PAGES PROLETARIENNES

dimanche 16 janvier 2011

INSURRECTION DE LA MISERE PUIS REVOLUTION DE PALAIS?


« On pense aujourd’hui à la révolution, non comme à une solution des problèmes posés par l’actualité, mais comme à un miracle dispensant de résoudre les problèmes ».
Simone Weil



Outre cette contribution, on lira par après quelques données économico-sociales pour comprendre la Tunisie d’aujourd’hui et le constat de la ménopause révolutionnaire du CCI qui, telle une vieille dame percluse de rhumatismes vient aux nouvelles bien après tout le monde pour… ne rien dire de précis ni d’utile à l’insurrection des consciences des prolétaires.


Tout le monde est conscient que le peuple tunisien est en train d’être grugé par les conciliabules secrets des amis de Ben Ali, des généraux et du menu fretin oppositionnel et syndical. Plutôt que de dire bêtement comme le CCI (RI-France) qu’il y aurait eu jusque à black out, c’est SOUS NOS YEUX que se déroule la défaite du peuple tunisien en révolte sociale :
- Le monde entier assure que se déroule une « révolution de jasmin », curieuse symbolique soft puisque cette fleur est un symbole érotique,
- Les manifestations sans pancartes syndicales débiles et sans drapeau national arriéré sont désormais envahies par ce fanal rouge étoilé comme au moment des matchs de foot,
- Tous les médias agitent la perspective dans deux mois d’élections démocratiques alors que partout elles apparaissent comme de la foutaise pour maintenir les oligarchies capitalistes et élire des notables et avocats bourgeois, de France en Côte d’Ivoire ;
- La focalisation sur l’Algérie est terminée, des manifestations en Jordanie ont été vite oubliées, seuls des étudiants du Yémen ont appelé à renverser tous les Etats de la région… montrant la vraie perspective pour les prolétaires tunisiens et non pas cette espèce d’hypocrite consensus national pour une présumée réconciliation des tueurs et des victimes ;
- Les émeutes positives dans un premier temps – attaques contre les symboles de l’Etat et de l’enrichissement - sont devenues contre-productives et ne sont plus le fait que des flics et cerbères de l’ancien régime intéressés à piller et à criminaliser le mouvement ;
- Sans grèves colonnes vertébrales de la lutte et sans force industrielle concentrée, la classe ouvrière tunisienne n’est pas à même de constituer des organes insurectionnels type Conseils ouvriers ni d’empêchement du chaos, type milices prolétariennes.

L'enthousiasme risque donc de s’éteindre en Tunisie après l'éviction de Ben Ali samedi. Aucun prolétaire tunisien, comme aucun prolétaire de Côte d’Ivoire ne croit à une transition en douceur vers un régime bourgeois démocratique de type occidental. Bien au contraire, l’intelligence politique des prolétaires leur fait craindre que la fuite du président tunisien n’ait été manigancée par l’armée que pour la préservation du pouvoir par des membres de son entourage. Ce qui les conforte dans leur inquiétude est l’affirmation générale de tous les médias bourgeois qu’il n’y a aucune « figure » pour incarner l’opposition ou que celle-ci n’est pas fédérable. Quelle cuistrerie pour maintenir la même oligarchie en place. N’importe quel petit parti de gauche bobo ou même d’obédience trotskienne peut évidemment fournir des cadres gouvernementaux ; n’importe quel militant chevronné de partis oppositionnels ou chefaillons de l’UGTT peut aussi bien prendre les rênes d’un nouveau gouvernement que les vieux caciques cireurs de pompes de Ben Ali qui commandent aux fonctionnaires. La petite bourgeoisie intellectuelle dans tous les pays a les moyens de fournir des élites gouvernementales, du côté du prolétariat c’est moins sûr ; et le prolétariat tunisien, sans parti et sans conseils ouvriers, n’a pas assez de force pour que la bourgeoisie invente un nouveau Kérensky, donc il est exclu comme force du jeu actuel. L’armée, si flattée par les médias, alors qu’elle a été totalement complice du régime Ben Ali, n’est même pas qualifiable au niveau des capitaines d’avril du Portugal de 1974, parce que ce n’est plus la même époque, parce que la Tunisie est restée et reste un Etat semi-colonial. L’armée est donc supposée avoir négocié le départ de Ben Ali… A qui veulent-ils faire croire cela ? L’éviction de Ben Ali a été plus probablement négociée sous l’égide de la bourgeoisie américaine et européenne (avec Sarko comme simple consultant), et généraux et sous-fifres mafieux ont dû dire amen. Il apparaît qu’à la suite de ces tractations avec les autorités de tutelle occidentale, contrairement à l’imbécilité de MAM, l’armée a eu consigne de limiter les exactions de la police et qu’une partie des policiers ont compris l’intérêt de poser pour de fausses scènes de fraternisation pour éloigner tout risque de dissolution de ce corps mercenaire.
Abandonnés par Ben ALI, ses partisans tentent de se maintenir au pouvoir :

