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jeudi 18 mars 2010







COUCOU ! VOICI LE REVISIONNISME UNIVERSITAIRE



La dérive académiste des smolniens





« Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était » (aux origines de l’oppression des femmes) par Christophe Darmangeat (ed Smolny)

Une thèse universitaire ne donne pas forcément un bon livre d’histoire, ni un ouvrage politique de référence. Par les temps qui courent, la suffisance de la domination de la pensée unique bourgeoise en histoire fait bon ménage avec les universitaires, pour ne pas parler de la politique dont plus personne ne sait vraiment si elle se trouve, elle, hors histoire ou dans une histoire empaillée.

Dans les éditions bourgeoises, et parallèles mineures, la plupart des essais qui paraissent sont le fait d’universitaires qui s’adressent à des élites. Ils publient pour eux, entre eux et ne se soucient ni de réformer ni de révolutionner le monde. Ils sont contents d’étaler leur savoir comme le prolétaire étale sa confiture au petit matin avant de se rendre, lui tristement, au turbin. La plupart de ces thèses n’ont d’intérêt que pour une clientèle estudiantine petite bourgeoise. Les thèses et contre-thèses s’entrechoquent sans dévier le cours de la Seine ni celui de la Marne, parfois elles émargent sur les plateaux télé ces lieux non fréquentés par toutes les intelligences intègres et qui perdent tout intérêt face à la concurrence conne mais viviale du web. Chaque nouveauté littéraire sent le ranci. On fait du neuf avec du vieux parce que dans l’université, quoique sur ses bancs s’y posent de jeunes fesses arrivistes, tout n’est qu’archivage et conservation sociale avec pour tout horizon l’heure de la retraite du fonctionnaire qui sonne, comme le chantait Jean Ferrat du haut de sa montagne.

Ce monde de vieux nous fait penser aux figurants des films français de 1942. N’avez-vous jamais remarqué que les grands ( ?) classiques, tournés sous occupation allemande – Les enfants du paradis, La symphonie fantastique, Les visiteurs du soir – comportaient un nombre considérable de « vieux figurants » ? Et vous devinez pourquoi ? Eh oui plus de deux millions de jeunes étaient prisonniers en Allemagne ! Les cinéastes devaient bien se résoudre à utiliser les vieux figurants même s’ils étaient utilisés à contre-emploi et provoquent la gêne du spectateur contemporain, un peu avertis, qui ne peuvent s’empêcher de penser que ce cinéma là flirtait un peu trop avec la collaboration artistique quand tant d’êtres humains moisissaient dans de grands camps de prisonniers ou pourrissaient sur les champs de bataille.

Avec les nouveautés essayistes en vertu d’un prétendu « approfondissement théorique » du marxisme, on voit de même qu’il est élégant de faire du neuf avec du vieux, ou même pire de cacher le vieux sous le neuf par l’entremise des éditions amateures toulousaines Smolny sous couverture Agone chez les marchands de livres pasteurisés (et émoustillés à la pensée de vendre du Rouillan).


  1. La prétendue actualisation de l’anthropologie marxiste par le podologue C.Darmangeat :

L’anthropologie marxiste c’est comme la philosophie marxiste ou l’art culinaire marxiste, c’est un domaine réservé aux seuls initiés ou aux comiques de café-théâtre[1]. Où Smolny est-il allé chercher son deuxième auteur ? Le premier auteur était tout trouvé, un certain L.Janover, vieux libertaire rasoir du 19e (arrondissement), avait dévidé sa diarrhée littéraire dans une intro de plus de cent pages pour dégoûter de toute approche réelle de l’œuvre de Rosa Luxemburg. Ils ont été pêcher leur dernier prêcheur à deux balles à l’Université – docteur en sciences économiques s’il vous plaît et employé à Paris 7 Diderot – car le quidam n’avait point trouvé éditeur d’envergure pour publier ses travaux « novateurs ». Pas prétentieux cet auteur assure d’emblée vouloir modérer l’enthousiasme des Marx et Engels pour les découvertes de l’anthropologue Morgan, et « actualiser » les travaux « dépassés » d’Engels. L’ouvrage se présente comme une « enquête » qui suggère que la méthode de Marx et d’Engels « pourrait bien rester la meilleure clé pour pénétrer le lointain passé des sociétés humaines » et « mettre à jour la racine de l’inégalité des sexes, inégalité qui perdure ». Après la possibilité d’une île d’un Tartuffe littéraire voici la possibilité d’un marxisme archéologique dédié à la gloire du féminisme bourgeois! Si si, vous allez voir !

