PAGES PROLETARIENNES

jeudi 7 juillet 2011

TERREUR ET DEMOCRATIE De Hegel au jeune Marx






Par Lucien Calvié

Pourquoi publier ici ce passionnant extrait de Lucien Calvié (repiqué sur le site mine d’or Persée) et non pas sur mon deuxième blog « archiveur » Archives maximalistes ? Parce que l’actualité politique bourgeoise est minable et me fait chier, parce qu'il me prend des envies de "terreur rouge" face aux tueries en Libye et Syrie, sous l'oeil complice des dominants impérialistes, enfin parce que les vacances sont propices à la lecture. Parce qu’au quotidien, l’historien – il est prof à l’université du Mirail à Toulouse, nous permet de prendre du champ nous éloignant des petites mesquineries quotidiennes, faisant oublier la personnalisation à outrance de la politique par les nains journalistes et les gnomes politiciens de nos jours. Coup de cœur donc pour ce prof-auteur – qui donne de la hauteur – et que je n’avais point lu avant d’écrire mes « avatars du terrorisme ». Il se trouve qu’il fait quasi les mêmes réflexions sur la Terreur. Comme quoi les idées ne sont la propriété de personne, quoique les plus essentielles restent un peu trop dispersées à mon goût pour l’heure concernant le corpus théorique du prolétariat révolutionnaire.

Il existe une vision largement répandue des réactions intellectuelles allemandes à la Révolution française : à l’enthousiasme initial de 1789-1790 aurait succédé, de 1792 à1794 – des massacres de septembre à la chute de Robespierre, en passant par la proclamation de la République, l’exécution de Louis XVI et, surtout, la Terreur – une phase de refus moral, de rejet des conséquences pratiques de principes juridiques et politiques pourtant initialement approuvés et même fêtés.

Ce schéma, renforcé en France même, récemment, par l’idée de dérapage de 1793-1794, est en fait assez erroné. Tout d’abord parce que le retournement intellectuel de 1792-1794 ne concerne véritablement qu’un petit nombre d’écrivains et de penseurs, Klopstock par exemple, alors que Goethe et Schiller sont assez réticents dès 1789-1790 ; mais aussi parce que ce schéma laisse de côtés des phénomènes pourtant autrement significatifs : citons la réflexion politique de Kant qui, avant comme après 1789, et jusqu’à l’éclatante réaffirmation du caractère globalement positif de la Révolution française, en 1798 encore, dans « Le Conflit de facultés », recherche autour de la notion de républicanisme un point d’équilibre à la fois théorique et pratique, sans s »émouvoir outre mesure de la violence terroriste de 1793-1794, pas davantage en tout cas que de la violence initiale, de 1789 à 1792 ; mais aussi l’existence d’un « jacobinisme » allemand complexe et multiforme, dont l’activité maximale, après l’expérience mayençaise de 1792-1793, se situe entre 1795 et 1799, c'est-à-dire sous le Directoire ; mais encore la réaction de Fichte, un « jacobin » à sa manière, qui, dans sa « Contribution à la rectification des jugements du public sur la Révolution française », en 1793 - je souligne la date - , défend avec vigueur la Révolution contre ses critiques conservateurs et réactionnaires en Allemagne, en particulier contre l’Ecole hanovrienne autour de Brandes et Rehberg qui, déjà, développait des arguments de type traditionnaliste et historiciste ; et enfin le vaste mouvement intellectuel du premier romantisme politique à la fin des années 1790, avec F.Schlegel et Novalis surtout, qui, loin d’être déçu par la phase terroriste de 1793-1794 – Novalis n’écrit-il pas à F.Schlegel, le premier août 1794 encore, qu’il souhaite « une nuit de la Saint Barthélémy pour le despotisme et ses prisons » ? -, l’est bien plutôt par la dégénérescence thermidorienne et directoriale, avec les guerres de conquête à l’extérieur et le philistinisme bourgeois à l’intérieur.

Mais qu’en est-il de cet important secteur de la vie intellectuelle allemande qui, de Hegel à Marx, constitue certainement l’articulation conceptuelle essentielle entre les révolutions occidentales des XVIIème et XVIIIème siècles (l’anglaise, l’américaine et la française) et les révolutions communistes, ou « marxistes » du XIXème, de 1830 à la Commune, en passant par 1848 ?

Hegel, né en 1770, la même année que Hölderlin et au même moment, ou à peu près, que les premiers romantiques, est le contemporain très exact de l’événement révolutionnaire français : il a dix neuf ans en 1789 et vingt-trois en 1793. En cherchant bien, on trouve dans sa correspondance quelques accents moralisants pour condamner les « robespierrades » et le régime de la Terreur. Mais cela représente bien peu de chose au regard de ce qui, dès la fin des années 1790 et le début du XIXème siècle (avec l’écrit sur le Wurtemberg et celui sur « La Constitution de l’Allemagne ») et jusqu’aux leçons berlinoises sur la philosophie de l’Histoire, professé&es de 1822 à 1831, préoccupe Hegel par-dessus tout : la genèse de l’Etat rationnel moderne, dont la Révolution française, suivie par l’Empire napoléonien, représente une étape essentielle, après la monarchie absolue sous ses diverses modalités, de Richelieu à Frédéric II de Prusse. Hegel n’indique-t-il pas en 1805-1806, dans ses « Cours d’Iéna », que la « tyrannie »de Robespierre est, certes, quelque chose «d’effroyable », mais aussi de « juste » et de « nécessaire » car elle « constitue » et « maintient » l’Etat ? Par où Hegel, d’ailleurs, retrouve, d’une autre façon, le point de vue de Joseph de Maistre en 1797 :

« Qu’on y réfléchisse bien, on verra que le mouvement révolutionnaire une fois établi, la France et la monarchie ne pouvaient être sauvées que par le jacobinisme (…) Nos neveux se consoleront aisément des excès que nous avons vus, et qui auront conservé l’intégrité du plus beau royaume après celui du Ciel ».

