PAGES PROLETARIENNES

samedi 13 février 2010




VOUS AVEZ DEMANDé LA POLICE ?


ARCHIVé !




« Dans les archives secrètes de la police », sous la direction


de Bruno Fuligni, avec la collaboration d’auteurs célèbres


Azéma, Lacouture, Nothomb, Tulard, Winock, etc. ;


ed l’Iconoclaste. Deuxième édition 3 fois moins chère que


la première : 24,90 euros au lieu de 69.



Réclame du livre : « Pour la première fois, la Préfecture de police a accepté d’ouvrir ses archives à un éditeur en lui laissant une totale liberté d’action dans le choix des sujets, des documents et des auteurs. En feuilletant cet ouvrage, chaque lecteur est comme un enquêteur qui aurait sous les yeux les pièces à conviction des grandes affaires qui ont marqué notre Histoire : rapports secrets, enquêtes, lettres de dénonciation, photographies, plans et croquis…
De l’assassinat d’Henri IV à Mai 68, ce livre raconte quatre siècles de dossiers brûlants. Il plonge dans la grande Histoire –
Ravaillac, Louis XVII, Ravachol, la Résistance, la guerre d’Algérie–, mais aussi dans le monde de la pègre, des marginaux et des courtisanes.
Il fait revivre les affaires criminelles qui ont passionné les Français –
Landru, Violette Nozières, Petiot– et dévoile les secrets d’artistes et d’écrivains comme Hugo, Verlaine, Rimbaud, Colette ou Picasso. Les textes de la police, rédigés dans un constant souci de précision, décrivant tour à tour le drame, la passion ou l’insolite, donnent à ce livre une force historique –et parfois humoristique prodigieuse ».



En ces temps sarkoziens où le régime est décrié par nombre de journalistes à sensation comme une « dictature » et un « Etat policier », et, bien que ce soit un masque simpliste de la dangerosité du capitalisme, où la police est exaltée par les actuels tenants du pouvoir, à chaque échéance électorale, comme la solution, non du chômage, mais comme garantie de la « protection du citoyen », il est intéressant d’examiner l’histoire, l’utilité et la nocivité de la police ; cette dernière n’étant pas souvent là où croient la trouver les anarchistes en uniforme noir. Les défenseurs du marxisme se contentent eux aussi de bien étranges simplisme, au moment de la révolution il suffit de « supprimer tous les corps armés » ; la plupart de ces acharnés ennemis de l’uniforme ignorent apparemment comment a été opérée cette suppression dans les quelques cas où elle est présumée avoir eu lieu (nous en reparlerons en temps utile).



Nous pouvons affirmer, sans grand risque de nous tromper, que le policier en France est, après le chômeur et l’étudiant, l'être le plus universellement méprisé. Si les raisons pour lesquelles on le méprise sont souvent de fausses raisons qui relèvent de l'idéologie gauchiste, les raisons pour lesquelles il est effectivement méprisable et méprisé par la jeunesse du point de vue du prolétariat universel sont refoulées et inavouées. Particulièrement lorsque des avocats publient des livres sur la « justice » ou la « garde à vue », sans compter les innombrables révélations de pacotille sur les « secrets de la police ».


Le policier ne travaille pas il est payé pour surveiller. Il est supérieur socialement à l’ouvrier, sa fonction de surveillance le plaçant au niveau du fainéant « agent de maîtrise ». Comme l’agent de maîtrise, et contrairement à l’ouvrier, la principale fonction du policier est d’obéir, et d’obéir au bourgeois. Cruelle existence que celle du policier, il n’a même pas la faculté de dire merde comme n’importe quel prolétaire de base, ou alors il perd sa place. Faut-il être crétin pour devenir policier, comme le croit la jeunesse ? Sont-ils tous des assassins potentiels des prolétaires insurgés comme le pensent les anarchistes tête front de bœuf ? En dépassant la superficialité d’un opuscule pipole superficiel sur l’histoire de la police, on verra bien qu’il faut dépersonnaliser le problème et le relier à l’existence du principal moyen d’oppression capitaliste, l’Etat.