Le titre – Le communisme primitif n’est plus ce qu’il était – traduit la confusion et les propres incompréhensions de cet auteur concernant une notion marxiste classique qu’il n’a jamais eu l’occasion d’assimiler à l’évidence. Cette notion renvoie à une description très précise d’un type de société antérieure aux sociétés de classe, et qui ne peut être comprise qu’à partir de la méthode marxiste. Du point de vue de cette analyse, les références restent Marx, Engels et Rosa Luxemburg. En 1991, à une époque où Darmangeat jouait encore avec sa game-boy, j’ai traité du communisme primitif dans un ouvrage intitulé « Programmes et perspective communiste » (vous pouvez lire le chapitre sur ce sujet sur mon 2e blog Archives maximalistes, il n’a pas blanchi d’un poil depuis 20 ans). Nulle part dans ces « classiques du marxisme » n’est exaltée cette société « bornée », comme en conviennent Karl et Friedrich et Rosa. Engels corrige ultérieurement à plusieurs reprises plusieurs de ses anciennes appréciations dans « L’origine de la famille… », ce que ne relève même pas notre universitaire si sûr de ses nouveautés villageoises « primitives ». Rosa Luxemburg est parfois superficielle lorsqu’elle avance que les réunions villageoises primitives étaient basées sur « la libre décision de tous », ce qui est faux en général car il y a toujours des personnes plus influentes et elle laisse de côté l’absence de poids politique des femmes… et des esclaves, mais sur le fond elle reste marxiste. Dans mon ouvrage de 2008 – Dans quel ‘Etat’ est la révolution ? – j’ai rappelé le fond de l’argumentation marxiste sur la société primitive, vue non comme « paradis perdu » ni comme « exemple à reprendre » : « Bien qu’avec ses limites archaïques, l’existence d’un communisme primitif réactualisé après Morgan et Marx par Rosa Luxemburg, où prédominait le partage et où le profit était inexistant, prouve en lui-même la possibilité d’une société débarrassée du capitalisme pour une humanité libérée de la pénurie, de la superstition et des hiérarchies tribales ». Là est le fond du souci marxiste d’en référer à d’autres types de société pour démontrer la non éternité du capitalisme et mettre à bas les fadaises sur « il y aura toujours des profiteurs et des tueurs », voire les imbécillités de Hobbes et Cie « l’homme est un loup pour l’homme », ou « deux espèces tuent pour le plaisir de tuer, les hommes et les rats » (ce con de Badinter hier).
Mais laissons de côté des points secondaires dans les analyses magistrales des meilleurs théoriciens du marxisme, pour examiner l’analyse réductrice de notre universitaire. Il annonce son cheval de bataille d’emblée, faisant référence aux nouveautés anthropologiques : « Or, il faut le dire tout net : il y a fort longtemps que les recherches anthropologiques ont invalidé de larges parties des thèses présentes dans « l’Origine de la famille » et que celles-ci ne doivent plus être considérées autrement que comme des théories historiquement datées, des intuitions certes géniales pour l’époque mais qui ne peuvent plus désormais être tenues pour correctes » (introduction p.13). De vulgaires employés d’Etat, anthropologues de surcroît, auraient invalidé la thèse centrale du marxisme : aucune société n’est éternelle ni basée forcément sur le profit ! Quelle classe M.Darmangeat !
Dans les pages qui suivent immédiatement Darmangeat révèle la source de son imposture révisionniste – sous le bla-bla du « reflux du mouvement ouvrier » ( !?) - il a été inspiré visiblement par les remises en cause du chercheur stalinien Godelier Maurice et regrette – dans cet univers éthéré typique des mandarins universitaires qui « ont la science » - que pour la noble recherche anthropologique « il aurait fallu que des intellectuels compétents puissent travailler dans une atmosphère de libre discussion » ! Atmosphère, vous avez dit atmosphère ! Il en avait une gueule d’atmosphère primitive Staline!
En anthropologie et en biologie et en psychologie rien de nouveau « sur le terrain du marxisme » pour notre ornithorynque choqué des « répétitions » des « affirmations d’Engels »[2]. L’introduction ne cache pas sa superficialité, frère Darmangeat ne s’intéresse qu’au rapport homme/femme dans la genèse du « communisme primitif » ; il a décidé de rester primaire comme une vulgaire féministe bourgeoise : « Les questions de la naissance de l’Etat ou de l’apparition des classes sociales, quoique que passionnantes (sic), ont été délibérément laissées de côté… » (p.21).
L’ouvrage a-t-il été rédigé pour la seule journée de libération de la femme début 2010? En tout cas les médias ne s’en sont pas fait l’écho et, partout dans le monde plein de femmes continuent à être battues, tuées ou obligées de porter voile et burqa, sans oublier le collier de l’esclavage domestique. Comme les guerres de massacrer, les prolétaires d’être exploités, les personnes de couleur d’être méprisées, les handicapés de ramer, etc.
Pour combler les « connaissances fragmentaires » d’Engels, Darmangeat va nous balader chez les eskimos, pardon les inuits, puis les indiens commanches et les tribus africaines pour nous faire part des découvertes de ses collègues archéologues et anthropologues. Il ne sera jamais question de mettre en évidence que des sociétés peuvent fonctionner sans profit mais d’étudier les rapports femmes/hommes et de nous révéler que le matriarcat n’a jamais existé !