En rupture explicite avec le moralisme allemand de son temps, Hegel, dès la fin des années 1790, donc bien avant la célèbre affirmation du réel et du rationnel dans la préface aux « Principes de la philosophie du droit » de 1821, donne pour tâche à la philosophie de « concevoir ce qui est », car « ce qui est, c’est la raison ». Mais, d’un autre côté, sa conception de l’Histoire est idéaliste : l’esprit, c'est-à-dire la liberté, se réalise dans l’Histoire, ou, comme l’écrira plus drôlement son élève Henri Heine : « L’Histoire n’est rien d’autre que la garde-robe de l’esprit humain ».

La représentation hégélienne de la Révolution française est au point de rencontre de ces deux démarches intellectuelles en apparence contradictoires :d’une part, concevoir ce qui est, ou ce qui est advenu, puisque « ce qui est, c’est la raison » ; et d’autre part, affirmer que c’est dans la nécessité historique que se réalise la liberté. La Révolution ne peut donc faire l’objet d’un jugement de valeur, mais seulement d’existence ; mais elle est une étape décisive dans la réalisation de l’esprit et de la liberté. On connait, parce qu’il est très souvent cité, le passage de la fin des « Leçons sur la philosophie de l’Histoire » sur la Révolution française comme « réconciliation du divin avec le monde » et comme « splendide lever de soleil » d’un monde (ou sur un monde) nouveau.

Le sommet de l’adhésion hégélienne au processus révolutionnaire français – jamais vraiment démentie depuis le temps où Hegel, avec ses condisciples Schelling et Hölderlin, plantait un arbre de la liberté au Stift de Tubingue, jusqu’au jour de septembre 1822 où, à sa demande, il rencontra Carnot exilé à Magdebourg, Carnot le régicide, le membre du Comité de salut public, le collaborateur de Robespierre et de Saint-Just – est aussi, par un mouvement fréquent de la dialectique, le point de départ de la critique hégélienne de ce même processus. Ce que Hegel, en effet, reproche à la Révolution, c’est d’être « la main » de la philosophie des Lumières, donc de marcher sur la tête en voulant que l’esprit gouverne le réel historique alors qu’il lui est seulement consubstantiel.

Cette critique du caractère artificiel, car volontariste à l’excès, de la Révolution française se retrouve dans la critique hégélienne de la Terreur. Celle-ci, pour Hegel, du passager fameux de la « Phénoménologie de l’esprit » sur « la liberté absolue et la Terreur » jusqu’aux « Leçons sur la philosophie de l’Histoire », n’est que la pointe extrême du processus révolutionnaire dans son ensemble, dont elle caricature la tare essentielle : croire que la volonté, la raison raisonnante peuvent former le Monde et l’Histoire, alors qu’ils ne peuvent que chercher à les comprendre et s’identifier à leur cours.

De Hegel à Marx, il y a plus d’une génération d’écart : 48 ans exactement, de 1770 à 1818. Marx est le contemporain de la postérité de la Révolution française, et en particulier de la « misère » politique allemande de la première moitié du XIXème siècle, marquée par les échecs répétés des mouvements nationaux et libéraux, voire démocratiques en Allemagne de 1813-1815 à 1848-1849, en passant par le début des années 1830. Il est un « jacobin » allemand post-révolutionnaire sans révolution politique – ou bourgeoise – réussie derrière lui. C’est pourquoi, comme toute une génération d’intellectuels allemands post-hégéliens, du juriste Gans à la Gauche hégélienne dans ses diverses nuances, il est obsédé par la Révolution française comme événement fondateur, mais aussi comme inaccessible objet du désir. D’où sa recherche d’un succédané, d’un dépassement, philosophique et pratique à la fois, de l’impossible révolution politique en terre allemande, sous la forme d’une révolution sociale – ou prolétarienne – dont les courants divers du socialisme et du communisme britanniques et français fournissent certains éléments utilisables.

La critique de la Révolution française développée par le jeune Marx au début des années 1840 – on sait que la plupart des textes de Marx sur la Révolution appartiennent à cette période – n’est pas différente, « dans son principe », de celle formulée par Hegel : la Révolution française est une révolution étroite, partielle, et qui ne concerne que l’entre-deux de la volonté politique, entre les deux vastes domaines complémentaires du philosophique et de l’économico-social. C’est sans doute pourquoi la critique marxienne de la Révolution suit un schéma assez semblable à celui de la critique hégélienne. Le sommet de l’admiration du jeune Marx pour la Révolution est en même temps le point central de sa critique : pour le jeune Marx, la phase robespierriste et terroriste de 1793-1794 représente le triomphe de la volonté politique et de l’idéalisme en politique, le maximum de ce que peut réaliser la révolution bourgeoise, mais aussi un système nécessairement transitoire en raison de la faiblesse du robespierrisme face aux réalités de la société civile : bourgeoisie enrichie et classes populaires. La chute de Robespierre en juillet 1794, c’est, pour Marx, la « vengeance » de la société civile moderne sur un projet politique volontariste et idéaliste dont la Terreur était l’apogée : rendre la nation juste et vertueuse, en partie malgré elle. Et l’on sait que, pour Marx, les guerres napoléoniennes sont la continuation de la Terreur à l’échelle européenne, la Restauration étant dès lors, en 1815, une deuxième « vengeance » de la société civile.

