PAGES PROLETARIENNES

jeudi 25 février 2010



GREVES RIDICULISEES ET


VIOLENCE SOCIALE INTERNE

"Le crime n'est qu'une forme dégénérée de l'ambition"

Doc Riedenschneider dans The Asphalt Jungle de John Huston (1950)

LES SYNDICATS CONTINUENT A RIDICULISER LES GREVES


Avec la Grèce en pole position pour une grève générale sur commande comme les adorent les gauchistes et leurs amis anarchistes - qui nous annoncent à chaque fois « l’insurrection qui vient » au cul des bonzes syndicaux avec Besancenot et Mélenchon pour porter la bannière « tous ensemble » vers … plus de « justice sociale » - chaque grève, oui chaque grève est toujours plus bafouée par les « responsables » syndicaux locaux et régionaux. Qui parle encore de la grève d’IKEA ? Annoncée comme une « surprise », elle est aussitôt ramenée à l’occupation du « siège de la direction » par 6 ou 7 « responsables syndicaux ». Dans un secteur où la mentalité ouvrière est faible voire inexistante, les magasins réouvrent les uns après les autres, et les grévistes inexpérimentés n’ont plus qu’à lire Le château de Kafka.


Dans le cas de la grève dans les raffineries de pétrole TOTAL, la manipulation conjointe entre gouvernement et syndicats (CGT surtout) est si claire que même Libé ne peut que nous en fournir la description atterrante, avec un titre désarmant : « Après les menaces, la CGT siffle la fin de la grève » (20 minutes, plus réac en général, se contentait de : « Les syndicats ont-ils lâchés les salariés de Dunkerque ? ») (NB : vous détenez la réponse). Il faut ajouter un commentaire exceptionnel : c’est du jamais vu, la plupart de ces grèves font l’objet d’un traitement direct depuis l’Elysée avec le conseiller social du président, Raymond Soubie.


« Au septième jour de grève dans les six raffineries du groupe Total, la CGT a appelé hier soir à la suspension du mouvement. Eloignant le spectre d’une pénurie d’essence qui aurait bloqué la France entière à la veille d’élections régionales déjà périlleuses pour la majorité. A condition que les salariés sur le terrain, ce matin, ne désavouent pas la consigne nationale. Que s’est-il donc passé pour que le syndicat passe si vite d’un appel enflammé à la population, lundi, exhortant celle-ci «à créer la pénurie» de carburant dans le pays, à cette quasi-reddition décidée en raison des «avancées significatives» obtenues après une journée de négociations avec la direction du groupe ? A-t-il obtenu la réouverture de la raffinerie des Flandres (près de Dunkerque) à l’origine du conflit ? Eh bien non. A l’issue d’une journée entière à négocier avec le directeur des ressources humaines au siège de Total, à Paris, les syndicats n’ont obtenu que la confirmation de ce qui était grosso modo sur la table depuis deux jours : l’engagement du pétrolier qu’«au-delà du projet d’évolution de l’établissement des Flandres, il n’y aura ni fermeture, ni cession de ses raffineries françaises au cours des cinq prochaines années» ; la garantie que chaque salarié de Dunkerque aura un emploi chez Total correspondant à ses compétences ; l’organisation, avant fin mars, d’une table ronde portant sur les perspectives économiques du bassin dunkerquois (avenir de la raffinerie des Flandres, impact sur l’emploi…) et, au deuxième trimestre, d’une table ronde sous l’égide du ministre de l’Industrie consacrée à l’avenir du raffinage. Ce dernier engagement arrache un sourire un peu crispé à ce responsable national de la CFDT : «Il y a un an et demi, quand on commençait à voir venir la crise du raffinage en France, on avait demandé aux organisations patronales d’organiser une telle table ronde. Total était d’accord à condition que toutes les organisations syndicales y participent. La CGT avait alors refusé.» En réalité, la journée d’hier avait tout d’un baroud d’honneur. Car, en dehors du paiement des jours de grève, la principale avancée avait été obtenue dès lundi quand Total avait annoncé, sous la pression des pouvoirs publics, qu’il ramenait au 8 mars la tenue du comité central d’entreprise (CCE) destiné à clarifier la situation sur Dunkerque. Un CCE qui avait été, trois semaines plus tôt, repoussé au 29 mars à la demande… des mêmes pouvoirs publics. L’Elysée et le gouvernement vont-ils oser apparaître comme les pompiers du conflit alors qu’ils en ont été les principaux pyromanes ? » (NB : vous détenez la réponse)