L’HISTOIRE DE LA POLICE EST INSEPARABLE DE LA CREATION DE L’ETAT



Le marxisme avec Engels définit la création de l’Etat (et donc y inclus de ses forces armées) comme une nécessité historique à une époque donnée pour éviter à la société de se dissoudre en conflits stériles. Je ne développerai pas ici longuement sur l’histoire de la police, internet fournit d’excellents résumés, mais jamais la police n’y est analysée comme corps d’Etat et totalement subordonnée à la nature et évolution de la structure de l’Etat. On ne trouve pas non plus d’étude approfondie de l’histoire de la police comme telle chez les marxistes ; excepté Victor Serge mais pour inspecter les archives saisies après la révolution de 1917 et décrire les méthodes de surveillance opaque des militants, et les « provocations ».


Les théories simplistes gauchistes et anarchistes définissent l’Etat comme composé des deux seules institutions « visibles » en uniforme : police et armée. Définition restrictive parce que l’Etat est d’abord un appareil administratif jadis avant de devenir à l’époque moderne un immense outil statistique doté de relais idéologiques puissants (partis, syndicats, presse, TV, internet, etc.) bien plus puissants pour entretenir des conflits stériles qui paralysent les consciences mieux que ne pourraient le faire les matraques policières. Contrairement à ce que tendent à faire croire les « idiots utiles » au gouvernement, anarchistes et gauchistes, la police n’est pas et n’a jamais été une force suffisante pour « gouverner » la société. Sans l’Eglise et les partis corrompus jadis, les « mercenaires » d’Etat n’auraient pas suffi à éviter la confrontation des classes.



Le policier à l’époque moderne est plus souvent en général fils de paysan. S’il est fils d’ouvrier, il considèrera sa fonction comme une promotion sociale mais se gardera de rappeler ses origines. S’il est fils de harki ou d’immigré de fraîche date, il sera plus zélé qu’un autochtone et françaisement antiraciste. Pourtant il reste lui aussi au bas de la hiérarchie sociale et sert souvent même de bouc-émissaire à ses employeurs de l’élite bourgeoise ministricule. Quoique comportant de nombreux francs-maçons et possibilité de promotions, une grande masse des forces de police reste confinée aux postes subalternes. Dans la Grèce antique, les esclaves de propriété publique étaient utilisés déjà par les magistrats comme des policiers. À Athènes, un groupe de 300 esclaves scythes avait pour vocation de maintenir l'ordre, contrôler les foules, mais aussi de se charger des arrestations[1]. Aussi paradoxal que cela paraisse, une des premières fonctions « larges » de la police avec la naissance de l’Etat royal, en France en particulier au XIIe et XIIIe siècles, fût de surveiller l'armée, afin d'éviter que celle-ci ou ses déserteurs ne pillent les pays occupés ou traversés.


Bien avant de désigner un corps de fonctionnaires chargé d'interpeller les délinquants, le mot police désignait vertueusement l'ordre public et les bonnes moeurs qui doivent régner sous les auspices de l’administration de l’Etat. La véritable police moderne est née en France le 24 août 1665 : le lieutenant criminel Tardieu et sa femme sont assassinés chez eux par des voleurs. Colbert et Louis XIV réagissent en séparant à Paris la police de la justice et en la plaçant sous l'autorité d'un lieutenant de police (édit de 1667).


