PAGES PROLETARIENNES

lundi 15 juin 2009








UNE VICTOIRE DU BLAIREAU ? suite





A en croire les entrefilets économiques spécialisés, aussi bourreurs de crâne que les mensonges politiques électoraux, les uns et les autres prétendent que le rétablissement de la prospérité économique est en cours. La mode syndicale est pourtant à la « déprime sociale » parce que l’absence massive des prolétaires aux manifs de veille de paix sociale estivale est interprétée comme un renoncement à la lutte. Dans ce décor de feintes économiques et de morgue syndicale, le chômage apparaît programmé comme inéluctable avec un saut significatif à la « rentrée », avec à la clé des « restrictions sévères » de la part des « entreprises en difficulté » et la non-embauche de milliers d’étudiants petits bourgeois au sortir de leurs examens (*). Nullement gênée par ce constat, la bourgeoisie, comme le lui permet sa victoire électorale frauduleuse, redouble ses attaques politiques et économiques.

Sur le plan politique, la farce du « Dany boom » à peine éteinte a porté ses fruits. La petite bourgeoisie écologiste et gauchiste a bien mérité de sa complicité électorale. Qu’elle retourne à ses plants de pavots et à ses manifs altermondialistes ! De toutes manières, verts ou roses, les cliques de bobos sont incapables d’unité et ne demeureront jamais que des forces d’appoint de la grande bourgeoisie.

Là où la manœuvre de la droite au pouvoir est habile c’est dans la figuration de l’affaiblissement du PS comme seule force d’opposition crédible, comme si les prolétaires n’avaient le choix qu’entre la soumission ou l’adhésion à un parti d’agioteurs et de receleurs. Les vilaines affaires concernant l’ancien chouchou de Mitterrand Julien Dray, les bêtises des Royal et Valls confortent la conviction que le PS est seul pourri et qu’il faut s’en remettre, mutatis mutandis, à l’empirisme gouvernemental. La mystique de SOS racisme avait été en effet un instrument de la gauche bourgeoise pour dénier tout rôle politique à la classe ouvrière plutôt « lepéniste ». Du PS au PCF et aux gauchistes, tous avaient entretenus le mythe, dénoncé seulement par une minorité de révolutionnaires tenus à la marge.

Or, plutôt que de diaboliser les thèmes sécuritaires du FN, la droite sarkozienne les a assimilés. On a assisté au même détournement politique que sous l’ère Mitterrand. Mitterrand avait mis en selle le FN pour affaiblir la droite. Sarkozy a mis en scène les écologistes pour affaiblir la gauche. Le bouffon DCB ressorti comme nouvelle « institution étatique » qui « a prouvé sa maîtrise des rouages politiques français » est un rebelle devenu bourgeois selon Eric Zemmour, que j'ai croisé l'autre jour à Montparnasse (j'ai failli marcher dessus) : « La rouerie, jusqu'au cynisme ; la décontraction jusqu'à la séduction ; le tutoiement chaleureux jusqu'au mépris. Cohn-Bendit est tout cela à la fois. Quand on observe son parcours depuis quarante ans, on songe que les «enragés de Mai 1968» ne se sont pas trompés en le choisissant comme incarnation de leur révolte. Icône médiatique de leur génération. Avec ses talents et travers. Ses contradictions, et apostasies. Sa réalité sans fard. Libertaire dans les années 1970, libéral dans les années 1980. Français et Allemand selon les moments. Pacifiste, mais pour la guerre contre la Serbie. Au nom des «droits de l'homme». De la Révolution jusqu'au Marché, mais toujours internationaliste. Sa vision inspirée de «l'Europe du Rhin au Bosphore» qui inclurait la Turquie correspond exactement aux frontières de l'Otan et aux desiderata de l'Administration américaine, de Bush à Obama. Un hasard sans doute » (…) « Au fil des années, le rouquin a perdu des cheveux, mais arbore des lunettes rondes, derrière lesquelles vibrionne son sempiternel regard bleu. À 64 ans, l'héritier rebelle est devenu un bourgeois respecté, dans lequel se reconnaissent les fameux bobos. L'insolent trublion souriant à la face d'un «CRS-SS,» s'est transformé en politicien habile et retors. Le référendum de 2005 sur la Constitution européenne fut son chemin de Damas. Il fait campagne pour le oui, mais s'abouche très vite avec les partisans du non. Son alliance avec José Bové est le mariage de la carpe et du lapin, du «grand marché» et de l'altermondialisme. Mais les électeurs ne sont pas trop regardants. Cohn-Bendit fait de José Manuel Barroso un parfait bouc émissaire, dont il soutenait pourtant naguère les choix «européens». Il brocarde sans vergogne son ancien «copain» de Strasbourg, François Bayrou, «touché par la Vierge» et obsédé par la présidentielle. Lui qui appela, au lendemain du premier tour de la présidentielle de 2007 son cher «François» à rejoindre «Ségolène», se fait désormais l'allié objectif de Nicolas Sarkozy ».



