PAGES PROLETARIENNES

samedi 16 février 2008

MORALE DE CADAVRE

rectifications brouillonnes

d’un ANTIFASCISME OUTRAGEANT

Protocolairement Sarkozy a réussi un joli coup le 14 février pour botter en touche face non seulement à son lynchage soigneusement programmé mais au coup de poignard du SMS tordu. La meilleure défense est l’attaque comme chacun sait. Refiler la Shoah aux CM2 parce que les adultes en ont ras la casquette du mémorialisme bcbg, fallait un sacré conseiller pour y penser ! Guéant ? Guaino ? Attali ? Hallyday ? Glucksmann? Il semble plus probable, d’après 20 minutes, que la trouvaille vienne de la famille Klarsfeld (Arno le dépité a été repêché comme employé de Fillon), spécialistes du détournement des responsabilités du capitalisme qui connaissent très bien un certain Jean-Jacques Rousseau, lequel se moquait déjà d’eux :

« En écoutant ces gens à qui on permet de parler en public, j’ai compris qu’ils n’osent ou ne veulent dire que ce qui convient à ceux qui commandent, et que payés par le fort pour prêcher le faible, ils ne savent parler au dernier que de ses devoirs, et à l’autre que de ses droits ».

D'après le Canard Enchaîné l'inventeur de cette connerie serait la directrice de cabinet du Président, Emmanuelle Mignon! Mais, curieusement et paradoxalement, c’est plus terrible comme truc dérivatif. Günther Grass lui, qui n’avait pas encore révélé en l’an 2000 qu’il avait à se faire pardonner une jeunesse nazie (les meilleurs antifascistes ne sont-ce pas les anciens nazis ?) avait déjà proposé que chaque allemand adulte verse 20 euros, pardon 20 marks à la fondation pour la shoah, et flop ! (cf. p.279 de mon book sur le nazisme). L’immense majorité des allemands adultes ne sont pas plus responsables du massacre des juifs, de tziganes et des communistes que les élèves français de nos CM2. C’est en ce sens que Simone Weil a jeté un couac dans la parade du galopin avec les mots justes : «C’est inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste. On ne peut pas infliger cela à des petits de dix ans! On ne peut pas demander à un enfant de s’identifier à un enfant mort. » On peut surtout constater que son candidat élu favorise toutes les formes d'antisémitisme en instituant le malheur juif comme prioritaire partout et comme aune du capitalisme moral dont le chef d'Etat est l'exemple le plus affriolant jusque dans les mensonges dans sa vie privée.

Retour sur les agapes communautaristes. Devant un millier d'invités, parmi lesquels une vingtaine de membres du gouvernement et les représentants des religions monothéistes, le texte lu par le Président a fustigé les "approximations, les amalgames, les raccourcis" qui ont suivi les autres discours de la plume de son écrivain personnel. Il en a proposé une relecture­: "Jamais je n'ai dit que la morale laïque était inférieure à la morale religieuse. Ma conviction, c'est qu'elles sont complémentaires. Et jamais je n'ai dit que l'instituteur était inférieur au curé, au rabbin ou à l'imam pour transmettre des valeurs. Mais ce dont ils témoignent n'est tout simplement pas la même chose." Foi de Saint Guaino !

A Saint-Jean-de-Latran, le 20­décembre 2007, le chef de l'Etat pipole, venu quérir son diplôme de chanoine avait fayoté bigot grave­ avec des accents guainolents presque rimbaldiens: "La morale laïque risque toujours de s'épuiser quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini", ajoutant un peu plus loin, "dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé et le pasteur parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance".

Devant la communauté juive, le chef de l'Etat a produit une lecture vivante d’un texte déplorant "la chape de plomb intellectuelle" qui s’est abattue "sur notre pays pour s'offusquer qu'un président en exercice puisse dire tout simplement que l'espérance religieuse reste une question importante pour l'humanité". Continuant à lire ce texte désopilant, rédigé par son nègre Guaino Henri, il récusa l'idée qu'il s'agirait d'une atteinte à la laïcité. Les rabbins du parterre échangeaient à cet instant des clins d’œil avec imams et monseigneurs.

