PAGES PROLETARIENNES

mercredi 22 avril 2015

Ô Bernard Maris, pourquoi as-tu fini par caricaturer Marx?

Le 7 janvier de cette année j'ai été stupéfait et choqué d'apprendre l'assassinat de Bernard Maris avec les dessinateurs de Charie Hebdo par deux tarés suicido-terroristes. L'homme valait plus que le coran pour son savoir et sa capacité à expliquer simplement l'économie avec cet humour toulousain impayable pour moquer tous ces cons qui posent aux spécialistes de l'économie. Il était le chouchou des journalistes pour son côté pédago pince sans rire. Il manque dans l'univers tristounet des médias. Il laisse plusieurs ouvrages qui se liront longtemps avec intérêt et jovialité. La réédition de son pamphlet "Marx ô Marx, pourquoi m'as-tu abandonné?" (ed Champs actuel, 6 euros seulement), est une bonne nouvelle; plus notable que la recension par "Marianne" de son dernier ouvrage sur sa France ou que le pseudo livre choc de Charb encensé par l'Obs. Mais ce dandy iconoclaste cachait un conservateur peu éclairé, un bonhomme très aigri finalement comme beaucoup de ceux qui se cachent en permanence derrière des attitudes ironiques ou des blagues incessantes...

Je conseille vivement à tout néophyte, qui se serait limité à la lecture du seul Manifeste communiste de 1848 de lire l'explication simple, claire et éclatante des bases du marxisme par cet universitaire brillant et iconoclaste. L'essentiel y est - de l'exploitation à l'aliénation et à la perte d'humanité de l'homme moderne. Hélas...

Hélas jusqu'à la page 85... Après l'avoir monté au pinacle ("tout ce qu'avait prévu Marx s'est réalisé"), B.Maris entreprend de le déconstruire pour plaire à "Témoignage chrétien" et à Hélène Carrère d'Encausse. Marx aurait bâti un "christianisme athée": il nous a fait miroiter le paradis, mais c'est l'enfer qui nous attend, parce que la violence humaine est toujours au coeur de nos sociétés. Il a su expliquer comme nul autre le fonctionnement et l'évolution du capitalisme, mais, contrairement à ce qu'il affirmait, cela ne débouche sur aucune autre meilleure société.

Page 85 il commence par séparer ce qui est inséparable dans la célèbre formule:

"De chacun selon ses capacités" est un slogan de la nécessité; "à chacun selon ses besoins" est un slogan de l'abondance; le communisme résout la contradiction nécessité/abondance"". C'est n'importe quoi. L'humour toulousain peut être aussi léger que superficiel. B.Maris n'a jamais participé aux débats sur la période de transition du capitalisme au communisme ni sérieusement réfléchi dessus sinon il n'aurait pas opéré une telle coupure "althusérienne", c'est à dire ignorantine stalinienne... Il ne s'agit pas là d'une simple bévue mais d'une vision totalement anti-marxiste finalement, bien qu'il ait semblé en maîtriser les concepts économiques, mais d'une incapacité politico-sociale à comprendre le but politique communiste chez Marx qui n'est en aucune façon ni égalitaire ni chrétien. Sous le communisme est fini le règne de la nécessité et l'abondance on n'en aura plus autant besoin que sous le capitalisme, à condition de ne pas y mettre le même contenu. Pour Marx, comme pour tout sérieux penseur communiste révolutionnaire, nous n'avons et nous n'aurons pas tous les mêmes capacités; nous n'avons et nous n'aurons pas les mêmes besoins; tout cela ne signifie aucunement ni compétition ni jalousie. Plus loj page 126 il reprend cette outre vide de communisme "mauvaise copie du christianisme" et prête encore à Marx cette absurdité invraisemblable une volonté "d'égalitarisme absolu"! Faux et archi-faux c'est une caricature de petit bourgeois désenchanté du pschitt de son 68 jouissif!

