui feront des paysans les derniers émancipés (…) Il faut combattre le particularisme paysan, le faire passer de la guérilla à la lutte sociale ».
Enfin, je crois que, après Rosa Luxemburg et Anton Pannekoek, il est un des rares à avoir remis en cause la fable séculaire sur la « guerre révolutionnaire » : « En finir avec l'oppression n'est pas un problème militaire, mais social, ce n'est pas un objectif national, mais international » (p.140). Sa période trotskyste, non seulement montre que le trotskysme d'avant-guerre était l'aiguillon du mouvement révolutionnaire international, bien que centriste (= confus et en dégénérescence), et en retard par rapport à la reconnaissance de l'URSS comme Etat impérialiste anti-ouvrier, mais permettait des avancées théoriques dans ses débats22. Dans les débats avec le SWP américain, Munis décèle déjà les théories moribondes (qui nous paraissent d'ailleurs aussi comiques qu'invraisemblables aujourd'hui) : « … l'instruction militaire sous contrôle syndical aurait dûe être conçue comme un mot d'ordre pour démontrer aux masses que le contrôle des dirigeants traîtres n'altère en rien le caractère réactionnaire de la guerre « antifasciste », et que les masses armées évoluent plus facilement vers les révolutionnaires afin de transformer la guerre impérialiste en guerre civile »23 .

Osons une interprétation, je pense que Munis approfondit la question controversée de la guerre révolutionnaire, pendant sa période trotskyste parce qu'il est amené à remettre en cause la défense de l'URSS, le fameux « soutien critique », en état critique depuis surtout le pacte Hitler-Staline : « Notre « défense inconditionnelle de l'URSS » était un mot d'ordre fondamentalement militaire, destiné à empêcher la défaite de l'Etat ouvrier dégénéré face à l'impérialisme, et qui était déterminé en grande mesure par la défaite générale de la révolution mondiale » (p.203). Et de charger l'incroyable déduction délirante des trotskystes américains : « ...Comme si la victoire militaire de l'URSS pouvait inévitablement entraîner le triomphe de la révolution prolétarienne, du moins en Europe. Voici ce qu'écrivait The Militant le 27 février 1943 : « il est presque impossible de concevoir l'avancée de l'armée rouge en Allemagne sans que ne s'ensuive une révolution sociale » (p.205). Munis répond : « l'armée rouge ne peut pas être un instrument de la révolution, elle en sera son bourreau »24.

Depuis Mexico, en avril 1946, Munis fournit un texte rare, méconnu voire inconnu qui analyse très finement du point de vue marxiste le triomphe du capitalisme d'Etat (sans le nommer) en Russie : Les révolutionnaires devant la Russie et le capitalisme mondial, où il prévoit l'effondrement au long terme du « vandalisme stalinien ».
On trouve le texte de 1950, alors que Munis a fondé un autre groupe, Union ouvrière internationale : Contre les deux blocs, pour le socialisme (p.368). L'explication de l'omerta sur la rupture de Natalia Trotsky avec la Quatrième Internationale par Munis (p.376) ; et la lettre de Natalia à... France-Soir.

Cela fait trois ans qu'on attend le tome 2.





notes (+ voir plus bas: chronologie d'une révolution avortée)

1Je présume que l'historiographie est entrée dans sa « troisième période », qu'elle va chercher à s'aventurer sur les terrains non labourés, violer le sacro-saint manichéisme anti-fasciste - tout ayant été dominé jusqu'ici par le noir et blanc, au point que certains estiment que toute l'histoire de la révolution ou guerre espagnole est à refaire - si j'en juge par le fait que ma republication de l'échange de lettres entre Bernanos et Simone Weil - terrible transgression - reste à ce jour, la communication la plus consultée sur mon blog ! Comment ne pas aimer l'oeuvre de Bernanos, qui resta toujours pauvre, et une œuvre révélée surtout parce que Pialat a su en extraire de grands films ? Quant à Simone Weil, présentée comme un penseur majeur du XX e siècle par certains ignorantins et « première établie » de l'histoire, elle fût élevée à la pensée universelle par … la Gauche communiste, puisqu'elle fût amenée à fréquenter les cercles maximalistes avant d'aller s'engager bêtement en Espagne (cf. témoignage de Marc Chirik qui l'a connue).

2Egalement percutante cette interview : « Durruti dans le labyrinthe. Qui a tué Durruti ? », sur le site des giménologues : http://gimenologues.org/spip.php?article644


3 Sur ce blog donc 12 dec 2012 avec un titre un peu provocateur mais dans un but accrocheur : « Un travail de fainéant sur la Gauche italienne ») ; et aussi le 9 décembre 2012 dans l'article « Un maximalisme indestructible » où je reproche à l'auteur de ne pas avoir travaillé sur l'oeuvre du mémorialiste bordiguiste Lucien Laugier) ; enfin le 4 février 2014 : « Une compil majeure sur l'histoire de la GCF » : « L'enfer continue ». Lire donc sur ce blog : La Gauche italienne dans l'émigration par Lucien Laugier en tapant ceci (car la CIA a flingué mon moteur de recherche) : http://proletariatuniversel.blogspot.fr/p/la-gauche-italienne-dans-lemigration_12.html



4Coup de chapeau à la célèbre formule de Munis : http://leftcommunism.org/IMG/pdf/Tomo_IV_Munis_Jalones_de_derrota.pdf

5Lors de la fameuse première grande conférence des groupes maximalistes de l'après-guerre, dans les sous-sols de l'Eglise de la Porte de Choisy, Munis était venu lire son texte « Fausse trajectoire de Révolution Internationale », puis le fier hidalgo s'était éclipsé. Marc Chirik me fît alors cette réflexion : « tu as vu cette prestance ? Munis c'est la classe ! ».

6Le plus navrant est « Offensives réactionnaires » où il véhicule une sereine pensée gauchiste d'une platitude toute conformiste.

7Coleman se la joue Maspéro. Debord s'était moqué des publications hétéroclites pour marché gauchiste de Maspéro & Co, il disait : maspérisé. Comme nous complétons : Coleman colemanise. Néanmoins, me fichant de la marque de l'édition si le contenu importe, et si l'éditeur n'y comprend rien, je tiens au moins à remercier Coleman de nous avoir au moins permis de découvrir en langue française (ce que la plupart des vieux machins maximalistes ne connaissaient pas non plus) ces superbes textes de Munis, choix peut-être discutable, mais dans une chronologie intéressante qui m'a permis de travailler dessus.

8Idem sur le sabotage, lire p.171 sa dénonciation lumineuse.

9Lire p.201, malgré des confusions et espoirs fous partagés par l'ensemble des révolutionnaires marxistes lors de la libération de Paris.

10A la fin des années 1970 je crois, présent à la Mutualité pour un cercle Léon Trotsky, ou les profs de LO distillent un savoir politique pour classe de troisième, j'ai eu honte pour ces trotskiens dégénérés lorsque j'ai entendu une voix qui
commença à parler avec simplicité : « je suis Munis, militant de la IV e Internationale avec Trotsky puis du FOR..... ». J'étais ému. Je ne me rappelle plus du contenu qui devait être très critique pour LO. La salle s'était contentée de rigoler de l'accent espagnol du vieil homme, Arlette affichait un air benêt à la tribune comme si cela avait été un marchand de lessive. Tous ignoraient quel grand personnage était présent. La réponse de la secte stalinienne avait été, comme chez les informés de France Inter : « on passe à la question suivante ». Par la suite nous nous sommes quelques fois accrochés aux permanences du FOR. Un jour il m'a dit : « toi, tou est un disciple du Chirik, si yavé oun fouzi yo té tourais » ; j'avais répondu je crois : « bof tu saurais même pas t'en servir ». Il ne respectait rien et moi non plus.

11Marx est très cruel pour les futurs divers « marxistes-léninistes », ces « bohèmes d'origine prolétarienne » : « la seule condition de la révolution est une bonne organisation de leur conspiration. Ce sont les alchimistes de la révolution, et ils partagent le désarroi mental, l'étroitesse d'esprit et les idées fixes des alchimistes de jadis ».

