PAGES PROLETARIENNES

mardi 21 juillet 2015

Communiqué du PCint sur la Grèce

La Grèce démontre une fois de plus qu'il est impossible de luter contre les attaques capitalistes par la voie électorale et réformiste

A l'issue d'une énième séance marathon «historique» de négociations bruxelloises entre le gouvernement grec et ses créanciers, un accord «définitif» a été une nouvelle fois trouvé pour «résoudre» la crise grecque: le premier ministre grec Tsipras et son équipe ont fini par accepter, comme condition de nouveaux crédits à l'Etat grec virtuellement en faillite, un plan de mesures d'austérité sensiblement plus dur que celui qu'il avait refusé une semaine auparavant et contre lequel il avait, soi-disant, organisé un référendum! Le seul point apparemment où il a obtenu quelque chose de concret, c'est celui de la réduction des dépenses militaires: les créanciers ont accepté qu'elle soit moins forte que ce qu'ils demandaient...

Trahison de Tsipras?
   

Beaucoup, y compris parmi les courants dits d' «extrême gauche» qui affirmaient n'avoir aucune illusion sur Syriza et son gouvernement, crient à la trahison de Tsipras. Mais ne peuvent se sentir trahis, que ceux qui prenaient pour argent comptant les discours démagogiques de ce parti et de son chef.
Syriza, qui se qualifie de parti de la «gauche radicale», n'est en réalité pas différent d'un parti réformiste classique: il ne veut pas abattre le capitalisme, mais l'améliorer, le réformer: son rêve est celui de tous les réformistes, le rêve d'un capitalisme à visage humain, celui de tous les collaborationnistes, le rêve de la collaboration fraternelle entre tous les citoyens ou au moins l'écrasante majorité d'entre eux. Mais il y a le rêve et il y a la réalité; et dans la réalité, on ne peut changer le capitalisme – seules quelques réformes de détail étant possibles, et encore à condition qu'elles ne coûtent pas grand chose –, on le combat ou on s'y soumet!
N'ayant jamais eu l'intention de combattre le capitalisme, Syriza ne pouvait que se soumettre à lui et lui soumettre les travailleurs qui lui font confiance. Porté au pouvoir en prétendant qu'il allait mettre fin à l'austérité et à la crise économique qui frappe les prolétaires et certaines couches petite-bourgeoises, Syriza incarnait l'illusion qu'un simple changement de gouvernement, obtenu tranquillement et pacifiquement par la démocratique voie électorale, pouvait amener une amélioration significative de la situation des masses. La constitution de son gouvernement sur la base d'une alliance avec un parti d'extrême-droite, militariste et pro-religieux (Anel) aurait suffit à dissiper les éventuels doutes sur la nature «radicale» de Syriza. Cependant pendant de longs mois, le gouvernement a mené la comédie de la défense des travailleurs face aux créanciers du pays, qu'il prétendait pouvoir convaincre de renoncer à une partie de leurs exigences et d'accorder de nouvelles aides financières; alors que la situation des prolétaires et des masses travailleuses ne cessait de se dégrader, il y a eu alors une véritable trêve sociale en partie à cause des coups ininterrompus subis par les prolétaires depuis ces dernières années, mais aussi à cause des espoirs que beaucoup nourrissaient envers Syriza.
Mais, en réalité, les négociateurs grecs défendaient en premier lieu les intérêts du capitalisme national et pas ceux des prolétaires ou de la population; en témoigne le fait qu'ils ont finalement plus facilement accepté les mesures antisociales et antiprolétariennes que celles lésent des intérêts capitalistes particuliers (ils ont par exemple défendu bec et ongles le statut privilégié des armateurs au regard de l'impôt, les dépenses militaires ou un le maintien d'un taux de TVA bas sur les activités touristiques); les mesures d'austérité imposées pour rembourser les créanciers ont eu des conséquences terribles pour l'économie en général, entraînant la disparition de milliers d'entreprises: une politique de relance économique et non plus d'austérité est donc demandée par de nombreux capitalistes.
Mais les négociations et les accords entre bourgeois ou entre Etats bourgeois – y compris quand ces Etats sont des «partenaires» au sein d'une «union»! – ne se fondent que sur des rapports de force. Le chétif capitalisme grec n'avait guère la force de résister bien longtemps aux exigences des grands capitalismes européens, surtout lorsque son Etat est au bord de la faillite. Placé fin juin par les créanciers devant un quasi ultimatum d'accepter leur plan, le gouvernement Tsipras répliquait par l'organisation d'un référendum sur ce plan, en appelant à voter non. Alors que cette décision était saluée avec enthousiasme par toute une partie de la gauche et de l'extrême gauche européenne qui y voyait la possibilité qu'un «peuple» refuse démocratiquement l'Europe de l'austérité et de la finance, etc., voire sorte du «carcan de l'euro», Tsipras précisait clairement que ce référendum était organisé, non pour rompre avec les créanciers, mais pour continuer les négociations avec eux, dans une position qui serait renforcée par le suffrage universel. Dans la campagne pour le oui se sont retrouvés les partis bourgeois traditionnels (les socialistes du Pasok et la droite de la Nouvelle Démocratie) ou non (les centristes de To Potami), les organisations patronales mais aussi les directions syndicales du secteur privé, les grands médias, etc., appuyés par les gouvernements européens. Les partisans du non regroupaient, outre Syriza, les néo-fascistes d'Aube Dorée et les petites formations d'extrême gauche, y compris une partie des anarchistes. Le Parti Communiste Grec (KKE) refusait de participer à la campagne pour le non: en affirmant – avec raison– que les propositions du gouvernement ne valaient pas mieux que celles des créanciers; il appelait au vote nul (l'essentiel, c'est de voter!) moyen selon lui d'exprimer un «double non» à ces deux propositions et défendre sa propre perspective nationaliste de sortie de l'UE.