Dans ces conditions, on comprend pourquoi le jeune Marx, suivant d’ailleurs la distinction établie par Benjamin Constant entre la liberté selon les Anciens, politique, collective et héroïque, et la liberté selon les Modernes, civile, individuelle et jouisseuse, indique « La Sainte Famille », en 1845, que la grande erreur de Robespierre et Saint-Just, avec la Terreur, a été de confondre la république moderne avec les républiques antiques (Rome et Sparte) et de vouloir imposer aux citoyens de la première les vertus héroïques et frugales des secondes. Au fond, pour Marx, Robespierre et Saint-Just ont eu le tort de croire qu’il était possible de créer, au besoin par la Terreur, les citoyens vertueux et héroïques d’une république idéale, les petits propriétaires patriotes d’une démocratie égalitaire à la Rousseau.

Or, c’est sur les textes de Rousseau (Du contrat social), mais aussi de Montesquieu (De l’esprit des lois), textes dont on connait l’importance dans la formation et la réflexion de Hegel, que le jeune Marx réfléchit, en prenant d’abondantes notes, lors de son séjour à Kreuznach pendant l’été 1843. Ce qui l’intéresse particulièrement, ce sont les vues des deux penseurs français sur les différents types de pouvoir politique (monarchie, aristocratie et démocratie) et de gouvernement (despotisme et république), sur la notion de volonté générale, mais aussi sur les rapports entre les intérêts économiques et les divers systèmes politiques.

C’est à Kreuznach également que Marx rédige le manuscrit de la « Critique du droit politique hégélien » qui ne sera publié qu’en 1927. Ce manuscrit est un minutieux commentaire critique des paragraphes 216 à 313 des « Principes de la philosophie du droit » de Hegel, ceux précisément, consacrés à l’Etat. A la monarchie constitutionnelle sous la forme assez particulière qu’elle revêt en Prusse, où il n’y a pas à proprement parler de constitution mais seulement une ébauche de représentation des ordres ou Etats (Stände) d’Ancien Régime, mais aussi, plus généralement, à la monarchie constitutionnelle et parlementaire de type britannique ou français, Marx oppose la démocratie comme seule forme acceptable, car véritablement humaine, de l’Etat. Selon lui, la démocratie n’est pas une forme « particulière », parmi d’autres, de l’Etat, opposable sur un pied d’égalité à la monarchie ou à l’aristocratie, mais la forme universellement nécessaire de l’existence des hommes en société, de l’existence politique de l’humanité.

Peu de temps après, à Paris, à la fin 1843 et au début 1844, Marx a conçu le projet jamais réalisé d’écrire une histoire de la Convention et il s’est, à son habitude, largement documenté, en particulier en lisant les « Mémoires » de Levasseur de la Sarthe. Il y a à l’évidence continuité entre sa réflexion de Kreuznach sur la démocratie et ses lectures et projets parisiens sur la Révolution et la Convention. Et c’est peut-être dans cette double réflexion qu’il faut rechercher l’origine des oscillations et des hésitations de Marx, mais aussi, plus tard, de Engels, sur la Terreur, présentée tantôt comme le sommet de l’abstraction et de l’illusion politiques jacobines, ignorantes des réalités socio-économiques, tantôt comme une forme embryonnaire de pouvoir politique véritablement populaire, voire prolétarien, la dictature provisoire du prolétariat envisagée d-s 1845-1846 dans « L’idéologie allemande » n’étant bien sûr pas, dès lors, une forme politique despotique ou tyrannique mais la forme moderne de la dictature salvatrice et vertueuses des anciens Romains.

Ces choses, on le voit, ne sont pas simples, des républiques antiques au projet prolétarien, en passant par la Terreur et les diverses formes de monarchie constitutionnelle. Il n’est donc pas aisé de conclure. Avançons seulement que Marx, comme Hegel avant lui, pense la Terreur, de façon assez paradoxale, à la fois comme le point culminant de la « pratique » révolutionnaire française et comme le sommet de « l’abstraction » politique, de l’illusion jacobine. Dans la réflexion de l’un et de l’autre, me semble également notable l’absence à peu près complète de jugement moral, de cris effarouchés sur tout ce qu’on a souvent appelé les « excès » et les « horreurs » de la Terreur. Ce que l’on ressent surtout, à la lecture de leurs textes, par-delà leurs évidentes différences, c’est une commune perception de la nécessité historique : les choses étant advenues, il ne s’agit pas de juger ni de condamner les acteurs du drame, mais de décrire et, si possible, de comprendre le processus historique, c'est-à-dire, précisément, d’en concevoir la nécessité.