12Agustin Guillamon – qui accomplit pourtant une œuvre remarquable de restitution et de décryptage de la guerre d'Espagne – veut nous faire de Rebull un nouveau théoricien maximaliste original. A voir. Page 36 de la compil de Coleman, Munis raconte au même Guillamon avoir essayé en vain de contacter Rebull et que celui-ci a collaboré à la résistance nationale en France.

13Sur l'approfondissement de la question de l'Etat dans la période de transition, le grand théoricien qui prolonge Engels et Lénine, demeure à mon avis Marc Chirik dont les écrits méritent d'être republiés plus largement que mon édition confidentielle. Sollicitant les Cahiers Spartacus pour ce projet, je me suis entendu répondre : « bof... faudrait peut-être voir avec son fils et Raoul » ; autrement dit avec les mous, qui ne feront jamais rien, comme Spartacus qui préfère publier tout ce qui est libertaire, même et surtout enfumant, pour la clientèle. Marc et Munis ont fait un bout de chemin ensemble. Munis que j'ai croisé plus souvent que Coleman ne s'en vante, me dit un jour : « Chirik m'a piqué toutes mes idées », j'ai toujours pensé que ce n'était pas entièrement faux (sur la question syndicale en particulier) mais Munis n'a-t-il pas « piqué les idées » de Marx, Engels, Rosa, Lénine, etc. Ne sommes-nous pas tous des pilleurs d'idées de nos ancêtres chéris ?

14Boletin n°1 du groupe bolchevique-léniniste d'Espagne, 1 er janvier 1937, page 53 de l'ed Coleman.

15Munis est autrement plus clair que Rebull dont le fan, A.Guillamon, nous le décrit venant plaider auprès des chefs du POUM, une main sur le cœur et l'autre avec la carte de Barcelone , la possible et victorieuse attaque des locaux gouvernementaux début mai 37 à Barcelone. Rebull se fait baiser par les collabos poumistes : « Il lui fut répondu qu'il ne s'agissait pas d'une question militaire, mais politique (sic, comme quoi la bourgeoisie peut reprendre nos arguments), la prise du pouvoir signifiait la rupture de l'unité anti-fasciste et elle précipiterait la victoire rapide des armées de Franco » (p. 66 de l'édition Spartacus). L'anti-défaitisme révolutionnaire a de la ressource !

16p. 213 Les années terribles.

17Dans le CCI, à la fin des années 1980, nous étions une minorité avec Marc Chirik à dire que le PCI bordiguiste et le FOR n'étaient pas des gauchistes, une frange de grands intellos (aile bobo du CCI), profs d'université d'ailleurs, dénigraient la notion de centrisme : un groupe politique ne pouvait être que bourgeois ou prolétarien. Sur le sujet Marc s'est battu d'arrache-pied et a produit des textes à l'unisson de Munis et des anciens, qui avaient vraiment assimilé la méthode marxiste.

18Ce qui se reproduira à l'identique lors de la fameuse triste débâcle en France en juin 1940, preuve aussi très occultée que comme en Espagne le prolétariat français ne voulait plus aller au casse-pipe comme en 14. Munis aligne les formules choc, qui évitent d'inutiles digressions : « (le pc stalinien à Malaga) devint le bras droit de l'Inquisition franquiste dans sa répression contre les ouvriers ».

19Je ne sais pas si le surlignage était fait par Munis ou l'éditeur Coleman, en tout cas : bon surlignage !

20C'est ce qui peut être nommé l'increvable « défaitisme révolutionnaire » dont se gaussent Coleman et ses amis révisionnistes « communisateurs » (cf. http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article335: Vernissage d'une antiquité : le défaitisme révolutionnaire » se moquant du responsable du site Matière et Révolution;  et cf. http://blog.tempscritiques.net/archives/948 .Position toujours problématique (que faire face à daech?), à ce propos Miche Roger rapporte un épisode troublant et questionnant dans « Les années terribles » : « En août 1936, lors d'une réunion du Comité central du POUM, le délégué de la Gauche italienne présent en tant qu'observateur, déclara qu'il ne fallait pas chercher à tuer les prolétaires enrégimentés par Franco mais appeler à la fraternisation avec eux. « Les dirigeants de cette organisation « marxiste » affirmèrent qu'une telle propagande méritait la peine de mort ». Il paraît que le délégué y échappa de peu. Même au péril de ma propre vie, j'aurais été complètement solidaire de ce camarade courageux, au contraire des petits profs de Temps critiques et leur pote l'intello Coleman.

21Munis fustige à plusieurs reprises l'apolitisme anarchiste, ce qui est rare et inconsidéré dans la plupart des écrits maximalistes : p. 116, 143 (l'aveuglement apolitique de l'anarchisme). Il explique cet apolitisme comme ignorance de l'Etat... et c'est profondément juste puisque les anarchistes finissent toujours par se faire bouffer par l'Etat, ou se mettre à son service comme tous les anciens chefs gauchistes, ou les intellectuels secondaires négationnistes du prolétariat et révisionnistes du marxisme (cf. Les veuves du terrorisme italien et allemand, les communisateurs, etc.) en théorisant la fin des classes et le dépérissement du marxisme (ou sa décomposition comme disait Sorel).

22Sur la nature capitaliste de l'Etat russe, le substitutionnisme de parti et la pourriture des syndicats, le courant issu du KAPD au début des années 1920 était à l'avant-garde mais traité d'ultra gauche impuissant par les trotskystes-léninistes ; les bordiguistes qui avaient été les premiers à critiquer Staline et à soutenir Trotsky avaient été éliminés de la scène internationale par le triomphe de Mussolini, et les opportunistes trotskystes les classaient dans la case honteuse dite ultra-gauche, par suivisme avec la brochure infantile de Lénine. Mais les meilleurs éléments du trotskysme et des deux courants précédents allaient se retrouver épisodiquement après guerre, puis féconder le renouveau du mouvement révolutionnaire dans les sixties.

23p.160, et p.146 : Le SOCIALIST WORKERS PARTY et la guerre impérialiste. Les camarades américains en prennent plein la tronche : « Nous accusons précisément nos camarades américains d'être tombés dans une déviation centriste par rapport à la guerre. Comme les centristes, ils ont laissé dans l'ombre la lutte idéologique et pratique contre la guerre et mis au premier plan le bavardage sur la défaite de Hitler et celle du totalitarisme » (p.178).f


24Bon, si Munis s'est trompé une fois, à la fin de son long texte adressé au SWP américain : « La Quatrième Internationale et ses partis sauront aussi corriger leurs propres erreurs » ; mais il est vrai que tout le monde se trompait, on était en 1944 ! Par après, on se doute, même si Coleman est infoutu de fournir un appareil critique politique décent que les amendements proposés au congrès trotskien par Munis n'ont pas été acceptés.



 
CHRONOLOGIE DU SABOTAGE D'UNE REVOLUTION AVORTEE

Ceci n'est qu'une ébauche pour les deux années où les carottes ont été cuites, rare certes, mais révélatrice de comment l'Etat bourgeois n'a pas disparu, s'est renforcé en poussant à la trahison de vieilles organisations ouvrières sans principes solides, et surtout vous observerez – j'ai intentionnellement retiré les épisodes militaires (qui entretenaient un climat de guerre inclinant à l'union patriotique) – que la bagarre à l'arrière a pour but de dissoudre la révolution sociale, qui n'a pu éclore, se renforcer ; et pourquoi ? Parce qu'il n'a pas pu y avoir un parti communiste mondialiste digne de ce nom, bien sûr. Mais un tel parti ne peut apparaître (que vous le vouliez ou nom) que dans une dynamique de montée et généralisation mondiale de la révolution, or ce ne pouvait être le cas dans la situation centripète de l'Espagne isolée, et « encadrée » par les impérialismes quand le gouvernement bourgeois républicain et stalinien travaillait pour Franco.