  1. Une révélation qui n’en est pas une :
Depuis la nuit des temps on se doute bien que jamais les femmes n’ont eu la position dominante, qu’elles ont été infériorisées, battues, violées, utilisées comme monnaie d’échange. Darmangeat ne révèle rien au prolétariat universel ni aux plus ignares citoyens du peuple indifférent. Engels n’est pas non plus bête au point de croire à cette pré-existence du matriarcat mais il nuance en général et révèle que la femme des « tribus primitives » était certainement moins méprisée que la femme sous le capitalisme, avec des variations selon les régions du monde et les coutumes : « L'économie domestique communiste, où les femmes appartiennent pour la plupart, sinon toutes, à une seule et même gens, tandis que les hommes se divisent en gentes différentes, est la base concrète de cette prédominance des femmes universellement répandue dans les temps primitifs, et dont c'est le troisième mérite de Bachofen que d'en avoir fait la découverte. J'ajoute encore que les récits des voyageurs et des missionnaires sur le travail excessif qui incombe aux femmes chez les sauvages et les barbares ne contredisent nullement ce qui précède. La division du travail entre les deux sexes est conditionnée par des raisons tout autres que la position de la femme dans la société. Des peuples chez lesquels les femmes doivent travailler beaucoup plus qu'il ne conviendrait selon nos idées ont souvent pour les femmes beaucoup plus de considération véritable que nos Européens. La « dame » de la civilisation, entourée d'hommages simulés et devenue étrangère à tout travail véritable, a une position sociale de beaucoup inférieure à celle de la femme barbare, qui travaillait dur, qui comptait dans son peuple pour une véritable dame (lady, frowa, Frau: domina), et qui d'ailleurs en était une, de par son caractère ».


Dans une longue première partie chiante et pour spécialistes de l’anthropologie, Darmangeat va vous balader dans les systèmes de parenté, la famille punaluenne, la filiation unilinéaire, toutes catégories qui peuvent intéresser le chercheur de pou, l’étudiant en structuralisme ou le militant ultra-gauche retraité. Mais en ce qui concerne l’avenir de la société actuelle, quel intérêt ? Quelle somme de vieilleries archéologiques oui. Quel ravissement pour des examinateurs universitaires de thèses mord-moi le nœud !

