PAGES PROLETARIENNES

lundi 4 septembre 2023

ABAYA RIEN A VOIR



Méluche et Sardine Ruisseau

« Il en résulte que les travailleurs sont refoulés du centre des villes vers la périphérie, que les logements ouvriers, et d’une façon générale les petits appartements, deviennent rares et chers et que souvent même ils sont introuvables. Car, dans ces conditions, l’industrie du bâtiment, pour qui les appartements à loyer élevé offrent à la spéculation un champ beaucoup plus vaste, ne construira jamais qu’exceptionnellement des logements ouvriers ». Engels

«... Quelques jeunes filles portant l’abaya, cette tenue traditionnelle couvrant le corps venue du Moyen-Orient ».(libé)

 "On n'appelait pas les flics, on allait directement déposer plainte à l'usine, et c'est elle qui s'en occupait".

 « La politique bonapartiste consistant à coaliser toutes les fractions de la bourgeoisie sous la tutelle du capital financier, c’est la classe ouvrière et ses fractions les plus précarisées qui seront déportées vers les périphéries des faubourgs puis des futurs « banlieues ».

« En matière d’éducation, quarante années de bonnes intentions de gauche ont abouti à un effondrement du niveau scolaire (celui des élèves comme celui des professeurs) et à une aggravation des inégalités de classes ou, pour mieux dire, à une relégation des classes populaires aux marges de la société" (Brighelli). 


On ne pas ressentir un malaise toutefois face à cette campagne gouvernementale délibérée et intentionnelle, qu'on peut approuver concernant un vecteur hypocrite de l'islamisme conquérant parmi la jeunesse, sans se cacher que la question de la longue robe islamisante n'est qu'un voile pour masquer les attaques sociales et déguiser la faillite de l'Eduque Naze. Sans oublier de noter un besoin « esthétique » qui se fiche et de la religion et de l'anti-religion ; ainsi on peut lire sur des sites ou réseaux sociaux d'autres explications, par des croyants musulmans eux-mêmes que l'abaya et autres vêtements fétiches ont l'avantage d'amincir les grosses et de masquer les « formes de la cellulite », ou encore comme celui qui indique à une jeune femme qu'elle est « trop jeune pour porter l'abaya » !

 Vous ne la trouverez point sur le web. Pourtant on savait jadis que cette expression était celle des policiers faisant circuler les gens qui se pressaient pour mater les conséquences d'un accident ou une arrestation intempestive ; attitude autoritaire disparue aujourd'hui où les flics sont systématiquement filmés par les portables lors de leur moindre déplacement.

Avec l'abaya il n'y aurait rien à voir selon la gauche bobo-islamique électoraliste et méprisante face au combat séculaire du mouvement ouvrier contre tout encadrement religieux ; on se souvient des bonnes sœurs contremaîtres des ouvrières en usine. Oublieuse d'un passé qui n'est plus le sien,  a gauche bourgeoise ne voit pas l'inconvénient de la création de syndicats islamistes, plus simplement corporatistes mais importateurs de l'obscurantisme dans la classe ouvrière. Les patrons des usines Renault dans les années 1970 avaient compris l'intérêt d'installer des salles de prière sur le lieu du travail, sous couvert de tolérance démocratique, mais pour mieux différencier c'est à dire diviser la classe ouvrière in fine entre arabes et français, croyants et mécréants. Officialisation d'un des principaux obstacles à la conscience de classe, ridiculisant les Marx et Lénine qui n'y voyaient à leur époque qu'un problème secondaire en voie d'être dépassé par la lutte de classe.

Cette gauche bourgeoise bien pensante qui veut encadrer la colère musulmane a ses adeptes néo-staliniens parmi les profs :

« Quand laissera-t-on les femmes et les filles s’habiller comme elles le souhaitent ? », s’insurge celui-la , avec pour argument hypocrite et faux que « cette tenue, « habit traditionnel (sic) n’est pas considérée par le Conseil français du Culte musulman (CFCM) comme un vêtement religieux ostentatoire » ; sans se poser la question pourquoi cette secte religieuse affecte de se soucier d'une « simple robe longue », qui va pourtant comme un gant à la présumée « mode pudique »inventée par des mafias musulmanes ?.

 Dans la bible de la pensée élitaire de la gauche bourgeoise l'OBS, un certain Arié Alimi, avocat idiot utile de l'expansion islamiste, éructe que cette interdiction ministérielle est discriminatoire vis à vis des arabes. Or il ne s'agit en rien de cela mais d'une mesure, certes aléatoire de freinage du prosélytisme religieux islamiste comme il n'en avait jamais existé il y a 20 ou 30 ans. Cet avocaillon, comme tous ces avocats défenseurs des pires criminels, et grassement rétribué pour, , juge marrant de se moquer d'un complot inventé de toutes pièces : « On parle uniquement de ces hordes d’ados boutonneuses et musulmanes fanatisées par les frérots prédicateurs qui bravent le « temple de la laïcité » (admirons l’oxymore) qu’est l’école et qui, dans un projet concerté de « grand remplacement », « attaquent la République » à coups de tissus trop amples » (…) tout cela est parfaitement documenté, nous dit-on. Ces ados sont des enfants guerriers, envoyés en kamikazes vestimentaires sur les grilles de nos collèges ».