1936

  • 16 juillet : victoire électorale du Front populaire bourgeois,
  • 17 juillet : veille (?) du coup d'Etat de Franco, le gouvernement censure les éditoriaux qui avertissent du coup d'Etat ; le syndicat des Transports maritimes de Barcelone s'était emparé des armes se trouvant dans les navires « Manuel Arnus », « Argentina », « Uruguay » et « Marquis de Cornillas » (130 fusils et de smunitions). Il les avait transporté à son local. Le 18 veille du soulèvement militaire, la police enleva une partie des armes (d'après Bilan n°36).
  • 18-20 juillet : grève générale (aucune chronologie n'indique clairement si celle-ci a débuté le jour du putsch ou le lendemain ou surlendemain, il semble que les atermoiements aient duré trois jours)
  • 19 juillet : la stalinienne Ibarruri lance le mot d'ordre militariste « non passaran » à l'attention des ouvriers à embrigader, depuis le balcon du ministère de l'Intérieur, comme réponse nationale au putsch des généraux depuis le Maroc
  • 20 juillet : La CNT et à sa suite l'UGT lancent le mot d'ordre de grève générale à toute l'Espagne alors que les ouvriers sont partout déjà dans la rue ; la grève générale à Madrid n'est de fait que le prolongement de la grande grève de la construction qui durait depuis juin ; une journée après Barcelone le prolétaires madrilènes emportent d'assaut la caserne de la Montana. En secret, dans le cabinet ministériel de Companys, CNT et FAI prêtent allégeance au gouvernement bourgeois. Des navires français et britannique mouillent au large de Barcelone prêts à intervenir. Tournant précoce vers la « guerre sainte antifasciste », avec l'appel à la cessation des grèves voisine avec l'injonction de créer des « colonnes armées » pour défendre la République bourgeoise.
  • 21 juillet : Décret de la Généralité (gouvernement de Catalogne ) annonçant la création de milices citadines « pour la défense de la République et la lutte contre le fascisme et la réaction ».
  • 24 juillet : CNT et UGT appellent à la reprise du travail ; la première colonne de volontaires nommée Durruti (embrigadement d'abruti?) part au front de Saragosse ; le Poum (parti d'unification marxiste » joue à la surenchère d'extrême gauche appelant à faire durer la grève générale « jusqu'à ce que le fascisme soit écrasé partout). Le front d'Esquerres qui groupe tous les partis bourgeois de gauche reçoit une lettre du Poum où celui-ci, invité par Companys, accepte de collaborer avec tous les partis contre le fascisme mais refuse d'entrer au gouvernement de Front Populaire. La « Batalla » du Poum proclame qu'à Saragosse « se concentre l'attention révolutionnaire mondiale ».
  • 2 août : la Généralité voulant appeler sous les drapeaux les ouvriers, la CNT s'aligne apparemment sur le refus des ouvriers : « Des miliciens ? Oui ! Des soldats ? Non ! » ; le Poum demande la « dissolution » et pas la destruction de l'armée ; c'est pourtant la porte ouverte à la militarisation et au dessaisissement du contrôle des armes par les prolétaires. A Barcelone est créé le comité central des milices antifascistes qui n'est pas un nouveau pouvoir, mais un supplétif du gouvernement gérant le ravitaillement, l’administration judiciaire, la formation des unités de la milice, leur envoi au front, les questions économiques… A Madrid la Garde civile reste intacte et « garde jalousement les coffres-forts du capitalisme : les banques ».
  • 26 juillet : la CNT botte en touche : « le seul ennemi du peuple, c'est le fascisme »
  • 28 juillet : le Poum, qui au travers du POUS, contrôle le syndicat des employés, lance le mot d'ordre de reprise du travail « pour les ouvriers qui ne se trouvent pas dans les milices. Il faut créer la mystique de la marche vers Saragosse, dira-t-on aux ouvriers, puis nous réglerons leur compte à la Généralité et à Madrid » (cf. Bilan n°36). On continue à exproprier des entreprises mais sous le contrôle des délégués du gouvernement. Dans les régions agricoles où n'existe pas un prolétariat nombreux, triomphe progressivement la répression sanglante des troupes franquistes.
  • 30 juillet : à Madrid, la Pasionaria, cheffe du parti stalinien, déclare qu'il s'agit de défendre la révolution bourgeoise.
  • 3 août : « Mundo Obrero », organe du parti stalinien proclame qu'il défend la propriété privée des amis de la République et lance le mot d'ordre : « pas de grèves dans l'Espagne démocratique ». A la même époque interview de Companys où il met en évidence que la CNT et la FAI « sont aujourd'hui les représentants de l'ordre et que la bourgeoisie catalane n'est pas une bourgeoisie capitaliste mais hulanitaire et progressiste », « notre gouvernement défend les classes moyennes » (sic).
  • 6 août : En Catalogne, les staliniens du PSUC, expulsés de la direction du Comité Central des Milices Antifascistes le 6 août font leur retour au sein du gouvernement d'union de la Généralité
  • 8 août, célèbre discours du chef stalinien Jesus Hernandez, salue une guerre nationale pour l'indépendance de l'Espagne.
  • 11 août : déjà très contrôlés par les syndicats, les comités d'usine sont reliés par décret au Conseil de l'Economie du gouvernement.
  • 22 août : sous le signe « Hasta el fin », les ouvriers catalans sont envoyés au casse-pipe vers Majorque.
  • 25 août : le plenum de la CNT annonce les accords concluant au désarmement de 60 % des miliciens appartenant aux différents partis ; la CNT fait comprendre qu'il n'existe plus qu'un front : le front militaire. Mise au point des Etats capitalistes pour une organisation du conflit : faciliter l'envoi d'armes à Franco et invention des « légions étrangères prolétariennes », qui prendront le nom de « brigades internationales ».
  • 29 août, selon la « Batalla », organe du Poum, les ouvriers de Saragosse auraient mené pendant quinze jours la grève générale.
  • 1 er septembre, le chef du Poum, A.Nin déclare : « notre révolution est plus profonde que celle faite en Russie en 1917. L'exaltation de la « guerre révolutionnaire » est croissante dans la phase de la chute d'Irun, les journaux toitrent : « La chute de Huesca est imminente »
  • 4-5 septembre : le socialiste Largo Caballero nommé premier ministre en compagnie des ministres anarchistes Garcia Oliver et Federica Montseny
  • 9 septembre:conférence à Londres en faveur de la non-intervention en Espagne
  • 11 septembre : le Poum salue le gouvernement Caballero comme progressiste par rapport à celui de Giral.
  • courant septembre l'instrument de Staline, le Komintern invente les Brigades internationales
  • 16 septembre est créée la Milice de surveillance de l'arrière (Milicia de Vigilancia de Retaguardia), chargée de contrôler l'ensemble des milices qui n'ont pas de rôle actif au front mais à l'arrière, mais qui restent puissantes et indépendantes
  • 26 septembre : la formation du Conseil de la Généralité de Catalogne (= gouvernement bourgeois) a lieu sous condition que disparaisse le Comité central des Milices.
  • 27 septembre le chef anarchiste Garcia Oliver et celui du POUM Nin se retrouvent au gouvernement ( la Généralitat de Catalogne)
  • 28 septembre : décret de création de l'armée bourgeoise dite Armée populaire de la République
  • 1 er octobre : dissolution du Comité Central des Milices Antifascistes (décret de Madrid approuvé par la CNT)
  • 10 octobre : décret créant l’armée populaire et militarisant les milices (couic ! Embrigadés)
  • 14 octobre : consignes syndicales de la CNT : application du décret de militarisation et de mobilisation pour la Catalogne. Le navire « Zanianine » fait escale dans le port de Barcelone signalant la fin de la non-intervention du côté russe.
  • 22 octobre : le gouvernement espagnol légalise la création des Brigades internationales, et décret de collectivisation des terres et des usines en Catalogne ; la CNT entre au gouvernement de Madrid.
  • 27 octobre : l'opposition à la militarisation par la CNT est de pure forme : « Milices ou armée nationale ? Pour nous autres milices populaires ! ».
  • 1er novembre : le POUM publie le décret de militarisation de l'Espagne
  • 4 novembre : entrée de la CNT dans le gouvernement Caballero
  • 17 décembre : la Pravda annonce qu'en Catalogne, le « nettoyage des trotskystes et des anarcho-syndicalistes a déjà commencé ». Le POUM est viré du gouvernement stalinien.