AMNESIE RIME AVEC AMNISTIE DU PASSE COMPROMIS



Cohn-Bendit n’a pourtant rien d’une personnalité hors norme. Il s’est simplement glissé dans la peau de son ami Tapie (ami commun avec Sarkozy, dont le pauvre Bayrou avait dénoncé la protection financière). En 1994, Mitterrand aide Bernard Tapie à torpiller la candidature de Michel Rocard lors des élections européennes de 1994. Bernard Tapie fait alors le jeu de Mitterrand, ennemi de longue date de Michel Rocard. Derrière une querelle superficielle de personnes, la haute bourgeoisie visait à affaiblir le PS menacé d’éclatement, non de son propre fait mais par désaffection des électeurs « populaires ». A l’époque, l'Europe désabusée fût incapable d'empêcher la guerre qui déchirait les Balkans ; le sous-fifre Cohn-Bendit choisit alors un camp militaire tout comme il le fît aux côtés des massacreurs d’enfants en Algérie. Bernard Tapie, encouragé par François Mitterrand, maintint sa liste qui fit de l’ombre au PS. La principale distraction fût fournie par sa prestation télévisée pour affronter Le Pen. Où il gagna ne masse les faveurs des électeurs bobos. Le PS n’avait récolté que 14,5 % des voix.

Cohn-Bendit comme Tapie ne ferait pas un bon ministre « d’ouverture », il restera comme Tapie un bouffon de circonstance. Il demeure un leader secondaire de la droite libérale très éloigné du marais de la plupart des Verts européens qui considèrent que le dogme libéral est incompatible avec les moyens que nécessitent la préservation de la planète et le combat pour la justice sociale, et donc avec le paradigme écologiste. Sarkozy a piloté Cohn-Bendit pour piquer des voix au Modem, fragile carte de rechange de la droite dans une compétition inégale de califes ridicules.

Le chanteur Francis Lalanne est parvenu aux mêmes conclusions que nous : « « Maintenant que les enquêtes d’opinion lui promettent son fauteuil de député européen, il annonce qu’il va rentrer à la maison, en Allemagne, payé par le contribuable français. Il a été piloté par l’Elysée pour affaiblir la vraie opposition, la vraie liste écologie que nous représentons (hi hi). Sarkozy fait exactement avec Besancenot et Cohn-Bendit, ce que Mitterrand faisait avec Le Pen et Tapie ».


Immédiatement dès le lendemain de sa « victoire électorale » la bourgeoisie a porté ses attaques : baisse des salaires ou licenciements dans les entreprises en difficulté, attaque prolongée contre les retraites, renforcement du flicage et fichage policier. L’attaque économique n’est pas sans fard. Elle est portée au nom du « soutien aux plus démunis », dixit les exclus de la production « assistés ». C’est la faute à la crise mondiale si des milliers d’étudiants vont être jetés sur le pavé à la rentrée. Du grain à moudre est offert aux complices syndicaux avec le projet de mise en cause du statut de la poste à la rentrée, qui signifie qu’on pourra enrégimenter encore une partie des prolétaires dans la défense de la nationalisation, dont le prolétariat n’a que foutre, mais qui servira à cloisonner les luttes entre public et privé. En vérité, le paternalisme sarkozien à la Badinguet ne fait pas fi de toute opposition – il sait que la démocratie bourgeoise a besoin de cette fiction – il aménage une opposition à sa mesure apte à diviser le prolétariat et à le décourager de lutter véritablement sur ses positions de classe. Puis-je conclure en disant que ce n’est qu’une victoire à la Pyrrhus ? En n’oubliant pas qu’à force de bouffer de la vache enragée…


(*) Pour faire fructifier l’aura du petit frère, les frères Cohn-Bendit publièrent fin 1968 sous les auspices des éditions bourgeoises du Seuil un pensum – Le gauchisme remède à la maladie sénile du communisme – pillant sans vergogne les critiques du communisme de conseils dans sa critique de la révolution russe, pour affirmer un galimatias délirant imaginant une révolte sans but de la jeunesse, et méprisant la classe ouvrière : « Nous savons donc que le mouvement étudiant se trouve à l’origine du mouvement ouvrier ». Ce genre de considérations débiles est hélas la théorie de base de l’actuel CCI pour recruter en milieu étudiant, considéré comme purement prolétaire.

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