L'abaya n'est pas pour ce bourgeois en robe longue, et noire, un faux nez de l'islamisme. Et pourtant si il l'est bien puisque cette robe a été inventée en Arabie saoudite et est vendue dans les boutiques religieuses du même acabit. Lire l'excellent édito de Riss dans Charlie Hebdo du 30 août contre une gauche qui ridiculise la laïcité, et renvoie à l'extrême droite toute critique du rigorisme religieux à la mode chez de nombreux jeunes.

 QUAND LA DEFENSE DES OPPRIME(E)S RENFORCE LEUR OPPRESSION

 Depuis le stalinisme triomphant et la fumisterie des libérations nationales, la gauche et ses petits contestataires ment et-ment résolument. On pourrait même avancer que c'est sa fonction première. La lutte anti-colonialiste fût pipée, au service des blocs impérialistes, de l'un ou de l'autre pendant la guerre froide. Il n' y eu nulle libération des peuples opprimés ni du prolétariat mais un simple remplacement des anciens colonisateurs par les nouveaux, pilleurs de richesses également ou désireux de contrôler géostratégiquement telle ou telle région.

Cette idéologie mensongère est la matrice du wokisme (et de l'islamo-féminisme) qui désigne comme uniques responsables des malheurs du monde les anciens colonisateurs, en premier lieu la France. Cette orientation est aussi pipée que la théorie frauduleuse tiers-mondiste évoquée ci-dessus, elle est pilotée depuis les Etats-Unis ou en tout cas va complètement dans leur sens, qui aboutit à affaiblir des puissances, certes mineures mais qui doivent être contraintes et limitées dans le partage du gâteau impérialiste et capitaliste. Avec cet interdit gouvernemental concernant ce vêtement ridicule, les médias anglo-saxons et allemands pointent la France comme mauvais élève d'un Occident acquis à la cause islamiste non-terroriste. Comme pour la question de l'immigration envahissante, dramatique et insoluble avec n'importe quel gouvernement capitaliste, la gauche bourgeoise fait semblant de ne pas comprendre ni voir le problème, reléguant avec mépris tous les problèmes criminels liés en grande partie à la misère immigrée, au coin des faits divers Une engeance bourgeoise qui s'autorise à stigmatiser un « racisme populaire », n'ayant pour argument anticapitaliste que le racisme accolé à une islamophilie électoraliste, si utile à l'Etat de conservation sociale, conforme à leur fonction d'encadrement électoral, rabatteurs si nécessaires aux gouvernements successifs... alors que :

Le problème n'est pas le racisme, mais le nombre important d'une population d'immigrés dans les anciens quartiers ouvriers et le nombre croissant de femmes dans la rue voilées de la tête aux pieds...dont on examinera plus loin les causes politiques.


COMMENT LA NOTION DE CLASSE OUVRIERE A DESERTE LES BANLIEUES...OUVRIERES ?

 

Les problèmes traditionnels de classe au plan social et économique sont dilués ou déviés depuis longtemps en tant que « lutte contre l'exclusion », contre la « marginalisation », pour la « mixité sociale », pour évacuer la centralité de la lutte de classe. Ces « nouveaux problèmes sociaux » ne seraient liés qu'à des « quartiers sensibles ».

Or c'est effacer cette urbanisation sauvage institutionnalisée depuis l'après-guerre qui avec des barres HBM puis HLM a peu à peu développé des aires de pauvreté (immigrée) face à un habitat plus confortable pour une aristocratie ouvrière des services publics bien protégée par ses syndicats.

C’est dans ce contexte que la venue massive des travailleurs maghrébins depuis les sixties a pu être perçue dans certaines communes populaires par les équipes municipales comme une menace pour les projets de rénovation urbaine. Ce fut le cas notamment dans la ville de Gennevilliers, en banlieue parisienne, sur laquelle le sociologue Olivier Masclet a mené une enquête très approfondie. Il explique notamment : « La stratégie visant à élever la valeur sociale et symbolique de la commune, c'est-à-dire à opposer au stigmate de la banlieue prolétaire une représentation plus digne de la condition ouvrière, suppose en effet de construire une bonne image du groupe. (…) Or, massivement embauchés comme OS et manœuvres, les immigrés appartiennent aux fractions les plus déqualifiées et les moins considérées du groupe ouvrier et sont éloignés du modèle de respectabilité ouvrière que les élus défendent, en raison de leurs conditions de travail et d’existence mais aussi de leur statut d’immigrés et de leur mauvaise réputation héritée de la colonisation. D’une certaine manière, ils contreviennent au but poursuivi de promotion collective de la classe ouvrière».

Le très chauvin PCF a accompagné ces mutations qui ne pouvaient que contribuer à diviser la classe ouvrière :

 « Les élus communistes cherchent alors surtout à représenter et à valoriser les fractions supérieures de la classe ouvrière – la dite « aristocratie ouvrière » – telles que les ouvriers qualifiés, contremaîtres, employés et techniciens, qui sont majoritaires dans les grands ensembles contrairement aux OS, aux manœuvres et aux personnels de services. Ainsi ces nouveaux logements rehaussent la légitimité électorale des municipalités communistes dont les scores aux élections augmentent des années 1950 jusqu’au début des années 1980, dans la plupart des villes PC de l’ancienne « banlieue rouge ».