Mais ici la réflexion des deux penseurs allemands rencontre un courant important de l’historiographie du XIXème siècle français, celui que l’on a parfois appelé à la suite de Chateaubriand « l’école fataliste », ce courant qui, avec Guizot parfois, mais surtout avec Mignet et Thiers, ne condamne pas la Terreur mais essaie de l’expliquer par les fameuses « circonstances » intérieures et extérieures, et en conçoit le caractère déterminé et donc nécessaire : Chateaubriand n’appelait-il pas Thiers et Mignet, en 1831, les « dogmatiques de la Terreur » ?

Mignet peut certes nous paraître bien vieilli, bon pour ces « Extraits des historiens français du XIXème siècle » publiés en 1896 par l’inoubliable Camille Jullian. Mais Marx, on ne le sait guère, admirait son style élégant et concis, son détachement apparent aussi. Et Mignet, comme Guizot et bien avant Marx, a évoqué, en particulier à propos de la Révolution française, la « lutte de(s) classes » comme moteur du mouvement historique. Quant au poète Henri Heine, en exil volontaire à Paris à partir de 1831 et qui fut l’élève attentif de Hegel à Berlin, au début des années 1820, mais aussi l’ami très proche de Marx, à Paris, en 1843-1844, il admirait et aimait celui qu’il appelait le « beau Mignet » et c’est dans son « Histoire de la Révolution française » publiée en 1824 qu’il a étudié l’histoire de la Convention et de la Terreur. Et cette lecture, entreprise au moment de la révolution de juillet, a renforcé – ainsi qu’il en a fait l’aveu à Ludolf Wienbarg – les maux de tête dont il se plaignait souvent :

« Cela vient – a expliqué Heine à Wienbarg – de Mignet et de la révolution française. Je l’ai lu cette nuit au lit, fort tard, non, je ne lisais plus, je voyais les figures elles-mêmes sortir du Mignet, les nobles têtes de la Gironde et la guillotine qui, d’un coup sourd, les sépare du tronc, et la populace hurlante, et alors j’ai baissé les yeux et mon regard tombe sur le bois de lit, sur cet abominable bois de lit rouge, là, et j’ai l’impression d’être déjà, moi aussi, sur la guillotine, et me voilà tout à coup hors du lit. Depuis, je n’ai pas fermé l’œil ».

Nous voici parvenus à présent, je crois, dans le domaine de la représentation.

QUELQUES LIVRES de Lucien Calvié :

- Le Soleil De La Liberté - Henri Heine (1797-1856) L'Allemagne, La France Et Les Révolutions : Pu Paris-Sorbonne - 15/09/2006

- Révolutions Françaises et Pensée Allemande 1789-1871 : « Les contributions réunies de cet ouvrage par Lucien Calvié ont pour but, de l’aveu même du présentateur, d’illustrer le concept de révolution au sens de mouvement circulaire ou cyclique avec retour périodique au point de départ qui parait s’opposer à celui de révolution au sens de table rase ou rupture soudaine et brutale. Evitant de tomber dans la problématique actuellement débattue : la Révolution française, rupture et continuité ? Lucien Calvié estime que toute révolution se conçoit comme un essai de restauration d’un passé supposé meilleur que le présent. Il spécifie dans sa présentation que les sept contributions réunies n’ont pas pour objet de rappeler les échos successifs de la Révolution française dans la pensée allemande, mais se proposent plutôt de « repérer et de décrire, à travers des exemples divers et contrastés, certaines des articulations de l’idée révolutionnaire en Allemagne (…) de la révolution américaine aux Révolutions de 1848 et à la Commune de Paris ». Il s’agit de voir comment s’engendrent et se définissent des mots et des idées qui se réfèrent aux idées de 1789 et que Lucien Calvié énumère ainsi : Liberté, Egalité, Instruction publique et progrès politique et social » (Marita Gilli).

- Le Renard Et Les Raisins - La Révolution Française Et Les Intellectuels Allemands, 1789-1845

lundi 4 juillet 2011

SCANDALE DSK : CONSPIRATION PIEGE A CONS !



DSK PRESIDENT… DE TOUTES LES MANIPULATIONS ?

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, dans La Société ouverte et ses ennemis (1945), est formulée, sous la plume du philosophe des sciences Karl Popper, la première définition de la théorie conspirationniste de la société (Conspiracy Theory of Society) :« C'est l'opinion selon laquelle l'explication d'un phénomène social consiste en la découverte des hommes ou des groupes qui ont intérêt à ce qu'un phénomène se produise (parfois il s'agit d'un intérêt caché qui doit être révélé au préalable) et qui ont planifié et conspiré pour qu'il se produise ». Karl Popper ne nie pas l’existence de complots, de manipulations diverses, mais il a le génie de mettre en évidence que les complots échouent dérisoirement en général.

Mettons que ce soit l’Elysée avec le groupe hôtelier ACCOR (hôtel Sofitel de New York) qui ait organisé le piège pour DSK, quelle catastrophe ! Quelle ridicule mise en scène pour prendre la main dans la culotte un obsédé bien connu ! Le 14 mai et le 2 juillet resteront dans l’histoire politicienne et décadente de la bourgeoisie française des dates révélatrices de la concussion, de la naïveté, de la bêtise du personnel politique français. Tous ces députés ronds de cuir, tous ces sénateurs fainéants, tous ces journalistes cire-pompes ont gobé, plus grave que nous les humbles anonymes tout ce qui venait de l’Amérique impérialiste comme un nouveau né difforme qu’on aurait préféré ne pas voir. Ils ont autant nié la culpabilité de leur challenger gauche caviar qu’ils se bousculent à imaginer sa résurrection possible.

