PAGES PROLETARIENNES

vendredi 18 novembre 2011

Du danger d’abandonner la théorie du prolétariat



(et un dernier coucou des chauve-souris communisatrices pour la route)

Bien reçu la lettre internationaliste de Michel Roger. Evidemment on ne peut être que d’accord avec les analyses de ce camarade sur la gravité de la crise capitaliste. Le texte du groupe américain de Mattick des années 1930 – Living marxism – est un texte rigoureux qui fait partie de nos archives maximalistes et nous nous y retrouvons aussi. Texte au titre bizarre : « Salut à la crise » ! Ecrit en 1938 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, bravo ! Sa conclusion est pitoyable : « Sur la route du capitalisme, sa fin mortelle est déjà en vue, tant en période d’austérité qu’en temps de crise. Et nous nous en réjouissons. Une fin du capitalisme pleine de terreur est toujours préférable à une terreur sans fin. Aussi saluons-nous la crise ! ».

Chapeau, deux ans à peine plus tard le capitalisme se survivait en pleine terreur pour se ressourcer pendant plus d’un demi-siècle encore ! Michel aurait pu noter au moins ironiquement la capacité des marxistes « catastrophiques » à se gourer autant que les meilleurs prix Nobel de la paix capitaliste.

Quel intérêt ensuite de reproduire un article du journal bourgeois Le Monde d’un zozo de l’intelligentsia anar bcbg Anselm Jappe (spécialiste de Debord ma chère !) : L’argent est-il devenu obsolète ? Où ce brave philosophe imagine un monde dévalué et une misère sans argent. Pas étonnant que Le Monde ait publié ce fantasme d’intellectuel bien nourri. Si au moins ce gauchiste établi avait conclu : « et alors, basta, on se servira et on prendra les armes » !

Pire, et plus inquiétant, la lettre internationaliste publie un texte présenté comme rigoureux d’un interlope des facéties des charlots communisateurs, Max spécialiste de la revue de presse des petits profs retraités de cet univers de gauchistes désenchantés, et grand questionneur de la vocation de tous ces has been déjantés. Etonnant de la part de Michel, qui, avec R.Camoin fût parmi les premiers à décrypter et à renvoyer aux chiottes de l’histoire ce petit monde de « réformistes anars » ! Qu’est-ce qu’on a à foutre des journalistes belgo-américains Sander et Mac Intosh (dont le plus proche collaborateur dans la section CCI de NY, avait publié un bouquin avec Willy Brandt au moment de la chute du mur de Berlin) ? Les mêmes qui doutaient il y a trente ans que les chômeurs fassent partie de la classe ouvrière, et qui n’ont pas eu de mots assez durs contre la racaille des émeutiers anglais (pourtant tous prolétaires) ! Et des petits instites R.Simon, Exit, Rocamadur, Blaumachin et autres TC, petits maîtres passés à l’art du langage obscurément pesant et imbitable ?

Je l’ai dit et redit et je le répète, l’abandon de la notion et du rôle du prolétariat mène à tout sauf à la révolution. Pour la plupart ils sont voués soit aux poubelles de l’histoire des voyeurs de la lutte des classes, soit à la plongée vers l’ornière de la nostalgie fasciste (cf. Les Guillaume, Bochet, Blanc et autres négateurs des chambres à gaz, et j’en passe).

Max, en fan de tous ces ânes d’intellectuels petits bourgeois ne pose aucune question concernant les difficultés actuelles de la classe ouvrière ni ne s’interloque du genre de questionnements de ce marais de scribouillards voyeurs.

UN COUCOU DES CHAUVE-SOURIS COMMUNISATRICES POUR LA ROUTE

Il fait en outre de la publicité pour le dernier pensum des frères révisionnistes Dauvé/Nésic : « Communisation » si bien édité par leur site sarcastique « trop loin ». Saint Gilles et Saint Karl, abreuvés encore puceaux par la bouillie de S ou B, ces deux lascars s’arrogent d’être les vrais papes de la théorie communisatrice. Plus même, ils viennent prétendre corriger le pacifisme que tous les imbéciles sus-nommés avaient laissé poindre de leurs charabias ampoulés ; et dont je me suis bien moqué dans mon « Précis de communisation » (qui a fait se gondoler même l’herbivore Camatte). Bien sûr assurent-ils qu’il y aura violence dans la permutation sociale communisatrice. Pas question de prendre le pouvoir, mais on fera des émeutes, des grèves générales, des pillages… pour l’essentiel, non pas les besoins de l’estomac mais la « relation humaine » entre « les gens ». Bien sûr que la classe ouvrière continue d’exister (et merde à Negri et aux concurrents de la planète communisatrice anarchiste), mais « peu importe ce qu’imagine tel ou tel prolétaire », comme l’a dit un jour un jeune universitaire allemand dans ses écrits « de jeunesse ». Ah certes nous n’avons plus aujourd’hui ce formidable exemple du plouc italien venu « refuser le travail » à Turin au début des seventies. Certes cette stupide caissière de supermarché ne pense qu’à conserver son travail et pas à le contester ! Et le brave cheminot en grève n’a-t-il pas la possibilité de passer à une activité différente « décidée par eux en commun ». Par exemple ? (c’est moi qui complète) jouer aux cartes pendant l’occupation du lieu de travail, succédané de la seule action autorisée par l’aristocratie syndicale.

