PAGES PROLETARIENNES

samedi 7 septembre 2013

TOUT CE QUE VOUS VOULIEZ SAVOIR SUR LA SYRIE (cf. article d’Atlantico)




“ La semaine où François Hollande s'est transformé en Guy Mollet ” [1]

Le gros dossier de la semaine, c’est bien sûr la guerre en Syrie. Y aller, ne pas y aller, les hebdos — leurs éditorialistes — ont leur avis sur la question. Comme Olivier Besancenot, dont le mag propose ce mercredi une grande interview come-back, "Les Inrocks" sont farouchement contre. “ Quand j’ai voté Chirac au second tour de la présidentielle de 2002, sans aucun enthousiasme, encore traumatisé par un certain 21 avril mais bien conscient du ridicule de la situation, je ne pouvais imaginer qu’il aurait le courage, moins d’un an plus tard, de résister à Bush, écrit Frédéric Bonnaud. Disons que pour une fois, j’ai été récompensé de mon vote contraint. Je me souviens aussi m’être dit que Jospin et Védrine l’aurait faite, eux, la guerre de Bush. C’était avant les révélations de Wikileaks à propos des dirigeants socialistes venant faire la queue à l’ambassade des Etats-Unis et la semaine d’août 2013 où François Hollande s’est transformé en Guy Mollet. On a des intuitions, parfois ”. Plutôt en forme, le rédac chef du journal rock. C’est pas fini. “ Ni la France, ni les Etats-Unis ” n’ont le droit de “ punir ” qui que ce soit ” “ Le pire reste le choix des mots, poursuit-il : “ La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents ”, a déclaré François Hollande le 27 août. Ce punir-là ne passe pas. Si gazer quoi que ce soit est effectivement infâme, comme l’ont fait Saddam Hussein et ses alliés de la CIA avec les soldats iraniens en 1988, comme est infâme de répandre 80 millions de litres d’ “ agent orange ” (un défoliant, une arme tout à fait chimique) sur le Vietnam et ses voisins, comme l’a fait l’armée américaine à partir de 1961, ni la France, ni les Etats-Unis n’ont le droit de “ punir ” qui que ce soit. Surtout sans mandat de l’Onu ”. Ca, c’est dit. Et puis, ça a le mérite d’être clair. “ Le président, patron des punisseurs ” Etrange affaire : on retrouve dans l’édito de Christophe Barbier des “ fragments de discours ” de Frédéric Bonnaud. “ François Hollande doit assumer et expliquer son étrange vocabulaire, écrit le directeur de la rédaction de “ L’Express ” : “ punir ” et “ coup d’arrêt ” ne sont pas des expressions innocentes. Pour avoir “ puni ” Kadhafi en 1986, les Américains l’ont arrimé vingt-cinq ans de plus sur son trône de dictateur. Quant à la stratégie du “ coup d’arrêt ” — c’est-à-dire du statu quo —, elle nous a légué la Corée du Nord. En guerre, on doit abattre et non punir, renverser et non arrêter. Il lui faut aussi expliquer pourquoi il n’œuvre pas plus pour fléchir Poutine, abandonnant ainsi le rôle précieux joué par Paris depuis de Gaulle et qui permit notamment, grâce à Chirac, de sauver le Kosovo en 1999 sans humilier Moscou. Puis le chef de l’Etat aura à résister aux soubresauts géopolitiques des semaines à venir. Si les Etats-Unis renoncent à attaquer Assad, le président français devra avaler son chapeau avec sa conscience dedans ou devenir le patron des “ punisseurs ” ”. Voilà pour la partie “ vocabulaire ” qui avait aussi soulevé le cœur du rédac chef des “ Inrocks ”. Mais l’analogie ne s’arrête pas là. “ Hollande en chef de guerre ? Il n’est pas le chef et il n’y a pas de guerre ” “ Coincée entre la fermeté russe et la faiblesse américaine, privée du soutien de l’Onu, abandonnée peut-être par l’Australie et une partie des pays arabes, la France pourrait alors vivre un mini-Suez, poursuit Christophe Barbier. Si, en revanche, Barack Obama compose avec lui un duo efficace et victorieux, Hollande ne sera pas au bout de ses peines, obligé de justifier devant sa majorité un atlantisme qu’on a plus vu à gauche depuis… Guy Mollet ! ” Hé oui : comme Bonnaud, Barbier compare Hollande à Guy Mollet. “ Un monde marqué par une nouvelle tension russo-américaine, où la France se substitue à la Grande-Bretagne, où l’Europe sombre définitivement dans l’inexistence géopolitique, où l’Onu perd ses restes de crédibilité et où se dressent contre nous des ennemis déterminés : c’est ce qui se cache derrière l’écueil syrien, conclut le journaliste. François Hollande croit peut-être échapper aux soucis de politique intérieure par un puissant épisode international ; il plonge, en fait, seul, dans l’eau noire de l’inconnu ” ”. Là, on touche à un élément nouveau par rapport à l’argumentation développée dans “ Les Inrocks ” : c’est pour détourner l’attention des problèmes de politique intérieure que Hollande — cet inconscient, ce fou… — nous précipite dans le noir inconnu, nous dit Barbier. Qui, histoire d’enfoncer le clou, de bien nous faire sentir le ridicule de l'homme et le drame de la situation, nous le dit en grand : “ Ceux qui se réjouissaient de voir à nouveau Hollande en chef de guerre peuvent s’inquiéter : il n’est pas le chef et il n’y a pas de guerre ”. Hollande atteint du syndrome Mitterrand Moins pusillanime, mais pour le moins réservé, “ Challenges ” confesse de son côté avoir des doutes quant au bien-fondé de la position prise par le président. “ François Hollande s’enlise sur le terrain militaire ”, titre l’hebdo. “ Huit mois après le Mali, François Hollande endosse à nouveau le costume de chef de guerre. Avec moins de succès, constate-t-il. (…) Le chef de l’Etat risque de se retrouver très isolé. Le voilà accusé de précipitation. Pourquoi a-t-il pris un tel risque ? Sur le fond, nul doute que la décision est sincère. Comme le raconte un de ses proches, c’est un sujet qui le touche, qu’il a souvent évoqué durant la campagne présidentielle. Mais sur la forme, le chef de l’Etat s’est laissé déborder. “ Il a été pris par la volonté de se construire une image d’homme d’Etat en s’impliquant dans la politique du Moyen-Orient. Comme François Mitterrand ”, commente un conseiller ”. Atteint du syndrome Mitterrand, notre président ? Pour l’hebdo éco, en tout cas, il n’y aurait pas, chez lui, de volonté délibérée de détourner l’attention des Français des questions intérieures. Reste qu’en optant pour la guerre comme il l’a fait, il court le risque de perdre le bénéfice des quelques points qu’il a acquis au cours de l’été : “ dans le dernier Ifop, rappelle “ Challenges ”, il a gagné 2 points d’ “ opinions positives ”, et les “ très défavorables ” ont chuté de 7 points. Mais, à terme, l’affaire syrienne, qui, pour l’heure, ne passionne pas les Français, pourrait ruiner ces efforts, car elle alimentera les dissensions à gauche ”. BHL : “ Puisse François Hollande tenir bon sur la Syrie ” Gentil, “ Le Point ” ? L’hebdomadaire qui, la semaine dernière, rhabillait le président en “ Inspecteur Gadget ”, se montre étonnamment compatissant. Comme en réponse à Christophe Barbier, Franz-Olivier Giesbert écrit : “ Ne moquons pas la solitude de M. Hollande : ses convictions sont tout à son honneur. Mais le châtiment (mérité) infligé à Bachar-el-Assad n’aurait de sens que si, au lieu de donner des ailes aux salafistes, il favorisait les sunnites modérés, très nombreux mais sans vrai soutien extérieur et dont on sait qu’ils ne massacreraient pas, après la victoire, les minorités chiites, alaouites ou chrétiennes ”. Et que dit Bernard-Henri Lévy dans son “ Bloc-Notes ” ? “ Puisse François Hollande tenir bon sur la Syrie ”. “ Personne ne parle de “ faire la guerre à la Syrie ”, explique-t-il. (…) Mais la loi internationale existe. (…) Y déroger, se dérober à ce mandat, saboter cette juste intervention décidée et, je le répète, initiée par la France : là serait la violation du droit ; et là, pour les démocraties, la source d’un discrédit durable et qui, cette fois, sans aucun doute, déstabiliserait le monde ”. VGE/Jean Daniel : les Etats-Unis — et Obama — dans la ligne de mire C’est à noter : même Valéry Giscard d’Estaing, dans sa “ Chronique de la pensée multiple ”, du “ Point ”, toujours, n’accable pas François Hollande, mais préconise d’ “ adopter une attitude ferme et claire vis-à-vis de la crise actuelle qui ne dépende pas directement des pulsions et des hésitations de son partenaire américain ”. Et cela, principalement, en convoquant “ une réunion du Conseil européen ”. “ Le grand voisin du Proche-Orient que constitue l’Union européenne doit faire entendre une voix unique sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire, au lieu de multiplier les gesticulations nationales ”, écrit l’ancien président de la République. Plus franc et direct, Jean Daniel dit la déception que lui a causée l’attitude d’Obama : “ Pour la première fois, appuie le patron de “ L’Obs ”, ce grand acteur a fait un four. D’abord, toute allusion à l’indépassable ligne rouge est abandonnée. On n’a donc pas compris s’il voulait vraiment punir les Syriens, s’il était pressé de le faire, ni ce qu’il ferait si le Congrès, dont il sollicite l’accord sans qu’il en ait jamais été question auparavant, lui refuse le feu vert. C’est une terrible déception qui ne peut que conforter Bachar al-Assad, mettre François Hollande dans un sérieux embarras, déconcerter l’opinion syrienne, qui fait déjà mauvaise figure, réjouir les Britanniques, qui se sont déjà défilés, et encourager les Russes cette semaine à Saint-Petersbourg pour la réunion du G20 ”. Hollande, “ le petit ”, lâché par Obama, “ le grand ”, voilà un constat que nul n’avait fait jusque-là. Cela, bien sûr, ouvre la voie à tout un tas d’interprétations et de réflexions. Mais cela méritait peut-être d’être dit, non ? Et les experts, ils en pensent quoi, de la guerre ? En dehors des éditorialistes, que pensent les “ experts ” géopolitiques de la position française et de celle de François Hollande en particulier ? Vous allez rire, mais vos hebdos n’ont pas jugé indispensable de leur demander leur avis. A l’exception de “ L’Express ” et de “ Challenges ” qui, surprise , ont fait appel au seul et même homme. Il est vrai que Jean-Pierre Fillu, “ professeur des universités à Sciences-Po, historien et arabisant, a séjourné en juillet dans les zones tenues par l’opposition dans le nord du pays ” et sait a priori de quoi il parle.