1937

  • 8 janvier 1937 : le Comité exécutif populaires de Valence est dissous.
  • 27 février : le journal de la FAI, Nosotros, est interdit
  • 12 mars : décision de la Généralitat (gouvernement de Barcelone) de récupération de toutes les armes non militarisés au sein de l'Armée populaire
  • mars : achèvement de la militarisation des milices dans « l'Armée populaire »
  • 17 avril : les forces de police de l'Etat bourgeois républicain exigent la dissolution des patrouilles ouvrières de la CNT et procèdent en particulier au désarmement des ouvriers armés
  • 3 mai: le gouvernement tente de s’emparer du central téléphonique de Barcelone aux mains des employés et gardés par la CNT. Grèves et barricades partout, une véritable insurrection partie à la base. Le gouvernement depuis Valence envoie 5 000 hommes supplémentaires mais Garcia Oliver et Federica Montseny prêchent le retour au calme ! Cette répression des insurgés ouvriers anarchistes et marxistes par l'État bourgeois républicain et les milices du parti stalinien restera longtemps occultée. La honte cette passivité et collaboration des anarchistes du gouvernement, ainsi que des chefs du POUM
  • 4 mai : tract du groupe de Munis Voz leninista : « Vive l'offensive révolutionnaire »
  • 13 mai : Le 13 mai 1937, les deux ministres staliniens Hernandez et Uribe proposent au gouvernement de sanctionner la CNT et le POUM, jugés responsables de l'anarchie et des difficultés que connaît le camp républicain, politiquement comme militairement, poussant Caballero à la démission le 15 mai
  • 17 mai : formation du gouvernement par le socialo-stalinien Negrin excluant anarchistes et poumistes
  • 25 mai : 25 mai, la FAI est exclue des tribunaux populaires. Le 15 juin, c'est le POUM qui est déclaré illégal, ses activités interdites, son comité exécutif est emprisonné, la 29e division (ancienne division « Lenin » du POUM) est dissoute ;
  • 6 juin : 6 juin, un décret gouvernemental rend illégales toutes les collectivités rurales qui n'ont pas encore été dissoutes. Le Conseil régional de défense d'Aragon est définitivement dissous en août, ses instances sont occupées par la force à partir du 10 août par l'Armée populaire du gouvernement bourgeois tandis que Joaquim Ascaso son président, est emprisonné ; le SIM (service d’enquêtes militaires) envoyé par le gouvernement et entièrement contrôlé par le GPU organise une répression féroce : des milliers de militants sont arrêtés et torturés, dans des dizaines de cul de basse fosse.
  • 16 juin : arrestation, torture et mise à mort de Andrès Nin leader du POUM par les tueurs du parti espagnol et russe
  • en août, les critiques vis-à-vis de l'URSS sont interdites : les bandes armées du parti stalinien mettent fin à la collectivisation des terres en Aragon, organisée depuis la mi-36 par le Conseil régional de défense d'Aragon
  • 1er octobre16 septembre est créée la Milice de surveillance de l'arrière (Milicia de Vigilancia de Retaguardia), chargée de contrôler l'ensemble des milices qui n'ont pas de rôle actif au front mais à l'arrière, mais qui restent puissantes et indépendantes  : dissolution du CCMA (c'est un peu le fouillis dans les dates de dissolution des CC des milices, y en avait-il par région?)
  • 4 novembre : entrée au gouvernement de Garcia Oliver et Federica Montseny
  • 12 novembre : la CNT quitte le gouvernement
Et revoilou l'article du 21 nov 2014


ET SI ON COMPARAIT AVEC LES BRIGADES INTERNATIONALES DE 36 EN ESPAGNE...


"L'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses".
Ernest Renan

Depuis plusieurs mois, voire même plus, la population mondiale est "informée" au quotidien sur des faits de guerre maquillés en simple exhibition d'égorgements où d'Ukraine en Syrie la barbarie serait à nos portes si nous hésitions à désigner le seul ennemi qu'on nous pointe du gros doigt médiatique (1). Par une simplification grossière l'attention est centrée sur les frasques de "l'Etat islamique", nouvelle connotation obligée du "terrorisme international", quand sont passées sous silence les horreurs militaires en Ukraine. Bruits de guerre mondiale managée au long court? Cela mérite une sérieuse comparaison avec la guerre d'Espagne.
Dans cette saga militariste, chaque épisode apporte de "nouvelles révélations" sur "la progression" de la barbarie de "l'islam radical". Les zooms télévisés vont emmène là où vous pensiez être épargné par les risques de contagion de la barbarie. Qui l'eût cru? Champigny sur Marne, une médiocre banlieue parisienne projetée en pleine vitrine mondiale où un obscur Mickaël Dos Santos (ex-portugais au prénom de vedette de feuilleton US comme tous les prénoms d'enfants portugais)
"... apparaît, barbe drue et en uniforme militaire, dans la vidéo diffusée dimanche par le groupe jihadiste, mettant en scène la décapitation de 18 soldats de l’armée syrienne faits prisonniers par EI et de l’otage américain Peter Kassig. «L’homme concerné est connu par son engagement terroriste en Syrie et son comportement violent revendiqué sur les réseaux sociaux», a déclaré mercredi, sans le nommer, le Premier ministre, Manuel Valls. En fin de journée, le parquet de Paris a confirmé son identité, sur la base d’«indices précis et concordants». Dos Santos affiche un profil similaire à celui du Normand Maxime Hauchard (lire Libération de mercredi), lui aussi filmé dans la même vidéo de propagande. Même âge, même conversion à l’islam à la fin de l’adolescence, même radicalisation express, via notamment des sites extrémistes. Né à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) de parents d’origine portugaise aujourd’hui séparés, Mickaël Dos Santos déménage ensuite dans la très résidentielle commune voisine de Saint-Maur-des-Fossés, avant de revenir vivre avec sa mère à Champigny. Ils habitent dans un petit immeuble de quatre étages, au cœur d’un quartier pavillonnaire des bords de Marne. En 2009, il est naturalisé français. C’est à cette époque aussi qu’il devient musulman, avant de s’engager en quelques mois sur la voie d’un islam radical. «Avant, c’était un jeune normal, explique un habitant se présentant comme un "ami". Il jouait au foot, allait au lycée, draguait les filles".
Questionnements, supputations, on est perdu en conjectures et conjonctures. On fait appel aux spécialistes pour tenter de nous aider à comprendre cet engagement inattendu, poignant voire suicidaire de jeunes récemment barbus. Tiens prenons le plus bête, Filiu, dont j'ai eu l'occasion de me payer la tête (de con) à l'université populaire d'Arcueil devant 500 profs retraités. Filu piaffe d'impatience de faire un coup éditorial à la pouffe Trierweiler; depuis deux ans, ce franc-mac des Amis de la Syrie dont F.Hollande est aussi membre, peaufine un futur ouvrage possiblement intitulé "la fin du régime Assad", lequel ne se résout point à disjoncter. Peut-être est-ce en préparation du dernier chapitre qu'il a lancé la mode de la "sectarisation" chez les journaleux pour comprendre ces petits paumés bien de chez nous qui vont se sacrifier au profit des ennemis de la civilisation occidentale. Ces djeuns déclassés un jour, paumés un autre, seraient embrigadés dans des sectes avant de partir au front. Tout s'éclaire enfin, et surtout pas besoin de raisonner politique ni social. Le fanatisme, comme chacun sait conduit au meurtre, au meurtre là-bas et à la destruction de réputation ici. Heureusement notre télévision démocatique peut nous servir un repenti chargé d'aller catéchiser les banlieues glauques: "À 19 ans, Mourad Benchellali s'est laissé embarquer en Afghanistan dans un camp d'entraînement d'al-Qaida. C'était en 2001, et très rapidement, le gamin de Vénissieux est tombé aux mains de l'armée américaine, vendu par l'armée pakistanaise. Trente mois à Guantánamo, avec son lot de tortures et d'humiliations, puis dix-huit mois à Fleury-Mérogis... Benchellali, condamné, avec quatre autres Français de Guantánamo, pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", est ressorti traumatisé de ces cinq ans de tunnel. Aujourd'hui, Mourad Benchellali a changé de combat. À 33 ans, père de famille et toujours vénissian, il a entrepris une bataille contre le djihad, à la rencontre des jeunes, dans les écoles, les clubs de sport, les associations, pour les dissuader de partir rejoindre les islamistes en Syrie". Le repenti devenu collabo vient rassurer polices et gouvernants: "Je comprends ce qui peut se passer dans leurs têtes" "Je leur raconte simplement mon parcours et les conséquences que ça a eues sur ma vie", résume Benchellali". Il ne comprend rien du tout et vient simplement servir lui aussi la soupe idéologique du camp militariste occidental.
Un autre journaleux, fervent fan de l'impérialisme US, et également franc-mac dans les hautes sphères vient gaffer dans le point avec son arrogance coutumière du mec qui sait tout, dans l'hebdo pro-US Le Point:
"Alexandre Adler : C'est-à-dire... il faut se mettre à leur place, toujours. Les islamistes font la distinction entre les convertis qui restent des espions des États-Unis - le travailleur humanitaire (Peter Kassig), qui était converti à l'islam, était en fait quelqu'un qui essayait d'infiltrer de l'intérieur l'islam - et, par contre, les bons, les vrais convertis qui, eux, n'hésitent pas à donner de leur personne et à combattre dans les rangs de Daesh (Maxime Hauchard). Et, c'est le symbole qu'ils ont peut-être voulu, ici, mettre en scène. En réalité, il s'agit d'une démonstration propagandiste - une de plus - pour dire "Voyez notre combat est le bon, un certain nombre d'Européens, parmi les plus conscients, nous rejoignent, et ce sera inexorable !" .