- se basant sur une constitution faite par et pour Ben Ali, ses partisans ont pris le pouvoir d'une façon soit disant provisoire. La validation du choix de GHANNOUCHI puis celui de MBAZZAA a été faite par les membres de la chambre constitutionnelle.
La majeure partie des membres de cette chambre ONT DU SANG SUR LES MAINS et le président de cette chambre et le bourreau ABDALLAH EL KALLEL (recherché par la Suisse pour torture).
- MBAZZAA promet de préparer dans les 60 jours des élections présidentielles avec la participation de l'ensemble de l'opposition dans le respect de la constitution alors que cette constitution stipule que pour se présenter aux Elections Présidentielles il faut être chef d'un partie politique autorisé par la chambre constitutionnelle depuis au moins 5 ans! (autre raison pour écarter toute opposition émigrée).
- le peuple Tunisien a donné de son sang pour "dégager" Ben Ali, mais ni MBAZZAA, ni GHANNOUCHI n'ont donné d'explication sur les circonstance du départ du dictateur, ils n'ont pas demandé le gel des avoirs de sa famille ( 5 milliards de dollars pour toute la famille, la bourgeoisie française ne pose le problème du gel que maintenant, preuve qu’elle misait encore sur le clan Ben Ali)).
- les pilleurs et voleurs arrêtés par la population tunisienne ( et non par la police) avouent avoir reçus le soutien des agents du ministère de l'intérieur..
- le retour des dites "élections libres" (mensonge habituel de la démocratie financière en Europe) et surtout comme il n'y a pas une classe ouvrière capable de former Conseils ouvriers + milices prolétariennes pour faire cesser les pillages PREPARE un faux débat entre les successeurs "démocrates" de Ben Ali et les abrutis barbus en pyjama de retour de Londres. Tout ça parce que des manifestants croient qu'en s'enveloppant dans le drapeau national ils se protègeraient de la bourgeoisie. Une solution? L'extension de la lutte par delà les frontières. Le repli vers la farce électorale de type occidental c'est la mort d'une révolte sociale justifiée.

Dans la mesure où il apparait hypothétique que surgissent de véritables comités révolutionnaires, la bagarre sous égide occidentale, se déroule encore entre le maintien d’une partie de l’ancien personnel vendu à Ben Ali et les partisans d’une intégration du milieu politique petit bourgeois émigré pour donner un semblant de crédibilité à une révolution de palais qui ne sent pas aussi bon que le jasmin. Si les manifestations retombent, cela pourrait redonner une légitimité à quelqu'un du système après une mise à l'écart des larbins les plus en vue. Quelle transition démocratique dans ce pays de bourgeoisie semi-coloniale ? Les cartes se succèdent. Mohammed Ghannouchi n’aura été qu’un intérimaire de 24 heures, puis le Conseil constitutionnel a proclamé le président du Parlement chef de l'Etat transitoire vers des élections « démocratiques ». En attendant rien n’est réglé dans la rue, après les destructions les incendies de grandes surfaces les problèmes d’approvisionnement de la population vont être utilisés pour calmer les ardeurs politiques des prolétaires, avec, inévitablement la promesse d’une renaissance du syndicalisme « indépendant ». L’UGTT devrait être amenée à jouer un rôle de premier plan pour le maintien de l’ordre dans la perspective vide des élections. Avec l’aide de tous les réactionnaires gauchistes européens.