  1. La notion petite bourgeoise libertaire d’égalité :

S’inspirant directement du féminisme bourgeois (qui aurait fait évoluer les choses comme il le dit au début) Darmangeat nous fait le coup de la nécessaire égalité, jamais obtenue, toujours revendiquée, homme/femme. Cette notion au demeurant parfaitement anti-marxiste – l’égalité est une outre vide qui ne correspond à rien (et qui est bien typique de l’idéologie de la révolution jacobine triomphante) – pas plus dans la relation homme/femme que dans la dialectique des besoins humains. A chacun selon ses besoins, comme Marx l’a repris aux utopistes, hommes comme femmes[3]. Marx et Engels n’ont pas de leçons à recevoir des bourgeoises féministes modernes puisqu’ils ont été les premiers à formuler aussi clairement la « première division du travail » comme le raconte Engels :

« Dans un vieux manuscrit inédit, composé par Marx et moi-même en 1846, je trouve ces lignes: «La première division du travail est celle entre l'homme et la femme pour la procréation. » Et je puis ajouter maintenant: La première opposition de classe qui se manifeste dans l'histoire coïncide avec le développement de l'antagonisme entre l'homme et la femme dans le mariage conjugal, et la première oppression de classe, avec l'oppression du sexe féminin par le sexe masculin. Le mariage conjugal fut un grand progrès historique, mais en même temps il ouvre, à côté de l'esclavage et de la propriété privée, cette époque qui se prolonge jusqu'à nos jours et dans laquelle chaque progrès est en même temps un pas en arrière relatif, puisque le bien-être et le développement des uns sont obtenus par la souffrance et le refoulement des autres. Le mariage conjugal est la forme-cellule de la société civilisée, forme sur laquelle nous pouvons déjà étudier la nature des antagonismes et des contradictions qui s'y développent pleinement ».
Engels n’adhère pas à la théorie du matriarcat de Bachofen, mais les doutes d’Engels sur l’existence d’un matriarcat antérieur sont ridiculisés par la vision égalitaire du petit bourgeois Darmangeat, qui prête sa vision à Engels : « Engels ne pouvait guère admettre qu’avant le développement de la propriété privée, la domination des hommes ait été précédée par celle des femmes ; il concevait les rapports entre les sexes dans la préhistoire bien davantage sous la forme d’une certaine égalité » (p.151)[4]. Darmangeat prend donc Engels pour un imbécile alors que, comme Marx et Rosa, il n’oublie jamais de noter l’aspect « borné » de la « société en commun » primitive ni ne délire sur une prétendue égalité, qui n’existe même pas dans la nature. Ce nain universitaire est bien obligé de reconnaître qu’Engels posait le problème de « l’égalité de fait » par la participation entière des femmes à la vie économique (p.156) mais sans être à l’abri en définitive de « l’autorité masculine » qui restera dominante sous le capitalisme moderne comme Darmangeat oublie de le préciser, refilant la patate chaude à Engels (p.156). Tout à son souci de démontrer une oppression originelle et éternelle de la femme et une inexistence du matriarcat (non controuvée, et on s’en fout comme du big bang), Darmangeat passe un peu vite sur la peur ancestrale des hommes de la femme comme force supérieure, voire divinité créatrice du monde avec une évocation du triangle pubien[5] ; au niveau fantasmatique d’autres auteurs ont apporté des éclairages autrement intéressants que la simple faiblesse physique[6] ou l’activité économique pour justifier l’infériorisation diabolique de la femme (par les religions surtout).Mais, concernant la question centrale de la société communiste d’avenir (et non pas les supputations diverses sur le passé de l’humanité ou le sexe des anges) nous pouvons laisser de côté ce genre de spéculations.
L’ennui avec Darmangeat, comme avec tous les apprentis anthropologues et autres podologues du passé est qu’ils en réfèrent à des tribus d’un peu partout, un coup les Comanches, puis chez les Grecs, puis chez les Cheyennes, puis les Bena Bena de Nouvelle-Guinée pour passer au viol collectif comme punition vers l’Australie, sans indiquer de dates. On apprend en passant des choses intéressantes certes et on n’insistera jamais assez sur les violences commises (et impunies) contre les femmes, mais la marche de la société ne se résume pas au rapport homme/femme, quand bien même la situation de la femme est révélatrice en général du degré d’évolution de la société. Pas besoin d’aller chercher du côté des « chasseurs-cueilleurs-égalitaires » ou dans les délires de Kollontaï pour chercher des raisons à une prééminence d’un sexe sur l’autre. Darmangeat veut enculer des mouches (chose impossible au demeurant) en pleurnichant : « Il reste bien du chemin à parcourir en revanche pour que les femmes accèdent à une authentique égalité dans le monde du travail, et sans doute bien davantage au sein de la famille… » (p.264). Quésaco cette « authentique égalité dans le monde du travail » ? Où a-t-il été chercher cela ? Ignore-t-il que le régime capitaliste fonctionne sur la base de la hiérarchie des salaires et des incompétences managériales ? Où existe-t-il une « authentique égalité » entre prolétaires, femmes, hommes et travailleurs immigrés ou sans-papiers ? Peut-elle exister cette « authentique égalité » même dans une société débarrassée de la loi du profit ? Sommes-nous tous doté de la même intelligence, de la même force physique ? Les femmes doivent-elles se muscler pour être les égales des plus costauds des mecs ? Les hommes doivent-ils se faire greffer des implants mammaires pour réaliser l’ « authentique égalité » ?
L’égalité des sexes ? Et de la pointure des chaussures ?
Cette vision anarchiste d’égalité est plus parente avec l’idéologie du nivellement stalinien que conforme à la théorie marxiste de l’altérité des individus, et on peut lire le charabia suivant qui croit qu’il suffit de supprimer toute différenciation sexuelle, comme si tous les métiers, toutes les activités humaines et toutes les spécialisations étaient interchangeables, avant même qu’une éventuelle autre société libérée n’ait rendu les tâches moins lourdes ou moins ingrates : « Que l’on milite en sa faveur ou qu’on s’y oppose, l’égalité des sexes ne se conçoit donc dans la société moderne que comme la disparition de toute différenciation sexuelle dans les tâches, les comportements et les fonctions sociales en général (…) ce que nous appelons « l’égalité » des sexes signifie donc en réalité leur identité, leur indifférenciation – du point de vue de la société et non de la biologie cela va sans dire » (p.265). Au pays des camps khmers rouges, le petit livre rouge de Mao remplaçait la sexualité ! Quelle connerie d’intello abstrait ! Quelle que soit le type de société où je mènerai une activité quelconque on ne me fera pas croire que je peux travailler avec une femme comme avec un homme, avec un blanc comme avec un noir, avec un enfant comme un adulte, ou que chacun des êtres humains, selon son âge ou sa santé, peut réaliser les mêmes choses, créer à l’identique dans tous les domaines. A moins que l’homme nouveau (néo-anarcho-stalinien) ne soit unicellulaire et auto-masturbateur, il faut se rendre à l’évidence que l’altérité, comme la fraternité, n’est pas rédhibitoire mais « complémentaire », plaisir de partager pas d’être une série de miroirs à l’infini, plaisir de découvrir l’autre dans sa différence ou dans une adversité enrichissante.
On se fiche donc dans la perspective d’une humanité, non pas retrouvée (je n’ai jamais cru au paradis perdu) mais supérieure de l’égalité des sexes, guimauve pour féministes bourgeoises dans la société présente. La question est : et si l’égalité est mal placée ?
L’égalité entre sexes et races se pose en termes politiques pas en termes quantitatifs ou sexuels. La liberté d’expression de tous les individus telle est la réalisation exigée par la perspective de société « commune ».

