Une sorte de «république autonome» a vu le jour, retranchée derrière les barricades, au centre du Caire.
(repiqué sur le Figaro cet apm à 15 heures, intéressant non? Et explique pourquoi la bourgeoisie US veut aller vite en besogne en sponsorisant la démocratie conciliatrice comme en Tunisie...)
"Une petite entité autonome défie le gouvernement égyptien depuis le centre du Caire. Entourés par les chars de l'armée, assiégés par des contre-manifestants, les protestataires anti-Moubarak se sont installés sur la place de la Libération dans une atmosphère de camp retranché qui tourne parfois à la fête foraine. Cette minuscule république autonome n'a ni chefs reconnus ni réelle structure mais n'en est pas moins étonnamment bien organisée.
La défense notamment. Après les batailles rangées de la veille, où ils ont repoussé à coups de pierres jusqu'à la nuit les assauts des partisans de Moubarak, les protestataires ont fortifié les neuf accès de la place. Des barricades ont été édifiées avec tout ce qui leur tombait sous la main, carcasses de voitures, barrières de chantier d'un hôtel en construction et toutes sortes de matériaux. En avant de ces remparts, des tas d'ordures ont été alignés en travers de la chaussée et aspergés d'essence, prêts à être enflammés. Plusieurs lignes de défense ont été aménagées. Derrière ces remparts, des jeunes gens montent la garde, prêts à repousser de nou¬velles attaques, avec des empilements de pierres comme réserves de munitions. À la moindre alerte, on tape furieusement sur les barrières métalliques et des panneaux pour battre le rappel des renforts. Des femmes ont confectionné de curieux casques en carton et les terre-pleins de la place ont été transformés en carrières d'où l'on extrait des gravats qui serviront de projectiles.
Un service médical d'urgence s'est mis en place. Une petite mosquée coincée dans une allée qui mène à la place sert d'hôpital principal. Des antennes médicales avancées sont installées près des lignes de défense, quelques chaises et des bâches sur lesquels on allonge les blessés. Les médecins et les infirmiers sont des bénévoles, souvent des étudiants en médecine, en même temps que des militants.
Dans le petit poste de secours improvisé du côté du Musée égyptien, où ont eu lieu les affrontements les plus violents, le Dr Sherif Omar a les yeux cernés, mais les jeunes infirmières le couvent du regard. Sa blouse est maculée de sang et de teinture d'iode, après qu'il a traité des centaines de blessés pendant les combats de la veille, qui se sont poursuivis tard dans la nuit. «Nous occupons cette place pacifiquement depuis maintenant six jours. Et soudain, nous avons été attaqués par des hooligans prétendant manifester pour la stabilité», explique le jeune médecin. «Si Moubarak ne s'en va pas, il y aura de nouveaux heurts. Les médias d'État nous décrivent comme de dangereux émeutiers qui menacent la stabilité du pays. Alors que les casseurs et les fauteurs de troubles sont ceux qui nous ont attaqués avec des cocktails Molotov. La plupart sont des policiers en civil qui se font passer pour des manifestants», dit le Dr Omar.
Chasse aux policiers en civil
La chasse aux policiers en civil infiltrés est générale. Des groupes passent en entraînant avec eux des agents provocateurs démasqués. On les interroge dans une agence de voyages de la place. La veille, trop nombreux, ils ont été regroupés dans une des entrées de la station de métro Sadate, transformée en centre de détention improvisé. Une petite exposition a été installée sur le trottoir, montrant les cartes d'identité des policiers, un cocktail Molotov, des couteaux, des coups-depoing américains et des étuis de car¬touches de tous calibres saisis un peu partout, avec une pancarte au stylo indiquant qu'ils avaient été saisis sur des policiers.
Loin d'avoir découragé les protesta¬taires, l'attaque des partisans de Moubarak semble avoir plutôt développé leur détermination. «Le dernier discours de Moubarak m'avait convaincue, dit Hanna Mohammed, une toute petite dame au visage entouré d'un foulard rouge. Je me disais qu'après tout, on pouvait bien attendre six mois avant qu'il ne s'en aille, au bout de trente ans ce n'est pas grand-chose. Mais en envoyant hier des Égyptiens contre d'autres Égyptiens, il a commis quelque chose de terrible. Ce qui s'est passé ici mercredi m'a fait revenir sur la place de la Libération, et je vais y rester.»
Les haut-parleurs hurlent jour et nuit. D'un côté, les Frères musulmans scandent des «Allah est grand» toutes les trois phrases. De l'autre, le guitariste Romi Essam fait cracher à ses amplis un rock humoristique sur Moubarak, guitare à la hanche, un bandage sous sa cas¬quette.
Sur le terre-plein central, des gens dorment pêle-mêle à même le sol, enroulés dans des couvertures. Un groupe de jeunes filles a monté une tente baptisée «Hôtel de la Liberté». «Moubarak en a fait hésiter certains en annonçant qu'il ne se représenterait pas, mais l'attaque de ses supporteurs les a remobilisés», dit Noura al-Gazzar, une jeune étudiante de 24 ans. Elle et ses amis appartiennent à la génération Twitter, ils ont été les premiers à déclencher la fronde, prenant tout le monde de court, le régime comme les partis d'opposition. «Cette génération est meilleure que la nôtre, nous avions peur, et eux pas», dit Yasser Ghanim, un biochimiste égyptien revenu en hâte du Qatar pour participer à cet «événement historique». «Ils nous ont rendu notre dignité, nous ne sommes plus du bétail mais de nouveau des êtres humains.»
«Ils sont formidables, les plus vieux ont à peine 28 ans et je me mets à leur ser¬vice !», dit le Dr Mahmoud Hamza, un ¬riche industriel. «J'avais participé à des manifestations dans les années 1968, mais ça n'a rien à voir. Aujourd'hui nous avons une révolution, comme vous en France!»