En 1789 disparaîtra la police monarchique - la garde nationale ayant fait feu sur les masses en révolution. C’est la jeune bourgeoisie qui invente la police moderne d’Etat. En 1790 seront créés une cinquantaine de commissariats. En 1796, toutes les villes comptant plus de 5 000 habitants comporteront désormais un commissariat. Cependant la police est une création spécifiquement moderne contemporaine à la prise du pouvoir par la classe bourgeoise, éliminant l’ancienne caste bourgeoise marquée par le laisser-faire social et une impuissance à empêcher injustices criantes et crimes de sang. La plupart des grandes institutions policières « exemplaires » d’Etat bourgeois apparaissent vers 1800 : la Marine police force de Londres et la City of Glasgow police en Angleterre, ainsi que la préfecture de Paris]. Les perfectionnements de la fonction policière vise à "encadrer l'industrialisation" et à policer avant tout les prolétaires au XIXe siècle, mais ils concerneront de plus en plus une réponse au bond de la criminalité propre à la décadence bourgeoise au XXe siècle; la Metropolitan Police Service, n’est créée qu’en 1929 – les années 1920 sont marquées par une croissance des crimes de sang ; la MPS est la première police qui ajoute la prévention policière à son rôle de répression du crime. C’est au cours de ces années que se renforce la police politique stalinienne, laquelle eût pour maître la redoutable Okhrana tsariste, laquelle avait bénéficié des enseignements des célèbres préfets parisiens Lépine et Andrieux. C’est sous Napoléon III en France que l’ilotier devient « gardien de la paix ». Les flics – « les vaches » dans le langage faubourien – voient ainsi leur profession définie désormais comme protectrice de la « paix sociale », toutes politiques confondues ; le policier est devenu le symbole vertueux de l’Etat hors des classes, représentant la sécurité pour la population citoyenne en temps normal bien qu’il s’avère un milicien tueur par temps de révolution ou de troubles sociaux.


LA REVOLUTION PROLETARIENNE ENTRAINE LE PERFECTIONNEMENT DE LA POLICE POLITIQUE


Deux critiques mettent en cause la fonction de la police à la fin du XIXe siècle. Selon la critique anarchiste, on peut supprimer immédiatement la police et se passer de toute surveillance de la population ; le fonds de la pensée anarchiste est simplement rousseauiste : l’homme est bon naturellement. Selon une critique marxiste sommaire (de type gauchiste et stalinienne), la police n’est qu’une excroissance de l’Etat bourgeois chargée de réprimer les « travailleurs » en grève ou en manifestations. Pour des marxistes au pouvoir il suffit de rééduquer l’homme, qui n’est pas naturellement mauvais (quoiqu’un peu sauvage parfois), et manque de chance, dans les deux seuls cas où la révolution prolétarienne a réussi la police n’a pas été supprimée ou bien une autre a été réinstallée. La Commune de Paris en 1871 ne supprime pas le corps de police, mais change les chefs et négocie avec Versailles le paiement des salaires des fonctionnaires. En février 1917 les affrontements avec la police du tsar font des morts des deux côtés. Les soldats armés pillent les postes de police. Dans la 5ème thèse d’avril 1917, Lénine demande la suppression de la police[2] pour en recréer une autre après l’insurrection… La tchéka, police politique un peu spéciale est crée en mars 1918. La révolution prolétarienne échouant dans l’impasse a posé, hélas, à l’orée du XXe siècle, la nécessité non plus d’une seule police d’ordre ou des mœurs mais d’une « police politique », qui sera dénoncée (dixit la police stalinienne) à hauts cris par tous les Etats bourgeois alors même qu’ils s’en inspireront de plus en plus pour gouverner. L’Etat bourgeois a besoin désormais non plus d’un simple porteur de matraque (le vulgaire sergent de ville moustachu) mais d’un flic intelligent (politique même s’il ne peut faire grève), bac plus cinq, scientifique, profileur, etc.[3]



LA FEMME A HUMANISE LA POLICE ?



Sur la Toile on peut trouver une définition soft, pas entièrement fausse de la police aujourd’hui :


« Actuellement la police est confrontée à la montée de la petite et moyenne délinquance comme aux nouvelles formes de criminalité organisée, liées aux trafics mondiaux et à l'informatique. On lui demande de pallier, par la répression ou la prévention, les carences de la socialisation, voire d'incarner à elle seule l'État dans certains quartiers. Tandis que la gauche insiste sur le rôle de la « police de proximité » et de la prévention, la droite privilégie la répression ».