A l'étape ultérieure ce déclassement profita à la droite de la bourgeoisie :

« La droite profite politiquement du déclassement des quartiers HLM dans la hiérarchie des formes et des statuts d’habitat. Mobilisation des abstentionnistes de droite en réaction à la dégradation de l’environnement, départ des couches sociales acquises à la gauche, démoralisation des électeurs captifs des cités, installation de nouveaux ménages sans tradition politique constituée et aspirant à quitter au plus vite le logement en HLM : autant de raisons au basculement des majorités municipales », explique encore Olivier Masclet.

 On mesure ensuite la perversité (pervers-cité!) de ladite « mixité sociale » qui est surtout un moyen d’attirer les catégories stables du salariat dans des quartiers où vivent aujourd’hui les fractions des classes populaires qui composent massivement le salariat d’exécution plus ou moins exposé à la précarité. Ainsi, au contact de ces ces catégories de travailleurs « stables » brevetées désormais classes moyennes, cette diversité de « classes populaires » serait sensée « tirer vers le haut » et bénéficier de ressources contre « l’exclusion sociale ». En assurant une meilleure « cohésion sociale et territoriale », la mixité sociale favoriserait aussi la diffusion des normes dominantes portées par le style de vie des classes dites moyennes (mais pourtant encore composantes de la classe ouvrière) en direction de minorités « racisées ». Cette mixité sociale, sous couleur antiraciste, est pensée comme « mixité ethnique » pour justifier des pratiques discriminatoires d’attributions de logements sociaux en sélectionnant les candidats par l’origine nationale1. Cette idéologie politique moderniste renforce le regard négatif porté par « l'opinion formatée par le pouvoir »sur les dites « classes populaires » en érigeant ces quartiers défavorisés et leurs habitants en « problèmes », du fait qu’ils cumulent tous les stigmates sociaux : forte visibilité des immigrés, des jeunes, pauvreté, chômage, précarité, délinquance…

Du coup, les municipalités de gauche, socialiste ou communiste, dans les villes de banlieue, n’ont plus la volonté de voir dans ces quartiers populaires leurs propres bastions, leur base sociale naturelle. « Les quartiers et leurs habitants tendent à redevenir l’objet de crainte qu’ils représentaient avant l’implantation du mouvement ouvrier en banlieue. Dans tous les cas, ils sont perçus comme une charge, un « fardeau », qu’il s’agit de partager « équitablement ».

L'idéologie de « mixité sociale » dissout la perception des intérêts en commun qu’ont les habitants de ces quartiers : tout ce qui les réunit du point de vue de leurs conditions d’existence et de travail. A force de se focaliser sur les différences d’appartenance nationale, sur l’origine ethnique, sur la taille des familles, leur style de vie, on en oublie les intérêts de classe à défendre en commun. Les travailleurs massés, mystifiés et « mixtés » dans ces banlieues sont vus comme des « beurs en galère », ou alors comme de possibles « intégristes musulmans », et non pas comme les héritiers légitimes de la lutte de classe du monde ouvrier. La plupart travaillent dans de petites unités de production ou les services lieux peu propices à l'affirmation de la conscience de classe. Le petit patronat y règne sans partage. L’oppression de classe redouble de vigueur et tend à faire éclater les solidarités anciennes, terreau propice au renforcement des sentiments xénophobes, racistes, et au repli sur sa « communauté » d’origine. La composante « immigrée » des classes populaires partage le sort commun des fractions les plus déqualifiées et vulnérables du prolétariat : considérées comme des « classes dangereuses », hostiles à la société et rétives à l’ordre et aux normes dominantes, elles sont d’autant plus exposées au contrôle social et aux politiques sécuritaires de l’Etat qu’elles subissent plus fortement la précarité, le chômage, la ségrégation sociale et urbaine.

 La gauche sociale-bourgeoise a décidé officiellement en 2011 que le prolétariat n'existait plus En mars 2011, Terra Nova, le think tank proche du PS, a remis son rapport signé de son président Olivier Ferrand. Il actait du désintérêt électoral que constitue la classe ouvrière, lui préférant les “minorités” : les femmes, les immigrés, les jeunes, etc. Olivier Ferrand les nommait d’ailleurs les “outsiders” en opposition aux “insiders”. La novlangue dune nouvelle gauche wokiste, suivie par l'extrême-gauche islaminguante et agitée du bonnet écolo et féministe.

Une importante partie de la classe ouvrière rendit la monnaie de sa pièce à cet abandon. En 2014, 80% du socle électoral des partis de la gauche bourgeoise s'était évaporé, mais avec aussi une dépolitisation massive.

Les ouvriers des années 2000 ne sont pas ceux du XXe siècle , souvent employés du tertiaire, non syndiqués, leur organisation du travail a complètement changé et ne favorise plus le collectif de combat, comme ce fut le cas dans les années 1970-1980. Ils sont aussi massivement issus de l’immigration maghrébine et un autre mode vie et de relations Si les quartiers dits « sensibles » restent profondément ouvrier dans leur composante sociologique, le départ des anciennes familles ouvrières remplacées par les populations immigrées (certes toujours ouvrières) marquent un changement dans les modes de vie et les représentations sociales du monde ouvrier local, plus la confirmation d'un nationalisme à l'égard du pays d'origine.