La suite est connue: les partisans du non ont obtenu une victoire retentissante (prés de 60% de non, 6 % de votes blancs ou nuls, le oui ne recueillant que 36% des suffrages; le nombre d'abstentions, en baisse, étant de 38%); la grande place Syntagma d'Athènes a vu des scènes de liesse d'électeurs persuadés d'avoir infligé un coup sévère aux partisans de l'austérité et notamment aux vieux partis qui se sont succédés au gouvernement tout au long de ces dernières années. Les formations de la gauche radicale européenne célébrèrent également cette victoire électorale; nous donnerons comme seul exemple les déclarations de Rifondazione Comunista en Italie, mais nous aurions pu citer celles identiques du Front de Gauche français, du Podemos espagnol, etc.: «La victoire du Non en Grèce représente la victoire de la démocratie et de la dignité du peuple grec contre le terrorisme financier de la troïka. Il s'agit d'un résultat historique pour la Grèce et les peuples européens» (1).
Quelques heures à peine après cette victoire historique de la démocratie, le premier ministre Tsipras, après avoir écarté son ministre de Finances, au ton trop revendicatif, réunissait tous les partis parlementaires, de droite comme de gauche, à l'exception d'Aube Dorée; tous, sauf le KKE, lui accordaient leur soutien total pour négocier avec les créanciers le maintien de la Grèce dans la zone euro... sur la base du plan proposé par ceux-ci! Battu à plate couture dans les urnes, le oui triomphait ainsi dans les faits! Il serait difficile d'imaginer une démonstration plus éclatante de l'inanité des illusions électorales et du rôle de désorientation du cirque électoral...
En recueillant l'assentiment des vieux partis bourgeois traditionnels, Syriza devenait le représentant d'une véritable union nationale, le défenseur des intérêts de toute la bourgeoisie grecque face aux Européens.
Les déclarations d'intention ne suffisant pas, les négociateurs grecs présentèrent à Bruxelles un plan précis et détaillé, rédigé sous la houlette de hauts fonctionnaires français, qui acceptait tous les points dénoncés une semaine auparavant comme étant un ultimatum. Mais lorsque commencèrent les séances de négociations, ce plan fut rejeté par les représentants allemands, qui en présentèrent un autre, fondé sur l'expulsion –pour 5 ans– de la Grèce de la zone euro, car, selon eux, la «confiance» dans le gouvernement grec n'existait plus: pour les capitalistes, la confiance se base sur la soumission.
Il fallut d'interminables et âpres négociations pour que les dirigeants allemands abandonnent cette perspective et acceptent le maintien de la Grèce dans la zone monétaire européenne, en lui infligeant en contrepartie des mesures drastiques et humiliantes pour les dirigeants grecs qui devaient payer pour avoir essayé de leur tenir tête.
En bons larbins réformistes, les représentants grecs acceptèrent finalement tout ce qu'on leur demandait; ce n'était pas une capitulation, car le gouvernement Tsipras avait déjà capitulé en réalité avant même le début des négociations, alors que, électoralement victorieux, il avait été adoubé par tous les partis, en particulier par ceux qui avaient appelé à voter oui; capitulation non pas par rapport à une défense des intérêts des prolétaires et des masses pauvres qui n'a jamais été l'objectif véritable de Syriza, mais par rapport au refus d'accepter toutes les exigences des créanciers et de renoncer à obtenir un allégement du fardeau de la dette.
Nous avions écrit que «le gouvernement Syriza-ANEL n'a pas d'alternative: il lui faudra se soumettre aux pressions des Etats bourgeois plus puissants s'il ne veut pas être éjecté de la zone euro, ou remplacé par un gouvernement plus compréhensif. (...) Syriza se trouve placé dans l'inconfortable situation d'avoir à choisir entre s'attaquer ouvertement aux intérêts des prolétaires et des masses travailleuses, ou à ceux du capitalisme; et comme tous les partis réformistes, qui sont indissolublement liés à la défense du mode de production capitaliste, elle ne pourra que s'attaquer aux travailleurs, en profitant de la confiance que ces derniers lui portent. C'est le rôle que lui assigne la bourgeoisie, grecque et internationale, qui ne tolérera son gouvernement qu'aussi longtemps qu'il le remplira.» (2).
Il n'a pas fallu attendre bien longtemps la démonstration de cette facile prévision. Il paraît d'ailleurs que lors des dernières négociations, certains Etats et certaines «institutions» ont menacé d'obliger à la formation d'un nouveau gouvernement, peut-être d'un «gouvernement technique», si les dirigeants grecs rechignaient à accepter les conditions demandées par les créanciers. Mais d'autres ont probablement fait valoir que Tsipras et ses partisans, renforcés par leur «victoire» électorale, étaient les mieux à même de faire avaler l'amère pilule aux masses prolétariennes: c'est précisément à cela que sert la démocratie.