Après nous avoir longuement exalté leur pauvre passé soixantehuitards, de nos présumés fondateurs de la plus bête théorie sociologique, qui ne ravit qu’une poignée de quadras révisionnistes de l’élite rose, après nous avoir assuré des années en arrière qu’il « faut savoir attendre », nos deux jemenfichistes ne font que radoter les pires âneries de l’anarchisme ringard sur un passage « immédiat » au communisme, car ils prennent soin d’alterner ce gros mot passé de mode de « communisme » avec communisation. Généralement peu sûrs de leur affirmation, ils concèdent que cela pourrait prendre au moins « une génération » ? Plutôt que de supprimer l’argent ou d’user des vieillots « bons de travail » de Appel et de Marx, ou de la misère coopérativiste, je propose pour ma part de conserver la carte bleue, carte rouge si vous voulez, après avoir brûlé les banques et leurs billets…

Le seul exemple qu’ils tolèrent pour appuyer la soit disant « révolution communisatrice », violente et égalitaire ( ?), est l’ambiguë Commune de Paris, pourtant critiquée par Marx, Elysée Reclus, Rosa Luxemburg, Georges Haupt (et moi-même, cf. mes articles et mon livre sur les avatars du terrorisme). Lorsqu’ils sortent un peu de leur péplum sociologique c’est pour radoter les pires poncifs pieux et vieilleries du passé recopiées par n’importe quel arsouille stalinien ou trotskien.

Les vues sur la société de l’avenir sont du même niveau que l’aile arriérée bourgeoise qui veut immédiatement arrêter les centrales nucléaires sans se soucier des conséquences pour la société telle qu’elle est obligée d fonctionner ni pour les millions de prolétaires pauvres qui en dépendent. Ils peuvent remercier Camatte et Bitot pour les avoir initiés au miracle du retour à la terre. Sous les ultra-gauches ne se cachaient en réalité que des gauchistes déguisés en phraseurs pour apolitiques libertaires. Ils peuvent tout aussi bien rejoindre Eva Joly et leur vieux pote parvenu Cohn Bendit.

Tout leur laïus montre combien nos profs en voie de garage sont hors des réalités. Rien sur l’impuissance des « endettés » grecs, rien sur l’absence du prolétariat en certaines contrées, rien sur le « mai 68 » arabe et leurs illusions enfuies.

En 46 pages A4, nos petits profs retraités laissent sourdre enfin un parfait mépris du prolétariat, qualifié de couche « salariée », comme les deux apôtres du syndicalisme gouvernemental, Cherèque et Playmobil. Mépris présent et passé. Dauvé que se croit historien de la révolution allemande de 1919, après avoir simplement recopié Badia, fustige ces centaines de milliers d’ouvriers berlinois qui n’ont pas marché dans l’insurrection prématurée et au casse-pipe de la November revolution. Oubliés les appels à la prudence de Rosa Luxemburg ? Oubliées les circonstances tragiques de l’immédiat après guerre ! N’est pas historien qui veut. La connaissance des faits en général du passé ne peut oblitérer l’inconscience et l’immaturité d’intellectuels marginaux qui ramènent leur fraise dans le bordel d’internet pour satisfaire la gloutonnerie langagière des paumés du petit matin blême et du grand soir anarchiste. Les prolétaires seront punis de toute façon au grand jouir de la communisation, sans entraves : « La communisation sera ainsi un règlement de compte du prolétaire avec lui-même ».

Et pour finir (et qu’est-ce qu’on se marre), ils attendent toujours… de loin : « un signe d’énergie du courant communisateur parmi les prolétaires ».

Ils peuvent toujours attendre longtemps.

1 commentaire:

  1. Je ne trouve pas "Salut à la crise" (1938) dans tes archives maximalistes comme tu le dis.

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