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lundi 20 juillet 2015

Le dictateur Hissène Habré : une progéniture du gauchisme armé et de la CIA



«Nous Tchadiens, nous avons la mémoire courte, très courte. Je me souviens de ce matin du 07 juin 1982, où les vaillants combattants des Forces Armées du Nord (FAN) ont libéré notre pays de l’occupation libyenne et de « la coalition anti-nationale ». «Avec cette modeste tribune sur l’affaire Habré, j’aimerais bien remettre certaines choses à leur place en rendant hommage au passage à tous ces valeureux fils du Tchad qui ont contribué sous le régime du président Hissein Habré à hisser, contre vents et marées, par leur abnégation et leurs efforts, notre cher pays parmi les nations respectables et respectées». (Rendons à Hissein Habré ce qui est à Hissein Habré (Saleh Goukouni) sur le site des fans http://www.hisseinhabre.com/)

Au début des années 1970, le Front de Libération Nationale du Tchad, conduit par le «charismatique» (selon ses adulateurs sartriens-gauchistes en Europe pour qui le meurtre de l’homme blanc est un acte révolutionnaire) Hissène Habré, réclame son indépendance au gouvernement tchadien. Composé essentiellement de nomades bantous, il s’estime victime de discriminations. Soutenu financièrement et militairement par la Libye, qui a des vues sur le nord du Tchad et qui soutient traditionnellement les peuples nomades en résistance, le Frolinat gagne quelques batailles contre l’armée française et tchadienne. Je me souviens avoir lu des articles élogieux dans la presse trotskienne de l’époque sur la plupart des fumeuses «libérations nationales», dont celle du Tchad (où Habré était aussi célébré que Castro, ou plus tard Massoud), dans «L’idiot international» (sic) et autres «Rouge», sans oublier les merdes maoïstes; hélas comme le stalinisme, ils effacent leurs traces, lecteur si tu as encore leurs publications ou brochures exaltant le futur criminel contre l’humanité, fais le moi savoir.

Dans les années 1970, le cinéaste des petits jouisseurs germanopratins, Raymond Depardon suit un groupe armé, le Frolinat, dans leur lutte, et sort un documentaire, «Les Révolutionnaires du Tchad» (!?). Dans ce reportage il s’offre le luxe d’exhiber la pauvre otage l’ethnologue Françoise Claustre, ce qui fait plutôt rire les milieux gauchistes; on entendit dire même que Habré s’était «tapé» Claustre, voire qu’elle était en état de «claustration»... Sans honte, Depardon se refait une bourse 30 ans après en reprenant ce «matériau» , alors que le monde entier sait ce dont a été capable la crapule Habré. Cela donne: La Captive du Désert, un « film-photo » où ce type cherche avant tout à filmer le désert dans ce qu’il a d’épuisant, de harassant (la technique post-gauchiste du «refoulement» classique de l’éduc bourgeoise (x), de l’oubli de la complicité politique). On y voit Sandrine Bonnaire, qui joue le rôle de Françoise Claustre, seule au milieu des nomades, ballotée de grotte en grotte. Film long et emmerdant même avec sa caravane de chameaux.

Une formation politique de jeunesse gauchiste tiers-mondiste:

Le jeune Hissène grandit dans le désert du Djourab, au milieu de bergers nomades. Intelligent, il étudie, aidé par ses instituteurs et devient sous-préfet. Il part étudier en France à Paris en 1963, à l’Institut des hautes études d’Outre-mer, il s'attelle ensuite à des études de droit, fréquente l’Institut d’études politiques et fait son éducation politique en lisant Frantz Fanon, Che Guevara, Raymond Aron. Après la fin de ses longues études en 1972, il repart au Tchad et rejoint le Frolinat, puis fonde les Forces armées nationales du Tchad (FANT), aujourd'hui disparues sous ce nom. Il devient alors un héros de la presse gauchiste.
La secte nationaliste FANT est au djihadisme ce que la barbe est au prophète. Elle se livre à la prise d’otage  de plusieurs ressortissants européens, dont l'ethnologue Françoise Claustre entre 1974 et 1977, et de l'exécution de l'émissaire envoyé par le gouvernement français pour négocier leur libération, le commandant Galopin, salement torturé.
Françoise Claustre, le coopérant français Marc Combe et Christophe Staewen, un Allemand, avaient été enlevés le 21 avril 1974 dans le Tibesti (Tchad) par des "révolutionnaires" des tribus nomades toubous et anakasas, menés par Hissène Habré et Goukouni Oueddei, chef des Forces Armées du Nord (FAN), après un raid sur l'oasis de Bardaï. La femme de Staewen et deux soldats tchadiens sont tués dans la fusillade. Les "révolutionnaires", qui maîtrisent le nord du Tchad mais ne parviennent pas à s'emparer de la capitale N'Djamena, réclament à l'Allemagne et à la France une rançon et l'accès aux médias. Leur allié, la Libye du colonel Kadhafi, s'éloigne alors des "révolutionnaires" en se rapprochant du régime dictatorial de François Tombalbaye. Les "révolutionnaires" manquent donc d'armes et de soutien international. La prise d'otages les ramène au premier plan. Bonn cède rapidement, et Christophe Staewen est libéré.