Contradictions interimpérialistes

Les négociations de Bruxelles ont été particulièrement houleuses, voyant s'affronter deux groupes de pays à propos du sort réservé à la Grèce: d'un côté, l'Allemagne avec ses alliés des pays du Nord qui préconisaient la sortie du pays de la zone euro, de l'autre la France, soutenue par Chypre et l'Italie, qui y étaient opposés. Certains ont voulu y voir l'opposition de deux conceptions de l'Europe: d'un côté les partisans de l'orthodoxie financière et du respect des traités, de l'autre les partisans de la solidarité entre les peuples.
La réalité est bien différente; en «défendant la Grèce» contre les représentants allemands, Paris ne défendait pas le «peuple» grec et encore moins les prolétaires grecs: le projet présenté par le gouvernement grec et rédigé en collaboration avec des responsables français reprenait toutes les mesures anti-ouvrières et antisociales demandées par les créanciers européens. Au cours des négociations, le ministre français des Finances utilisa l'argument que si la Grèce quittait la zone euro, elle ne pourrait pas rembourser sa dette; mais le plus inquiétant pour Paris et Rome était qu'une sortie de l'euro aurait risqué d'entraîner des troubles économiques dans la zone, portant un coup sévère aux maigres espoirs de redémarrage de la croissance en France et en Italie. La prétendue «défense de la Grèce» n'était que la défense des intérêts capitalistes nationaux français et italiens!
La position des dirigeants allemands était différente parce que la bonne santé de leur économie lui aurait permis d'absorber sans trop de peine le choc d'un «Grexit» (sortie de la Grèce de l'euro); ce qui les préoccupait davantage, au delà de la perspective peu riante d'accorder à fonds perdus des crédits supplémentaires à la Grèce, c'était de créer un précédent qui pourrait demain être invoqué par des gouvernements d'autres pays beaucoup plus gros, par l'exemple l'Espagne; d'où leur volonté, si le Grexit n'avait pas lieu, d'infliger des conditions punitives à la Grèce afin que cela serve d'avertissement pour ceux qui seraient tentés de l'imiter...
 Enfin les Etats-Unis firent pression sur l'Allemagne pour que la Grèce ne soit pas éjectée de la zone euro et que sa dette soit réduite (3). Cela correspond à leur position traditionnelle consistant à pousser les Européens à abandonner les politiques d'austérité et à adopter des mesures de relance économique, afin qu'ils jouent un rôle de locomotive d'une croissance mondiale en ralentissement; mais dans ce cas précis, leur position s'explique principalement par le souci d'éviter qu'un membre de l'OTAN occupant une position stratégique-clé, soit plongé dans un marasme économique qui affaiblirait ses capacités militaires. Cependant les Etats-Unis ne voulurent pas s'immiscer directement dans les négociations, comme le leur demandait Tsipras, le prétendu représentant de la «gauche radicale», qui espérait trouver un appui solide dans l'impérialisme américain...
Aucun de ces Etats ne pouvait se soucier de la situation des prolétaires et des masses grecques parce que tous ont pour fonction de défendre le mode de production capitaliste contre leurs propres prolétaires et ceux des pays qu'ils dominent!