Pervers Phoenix, qui allait solutionner la crise en Grèce si on ne l’avait point jeté aux fers amerloques, serait en train de renaitre de ses cendres. Ce vulgaire politicien marié à une milliardaire maso serait en passe de caracoler à nouveau dans la cuisine sondagière du trust Perdriel Nouvel Obs grand bobo + 20 minutes sa version populo + Marianne la chauvine + L’Huma maquée par Lagardère & Co. Pour le poste suprêmement hexagonal.

Le jour du scandale qui se répand (le 15 mai) j’écris sur le forum de Libé : « et si c'était un beau coup monté? La femme de chambre était-elle seule? N'y avait-il pas un photographe de Paris Match? Rappelez-vous les fouteux et Zahia? Assange et deux pétasses suédoises? Ben Laden et ses films pornos? Pourquoi DSK s'enfuit en laissant son tel? Y avait-il des gros bras pour orchestrer la scène? Les flics US sont champions pour masquer les forfaits d'une justice cucu-puritaine? Faut-il inculper post mortem Simenon qui se vantait d'avoir niqué 10.000 femmes de chambre? Je ne veux pas défendre DSK, politiquement c'est un pourri de bourgeois comme Sarkozy, mais attendez d'avoir plus de détails sur ce curieux nouveau "scandale Profumo" qui paraît un peu gros, à la veille d'être intronisé comme presque futur président. Pourquoi DSK aurait-il dérapé à ce point? T'es con ou quoi DSK? Abus de pouvoir? C'était un gros con certes hiérarchiquement à Bercy c'est bien connu de ses subordonnés, mais quel que soit l'aboutissement de cette histoire, comme par hasard c'est un boulevard pour l'autre obsédé du pouvoir, Sarko.

· (En réaction à Dominique Strauss-Kahn inculpé d'agression sexuelle par le parquet de New York)

J’ai vite compris que ce ne pouvait être un complot mais que la plupart des gens seraient certains qu’il s’était agi d’un complot. Pour s’éviter de réfléchir.

Début juillet ensoleillé. DSK blanchi, mais sous le harnais, n’a pas eu besoin de monter dans une Porsche pour aller se faire offrir par sa milliardaire femme des pâtes aux truffes à 600 euros les quatre couverts (ceci n’est pas un complot). Mais le pauvre homme n’eût pas à s’occuper des casseroles de la cuisine, elles sont bien accrochées désormais à ses pas boudinés.

Les pauvres ont toujours tort

Je suis probablement le seul à avoir réclamé mondialement la libération de DSK, dix jours avant le « coup de théâtre » qui transforme la victime guinéenne en coupable idéale, sur le forum de Libé le 24 juin : « Libérez DSK! Ce bourgeois pervers n'a commis qu'une peccadille comparée aux centaines de meurtres de civils sans armes du sinistre Assad. La justice US remonterait dans notre estime si elle mettait la main au collet de ce tueur impavide, et avec un net avantage: ce salaud arbore un long cou, le bourreau n'aurait pas à lui couper les cheveux pour glisser sa tête de girafe sous le billot! » (vous pouvez aller le vérifier sur le site de Libé, seul un pro-palestinien primaire que rétorqua que DSK était co-responsable des milliers de morts causés par Tsahal).

Mon flair maximaliste ne m’avait pas trompé.

De même dès le lendemain du premier épisode du scandale, j’écrivais : « Au total, beaucoup de supputations pour une omelette. DSK était attendu au tournant, il le savait. Mais comme tous les puissants (cf. le boxeur Tyson) payer une call girl arrache les tripes, rien n’est meilleur que, comme les chimpanzés, d’abuser une soubrette qui n’aura aucune crédibilité publique… d'autant qu'elle aura été un objet de plaisir (gratos). Pas de pot DSK s’est tiré une balle dans le pied. Pris dans l’engrenage dénonciation-arrestation de la police de base US il a mis dans la merde trois instances : le gouvernement américain, le FMI et la bourgeoisie française. Ces trois institutions qui avaient choisies ce type pour les représenter se seraient bien passées d’un tel scandale. Premier coincé, l’Etat US ne pouvait pas laisser filer cet idiot au risque d’adouber la conviction que « les gros sont intouchables » (Obama est aussi à deux doigts de nouvelles élections) et est contraint à une extrême sévérité face à son opinion. Le FMI dont DSK était directeur continue à faire courir la fable de son doigté de spécialiste (mais le doigté réel fait mal) et l’aurait bien maintenu en fonction mais la Bourse (choquée et) qui ne ment jamais a dû laisser chuter l’euro de stupeur. Le dérapage du pervers politicien ne sert pas complètement la droite au pouvoir en France dans la mesure où l’implosion en vol du principal challenger de Sarkozy – vue obstinément comme un complot de l’Elysée – peut défavoriser le maintien de la droite gaulliste au pouvoir ; c’est pourquoi les déchets centristes du sarkozysme se multiplient et veulent se coaliser pour venir compenser le vide laissé par un PS affaibli par le scandale et offrir une solution plus crédible à la classe bourgeoise et aux électeurs concons que le FN creux et une UMP peu fiable ».