En réalité la grande révolution pour la police moderne a été l’intégration des femmes dans un corps typiquement «masculin », si l'on peut dire. Pour deux raisons : les femmes délinquantes sont proportionnellement devenues plus nombreuses et la fouille au corps des femmes par des hommes signifie attouchements voire tentation de viol. La femme policière doit cependant porter un pantalon pour être "respectée" elle aussi (elle ne l'est jamais par les voyous qui exigent de parlementer aec "les mecs"); la femme policière reste fragile et timide jusque dans les commissariats, elle reste une "proie". Loin d’être une émancipation de la femme, bien qu’elles ne portent jamais de moustaches, les femmes policières – quoique l’ostracisme mâle existe toujours sous la table – se sont révélées, en bandes mixtes, capables d’être aussi dures et brutales dans « le métier » que les hommes. Un témoignage de «gardé à vue » décrit assez bien la police d’aujourd’hui (en France) :


« … j’ai pu à loisir observer les allées et venues de policiers, tous jeunes en général, de nombreuses policières jolies mais souvent avec un gros cul dont je ne pouvais manquer la perspective dans ma situation assise et menotté. Je n’ai pourtant jamais envisagé de ma vie adulte draguer une policière ou convoler en justes noces avec une gendarmette. Elles doivent être aussi chiantes avec leur chignon tiré comme un képi, à cheval sur la ponctualité et le pli du pantalon, autoritaires comme les teutonnes aux chevaux tressés. En plus elles sont armées. Chapeau bas dans l’alcôve familiale. Mais pas pour moi.


La démarche du policier tient plus du cow-boy avec le colt qui balance au côté que du pauvre flic en pèlerine d’antan sapé comme un vulgaire facteur. Le sordide képi qui faisait chuter les cheveux plus vite que Pétrole Han a disparu[4]. La casquette chez l’ouvrier comme le képi chez le flic c’était aux temps du cinéma muet. Dans les bousculades lors de l’interpellation de militants CGT par exemple, le képi roulait souvent à terre… d’où perte de prestance. Le képi symbolisait l’autorité bonapartiste ou pétainiste et perdit toute sa valeur de « couvre-chef » après les violences en 1968. Le policier moderne doit être agile et sportif. Il doit pouvoir bondir dans la voiture de fonction sans être retardé par un maudit chapeau de garde champêtre pépère.


Jeunes, les nouveaux policiers affichent une prestance de caste supérieure. Tous ne roulent pas des mécaniques, mais la possession officielle d’une arme, qui suppose que son porteur n’est ni un déséquilibré ni un as de la gâchette pour se faire plaisir, est un gage d’autorité autrement plus efficace qu’une casquette galonnée. Dans les stats de l’INSEE le flic est classé dans les couches moyennes bien au-dessus du manœuvre, de l’ouvrier et de l’employé. Son rôle social de garant de l’ordre républicain quoiqu’en priorité au service de la défense de la classe dominante, lui confère une valeur morale, sécurisante pour les demeures cossues des banlieues riches, inquiétante pour les gagne-petits et les puent-la-sueur. Lorsque le policier paraît sur les chapeaux de roue, le bourgeois est déférent et se sent rassuré sauf s’il est inculpé. Le prolétaire en colère considère que ce n’est qu’un métier de fainéant mais « qu’il en faut », « qu’il en faudra même dans une autre société ». Le policier dans sa fonction peut tout à fait se sentir « hors classes », mépriser le bourgeois plastronnant sans le montrer et compatir aux vaincus sociaux qu’il doit régenter dans un univers administratif cradingue. J’ai connu tout au long de ma carrière des policiers rigoureux, trop honnêtes ou trop conscients au point de rester au placard toute leur vie, comme René de Clamart commis d’office à la garde des voitures sur les quais de Paris au moment des manifestations ouvrières qu’il refusait d’aller « encadrer ».