Les barbus sont aussi présents sur la place. Longtemps réprimés, les Frères musulmans ont parfaitement saisi l'occasion qui se présentait et participent activement à la défense de la place de la Libération, sans pour autant diriger l'ensemble d'un mouvement sans tête. «Nous sommes ici jusqu'au départ de Moubarak», dit le Dr Mohammed al-Beltagy, ancien parlementaire et porte-parole des Frères musulmans. «Nous croyons en la démocratie et dans le droit de chacun d'exercer sa religion. Le régime n'a pas encore compris qu'il s'agissait d'une révolution.»
A voir....
« Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde qui doit toujours lutter pour des connaissances nouvelles, qui ne hait rien autant que la pétrification dans des formes valables dans le passé et qui conserve le meilleur de sa force vivante dans le cliquetis d'armes spirituel de l'auto-critique et dans les foudres et éclairs de l'histoire ». Rosa Luxemburg
PAGES PROLETARIENNES
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vendredi 4 février 2011
jeudi 3 février 2011
UNE GUERRE CIVILE EN DIRECT
« Cela signifie-t-il qu'à l'avenir le combat de rue ne jouera plus aucun rôle ? Pas du tout. Cela vaut dire seulement que les conditions depuis 1848 sont, devenues beaucoup moins favorables pour les combattants civils, et beaucoup plus favorables pour l'armée. À l'avenir un combat de rues ne peut donc être victorieux que si cet état d'infériorité est compensé par d'autres facteurs. Aussi, l'entreprendra-t-on plus rarement au début d'une grande révolution qu'au cours du développement de celle-ci, et il faudra le soutenir avec des forces plus grandes. Mais alors celles-ci, comme dans toute la grande révolution française, le 4 septembre et le 31 octobre 1870 à Paris, préfèreront « sans doute l'attaque ouverte à la tactique passive de la barricade. » [Cf. ibid. p. 34].
Engels (1895)
Du jamais vu en histoire des médias. Toute la journée du mercredi 2 février, Al Jazeera et France 24 nous ont permis d’assister aux premières loges, sans craindre de balles perduEs ni un cocktail Molotov dans la gueule, d’en prendre quand même… plein la gueule. Pour la première fois un manifestation pacifique était attaquée non par les troupes régulières en uniforme de l’Etat bourgeois mais par un ramassis de flics en civils qui avaient été rameuter et rétribuer pour un pécule une masse de lumpen de banlieue et auxquels s’étaient joint des larbins de féodaux égyptiens à dos de chameaux ou de cheval. Cette lie bourgeoise était armée de couteaux de cuisine, de barres de fer, de fouets et même des armes de service des soudards. Quelle ne fut pas notre angoisse de voir cette troupe de tueurs d’occasion se lancer à l’attaque des manifestants qui semblaient refluer… puis notre joie de voir ces chameliers d’opérette jetés ou sol et récompensés de quelques gnons bien appliqués. La bourgeoisie Us a fait l’étonnée devant les exactions des voyous et flics de Moubarak, prétextant qu’elle avait négocié en catimini une autre « transition pacifique ». Avec l’armée oui, pourtant adepte hypocrite du laisser faire et toujours garante du pouvoir honni, mais pas avec cette masse de lumpen vénale et quelque peu poltrone ; ils fuyaient sans cesse pour revenir si un camion fonçait devant. Les soudards du régime étaient monté sur les toits du musée national et s’étaient mis à jeter des moellons de bétons et des cocktails Molotov sur les manifestants dix mètres plus bas, en tuant sûrement quelques uns.
La foule des protestataires semblait s’être organisée. On apercevait un partage des tâches bien ordonné et naturel, comme nous l’avons vécu en mai 68 à Paris : rangée qui faisait passer les pavés et les pierres pour qu’elles soient entassées près du « front » où des escouades tournaient à tour de rôle pour venir s’approvisionner en munitions. Les barricades sont disposées en concertation des groupes ; les cartes d’identité contrôlées par les manifestants qui redoutent l’infiltration de flics provocateurs, etc. Il faut savoir que certains n’avaient ni dormi ni mangé depuis deux jours, mais cela ne sembla pas atténuer leur vaillance jusqu’à la fin du jour. Des volutes de fumée autour des camions barricades semblaient indiquer un possible embrasement, ce qui ne fut pas le cas.
L’objectif du régime haï apparut au monde entier comme ridicule, mal ficelé, relou ! Après avoir voulu jouer les jours précédents sur la peur face à de louches pillages, le régime tentait le coup de la « majorité silencieuse » en lâchant ses chiens. Une fois ça va mais deux fois bonjour les dégâts. Les malfrats et les pachas qui s’engraissent grâce aux banques sur le peuple ne pourront pas recommencer de sitôt une telle magouille. Parce que le comportement criminel du régime s’est dévoilé face au monde entier, parce que l’armée ne peut pas, dans une telle SITUATION de crise sociale extrêmement inflammable pour tout le Maghreb, se permettre un massacre qui serait forcément disproportionné. Il l’est déjà pourtant, depuis le 25 janvier l’ONU soi-même estime qu’il y a eu 300 tués et 3000 blessés ; d’hier à aujourd’hui on compterait 6 morts et à nouveau des centaines de blessés. « Des médecins volontaires recousent des oreilles déchirées, des crânes ouverts, des cuisses déchiquetées. Ils sont sur place, par terre ou dans les quelques rares ambulances dépêchées sur place. Ils opèrent sous les pierres, les cocktails Molotov et les tirs à balles réelles du gouvernement Moubarak. Pendant toute la journée du 2, et dans la nuit du 2 au 3, les manifestants se relaient de l'arrière au front. Les figures sont épuisées, insensibles aux bruits des balles. Par centaines, des gueules cassées, des têtes gazées, des éclopés, des visages tordus de douleur. Un homme dans un mégaphone maintient sans relâche le moral des troupes. "Troupes", parce qu'il est maintenant clair que nous sommes en guerre, une guerre incivile. Des hommes de main du gouvernement sont continuellement arrêtés par les manifestants qui les remettent aux militaires. Ceux-ci portent sur eux des cartes professionnelles qui indiquent qu'ils appartiennent à la police d'Etat. Les cartes sont aussitôt saisies, photographiées et diffusées au monde entier.(cf. Blog Cris d’Egypte). Observons encore la détermination irréversible des manifestants : « la détermination de ces manifestants est au-delà de ce qu'il peut imaginer et pour une raison très simple. Ils préfèrent mourir, maintenant, sous les balles que, plus tard, sous la torture. Il est évident pour chacun des manifestants que, si nous perdons la bataille, chacun de nous sera arrêté, harcelé, torturé. Moubarak ne semble pas comprendre qui, au juste, mène le combat. Il pense encore que ce sont quelques milliers de pauvres gens, ceux qu'il a humilié dans ses prisons ou ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Moubarak pense qu'il sera facile, comme les fois précédentes, de les réduire au silence sans que quiconque ne s'en aperçoive. Mais Moubarak n'a pas mesuré la diversité sociale de ces manifestants unis et déterminés à le faire tomber. Il ne comprend pas que ses mensonges et ses manipulations n'ont, aujourd'hui, aucun effet sur l'opinion internationale ou sur les manifestants sur place. Des étudiants éclairés de familles modestes, des bourgeois, des égyptiens de l'étranger sont là, main dans la main. Certains parlent deux ou trois langues, s'adressent aux presses du monde entier et décryptent, minute par minute, ce qui se passe. Ils déjouent, un à un, les pièges de Moubarak susceptibles de tromper ceux qui nous regardent… ».