 A quoi ressemblerait “ le jour d’après ” les frappes : l’avis de l’expert “ Washington comme Paris assurent que les frappes envisagées n’ont pour objectif ni de faire tomber le régime syrien ni même de créer un nouveau rapport de force sur le terrain. Si c’est le cas, à quoi ressemblera, une fois les Occidentaux en règle avec leur conscience, le “ jour d’après ” ? ”, lui demande “ L’Express ”. —“ Les chances de règlement politique en sortiront renforcées, affirme Jean-Pierre Fillu. Aujourd’hui, Bachar el-Assad, qui bénéficie d’une suprématie militaire écrasante grâce au soutien inconditionnel de la Russie et à l’intervention directe de l’Iran et de ses supplétifs libanais, ne voit aucune raison de concéder quoi que ce soit. C’est là le principal obstacle à un règlement politique. Si l’on parvient à déconnecter l’avenir du régime de celui du dictateur, dont le départ est inéluctable, on pourra espérer aller de l’avant. Des frappes occidentales peuvent y contribuer. A la condition qu’elles ne soient pas purement symboliques et qu’elles touchent notamment les rampes de missiles balistiques qui contribuent, avant même les armes chimiques, la principale menace pour la population ”. Même limitées, les frappes ont leur importance —“ Déconnecter l’avenir du régime de celui de Bachar el-Assad, est-ce possible ? ”, rebondit l’hebdo. —“ Oui, répond l’expert. Même après deux ans et demi de guerre, l’Etat syrien ne peut pas être réduit à la machine de terreur de Bachar et de ses services de renseignement. Il y a des patriotes en zone gouverementale, y compris dans la fonction publique. Beaucoup d’administrations, par exemple, continuent de verser leurs salaires aux fonctionnaires qui sont en zone révolutionnaire. Pour se reconstruire, la Syrie de demain aura besoin de cadres, d’ingénieurs, de médecins, de professeurs… Mais, pour cela, il faut que l’hypothèque de la dictature sur l’Etat soit levée. Et, pour y parvenir, il faut que Bachar ne soit plus en mesure de massacrer toute personne qui tendrait la main à l’opposition. Il y a un an, le Premier ministre Riad Hijab a fait défection, parce qu’il se savait menacé. L’ancien vice-président Farouk al-Charah est en résidence surveillée. Des frappes, même avec un impact militaire faible, peuvent contribuer à disjoindre ces Syriens patriotes du régime qui les a pris en otages ”. Pourquoi la France a intérêt à intervenir en Syrie “ Quel intérêt a la France à intervenir aux côtés des Etats-Unis dans cette affaire ? ”, demande “ L’Express ”. —“ François Hollande inscrit ses pas dans ceux de François Mitterrand. La référence, c’est Mitterrand en septembre 1982, au lendemain des massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila. Face à un crime qui choque la conscience universelle, Mitterrand, hier, Hollande, aujourd’hui, sont convaincus qu’il faut une réaction collective, non seulement pour que ce crime ne reste pas impuni, mais aussi pour montrer qu’il y a une société des nations et que celle-ci n’est pas seulement une coalition d’intérêts. En dehors de ces considérations, il y a sans doute, aussi, chez le président, l’idée qu’il faut redonner une puissance politique à l’Europe dans une région où l’Amérique se désengage. Obama considère que les guerres du Moyen-Orient sont des crises sans intérêt dans lesquels il n’y a que des coups à prendre. Son objectif est de trouver un terrain d’entente avec les Russes et d’abandonner ces dossiers aux Européens pour se tourner vers l’Asie ”. —“ La France ne pourrait-elle pas tenir le même raisonnement ? ”, réagit le mag. —“ Nous n’avons pas le luxe d’un océan… ” Hou, ça, ça calme… Pourquoi est-ce important d’intervenir, au-delà des raisons morales Dernière question de "L'Express" : “ Fallait-il employer ce terme, très moral, de “ punir ” ? “ Il est très moral, en effet, acquiesce Jean-Pierre Fillu. Mais il dit aussi le caractère limité de l’ambition ”. Ah, tiens, l’emploi de ce mot serait-il donc raisonnable et sage ? Voilà, en tout cas, un point de vue qui tranche avec celui de Frédéric Bonnaud et de Christophe Barbier… Et puisqu’on a abordé le versant “ moral ” de l’affaire, liquidons-le. “ Pourquoi est-ce si important d’intervenir, au-delà des raisons morales ? ” demande “ Challenges ” à l’expert. —“ C’est autour de la Syrie que va se recomposer le nouveau Moyen-Orient, explique Fillu. Damas est le pivot historique culturel et symbolique de la région. Le clan Assad abuse aujourd’hui de cette position centrale pour semer le chaos dans la région ”. Curieux comme la situation, ses enjeux, paraissent plus clairs — trop ? — quand ils sont expliqués par un “ expert ”, plutôt que commentés par un éditorialiste… Bien sûr, on aurait préféré que les hebdos sollicitent l’avis de plusieurs spécialistes plutôt que d’un seul. Mais bon, faut faire avec ce qu’on a, hein