Sous les sourires et les embrassades je devine pourtant que, comme les prolétaires, les flics en uniforme subissent le poids de la hiérarchie intermédiaire. Une autre race de policiers me déplaît, celle des policiers en civil, en jean et baskets avec flingo ostensiblement fourré dans la poche. On sent que ceux-là sont à la parade les supérieurs, des « gradés ». Ce sont les équivalents des agents de maîtrise. Comme dans tous les autres services publics, l’agent de maîtrise est fier d’avoir franchi les échelons qui permettent de se débarrasser de l’uniforme « basique » qui vous colle à la peau. Il n’a que mépris pour les « bleus » avec leurs poches aux jambes bourrées d’outils. Le flic en civil avec flingo qui dépasse de la poche détient une autorité supérieure du fait qu’il n’a plus besoin d’uniforme. Sa carte de police et son brassard amovible renforcent son ambiguïté. Sapé comme les cailleras il symbole un pouvoir mi-civil, mi-officiel. Il n’est pas enfermé dans l’uniforme. Il apparaît plus libre de ses mouvements. Il est parmi les civils et parmi les uniformes. Il peut être partout à la fois et ne se révéler qu’au dernier moment. Caméléon de la loi, il n’est pas identifiable à première vue comme tenant de l’ordre. En cela il est plus inquiétant et plus craint. L’uniforme rassure. Celui qui le porte est tenu à la tenue. Il ne peut pas plaisanter au bar d’un café comme son collègue supérieur en jean délavé ou la fliquette cadre en pantalon moulant. Il ne peut pas badiner avec le public. Il a une trop grande visibilité et il en souffre parfois. L’ostracisme commun vise l’uniforme et oublie l’homme et son être. Il est vu comme l’ennemi alors qu’il ne se considère pas comme un ennemi du genre humain. Comme l’agent de maîtrise ou le cadre EDF, le flic en civil ne souffre pas de cet ostracisme. Il passe même pour « arrangeant » avec son aspect civil. On pense pouvoir composer avec lui, obtenir une compréhension qui n’est pas possible dans l’uniforme rigide. Le mot uniforme signifie commun, rabaisse celui qui le porte au rang de soldat, d’exécutant d’une noria de supérieurs invisibles en cravates ou en chandails ».

Non la femme n’a pas humanisé la police. Par contre vous pouvez tomber sur un (ou une) fonctionnaire qui se comporte humainement, correctement – il y a des dégénérés partout même parmi les ouvriers – ce qui est inhumain est l’institution étatique avec ses rouages judiciaires. Le problème ne réside pas dans la fonction ni au niveau de l’exécutant.

« Dans les archive secrètes de la police », trouve-t-on des révélations ou est-ce que l’origine étatique de la fonction policière y est corroborée ? Non, en réponse aux deux questions.

UN « LIVRE-CADEAU » SUPERFICIEL ET PIPOLE

La police moderne avec ses actuels hiérarques ne va pas nous révéler bien sûr ses secrets de fonctionnement et disserter sur les progrès inouïs de la « surveillance d’Etat ». Les trois quart et plus du recueil sont constitués d’histoires criminelles lointaines centrées sur l’époque royale, la belle époque 1900 des mœurs dissolues avec la pute de luxe Sarah Bernhard et de petites incursions dans les années 1930 et 1960. Plus Almanach des crimes célèbres qu’étude de la fonction policière, ce livre pipole esquive scandaleusement les monstruosités de la répression policière. La seule pépite qui explique les méthodes de travail invariables de la police, et son credo aujourd’hui même avec les techniques scientifiques sophistiquées, se trouve dans la citation du Préfet Andrieux en exergue : « L’administration a souvent intérêt à savoir ce qui a été dit ou écrit sur le compte de la personne qui a éveillé son attention. Le dossier répond à cet intérêt. Il n’a pas seulement pour but de faire connaître qui vous êtes, mais surtout ce qu’on a dit de vous. L’imputation la plus mensongère peut être une lueur, éclairer une trace, avoir par conséquent un intérêt de police. Aussi mettra-t-on dans votre dossier, pêle-mêle, sans distinguer entre le vrai et le faux, tout rapport dont vous aurez été l’objet, toute dénonciation vous concernant, tout article de journal, tout ait divers où vous serez nommé » (1885)[5].


Lecture pour maison de retraite, les 630 pages sont imprimées en gris caractères, et les textes commentant les documents historiques vieillots minces comme une galette des rois. Poisons des courtisanes, Landru, Violette Nozières, nous intéressent modérément comme les vieux films qui leur ont été consacrés. La police a fait son boulot et alors ? Est-ce son boulot essentiel ou un cache-sexe de plus ? Avec celui de CRS maître nageur.

Le découpage en trois parties – argent/pouvoir/amour – ne concerne pas les motivations du policier (qui, comme homme est aussi concerné par ces trois thèmes) mais permet d’éviter une réflexion sur le rôle et les méfaits historiques de la police. Les délices littéraires sur les faits divers et la bande à Bonnot permettent d’éviter de rappeler les 30.000 massacres et viols en 1871 à Paris par une soldatesque policière déchaînée[6]. Le plus scandaleux de cet ouvrage se trouve sur les parties concernant la période de guerre mondiale 1939-1945.