TOUS LES PRONOSTICS DEJOUés dans une situation plus propice au prolétariat qu’en Tunisie :
Le weekend dernier, tous les médias nous assuraient que les jours du « nouveau gouvernement » (avec les mêmes larbins des pachas) à la tête de l’Egypte étaient sans doute comptés. Selon des spécialistes, le départ d’Hosni Moubarak n’est qu’une question de temps. «Aujourd’hui, Moubarak ne peut plus tirer sur la foule, ce serait trop coûteux», estimait Antoine Basbous, politologue à l’Observatoire des pays arabes. L’hypothèse d’une reprise en main par l’armée dans la violence et le sang ne semblait donc pas crédible. «Etant donnée la détermination de la population, ce serait une situation difficilement tenable», observait Dominique Thomas, « spécialiste du monde arabe » et des mouvements islamistes. Il avait fallu six semaines aux Tunisiens pour se calmer (sic !), et ajoutait le « spécialiste » A. Basbous : « je ne suis pas sûr que l’économie égyptienne puisse tenir ce temps-là». A peu près au même moment je m’en prenais sur les forums de Libé aux bébés gauchistes : « cessez de croire à des révolutions fleuries pacifistes et démocratiques! La manoeuvre est grossière en Egypte mais efficace: l'ouverture un peu trop facile des prisons permet:
- de terrifier la population devant les pillages attribués aux seuls prisonniers,
- fait courir la menace que des islamo-fascistes en armes vont "lancer la guerre civile".
TOTAL: l'armée doit apparaître comme un recours au rétablissement de l'ordre et sera légitimée ainsi à ne pas faire de détail entre les prolétaires justement révoltés et les truands en liberté. Ce sont les mêmes arguments qui furent utilisés pour violer et massacrer les communards en 1871. Mais l'Etat égyptien, soutenu par toute la bourgeoisie occidentale, a besoin de gonfler les rangs des tueurs musulmaniaques pour justifier sa répression hyper-capitaliste, donc il faut s'attendre malheureusement à des prolongements barbares pour contrer ce soulèvement populaire courageux qui a valeur d'exemple inquiétant pour tous les Etats. Pour arrêter la main des divers criminels en lice, la solution dépend d'ICI! ».
Jusqu’à ce jeudi tout s’est déroulé comme on pouvait le prévoir. Un porte-parole du ministère de la Défense a appelé la population à protéger leurs biens, assurant que les militaires allaient bientôt s'occuper des pillards. En attendant, les vols avaient amené des habitants (bourgeois) à former des comités de vigiles, armés de pistolets, de bâtons ou de barres de fer. Dans certains quartiers, des barrages ont été improvisés à l'aide de briques et de barrières. Les Frères musulmans, première force d'opposition et de collaboration des couches moyennes en Égypte, avaient annoncé de leur côté le recrutement de volontaires pour former des comités de quartier et protéger les établissements publics et privés. En attendant, le frère jumeau du premier ministre, le chef d’Ennahda islamiste Rached Ghannouchi atterrissait à Tunis sous les bravos de ses partisans calculés comme des milliers par les médias. Dans un coin de l’aéroport un peu de soleil brillait encore, une jeune femme s'est peint au feutre une moustache et une barbe sur le visage, parce qu'"avec les islamistes, il faut être un homme pour exister". Une autre, cheveux dénoués et jupe au dessus du genou, dit: "oui à l'islam, non à l'islamisme". Le mardi 1er février, j’étais dépité de voir une manif pantoufle à la française, avec en prime des rangées de croyants qui s’étaient agenouillés pour prier. L’image était repercutée largement par les médias ; les thuriféraires de l’ordre bourgeois pouvaient ainsi laisser déduire : Voyez dès qu’on lâche un peu du lest les barbus reviennent ! Bernique le lendemain mercredi 3, face à l’agression inouïe et lâche du troupeau des mercenaires du pouvoir il n’y avait plus ni frères ni cousins musulmans mais des hommes debout qui se battaient avec les moyens du bord. Certains vagues opposants ont évoqué l’hydre grève générale comme le plus bête de nos anarchistes, l’idée n’a plus de prise que de réalité politique, peu importe car les répercussions des agressions réactionnaires de la place centrale du Caire, dans le monde entier, sont bien plus importantes que ne l’eût été une journée d’action syndicale.