Comme chaque année, le chef du CRIF, Richard Prasquier, pour une fois pas rabbin en chef mais simple "juif séculier" (comme le note Le Monde), fût chargé de fesser le Président de la république séculière et romaine. Ce n’est pas le moindre paradoxe de la fessée annuelle qu’un chef communautariste (même séculier) ait vu la faille dans le discours de Guaino Henri. Dans une critique implicite à "l'apport civilisateur" des religions du texte lu par M.­Sarkozy, M.­Prasquier a affirmé­: "J'ai trop de respect pour ceux des Justes qui étaient des athées pour croire que les religions sont la seule barrière contre le mal. Elles peuvent être meurtrières quand elles prétendent imposer une vérité absolue. L'homme ne détient qu'une vérité partielle. C'est le message de la tradition juive; c'est aussi le message des Lumières."

Au passage on aura remarqué que le chef séculier n’en référa pas moins au génie du peuple élu mis sur le même plan que la révolution française et Voltaire, avec le sous-entendu classique sioniste : toutes les religions sont meurtrières sauf la juive (qui n’est pas une religion aux dires de ses fanatiques) ; CQFD et oubliez les crimes de l’Etat raciste israélien !

En réponse anticipée, le texte de Guaino ânonné par le chef d'Etat pipole, évoquant le nazisme et le communisme, a développé l'idée que "le drame du XXe­ siècle n'est pas né d'un excès de Dieu mais de sa redoutable absence. Il n'y a pas une ligne de la Torah, de l'Evangile ou du Coran, restituée dans son contexte et la plénitude de sa signification, qui puisse s'accommoder des massacres commis en Europe au cours du XXe­ siècle au nom du totalitarisme et d'un monde sans Dieu". On reconnaît là le style insipide et impayable du porte-plume de l’Elysée. Ce petit con, comme ledit président en exercice, est un inculte de première et n’a pas lu les âneries contenues dans ces bréviaires pour arriérés : ils sont ponctués d’appel au meurtre et à l’extermination du voisin, de l’incroyant, etc. Les religions, y compris la religion juive, sont initialement des chants de guerre, des encouragements à la guerre de tous contre tous et dieu y est invoqué pour faire le tri des cadavres.

Passant de l’hostie à la fiente, du coq religieux à l’âne athée, not’bon président retrouva les accents de Monseigneur Dupanloup ; s'il s'est félicité que l'enseignement public de la morale religieuse ait été abandonné, le chef de l'Etat a ergoté que "nos enfants aient aussi le droit de rencontrer à un moment de leur formation intellectuelle et humaine des religieux engagés qui les ouvrent à la question spirituelle et à la dimension de Dieu". Enfin, pour faire la nique aux sondages à l’union des sacrés imbéciles de l’opposition, il a lancé ce pavé dans la mare qui allait agiter la capitale pendant quelques heures : la shoah pour les nubiles en CM2 (11.000 noms d’enfants juifs déportés à attribuer aux potaches). Il jura enfin de ne plus serrer la main aux chefs d’Etat qui ne reconnaissent pas Israël, ce qui était de bon ton dans une telle assemblée.

Un sacré chiffon rouge qui, pour un court moment, pût faire oublier, non la dégringolade sondagière – (comme toujours, qui la manipule ? (*)- ni le luxe et la luxure trop affichés, mais la misère salariale, les taudis et les expulsions.

La provocation présidentielle n’était pourtant qu’un « souhait »… dans le cadre de la lutte contre l'antisémitisme. Cette proposition suscita le tollé attendu de la gent intellectuelle. Le syndicat UNSA-SE la qualifiait jeudi matin "d'ânerie morbide". Simone Weil eût les mots les plus justes comme on l’a vu.