- 3 pages sur le juif collabo (avec la police pétainiste) Joinovici, qui n’analysent en rien le rôle trouble de la police ;

- 12 pages sur le sanguinaire Docteur Petiot en 1944, au ras du bitume, alors que la police aurait pu l’arrêter dès 1936 ;

- 15 pages soft sur la traque des résistants par la police pétainiste (p.342 et suiv.) en 1942, 2 pages d’explication soft et le reste docus de recherche + dénonciations ; il en ressort pourtant que le personnel policier obéit servilement, et sans état d’âme, quel que soit le régime !

- Les rafles de juifs en 1942, deux pages et demi d’explications seulement, et surtout fixation sur les docus et décrets nazis, rien pour nous laisser entrevoir un quelconque questionnements des « fonctionnaires d’Etat français » sur leur célérité à fourrer des enfants dans des wagons vers la mort…

- Le scandale du camp de Drancy livre une dizaine de pages de docus, avec présentation très compatissante, très judéophile et anti-raciste d’Etat sarkozien, mais rien sur le questionnement des types en uniforme qui faisaient le sale boulot, qui volaient les prisonniers… ni même des questions aux policiers actuels du genre : « êtes-vous prêts à recommencer le sordide boulot de vos ancêtres » ?

- La chasse aux collabos en 1945 nous vaut 2 pages presque dithyrambiques, pensez : les policiers collabos ont reçu ordre de retourner leurs vestes, de se mettre en insurrection pour éviter celle du prolétariat, et de chasser à tout va lampistes ou vedettes pour faire oublier leur fonction de répression au service d’Hitler et Pétain.

- Le massacre à Paris d’Octobre 1961 est un peu plus objectif, certes des flics ont exécuté comme des chiens et jetés dans les poubelles des pauvres prolétaires algériens, mais la faute en revient en premier lieu aux « choquistes » nationalistes du FLN qui ont terrorisé et acheminé depuis la banlieue ces pauvres ouvriers pour les envoyer au casse-pipe[7] ; à décharge des flics cette fois-là il y a eu de nombreux témoignages parmi eux pour se scandaliser de ce qu’on leur ordonnait de faire et pour décrier leurs collègues sadiques.

- Sur mai 1968, seulement cinq pages et demi (p.466 et suiv.), le tout bon enfant, pourtant, deux ouvriers à Sochaux ont été tués à bout portant par la police, pourtant il y eût des milliers de blessés frappés cruellement…

Et l’ouvrage se termine par la sublimation de la police au cinéma, faut bien donner du prestige à une fonction qui n’en a guère. Lors de ma garde à vue, un inspecteur m’a fait cette remarque étonnante de la part d’un flic, mais néanmoins salarié : « vous n’avez pas l’exclusivité du prolétariat, ici nous en faisons aussi partie ». Coincé sur ma chaise de prisonnier d’Etat, je n’ai pas osé lui répondre :

- « fort bien, mais alors, au moment de la révolution, vous serez avec les éternels fusillés ou les fusilleurs ? ».

La police devra disparaître un jour avec l’Etat, si le communisme peut s’en passer, et si l’homme ne traîne pas encore pendant des siècles un atavisme pas simplement dû au capitalisme.









[1] Les autres fonctions de la police actuelle, comme les enquêtes et investigations, étaient sous la charge des citoyens aisés.[]




[2] Thèse d’avril n°5 : « Suppression de la police, de l'armée et du corps des fonctionnaires.
Le traitement des fonctionnaires, élus et révocables à tout moment, ne doit pas excé­der le salaire moyen d'un bon ouvrier. »




[3] La surveillance politique était déjà ancienne et intelligente comme le montrent les mémoires des préfets Lépine et Andrieux, mais aussi les archives de l’Ohkrana. Dans mon livre sur la secte CCI – l’organisation eggregore – j’ai produit une étude sur la surveillance politique et policière des partis socialistes ; le POf de Guesde était surveillé de l’intérieur, et des flics encartés y orientaient même les débats politiques… Mais le temps de la lampe de bureau braquée sur la gueule du présumé coupable est bien finie à l’heure de l’informatique et de la prise d’ADN.