Or, au sein des partis de la gauche bourgeoise PCF et PS, chauvinisme et compétition pour le pouvoir d'Etat ne permettait pas plus aux ouvriers français qu'aux ouvriers immigrés d’émerger et de se faire entendre. La fonction de la gauche et de l'extrême gauche bourgeoises état d'encadrer les basses classes, face à une classer ouvrière française redevenue amorphe dans la décennie suivant mai68, alors que dans les usines les ouvriers immigrés furent à l'avant-garde, il fallait se soucier de leur dangerosité sociale en...les expulsant de toute problématique de classe.

Le PCF porte une lourde responsabilité dans cet éclatement de la classe ouvrière. Par le biais de ses réseaux, le PCF a principalement drainé des ouvriers qualifiés au détriment des autres. “Les ouvriers spécialisés (sans qualification professionnelle) des ateliers de production, où les immigrés sont nombreux, étaient peu présents au sein du PCF,  Les inégalités internes à la classe ouvrière internationale, dans la hiérarchie des usines et dans le système scolaire, se reproduisaient au sein du parti en voie d'effondrement.” Or, les ouvriers spécia­lisés vont être les premières victimes du chômage de masse étant plus rapidement “sortis” du lieu de conscience collective qu’est l’usine.

Puis comme le souligne l'auteur : Les cadres du PCF s’embourgeoisent. En 1981, pour s’assurer de son arrivée au gouvernement, le parti de Georges Marchais ne soutient pas la grève des ouvriers spécialisés de l’usine Renault, à ­Billancourt, menacés par les fermetures de sites. Le PCF passe complètement à côté des travailleurs immigrés, dont les enfants resteront les principaux habitants des quartiers populaires désœuvrés que l’on connaît aujour­d’hui et dans lesquels le PCF n'a plus la main2.

« Progressivement, celui qu’on appelait le “parti des ouvriers”, voit sa classe dirigeante “s’embourgeoiser”. La représentativité s’essouffle : en 2008, les ouvriers ne sont plus que 9 % des délégués au Congrès du parti. Ils étaient 13 % en 2001 et 45 % dans les années 1970. Aujourd’hui, “la promotion des militants d’origine populaire n’est plus la priorité du PCF”, conclu Julian Mischi. Coupé de sa base et abandonnant son rôle historique, le parti entre dans une logique électoraliste, de survie d’appareil. “Ce qui prime à leurs yeux, c’est leur lien avec les ‘habitants’ et les électeurs et non le développement d’une orga­nisation militante structurée dans les milieux populaires ; un objectif qui était celui des permanents d’origine ouvrière des générations précédentes, explique Julian Mischi. Il est rarement fait mention de la nécessité de donner le pouvoir aux militants d’origine ouvrière dans l’organisation et dans les mairies, d’avoir des porte-parole des classes populaires issus de ces milieux ».

Face à cet effondrement d'une gauche bourgeoise qui prétendait parler au nom de la classe ouvrière, le dernier morpion de ces bandes sera donc la LFI de Mélenchon et accessoirement les diverses sectes trotskiennes, avec la notion creuse de PEUPLE, surtout défini comme créolisé, multiracial, féministe et compatissant avec une idéologie complètement obscurantiste, mais en tant que conception chauvine « française » sans aucun souci pour les femmes lointaines en Afghanistan et en Iran, dont leur électrices en abaya se fichent aussi électoralement.


SUR LA DELINQUANCE DES QUARTIERS SENSIBLES

Je me contenterai ici de reproduire mes prises de notes qui relativisent même la violence actuelle des « racailles » laquelle a toujours existé de la part de fils de ...la classe ouvrière ; délinquance à relativiser face à la délinquance financière !

...La reconstitution des « statistiques » des archives de police montre que la plupart des protagonistes sont des mineurs ou des jeunes délinquants (moins de trente ans) originaires des familles ouvrières qui viennent de s’installer dans ce quartier. L’idée d’une forte présence de faits de délinquance commis par des jeunes hommes appartenant à la « classe ouvrière » — qui englobe, rappelons-le, des actes de violence, de vols et de délits pénaux en tous genres — se voit confirmée par la presse locale.

 Des travaux d’historiens témoignent également que les phénomènes de violence et de délinquance étaient très présents dans d’autres quartiers de la banlieue ouvrière à l’époque ; présence de « caïds », prostitution, vols avec violence, règlements de compte, sont les faits quotidiens qui rythment la vie sociale d’un quartier populaire de Levallois au début du siècle, par exemple :

La période dite de l’entre-deux-guerres marque la naissance des « banlieues rouges » avec ses usines et son rythme de travail mais aussi du mode de vie ouvrier rugueux et parfois violent. La violence semble accompagner le quotidien des habitants de la proche banlieue parisienne dans un monde ouvrier et industriel en plein essor . La « crise de 29 » va encourager un certain nombre de comportements délinquants dans ce quartier comme en attestent les archives nationales de police et aussi la presse locale . À la fin de la guerre, ce qui semble néanmoins marquer la période, c’est la présence d’adolescents et de jeunes adultes en possession d’armes laissées par les Allemands en fuite.