Mais la France, en pleine campagne présidentielle (le président du Sénat Alain Poher assure alors l'intérim), attend l'élection de Valéry Giscard d'Estaing pour agir véritablement. Celui-ci entame des négociations secrètes avec le dictateur tchadien François Tombalbaye. Avec le feu vert de N'Djamena, Giscard envoie au casse-pipe le commandant Galopin libérer les otages. Celui-ci, longtemps coopérant à la tête de la Garde nationale tchadienne puis au sein des services de renseignements de l'ancienne colonie française, est accusé par les "révolutionnaires" de brutalité et d'un raid mortel sur des proches de Goukouni Oueddei. Il est finalement capturé le 4 août 3,4. Désormais, les "révolutionnaires" demandent en plus des armes. Devant le refus de Paris, ils assassinent Galopin en avril 1975 après l'avoir fait condamner et torturé  par un « tribunal révolutionnaire » (nos gauchistes, futurs cire-pompes de Mitterrand, sont ravis).

Pierre Claustre, le mari de Françoise et directeur de la Mission de réforme administrative au Tchad, tente alors de négocier directement avec les "révolutionnaires", mais il est enlevé à son tour le 26 août 1975. Ceci amène la secte nationaliste des "révolutionnaires" en peau de léopard à demander désormais une rançon de 10 millions de francs ; Hissène Habré menace d'« exécuter » les époux Claustre s'il ne reçoit pas l'argent avant le 23 septembre. Le reporter Raymond Depardon et Marie-Laure de Decker, partis accompagner Pierre Claustre avant son enlèvement, filment les «révolutionnaires» et leurs chefs, dont Hissène Habré, avant d’être autorisés à interviewer Françoise Claustre. La diffusion de cet entretien émeut l'opinion publique et Paris cède, payant la rançon. Mais les rivaux Hissène Habré et Goukouni Oueddei se disputent alors, entraînant une prolongation de la détention des otages.

Le Premier ministre Jacques Chirac est alors envoyé en Libye négocier avec le colonel Khadafi, qui soutient désormais Goukouni Oueddei contre Hissène Habré. Les époux Claustre sont libérés neuf mois plus tard à Tripoli, le 31 janvier 1977. La carrière de l’ancien étudiant parisien, éduqué à un marxisme sommaire, va alors s’élever comme celle d’un garçon liftier. Le sinistre «libérateur national» est nommé au poste de Premier ministre le 29 août 1978 par le président de la République, le général Félix Malloum. Son mandat prend fin avec la guerre qu'il a lui-même déclenchée le 12 février 1979. L’arriviste néo-gauchiste, caïd des Forces armées du Nord (FAN) renverse Goukouni Oueddei le 7 juin 1982 pour occuper le poste de président de la République. Le poste de Premier ministre est supprimé le 19 juin et plusieurs opposants politiques sont exécutés. Habré transforme les FAN en armée régulière (FANT), puis crée une police politique, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS ), sinistre engeance d'Etat responsable de milliers d'enlèvements et d'assassinats politiques.