NOTRE VIOLENCE DE CLASSE
Indépendamment de la suite des événements, des leçons sont à tirer de l’oubli au profit de la classe ouvrière mondiale :
- La violence n’est jamais le fait du prolétariat lorsqu’il commence à manifester ou à faire grève, lorsqu’il recourt à la violence c’est EN DEFENSE non par nature ni par sadisme ;
Cette capacité de tenir la rue en dépit de tant d’assassinats, au nez de l’armée et avec ce courage indomptable de faire face aux tueurs armés de l’Etat ne doit jamais être oubliée par toutes les autres parties de la classe ouvrière ; un exemple du contrôle exercé immédiatement est fourni par une journaliste du Parisien (les journalistes sur place ont fait preuve d’un courage et d’une probité à saluer pour une fois, ceux de France 24 en particulier) : « C'est une scène étonnante que découvre notre envoyée spéciale à l'entrée de la bouche de Métro Saddat «des manifestants anti-Moubarak ont entassé des cartes du ministère de l'Intérieur, mais aussi des armes qu'ils ont saisi sur leurs adversaires, démontrant qu'il s'agit bien de policiers. Il y a là, pêle-mêle des machettes, couteaux, cutters, poignards...» ».
- La bourgeoisie égyptienne craignant d’être étranglée économiquement a lâché du lest, en particulier en rétablissant internet, non par démocratisme, mais parce que la coupure d'internet pendant cinq jours par le gouvernement égyptien devrait avoir coûté à l'Egypte 90 millions de dollars (65 millions d'euros), et son impact pourrait être encore plus important sur le long terme, selon une première estimation publiée jeudi par l'OCDE.
- Malgré la marée des drapeaux nationaux souvent exhibés, désuète et inutile, des manifestations de soutien aux prolétaires égyptiens ont eu lieu en Jordanie, peut-être en Algérie (en Tunisie c’est calme ?) et même à Gaza où des femmes courageuses ont assuré la protestation avant d’être arrêtées et battues par le Hamas ; (il est lamentable que le prolétariat français ne bouge toujours pas son cul) ;
- Malgré tout le bla-bla sur le risque du retour des frangins musulmans et les urticaires diplomatiques du camp US dans la région, la propaganda n’a pas pu oblitérer la force et la détermination de la jeunesse prolétarienne, avec ou sans internet;
AFFRES DE LA DIPLOMATIE OU TROUILLE DU PROLETARIAT?
Sans l’allié égyptien, les Etats-Unis pourraient continuer à s’appuyer sur les pays du Golfe ou sur la Jordanie, autre appui privilégié dans la région. Cependant, tous les régimes de la région souffrent des mêmes maux que l’Egypte: ce sont des régimes autoritaires, qui voient en ce moment la population prolétarienne se rebeller. Il en va ainsi de la Jordanie comme du Yémen (en Algérie et au Maroc, oligarques et roi serrent les fesses). Les Etats-Unis cherchent une solution rapide. Il faut qu'ils trouvent un équilibre subtil entre la stabilité du gouvernement et calmer l'aspiration populaire». Car si la bourgeoisie US perd ses valets dans la région face au mécontentement populaire, ils risquent de ne plus avoir aucun appui pour assurer le contrôle du principal puits de pétrole du monde. Il n’est pourtant pas sûr que ce soit l’enjeu contrairement aux pronostiqueurs alarmistes et impulsifs.
La bourgeoisie mondiale tremble pour d'autres raisons non avouées (liées à une vieille perversion nommée propriété privée) et sa peur fait plaisir à voir.
La plus grande incertitude règne au Caire, au lendemain de la mobilisation de plus de 1 million de personnes réclamant le départ immédiat du président égyptien. L'armée, puis hier soir le vice-président Omar Souleimane ont appelé les manifestants à rentrer chez eux dès lors que leurs « revendications ont été entendues », en allusion à l'engagement, mardi soir, d'Hosni Moubarak à ne pas se représenter à l'élection présidentielle de septembre. Les prolétaires dans la rue ne sont pas dupes hier et continuer le combat avec le projet de pic vendredi. Le délai de sept mois offrant largement le temps au régime militaire d'organiser un scrutin rodé en matière de fraudes et d'intimidations n'est qu'un souci pour les opposants bourgeois démocrates et frangins; les prolétaires ont plus sûrement envie de "changer une vie de merde". L'opposition dispersée et mi-alliée avec les frangins veut continuer à surfer sur la colère de la jeunesse prolétarienne (mais il y a aussi beaucoup de moins jeunes) par le maintien de la manifestation (sans doute géante vendredi), jour de prière, mais pas des vêpres de la colère sociale.
Même si les prétendus organisateurs (qui enfoncent une porte ouverte puisque les manifs spontanées continuent nuit et jour sans consignes d'aucune mafia politique) ne semblent pas envisager de prendre d'assaut les bâtiments officiels, la possibilité d'une insurrection de la rue avec une partie de l'armée n'est plus exclue, au nez des démocrates et à la barbe des intégristes, suite aux actes de barbarie des supplétifs et clochards de la dictature hier et ce matin contre les manifestants sur la place Tahrir (les salauds de flics ont tiré avec leurs armes de service).
L'immense majorité arabo-musulmane souhaite certainement plus une alliance franche et stable avec les Etats-Unis qui, même avec le départ de Moubarak, couperait l'herbe sous les pieds des bellicistes islamistes. Car les enjeux ne sont pas multiples :
- Soit une démocratie aussi hypocrite que l‘occidentale se met en place en remettant en selle pour partie les frangins islamistes (qui disent vouloir copier le bon Erdogan turc) ;
- Soit les frangins bigots (avocats, médecins, ingénieurs, étudiants floués par la crise) prennent le pouvoir et comme ils n’ont aucune solution économique solvable ils seront fauteurs de guerre comme leurs homologues iraniens.