sur l’évolution des pratiques délinquantes de la jeunesse populaire urbaine x-guerres et les années 2000  Les années 1990-2000 voient une atténuation des formes « traditionnelles » de délinquance (vols, braquages, etc.) au profit de la montée d’un trafic « rationnalisé » et hié­rarchisé de drogue et de l’émergence de l’Islam dans l’espace public en parallèle avec la question de la « mixité sociale ». (…) sur la notion de délinquance. Est reconnu comme fait délinquant, tout délit susceptible de passer devant une juridiction pénale. Autrement dit, le délinquant est celui qui est reconnu comme tel par les tribunaux de justice . Pour autant, certaines personnes qui commettent des infractions ou qui vivent dans l’illégalité ne sont pas reconnues par la justice comme délinquants dans la mesure où leurs activités délictueuses n’ont pas été appréhendées par les institutions judiciaires. Cette comptabilité, en somme, revient à dire que la délinquance est tout d’abord le fait de mesure des activités policières  ou bien de celles de la justice  Autrement dit, la délinquance est en premier lieu le résultat d’un bilan statistique effectué par les institutions et est le résultat d’une certaine construction sociale. La délinquance n’est donc pas un objet neutre malgré les faits statistiques car elle nous renseigne même sur les rapports de force symboliques en œuvre afin de délégitimer certaines pratiques culturelles souvent associées aux classes populaires  En effet, la problématique de la délinquance est souvent associée aux modes de vie des jeunes des milieux délinquants, qu’ils soient fils d’ouvriers de « banlieue rouge » dans les années 1960 ou enfants d’immigrés des « quartiers sensibles » aujourd’hui. Ce rapport de force en œuvre dans la construction sociale des faits de délinquance souvent imputés aux jeunes des milieux populaires exonère d’autres formes de délinquance — la délinquance financière et ses multiples dimensions comme la corruption ou les délits d’initiés, par exemple —, celle des « élites » et des classes dites supérieures beaucoup plus souvent ignorée par la justice et les activités policières  (...) les groupes les plus dominés, souvent dans des situations économiques précaires ou de survie, ne sont pas toujours en mesure de se défendre : les ouvriers d’antan comme les « jeunes de cité » aujourd’hui restent des groupes sociaux stigmatisés en raison d’une dépossession de la parole et du langage .

NOS RACAILLES RESTENT DES ENFANTS DE LA CLASSE OUVRIERE, SANS ESPOIR ET SANS AVENIR

L’idée d’une forte présence de faits de délinquance commis par des jeunes hommes appartenant à la « classe ouvrière » — qui englobe, rappelons-le, des actes de violence, de vols et de délits pénaux en tous genres — se voit confirmée par la presse locale. Les journaux de l’époque cités précédemment y notent une sorte de « malaise social  » dans le quartier. En effet, un ensemble de faits divers le précise : deux ans après la construction du bureau de poste qui a déjà été « visité » plusieurs fois, « les soupçons des forces de l’ordre se tournent vers des Maghrébins présents sur les lieux ». L’année suivante, ce même journal, relate une altercation entre un automobiliste et un cycliste qui entraîne l’hospitalisation du premier . Le journal Banlieue Ouest commente, pour sa part, une rixe au couteau entre deux individus d’origine marocaine  et note, la même année, un règlement de compte au pistolet entre un mari et un amant dans un hôtel situé dans le secteur . Des travaux d’historiens témoignent également que les phénomènes de violence et de délinquance étaient très présents dans d’autres quartiers de la banlieue ouvrière à l’époque ; présence de « caïds », prostitution, vols avec violence, règlements de compte, sont les faits quotidiens qui rythment la vie sociale d’un quartier populaire de Levallois au début du siècle, par exemple :

« Les archives de police 1895-1914 nous montrent une jeunesse turbulente, des récidivistes, et toutes sortes de délits. On va de la contravention à l’homicide […] Une délinquance plus radicale apparaît en filigrane. On joue du couteau, voire du revolver pour dévaliser le passant nocturne…   »D’après le témoignage d’anciens locataires, notamment des personnes âgées rencontrées dans le courant des années 1990 , le quartier ouvrier est aussi un repère de « voyous » et de malfrats.

Dans les années 1950 et 1960 le quartier accueille des familles nombreuses qui concentrent beaucoup de difficultés ; ces ménages rencontrent de grands obstacles pour se loger, sont surreprésentés par des « couples mixtes » (père d’origine maghrébine le plus souvent) et, surtout, ils n’ont pas bénéficié de la croissance économique qui caractérise pourtant l’amélioration des conditions de vie des ménages français durant la période des années 1960. Cette concentration de « pauvreté » dans un contexte, rappelons-le, de forte croissance économique et sociale est sans aucun doute à l’origine des grands « problèmes » de délinquance que va connaître le quartier étudié lors des décennies suivantes.