  1. Des scénarios datés d’Engels ?

Poursuivant son combat féministe, Darmangeat croit nous apporter la grande révélation du début du XXIe siècle en témoignant que les femmes avaient été pourvoyeuses de nourriture au moins autant que les hommes (horticulture, cueillette). Il n’en demeure pas moins que pour l’essentiel (la chasse, les actions prédatrices) rien n’est venu mettre en cause la primauté des hommes. Darmangeat qui ne se prend pas pour de la petite bière persiste à accabler Engels lequel aurait imaginé le communisme primitif comme une complète collectivisation. Or il n’appuie cette affirmation sur aucun texte de référence et oublie de mentionner encore qu’Engels, comme Marx et Rosa n’oubliaient jamais de préciser le caractère « borné » de ce type de société. Pas très rigoureux comme démonstration de la part d’un universitaire qui aime bien expliquer et décortiquer comme s’il était un maître es sciences du passé ; il est d’ailleurs magnanime avec Luxemburg qui n’accorde pas assez d’importance à la relation homme/femme (p.285). Plus focalisé sur la division sexuelle du travail, notre féministe homme trouve retreintes ou trop larges les questions pourtant de plus en plus prédominantes de l’omnipotence de l’Etat et de la propriété privée (p.344). Il s’attache à suivre les exemples d’oppression de la femme et perd de vue la marche même de la société. Comme les anarchistes primaires qui ne voient dans l’esclavage que l’esclavage, Darmangeat ne voit plus que l’exploitation de la femme par l’homme et plus l’exploitation en général.