RETOUR AUX FONDAMENTAUX

Le jour d’après, Sarkozy avait déjà modifié le projet primaire à Périgueux. Il paradait au 20 heures de la télé pipole de PPDA-Chazal dans une salle de CM2 où il était question de "retour aux fondamentaux" (travail, morale, patrie) pour favoriser la réussite de tous en chantant la Marseillaise (tous debout SVP!) et en respectant hiérarchies, inégalités et injustices sociales. Ce qui est certes plus électoraliste que l’attribution du nom d’un enfant martyre. Le maréchal Pétain et le président Coty eux aussi aimaient faire la tournée des classes maternelles, en ces lieux il n’y a pas de marins pour cracher à la gueule du prince (seulement 4 élèves se sont levés, déplora Claire Chazal). On n’a pas vu sur TF1 si Sarko a été photographié au milieu des chrystantèmes au fond de la cour de l’école. Mais d’où qui va comme ça not’Président ? dirent aussitôt les pipoles de l’Etat. Le retour à la IVe République est impossible et Al Capone minus ne peut poser au père la morale ni réincarner un sénile maréchal fantoche. La patrie et sa mafia féodale bourgeoise on l'emmerde définitif. Il faudra cependant cesser de faire des reproches d’impuissance à Sarkozy. Ce n’est qu’un homme. Si, comme l’a dit son prédécesseur Jospin « l’Etat ne peut pas tout », un chef d’Etat, décrédibilisé ou pipolisé, ne peut rien du tout. C’est un homme qui a fait des promesses électorales. D’après la constitution nul n’est punissable s’il ne tient aucune de ses promesses électorales. Vous êtes marrant vous les électeurs râleurs ! Vous espériez que Sarkozy solutionne le chômage ? Qu’il vous loge décemment ? Ce n’est qu’un numéro, un pauvre type assiégé en son palais qui peut même pas sortir faire son jogging sans gilet pare-balle, peut-être avec une belle gonzesse, mais il n’est ni la finance à lui seul ni le directeur de l’économie mondiale ! Il n’est pas là pour que la classe ouvrière vive mieux mais pour qu’elle continue à baisser l’échine pour les profits de la minorité des beaux quartiers et au surplus une immense hiérarchique d’intermédiaires qui croient que les miettes du profit sont éternelles. Il joue tant mal que bien un rôle politique avec une partition usée par les années. Malgré une apparence brouillonne, Sarkozy a une ligne de conduite qu’il faut rendre claire : favoriser tout ce qui ravive le nationalisme. Il y a très bien réussi pour son élection avec le thème sécuritaire. Les expulsions chiffrées, si elles énervent les assistantes sociales gauchistes et quelques édiles du PS en campagne, continuent à militer pour rassurer (hic !) les vrais chômeurs français, même s’ils restent exclus ! Il ne peut que tenter de brouiller les cartes de la lutte des classes par un foisonnement de ficelles idéologiques et figuratives: exacerbation cyclique du communautarisme juif comme mesure exiguë de l'histoire qui ne passe pas et exhibition arrogante dans les quartiers riches de parvenus en redingotes de bourgeois polonais du XIXe siècle, faux attentats et vrais attentats, débats creux sur le racisme et l’antiracisme, vaine agitation du goupillon dans un monde sans foi ni loi, pirouette éthique à une école laïque en perdition, etc.

L’IDEOLOGIE OUTRAGEE DE L’ANTIFASCISME

Car tout cela oblitère quelque chose de plus grave. Sans solutions crédibles pour la question sociale, avec des syndicats considérés comme des traîtres avérés depuis l’échec de la lutte des cheminots, ce n’est pas Sarkozy qui est affaibli mais l’Etat. Toute la ronde médiatique autour du cas Sarkozy vise à faire oublier ce fait. L’antifascisme de salon n’est qu’un pan de l’idéologie nationaliste d’Etat, un sucette, quand le bâton de la répression reste la colonne vertébrale du nationalisme relooké derrière le féodalisme européen.