PS: une partie de la bourgeoisie française (gaulliste) avec Villepin s'est prononcée contre l'intervention militaire et n'envisage comme solution que la partition, à partir d'une conférence réunissant tous les belligérants; c'est  l'hypothèse la plus raisonnable (du point de vue bourgeois) un peu comme en Yougoslavie, pour endiguer les querelles religieuses et surtout satisfaire les différents appétits des impérialismes en lice.



[1] Premier ministre « socialiste » qui arrive au pouvoir en 1956 avec pour projet initial la « solution » militaire face au FNL algérien ! Et quelle cata ensuite!

mardi 3 septembre 2013

UNE MARCHE DECISIVE VERS LA FORMATION DES BLOCS BELLICISTES




« Paradoxalement, la perte de sens, parce qu’elle laisse ouverts tous les sens possibles, est un puissant facteur de validation collective. La perte de sens produit de l’ambiguïté et l’ambiguïté rend possibles de nombreux modes d’acceptation (…) Les décisions politiques recherchent la mobilisation collective. On est prêt à payer un prix élevé pour assurer la mobilisation, pour que chacun y trouve son compte. Ce qui est recherché n’est pas la bonne solution, mais l’adhésion. Leur fragilité vient de cet objectif de mobilisation. Ces décisions sont potentiellement absurdes parce qu’on peut tout faire au nom de la mobilisation. Dans cette perspective mieux vaut une solution absurde qui suscite l’adhésion collective plutôt qu’une solution parfaite sans soutien ». Christian Morel (Les décisions absurdes, Folio Gallimard 2002).


Avec l’embrouillamini syrien, la propaganda bourgeoise nous condamne à la perte de sens. Qui croire, qui ne pas croire dans le déluge d’intox diverses ? Il est question d’armes chimiques comme on nous avait fait le coup pour l’Irak puis la Libye (y ajoutant le viagra). Obama est-il un mou symbolisant le déclin de « l’Empire américain » ? Le président Hollande s’est-il fait piéger par son seul complice va-t-en guerre ? Le vrai se mêle au faux dans une tempête médiatique où l’objectif premier est de faire perdre la raison. En vérité, excepté l’Allemagne qui fait ami-ami avec la Russie, on nous joue la comédie de la division pour mieux célébrer l’union retrouvée plus tard ; la plupart des pays européens sont sur le fond OK pour mettre une branlée à Assad. Restons dans la pleurnicherie humanitaire pour « l’opinion indignée » (mais toujours résignée) : Comment tolérer qu’un vulgaire sultan de caste alaouite gaze des enfants au vu et au su du monde entier  sans réagir? crient les Fabius, Copé, BHL, Brauman et Cie. Pourquoi ajouter un massacre au massacre, vaut mieux rien faire, répliquent PCF et gauchistes. Les Chambres américaines vont-elles approuver l’entrée en guerre contre le régime sanguinaire d’Assad au long cou ? La bourgeoisie française sera-t-elle à nouveau ce supplétif ridicule qu’elle n’a pas vocation à être ? Le régime syrien va-t-il assassiner, en représailles, d’autres ambassadeurs français comme Louis Delamarre (en 1981) voire bombarder Nice et la côte d’azur?
Dans l’absurdité régnante, on reste frappé par la continuité et la cohérence de la politique de la bourgeoisie américaine avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à maintenant, politique guidée par les intérêts de l’industrie et les banques américaines plus que par des idéaux de justice, de liberté et de démocratie.  Le dernier conflit mondial, du point de vue américain, paraît une "bonne guerre" comme la décrit l’auteur belge Pauwels si on la compare aux nombreuses mauvaises guerres de l’histoire des USA, telles les guerres indiennes ou la Guerre du Vietnam... Ce fut une "bonne guerre", certes mondiale, pour trois raisons : elle mit un terme à la grande dépression en suscitant la demande économique, elle profita à l’élite au pouvoir en générant des profits considérables, elle contribua à donner au monde des affaires une aura exceptionnelle et une influence beaucoup plus grande sur les centres de décision politique. Les prolétaires réfléchis, en leur âme et conscience, en reviennent toujours au vieux poncif : une bonne (nouvelle) guerre mondiale relancerait bien les affaires de la bourgeoisie !
La formation consécutive des deux grands blocs historiques du XXe siècle avait été basée dans une optique de « reconstruction » après les dégâts faramineux de la Seconde boucherie mondiale. L’enrichissement américain au long de ce conflit lui permit de proposer une aide économique aux pays européens ravagés, aide « à crédit », le plan Marshall, non pas humanisme mais pour faire pièce à son principal concurrent russe, et relancer la main invisible du capitalisme triomphant. Les pays de l'Est et l'U.R.S.S. elle-même furent invités à une conférence tenue à Paris à cet effet. Mais le régime capitaliste stalinien avait déclenché une offensive à boulets rouges contre le projet, forçant la Pologne et la Tchécoslovaquie à revenir sur l'acceptation de principe qu'elles avaient commencé par donner. La Russie ne disposait pas d’une richesse comparable pour damer le pion à l’hégémonie américaine sur la majeure partie de l’Europe. Une longue « guerre froide » succéda à cette concurrence inégale entre blocs rivaux, marquée par une série de guerres locales « interposées ».
Dans la crise mondiale aujourd’hui plus aucun plan Marschall n’est possible, les rivalités qui depuis des décennies s’exprimaient derrière les diverses engeances terroristes affleurent désormais vers des confrontations directes de puissance à puissance. Le plus notable changement de rapport de forces a été celui de la Russie. Un temps affaiblie à la fin de son bloc, elle a su reconstituer un potentiel économique et militaire qui lui permet de refuser toute vassalité face à l’impérialisme américain. Economiquement, mais pas encore militairement, la Chine peut également hausser le ton.
La conférence de  la énième parlote sur la paix du G 20 qui approchait à grand pas apparaissait une coquille vide pour certains. Derrière les opaques massacres en Syrie entre factions bourgeoises ennemies, Assad aidé par la Russie et ses opposants armés par plusieurs Etats dont la « charitable » et « tolérante » Arabie Saoudite,  les intérêts de la Russie dérangeaient les diplomates « humanitaires » ; l’influence russe est autant commerciale que géopolitique (présence en méditerranée), et comme producteur gazier (chemin stratégique), donc en tant que puissance mondiale. Ne pas s’impliquer pour la Syrie et surtout l’Iran signifierait pour la bourgeoisie russe baisser casaque. La Turquie issue de l’Empire Ottoman fût jadis dénommée « l’homme malade de l’Europe », les Etats-Unis semblent bien pouvoir être affublé du même qualificatif pour le monde et surtout la Méditerranée. Le missile israélo-américain n’est pas une bavure mais un avertissement indirect que la Russie a perçu comme tel.