Tous les Etats bourgeois et toutes les classes possédantes sont les ennemis des prolétaires
Les prolétaires grecs ont reçu une dure leçon dont les enseignements, conformes au marxisme, sont valables pour les prolétaires du monde entier: il est impossible de se défendre contre les attaques capitalistes, qu'elles soient menées par leurs propres capitalistes ou, au nom des intérêts supérieurs du capitalisme, par des capitalistes étrangers, en se fiant aux mécanismes de la démocratie parlementaire; le bulletin de vote n'est qu'un chiffon de papier qui ne peut en aucune façon primer sur les intérêts bourgeois et résoudre les contradictions sociales. Un prétendu «vote de classe», comme celui en faveur du non salué par l'extrême gauche européenne, n'est qu'une triste illusion: la lutte de classe ne se déroule pas dans l'enceinte des parlements, mais dans les usines, dans les entreprises et dans la rue. On ne peut adoucir les exigences capitalistes en essayant d'émouvoir les bourgeois par la description des souffrances des populations, comme paraît-il le faisaient, en ne suscitant que des haussements d'épaules, les négociateurs grecs à Bruxelles – d'accord pour faire souffrir les prolétaires mais pas trop quand même! Les prolétaires ne doivent pas s'attendre à de la pitié ou de la commisération des capitalistes et de leurs valets, mais seulement à des coups; ces coups peuvent sans doute être plus ou moins brutaux, mais ce n'est là qu'une différence de degré due à une différence de méthode: la méthode réformiste est plus douce pour éviter dans la mesure du possible qu'éclatent des affrontements sociaux. Mais lorsque les intérêts bourgeois sont trop urgents la méthode réformiste emprunte aussitôt la voie des diktats et, lorsque les affrontements menacent, la voie de la violence et de la répression: Tsipras n'est que l'énième exemple.
Le «plan de sauvetage» finalement conclu à Bruxelles, avec tous les sacrifices qu'il impose aux prolétaires et aux masses (augmentation de l'âge de la retraite jusqu'à 67 ans pour certains et réduction des pensions des agents de l'Etat, nouvelles coupes dans les mesures sociales, augmentation des prix et des taxes etc.), mais également à  certaines couches de la petite et moyenne bourgeoisie, avec les restrictions de souveraineté imposées à l'Etat grec (au grand scandale des nationalistes d'«extrême gauche»), ne résoudra pas les problèmes qu'affronte le capitalisme grec; selon nombre d'économistes, il les aggravera au contraire en accentuant la dépression économique que celui-ci connaît depuis plusieurs années. C'est en tout cas l'avis du FMI, qui après avoir pesé de tout son poids pour le faire admettre par le gouvernement d'Athènes, estimait dans un rapport publié le 14 juillet, mais connu des responsables européens lors des négociations, que ce plan était non viable si les Etats européens n'acceptaient pas de réduire ou de supprimer la dette due par les Grecs – ce qu'ils ont obstinément refusé! De nouvelles crises grecques sont donc inévitables, avec leurs lots de mesures anti-ouvrières...
La crise grecque n'est que la manifestation extrême de la crise générale du capitalisme en Europe et dans le monde; c'est pourquoi l'alternative, tout aussi bourgeoise, d'une sortie de la zone euro et/où de l'Union européenne, ne peut pas être une solution pour les prolétaires. Ce qui est possible pour un puissant Etat impérialiste comme la Grande-Bretagne: fonder sa prospérité sur une monnaie indépendante et envisager de quitter l'UE, ne l'est pas pour le faible capitalisme grec; les lois impitoyables du marché capitaliste où, par temps de crise, ne surnagent que les plus forts, s'appliqueraient à elle avec peut-être encore plus de violence si la Grèce quittait l'alliance capitaliste qui s'appelle Union Européenne. Le capitalisme grec, privé ou d'Etat, devrait extorquer encore plus férocement de la plus-value à ses prolétaires au nom de la défense de la patrie, en réalité pour résister à ses concurrents sur le marché mondial.
Il n'existe pas de solution bourgeoise à la dégradation des conditions de vie et des prolétaires qui, d'une manière plus ou moins prononcée, se vérifie dans tous les pays. Les partisans de la collaboration entre les classes, qu'ils appartiennent à la dite «gauche radicale» ou au «réformisme» traditionnel, ne peuvent que collaborer à cette dégradation parce que la collaboration entre les classes signifie soumission à la classe dominante: ce n'est pas un hasard si Pablo Iglesias, le leader du Podemos espagnol, a approuvé la conduite de Tsipras...