Chassez le flic, il revient au galop. Quand l’Etat est faible, il ne lui reste plus que la répression, qui, elle-même ne peut être que temporaire, dosée, justifiée, etc. La personnalisation des décisions de l’Etat - qui n’est pas du fait de la seule agitation du préposé en bas bleus à l’Elysée, mais cette façon de répercuter ses moindres mouvements, la manière de désinformer en faisant passer les ministres pour de simples guignols - rend opaque le fonctionnement pérenne de l’Etat bourgeois.

Nullement original ni magnanime, Sarkozy, chef suprême des magistrats, prend simplement sa part dans le pouvoir terroriste ; il persiste et signe au poste principal à la prétention de « montrer ses couilles » à la société, quand bien même ce ne sont que les matraques de ses soudards. En 2004, simple ministre de l’Intérieur il fait condamner à un mois de prison ferme un SDF qui l’a traité de fils de pute (ce qui n’est certes pas signe d’une grande conscience prolétarienne ni gentil pour les mamans) et un jeune de 30 ans qui lui avait lancé : « retourne en Chine espèce de hongrois ! » (ce qui n’était pas plus futé mais au moins humoristique). A Strasbourg vers la même époque, un mois ferme également pour un jeune de 21 ans qui, avec la langue gogol des attardés de banlieue lui avait crié « Sarko on va te niquer ta mère ». Si les insultes de personnages dignes de Zola sont poignantes de grossièreté, la sanction est disproportionnée ; mais le petit duc n’avançait-il pas cyniquement vers son destin en écrasant sans remord des « mouches à merde » ? Comme son homologue anonyme et cacochyme, l’Etat, qui méprise et pressure le prolétariat en gonflant son ventre pour lui faire la morale.

A l’heure où tout le monde s’affolait, piaillait et pleurait sur la shoah quésaco en CM2, le jeudi 14 février le tribunal correctionnel de Paris condamne à son tour Romain Dunant à 800 euros d'amende (et un euro de dommages et intérêts pour Sarko qui n’aurait de toute manière pas assez de 800 euros pour offrir un foulard Hermès à sa Dulcinée). Car ledit Dunant avait outragé en 2006 l’impétrant pas encore maréchalisé en comparant sa politique en tant que ministre de l'intérieur à celle de l'Etat français sous Vichy. Ce jurassien militant suicidaire de la Confédération nationale du travail (CNT), avait adressé le 19 décembre 2006 un courriel au ministère de l'Intérieur dans lequel il demandait la libération d'un militant marseillais de RESF (cartel de toutes les sectes gauchistes et gauche caviar), Florimond Guimard, placé en garde à vue pour s'être opposé à l'expulsion d'un parent d'élève sans papiers. Dans ce courriel M. Dunant écrivait : "voilà donc Vichy qui revient. Pétain a donc oublié ses chiens (...)". Il critiquait aussi une "politique qu'il faut bien qualifier de raciste" avant d'adresser ses "salutations antifascistes" au ministre.

La 10e chambre correctionnelle avait reconnu ce militant coupable d'outrage à personne dépositaire d'une autorité publique, stipulant que : "la liberté d'expression a des limites : c'est l'outrage". Le prévenu n'avait pas contesté son message, qu'il avait jugé "légitime", mais son caractère outrageant, estimant qu'il y avait "similitude entre la politique actuelle d'expulsions massives de sans-papiers et celle de Vichy". Son avocate avait expliqué que son client avait voulu faire "un parallèle politique". "C'était une politique qui était visée, pas une personne", avait-elle insisté en plaidant la relaxe. La défense était impeccable du point de vue juridique, le prévenu n’avait aucunement dit Sarko est un fasciste mais il fait COMME VICHY (avec « comme » ce n’est plus ni une insulte ni un outrage) mais qui peut prétendre invoquer cette pute Madame la justice et la virginité des magistrats quand le prince est à poil ?