La grève d’Air France n’est pas aussi médiatisée que les deux grèves précédentes car elle touche un secteur de hauts salaires et peut-être aussi facilement ridiculisée qu’une grève du RER A avec « une frange qui bloque tout ». Pourtant, à Air France, comme chez Total, même si les mafias syndicales prennent les devants, le fait qu’il y ait une participation (même moutonnière) aux rassemblements syndicaux, même sans AG, même en ficelant chaque secteur comme on sait depuis un siècle, il s’exprime une peur de l’avenir immédiat des conséquences de la crise systémique. Si les médias ont eu pour consigne de ne plus dramatiser avec les chiffres abyssaux et de laisser au placard les analystes catastrophistes, les prolétaires vivent eux, concrètement et cruellement, les menaces réelles sur leur vie par des annonces de fermetures (par ex. Carrefour en Belgique) qui alternent le chaud et le froid. La gestion directe des grèves par le sommet de l’Etat révèle néanmoins qu’une course de vitesse est engagée, par-delà la période électorale dont se fout royalement le prolétariat, par-delà même les échéances présidentielles ou octogonales : la crise implique une simultanéité des attaques et l’Etat bourgeois a donc plus que jamais besoin des feuilletons syndicalistes. Il faut éviter le tous en même temps, il faut éviter surtout qu’une même région soit drastiquement touchée pour éviter les risques d’embrasement.


Fin des trois principaux buts de la grève

Les grèves comme telles ne seront jamais révolutionnaires. Classiquement la grève avait pour but de développer la conscience de la solidarité de classe, les syndicats et les gauchistes l’ont transformée en sac à saucisses. Classiquement la grève servait aussi dans le capitalisme à pousser à l’amélioration des salaires les patrons les plus imbéciles qui risquaient de désintéresser l’ouvrier à un travail monotone et sans motivation ; après les décennies de triomphe de l’échelle mobile des salaires à la fin du siècle dernier, plus question d’augmenter les salaires ou de les aligner sur un quelconque niveau de vie bienséant, le Capital ne veut plus que des salariés kleenex sous-payés !!! Tu peux faire grève 15 jours ou 15 ans cela n’y changera rien. Classiquement la grève pouvait impliquer sa généralisation à tout le pays et ouvrir par conséquent la voie à une solution politique nationale ; or il n’y a plus de solution nationale ni régionale. La solution du problème sera politique et non plus simplement économique.

La bourgeoisie au pouvoir n’agit pas différemment que pour les retraites face aux actifs : elle veut continuer à « jeter » sans vergogne des masses de prolétaires. Plus qu’une simple volonté (pour se sauver elle-même) c’est en même temps une impossibilité à gérer la société comme au beau temps des trente glorieuses. La bourgeoisie NE PEUT PLUS FAIRE AUTREMENT. Elle n’a plus le choix. Mais elle doit ménager ses effets, semer le brouillard sur ses vraies intentions meurtrières, en particulier face à l’absence d’avenir social.

LE LEURRE DE L’INDIGNATION CONTRE LA VIOLENCE EN GENERAL

Les grèves syndicales, en particulier des enseignants, contre les violences dans le cadre scolaire, sont bien sûr compréhensibles, mais elles ne mènent à rien, ou en tout cas à la seule revendication idiote : il faut plus de police. Le fait de faire grève contre la violence, qui est déjà une catégorie vague en soi, participe de la demande d’aide à l’Etat bourgeois. On demande assistance au premier pourvoyeur de la violence sociale ! Les syndicats et les braves profs terrorisés rendent encore service ainsi à l’Etat policier. Pourquoi les tristes syndicats du secteur enseignant ne se mettraient-ils pas aussi à faire grève contre les « grèves violentes » ? Franchement un Etat qui ne peut plus garantir travail et retraite à ses administrés ne va pas non plus leur garantir une protection contre les agressions multiples, gentiment nommées « incivilités » ! Et chacun de pleurnicher sur la violence en général. Même celui qui se prend pour le plus malin des journalistes, Daniel Schneidermann, y perd son latin. Pourquoi tant de coups de couteaux aux portes de nos lycées ? Que fait la police ? Que fait la gendarmerie ? Pourquoi ne se remet-on pas à fesser « l’enfant-roi » ? Pourquoi nos professeurs ne sont-ils plus respectés et n’ont-ils pas le droit de cogner les récalcitrants comme les flics à l’abri des regards ? Sales gosses ! on fait tout pour qu’ils apprennent à rédiger un formulaire au « pôle emploi » qui a révolutionné les méthodes archaïques de l’ANPE en prêtant des vieux ordinateurs aux laissés pour compte pour leur éviter les files d’attente. Quand on les place en GAV parce qu’ils croient n’avoir pour avenir que de faire les cons dans la rue et en bande, on leur sert une barquette pour bouffer, grâce à Elisabeth Guigou, depuis 1993. On tue de plus en plus pour tuer. Je te tue, tu me tues, il se tue, nous nous tuons... L'objet de la compétition capitaliste n'est pas, plus que jamais, de tuer l'autre, le concurrent, celui qui me barre la route, celui qui veut ma place dans l'entreprise, à l'embauche, celui qui veut prendre ma femme... L'adulte désespéré donne quotidiennement l'exemple au lycéen désespéré: enseignant je te tue si tu me "moralises"! Elle est belle cette société qui produit des enfants de douze ans capables de tabasser ou torturer un adulte qui représente "l'autorité" ou "du pognon". Dans le jeu social désengrené, tuer l'autre n'est-ce pas la meilleure façon de le dominer (l'écarter) rapidement? Mais on ne veut pas se pencher sur cette étrange manière de "parvenir", trop illustratrice des règles du jeu bourgeois. La justice n'est pas là pour comprendre mais pour réprimer, réprimer toujours plus, enrichir avocats et magistrats.