J’ajoutais – du point de vue de ceux que BHL qualifient de « humbles » - : « Au-delà du plaisir ambigu et morbide de voir un membre de la caste élitaire dans les fers, le scandale autour de Strauss-Kahn et la « retenue » des politiciens et journalistes français sont bien plus choquants que la perversité bien connue du caïd déchu. Pas un de ces messieurs et dames ne s’est soucié de la jeune femme présumée victime, sauf pour la soupçonner de participer à un complot, ce concept débile mais accessible à l’électeur nubile. Toute la camarilla des éléphants et éléphantes du PS n’a cessé de déplorer une arrestation frauduleuse, des images choquantes d’un des maîtres du monde ficelé comme un vulgaire vaurien. La gauche caviar se ridiculisait ainsi doublement, montrant d’abord le peu de cas que la bourgeoisie française fait du témoignage d’une « femme de ménage », confortant ensuite l’omerta imposée par le clan DSK depuis des lustres sur le comportement équivoque et odieux du personnage ».

Je fus un des rares non supporters du politicien bourgeois DSK à souligner le 20 mai quand même l’ignominie des conditions de son arrestation par la « belle justice bourgeoise US » (toujours sur le forum de Libé) : «4 jours de taule après plus de 30 heures d'interrogatoires sans dormir, +un demi-milliard de caution (in ex old french money) + 23 patates (tjrs en old francs) par mois pour que des fainéants vigiles privés te veillent jusque dans tes chiottes... Très modérée la détention préventive! Sauf pour Demorand et moi, si nous avions été à la place du PN car financièrement nous eussions justifié une détention prolongée extrêmement longue comme des milliers et des milliers... Qu'elle est belle la justice US et exemplaire! ».

Drôlement ficelé le bonhomme, ajoutai-je ! « Humainement on pouvait être content pour lui (un type pris dans les filets c'est jamais beau à voir) mais il sera surveillé jusque dans ses chiottes. L'acte a été répugnant, mais ce spectacle de la justice bourgeoise ne l'était pas moins avec des "hommes de robe" en civils... tous semblaient être des mafiosos d'un film noir d'Hollywood. Les sommes mises dans la balance sont en outre phénoménales. En plus, suprême humiliation, DSK + son épouse doivent payer leur propre surveillance par une société privée (garde armé) - = Chicago années 1930 (à quand les mêmes gangs en France?) - Mais conclusion: si c'était vous ou moi l'agresseur? Eh bé on aurait croupi le restant de nos jours comme des milliers et des milliers qui y sont encore ».

Déjà je pouvais assurer pourtant, avec mon flair de classe, que DSK serait acquitté avec un entourage aussi « choisi » : « Le général DSK est à la tête d'une armée d'avocats, d'enquêteurs et de brouilleurs de piste. Il a le pognon et la stratégie pour lui. Depuis le début ses complices de la mafia PS conchient la vulgaire femme de chambre. Aux States d'autres s'occupent de la faire passer pour une salope et une malade. Hier on a inventé un logement réservé aux malades du sida (s'inquiétait-on à ce point des possibles retombées pour le prédateur?). A suivre nombre d'autres ragots humiliants pour la jeune femme qui ne dispose pas d'un soutien massif… ». Le 22 mai j’ajoutais : « . l'ampleur de la culpabilité de DSK on s'en fout, qu'il soit acquitté (ce qui est plus que probable avec l'avocat des truands gagnant-gagnant), la principale révélation (estompée par l'agitation féministe gogol) est que l'ensemble de l'appareil élitaire du PS (notables femmes avec, Ségo, Aubry, Guigou) ne s'est pas un instant soucié de solidarité féminine ni avec cette femme en tant que prolétaire à la merci du chômage ».

Sous les lazzis du public dans les divers forums, les J.Lang, BHL, E. Guigou et autres JFKahn tentèrent une marche arrière après leurs coucheries de classes dominantes : « Le plus sidérant ne fut pas le fait divers mais le soutien immédiat de l'élite bourgeoise rose à son challenger aux turpitudes bien connues (et ces hâbleurs veulent qu'on les adoube), et vous allez voir que avec son fric et son armada d'avocats il va s'en sortir comme le footballeur assassin et le président d'Israël, violeur toujours en liberté. Vous allez voir que la justice bourgeoise US vaut bien la mafia française équivalente... Pot de fer contre pot de terre! » (19 mai) ; ou encore : « LE PLUS CYNIQUE DANS CE FAIT DIVERS N'EST PAS LA PAROLE BAFOUEE de la victime, une femme de chambre (on a l'habitude en haut lieu de considérer les prolétaires, hommes ou femmes, comme de la merde à voter), mais que tout l'appareil d'un parti bourgeois comme le PS (femmes comprises) aient considéré que la première victime était leur caïd électoral! Réflexe de classe dominante! ».

Puis le bonheur allait être totale pour l’élire rose pétrie de caviar : LA FEMME DE MENAGE ETAIT BIEN UNE SALE PUTE ! Et si ducon DSK viole une pute c’est pas un viol, toc ! CQFD !