Je n’ai que foutre de la CNT, cette secte bourgeoise. Je me marre plutôt que la même idéologie antifasciste du Chef de l’Etat et du nommé Dunant retombe sur le nez du second. Le gauchisme et son géniteur l’anarchisme survivent avec cette stupide idéologie antifasciste qui permet aussi bien au crétin de base de l’orga anarchiste qu’au crétin président de faire d’insignes comparaisons et au fond de justifier l’existant avec un petit changement de virgules. Est-ce que si le « vichyste » Sarko expulsait moins ou pas du tout, tout irait pour le mieux ? Il n’y a pas de souci à se faire pour les autochtones qui ne trouvent ni travail ni logement décent même si toute l’Afrique débarque au port à Marseille? Bien sûr Sarko a gagné la première manche avec les expulsions quoique cela ne donne pas plus de travail ni de logement…

Le monde n’est pas menacé par le fascisme ni par le racisme, il est menacé par l’aveuglement et l’indifférence d’une classe sociale paralysée et impuissante pour l’heure.

Dans l’affrontement CNT/Etat-Sarlkozy (où Dunant a été le lampiste), culpabiliser l’adversaire en invoquant un diable disparu est un jeu frelaté, débilitant entre concurrents politiques. Mais le scandale n’est pas dans la plainte du délateur Sarkozy, mais bien dans l’effronterie de la magistrature d’Etat à pomper directement dans la poche d’un prolétaire plus de la moitié de son salaire, pour une analogie, douteuse et stupide, puisqu’elle suppose que l’Etat français actuel pourrait être comparable au minable gouvernement de Vichy, alors qu’il est d’une puissance pire ! Avec cette différence que personne, sous la terreur (et en l’absence des hommes valides prisonniers en Allemagne) ne pouvait protester contre les rafles des juifs en 1942, mais qu’à Paris en 2008 les rafles de centaines d’ouvriers étrangers sans papiers, sans terreur officielle, paraissent normales.

Madame Carla Bruni-Sarkozy, voulant rendre sa monnaie du SMS félon à l’hebdo gôche pipole NouvelObs.com a usé des mêmes arguments que le nommé Dunant:"Si ce genre de sites avait existé pendant la guerre, qu'en aurait-il été des dénonciations de juifs ?" . Va-t-elle être aussi traînée en justice pour outrage… à la liberté d’expression pipole, ou à une revue pour bobos haut de gamme en plein exercice de bruits de chiottes ?

Je m’en tape.

dimanche 10 février 2008

NO LIMIT

Tous les commentaires sont les bienvenus sur ce blog. Hélas si on peut voir de nombreuses connections depuis quelques mois, peu se risquent à émettre leur avis ou restent cachés. C’est pas beau le voyeurisme idéologique ! La pensée consciente n’existe pourtant que dans le dialogue, la confrontation des points de vue et je n’ai pas vocation à prêcher dans le désert. Si cela devait perdurer, je finirai par conséquent par clore ce blog. Je remercie donc chaleureusement le bloggeur « démocrate anarcho-monarchiste » du courriel qu’il m’a fait parvenir :