La politique est une affaire d’hommes, déplore-t-il ? Mais il ne sait pas l’essentiel qui est que la politique est devenue une activité rétribuée au siècle de Périclès alors que ce n’était pas le cas auparavant, et ce fait dépasse la simple infériorisation de la femme qui, à l’époque actuelle, pour une minorité de bourgeoises certes, profitent d’une activité lucrative de dominants. Mais il insiste toujours pour l’antiquité « primitive », la naissance des Etats n’a pas permis l’émancipation politique des femmes (mais où Engels aurait-il dit le contraire ?). Et il nous ressasse que nulle part les femmes n’ont été « libérées, mais l’ensemble du prolétariat non plus, lui rétorquons-nous.

La répartition des tâches – quête de la nourriture et domestiques – apparaît « inégalitaire » dans les sociétés primitives pour le féministe Darmangeat qui a horreur de faire la vaisselle à la place de sa bonne femme. Mais répartition des tâches signifie-t-il automatiquement inégalité ou bien plutôt complémentarité ? Si je fais la vaisselle et que Marie-Claire, mon épouse fait la bouffe, est-ce inégalitaire ? Ou bien doit-on faire l’inverse ?
Le partage des tâches dans les périodes dites primitives ne renvoient donc pas en soi à une infériorisation de la femme ; on peut au demeurant considérer comme la tâche la plus noble d’élever les enfants et de préparer la nourriture en d’autres temps sans plaquer un jugement aliéné de féministe de fin de XXe siècle !





  1. Une compilation de vieilleries gauchistes :
Que « la domination masculine plonge ses racines loin dans le passé, bien avant l’apparition des classes sociales et de l’Etat », nous n’en doutons point, que tout ne soit pas la faute au capitalisme non plus, qu’il existe un instinct primitif animal chez l’homme (et sa femme) c’est certain. Comme Paul Lafargue l’a exprimé mieux que je ne pourrais le faire, nous ne nous battons pas pur, nous n’espérons pas une autre société parfaite, comme nous ne croyons pas à une égalité chimérique des hommes et des femmes. Que la femme continue à être le prolétaire de l’homme ce n’est vrai qu’à une certaine échelle, ce n’est pas général. La question de l’injustice du monde ne se résume pas à la « division sexuelle du travail » ni à une « guerre des sexes » où des « stratégies masculines » seraient à combattre en lieu et place de la lutte politique et sociale contre la classe dominante dans une sorte de retour aux farfelues luttes gauchistes contre la vie quotidienne ou à une « morale » féministe bien sentie.
Spécialiste de la petite promenade à pied dans les bibliothèques, le « voyage » de l’ami podologue Darmangeat prend fin bien tristement en reconnaissant le caractère limitatif (borné ?) de son enquête[7] : « Nous avons arrêté notre tour d’horizon à l’aube des sociétés de classes… ». Comme n’importe quel anthropologue, cet auteur a fouillé dans l’infinitésimal, nous a promené dans diverses tribus primitives pour une longue litanie en faveur de la libération de la femme, mais la femme n’est pas l’avenir de l’homme comme l’a dit un stalinien bien connu, homosexuel d’ailleurs. Le capitalisme n’a pas droit à nos fleurs quoique Darmangeat termine en le félicitant d’être le premier système à avoir « permis de poser de leur égalité avec les hommes » (bien que sans le réaliser). Or le capitalisme jusqu’au bout saura poser les questions les plus stupides, les questions pièges comme sa trilogie hypocrite : liberté, égalité, fraternité – alors que nous lui opposons : liberté, altérité, fraternité !
Pourquoi un coup de clairon final pour l’émancipation des femmes par cette outre vide « la révolution sociale de l’avenir » alors que c’est toute l’humanité qui a besoin d’être libérée par une classe donnée, bien définie et orientée « politiquement », et libérée historiquement parce que la réalité de la « vie en commun primitive » a montré qu’un système non basé sur le fric et l’exploitation est possible, sans revenir en arrière dans un mode de vie « borné », et sans faire de l’oppression des femmes le seul instrument de mesure de la barbarie capitaliste.