« Moi je me souviens y’avait rien pour nous. Moi, à vingt ans, j’étais le petit bougnoule… alors ça forge un caractère. Mes frères étaient déjà des terreurs, ils se battaient déjà avec la police et ils commençaient dans le bisness des braquages. Moi j’étais aussi, à une petite échelle, un petit dur […] mais bon y’avait rien pour nous et on s’embrouillait avec les vieux, les ouvriers français quoi ! » (Interviewé en 1998, 58 ans, employé de mairie, origine marocaine, habite encore le quartier)
Ces témoignages nous éclairent sur la nature des modes de vie des jeunes appartenant au monde ouvrier. Cette situation rappelle, en réalité, les tensions liées à la cohabitation entre jeunes issus de familles ouvrières et les adultes appartenant aux classes moyennes dans les grands ensembles . Les jeunes ouvriers ont toujours été appréhendés comme turbulents par les adultes du quartier à l’époque.
Nous sommes en pleine période des « Trente Glorieuse » avec un taux de croissance annuel important imprégné d’une sorte de « psychologie collective » autour d’une conception prométhéenne de l’avenir comme le montre le sociologue Michel Verret dans ses travaux sur la « classe ouvrière » durant les années 1960 . S’il est encore un peu tôt pour parler de fissures au cœur de la reproduction sociale des « classes ouvrières », les rapports tumultueux entre jeunes adultes et ouvriers de la génération précédente révèlent déjà les mutations de sociabilité que connaissent les enfants d’ouvriers à la fin des Trente Glorieuses et annoncent en quelque sorte l’émergence des problématiques sociales à venir, celles qui caractérisent notre époque.

Les années 1970 et 1980 : désindustrialisation, chômage « de masse » et émergence de la question « jeunes de cité »

 Face à la désindustrialisation et à un manque de plus en plus tangible de débouchés professionnels pour la jeunesse du quartier, un grand nombre de ces jeunes s’initient au vol à l’étalage, entrent fréquemment en conflit avec la police et, pour les plus téméraires d’entre eux, s’engagent dans une délinquance plus importante allant du braquage de bijouterie au vol à l’étalage :

« On était pas conscient ! On était « ouf » sur les bords [rire]. Je ne sais pas comment dire ça, le quartier c’était un climat, une atmosphère. On était jeune et on avait envie de tout niquer ! On s’en foutait de tout ! » (47 ans, mécanicien, ancien braqueur, aujourd’hui musulman pratiquant, marié, 3 enfants, parents algériens).

Précisons que les « voyous » dont nous avons parlé dans la partie précédente sont toujours présents dans la cité et constituent des « modèles de réussite » pour les adolescents de l’époque. Ainsi, dans les années 1980, de très fortes résistances juvéniles, parfois proches de l’insurrection urbaine, s’exercent à l’égard des forces de l’ordre, notamment lorsqu’elles se déplacent dans les cités du quartier : parpaings et pierres sont lancés des balcons sur les cars de police quand ces derniers viennent perquisitionner dans les appartements familiaux et surtout les caves  .

Les premières émeutes urbaines témoignent ainsi de revendications nouvelles des jeunes enfants de travailleurs immigrés dont la problématique ouvrière semblerait paradoxalement passer au second plan  . Avec la question nouvelle de l’ethnicité se superpose une problématique inédite altérant ainsi la « question sociale »   désignant jusque-là les traditionnels rapports de domination de classe. En effet, la stigmatisation des jeunes issus de l’immigration s’accentue progressivement dans les années 1980 et surtout 1990 autour des actes de violence et de délinquance sensiblement exacerbés par leurs origines immigrées . Les jeunes adultes observés sur notre terrain rencontrent également des difficultés et sont confrontés à une stigmatisation croissante à l’usine, dans beaucoup d’institutions mais surtout face à la police dans l’espace public. Des travaux de recherche montrent avec acuité le rôle de cette « génération pivot » — entre la « classe ouvrière » et la jeunesse des cités populaires des années 1990 —, dans les années 1970 et 1980, confrontée au chômage et encourageant l’arrivée du trafic de drogue dure dans les cités populaires de banlieue.

(…) jeunes sont à mi-chemin entre la quatrième et la cinquième génération d’ouvriers et doi­vent affronter un marché du travail de plus en plus compétitif dans un contexte local où la « classe ouvrière » périclite à travers la disparition définitive de ses supports institutionnels, sociaux et culturels.

  Vers une décomposition irréversible de la « classe ouvrière » 1990-2000 : consommation, individualisme, trafic de drogue et chômage juvénile de masse (?)

 Cependant, la plupart d’entre eux ne se reconnaît plus dans ce que les chercheurs appellent la « culture ouvrière ». Dans ce contexte, on assiste à une fragmentation des rapports sociaux entre jeunes des cités du quartier selon les parcours scolaires, culturels et la nature des activités quotidiennes ]. Cette nouvelle segmentation du lien social juvénile local accentue les parcours individuels et les stratégies personnelles mettant un terme au sentiment communautaire qui caractérisait la « classe ouvrière » lors des périodes précédentes.