L’HOMME MALADE DE LA MEDITERRANEE

Il est des moments où même de chevronnés marxistes n’y pigent plus rien, comme Marx en 1853[1] face à la « détestable question orientale ». Les tergiversations d’Obama illustrent mieux que tous les autres conflits limités des vingt dernières années la décadence de l’impérialisme américain, comparable à celle (plus longue) de l’empire Ottoman. La décadence ottomane commença au 18e siècle pour finir au début du XXème, perdant progressivement son contrôle sur la mer noire puis en Méditerranée. La guerre de Crimée avait révélé la faiblesse financière de l’empire Ottoman, comme la guerre qui vient va révéler  désormais la faiblesse géopolitique de l’impérialisme américain. On a oublié que le déclin du « bloc ottoman » débouche sur 1914, la Première boucherie mondiale… Le parti Jeunes Turcs s’alliant avec l’Empire allemand…
La formation de deux blocs  caractéristiques au mitan du XXe siècle s’explique en partie par l’arme nucléaire que les États-Unis possèdent, mais pas l’URSS (qui ne la détiendra qu’en 1949). Chaque État secondaire est obligé de se ranger sous la protection de l’une ou l’autre des superpuissances : c’est le « parapluie nucléaire ». Le ralliement des États se fait par une série de pactes d’allégeance. Un bloc se définissait au XXe siècle comme un ensemble de pays sous le parapluie nucléaire d’une superpuissance. Le critère peut rester le même au XXIème siècle, même si la configuration peut être plutôt du type des alliances avant 1914 et avant 1939, comprenant trois voire quatre grands blocs, mais supposant toujours au bout du compte une confrontation en deux parties ; le drame syrien donnant une idée de ce que pourrait être une confrontation contemporaine : d’un côté Etats-Unis et une partie de l’Europe, de l’autre une dominante russe, appuyée par l’Allemagne et la Chine…
Après la Seconde Guerre mondiale que la domination des puissances coloniales - Grande-Bretagne et France - s'est progressivement éteinte au profit des États-Unis, désireux d'assurer leur approvisionnement pétrolier et de contrer l'impérialisme russe. À plusieurs reprises, l’Etat américain a su intervenir pour imposer sa « Pax americana ». Mais la fin du bloc stalinien et surtout la montée en puissance de la Chine, qui a déplacé le centre de gravité de l'économie mondiale en Asie, ont contraint l'administration américaine à s'adapter, en se focalisant notamment sur le Pacifique et l'Asie. Les réticences à s'engager en Libye, le refus d'agir en Syrie, le service minimum fait en Égypte - malgré une aide substantielle apportée à l'armée -, le soutien sans faille à Israël, tout cela illustre l’impossibilité américaine de se battre sur plusieurs fronts. Contrairement aux analyses du journal de droite patronale ‘Les Echos’, Washington ne souhaite pas volontairement se désengager mais espérait une plus grande coopération des Etats européens quand seule la bourgeoisie française avec Hollande a répondu présent. Les tergiversations, pour « gagner du temps » jusqu’au G20 de Saint Pétersbourg, d’Obama ont reflété ce malaise plus que toutes les finasseries démocratiques et diplomatiques qui lui sont prêtées. La temporisation d’Obama révèle de plus l’échec complet de sa politique d’ouverture aux castes islamiques (cf. son fameux discours du Caire), qui l’a conduit à encourager le pronunciamento des généraux égyptiens[2]. Globalement, même si la canaille politique parlementaire de pays comme l’Angleterre se désolidarise du projet de « punition d’Assad », l’intervention américano-française est rejetée par la plupart des « opinions publiques », ou, pour le dire dans notre bon vieux langage marxiste, les ombres théoriques du prolétariat, échaudées par les aventures afghanes, irakiennes et libyennes, n’attendent rien de la justice hypocrite des principaux « contrôleurs » du monde contre le nouveau méchant n°1 Assad. La France bourgeoise, avec son nain Hollande, veut rejouer la partition du Mali dans sa prétention à couver encore ses anciennes chasses gardées, mais n’en a visiblement pas les moyens seule.
De plus, le prolétariat, et son ombre le marxisme enfumé, ne sont pas dupes du sermon contre les dépôts d’armes chimiques, bien réelles cette fois-ci contrairement à l’Irak de S.Hussein[3]. Des arsenaux nucléaires, bactériologiques (NBC) et chimiques, il n’y en pas seulement au Moyen-Orient ou chez les méchants dictateurs mais aux Etats-Unis, en France et en Grande-Bretagne !

DERRIERE LA FLATTERIE DES « OPINIONS PUBLIQUES », MATRAQUER LA CONSCIENCE DU PROLETARIAT

La marche à la guerre est certes accélérée par le refroidissement des ardeurs contestataires des populations du croissant arabe, mais on nous donne comme « communiquants » et « explicants » ces cons de spécialistes pour nous enfumer plus encore sur la « nécessité de la guerre humanitaire ». Voici le Mathieu Guidère, professeur de veille stratégique (sic) à l’université Toulouse II (et du terrorisme indib=vidualiste !), lequel prêche « qu’Obama instrumentalise la crise syrienne pour marquer des points en politique intérieure. Avec ce vote du Congrès, il tente d’embarquer les Républicains. C’est bien vu, car si le Congrès s’oppose à l’intervention, Obama avancera que les républicains l’empêchent d’intervenir, et s’il a le feu vert, ils ne pourront pas critiquer sa politique étrangère par la suite.»

La Syrie, un enjeu de politique nationale intérieure ? «Auparavant, il s’agissait d’une question d’humanisme, d’une réaction liée au non-respect du droit international. Aujourd’hui c’est devenu un enjeu de politique nationale», explique le « spé »Mathieu Guidère. Et il ne nous dit pas POURQUOI TOUT CE CIRQUE ? Des canailles parlementaires auxquels on cire les pompes alors que tout chef d’Etat peut déclarer la guerre de son propre… chef sans consultations des vulgaires « chambres d’enregistrement bourgeoises » ! Mais nous le disons ici : PARCE QU’IL FAUT EMBRIGADER LA POPULATION ET SURTOUT LE PROLETARIAT ! Oh pas l’embrigader encore comme en 14 ou en 39, mais moralement et sans bobos ; Hollande a promis qu’il n’y aurait pas de troupes au sol… en bateau peut-être et dans les airs c’est sûr? Les canailles parlementaires démocrassouilles qui jouent les vierges effarouchées pour mieux jouer les faiseuses d’opinion, pour faire croire que les Parle-ments ne seraient plus composés de béni-oui-oui bourgeois et finir tricoteuses de guerre ! Guidère est un crétin comme l’autre prof de sciences Po Filiu qui lui se pourlèche les babines en peaufinant sa compil sur la Syrie à mesure que la fin (sanguinolente et étouffante) approche, avec en vue de juteuses retombées éditoriales pour cet ami des opposants islamistes au dictateur syrien.


Malgré tous les ronds de jambe des protagonistes, malgré la dénonciation des impotents pacifistes, l’intervention punitive aura lieu. Nous analyserons ensuite ses conséquences dans l’accélération ou pas de la constitution de nouveaux blocs impérialistes en vue d’une évitable guerre mondiale (chimique, bactériologique et nucléaire... sans troupes au sol!).

Ci-contre la carte des deux prochains blocs....