Pour la reprise de la lutte de classe,
pour la constitution du parti de classe international!


Pour les prolétaires il n'y a pas d'autre solution que de rompre avec la collaboration de classe et tous les partis et syndicats qui la soutiennent, et de prendre la voie de la lutte de classe anticapitaliste. Il n'est possible d'affronter et de vaincre les capitalistes et leur Etat que par la lutte ouverte, en adoptant les méthodes, les moyens et les buts classistes:
défense intransigeante des seuls intérêts prolétariens, organisation indépendante de classe, tant sur le plan de la lutte de défense immédiate que de la lutte anticapitaliste plus générale, constitution du parti politique de classe, internationaliste et international, en liaison avec les prolétaires de tous les pays., pour diriger la lutte jusqu'à la victoire révolutionnaire.
Cette voie n'est pas facile, mais c'est la seule réaliste, alors que les faits ont démontré une nouvelle fois que la voie réformiste et électoraliste, collaborationniste et nationaliste, n'est qu'une mortelle utopie, qui ne sert que la bourgeoisie.

Parti Communiste International  18/7/2015
www.pcint.org


(1) http://www.rifondazione.it/primapagina/?p=18794
(2) Prise de position du 27/4/2015, www.pcint.org
(3) Le ministre de Finances allemand a répondu en faisant allusion à la situation de Porto-Rico: ce petit Etat, qui a le statut d'«Etat associé» aux Etats-Unis est, lui aussi, virtuellement en faillite, mais Washington refuse de le secourir.



lundi 20 juillet 2015

Le dictateur Hissène Habré : une progéniture du gauchisme armé et de la CIA



«Nous Tchadiens, nous avons la mémoire courte, très courte. Je me souviens de ce matin du 07 juin 1982, où les vaillants combattants des Forces Armées du Nord (FAN) ont libéré notre pays de l’occupation libyenne et de « la coalition anti-nationale ». «Avec cette modeste tribune sur l’affaire Habré, j’aimerais bien remettre certaines choses à leur place en rendant hommage au passage à tous ces valeureux fils du Tchad qui ont contribué sous le régime du président Hissein Habré à hisser, contre vents et marées, par leur abnégation et leurs efforts, notre cher pays parmi les nations respectables et respectées». (Rendons à Hissein Habré ce qui est à Hissein Habré (Saleh Goukouni) sur le site des fans http://www.hisseinhabre.com/)