Le Gouvernement d'Union nationale de transition (GUNT), animé par Goukouni Oueddei, chassé du pouvoir par les forces d'Hissène Habré, se retire dans le nord du Tchad. Il est aidé par la Libye qui annexe depuis 1973 la bande d'Aozou. La guerre s'aggrave en 1983 et les forces libyennes occupent le nord du Tchad jusqu’à la contre-offensive des forces d'Habré qui aboutit en mars 1987 à la reconquête du Nord avec le soutien de l’armée française (Opération Épervier) (retrouver la position des gauchistes français à l’époque). Durant le conflit, les États-Unis auraient utilisé une base clandestine au Tchad pour entraîner des soldats libyens capturés et les organiser en force anti-Kadhafi (j'ai envie d'ajouter "ref nécessaire comme Wikipédia, mais à vous de déduire). Ils auraient également fourni un support militaire et organisationnel à la DDS (voir ci-dessous dans les références l’analyse de Jeune Afrique). L'aide de l’impérialisme français et des États-Unis a été décisive. L'occupation libyenne a pris fin en mars 1987. Un cessez-le-feu a été signé en septembre 1987, consacrant la victoire du dictateur tortionnaire Habré. Les relations diplomatiques ont été rétablies en octobre 1988. Le sinistre Habré détient dès lors une aura internationale.
Pas de pot pour les «révolutionnaires tortionnaires au pouvoir», le général Idriss Déby le renverse le 1er décembre 1990 et Habré s’enfuit au Sénégal. Voilà le libérateur national  soupçonné d'être responsable de la mort de presque 40 000 personnes. En novembre 1990, à la veille du renversement du régime, 300 détenus politiques avaient été exécutés sommairement. En janvier 1992, après le renversement du régime Habré, plusieurs fosses communes ont été découvertes à 25 km de la capitale. Certaines fosses contenaient jusqu'à 150 squelettes des détenus exécutés par la tristement célèbre police politique (DDS). Le rapport de la commission d'enquête comptabilise quelque 80 000 orphelins produit par la terreur du régime Habré.

Des poursuites contre lui sont engagées en Belgique en application de la loi de compétence universelle qui, bien qu'abrogée en 2003, s'applique dans ce cas précis (certains plaignants ayant acquis la nationalité belge). Un mandat d'arrêt international, assorti d'une demande d'arrestation immédiate, est délivré par la justice belge le 19 septembre 2005 et transmis aux autorités sénégalaises. Après son arrestation le 15 novembre et une garde à vue de quelques jours, Hissène Habré est relâché, la justice sénégalaise s'étant finalement déclarée incompétente et l'affaire portée au niveau de l'Union africaine.

En juillet 2006, le Sénégal est mandaté par l'Union africaine pour juger du criminel d'Etat Hissène Habré pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture. Le Sénégal a alors engagé une série de réformes législatives et adopté un amendement constitutionnel afin de juger l'ancien dictateur tchadien. Les autorités sénégalaises ont cependant suspendu leur action judiciaire à la prise en charge, par la communauté internationale en général et à l'UA en particulier, de la totalité des fonds nécessaires pour le procès, estimée à 27,4 millions d'euros.

Le 15 août 2008, il est condamné à mort par contumace pour crimes contre l'humanité par un tribunal de Ndjamena. Le 30 juin 2013, il est placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte par un tribunal spécial devant le juger. Hissène Habré est jugé à partir du 20 juillet 2015, à Dakar par les Chambres africaines extraordinaires, juridiction spéciale créée par le Sénégal et l’Union africaine.
Qu'attend-on pour juger les complices Chirac et Giscard, encore vivants contrairement à leur compère Reagan!

Notes et références
  
   - "Parler de Rose" Documentaire réalisé par la réalisatrice espagnole Isabel Coixet en 2014 sur la vie et la mort de Rose Lokissim détenue dans les prisons d'Hissène Habré et tuée en 1986 - Narration assurée par la comédienne Juliette Binoche
    c'est ici: http://afrique.lepoint.fr/actualites/tchad-rose-lokissim-l-heroine-qui-a-fini-par-vaincre-hissene-habre-18-07-2015-1949685_2365.php
- Article de Libération du 01 juin 2015 sur le documentaire d'Isabel Coixet
 - Article de Jeune Afrique sur les années au pouvoir d'Hissène Habré

   - Les liaisons dangereuses de Habré : les États-Unis glorifient le guerrier (2/5) (à lire sur site de Jeune Afrique)


(x) «Le système de privilèges à l’abri duquel se développe la vie quotidienne de toute «élite» (que cette élite se définisse par sa richesse, son pouvoir ou sa gloire médiatique) tend nécessairement, en effet, à éloigner du monde réel - celui où vivent les gens ordinaires - et donc, par là même, des sources anthropologiques et psychologiques concrètes d’où jaillissent toute conscience morale et tout sens commun (Inside Job, le documentaire que Charles Ferguson a consacré aux rôles des élites dans la crise économique de 2008, en fournit une illustration particulièrement saisissante)».

Jean-Claude Michéa (La gauche et le peuple, lettres croisées avec Julliard, Flammarion 2014)

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