 SECRET DÉFENSE – La CIA a aidé Saddam Hussein à gazer les troupes iraniennes
La CIA a aidé Saddam Hussein à mener des attaques chimiques contre l'Iran en 1988. C'est ce qu’affirme Foreign Policy, documents déclassifiés et témoignages de hauts-gradés américains à l'appui.
Des rapports jusqu'à présent secrets, qui prouvent que, dès 1984, les renseignements américains savaient que leur allié officieux de l'époque, l'Irak de Saddam Hussein, en guerre contre l'Iran de 1980 à 1988, détenait un stock d'armes chimiques, composé de gaz moutarde et de sarin. Deux substances létales, dont l'usage est interdit par le protocole de Genève, ignoré par l'Irak, mais ratifié par les Etats-Unis dès 1975.
"Les Irakiens ne nous ont jamais dit qu'ils comptaient utiliser des gaz neurotoxiques. Ils n'en avaient pas besoin. Nous le savions déjà", a confié à Foreign Policy le colonel retraité Rick Francona, spécialiste du Moyen-Orient pour les renseignements américains.
Les Etats-Unis ont ainsi fourni des informations sur les mouvements des troupes iraniennes nécessaires aux frappes, sans ignorer que l'Irak possédait un tel arsenal et avait toutes les chances de l'utiliser, révèle Foreign Policy.
Lorsqu'en 1987 les renseignements américains apprennent que les Iraniens ont découvert un trou béant dans la défense irakienne près de Bassorah et qu'ils s'apprêtent à lancer l'offensive, la situation bascule. Selon les estimations américaines, si cette ville tombe aux mains des Iraniens, ces derniers seraient en passe de remporter la guerre.
Selon Rick Francona, le rapport des renseignements est remis à Ronald Reagan, alors président des Etats-Unis. Après lecture, ce dernier annote le document laconiquement : "Une victoire de l'Iran est inacceptable."
La note est transmise au secrétaire de la défense américain de l'époque, qui fait suivre les consignes. A partir de 1988, l'agence du renseignement de la défense est autorisée à fournir aux Irakiens les informations dont les Etats-Unis disposent sur les déploiements et mouvements ennemis.
En 1988, quatre attaques chimiques irakiennes ont été menées contre les Iraniens. Des assauts décisifs, qui causèrent des milliers de morts au sein des troupes ennemies.
La dernière des quatre attaques menées par Saddam Hussein, en avril 1988, a déployé dans les airs la plus grande quantité de sarin jamais utilisé par les Irakiens. "Pendant un quart de siècle, aucune attaque chimique n'a égalé l'ampleur des assauts illégaux de Saddam Hussein", souligne Foreign Policy.
Ces révélations interviennent alors que Bachar Al-Assad est accusé d'utiliser du sarin à Damas. Des attaques chimiques contre lesquelles les Etats-Unis, vingt ans après leur participation au gazage des troupes iraniennes, accentuent les préparatifs en vue d'une riposte.



[1] Il écrivait ceci à Engels : « Il me faut nécessairement écrire maintenant un article assez long sur la « haute politique ». Il me faut donc aborder la « détestable question orientale »… Qu’adviendra-t-il de l’empire turc ? Pour moi c’est de l’hébreu ». Sur la Syrie actuelle, le CCI en est réduit à publier un article de sympathisant sur l’hypocrisie concernant les armes chimiques, très bien mais quelle est la position du « comité central » de la secte sur la SITUATION ?
[2] Le pronunciamiento se distingue des autres types d'interventions militaires, en particulier d'un coup d'État (ou putsch) conventionnel, par son caractère pacifique : il consiste en une démonstration de force sans recherche d'affrontement. Le fait qu'il commence par une déclaration publique l'en différencie fondamentalement, les coups d'État étant généralement préparés de façon furtive et ses auteurs comptant sur un effet de surprise pour s'emparer du pouvoir. Dans un pronunciamiento au contraire, les militaires ne visent pas à prendre le pouvoir eux-mêmes mais uniquement à provoquer une alternance politique (bien que certains d'entre eux soient parfois également des personnalités politiques). Il se dirige contre le gouvernement en place, quelquefois plus précisément contre un intermédiaire (le premier ministre ou même parfois le roi) mais ne recherche a priori ni la mort ni de combat contre celui-ci (belle définition de wikipédia).

[3] Lire : Quand « notre » ami Saddam gazait ses Kurdes par Kendal Nezan, Le Monde  de mars 1998 : « La recherche des armes chimiques et bactériologiques irakiennes a été au coeur de la récente crise du Golfe. Le refus de Bagdad de laisser les experts des Nations unies inspecter les sites présidentiels, où elles seraient dissimulées, devait justifier la nouvelle campagne de bombardements. Les temps changent. Il y a dix ans, le gazage systématique des populations kurdes du Nord de l’Irak avait nettement moins ému les Etats- Unis. Six mois après le martyre de la ville de Halabja, la Maison Blanche devait même accorder 1 milliard de dollars de crédits supplémentaires à M. Saddam Hussein. A l’époque, il est vrai, le futur « nouvel Hitler » était encore l’allié de l’Occident contre la Révolution islamique d’Iran... (…)Le spectacle qu’ils découvrent le lendemain est épouvantable : des rues jonchées de cadavres, des gens frappés par la mort chimique au milieu des gestes ordinaires de leur vie, des bébés tétant encore le sein maternel, des enfants tenus par la main par leur père ou leur mère immobilisés, comme dans un instantané, pétrifiés sur place. En quelques heures, il y a eu 5 000 morts, dont 3 200, n’ayant plus de famille, sont enterrés dans une fosse commune ».

dimanche 1 septembre 2013

LES PARTIS POLITIQUES EN SYRIE (1925)



Par Berger 

Cahiers du Bolchevisme, PREMIERE ANNEE N°27,  organe théorique du Parti Communiste  Français, (S.F.I.C.)
15 septembre 1925
Prix du numéro : 1 fr.
REDACTION ET ADMINISTRATION : 142 Rue Montmartre, PARIS
……..
En fouinant dans mon fonds d’archives, qui comporte plusieurs numéros des Cahiers du Bolchevisme, je suis tombé sur cet article assez exemplaire d’un effort de documentation du point de vue du combat politique prolétarien, sans prendre les lecteurs pour des imbéciles. Elles semblent loin les années 1920, et pourtant ce qui est décrit apparaît si proche de la réalité actuelle, tortueuse, opaque, avec d’autres compétiteurs en lice qui ont remplacé les anciens colonialistes (encore présents pourtant) ; mêmes rivalités communautaristes et religieuses, même inexistence d’organisations du prolétariat, pas aussi sanglant… Le PCF de 1925 était de plus en plus opportuniste, mais son organe théorique bien avant de sombrer sous le nom infâme de Cahiers « Maurice Thorez », contient bien des pépites, que je vous révèlerai… au compte-goutte en fonction de l’actu.