Au début des années 1970, le Front de Libération Nationale du Tchad, conduit par le «charismatique» (selon ses adulateurs sartriens-gauchistes en Europe pour qui le meurtre de l’homme blanc est un acte révolutionnaire) Hissène Habré, réclame son indépendance au gouvernement tchadien. Composé essentiellement de nomades bantous, il s’estime victime de discriminations. Soutenu financièrement et militairement par la Libye, qui a des vues sur le nord du Tchad et qui soutient traditionnellement les peuples nomades en résistance, le Frolinat gagne quelques batailles contre l’armée française et tchadienne. Je me souviens avoir lu des articles élogieux dans la presse trotskienne de l’époque sur la plupart des fumeuses «libérations nationales», dont celle du Tchad (où Habré était aussi célébré que Castro, ou plus tard Massoud), dans «L’idiot international» (sic) et autres «Rouge», sans oublier les merdes maoïstes; hélas comme le stalinisme, ils effacent leurs traces, lecteur si tu as encore leurs publications ou brochures exaltant le futur criminel contre l’humanité, fais le moi savoir.

Dans les années 1970, le cinéaste des petits jouisseurs germanopratins, Raymond Depardon suit un groupe armé, le Frolinat, dans leur lutte, et sort un documentaire, «Les Révolutionnaires du Tchad» (!?). Dans ce reportage il s’offre le luxe d’exhiber la pauvre otage l’ethnologue Françoise Claustre, ce qui fait plutôt rire les milieux gauchistes; on entendit dire même que Habré s’était «tapé» Claustre, voire qu’elle était en état de «claustration»... Sans honte, Depardon se refait une bourse 30 ans après en reprenant ce «matériau» , alors que le monde entier sait ce dont a été capable la crapule Habré. Cela donne: La Captive du Désert, un « film-photo » où ce type cherche avant tout à filmer le désert dans ce qu’il a d’épuisant, de harassant (la technique post-gauchiste du «refoulement» classique de l’éduc bourgeoise (x), de l’oubli de la complicité politique). On y voit Sandrine Bonnaire, qui joue le rôle de Françoise Claustre, seule au milieu des nomades, ballotée de grotte en grotte. Film long et emmerdant même avec sa caravane de chameaux.

Une formation politique de jeunesse gauchiste tiers-mondiste:

Le jeune Hissène grandit dans le désert du Djourab, au milieu de bergers nomades. Intelligent, il étudie, aidé par ses instituteurs et devient sous-préfet. Il part étudier en France à Paris en 1963, à l’Institut des hautes études d’Outre-mer, il s'attelle ensuite à des études de droit, fréquente l’Institut d’études politiques et fait son éducation politique en lisant Frantz Fanon, Che Guevara, Raymond Aron. Après la fin de ses longues études en 1972, il repart au Tchad et rejoint le Frolinat, puis fonde les Forces armées nationales du Tchad (FANT), aujourd'hui disparues sous ce nom. Il devient alors un héros de la presse gauchiste.
La secte nationaliste FANT est au djihadisme ce que la barbe est au prophète. Elle se livre à la prise d’otage  de plusieurs ressortissants européens, dont l'ethnologue Françoise Claustre entre 1974 et 1977, et de l'exécution de l'émissaire envoyé par le gouvernement français pour négocier leur libération, le commandant Galopin, salement torturé.
Françoise Claustre, le coopérant français Marc Combe et Christophe Staewen, un Allemand, avaient été enlevés le 21 avril 1974 dans le Tibesti (Tchad) par des "révolutionnaires" des tribus nomades toubous et anakasas, menés par Hissène Habré et Goukouni Oueddei, chef des Forces Armées du Nord (FAN), après un raid sur l'oasis de Bardaï. La femme de Staewen et deux soldats tchadiens sont tués dans la fusillade. Les "révolutionnaires", qui maîtrisent le nord du Tchad mais ne parviennent pas à s'emparer de la capitale N'Djamena, réclament à l'Allemagne et à la France une rançon et l'accès aux médias. Leur allié, la Libye du colonel Kadhafi, s'éloigne alors des "révolutionnaires" en se rapprochant du régime dictatorial de François Tombalbaye. Les "révolutionnaires" manquent donc d'armes et de soutien international. La prise d'otages les ramène au premier plan. Bonn cède rapidement, et Christophe Staewen est libéré.