Lors de la seconde séquence du premier épisode l’ensemble de la presse bourgeoise avait étalé sa lâcheté et servilité en proclamant urbi et orbi que les journalistes n’étaient pas les seuls à connaître toutes les turpitudes de l’obsédé DSK, que tout le monde savait… Hue sur le baudet la meute des ex-adulateurs strausskahnisés. Aubrystes, hollandistes et post-strausskhaniens se dépêchèrent dans la foulée d’oublier leur mentor et d’entrer en conciliabules pour les candidatures de traverses et autres ambitions perverses.

Divine révélation du double jeu de la pute qui réconciliait les élites strausskanesques avec leur morgue pleine ! Quoiqu’un bonheur de déboule jamais seul… Manque de pot ces « primaires » étaient aussitôt contrariées par l’annonce de cette libération conditionnée (et congestionnée) du challenger possible sauveur de la gauche anti-sarkozienne radicale… quoique juste après la nomination de Miss Lagarde au poste envié du FMI. A se demander si pareil deuxième complot n’avait pas été ourdi pour ridiculiser un peu plus le parti bourgeois fonctionnaire caviardé de son principal poulain interlope.

En bout de course (à la fin du deuxième épisode donc) un habitant de New York interviewé me rejoignait hier dans un article du Monde : « Comme il était facile de le prévoir, le dilemme n'est plus de savoir si DSK est coupable ou non d'une agression sexuelle mais de prouver que la victime ne mérite aucune considération. Bientôt on fera gober aux thuriféraires de l'ex futur candidat à la présidence que cette immigrée guinéenne devrait s'estimer heureuse qu'un aussi noble personnage ait eu, l'espace d'un instant, un faible pour ses charmes exotiques ! ».

UN COUPABLE IDEAL DE « CLASSE » ?

Cire-pompe du pouvoir bourgeois et petit télégraphiste blanc de la mouvance « DSK PRESIDENT /HE CAN», BHL exultait lors du prétendu blanchiment de DSK d’autant qu’il lui avait apporté son total soutien, yeux fermés le 15 mai (ce monsieur est un bureaucrate du pouvoir puisqu’il est membre honoraire du conseil de surveillance du Monde). Il s’élève lyriquement contre le « robespierrisme US » de cette affaire qui a humilié son ami de 25 ans, et qui n’a rien à voir avec l’affaire Dreyfus mais : « …ce que je crois, en revanche, c’est qu’elle a fait apparaître une variante inédite de la phrase de Maurice Barrès devenue : « que X, en l’occurrence Dominique Strauss-Kahn, soit coupable, je le déduis, non de sa race, mais de sa classe ». Et ce que je crois c’est que cet énoncé, couplé avec la transformation terroriste de l’« individu » Strauss-Kahn en un « suspect » promis à la guillotine médiatique, a suffi à alimenter, puis à faire tourner à plein régime, la mécanique fatale. Mais rendre la parole aux humbles est une chose, La considérer, cette parole, comme parole d’évangile en est une autre – qui peut être source de nouvelles et terribles injustices ».

Tout à son mépris pour les « humbles » (l’olibrius ne tient pas à avoir d’ennuis avec ses trois femmes de chambre), BHL ignore volontairement les comportements et addictions bien connues de l’individu en question. Fâcheux et peu probant pour sa défense pérorante de l’intégrité-respect-honneur et autres présomptions d’innocence perverse bourgeoise.

Pourtant tout dans le comportement de DSK depuis 20 ans dénote aussi la morgue et le mépris bourgeois pour les « humbles » de la même manière que son colistier Sarkozy étrangement applaudi à tout rompre par la mafia royale du monde entier lors du louche mariage princier sur le rocher drogué de Monaco. BHL persiste dans la même morgue que le principal parti de la gauche caviar au début et lors de la seconde manche de l’épisode scandaleux : ils défendent leur classe. Les pauvres, les prolos, les femmes de chambre sont forcément maqués, téléphonent à des amis dealers et se permettent d’espérer être indemnisés s’ils sont violentés par un bourgeois. Sont forcément louches les pauvres !

Selon les révélations-supputations du New York Times, aussi farfelues et contradictoires que les affabulations antérieures du premier épisode le 15 mai, c’est "moins d’un jour" après le viol dont elle assure avoir été victime que la femme de ménage du Sofitel aurait commis son premier faux pas, en téléphonant à un détenu condamné pour trafic de drogue. Avec lui, elle aurait "évoqué les possibles bénéfices qu’elle pourrait tirer de poursuites" contre Dominique Strauss-Khan. Ce coup de fil – enregistré par la police - ne prouve rien quant à la réalité ou l’inexistence d’un complot de la CIA ou des RG fran,çais, et s’il révèle qu’elle n’est pas une « bonne musulmane », il démontre pour nous pauvres damnés qu’elle a les pieds sur terre et souhaitait légitimement être indemnisée comme quiconque est victime d’agression. Par « hasard » le procureur Cyrus Vance et Raymond Kelly, le chef du New York Police Department (NYPD,) auraient eu connaissance de cet étrange coup de fil "il y a seulement une quinzaine de jours" (Selon France2, la conversation enregistrée était en peul, ce qui pourrait expliquer ce délai). En effet, ce n’est pas Nafissatou Diallo - pourtant témoin clé d’un dossier explosif - qui était sur écoutes mais le détenu qu’elle a contacté (qui serait son deuxième mari) (c’est du lourd), arrêté quelques temps plus tôt, en possession de 180 kilos de marijuana. Et qui était en prison… avec un portable !!!? Les flics voyeurs et écouteurs auraient aussitôt transmis ce tuyau à leurs collègues de l’"équipe DSK". Et comme tout le monde écoute tout le monde, le flic français de service transmettait régulièrement depuis son poste de sous-chef au Sofitel à la cellule de renseignement de l’Elysée. Pas terrible comme scénario pour un remake hollywoodien !