LE SYNDICAT UNIQUE CAMELEON

L'UGTT était devenu, au lendemain de l'indépendance en 1956, un prétendu contre-pouvoir au régime de parti unique. Son histoire alterne une contestation soft, de façade, à une soumission totale au pouvoir, alternée par la révélation d’une série de malversations. En 1999 l’UGTT s’était même alignée systématiquement sur les positions officielles et sur celles du patronat. Accusé de malversations et de mauvaise gestion, son pontife général était contraint à la démission en septembre 2000 puis traduit en justice et condamné, en octobre 2001, à 13 ans de prison ferme et à de fortes amendes. Abdessalem Jerad lui succède. Contesté par une partie de la classe ouvrière, cet ancien agent de la Société nationale de transport est confirmé à son poste au congrès de Djerba, en février 2002, par 307 voix sur 457. À défaut de légitimer son leadership, il parvient à s'imposer à la tête du bureau exécutif où siègent 9 de ses partisans ainsi que 3 élus sur une liste rivale emmenée par Ali Romdhane. Au sortir d'une longue traversée du désert, ce dernier devient le numéro 2 de l'organisation. Le syndicat unique a perdu depuis longtemps le prestige qu'il avait durant les années 1970 : le secrétaire général d'alors, Habib Achour, n'hésitait pas à contester formellement les décisions du gouvernement au nom de l'intérêt des travailleurs. Pourtant, les signes d'une adaptation du syndicalisme tunisien caméléon sont perceptibles, dans le même cadre corrompu du maintien de l’Etat. En 2004, le soutien de l'UGTT à la candidature du président Zine el-Abidine Ben Ali pour un quatrième mandat est âprement discuté au sein de la commission administrative. La majorité finit par accepter une motion de soutien présentée par le bureau exécutif mais certaines structures régionales, plusieurs fédérations (dont celles de l'enseignement supérieur et de la santé) et des syndicats nationaux y sont hostiles.
Les gauchistes européens se démènent de ce côté de la Méditerranée pour épauler la renaissance d’un syndicalisme rénové et qui va recruter parmi les étudiants tunisiens bobos. Un communiqué de l’antenne des lambertistes le POI (parti ouvrier indépendant) – secte française louche - milite déjà, en truquant les faits, en faveur d’une fallacieuse renaissance syndicale basée sur une martyrologie intéressée à faire oublier le syndicalisme d’Etat automatique et reconstituer une bouée de secours pour l’Etat maintenu: « Plongée dans la misère, sans aucune perspective, la jeunesse et la classe ouvrière de Tunisie, se réappropriant leurs syndicats se soulèvent dans tout le pays pour défendre leur droit d’exister. Depuis plusieurs jours, des militants syndicalistes locaux de l’UGTT sont morts sous les balles de la répression policière. Hommes et femmes unis, travailleurs, jeunes, avocats, artistes, universitaires : des centaines sont blessés, ont été tabassés, jetés en prison. Spontanément, dans des dizaines de villes, la population s’est rendue au siège local de l’UGTT pour exprimer son opposition à Ben Ali ». (signé Louisa Hanoune du PT d’Algérie, et du pitre parisien Gluckstein). Laguiller fait le même habituel bla-bla généraliste sur la solidarité des peuples. Le NPA cire les pompes de la révolution de jasmin : « La fuite du dictateur c'est une grande victoire pour le peuple tunisien. Le NPA renouvelle tout son soutien au peuple tunisien, à la révolution démocratique à laquelle il aspire ». Pour que la révolte sociale expire…
A suivre…
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QUELQUES DONNEES ECONOMICO-SOCIALES SUR LA TUNISIE
La Tunisie étant un pays semi colonial, dont l’économie, dominée par l’impérialisme mondial, est tournée vers l’exportation, l’industrie lourde y est faiblement développée et le pays importe les équipements. Les salariés travaillant dans les industries manufacturières sont 554 700 dont 273 560 salariés (49,3%environ) dans 2 800 entreprises à capital totalement ou partiellement étranger comptabilisées.
En 2006, ces entreprises représentaient le tiers de l’ensemble des entreprises manufacturières en Tunisie. Le capital monopoliste européen domine dans ces 2800 entreprises dont la moitié environ sont des entreprises françaises. On dénombrait également des entreprises italiennes, belges, allemandes, etc. Selon le recensement de 2004, le nombre de salariés s’élève à 2 255 700 sur une population de 9 910 872 habitants (soit 21,75%de la population) et une population active de 3 328 600 (1), dont 2 440 100 hommes et 73,4% et 888 500 de femmes ou 26,6%. Il est à noter que le nombre des salariés est passé de 1 649 600 en 1994 à 2 155 700 en 2004, soit +506 100 en 10 ans. La classe ouvrière se caractérise par :
- une faible concentration dans le milieu agricole, surtout après le démantèlement du secteur public ;
- une faible concentration dans l’industrie en raison de l’importance des PME et des ateliers employant quelques salariés ;
- la précarité de l’emploi en raisons de la quasi-généralisation des contrats de travail à durée déterminée, de l’emploi temporaire, de l’emploi à domicile, et.
- le faible taux de syndicalisation : entre 7 et 8% dans le secteur privé et 20% environ dans le secteur public ;
- une centrale syndicale dominée par une bureaucratie sur une ligne de conciliation de classes.
L’industrie est essentiellement une industrie de transformation, d’extraction des matières premières, une industrie légère. Le prolétariat industriel tunisien se trouve dans le secteur des transports, de l’énergie et dans quelques unités métallurgiques.
Notons que parmi les 3 328 600 actifs en Tunisie, on compte 884 500 femmes (soit 26,6%) Et parmi ceux qui ont effectivement un emploi, le nombre des femmes atteint 733 300 sur 2 854 700 (soit (25,68%), étant entendu que le chiffre de 733 300 englobe les non-salariées et les salariées qui représentent la majorité écrasante des femmes pourvues d’un emploi.
(source : quelques données sur le travail en milieu ouvrier en Tunisie par Mohamed Jmour du PTPDT, parti du travail patriotique et démocratique de Tunisie).