« A parcourir votre blog - fort bien écrit par ailleurs -, après plusieurs mois d'absence, je me pose toujours la même question : pourquoi vouloir imposer aux gens de choisir entre capitalisme et marxisme ? J'agit-il donc de choisir entre le Bien et le Mal ? Je déteste, pour ma part, les approches désespérément systémiques que proposent ces deux "modèles". Avec les capitalistes, comme avec les marxistes, les gens ne sont que des pions, prisonniers de leur compte en banque ou de leur classe sociale. Ainsi, on les enferme dans des grilles de lecture qui ne sont pourtant que des créations de l'esprit humain. Pas d'alternative, donc, ni pour les uns, ni pour les autres. Les uns disent : "le pognon, c'est génial ! La Bourse, c'est formidable ! La spéculation, officiellement c'est pas bien, mais en réalité c'est merveilleux ! La loi de la jungle, ya que ça de vrai ! Premier arrivé, premier servi ! Et pas de pitié pour les perdants !". Les autres disent : "la lutte des classes explique TOUT ! Absolument TOUT ! Et tout doit être pensé à partir de cela ! Les "comités", les "cellules", les "partis prolétariens", y a que ça de vrai! La Révolution ! La Révolution ! Et ceux qui ne sont pas avec nous sont forcément contre nous, car ils sont à la solde de la réaction !" Et il me semble que je caricature à peine...
Franchement, moi qui déteste le pognon tout autant que les dogmes, quand j'entends parler les uns et les autres, j'ai simplement envie de faire le choix... de ne pas choisir.
Je doute que vous puissiez arriver à me convaincre, mais je prendrais volontiers connaissance de vos arguments, si vous souhaitez me répondre...

Cordialement,

Hyarion, le démocrate anarcho-monarchiste.

PS : j’adore la blague de Toto étudiant.(4 février)

Cher Hyarion,

Comme je vous l’ai déjà dit dans ma réponse immédiate et brève, je ne suis pas là pour vous convaincre. Je suis depuis longtemps vacciné contre le militantisme de caserne. Je ne suis pas un parti à moi tout seul, bien que parfois je donne l’impression de me prendre pour Mirabeau. Je m’efforce simplement de rester humain. Je ne puise pas ma conviction dans l’encre du révolté gauchiste et syndicaliste qui puise sa motivation dans la rage, la haine, l’envie et le ressentiment. Pas de pose rebelle ou arrogante de ma part, même si je me laisse parfois aller à l’insulte qui est l’arme du solitaire et de l’impuissant devant l’injustice du monde.

Venons-en à votre question : pourquoi vouloir imposer aux gens de choisir entre capitalisme et marxisme ?

D’emblée il me semble que vous faites fausse route, et j’ai envie de vous répliquer comme Marx que le problème est dans la question. Personne n’impose rien à personne en soi hormis dans les périodes électorales truquées de la bourgeoisie. Vous êtes libre (en Occident) de penser ce que vous voulez et cela ne dérange personne. A votre façon vous êtes néanmoins le produit humain d’une époque où il est légitime que les gens ne croient plus en rien et surtout ne se laissent plus abuser par les promesses de TOUS les partis et conciliabules politiques. Cependant ce rejet ou ce dégoût généralisé n’est pas signe à mon sens d’indifférence. Je ne sais si vous êtes étudiant, chômeur, ouvrier ou parasite quelconque, mais je puis vous dire que nous sommes tous impliqués, concernés et responsables de la situation sociale et économique dans laquelle nous nous trouvons. Immédiatement, à ce titre nous n’avons pas tous les mêmes motivations ni les mêmes besoins. Comme je l’affirme dans mon ouvrage « Dans quel ‘Etat’ est la révolution ? » - qui ne paraîtra certainement pas vu l’impéritie et la veulerie des éditeurs à qui je l’ai soumis – la société est partagée entre Etre et Avoir. Que vous le vouliez ou non, le monde capitaliste (c’est comme cela qu’il s’appelle) est dominé par la lutte pour le pouvoir, le paraître et l’AVOIR. Je peux comme vous dire, je ne veux pas choisir entre l’être et l’avoir. Or, indépendamment de nous, le monde actuel est dominé par le culte de l’avoir, et moi je ne veux pas avoir, je veux être. J’aime beaucoup la conclusion du dernier livre de Jean-Claude Michea : « Mais s’il advenait, malgré tout, que l’humanité perde son dernier combat et soit ainsi contrainte de céder la place aux machines post-humaines, dans le monde dévasté du libéralisme victorieux, il resterait encore une vérité ineffaçable. La richesse suprême, pour un être humain – et la clé de son bonheur – a toujours été l’accord avec soi-même. C’est un luxe que tous ceux qui consacrent leur bref passage sur terre à dominer et exploiter leurs semblables ne connaîtront jamais. Quand bien même l’avenir leur appartiendrait » (cf. L’empire du moindre mal, ed. Climats).