[1] Je ne m’adresse pas aux intellectuels sur ce blog même s’il ne leur est pas interdit de me lire comme aux flics. L’anthropologie est l’étude de l’homme et des groupes humains pour sa définition la plus simple. Les anthropologues, comme les archéologues, les psychologues et les météorologues sont des cons enfermés dans leur spécificité professionnelle. L’anthropologue, surtout de l’espèce structuraliste, est propice au mysticisme, au relativisme – toute analyse comparative est vulgaire « généralisation marxiste » - et ne s’intéresse qu’à sa promotion hiérarchique interne. Projeté en milieu révolutionnaire il peut faire un bon indic pour la police.



[2] Pour faire riche et instruit Darmangeat nous refile sa définition du marxisme : « Le marxisme est certes plus qu’une simple méthode de raisonnement : il est aussi un corps de connaissances, une doctrine ». Tout à fait la doctrine de n’importe quel petit con du corps enseignant : le savoir et les diplômes avec. Le terme doctrine m’a toujours fait frémir, et je le laisse aux plus bornés et fossiles du mouvement maximaliste : les bordiguistes qui au temps de leur splendeur numérique furent surtout enseignants, de profession. Or le marxisme comme méthode ne s’enseigne pas, on l’accepte par conscience et volonté de combattre ou on le combat par éclectisme.



[3] En 2008 – « Dans quel ‘Etat’ est la révolution ? » - j’ai analysé cette stupidité anti-marxiste d’égalité en lien avec ce que Marx en a dit dans sa critique du programme de Gotha. Pour résumer un homme gros et une femme maigre n’ont pas les mêmes besoins. Les inégalités de salaires inévitables sous la domination de la hiérarchie capitaliste ne concernent pas que femmes/hommes mais femmes/femmes et hommes/hommes dans la compétition salariale…L’infériorité salariale séculaire de la femme a aussi une histoire, liée à sa fonction « privée » avant le développement de l’industrialisation. Beaucoup de choses à approfondir qui échappent à notre ardent féministe, hors du raisonnement du champ politique finalement.



[4] Il récidive p.221 taxant en quelque sorte le grand Engels de naïveté, or l’insistance d’Engels, parfois exagérée sur la liberté de la femme sauvage est certainement plus proche de la réalité historique si l’on en juge même par la faconde de la femme africaine d’aujourd’hui comparée à la bourgeoise européenne coincée. Darmangeat ne possède lui-même que des connaissances fragmentaires… Il faudrait qu’il nous explique certaines règles tribales particulières comme celles relatives aux belles-mères en Afrique : est puni de mort celui qui fait de l’ombre à sa belle-doche ou sanctionné s’il marche devant elle… Beaucoup du passé de l’humanité reste à découvrir qui n’est pas possible pour un seul chercheur, fusse-t-il universitaire ! Et cette recherche pourra fort bien deveni un passe-temps prisé dans la société communiste à l’avenir, si elle a le temps de naître et se développer.



[5] Rions un peu, avec son image du capot de 2CV Citroën notre universitaire révèle qu’il ne sait pas ce que sont les chevrons, non pas une représentation stylisée des pièces d’engrenage, mais des galons (publicitaire pour une voiture populaire…), voire allusion à une toiture roulante…



[6] Bebel par exemple, qui ne fût pourtant pas un foudre de science, et un chouïa réducteur comme notre universitaire sans imagination : « Ce qui a créé la servitude de la femme dans les temps primitifs, ce qui l'a mainte­nue dans le cours des siècles, ce qui a conduit à une disproportion bien marquée des forces physiques et intellectuelles des deux sexes et aggravé l'état de sujétion de la femme, ce sont ses particularités en tant qu'être sexuel. La femme primitive, tout en suivant, au point vue de ses forces morales et physiques, un développement analogue à celui de l'homme, ne s'en trouvait pas moins en état d'infériorité vis-à-vis de celui-ci, lorsque les périodes de la grossesse, de l'accouchement, de l'éducation des enfants la soumettaient à l'appui, au secours, à la protection de l'homme » (op.cit.).



[7] Qui n’arrive pas à la cheville d’Engels, de Marx et de Rosa Luxemburg, tout de même ! Et n’innove qu’avec des vieilleries féministes et des découvertes secondaires de réactionnaires anthropologues.

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