Adler comme Filiu nous assurent qu'en fait c'est parce que le djihadisme est affaibli et qu'il n'en a plus plus longtemps, exactement comme on a expliqué à nos millions d'ancêtres sacrifiés pour le capital il y a un siècle que c'était "la der des der".
L'hémorragie nationaliste islamiste est à tempérer néanmoins plaide un autre intoxicateur public, Libération:
"Fin 2012, trente Français étaient « concernés » par les filières irako-syriennes. Sous cette désignation, les autorités regroupent ceux qui sont sur place, ceux qui sont revenus, ceux qui sont en transit, ceux qui préparent activement leur départ mais aussi les recruteurs ou ceux qui font des faux-papiers. Ils étaient 500 début 2014, ils sont 1136 aujourd’hui. C'est une centaine de plus qu'il y a trois mois : un nouveau cas tous les jours en moyenne. Ce chiffre est encore supérieur lorsqu'on inclut ceux qui pourraient vouloir partir ou qui inquiètent en tout cas suffisamment leurs familles pour qu'elles appellent le numéro de signalement mis en place par le ministère de l'Intérieur. Cette plateforme est informée de 3 à 4 nouveaux cas par jour. Mais signalement n’est pas pour autant synonyme de départ systématique. Sur les 650 signalements reçus depuis sa création il y a six mois, le numéro Vert a recensé 110 départs. Ce nombre souligne que le phénomène est toujours bien réel. « Le mouvement de départs vers la Syrie ne se tarit pas » assure le préfet Pierre N’Gahane, responsable du volet prévention dans le plan gouvernemental de lutte contre la radicalisation et les filières jihadistes dans un entretien au Figaro, ce mardi. Marque-t-il néanmoins une inflexion ? Selon les chiffres du procureur de Paris, ce sont actuellement 376 Français qui ont rejoint les groupes extrémistes de Syrie et d'Irak : une dizaine de plus qu'il y a un mois. Ce nombre est à mettre en parallèle avec un autre : l’été dernier, les services de renseignement disaient perdre alors trois personnes surveillées par jour. Des chiffres sur un mois ne permettent pas de dégager une tendance et, faute de recul, difficile d’en analyser les raisons. Mais du côté des autorités françaises, la réponse à ce phénomène commence à s’organiser. Il faut du temps pour adapter le Code pénal, faire voter une loi. Le juge antiterroriste Marc Trévidic le reconnaissait sur RFI : le combat entre des groupes armés et une démocratie est inégal. Le gouvernement a d’abord renforcé ses contrôles dans les aéroports : les jeunes partants seuls ou en petit groupe vers la Turquie sont plus régulièrement interrogés sur le motif de leur voyage. Sans avoir à légiférer, le ministère de l’Intérieur a aussi pu mettre en place, le 1er mai dernier, son numéro Vert de signalement. Il permet aux familles inquiètes de se manifester, d'obtenir des conseils et éventuellement de faire surveiller leur proche qu'elles soupçonnent de vouloir partir.
Puis, la loi défendue par Bernard Cazeneuve est entrée en vigueur vendredi dernier. Elle prévoit notamment une interdiction administrative de sortie du territoire mais elle crée aussi un délit d'entreprise individuelle terroriste : deux mesures très attendues par les magistrats anti-terroristes qui se sentent désormais mieux armés pour combattre le phénomène. L’arsenal répressif s’est donc étoffé et c’est désormais sur la question de la « déradicalisation » que les efforts se portent. Cet aspect-là de la lutte anti-terroriste n'en est qu'à ses débuts. Le gouvernement a entamé, l'été dernier, une formation des hauts fonctionnaires : préfets et recteurs d'académie en tête".
DES PERSONNES EN RUPTURE AVEC LA SOCIETE?
"Il faut ensuite former les échelons du dessous - services sociaux, enseignants, conseillers d'éducation... - pour pouvoir détecter ces personnes en rupture avec la société et répondre à leur malaise. Et pouvoir contrer aussi le discours radical alors que les recruteurs expliquent à leurs recrues que les efforts faits pour les retenir sont des épreuves d'Allah sur le chemin de la vérité. Se pose enfin la question de ceux qui parviennent totalement à dissimuler leur évolution religieuse et qui ne sont donc pas détectés. Pour les toucher et contrer le discours extrémiste, l'une des pistes étudiées est le recours à l'arme des groupes jihadistes : les réseaux sociaux".
Ouf Big brother est à l'oeuvre pour nous protéger. Le gaz sarin apparaît comme un conte pour enfant face à ce conditionnement planétaire et plantaire qui semble se choquer de l'embrigadement militaire plus que religieux de nos bambins "extrémistes", quand, de façon pachydermique c'est un embrigadement massif préparatoire à un engagement tout aussi barbare que les populations prolétaires (majoritaires) sont conviées subliminalement et minablement.
Décryptons d'abord par le petit bout de la lorgnette au niveau de Trifouillis-les-Oies ce que nous comprenons face à l'hystérique propagande militariste bourgeoise, pétrolifère et financière.
 