Le bourgeois (car il existe vous en convenez ?) n’est pas conscient, il veut jouir, jouir de son pouvoir, de ses esclaves, de ses biens, de ses distractions. Toujours plus ! Le prolétaire et le petit bourgeois sont eux-mêmes contaminés par temps morose par la même envie au rabais. On voit donc que le monde ne se divise pas entre le bien et le mal, le péché et l’abstinence. Le désir d’AVOIR règne sur ce monde dans toutes ses acceptions : vaincre, baiser, posséder, écraser l’autre, le tuer, etc.

Or, depuis les premiers chrétiens, nous savons que dans la misère (des éternels vaincus) il n’y a pas que la misère mais la conscience d’un autre monde possible. Si vous vous trouvez bien en ce monde, no problem, passez votre chemin et qu’un dieu vous garde. Si vous n’êtes pas aveugle à la misère du monde alors songez à ces premiers chrétiens qui enduraient mille humiliations et morts, dont les mains étaient enchaînés mais qui découvrirent que personne ne pouvait enchaîner leur esprit. Bien sûr cet éveil primaire se réfugia d’abord dans la croyance superstitieuse en un prophète ou en un au-delà du respect humain, mais les siècles qui nous séparent de cet éveil ont montré que le mal n’était pas naturel ni héréditaire mais était le fait de sociétés de classes ou des hommes dominaient d’autres hommes sans vergogne. Des révolutions successives ont révélé que la conscience d’une humanité perfectible était un projet humain possible. Permettez-moi de citer encore Michea, philosophe pourtant doux anarchiste, mais si lucide :

« Dès que l’on se refuse à prendre appui sur des vertus déjà (ou encore) présentes dans la vie des classes populaires, ce ne sont plus seulement les raisons de leurs révoltes qui deviennent incompréhensibles. Il faut également admettre que l’invitation à rester humain n’a aucun sens, que le capitalisme ne sera définitivement vaincu que par des hommes ‘qui n’existent pas encore’ et que seule une élite mystérieusement protégée contre les vices inhérents à la nature humaine (« des hommes taillés dans une autre étoffe », disait Staline) pourra diriger le processus de fabrication industrielle de « l’homme nouveau ». Tel est, en dernière instance, le fondement mystique invariable de toutes ces théories qui invitent à confier le destin des peuples à l’avant-garde éclairée du genre humain ».

Pour l’avenir de l’espèce humaine il n’est ni dieu, ni César, ni tribun. Cette maxime est celle qui émerge du mouvement de la classe ouvrière ancienne et moderne. Affirmation plus que jamais valable et qui n’intronise pas en soi cette classe ouvrière si méprisée. La classe ouvrière n’est pas toute l’humanité. Des millions d’humains ne peuvent être rangés dans cette catégorie, mais cela veut-il dire qu’ils sont désintéressés à la vie ou la survie du monde ? Cela veut-il dire qu’un grand chambardement n’entrainera pas toutes les couches intermédiaires, paupérisées ou quart-mondisées ?