L'Etat esquive les problèmes de fond et persiste dans ses petits sondages entre "élus" du même monde. On fait l’effort pour toute la population indistincte de rédiger un rapport annuel sur son état d’esprit. En l’occurrence, on va chercher un vieux pachyderme de Chiraquie, JP Delevoye, arriviste raté, casé « médiateur de la république », pour qu’il fasse le tableau non de la confrontation des classes, des heurts ouvriers/patrons ou ouvriers/syndicats, non des rapports de la jeunesse et de la police, des voyous et de la police, des bandits et des banquiers, mais des « gens » avec « leurs administrations » ! Quand tu vois Delevoye t’as compris que le rapport sur l’état moral des « Français » sera aussi épais et finaud qu’un rapport d’intendance. Partout est répercuté l’admirable rapport : «Les Français sont usés de partout, dans tous les compartiments de la vie » - ceux qui prennent les compartiments du métro surtout - les Français sont « fatigués psychiquement » ! A part cette banalité sans objet ni conséquence, il faut savoir que le rapport était orienté politiquement vers un questionnement visant à opposer les prolétaires fonctionnaires (les « planqués ») au reste de la population (petits bourgeois, bourgeois lambda, ouvrier-péquenot, etc.), mais que, manque de pot, il filtre que les préoccupations débordaient le cadre fixé par les larbins gouvernementaux, grassement payé à téléphoner au chaud à la noria d’élus locaux, vieux chauves et petits culs rétribués en supplément par Conseils généraux et municipaux. Ce fût un boulot de gros fainéant a laissé filtrer Le Monde : « Sur les 75.000 réclamations reçues l’année dernière, un peu plus de la moitié ont été traitées (sic), les autres ne relevant pour la plupart pas du champ de compétences de l’institution, à savoir les relations entre usagers (qui c’est ces indiens !) et administrations publiques ». Parmi les milliers de réclamations virées à la poubelle, on se doute bien que ce n’est pas la queue aux guichets de la Poste qui était dominante.

Il y a plus grave, bien plus grave : l’Etat ne garantit plus le respect de l’individu, qu’il soit jeune, vieux, femme ou lycéen : tout individu est présumé coupable. L’Etat est au-dessus du jeu de massacre et « fait ce qu’il peut » comme disent tous ses anciens premiers ministres de drauche ou de goître. Cette guerre de tous contre tous dont l’exemple est donné non par la violence des jeux télévisés ou les tazers municipaux mais par l’arrogance des riches potentats qui gouvernent à leur aise, par la violence des patrons voyous qui expulsent comme des chiens les pères de ceux qui vont se voir reprocher de refuser le travail « salarié » kleenex, de conchier le prof inutile, de haïr le flic qui les insulte. L’Etat, qui ne garantit plus ni emploi ni niveau de vie décent, ne tolère même plus un semblant de justice, cette vieille pute pleine de vices, comme la chantait le groupe rock Trust. Chaque semaine trois femmes sont tuées par leurs maris en France. Régulièrement un lycéen, un individu « connu des services de police » ou un passant sont tués dans les zones « urbaines », de préférence à coups de couteau. L’Etat peut envoyer 50 camions de CRS contre une usine en grève mais il ne peut tout de même pas placer un flic à côté de chaque « femme battue » ou « citoyen menacé » ! D’ailleurs un autre rapport signale des dizaines de milliers d’appels plus ou moins farfelus aux pompiers et à Police secours l’an passé. Ceci n’explique-t-il pas cela ? Multiplier uniformes et emprisonnements va certainement résoudre la crise sociétale et économique, plus sociétale qu’économique…


Les réponses de l’Etat sont à la mesure de sa cuistrerie et de la morgue de ses serviteurs ministériels et syndicastreurs: bla-bla du gros Delevoye sur les guichets administratifs où il ahane qu’il faut devenir « bon dialoguiste et avoir de l’empathie » auprès de Sarkozy qui rigole de telles insanités creuses; généralisation des caméras partout, des feux rouges jusqu’à la salle de bain du café-tabac de Tarnac ; obsession du chiffre des arrestations, prolifération de la contention en cellules de dégrisement, avalanche d’amendes contre les pauvres, retrait massif des permis de conduire aux pauvres ouvriers en province pour qu’ils ne puissent plus aller à leur travail…

Mais bon, vous allez dire que j’exagère, que j’en sais trop ou pas assez, que si tel était le cas, la société aurait déjà explosé face à tant d’injustices et de répressions contre les plus défavorisés. Ne me prenez pas pour plus bête que je ne suis. Je sais, tout est dosé parcimonieusement. Ouais… ouais… Les rapports internes avec les vrais chiffres et les vrais objectifs gouvernementaux ne sont jamais accessibles au public. Sauf que le « public » prolétarien, déduira de lui-même au niveau n de l’ignominie étatique. Et tirera avec des conséquences.


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