Le vrai danger pour les Etats-Unis, ça ne sera pas de manquer d'alliés ou une mise en danger d’Israël, s'ils laissent se formaliser un mouvement démocratique dans les pays arabes ou musulmans, mais que le prolétariat se serve de ce souffle de liberté pour affirmer son combat qui n’est pas de « dégager Moubarak » comme Ben Ali mais de dégager le capitalisme (cf. le communiqué du PCI). Mais pour cela il ne faut pas laisser isolé le prolétariat de ces pays et c’est pourquoi j’ai proposé sur le web que nous allions tous manifester à 19 heures sur les Champs Elysées à Paris notre soutien à la lutte de classe en Egypte, en Tunisie et alentours.
mardi 1 février 2011
EGYPTE: Communiqué du Parti Communiste International
L’Egypte en flammes
Une puissante vague de colère des masses arabes misérables et sans travail ébranle le jeune, vorace et brutal capitalisme des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient soutenu par le vieux et sanguinaire capitalisme d’Europe et d’Amérique. Anticipation d’une vague sociale qui ne peut se conclure en faveur de la grande majorité de la population que par l’entrée en scène de la classe ouvrière.
Depuis 5 jours les rues du Caire, d’Alexandrie de Suez et de beaucoup d’autres villes égyptiennes sont le théâtre d’une formidable vague de colère des masses qui ne supportent plus de vivre dans le chômage, la misère et la faim: après la Tunisie et l’Algérie c’est maintenant le tour de l’Egypte.
Les médias de l’opulent monde occidental, qui ne peuvent plus maintenant cacher la sauvage répression policière, centrent toutes leurs informations sur le «manque de réformes» et l’absence d’une «véritable démocratie»! Il a fallu attendre que les masses, bravant la répression, fassent éclater leur colère en attaquant des édifices publics, brûlant ce qu’ils pouvaient, jetant des pierres, renversant des blindés, s’affrontant au corps à corps avec la police, défiant le couvre-feu et les tirs des forces de répression, pour que ces médias reconnaissent que ces régimes soudoyés, protégés et armés par les démocraties occidentales et en premier lieu les Etats-Unis, ont maintenu l’ordre et le contrôle social par une violence policière systématique et généralisée; qu’ils ont arrêté, torturé et fait taire toute opposition par tous les moyens, pour avoir les mains libres et accumuler en quelques années d’énormes richesses pour leurs clans – et leurs parrains étrangers.
Les timides demandes faites par les Obama, Merkel, Sarkozy et cie au régime de Moubarak (et auparavant à celui de Ben Ali) pour qu’il fasse de façon urgente des concessions afin de répondre aux demandes les plus urgentes des masses (pain et travail, en définitive) démontrent à quel point les impérialistes ont été surpris par la vague d’émeutes qui s’étendent dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.
Les Démocraties occidentales se soucieraient-elles soudainement de la misère que connaissent depuis des années les prolétaires et les masses paysannes de ces pays?
Pas le moins du monde!
Dans des pays où le capitalisme se développe de la seule manière possible, étant donné la concurrence impérialiste sans pitié qui impose aux populations du monde entier une oppression économique, sociale et militaire, c’est-à-dire de la manière la plus sauvage et brutale que l’histoire ait connu; dans des pays où le mode de production capitaliste prétendait amener le bien-être et la civilisation, il n’y a pas d’autre perspective pour les masses laborieuses que l’exploitation, la répression, la misère et la faim. Ces régimes qui depuis des décennies comme en Egypte ou en Tunisie écrasent leur peuple et qui aujourd’hui reçoivent en retour une très petite fraction de la violence autrefois infligées aux masses, ont été pendant tout ce temps des points d’appui des puissances impérialistes «démocratiques» qui dominent le monde.
Face à l’irrésistible explosion de colère des masses arabes déshéritées Washington, Berlin, Paris, Rome, Londres et Bruxelles, adressent au Caire, comme hier à Tunis et à Alger, le conseil de permettre la liberté d’expression, de réaliser des réformes, d’arrêter la répression.... Paroles vides qui ne servent qu’à faire croire qu’avec plus de «démocratie», moins de corruption et moins de brutalité des autorités, la situation des masses s’améliorerait. Les dirigeants occidentaux savent par expérience que les mille cartes de la «démocratie» peuvent être jouées dans différents scenarios pour dévier les luttes des masses vers des objectifs qui ne remettent pas en cause le capitalisme, mais se limitent à des changements de gouvernement. Ce n’est pas par hasard que dans les manifestations les divers partis d’opposition mettent en avant la revendication: «Ben Ali, dégage!», «Moubarak, dégage!» ; ils veulent seulement profiter des émeutes pour remplacer les clans des Ben Ali et des Moubarak dans les gouvernements de ces pays.
Qu’est-ce que cela changera fondamentalement pour les masses? Rien.
Avec seulement un peu plus de liberté d’expression et d’élections libres, ce sera la continuation de l’exploitation brutale des masses prolétarisées que le capitalisme inflige sous tous les cieux, mais avec l’aggravante que s’y ajoute l’oppression impérialiste qui remplit les coffre-forts des bourgeoisies américaine et européenne et leur permet d’acheter la complicité des organisations réformistes contrôlant leurs propres prolétaires!
Les émeutes qui secouent le monde arabe aujourd’hui annoncent des tensions et des émeutes en Europe: la Méditerranée, le mare nostrum des anciens romains, pourrait se transformer en lac de feu incendiant le Vieux Continent parce que la crise économique qui a fait vaciller les économies occidentales et dont les conséquences, retardées mais inexorables, s’abattent sur les pays de leur périphérie, ne pourra être surmontée par la capitalisme qu’en opprimant encore davantage les masses prolétariennes du monde.
Les prolétaires nord-africains, moyen-orientaux et albanais crient au monde par leurs émeutes de ces dernières semaines, que le capitalisme n’est pas en mesure de satisfaire les exigences élémentaires des masses et que cette situation intolérable doit changer. Les prolétaires d’Europe et d’Amérique les regardent avec stupéfaction, inquiets mais également contents de révoltes qui mettent en fuite des gouvernants sanguinaires. Les prolétaires des pays les plus riches de la planète, qui ont connu eux aussi une détérioration constante de leurs conditions de vie et de travail, n’ont pas la force de se révolter de la même façon. Ils ont été éduqués dans le respect de la «légalité démocratique», ils sont intoxiqués depuis des décennies par le mythe d’une démocratie dont ils constatent chaque jour l’impuissance à résoudre leurs problèmes de vie quotidienne, mais dont ils n’arrivent cependant pas à se libérer pour laisser s’exprimer la révolte que tout esclave ressent inévitablement.