[4] Il n’est ressorti que le temps de la sonnerie aux morts dans les cimetières ou lors du 14 juillet monarchique.



[5] Pas mal non ? Ayant eu la joie de consulter mon dossier grâce à la CNIL – dossier soigneusement caviardé – j’ai pu constater que ma trajectoire militante de brave prolétaire révolutionnaire était soigneusement archivée depuis plus de deux décennies, depuis 1972 où j’avais participé comme délégué du groupe Gauche Marxiste aux rencontres ouvrières de Clichy où étaient présents la plupart des chefaillons trotskiens et maoïsants, bien vieux désormais. On pouvait y lire un compte-rendu détaillé de la carrière dans les assurances de ma pauvre femme décédée ; je n’ai pas eu accès à la fiche concernant mes enfants… J’en ai conclu paisiblement que la police française n’a rien à envier à la Stasi.



[6] Un soldat versaillais ou un policier qui tentait de discuter avec un communard était abattu sur le champ !



[7] L’opinion gauchiste générale hurle à hue et à dia contre la répression policière (le néo-nazi Papon était chef de la police à ce moment avec le soutien du libérateur De Gaulle, ex-planqué en GB), or, en pleine guerre de décolonisation, la provocation du FLN a été dégueulasse ; pour ceux qui continuent à avaler la théorie gauchiste, imaginez simplement une manif de prisonniers français à Berlin en 1943 pour la « libération de la France », Hitler aussi aurait fait tirer dans le tas !

vendredi 12 février 2010


jeudi 11 février 2010


dimanche 7 février 2010






LE LENDEMAIN DE


LA REVOLUTION


PAR Paul Lafargue



S’emparer du pouvoir en période révolutionnaire est chose relativement aisée, mais le garder et surtout s’en servir sont choses autrement difficiles.

Dans les villes industrielles, les socialistes auront à s’emparer des pouvoirs locaux, à armer et à organiser militairement les ouvriers ; qui a des armes, a du pain, disait Blanqui. Ils ouvriront les portes des prisons, pour lâcher les petits voleurs, et mettre sous clef les grands voleurs, tels que banquiers, financiers, grands industriels, grands propriétaires, etc.

On ne leur fera pas de mal ; mais on les considèrera comme otages, responsables de la bonne conduite de leur classe.

Ensuite, il faudra pourvoir aux besoins matériels des travailleurs, notamment en termes de logement. Ce n’est pas dans les châteaux que l’on portera la torche, comme disent les anarchistes, mais dans les galetas et les chaumières ; il est temps que la classe ouvrière habite les palais et les hôtels qu’elle a bâtis.

Pour la nourriture on organisera un service qui entrera en rapports avec les maraîchers et les petits paysans d’alentour (et qui, supprimant les intermédiaires) permettra aux paysans d’obtenir un prix plus rémunérateur de leurs produits.

Le jour même de la révolution, le premier décret que prendra la pouvoir révolutionnaire sera la confiscation de la propriété capitaliste (mines, filatures, banques, hauts fourneaux, chemins de fer, etc.) et sa transformation en société nationale.

Qu’on ne s’abuse pas ! Le but de la révolution n’est pas le triomphe de la justice, de la morale, de la liberté et autres infernales blagues avec lesquelles on berne l’humanité depuis des siècles, mais de travailler le moins possible et de jouir intellectuellement et physiquement le plus possible.

Le lendemain de la révolution il faudra songer à s’amuser (…) Nous avons à brûler le grand livre de la dette publique, les titres de propriété de toute nature, et puis les traités de morale, les bouquins de théologie et surtout le Code civil et criminel, ce livre épouvantable qui est la codification de l’iniquité bourgeoise et capitaliste ; nous avons encore à transformer en porcheries les palais de justice ; on ne trouvera pas d’animaux assez sales et assez dégoûtants pour y loger.

Au lieu de brûler les églises (…) on les transformera en restaurants, en salles de danses, les chapelles deviendront des cabinets particuliers où l’on boira, puis on rigolera chacun avec sa chacune.





(in Le Socialiste, 31 décembre 1887)