JLR
Le dessin du journal satirique "Le Rire"(1894-1950...) moque le sanguinaire Sultan Abdul Hamid sous la dictature duquel ont été massacrés par dizaines de milliers les Arméniens mais aussi des populations arabes qui subissaient le joug et la terreur de l'Empire Ottoman.
………


 Différent en cela des pays qui lui sont attenants au Sud et à l’Est, la Syrie, dont le mandat est actuellement dans les mains de Français, se trouve à un niveau relativement élevé de culture politique. Les débuts du mouvement national syriaque se rapportent à 1860, date à laquelle l’un des notables de Syrie, Bustros Oslami, fonda le premier journal politique, intitulé : Nphi Souria (La Flûte Syriaque). Ce n’est que quarante cinq ans plus tard que le mouvement politique prit une extension  vraiment sérieuse. Le despotisme d’Abdul Hamid, qui opprimait cruellement le peuple syriaque, qui entravait le développement économique de la Syrie et qui livrait les habitants , privés de tous leurs droits, à l’arbitraire effréné des pachas, incita les intellectuels syriaques à participer activement au mouvement émancipateur qui s’allumait à l’époque dans toute la Turquie. Les révolutionnaires venus de l’Egypte, fuyant les féroces persécutions des autorités turques, lançaient au peuple de Syrie des appels éloquents où étaient peints les tourments subis par le peuple, le joug sous lequel il gémissait et les possibilités du renversement du sultan :
« Musulmans ! La tyrannie est le plus affreux des péchés, il faut que les fidèles y mettent fin. Et vous, qui n’êtes point musulmans, oubliez les discordes passées : vous avez la science, il faut qu’elle vous aide à rétablir l’unité… réunissons-nous autour du mot d’ordre : Vive la Nation ! Vive la Patrie ! Nous voulons vivre libres et fiers ! »
Telle est la conclusion de l’appel lancé en 1866 par Alouakeli, chef de l’organisation clandestine égyptienne. Cette appel nous montre les particularités essentielles des conditions politiques de la Syrie ; elles ont permis aux Tucs de dominer la Syrie pendant des siècles, c’est elles encore qui sont de nos jours à la base de la domination française. C’est l’existence d’une profonde mésentente entre deux religions qui ont déchiré la population de Syrie en deux camps hostiles, grâce à l’activité séculaire de l’Iman et des prêtres catholiques. Il ne s’agit pas seulement de l’hostilité professée par une majorité musulmane, se trouvant à un niveau inférieur de développement économique et culturel, à l’égard d’une minorité chrétienne «économiquement et culturellement supérieure ; non, nous assistons ici à des rivalités, des intrigues, des chicanes auxquelles sont mêlées pour le moins 27 religions et sectes constamment à couteaux tirés, sur un petit territoire, et constamment en train d’exciter l’un contre l’autre les divers éléments de la population, ce qui entraine sans cesse des désordres politiques, des querelles, des excès, des troubles[1]. Si, maintenant encore, selon l’affirmation d’un homme politique de Syrie, il est impossible d’éclaircir la question des partis syriens sans parler de questions confessionnelles, cela est d’autant plus vrai pour ce qu’il en était, il y a une vingtaine d’années. Toutefois la révolution jeune-turque de 1908 a permis à divers comités et groupes de s’unifier, ne fût-ce que pour un temps.
Cette révolution du 24 juillet 1908, qui força Abdul Hamid à proclamer la Constitution, élaborée dès 1876, mais qui, à l’époque, avait été mise au rancart, fut également pour la Syrie un signal de révolte. La Constitution provoqua partout une allégresse sans exemple : « On se félicitait de la victoire si facilement obtenue ; on oubliait les souffrances passées. Musulmans, chrétiens et juifs s’embrassaient avec effusion. Dans les villes, on voyait les femmes débarrassées de leurs voiles participer à la joie des foules de manifestants » (La Syrie, livre du docteur Georges Somais, Paris, 1921, p.56). Les exilés revinrent en Syrie et prirent une part active à la formation du Gouvernement révolutionnaire. Dès les premières élections générales, la Syrie envoya au Parlement des délégués nationalistes dont le mandat était d’exiger la réforme radicale de l’Empire Ottoman et l’octroi de l’indépendance la plus large à certaines de ses parties.
Mais cette unanimité fut éphémère. Après la Révolution de 1908, si facilement triomphatrice, Abdul Hamid fît en avril 1909 une tentative contre-révolutionnaire qui échoua après une lutte brève, grâce à l’énergique intervention d’Enver bey, le chef du parti jeune-turc. Le nouveau gouvernement jeune-turc était nettement nationaliste ; la bourgeoisie turque, héritière d’un féodalisme pourri du sommet à la base, espérait encore pouvoir sauver et maintenir la plus grande partie de l’Empire Ottoman. Au lieu de l’émancipation nationale espérée par les nationalistes arabes qui avaient soutenu les Turcs dans leur lutte contre le sultanat, les capitalistes turcs voulurent assimiler par la violence les provinces arabes.

La langue turque fut la seule admise officiellement, les fonctionnaires arabes furent autant que possible remplacés par des fonctionnaires turcs et l’armée fut réformée de façon que les paysans et les prolétaires arabes (seuls mobilisés, vu la pratique du remplacement) pussent être envoyés loin de leur pays natal. Les impôts, et en tout premier lieu l’aschar, impôt agricole, particulièrement lourd pour la paysannerie, furent perçus encore plus impitoyablement que jadis et sensiblement majorés.
Cette politique oppressive provoqua un nouveau réveil de l’action libératrice syrienne ; ce mouvement fut réduit par tous les moyens. Un « Comité de Réforme », constitué dans la période où le premier cabinet révolutionnaire, celui de Khiamal pacha, était au pouvoir, et qui avait pour objet de défendre les revendications de la Syrie, fut dissous sans autre forme de procès, au début de 1913. Le télégramme de protestation envoyé à ce sujet au grand-vizir par 1.300 personnalités syriennes reçut une réponse laconique, dans laquelle il était fait usage  des expressions suivantes, bien caractéristiques :
« … Le Gouvernement a déjà publié la liste des réformes qu’il croit possible d’octroyer. Nous vous invitons à mettre en garde la population en lui faisant savoir que quiconque se laisserait entrainer à des manifestations séditieuses sera traduit devant un Tribunal militaire qui prononce sentence dans un délai de deux heures. Les autorités militaires ont reçu à cet effet des instructions strictes » (Correspondances d’Orient, 16 mai 1913).
La révolution bourgeoise, qui combinait en Turquie des aspirations capitalistes nouvelles avec les méthodes mêmes dont s’était servi l’ex-pacha, ne tarda pas à perdre tout crédit parmi les masses. Sous la pression des nationalistes turcs, deux grands courants politiques se cristallisèrent bientôt qui, par la suite, devaient servir de base à deux grands partis : d’un côté les Arabes mahométans, qui estimaient être une fraction de la grande nation arabe et qui habitaient toute la région méridionale de l’Empire Ottoman : le littoral de la Méditerranée (Syrie et Palestine), la Péninsule Arabique, la Région du Tigre et de l’Euphrate (Irak) jusqu’à la frontière persane ; ces Arabes mahométans opposaient à l’expansion turque l’idée de l’indépendance des Etats arabes (c'est-à-dire mahométans). Quant aux chrétiens habitant la Syrie, ils se trouvaient sous l’influence de la mission française, qui depuis longtemps déjà se préparait un terrain parmi eux, et ils étaient orientés sur l’Europe, ou, pour mieux dire, sur la France. Pour centre politique, le mouvement pan-arabe avait Damas pour centre spirituel, la Mecque, où résidait Hachmid-Hussein, descendant du prophète, instigateur du mouvement, qui briguait la royauté et le califat.