Le monde ouvrier n’existant plus comme système d’encadrement populaire et de représentations sociales, ces enfants d’ouvriers et d’immigrés sont, dans une certaine mesure, contraints de s’adapter en faisant preuve de pragmatisme aussi bien sur le marché du travail que dans le domaine de l’illégalité. Et surtout, ces jeunes — qui ne pourront devenir ouvriers comme leur pères — peinent également à être salariés : ils sont au carrefour des transformations sociales et des crispations culturelles de la société française . La situation sociale critique de ces jeunes depuis plus de trois décennies semble se pérenniser et ne trouve toujours pas, à l’heure actuelle, un débouché politique, économique et social favorable sauf dans des situations extrêmes comme la délinquance, l’émeute ou la radicalité idéologique. Les quatrième et cinquième générations ouvrières du quartier ont, dans une certaine mesure, des dénominateurs communs comme la galère, l’exclusion ou le racisme . Néanmoins, la première génération de « jeunes de cité » revendiquait de droits avec la « marche pour l’égalité » en 1983 dans l’espoir d’une insertion professionnelle et sociale possible et réelle dans la société tandis que la seconde, confrontée davantage à la discrimination dans un contexte de mutations des rapports de production, s’illustre dans les émeutes urbaines et s’installe plus durablement dans la marginalité . La décomposition définitive ( ? JLR)de la « classe ouvrière » a donc des conséquences chaotiques sur le quotidien des deux dernières générations ouvrières observées dans ce quartier.

 C’est pourquoi la perception entre les ouvriers de naguère et les jeunes des cités d’aujourd’hui a sensiblement varié : même à l’encontre de l’ordre social, le métallurgiste des « banlieues rouges » d’avant-guerre représentait, malgré son caractère de dangerosité qu’il inspirait à la bourgeoisie parisienne, l’avenir de la société industrielle alors que les « jeunes de cité » sont perçus comme source de menace pour le devenir d’une société où règnent incertitude, concurrence et suspicion. En cela, ces jeunes dits « de cité » forment la nouvelle « classe dangereuse » dans une société en proie à davantage d’incertitude économique et d’accentuation des crispations identitaires3.

 LE CAS ANGLAIS


Les enquêtés ont grandi dans des familles situées à la frontière entre les petites classes moyennes (postier, commerçant) et les classes populaires stables (concierge, ouvrier) du monde de l’atelier et des services aux particuliers

 ...il y a un malaise profond chez les Blancs les moins favorisés. Malaise d'autant plus douloureux que personne n'exprime leur désarroi, à part leurs représentants catapultés vers la célébrité à travers des émissions de télé-réalité. Beaucoup des associations structurant la vie de la « working-class » anglaise ont disparu depuis les années 1980, et l'époque n'est plus aux « jeunes gens en colère », ces artistes comme l'écrivain Alan Sillitoe, mort la semaine dernière et auteur de « Samedi soir, dimanche matin », qui avaient mis le prolétariat de l'industrie et la noblesse de ses manières sur le devant de la scène dans les années 1960. Comme le disait récemment un chroniqueur du « Guardian » en pastichant une chanson de John Lennon, un « working-class hero » est devenu une rareté, aujourd'hui.

... les Blancs pauvres étaient les vrais perdants de la récession. Selon lui, il faut reconnaître dans certaines régions du pays que « la couleur du désavantage n'est pas brune, mais blanche », assénait-il. L'ironie veut qu'une grande partie de cette population se considère désormais comme une minorité oppressée. Selon un sondage organisé par la BBC en mars 2008, à l'époque d'une série diffusée sur les classes prolétaires blanches, qui avait fait grand bruit, 77 % des personnes interrogées estimaient que la population locale devait s'adapter aux immigrés, et non l'inverse. Signe des temps, le Premier ministre, Gordon Brown, s'est déclaré la semaine dernière « en pénitence », après avoir commis une erreur grave : traiter de « bornée » une retraitée qui l'avait attaqué sur l'immigration, un sujet ultra-sensible pour la « working-class » et le Labour, dont elle devrait être l'électorat naturel.

Toujours est-il que seuls 6 % de ces jeunes garçons blancs pauvres vont à l'université contre 26 % pour ceux issus des minorités et 34 % pour les filles issues des minorités. Les jeunes gens d'origine chinoise et indienne réussissent particulièrement bien à l'école.

Les prisons britanniques restent peuplées de Blancs aux trois quarts environ, selon le Prison Reform Trust. « Dans certains quartiers très défavorisés de la Grande-Bretagne, notamment autour de Glasgow ou Liverpool, les gangs blancs sont prédominants. Il y a un problème plus large, dans le pays, de comportements dits "antisociaux", perpétrés principalement par des garçons blancs désoeuvrés », souligne Gabriel Doctor, chercheur au Centre for Social Justice, un think tank fondé par le conservateur Ian Duncan Smith.

L'une des principales raisons pour lesquelles la « working-class » blanche et pauvre estime souffrir tout particulièrement est en effet l'immigration. Beaucoup moins en provenance d'Afrique, des Caraïbes ou d'Asie, qu'en provenance des huit pays d'Europe centrale et de l'Est qui ont rejoint l'Union européenne en 2004. Si elle l'est un peu moins depuis la chute de la livre, la Grande-Bretagne a été un véritable eldorado pour les travailleurs de ces pays, d'autant qu'elle a ouvert largement ses portes. Difficile pour autant d'établir un lien de cause à effet entre cet afflux de main-d'oeuvre et le chômage de la population locale. 