Mais les prolétaires d’Europe ont cependant une histoire de luttes de classe, de luttes révolutionnaires non seulement contre les anciens régimes féodaux, mais aussi contre le capitalisme. C’est cette histoire qu’ils peuvent et qu’ils doivent se réapproprier s’ils ne veulent pas rester éternellement soumis à leurs bourgeoisies impérialistes; il leur faut redécouvrir les enseignements des glorieuses luttes de classe du passé et des véritables révolutions sociales qui ont fait trembler toutes les puissances impérialistes!
Si les prolétaires du Maghreb et du Moyen-Orient qui se sont dressés contre leurs régimes, se laissent canaliser dans la voie de la démocratie et des élections prétendument non truquées vers où les orientent les partis d’opposition, ils ne réussiront pas à trouver une perspective pour leur classe , ils ne réussiront pas à s’émanciper de l’exploitation et de l’oppression qui les condamne à la misère et demain les transformera en chair à canon, comme cela a déjà été le cas lors des guerres innombrables qui ont ensanglanté la région. Les nationalismes dont les divers Etats arabes ont abreuvé les masses pour défendre les intérêts de castes et de fractions bourgeoises alliées à tel ou tel impérialisme sont l’autre face de la médaille, qui concorde parfaitement, si le besoin se fait sentir d’un lien social supplémentaire, avec le fondamentalisme religieux, comme l’ont démontré les Ayatollahs en Iran et le sionisme en Israël.
Les prolétaires qui expriment aujourd’hui leur colère en dehors de toute instrumentalisation religieuse, ne pourront rester à la longue dans cette situation. Même lorsque les régimes bourgeois traversent une grave crise politique comme c’est le cas en Egypte et en Tunisie (et demain peut-être au Maroc, en Jordanie, en Libye ou ailleurs), l’absence du parti de classe, armé du programme communiste révolutionnaire et déterminé à préparer les prolétaires à la future révolution anticapitaliste, les masses peuvent être «neutralisées» grâce à l’action toujours efficace de la démocratie, et si nécessaire en recourant à une alternative de type islamique..
Les prolétaires ont devant eux en effet trois possibilités: retomber dans le silence comme avant la révolte, avec une certaine liberté d’expression et d’organisation permises par une nouvelle légalité imposée par de nouvelles fractions bourgeoises avec l’accord de l’impérialisme; se faire représenter par des partis de type islamique qui, par leur dénonciation de la corruption et des mauvaises moeurs, réussiraient à capter le dégoût des masses envers les dirigeants actuels; ou alors prendre la voie de l’organisation de classe, pour la défense sans compromis de leurs intérêts immédiats, avec la perspective de renverser la société bourgeoise plongée dans la mercantilisation de tous les rapports sociaux et humains existants.
Cette voie de la lutte de classe est sans aucun doute la plus difficile; elle semble la plus lointaine parce que dans la société bourgeoise la concurrence de tous contre tous pousse chaque individu à ne voir que soi, à ne penser qu’à ses besoins personnels (ou à ceux de sa famille) au détriment de ceux du voisin. Mais les prolétaires constituent une classe fondée sur des rapports de production et sociaux particuliers: ils sont la classe que les capitalistes doivent exploiter pour obtenir leurs profits; c’est la condition matérielle de force de travail salariée qui fait des prolétaires une classe où les individus ont les mêmes intérêts et ressentent le besoin de s’unir pour les défendre; c’est dans cette poussée matérielle, dans ce mouvement de défense que naît la solidarité et la conscience de posséder une force qui ne se limite pas à exprimer la colère, mais qui peut être organisée pour obtenir un avenir qui ne soit plus celui de l’exploitation éternelle par le capitalisme!
Les prolétaires européens, de leur côté, ont tout à perdre à se contenter de regarder passivement ce qui se passe sur l’autre rive de la Méditerranée; la révolte des prolétaires et des masses déshéritées du Maghreb et du Moyen-Orient les intéresse au premier chef: ce sont leurs frères de classe qui se révoltent, poussés par la faim et la misère, et si la répression triomphe une partie d’entre eux viendront chercher en Europe les possibilités de vie qu’ils n’ont plus chez eux, comme cela se passe depuis des décennies - nouvelle démonstration que la condition prolétarienne est la même partout. Le capitalisme ne pourra pas ne pas utiliser ces nouveaux arrivants pour accroître la concurrence entre travailleurs; voilà pourquoi la révolte des masses d’outre Méditerranée intéresse directement les prolétaires européens. Les prolétaires sont les seuls qui n’ont rien à craindre de ces révoltes, qui n’ont aucune raison de redouter que l’incendie social ne touche les métropoles européennes. Ce sont les seuls parce qu’ils font partie de la même classe des travailleurs salariés, exploités par des capitaux appartenant au réseaux d’intérêts qui lient les bourgeoisies les unes aux autres, et qui doit être combattu partout.
Mais pour qu’elle soit efficace, cette lutte doit s’affranchir des mythes d’une «démocratie» et d’un «légalisme» que tout bourgeois, tout capitaliste, sous la pression de la rue, est prêt à revendiquer contre d’autres bourgeois haïs et discrédités, quitte ensuite, le calme revenu, à les piétiner sans scrupule!
Les révoltes qui se succèdent dans les pays arabes donnent une leçon de lutte prolétarienne:
la voie à suivre pour les prolétaires des deux rives de la Méditerranée comme de tous les pays du monde, est la voie de la lutte de classe, de la lutte où les prolétaires se lèvent non en défense d’une mensongère démocratie bourgeoise, mais de leurs propres intérêts de classe, qui représentent aussi l’avenir de la société humaine car ils impliquent la fin du mode de production capitaliste et donc de toutes les oppressions sociales politiques économiques et militaires qui caractérisent la société bourgeoise.
