PAGES PROLETARIENNES

dimanche 9 mai 2010

POURQUOI LA SECTE DE LA PSYCHANALYSE A-T-ELLE REUSSI ?


Si vous avez regardé l’émission de Ruquier « On n’est pas couché » où le scandaleux Michel Onfray était à l’honneur, vous ne le saurez point. Le gentil libertaire Onfray en résumant simplement ce qui avait été dit dans le livre noir de la psychanalyse s’offre à bon compte un best-seller. Son apport philosophique est pourtant à peu près nul car son fond de commerce demeure l’anarchisme et une pensée gauche bobo. La démarche anarchiste en histoire des idées ne permet pas d’en comprendre l’apparition, leur déroulement et leur obsolescence. Dire que Freud était un charlatan est une stupidité, il reste un grand écrivain. Dire que la psychanalyse était réac depuis le début correspond bien à la pensée lilliputienne de ce petit anar de rayon de librairie, pour qui, par exemple, le développement de l’industrie capitaliste était mauvais au début aussi…
On laissera de côté la polémique acharnée et haineuse dont Onfray est l’objet par ses confrères de la haute bourgeoisie comme BHL et Cie comme hors sujet. Il faut d’abord dire à quoi a correspondu l’apparition de la théorie de la psychanalyse. Il suffit de lire ce que j’ai écrit : « le freudisme originel est une théorie critique athée inventée à l’orée du XXe siècle pour suppléer en milieu bourgeois à la mort de la religion, mais progressiste à une époque où le désir sexuel de la femme était considéré comme folie » (p. 110 de mon « Marx était-il dépressif ? ». Cette nouvelle religion athée a pour but comme la religion classique de « décomplexer » les bourgeois, c’est clair par le fait qu’elle ramène tout à l’individu nihiliste et nie toute causalité sociale, et c’est pourquoi sa clientèle est restée jusqu’à nos jours une clientèle bourgeoise, aisée ou prêt à s’endetter pour aller à confesse de son nombril. Elle n’est pas simplement une aventure abstraite ou la recherche de gloire par l’écrivain Freud, elle correspond à une urgence : le capitalisme à la fin du XIXe a fait exploser le nombre des fous, des fous qui viennent de ces lieux de perdition que sont les usines, on enferme à tour de bras des milliers de femmes qui ne sont pas folles mais frustrées… Mais, contrairement à son adresse à l’élite, invitée à s’allonger sur le divan, la psychanalyse va permettre de fliquer la société, de ficher par type les individus, de « somatiser » dans la loi bourgeoise de paix sociale colères, indignations, refus d’obéir, etc. L’explication socio-politique sera remplacée par l’explication psychologique dans toute la gamme des psys du psychiatre classique à son nouveau concurrent, le psychanalyste, théoricien fantasque prétendant innover sur les « maladies de l’âme ».
Le mouvement ouvrier et révolutionnaire n’a pas à faire le malin devant son incapacité à se préoccuper de la folie, de la place de la femme et de la sexualité ; après les avancées géniales de Engels et Marx, puis Bebel, il est resté pudibond et assez réac (on ne s’est soucié du vote de la femme que tardivement quand la bourgeoisie elle-même l’a imposé et le stalinisme a été longtemps le prolongement de ce mouvement en faveur de la seule position du missionnaire!). Mais revenons à nos idiots superficiels de plateau télé ; les deux terreurs de midinettes Naulleau et Zemmour restèrent sur leur faim face à la réponse de leur ami anar Onfray : la psychanalyse a réussi parce qu’elle était organisée comme une secte ! Un peu court l’explication. La question réduit à néant le recopiage d’Onfray en réalité. Si la psychanalyse a réussi c’est parce qu’elle correspondait à un besoin humain dans un monde sans plus de foi ni de loi. C’est avec ce même genre de question que raisonnent sans réponse crédible tous les anars ; par ex. prenez « Lénine est une secte qui a réussi », mais avec çà, vous ne comprenez pas pourquoi la bourgeoisie criminalise Lénine ; et parce que Lénine correspondait à un besoin de masses : 1. de faire cesser la guerre mondiale, 2. de mettre fin à la misère.
L’invention de la psychanalyse (en vérité compilation de vieilleries de la psychologie bourgeoise et d’écrits d’auteurs oubliés) fût bien sûr une réponse fausse et impuissante, réponse qui ne guérit pas de la souffrance psychique sous la domination du capitalisme, mais qui eût le mérite de poser des questions que ni le brave mouvement ouvrier ni les religions séculaires arriérées n’avaient osé poser depuis les… Grecs. Le génie de Freud n’est finalement que d’avoir ressorti de sa tombe universitaire la pensée des philosophes grecs, mais en ignorant les vrais penseurs modernes de l’avenir comme Marx et Engels, pour laisser croire à une « guérison » dans le monde bourgeois.
La psychanalyse, une des formes de la littérature moderne psychologique, est restée un élément de la culture bourgeoise au même titre que la littérature de l’élite huppée de l’aristocratie dominante (avec un apport non négligeable d’insultes populaires : parano, obsédé, PD refoulé, etc.), comme le golf. Le golf ne soigne pas les maux de tête ni ne fait cesser la persécution du contremaître, jusqu’à preuve du contraire.

Conseils de lecture : évidemment mon livre « Marx était-il dépressif ? » connaît un regain de commandes. Dépêchez-vous pour les derniers. Vous pouvez lire aussi avec quelque profit le seul article brillant et profond sur la psychanalyse dans le désert théorique de toute critique de cette pseudo-science – et par conséquent de la souffrance psychique en général dans le prolétariat - par 50 ans de maximalisme (de Bilan à R.I.), celui de Vico dans la revue Controverses n°2, lisible sur leur site, où je peux vous faire suivre une copie à la demande.

1 commentaire:

  1. Merci, Jean-Louis, pour cette utile mise au point au milieu de l'océan d'approximations et d'absurdités qu'impose les médias de masse sur ce sujet en ce moment...
    Onfray s'est offert une belle polémique stérile, tout juste bonne à favoriser les ventes de son dernier livre, mais à l'arrivée, on n'est pas plus avancé... Quel dommage que Nietzsche fasse l'objet d'une récupération permanente de la part de cet essayiste sur-médiatisé et faussement scandaleux...

    Amicalement,

    Hyarion.

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