DU COTE DES SECTES MAXIMALISTES REVISONNISTES :
CONSPIRATION DU SILENCE OU CONSTIPATION DU CCI ?

Sacrée ménopause politique ! Le CCI, lui, se réveille seulement le 15 pour publier deux communiqués qui sentent le faisandé, où ils racontent des énormités sur le black-out présumé des médias (conspiration du silence), qui au contraire du CCI ont bien montré que l’info passait de toute façon. Un certain Sofiane conclut pourtant en contradiction avec ce qui été dit avant… pour ne rien dire sur le mouvement en cours: « Le seul objectif de cet engouement des médias pour la "révolution tunisienne" vise à intoxiquer la conscience des exploités, à dévoyer leurs luttes contre la misère et le chômage sur le terrain de la défense de l'État démocratique bourgeois qui n'est rien d'autre que la forme la plus sournoise, la plus hypocrite, de la dictature du capital ».
Le 2e communiqué ce même 15 janvier est de la même eau, trop tardif et dépassé par les événements. Il raconte ce que tout le monde sait depuis plus d’une semaine en général, mais avec sa théorisation lamentable des étudiants « fils de la classe ouvrière » au souvenir des héroïques luttes des jeunes bobos contre le CPE, la LRU et pour des retraites de cadres. Comme la classe ouvrière est très faible en Tunisie, ce que chacun sait, le CCI sponsorise la petite bourgeoisie intellectuelle. Donc après des grèves inventées, il nous dit que « la révolte s’étend aux universités ». Mais quelle révolte ? La théorisation de « la lutte de la jeunesse universitaire » leur fait mêler les simples matraquages d’étudiants lyonnais lors de la pantalonnade sur les retraites en France et les tirs à balle réelle de la mafia tunisienne semi-coloniale sur la population indistincte. Les amalgames du CCI – au nom d’une vague solidarité universelle humaniste – ne sont pas simplement infantilement recruteurs mais anti-marxistes, donc, dans ce cas, un aliment de plus aux chansons sur la démocratisation où s’exprime cette vague compassion d’observateurs éloignés pour « une révolte qui se rattache au combat de la classe ouvrière mondiale ». Et le combat de la classe ouvrière mondiale il est où et il se rattache à quoi ? Quand on voit les manifs maigrichonnes de soutien en France contre le massacre de nos frères de classe en Tunisie, on peut considérer que notre pauvre classe ouvrière n’est pas très internationaliste et garde sa conscience dans sa poche sous le mouchoir sale du chacun pour soi et vive ma bagnole. L’appel de cette secte à un avenir pour les jeunes diplômés –nouveau substitut à une classe ouvrière encore rampante – « Solidarité avec les jeunes générations de prolétaires partout où elles luttent contre un avenir bouché ! » - nous fait pleurer de rire. L’avenir bouché des diplômés, qu’est-ce que les prolétaires s’en fichent ! Le Capital ne peut plus donner du travail à tous diplômés ou pas et le prolétariat n’a pas vocation à intégrer à son combat la promotion hiérarchique des diplômés par rapport aux diplômés (certes les enfants de militants gauchistes et maximalistes sont très diplômés en général…).
Tout ce petit milieu de has been ne mérite même pas qu’on s’y intéresse. Le mouvement de fond qui monte suscitera, n’en doutons pas, un sang neuf, des forces vives qui sauront garder ou se réapproprier les acquis politiques du courant maximaliste, en oubliant ses vieux révisionnistes, fossoyeurs de la théorie marxiste.

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