Parti Communiste International, 30/1/2011
www.pcint.org
Une puissante vague de colère des masses arabes misérables et sans travail ébranle le jeune, vorace et brutal capitalisme des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient soutenu par le vieux et sanguinaire capitalisme d’Europe et d’Amérique. Anticipation d’une vague sociale qui ne peut se conclure en faveur de la grande majorité de la population que par l’entrée en scène de la classe ouvrière.
Depuis 5 jours les rues du Caire, d’Alexandrie de Suez et de beaucoup d’autres villes égyptiennes sont le théâtre d’une formidable vague de colère des masses qui ne supportent plus de vivre dans le chômage, la misère et la faim: après la Tunisie et l’Algérie c’est maintenant le tour de l’Egypte.
Les médias de l’opulent monde occidental, qui ne peuvent plus maintenant cacher la sauvage répression policière, centrent toutes leurs informations sur le «manque de réformes» et l’absence d’une «véritable démocratie»! Il a fallu attendre que les masses, bravant la répression, fassent éclater leur colère en attaquant des édifices publics, brûlant ce qu’ils pouvaient, jetant des pierres, renversant des blindés, s’affrontant au corps à corps avec la police, défiant le couvre-feu et les tirs des forces de répression, pour que ces médias reconnaissent que ces régimes soudoyés, protégés et armés par les démocraties occidentales et en premier lieu les Etats-Unis, ont maintenu l’ordre et le contrôle social par une violence policière systématique et généralisée; qu’ils ont arrêté, torturé et fait taire toute opposition par tous les moyens, pour avoir les mains libres et accumuler en quelques années d’énormes richesses pour leurs clans – et leurs parrains étrangers.
Les timides demandes faites par les Obama, Merkel, Sarkozy et cie au régime de Moubarak (et auparavant à celui de Ben Ali) pour qu’il fasse de façon urgente des concessions afin de répondre aux demandes les plus urgentes des masses (pain et travail, en définitive) démontrent à quel point les impérialistes ont été surpris par la vague d’émeutes qui s’étendent dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.
Les Démocraties occidentales se soucieraient-elles soudainement de la misère que connaissent depuis des années les prolétaires et les masses paysannes de ces pays?
Pas le moins du monde!
Dans des pays où le capitalisme se développe de la seule manière possible, étant donné la concurrence impérialiste sans pitié qui impose aux populations du monde entier une oppression économique, sociale et militaire, c’est-à-dire de la manière la plus sauvage et brutale que l’histoire ait connu; dans des pays où le mode de production capitaliste prétendait amener le bien-être et la civilisation, il n’y a pas d’autre perspective pour les masses laborieuses que l’exploitation, la répression, la misère et la faim. Ces régimes qui depuis des décennies comme en Egypte ou en Tunisie écrasent leur peuple et qui aujourd’hui reçoivent en retour une très petite fraction de la violence autrefois infligées aux masses, ont été pendant tout ce temps des points d’appui des puissances impérialistes «démocratiques» qui dominent le monde.
Face à l’irrésistible explosion de colère des masses arabes déshéritées Washington, Berlin, Paris, Rome, Londres et Bruxelles, adressent au Caire, comme hier à Tunis et à Alger, le conseil de permettre la liberté d’expression, de réaliser des réformes, d’arrêter la répression.... Paroles vides qui ne servent qu’à faire croire qu’avec plus de «démocratie», moins de corruption et moins de brutalité des autorités, la situation des masses s’améliorerait. Les dirigeants occidentaux savent par expérience que les mille cartes de la «démocratie» peuvent être jouées dans différents scenarios pour dévier les luttes des masses vers des objectifs qui ne remettent pas en cause le capitalisme, mais se limitent à des changements de gouvernement. Ce n’est pas par hasard que dans les manifestations les divers partis d’opposition mettent en avant la revendication: «Ben Ali, dégage!», «Moubarak, dégage!» ; ils veulent seulement profiter des émeutes pour remplacer les clans des Ben Ali et des Moubarak dans les gouvernements de ces pays.
Qu’est-ce que cela changera fondamentalement pour les masses? Rien.
Avec seulement un peu plus de liberté d’expression et d’élections libres, ce sera la continuation de l’exploitation brutale des masses prolétarisées que le capitalisme inflige sous tous les cieux, mais avec l’aggravante que s’y ajoute l’oppression impérialiste qui remplit les coffre-forts des bourgeoisies américaine et européenne et leur permet d’acheter la complicité des organisations réformistes contrôlant leurs propres prolétaires!
Les émeutes qui secouent le monde arabe aujourd’hui annoncent des tensions et des émeutes en Europe: la Méditerranée, le mare nostrum des anciens romains, pourrait se transformer en lac de feu incendiant le Vieux Continent parce que la crise économique qui a fait vaciller les économies occidentales et dont les conséquences, retardées mais inexorables, s’abattent sur les pays de leur périphérie, ne pourra être surmontée par la capitalisme qu’en opprimant encore davantage les masses prolétariennes du monde.
Les prolétaires nord-africains, moyen-orientaux et albanais crient au monde par leurs émeutes de ces dernières semaines, que le capitalisme n’est pas en mesure de satisfaire les exigences élémentaires des masses et que cette situation intolérable doit changer. Les prolétaires d’Europe et d’Amérique les regardent avec stupéfaction, inquiets mais également contents de révoltes qui mettent en fuite des gouvernants sanguinaires. Les prolétaires des pays les plus riches de la planète, qui ont connu eux aussi une détérioration constante de leurs conditions de vie et de travail, n’ont pas la force de se révolter de la même façon. Ils ont été éduqués dans le respect de la «légalité démocratique», ils sont intoxiqués depuis des décennies par le mythe d’une démocratie dont ils constatent chaque jour l’impuissance à résoudre leurs problèmes de vie quotidienne, mais dont ils n’arrivent cependant pas à se libérer pour laisser s’exprimer la révolte que tout esclave ressent inévitablement.