Mais la France, en pleine campagne présidentielle (le président du Sénat Alain Poher assure alors l'intérim), attend l'élection de Valéry Giscard d'Estaing pour agir véritablement. Celui-ci entame des négociations secrètes avec le dictateur tchadien François Tombalbaye. Avec le feu vert de N'Djamena, Giscard envoie au casse-pipe le commandant Galopin libérer les otages. Celui-ci, longtemps coopérant à la tête de la Garde nationale tchadienne puis au sein des services de renseignements de l'ancienne colonie française, est accusé par les "révolutionnaires" de brutalité et d'un raid mortel sur des proches de Goukouni Oueddei. Il est finalement capturé le 4 août 3,4. Désormais, les "révolutionnaires" demandent en plus des armes. Devant le refus de Paris, ils assassinent Galopin en avril 1975 après l'avoir fait condamner et torturé  par un « tribunal révolutionnaire » (nos gauchistes, futurs cire-pompes de Mitterrand, sont ravis).

Pierre Claustre, le mari de Françoise et directeur de la Mission de réforme administrative au Tchad, tente alors de négocier directement avec les "révolutionnaires", mais il est enlevé à son tour le 26 août 1975. Ceci amène la secte nationaliste des "révolutionnaires" en peau de léopard à demander désormais une rançon de 10 millions de francs ; Hissène Habré menace d'« exécuter » les époux Claustre s'il ne reçoit pas l'argent avant le 23 septembre. Le reporter Raymond Depardon et Marie-Laure de Decker, partis accompagner Pierre Claustre avant son enlèvement, filment les «révolutionnaires» et leurs chefs, dont Hissène Habré, avant d’être autorisés à interviewer Françoise Claustre. La diffusion de cet entretien émeut l'opinion publique et Paris cède, payant la rançon. Mais les rivaux Hissène Habré et Goukouni Oueddei se disputent alors, entraînant une prolongation de la détention des otages.

Le Premier ministre Jacques Chirac est alors envoyé en Libye négocier avec le colonel Khadafi, qui soutient désormais Goukouni Oueddei contre Hissène Habré. Les époux Claustre sont libérés neuf mois plus tard à Tripoli, le 31 janvier 1977. La carrière de l’ancien étudiant parisien, éduqué à un marxisme sommaire, va alors s’élever comme celle d’un garçon liftier. Le sinistre «libérateur national» est nommé au poste de Premier ministre le 29 août 1978 par le président de la République, le général Félix Malloum. Son mandat prend fin avec la guerre qu'il a lui-même déclenchée le 12 février 1979. L’arriviste néo-gauchiste, caïd des Forces armées du Nord (FAN) renverse Goukouni Oueddei le 7 juin 1982 pour occuper le poste de président de la République. Le poste de Premier ministre est supprimé le 19 juin et plusieurs opposants politiques sont exécutés. Habré transforme les FAN en armée régulière (FANT), puis crée une police politique, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS ), sinistre engeance d'Etat responsable de milliers d'enlèvements et d'assassinats politiques.