Le plus sidérant se trouve au bas de la page 86, Maris qualifie l'empirisme et le refus de la prédiction par Marx de stalinisme: "...on verra quand on y sera. Dans cette phrase le goulag et le stalinisme"!!? Puis cette réflexion digne d'un grand bourgeois méprisant: "Le seul désir que satisfont les prolétaires est le désir sexuel, qui est plus un instinct qu'un désir, par lequel ils construisent sans relâche l'armée de réserve"!!?

Quelle morgue puante! Puis après tout dégringole encore plus bas: "Le communisme est le lieu de la résolution des conflits, comme l'Evangile..."!!? "Le communisme est un chritianisme sur ses pieds..."!!? Il passe sans réfléchir ce que veut dire Marx dans le Capital sur l'inhumain qui sommeille en nous pour en conclure que le communisme est le "rêve du paradis terrestre... un christianisme matérialiste et athée" (p.103).

Des formules à l'emporte-pièce ne remplacent ni un bilan réfléchi rapporté aux exigences politiques du temps présent ni ne valident cette vision catho-bourgeoise du communisme: "Les révolutions ont toujours échoué parce que la cadence des "forces productives" était en retard sur la musique des révolutionnaires".

UN MEMBRE QUELCONQUE DU CARTEL BOBO DE CHARLIE

A partir de la page 112, la moquerie de la prétention de la classe ouvrière à renverser le capitalisme arrive comme affirmation gratuite, cheveu sur un ragoût anar digne de ce canard indigeste passé de sarkozie en hollandie avec pour seul thermomètre politique minable la dénonciation du gériatrique FN, et une affirmation que ne renierait aucun bourgeois BCBG: "l'exploitation et la souffrance n'engendrent pas la révolte, mais l'asservissement"!!?

Marx ne pensait pas, contrairement à une autre affirmation gratuite, que la croissance des forces productives était infinie sinon il n'aurait pas parlé de possible décadence, ni de chute finale, ni de rupture révolutionnaire. Maris a survolé d'un oeil universitaire et de petit rigolo des médias le Manifeste de 1848, pour ne prendre que ce passage alors qu'une foule d'autres réflexions sur la nécessité de la violence émaillent l'oeuvre de Marx: "Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l'ancien régime de production, il détruit, en même temps que ce régime de production, les conditions de l'antagonisme des classes, il détruit les classes en général et, par là même, sa propre domination comme classe. A la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous".

Ce n'est pas Marx qui nous laisse en plan, c'est Maris qui se perd dans les sentiers de l'idéologie bobo-écolo bourgeoise et c'est Marx par contre qui nous appelle à poursuivre le combat avec les moyens du bord dans ce monde chaotique, bla-bla, terrorisme, épurations ethniques, choses affreuses et mortifères que Maris décrit très bien par ailleurs. Sa complainte contre la dictature chinois est réductrice et ne saisit pas l'ensemble des contradictions du mode de domination bourgeois; de même la prolétarisation du monde n'a jamais été en soi pour Marx "naissance d'un espoir prolétarien" mais d'abord soumission, exploitation et ensuite c'est autre chose de penser politique, d'avancer la nécessité du parti prolétarien, de la création d'organes de lutte immédiate, problèmes hors du champ visuel de feu l'universitaire médiatisé.

Plus loin Maris sombre dans la sociologie vulgaire à l'américaine. Plus de classes rivales mais de vieux rentiers qui plombent la jeunesse! Du TF1 pur jus!

Et pour faire rire ses potes de Charlie Bobo et Charlie antifa il conclut: "Marx je te laisse agoniser sur ta croix". Marx n'est pas mort sur une croix, ni mitraillé par un terroriste débile, mais ses écrits économiques et politiques restent bien plus vivant que cet idéologue déchet de l'idéologie racialiste et matriarcale bourgeois. B.Maris ne propose rien, rigoureusement rien quand la méthode de Marx reste opérante pour envisager la révolution de l'avenir.

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