LE COMPLOT ETAIT LA FABRIQUE DES SONDAGES FAVORABLES A CE SARKO BIS

Croyez-vous un seul instant que le programme du PS et l’alchimique DSK allaient illusionner électoralement longtemps (avec ou sans le scandale inattendu) en vue de résoudre le chômage avec leurs promesses anti-sarkoziennes mais aussi sarkoziennes de plus de sécurité policière, la défense des 35 heures et une promesse d’embauche massive dans la fonction publique ?

La première victime du scandale est bien sûr le clan de la gauche porcherie:
- 1) pendant deux ans le groupe industriel Nouvel-Obs + 20 minutes nous avait instrumentalisé son opinion avec le slogan "DSK favori"

- 2) à peine le fait divers connu, tous les béni-oui-oui (députés et journalistes) de l'ancienne gauche caviar se sont précipités pour laisser entendre que leur "pote" avait eu affaire à une salope, donc à un "complot"! L’épilogue judiciaire plaide génialement en leur honorable faveur de possédants possédés par la présomption du pouvoir innocent les mains pleines.

Les sondages commandités refleurissent comme avant le premier épisode du scandale. DSK retrouve son vaste réseau d’amis de papy Jean Daniel (co-promoteur des 13 pages nunuches du sidérant Hessl) à Julien Dray: 20 minutes, cet organe populiste de l'appareil PS ne tarit pas de louanges ! Le Nouvel Obs qui commanditait depuis 2 ans des sondages réguliers, renoue avec son style chatoyant: pourquoi DSK est le candidat préféré des français? Le Point avec l’élégant BHL s'indigne à nouveau qu'on se soit permis d’identifier un tel « séducteur » (au physique athlétique et à l’œil vif) à un sinistre violeur d’hôtel de passe ! Le Canard enchaîné et Marianne, deux organes chauvins sans tête, prêchent la retenue bienséante pour la gauche bizarre. « L'expansion », machin des retraités dorés, salue la virginité retrouvée du grand argentier d'Etat. L'Huma, tenue aux couilles par le groupe Lagardère, prêche la décence républicaine, Bové et Mélenchon vantent l’arbre vert de la vie. Morne épilogue. L'ensemble de la classe bourgeoise prend fait et cause pour un brillant pervers au-dessus du droit commun contre une sale bonne femme noire, forcément demi-pute, prolétaire sans papier et blanchisseuse des petits trafics d’immigrés ces bandits émigrés (qui voulurent exploiter un riche parvenu français). Cet homme à la dignité juridique recouvrée, si louangé par devers ses pairs, ne devrait faire également qu’une bouchée judiciaire de cette triste jeunette perverse de Banon qui l’accuse d’obscénités incroyables pour un homme de sa stature.

Et si DSK n’avait pas manipulé toute cette histoire, hein ? Comme Mitterrand lors de l’affaire de l’Observatoire, pour se faire passer pour une victime d’un complot sarkozien ? Un viol maquillé pour se faire éjecter du FMI qui ne voulait pas le laisser faire carrière en France, hein… Pour déjouer les « complots » de la droite contre la gauche chevaleresque et libidineuse qui a des solutions à la crise capitaliste ? Libre-échangisme développé, reconversion des chômeurs en fonctionnaires, vente de petites culottes grecques, etc. Après avoir assuré sa complice, Madame Dialo d’un poste sécurisé au Club Med à proximité de son castel au Maroc, il aurait accepté courageusement de poser pour des photos osées de lui menotté, pas rasé et tenu en laisse par deux gros cops newyorkais afin, tel Jean Valjean, afin de retrouver, via une calèche d’Air France, l’admiration de la petite Cosette autrement nommée Marianne, cette urne vertueuse envahie par son sperme rédempteur du capitalisme en crise.

Laissons de côté un conte qui a viré au cauchemar. L’affaire DSK/Dialo n’est pas un opaque Cleartream bis dont on ne saura jamais les tenants et aboutissants. Pas de conspiration sophistiquée ni complot machiavélique, cette navrante histoire se décrypte assez clairement d’elle-même, sordide et minable.

Les choses ne sont nullement dithyrambiques et renvoient à la personnalité trouble de DSK, assez représentatif du personnel politique de la bourgeoisie décadente : jouisseur et indiscipliné : « L'incroyable fait divers révèle a posteriori les réelles fragilités d'un candidat et de son dispositif présidentiel. Trop de goût pour la jouissance et le risque. Une confiance en sa bonne fortune frôlant presque l'amoralité. Et, enfin, un entourage excusant toutes ses faiblesses. Même si la justice américaine le blanchit, l'épisode aura poussé DSK à un examen médical, révélant le squelette sous le costume ».

(Affaire DSK : enquête de personnalité par Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin Article paru dans l'édition du Le Monde du 03.07.11).