Mais les prolétaires d’Europe ont cependant une histoire de luttes de classe, de luttes révolutionnaires non seulement contre les anciens régimes féodaux, mais aussi contre le capitalisme. C’est cette histoire qu’ils peuvent et qu’ils doivent se réapproprier s’ils ne veulent pas rester éternellement soumis à leurs bourgeoisies impérialistes; il leur faut redécouvrir les enseignements des glorieuses luttes de classe du passé et des véritables révolutions sociales qui ont fait trembler toutes les puissances impérialistes!
Si les prolétaires du Maghreb et du Moyen-Orient qui se sont dressés contre leurs régimes, se laissent canaliser dans la voie de la démocratie et des élections prétendument non truquées vers où les orientent les partis d’opposition, ils ne réussiront pas à trouver une perspective pour leur classe , ils ne réussiront pas à s’émanciper de l’exploitation et de l’oppression qui les condamne à la misère et demain les transformera en chair à canon, comme cela a déjà été le cas lors des guerres innombrables qui ont ensanglanté la région. Les nationalismes dont les divers Etats arabes ont abreuvé les masses pour défendre les intérêts de castes et de fractions bourgeoises alliées à tel ou tel impérialisme sont l’autre face de la médaille, qui concorde parfaitement, si le besoin se fait sentir d’un lien social supplémentaire, avec le fondamentalisme religieux, comme l’ont démontré les Ayatollahs en Iran et le sionisme en Israël.
Les prolétaires qui expriment aujourd’hui leur colère en dehors de toute instrumentalisation religieuse, ne pourront rester à la longue dans cette situation. Même lorsque les régimes bourgeois traversent une grave crise politique comme c’est le cas en Egypte et en Tunisie (et demain peut-être au Maroc, en Jordanie, en Libye ou ailleurs), l’absence du parti de classe, armé du programme communiste révolutionnaire et déterminé à préparer les prolétaires à la future révolution anticapitaliste, les masses peuvent être «neutralisées» grâce à l’action toujours efficace de la démocratie, et si nécessaire en recourant à une alternative de type islamique..
Les prolétaires ont devant eux en effet trois possibilités: retomber dans le silence comme avant la révolte, avec une certaine liberté d’expression et d’organisation permises par une nouvelle légalité imposée par de nouvelles fractions bourgeoises avec l’accord de l’impérialisme; se faire représenter par des partis de type islamique qui, par leur dénonciation de la corruption et des mauvaises moeurs, réussiraient à capter le dégoût des masses envers les dirigeants actuels; ou alors prendre la voie de l’organisation de classe, pour la défense sans compromis de leurs intérêts immédiats, avec la perspective de renverser la société bourgeoise plongée dans la mercantilisation de tous les rapports sociaux et humains existants.
Cette voie de la lutte de classe est sans aucun doute la plus difficile; elle semble la plus lointaine parce que dans la société bourgeoise la concurrence de tous contre tous pousse chaque individu à ne voir que soi, à ne penser qu’à ses besoins personnels (ou à ceux de sa famille) au détriment de ceux du voisin. Mais les prolétaires constituent une classe fondée sur des rapports de production et sociaux particuliers: ils sont la classe que les capitalistes doivent exploiter pour obtenir leurs profits; c’est la condition matérielle de force de travail salariée qui fait des prolétaires une classe où les individus ont les mêmes intérêts et ressentent le besoin de s’unir pour les défendre; c’est dans cette poussée matérielle, dans ce mouvement de défense que naît la solidarité et la conscience de posséder une force qui ne se limite pas à exprimer la colère, mais qui peut être organisée pour obtenir un avenir qui ne soit plus celui de l’exploitation éternelle par le capitalisme!
Les prolétaires européens, de leur côté, ont tout à perdre à se contenter de regarder passivement ce qui se passe sur l’autre rive de la Méditerranée; la révolte des prolétaires et des masses déshéritées du Maghreb et du Moyen-Orient les intéresse au premier chef: ce sont leurs frères de classe qui se révoltent, poussés par la faim et la misère, et si la répression triomphe une partie d’entre eux viendront chercher en Europe les possibilités de vie qu’ils n’ont plus chez eux, comme cela se passe depuis des décennies - nouvelle démonstration que la condition prolétarienne est la même partout. Le capitalisme ne pourra pas ne pas utiliser ces nouveaux arrivants pour accroître la concurrence entre travailleurs; voilà pourquoi la révolte des masses d’outre Méditerranée intéresse directement les prolétaires européens. Les prolétaires sont les seuls qui n’ont rien à craindre de ces révoltes, qui n’ont aucune raison de redouter que l’incendie social ne touche les métropoles européennes. Ce sont les seuls parce qu’ils font partie de la même classe des travailleurs salariés, exploités par des capitaux appartenant au réseaux d’intérêts qui lient les bourgeoisies les unes aux autres, et qui doit être combattu partout.
Mais pour qu’elle soit efficace, cette lutte doit s’affranchir des mythes d’une «démocratie» et d’un «légalisme» que tout bourgeois, tout capitaliste, sous la pression de la rue, est prêt à revendiquer contre d’autres bourgeois haïs et discrédités, quitte ensuite, le calme revenu, à les piétiner sans scrupule!
Les révoltes qui se succèdent dans les pays arabes donnent une leçon de lutte prolétarienne:
la voie à suivre pour les prolétaires des deux rives de la Méditerranée comme de tous les pays du monde, est la voie de la lutte de classe, de la lutte où les prolétaires se lèvent non en défense d’une mensongère démocratie bourgeoise, mais de leurs propres intérêts de classe, qui représentent aussi l’avenir de la société humaine car ils impliquent la fin du mode de production capitaliste et donc de toutes les oppressions sociales politiques économiques et militaires qui caractérisent la société bourgeoise.
Parti Communiste International, 30/1/2011
www.pcint.org