DES PRENEURS D'OTAGES PRIS EN OTAGES
Permettez entre parenthèses que je fasse allusion à mon blog annihilé par les instances secrètes et étatiques de Google. Big Gogolito agit comme toujours agissent les polices secrètes des Etats depuis e Préfet Lépine et l'Okhrana (police du tsar). Ils ne s'intéressent pas prioritairement aux groupuscules maximalistes ou anarchistes qui pratiquent la langue de bois ou la même dénonciation sempiternelle de la guerre impérialiste avec la même langue de bois que les bolcheviks ou Kropotkine. Lisez les ouvrages qui racontent les histoires des barbouzes, ils expliquent que la police n'est pas idiote et flique surtout ceux qui pensent et écrivent hors des sentiers battus, même isolés ou sans influence notable, mais qui approfondissent ou mettent le doigt où ça fait mal à l'idéologie dominante. Quelqu'un parmi eux a certainement attiré l'attention sur ma petite personne, car ce que j'écris est étudié ou consulté régulièrement par des gens de l'extrême gauche à l'extrême droite, sans évidemment en référer jamais à votre serviteur. Je pourrais retrouver telle déclaration de Besancenot conforme à une de mes remarques; s'il y est parvenu tout seul avec son CC tant mieux. Lorsque j'ai rédigé un billet sur la prise de position va-t-en guerre de l'OCL aux côtés de l'armada US, j'ai pu constater l'écho, en particulier chez les bordiguistes qui ont ensuite rédigé un article très profond et qui tape juste contre l'avachissement historique répétitif du courant anarchiste. Le CCI qui professait il y a peu la nécessité d'un banquet en voie de nouvelles tentatives d'épousailles avec l'anarchisme s'est tenu quoi et se contente de radoter que le capitalisme est en décomposition ou à la veille de sa mort. Mais tant mieux si certains trouvent matière en me lisant, même à d'autres fins. Je pense que deux de mes articles ont dérangé la convivialité impérialiste dominante:
 "Une propagande de guerre qui vous prend à la gorge, derrière la mise en scène des égorgements islamistes la trouille de l'impérialisme américain" et "Dans la peau d'un égorgeur islamiste (et le chapitre: le facteur clé de l'anonymat).
Peut-être peut-on me prendre pour un égocentrique, ce que je ne serai jamais, mais en tout cas, il est plausible que des djihadistes me lisent aussi, ou en tout cas les formateurs au djihad de la CIA. Peu importe, j'ai souri au vu du renversement de tendance – où ils ont pris la mesure de leur ridicule avec ces cagoules de tueurs lâches. Il est convenu à présent d'exhiber les tueurs dévoilés, bédouins de souche ou français naturalisé, avertissement et prise d'otage pour les impétrants tenté ultérieurement de retourner sauver leur peau en Europe.
Voici, dans ce dernier article l'explication que je fournissais:
"Comprendre la psychologie du tueur anonyme ne peut se situer au niveau du simple examen du type frustré par une société cynique et inégalitaire. Il faut saisir à quel moment et comment le futur tueur ou égorgeur peut passer à l'acte débarrassé de tout sentiment humain.
Le premier moment d'insensibilisation est le port de l'uniforme. Doté d'une tunique commune à une foule d'autres individus, l'impétrant ne s'appartient plus. Il ne peut plus obéir à une conscience de classe ou même à une simple conscience individuelle cartésienne. Il est dé-sindividualisé. C'est cette dés-individualisation qui le rend violent sans remords. Il agit pour tous et au nom de tous en raison de l'honneur qui lui est confié d'exécuter la besogne (sale de préférence). Son sentiment des responsabilité individuelle est quasiment dissous. Est altérée la conscience normale de tout individu en temps de paix civile. Ses comportements sont conditionnés par les circonstances de la situation immédiate, qui est souvent très simple: sauver sa peau. Car si vous n'obéissez pas dans la foule en uniforme vous êtes cuit, aux ordres d'un Durruti comme aux ordres d'un quelconque djihadiste barbu. C'est ce bon Gustave Le Bon qui avait parfaitement identifié le mécanisme: "dans la foule, tout sentiment, tout acte est contagieux", "La qualité mentale des individus dont se compose la foule ne contredit pas ce principe. Cette qualité est sans importance. Du moment qu'ils sont en foule, l'ignorant et le savant deviennent également incapables d'observation". A cet égard il n'est pas étonnant que des adolescents, qui ont vécu en Europe riche au milieu de bandes, régies par le même principe de contagion suiviste, filent s'enrôler dans les zones de combat (impérialiste masqué), vues comme moments révolutionnaires. On retrouve le même phénomène dans les émeutes primaires qui culminent dans des lynchages. Le spontané est vite au second plan de l'explosion. Les individus les plus actifs, les plus cruels (donc les plus "radicaux") sont en situation de précarité économique et sociale. Les brutes épaisses et les dictateurs sont en général des déclassés ou des arrivistes bafoués. Sous le régime de Vichy en France, comme en Allemagne sous Hitler, les pires tortionnaires pervers se retrouvèrent promus aux postes de commandement des organismes policiers et militaires. Le développement du phénomène terroriste n'est donc pas le propre de la seule religion d'Allah (traditionnellement belliqueuse) mais intrinsèque à la guerre moderne dès lors qu'on ne peut plus trouver de justification crédible pour les millions de prolétaires internationalistes. Les individus paumés, sans identité collective, en trouve une lorsqu'ils sont embrigadés. Il y a leur groupe, leur camp, leur troupe militaire et le reste du monde. L'esprit de corps est une source puissante de désinhibition comportementale, porte ouverte à l'acte de tuer, comme affirmation de la force du groupe. 
On remarquera enfin que l'uniforme est le même chez les super flics dits ninja comme chez les tueurs de l'Etat islamique. Et au passage la gradation en terme d'Etat pour des cartels hétéroclite de pillards, qui confirme "l'état" du monde à feu et à sang, officialisant des bandes armées telle une entité nationale officielle. Les "combattants" de l'Etat démocratique comme ceux de l'Etat islamique sont masqués. On ne sait plus qui est le chef dans les bandes d'assassins armés comme on ne sait plus qui sont les financiers qui ordonnent des manoeuvres économiques criminelles. Pour un peu on dirait qu'il le faut pour ne plus avoir à se regarder devant la glace. Au fond, cet anonymat est pourtant bien symbolique de la guerre moderne capitaliste: elle doit masquer des combattants sans vergogne et sans autre but que la jouissance de violer et tuer l'autre".
Et pire, je ridiculisais cette engeance terroriste qui veut se faire passer pour révolutionnaire; notez bien qu'à une autre dimension du champ de la guerre mondiale larvée le spot de recrutement des "brigades internationales" pro-Poutine d'Ukraine défile ses numéros de téléphone avec la tronche de Guévara en toile de fond. Je rappelais simplement l'idée fondamentale de Marx "la lutte de classe ne peut se dérouler qu'à la lumière du jour":
"LE PROLETARIAT LUTTE LUI A VISAGE DECOUVERT
Tout autre est le comportement de la "foule prolétarienne". Si elle est capable de discipline, elle s'oppose férocement aux actes délictueux, quoique dans son enfance le mouvement ouvrier n'ait pas toujours su discerner des actes de violence normaux contre les institutions d'actes déplorables contre des personnes. On peut regretter des exécutions sommaires pendant la Commune de Paris et en Russie en 1917, mais on ne fut pas capable d'égaler à ces époques la cruauté qui régit les guerres inter-capitalistes actuelles. Mieux les exactions regrettables furent sanctionnées par la défaite des révoltes et révolutions de la foule prolétarienne, et obligèrent à tirer des leçons fondamentales sur les limites de la violence, alors que la bourgeoisie de nos jours, non seulement démultiplie des actions de ses bandes armées, mais opère de mille façons pour continuer à les "masquer", ou à en faire porter la responsabilité aux mercenaires d'en face.  (3 septembre 2014)
Le système d'embrigadement dans les guerres de la bourgeoisie n'a pas varié depuis un siècle, il n'est en rien original chez les djihadistes, faussement humanitaires chez les grandes puissances, et toujours binaire avec un ennemi diabolique désigné où tous les pharisiens de la bourgeoisie font mine de se choquer du choix d'un camp belliciste par tel ou tel individu isolé. C'est justement parce que la plupart des individus, prolétaires surtout, sont isolés, atomisés qu'il est compréhensible qu'ils puissent être la proie d'un camp de la résistance, de la "revanche", de la "libération de l'oppression".
Les vieux partis staliniens sont exemplaires pour celer la supercherie. Ainsi l'actuel dit parti communiste espagnol s'est positionné publiquement pour la défense armée du Dombass face aux "fascistes ukrainiens". Javier Parra (le bien nommé) secrétaire général de la fédération de Valence de ce parti défend la lutte armée des pro-russes de l'Est ukrainien. Est-il financé comme au temps de l'or de Moscou par les "réseaux européens" de Poutine? . Le PCE, ex-européiste, y va fort:
"Là où le fascisme attaque, le peuple doit se défendre comme il sait le faire. En Ukraine, les nazis se sentent forts, ils sont arrivés à la tête du gouvernement, ils ont interdit le Parti communiste et massacrent avec leurs armes les habitants de l’est. Évidemment,les habitants de l’est doivent défendre la paix les armes à la main, c’est la seule voie possible, comme cela s’est passé en Espagne en 1936. Ce qui se passe en Syrie et au Venezuela sont également des exemples, chaque pays avec ses propres spécificités., mais le fascisme s’étend de plus en plus dans plusieurs pays. Plus que jamais, il est indispensable de créer une grande alliance antifasciste mondiale".
Les PC tiennent à confirmer que la bourgeoisie mondiale peut compter sur eux pour le futur embrigadement généralisé! Surtout le PCE qui a tant à se faire pardonner sur la fausse révolution espagnole, tout en gommant littéralement l'histoire; il n'existe aucun livre sérieux en Espagne, exeptés les brûlots des Amis de Munis et une ou deux brochures des Cahiers Spartacus, pour approcher un tant soit peu la vérité de cette terrible guerre civile, mythifiée et mystifiée un peu partout dans le monde. Le dernier Goncourt attribué à Lydie Salvayre perpétue la mystification en jouant à aligner le camp "fâchiste" sur "l'innocence anti-fâchiste" où le père Bernanos sert de passerelle.
 Cette terrible guerre où furent harponnés tant d'ouvriers ne supporte cependant pas la comparaison avec les bandes armées terroristes djihadistes,lesquelles pratiquent plutôt les sinistres méthodes de l'ombre des résistances nationalistes. Un jour les véritables historiens reconnaitront l'apport fondamental et le courage de la revue de la Gauche communiste maximaliste, BILAN.
Tout semble concourir avec la pachydermique propagande de tous les partis officiels coalisés dans un mensonge universel pour plaquer le déroulement de la guerre non civile d'Espagne de 36 à 39. Tout comme en Espagne meurtrie par Franco, on invoque partout l'engagement "international" de jeunes volontaires. Des grecs et des français combattent dans les rangs de la "République populaire d'Ukraine". Sur facebook, la référence pour une majorité de jeunes de tous les pays, on apprend avec spots à l'appui que: "L'unité de partisans anarchistes Batko Makhno est parvenue à intercepter un groupe du bataillon Donbass (Pro-Kiev) en route pour Novoazovsk"! Les anarchistes ont toujours à l'avant-garde des troupes bourgeoises au dernier moment, même pour la figuration, comme ceux, anarchistes espagnols, qui ont libéré Paris en 1944, assis sur les premiers chars des bataillons Leclerc.
LA PANTALONNADE DE LA "GUERRE REVOLUTIONNAIRE" EN ESPAGNE
Comme toujours, après la tragédie, la farce. Ce revival de "brigades internationales" révèle des similitudes confondantes avec 1936, mais des similitudes seulement, car c'est en connaissant bien la supercherie des engagements impulsifs de cette année-là et l'aboutissement du sacrifice de tant de naïfs qu'on pourra réellement dénoncer ce que trament les élites mondiales du capitalisme depuis n bon moment et les généraux avant tous.
L'Etat islamique n'est pas le gouvernement républicain de 1936. La démocratie occidentale n'est pas le nazisme au pouvoir. La démocratie impérialiste actuelle n'est pas une victime d'un nouveau stalinisme. L'Etat islamique n'est pas un gouvernement révolutionnaire de la classe ouvrière. Les engagements sont picrocholins comparés à 1936.
En 1936, les partis staliniens du monde entier recrutent: "La passivité des pays démocratiques indigne les antifascistes du monde entier". La première opération de recrutement du premier noyau de "brigades internationale" débute le 1er octobre 1936. Ils seront plus de trente mille à accourir d'Europe et d'Amérique pour "sauver la révolution espagnole".
Rémi Skoutelsky écrit:
"Les études récentes menées sur les contingents nationaux des Brigades convergent sur un point: c'est une majorité écrasante d'ouvriers qui s'engagent en Espagne, dans une proporion bien plus importante que dans le mouvement ouvrier politiquement organisé. Pas particulièrement jeunes (29 ou 30 ans de moyenne d'âge), ils militent pour la plupart dans les organisations communistes, mais des milliers d'entre eux ne sont pas dans ce cas. Solidarité ouvrière et antifascisme, auxquels peuvent être mêlés des aspirations révolutionnaires, résument les motivations de ces hommes. Enfin, dernier élément totalement effacé de la mémoire collective: en raison des problèmes de recrutement (sic), de plus en plus d'espagnols intégrèrent les brigades internationales. A el point, qu'à partir de l'automne 1937, et à la suite des pertes énormes subies par les étrangers, on doit parler d'unités espagnoles à encadrement international. Là aussi une image faussée a été véhiculée: la guerre d'Espagne ne fut pas l'épopée romantique de "L'Espoir" ou de "Pour qui sonne le glas?" C'est, toutes proportions gardées, dans l'enfer de Verdun que les volontaires se trouvèrent plongés".
Cet historien extraordinaire avait-il lu BILAN? En tout cas son mémoire est extrêmement éclairant (cf. L'Espagne après l'Espagne, la mémoire des Brigades internationales, sur le site Persée). Il décrypte magnifiquement l'instrumentalisation de l'histoire, en référant aussi aux Brigades de Tito en 1949 (soutenues par les trotskiens de l'époque), et aux appels (vains) à en fomenter de nouvelles en Bosnie il n'y a pas si longtemps à la veille du génocide de Sarajevo. Il rappelle aussi que c'est une forte immigration politique qui s'est chargée d'organiser l'enrôlement et l'acheminement de dizaines de milliers d'hommes. Plus récemment aussi, il rappelle l'utilisation cinématographique du mythe espagnol par des artistes anarchistes et trotskiens comme Ken Loach avec le navet "Land and Freedom"; j'avais rédigé un article dénonçant ce film à sa sortie, mais qui avait été refusé par la rédaction de R.I.
"En définitive, pendant des décennies, les brigades internationales, dans les ouvrages historiques, étaient fréquemment instrumentalisées. Elles constituaient, selon la couleur politique des auteurs, un aspect de la trahison de la République (qui voulait vendre l'Espagne aux "rouges") et de celle de l'URSS (qui avait détourné les aspirations sincèrement révolutionnaires des volontaires pour les mettre au service de la contre-révolution stalinienne). Chez les communistes, elles servaient à accuser les démocraties occidentales, et selon les périodes, les sociaux-démocrates, au sujet de la politique de non-intervention".
"La mémoire de l'Espagne est restée vivace chez beaucoup d'anciens brigadistes. Parce qu'ils étaient jeunes, parce que c'était leur premier combat, parce qu'aussi – et cela n'est pas négligeable – ils se déroulaient au grand jour. Autant de différences avec les combats de la résistance, où l'on se retrouvait souvent isolé, caché".
Les historiens Broué et Témine explique un mode de recrutement qui demeure individuel (typiquement d'actualité!) et nuances les propos de Rémi Skoutelsky qui n'y voit que des ouvriers indifférenciés: "les engagements sont reçus dans les permanences installées aux sièges des organisations syndicales ou des partis de gauche -, c'est le parti communiste qui contrôle l'ensemble de l'opération. (...) Au lendemain d'une crise économique qui a bouleversé l'Europe et dont les séquelles subsistent en dépit d'une repris économique que stimulent les fabrications de guerre, il existe encore en France un lumpen-prolétariat qui s'engagera en Espagne pour des motifs pas toujours désintéressés". Malraux témoigne des conflits entre "volontaires" majoritaires dans cette armée mexicaine face aux "mercenaires".
Les émigrés allemands, italiens sont en grande partie des "cadres" des partis staliniens, voire officiers de carrière. Le centre de recrutement d'Albacete est sous le contrôle des chefs staliniens français en lien avec les militaires espagnols. Le massacre des volontaires internationaux sera énorme.
Même avec des explications différentes, la plupart des historiens contemporains, bien après les courageuses prises de position de la Gauche communiste (Bilan et la fraction italienne et française) ont reconnu que la guerre d'Espagne fût une répétition de la toute prochaine guerre mondiale. La délimitation en deux camps belligérants dans tous les pays, divisant donc même le prolétariat exclu de l'équation, se manifeste par l'existence d'autres brigades internationales, ainsi que l'a bien souligné Sylvain Roussillon. Les légions étrangères venues secourir Franco comptèrent presque autant de membres que les Brigades mythifiées: russes blancs, troupes allemandes, italiennes, marocaines, irlandais (avec le célèbre Eoin 0'Duffy, héros de la lutte nationaliste irlandaise),anglo-saxons, roumains,portugais, juifs immigrés et français, la "Bandera Jeanne d'Arc" avec le fils de Bernanos, ainsi qu'en témoigne Sygmunt Stein. S.Roussillon explique dans une interview que les nombreux combattants arabes n'étaient pas spécialement des mercenaires mais obéissaient à un engagement politiquement très conscient; ils avaient quitté à leurs risques et périls les zones sous contrôle français (Maroc, Algérie, Tunisie); la Bandera phalangiste comptait près de 4000 hommes.
200 nationaux-syndicalistes portugais s'étaient également enrôles dans les milices phalangistes.
Roussillon ajoute: "Pour les russes, comme pour les italiens et les allemands, l'Espagne a été un cjamp d'expérience. L'épreuve, ici, a été surtout matérielle. Ils ont pu obtenir de précieux renseignements sur la valeur de leurs armes par rapport à celles des puissances fascistes, des Ratos russes par rapport aux Messerschmitt par exemple. Ils ont tiré de sérieuses leçons de l'expérience de la guerre: utilisation massive de l'artillerie, nécessité de manoeuvres en profondeur adaptées aux nouvelles techniques du combat, utilisation des partisans contre une armée organisée. Bon nombre de cadres militaires russes ont fait en Espagne un stage plein d'enseignements".
Les historiens Pierre Broué et Témine dans leur excellent ouvrage ajoutent: "L'Espagne n'est pas seulement le terrain d'expérimentation des armes neuves, elle fournit aussi le moyen de liquider à bon prix le vieux matériel qui encombre les parcs militaires. Il ne faut pas oublier que ce trafic a un aspect commercial. Pas plus que l'Allemagne à Franco, l'URSS ne donne ses armes à la République; dès les premières négociations, il a été prévu que l'or de la Banque d'Espagne financerait les fournitures".
Déniaisement de l'aide "communiste" aussi, ajoutent ces auteurs: "On doit également tenir compte de l'action de la propagande franquiste qui a systématiquement "gonflé" l'aide soviétique. Même si on néglige certaines énormités, il n'est pas rare d'entendre parler, du côté nationaliste, de milliers d'hommes envoyés en Espagne. Ce qui est au contraire remarquable, c'est la faiblesse des troupes russes en Espagne. Dès 1939, Brasillach et Bardèche estiment qu'ils n'ont jamais été plus de cinq cents. D'autres, comme Krivitsky ou Catell, admettent des chiffres un peu supérieurs; les russes en tout cas, n'ont jamais été plus de mille, essentiellement des spécialistes,tankistes et aviateurs, conservant, comme les allemands du côté nationaliste, leur commandement et leurs installations propres, tenus à l'écart de la population".
La tragique guerre d'Espagne témoigne aujourd'hui encore finalement de la supercherie de toute ces "guerres révolutionnaires" qu'on nous ressert tous les 30 ou 50 ans. Il n'y a pas plus de guerre révolutionnaire en Ukraine que de djihad révolutionnaire en Syrie, mais un massacre sans fin pour ceux et celles qui auront été harponnés pour une libération frelatée qui n'a rien à voir avec l'insurrection prolétarienne et l'armement du prolétariat. Il nous intéresse plus de savoir les nombreux réfractaires à tout embrigadement des deux côtés en Ukraine, comme de saluer les nombreuses désertions partout où sévit la guerre en Afrique et au Moyen Orient, mais pour réaffirmer que la solution, l'interdiction des guerres, suppose une révolution internationale qui ne peut commencer sur les lieux des massacres ni dans les immenses camps de réfugiés, ni dans les barques fragiles des boat-people.
La responsabilité du prolétariat des grandes puissances est clairement posée, avant qu'on ne le soumette lui aussi à un embrigadement pervers.