Nous sommes dominés par de puissants organismes d’Etat. Nous ne sommes rien quand nous pouvons être tout. Si on en reste à votre simple question bipolaire le monde dans lequel nous vivons apparaît indicible. Vive la politique de l’autruche ? Je suis content de n’être considéré que comme un tube digestif, un con-sommateur ?
La majorité de la population dans tous les pays galère peu ou prou (c’est pire au Sahel et en Tchétchénie) mais cent millions de chinois et moi et moi et moi… On vit une époque formidable, le danger « communiste » a été éradiqué, remplacé par le brouillard islamique. Google me surveille nuit et jour. Il faudrait un nouvel Engels pour décrire The condition (effroyable) of the working class… Des femmes étudiantes se prostituent pour ne pas être à la rue. L’Etat me protège contre les voyous et les assassins. L’Etat apprend à lire à mes enfants. L’Etat ne cesse d’inventer des réformes qui enchantent les sectes obscurantistes. En France, les fœtus auront bientôt le droit de vote comme les morts puisqu’ils disposent désormais d’un état civil. Au Canada, après les écoles réservées aux enfants juifs, une école est ouverte pour les noirs exclusivement. En France encore un prof qui donne une baffe parce qu’il s’est fait insulter par un élève va illico en taule. En Turquie, le port du voile est légalisé à l’université. Tous les jours des dizaines de personnes sautent en Irak, en Afghanistan et on torture allègrement avec le supplice de la baignoire dans tous les pays civilisés. Chaque jour apporte son lot de révélations d’ignominies, d’injustices, de suicides de pauvres gens… et moi et moi je ne veux pas choisir, je me bouche les oreilles, je ferme les yeux et je me tais… Pourtant je vis dans un système qui n’a plus de limites… dans l’aberration et le nihilisme…

Le marxisme n’est pas la seule théorie qui a théorisé que du capitalisme devait sortir le communisme. Il suffit d’examiner les siècles d’histoire pour considérer la succession de divers types de société. Quand une société succède à une autre - il n’existe pas plusieurs grilles de lecture d’un monde qui implose ni plusieurs choix - celle-ci succède à celle-là même si mon ego se refuse à choisir. Quand je traverse la chaussée, soit je me fais écraser, soit je passe sans encombre ; je ne reste pas indéfiniment sur le trottoir à me demander si un monsieur ou une dame va me prendre par la main pour passer de l’autre côté.

Fin d’allégorie. Vous me direz encore qu’il n’y a plus de parti crédible et que la classe ouvrière, missionnaire avachie bêle derrière des syndicats gouvernementaux. Je ne vous dirai pas le contraire, c’est pourquoi le problème était dans votre question, et qu’elle suppose une autre discussion.

Bien cordialement,

JLR

PS : Un commentaire glané sur le web :

« Platon avait coutume de dire : “Quand l’élève ne respecte plus le maître, quand les lois sont bafouées, c’est le début de la tyrannie.” Je pense qu’il faut réhabiliter un gros mot : l’éducation. » – C’est une notion en perte de vitesse ?
« L’élève capable de dire “connard” à un prof est impulsif, angoissé. Il sera incapable de dire non à une nouvelle paire de baskets, à un nouveau téléphone portable. C’est lui qu’on retrouvera surendetté lorsqu’il sera adulte. Cette clientèle-là fait tourner l’économie. Environ 15 à 30 % des parents seraient incapables de dire non à leurs enfants. Ces derniers se sentent alors tout puissants, ils se comportent avec leurs parents, leurs profs, comme avec leurs copains, ce qui les rend éminemment fragiles. Aujourd’hui, près d’un jeune de 18 ans sur quatre est déjà passé par un épisode dépressif ».

Et je ne résiste pas à citer encore Michea qui, par une figure de style, croit avoir trouvé la pierre philosophale. Il nous conte que le Capital se nourrit encore de ses ferments de décomposition : « L'intérêt économique majeur (vise) à maintenir un taux de délinquance élevé. Non seulement, en effet, la pratique délinquante est, généralement,très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année par exemple, ne demande qu'un apport matériel très réduit, et sans commune mesure avec les bénéfices ainsi dégagés pour l'industrie automobile)... la participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable, même s'il est très jeune (il n'y a pas ici de limite légale au travail des enfants)..... » Avec cette parabole Michea trouve le moyen pour éviter de se prononcer politiquement sur le sens des émeutes. ET il ne connaît pas grand chose. J'ai connu un système de petites bandes des 70 depuis la porte de Vanves qui étaient payés pour crever les pneus autour du périphérique, au profit des garagistes voisins... Il faut savoir que pour toute épave la compagnie de CRS du périph touche un bakchich... mais chut!