La déclaration déposée « en leur propre nom et au nom des pays dont ils étaient les représentants » par les 35 parlementaires arabes, faisait de Hussein « le chef religieux de tous les pays arabes ».
Le mouvement francophile prit d’autres formes : il arbora le pavillon de l’indépendance des diverses régions habitées par des chrétiens. Ainsi surgit le mouvement en faveur de l’indépendance du Liban et le « Parti national libanais », avec, pour centre, Beyrouth, mais pour moteurs principaux les Comités étrangers créés à Paris, New York et Sao-Paulo (en effet, grâce à l’importante émigration libanaise, de fortes colonies de Libanais, restés en rapports étroits avec leur pays, se formaient dans les deux Amétiques). Le parti national obéissait aux directives des Français qui le subventionnaient. Il n’avait de commun avec le mouvement national arabe qu’une haine égale pour la Turquie.
Lorsqu’éclata la guerre, ces partis estimèrent que le moment d’agir était venu. Les Comités firent preuve d’une activité fébrile, l’un et l’autre camp s’orientant sur l’Entente, Hussein négocia avec les Anglais, les Libanais appelaient les Français. Dès le début de la guerre, Syriens et Libanais se mirent sous la protection française, et on les vit en grand nombre s’engager dans les armées de leur protectrice.
Les Turcs persécutèrent avec une égale rigueur aussi bien les Arabes, disposés à se contenter d’une autonomie restreinte dans le cadre de l’Empire Ottoman, que les chrétiens amis des Français. En septembre 1915, onze nationalistes notoires furent exécutés à Beyrouth ; en avril 1916, vingt nationalistes furent condamnés à mort à Damas, et quelques-uns pendus ; mêmes exécutions à Jaffa, Jérusalem et Nabussah. Des milliers d’incarcérations et d’extraditions, des vexations sans nombre : on mettait le feu à des villages entiers, on bâtonnait les habitants. Les généraux turcs, énergiquement soutenus par les Allemands, essayaient de résoudre la question syrienne aussi « radicalement » que l’arménienne et la grecque. Les militants du mouvement libérateur arabe surent dignement mourir pour leur idéal. Au pied de la potence, ils criaient, soit « Vive l’Arabie indépendante ! soit « Vive la France ! ». Les Turcs ne s’arrêtèrent pas devant la dernière sanction, la plus terrible : ils essayèrent de prendre par la famine les régions révoltées. La cessation du ravitaillement de ces régions les transforma bientôt en de véritables cimetières. Après deux ans, la population de la Syrie avait diminué de près d’un tiers. Les soldats français y trouvèrent un peuple mourant de faim. Les habitants les accueillirent en libérateurs.
En effet, beaucoup d’entre eux pensaient que les Alliés, à l’adresse desquels ils avaient entendu tant de louanges proclamées par les chefs révolutionnaires, apportaient avec eux la liberté. C’est que les chefs s’étaient laissé duper par les promesses solennelles des Français et des Anglais, et puis bon nombre de leaders libanais étaient tout simplement achetés par le gouvernement français.

Les partis attendirent que les Alliés tinssent leur promesse. Les nationalistes arabes excipaient le traité passé par l’Angleterre avec Hussein en 1915 ; le Comité libanais soumettait en février 1919, au Conseil des Dix, les revendications suivantes :
1° Indépendance du Liban ;
2° Reconstitution de ses frontières historiques et naturelles ;
3° Concours amical de la France.
Les deux partis présentaient de volumineux memorandums, rédigeaient des résolutions protestataires et organisaient des manifestations ; ils envoyaient délégation sur délégation aux conférences ; en fin de compte le parti national arabe se décida, non sans être soutenu par les Anglais, à faire une démarche révolutionnaire.
Les puissances signataires des traités de Versailles et de Sèvres furent placées devant le fait accompli : le couronnement et l’avènement au trône arabe, à Damas, de Feyçal, fils cadet de Hussein. Mais, au dernier moment, l’Angleterre refusa à Feyçal le concours qu’elle lui avait promis. La royauté arabe essuya un fiasco pitoyable, et l’arbitraire illimité des « libérateurs français » sévit dans toute sa force.
Les méthodes des nouveaux dominateurs ne différaient que fort peu de celles d’Abdul Hamid et de Djémal pacha, qui, comme on sait, joua pendant la guerre un rôle de bourreau. Prison, déportations, privation des droits civiques, sévère censure, strict contrôle policier et militaire, toute cette machine oppressive força le parti national arabe à rentrer sous terre et lui fit perdre le gros de son influence, encore importante en 1920.
Seuls, les partis francophiles jouissaient de la protection et du concours des occupants, car ils étaient, en Syrie, les avant-postes de la France et servaient de paravent à cette dernière[2]. Les représentants de ces partis occupèrent toutes les fonctions publiques et gouvernementales, commandèrent la milice, etc. Les notables, c'est-à-dire les gros propriétaires, les gros négociants, etc., qui, dans le temps, savaient seuls trouver un langage commun avec les Turcs , s’entendirent fort bien avec les Français, car ceux-ci ne songeaient nullement à restreindre leurs opérations et à léser leur bien-être. Les notables surent se rendre utiles aux occupants ; c’est ainsi qu’ils étaient prêts, le cas échéant, à jouer devant les généraux français le rôle convenu de représentants du peuple, exactement comme jadis devant les pachas turcs.
Le mouvement légal, c'est-à-dire francophile, se rallie autour de plusieurs partis dont les opinions diffèrent dans les questions suivantes :

Attitude à l’égard du mandat français : il faut remarquer que tous les partis officiels reconnaissent en principe le mandat français que récusent seuls les nationalistes arabes, pour la plupart anciens membres du « Parti National Arabe », des musulmans, que l’on appelle « extrémistes » et « fanatiques », mais qui représentent les trois quart de la population.
Parmi les partis officiels, il y en a qui sont opposants, c'est-à-dire qu’ils critiquent le mode actuel de mise en pratique du mandat : ils exigent des réformes économiques, une réforme agraire, une diminution du corps expéditionnaire français. Près de la moitié des journaux arabes qui paraissent à Beyrouth appartiennent à cette manière « d’opposition ». Les principaux de ces organes sont : Al-Abrar, Ray-el-thoui[3]et le grand journal Alifba, paraissant à Damas.
Les autres souscrivent aveuglément à tout ce que fait le gouvernement mandataire ; leurs journaux sont : la Syrie, l’Orient, le Réveil, paraissant en langue française, et l’Elborg, en langue arabe. On retrouve ces deux mêmes tendances dans les Parlements des divers Etats syriens. Ne représentant aucunement le peuple, tel et tel parti n’a de succès aux élections que grâce au Gouvernement français, qui a confiance en lui et de qui il a su se faire bien voir, en se servant pour cela, en premier lieu, des calotins, tout-puissants en Syrie ;
Position à l’égard des questions administratives et surtout celle de l’unité de la Syrie. Les uns d’entre ces partis sont les protagonistes d’une autonomie maximum de chaque région ; les autres aspirent à la création d’une Syrie indivise additionnée, au Sud, de la Palestine, au Nord, de la Silicie. Les tentatives séparatistes sont particulièrement vives au Liban, qui jouissait déjà d’une certaine autonomie sous la domination turque. Les uns veulent que soit fondé un « Grand Liban », Etat indépendant, allié de la grande France ; les autres estiment que ce grand Liban n’est qu’un subterfuge français pour s’avancer dans l’Orient méditerranéen et compléter ainsi les possessions françaises de l’Afrique du Nord (Paul Pich : la Syrie et la Palestine, Paris 1924) ;
Enfin, les partis diffèrent quant aux idées politiques qu’ils défendent et qu’ils veulent réaliser.
En premier lieu, il faut signaler les royalistes. C’est un groupe de notables qui s’intitulent « Parti National Libanais » et qui voient une solution de la question syrienne dans l’élection d’un roi, monarque constitutionnel. La dignité royale, bien entendu, serait héréditaire. La couronne serait donnée à un représentant de la dynastie des Orléans, qui depuis plusieurs siècles déjà ne trouve pas à se placer en France et qui est prêt à prendre la nationalité libanaise, pourvu qu’il y ait au Liban un peuple à pressurer. Ce parti est d’ailleurs très faible.
Il y a un autre parti qui veut proclamer la République Libanaise sous le protectorat français.
L’idéal d’un troisième groupe est un système de self-gouvernement municipal, une espèce de démocratie communale.
Il y a, enfin, des politiciens qui prennent le nom de socialistes et même d’ « extrémistes ». Ils rappellent la bourgeoisie libérale qui prospérait en Europe, il y a quelques décades. Ils combattent la gentilhommerie et l’aristocratie, préconisent l’égalité devant la loi, des possédants et des non-possédants, défendent l’impôt progressif et, au contraire des chefs des autres partis, sont des libre-penseurs, des athées, des francs-maçons. Il leur arrive de critiquer le Gouvernement, de se lamenter sur les souffrances du malheureux peuple ; mais il ne leur arrive jamais de se bouger le bout du doigt pour organiser un parti ouvrier ou même, ne serait-ce qu’un parti populaire.
Tels sont les partis existant en Syrie. Ils sont tous composés des représentants des propriétaires féodaux, des capitalistes, de la petite bourgeoisie, enfin, dont la position est très précaire. Quant aux paysans et aux prolétaires, qui subissent des violences affreuses, ils ne possèdent pas de partis politiques, ils n’ont pas de journaux.