(1) Sur un blog du Le Monde, le docteur Pierre Barthélémy nous apprend que la mort par égorgement ne prend que 7 secondes, ouf!  (article: que ressent une personne exécutée?):
"On ne sera pas surpris de constater que les procédés les plus archaïques sont aussi ceux qui font le plus souffrir les personnes exécutées. Ainsi, la lapidation entraîne-t-elle la mort la plus lente, d'autant qu'elle manifeste clairement une intention de torture. Harold Hillman cite dans son étude un article des lois pénales islamiques en vigueur en Iran en 1980, consacré à la taille des projectiles utilisés :  "Les pierres ne doivent pas être trop grosses, pour empêcher que la personne meure après avoir été atteinte par une ou deux d'entre elles." L'idée est donc que le supplice dure. La mort est obtenue par une hémorragie massive extra et intra-crânienne puisque, dans une lapidation en règle, le ou la condamné(e) est enterré(e) jusqu'au cou et que seule sa tête dépasse du sol.
Je ne vais pas entrer dans les détails de chaque modus operandi mais ce travail d'Harold Hillman a le mérite de mettre sur la table ce qu'est, essentiellement, une peine capitale : un moyen de stopper le fonctionnement du cerveau en coupant son approvisionnement en oxygène. Passer devant un peloton d'exécution (qui vise en général à la poitrine) détruira votre cœur ou les gros vaisseaux qui lui sont connectés ; la version chinoise (une balle dans la nuque) a pour but de détruire le bulbe rachidien où sont régulés la respiration et le rythme cardiaque ; la pendaison se terminera par une asphyxie, que l'on vous rompe les vertèbres cervicales ou pas ; la chaise électrique, mise au point à la fin du XIXe siècle pour trouver un mode d'exécution plus "humain" que la pendaison, n'a pas forcément fait beaucoup "mieux", car elle tue plus en portant le cerveau à très haute température et en y détruisant le centre de la respiration qu'en arrêtant le cœur.(...) Si le chercheur britannique Harold Hillman fait une exception pour l'injection létale, qui est désormais le mode d'exécution principal aux Etats-Unis, c'est parce qu'elle est censée anesthésier le condamné avant de le tuer. Toutefois, la mise en pratique de ce protocole laisse parfois à désirer, ce qui peut transformer l'exécution en séance de torture, comme l'a montré en avril le cas de Clayton Lockett dans l'Oklahoma : la sédation ayant été ratée, l'homme a agonisé pendant 43 minutes avant que son cœur ne s'arrête. En juillet, l'exécution, dans l'Arizona, de Joseph Wood a elle aussi tourné à l'horreur, le condamné ne succombant à l'injection qu'au bout de deux heures, après avoir grogné et haleté durant 90 minutes". Le docteur Patrick Pelloux nous révèle que Jésus en croix, pendu à bout de bras a mis une heure pour clamser (On ne meurt qu'une fois et c'est pour toujours).