Le Gouvernement d'Union nationale de transition (GUNT), animé par Goukouni Oueddei, chassé du pouvoir par les forces d'Hissène Habré, se retire dans le nord du Tchad. Il est aidé par la Libye qui annexe depuis 1973 la bande d'Aozou. La guerre s'aggrave en 1983 et les forces libyennes occupent le nord du Tchad jusqu’à la contre-offensive des forces d'Habré qui aboutit en mars 1987 à la reconquête du Nord avec le soutien de l’armée française (Opération Épervier) (retrouver la position des gauchistes français à l’époque). Durant le conflit, les États-Unis auraient utilisé une base clandestine au Tchad pour entraîner des soldats libyens capturés et les organiser en force anti-Kadhafi (j'ai envie d'ajouter "ref nécessaire comme Wikipédia, mais à vous de déduire). Ils auraient également fourni un support militaire et organisationnel à la DDS (voir ci-dessous dans les références l’analyse de Jeune Afrique). L'aide de l’impérialisme français et des États-Unis a été décisive. L'occupation libyenne a pris fin en mars 1987. Un cessez-le-feu a été signé en septembre 1987, consacrant la victoire du dictateur tortionnaire Habré. Les relations diplomatiques ont été rétablies en octobre 1988. Le sinistre Habré détient dès lors une aura internationale.
Pas de pot pour les «révolutionnaires tortionnaires au pouvoir», le général Idriss Déby le renverse le 1er décembre 1990 et Habré s’enfuit au Sénégal. Voilà le libérateur national  soupçonné d'être responsable de la mort de presque 40 000 personnes. En novembre 1990, à la veille du renversement du régime, 300 détenus politiques avaient été exécutés sommairement. En janvier 1992, après le renversement du régime Habré, plusieurs fosses communes ont été découvertes à 25 km de la capitale. Certaines fosses contenaient jusqu'à 150 squelettes des détenus exécutés par la tristement célèbre police politique (DDS). Le rapport de la commission d'enquête comptabilise quelque 80 000 orphelins produit par la terreur du régime Habré.

Des poursuites contre lui sont engagées en Belgique en application de la loi de compétence universelle qui, bien qu'abrogée en 2003, s'applique dans ce cas précis (certains plaignants ayant acquis la nationalité belge). Un mandat d'arrêt international, assorti d'une demande d'arrestation immédiate, est délivré par la justice belge le 19 septembre 2005 et transmis aux autorités sénégalaises. Après son arrestation le 15 novembre et une garde à vue de quelques jours, Hissène Habré est relâché, la justice sénégalaise s'étant finalement déclarée incompétente et l'affaire portée au niveau de l'Union africaine.

En juillet 2006, le Sénégal est mandaté par l'Union africaine pour juger du criminel d'Etat Hissène Habré pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture. Le Sénégal a alors engagé une série de réformes législatives et adopté un amendement constitutionnel afin de juger l'ancien dictateur tchadien. Les autorités sénégalaises ont cependant suspendu leur action judiciaire à la prise en charge, par la communauté internationale en général et à l'UA en particulier, de la totalité des fonds nécessaires pour le procès, estimée à 27,4 millions d'euros.

Le 15 août 2008, il est condamné à mort par contumace pour crimes contre l'humanité par un tribunal de Ndjamena. Le 30 juin 2013, il est placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte par un tribunal spécial devant le juger. Hissène Habré est jugé à partir du 20 juillet 2015, à Dakar par les Chambres africaines extraordinaires, juridiction spéciale créée par le Sénégal et l’Union africaine.
Qu'attend-on pour juger les complices Chirac et Giscard, encore vivants contrairement à leur compère Reagan!

Notes et références
  
   - "Parler de Rose" Documentaire réalisé par la réalisatrice espagnole Isabel Coixet en 2014 sur la vie et la mort de Rose Lokissim détenue dans les prisons d'Hissène Habré et tuée en 1986 - Narration assurée par la comédienne Juliette Binoche
    c'est ici: http://afrique.lepoint.fr/actualites/tchad-rose-lokissim-l-heroine-qui-a-fini-par-vaincre-hissene-habre-18-07-2015-1949685_2365.php
- Article de Libération du 01 juin 2015 sur le documentaire d'Isabel Coixet
 - Article de Jeune Afrique sur les années au pouvoir d'Hissène Habré

   - Les liaisons dangereuses de Habré : les États-Unis glorifient le guerrier (2/5) (à lire sur site de Jeune Afrique)


(x) «Le système de privilèges à l’abri duquel se développe la vie quotidienne de toute «élite» (que cette élite se définisse par sa richesse, son pouvoir ou sa gloire médiatique) tend nécessairement, en effet, à éloigner du monde réel - celui où vivent les gens ordinaires - et donc, par là même, des sources anthropologiques et psychologiques concrètes d’où jaillissent toute conscience morale et tout sens commun (Inside Job, le documentaire que Charles Ferguson a consacré aux rôles des élites dans la crise économique de 2008, en fournit une illustration particulièrement saisissante)».

Jean-Claude Michéa (La gauche et le peuple, lettres croisées avec Julliard, Flammarion 2014)