Un essai a été fait, en vérité, pour créer des partis ouvriers. Le 11 mai 1907, à Beyrouth, sous Abdul Hamid, une manifestation socialiste se déroula assez paisiblement, d’après le témoignage du Dr Georges Somais, dans son livre La Syrie ; le Gouvernement n’osa pas attaquer les manifestants, qui jouissaient des sympathies de l’opinion publique. Avant et après la guerre, de nombreuses tentatives ont été faites pour organiser un parti ouvrier, mais elles ont toutes échoué par suite de l’insuffisance des ressources et par suite des obstacles sans nombre soulevés soit par le Gouvernement, soit par les autres partis.
Cela n’empêche pas que les semences du communisme aient été apportées en Syrie. Parmi les intellectuels qui ont fait leurs études en France et qui s’y sont trouvés en contact avec les communistes français, il y a des hommes qui voient clairement le fond de la politique rapace et exploiteuse du Gouvernement actuel et qui ne peuvent être satisfaits par aucun des partis existants.
Les partis francophiles puisent ouvertement à la caisse française. Le Gouvernement de la République favorise la création de groupes et de partis sans cesse multipliés et qui lui sont avantageux par ce qu’ils empêchent que l’un de ces partis devienne assez puissant pour le gêner. Les subsides, qui au commencement étaient versés directement par le haut commissaire, sont maintenant remis aux destinataires par les ordres religieux, jésuites ou capucins. Le Gouvernement gratifie de sa bienveillance le socialisme petit bourgeois, et quelques-uns des journaux « socialistes » se voient même accorder des allocations. En effet, leurs tirades humanitaires et égalitaires détournent on ne peut mieux l’attention des masses populaires des causes véritables de leurs infortunes et les maintient dans la loyauté. (Le rédacteur de l’un de ces journaux, après avoir maintes fois proclamé son « socialisme » et même son « bolchevisme », bien que modéré, ne disait-il pas dernièrement qu’on ne peut refuser au Gouvernement de la « bonne volonté ».
Beaucoup de partis hostiles à la France vivent aux crochets d’autres gouvernements, surtout de l’Angleterre ; du reste, ils ne vont pas plus loin que le pan-arabisme, qui revient à la domination de l’aristocratie indigène dans l’état arabe.
Outre l’absence d’un parti arabe vraiment national, l’indifférence professée par l’opinion publique européenne de toutes nuances à l’égard de la question syrienne ou son hostilité vis-à-vis de toutes les solutions de ce problème qui ne sont pas celles actuellement appliquées, font que les intellectuels de Syrie se rapprochent du communisme. « Nous nous sommes adressés déjà à tous les partis de l’opposition en leur demandant de donner place dans les colonnes de leurs journaux à des articles expliquant l’exacte situation de la Syrie, dit l’un des chefs nationalistes, et ils ont tous refusé de le faire, sauf le Parti communiste, qui les publia dans l’Humanité ». Les noms de Cachin et Berthon sont très populaires en Syrie.
Cette idée communiste que l’ouvrier et le paysan de Syrie doivent eux-mêmes prendre en mains leur destin et que, seuls les prolétaires et les paysans unis peuvent arriver à affranchir le peuple syrien, cette idée a pris profondément racine parmi les opprimés : on peut s’en rendre compte d’après la campagne de calomnies dont le bolchevisme fait l’objet dans la presse. Cette campagne est loin d’être intelligente et adroite. Elle fait usage de mensonges ridicules et qui n’ont plus cours en Europe, elle se contredit à tout bout de champ et ses ineptes élucubrations n’arrivent qu’à un seul résultat : celui de mettre à nu la peur croissante éprouvée devant le flux de sympathie populaire à l’égard du communisme.
Tous les adeptes du mouvement d’émancipation national et de la révolution sociale du prolétariat prévoient la prochaine formation, en Syrie, d’un Parti communiste appelé à conduire les masses dans la lutte pour la liberté.




[1] Le petit tableau ci-contre donne une idée des principales religions de Syrie, sans mentionner les sectes moins importantes et sans indiquer le nombre exact des adeptes :
MUSULMANS
Sunnites : 1.500.000
Shiites :       100.000
Nosairites : 350.000
Druzes      :   85.000
Izmaélites :  25.000
Sectes moins importantes : 40.000
En tout : 2.100.000

CHRETIENS
Minorites : 300.000
Orthodoxes : 225.000
Melchites : 90.000
Grégoriens : 35.000
Catholiques : 20.000
Sectes moins importantes : 30.000
En tout : 700.000
Ces données sont empruntées aux dossiers du haut commissaire français et se rapportent à 1922.
[2] Dès le 25 août 1924, au cours d’une discussion à la Chambre au sujet de la ratification du traité de Lausanne, le président de la Commission gouvernementale, mis au pied du mur par les communistes, rapporta le témoignage d’un indigène de la Syrie pour confirmer les belles choses qu’il disait sur les bienfaits des Français en Syrie : « savez-vous qui est celui qui a le plus contribué à l’entrée des Français en Syrie ? Le beau poète Chécri-Gaouem, si populaires parmi  les Arabes et dont le frère a été exécuté par les Turcs. Il y a quelques jours, je l’ai rencontré ; nous nous sommes entretenus des réformes qu’il est indispensable d’apporter au mandat. Il s’est confondu en remerciements chaleureux à l’adresse de notre pays qui a affranchi le sein du joug criminel sous lequel il a gémi des siècles durant ».
[3] La presse politique a commencé à se développer pendant la révolution turque et a pris une grande extension après la guerre. A Beyrouth, où il n’y a que 150.000 habitants, paraissent 15 journaux quotidiens (dont 3 en français) et de 20 à 25 éditions périodiques. Damas possède 7 quotidiens ; presque dans chaque ville de Syrie paraissent un ou plusieurs périodiques. En ce sens, la Syrie a devancé la culture égyptienne.