1 commentaire:


  1. Merci pour l'article passionnant sur Munis, et les autres contributions très précieuses (le procès de Bordiga, les textes de Lucien Laugier...). Concernant ce passage :

    "« Le Front populaire, pouvoir politique de la bourgeoisie, put se maintenir, vaincre les travailleurs et faciliter la voie à Franco, parce que les organisations ouvrières d'extrême gauche, l'anarchisme et le POUM ne surent pas (?) guider les masses vers la conquête du pouvoir politique. La trahison va d'une extrémité à l'autre de la gamme politique. Aucune de ces organisations ne sera capable demain de garantir la victoire de la révolution. La guerre civile espagnole a été leur tombe ».
    J'ai mis un point d'interrogation sur le « ne surent pas » - car j'ai des doutes sur la traduction des anars de L'esclave salarié qui ont traduit ce texte – sans oublier l'incompétence politique de Coleman. J'aimerais savoir quel fût le verbe utilisé en espagnol, car le raisonnement ici de Munis est sortir des oeillères trotskystes, et signifie plutôt que les « organisations traîtres » n'étaient plus à même d'indiquer ou diriger quoi que ce soit au nom du prolétariat révolutionnaire."

    Le verbe est bien "supieron", à en croire ce pdf trouvé sur le web ; donc la traduction est exacte si cette source est correcte :

    https://bataillesocialiste.files.wordpress.com/2014/06/guillamon-docsegunda.pdf
    bataillesocialiste.files.wordpress.com
    bataillesocialiste.files.wordpress.com

    RépondreSupprimer