Les joueurs d’origine prolétarienne, salariés comme les autres travailleurs mais mieux payés, dominèrent le jeu et l’on vit apparaître la curieuse opposition partageant les villes industrielles d’une certaine importance entre les supporters de deux équipes rivales : Sheffield United contre Sheffield Wednesday, Nottingham Forest contre Nottingham County, Liverpool contre Everton, Glasgow Rangers contre Glasgow Celtic - opposition sportive recoupant parfois une opposition entre catholiques et protestants ou Irlandais et non-Irlandais dans les villes à minorités nationales ou confessionnelles.

La classe ouvrière affirmait dans le même temps son style propre de vacances avec ses stations balnéaires favorites, comme Blackpool en Lancashire, mais c’est seulement à partir de 1883 que les publications ferroviaires commencèrent à faire état de déplacements massifs estivaux, et la fameuse casquette plate, qui deviendra pour ainsi dire l’uniforme de l’ouvrier anglais au repos, à partir de 1890 ou 1900, fait encore les beaux jours d’une bande dessinée, Andy Capp, qui reflète les moeurs et les valeurs masculines dans le Nord-Est de l’Angleterre.

Autre personnage de la culture ouvrière, dont on peut dater l’apparition vers 1865 dans le Lancashire : le débitant de fish and chips (le poisson-frites), dispensateur universel du plat chaud standardisé. Le matériel de friture à poisson ne fit l’objet d’une fabrication industrielle qu’au début des années 1870. Le fourneau de cuisine ne s’est d’ailleurs généralisé dans les intérieurs ouvriers qu’autour de 1860. La culture ouvrière s’affirme également dans une organisation nouvelle du temps de travail.

(...)

La conscience de classe de l’ouvrier anglais s’exprimait d’abord par un sentiment profond du caractère spécifique du travail manuel, par un code moral non formulé mais puissant, fondé sur la solidarité, l’équité, l’aide mutuelle et la coopération, enfin par la résolution de combattre pour un juste traitement.

La classe ouvrière, jusqu’à 1914 et même 1945, vivait une bonne partie de sa vie dans un réseau d’aide et de crédits mutuels, qui échappaient beaucoup à la loi. On savait dans les ateliers que même les travailleurs malades et âgés avaient droit à un gagne-pain, et leurs camarades y veillaient. Les voisins s’entraidaient. Des systèmes complexes de crédit mutuel opéraient sans heurts ni sanctions, comme fonctionnaient les paris en dehors des champs de course, dans toutes les usines et les rues ouvrières. Quoique illégal, le système était généralement toléré par la police. Il fonctionnait à la perfection et, fait plus surprenant encore, sans participation appréciable du crime organisé. Il symbolisait, à l’égal des formes plus organisées et politiques de l’action ouvrière, un certain sens de l’indépendance de classe, et surtout la création d’un espace social soustrait à l’autorité des riches et des puissants. Ses ambitions étaient limitées, mais il y avait en lui de quoi imposer un frein à « Leur » pouvoir, par un dosage de lutte ouverte et de refus implicite de collaborer.

 le système socio-éducatif maintenait la masse des jeunes travailleurs intelligents dans le travail manuel, mais surtout parce que le fait de quitter sa classe, même pour devenir contremaître, était considéré comme une sorte de trahison. 

SUR L'ENDOCTRINEMENT RELIGIEUX (un article de Libé)

...Il y avait déjà eu, au milieu des années 70, notamment dans le pays minier du nord de la France, des tentatives d’endoctrinement religieux. Le Mouvement islamique armé (MIA) voulait à l’époque renverser le gouvernement algérien. Il avait tenté de pousser des enfants de mineurs à commettre des actes terroristes dans le pays de leurs parents. Ces entreprises mortifères avaient échoué parce que chacun (Etat, ouvriers, familles, éducateurs) avait joué sa partition. Les fanatiques s’étaient ainsi heurtés à de vraies structures de socialisation, qui formaient encore un rempart. La classe ouvrière avait construit, notamment au travers de l’éducation populaire, un récit commun de la Nation. Elle travaillait à une conscientisation des rapports de domination. Les enfants de «gueules noires» connaissaient les conditions de pénibilités de travail réduisant l’espérance de vie de leurs pères. Ils pouvaient mourir à tout instant au fond de la mine, ou prématurément de silicose. La mort, pour nombre d’entre eux, s’inscrivait dans un schéma de domination, et de lutte contre cette domination. Je nomme cette intériorisation, «antériorité de la mort».

Un chômage de masse s'est développé en même temps que s'opérait dans les années 80 une disqualification de la classe ouvrière dans les quartiers populaires. La catégorie d'«ouvrier» avait été remplacée par celle d'«immigré». (Relire à ce sujet Sylvain Lazarus dans l'Anthropologie du nom, paru aux éditions du Seuil en 1996). Dans le même temps, dans ce contexte de désindustrialisation, l'implantation de la drogue allait causer des milliers de morts (overdoses, sida, suicides). De nombreux adolescents ont été témoins de ces drames passés sous silence.

Dès leur plus jeune âge, nombre d’enfants et d’adolescents sont confrontés à des situations où tuer, se faire tuer, est devenu une éventualité et non plus un accident de la vie.

Les cas de jeunes assassinés dans des affaires de drogue, des règlements de comptes, pour un regard ou une futilité, se sont multipliés. Ce rapport à la mort n’est abordé au sein des quartiers populaires que dans un entre-soi, ou avec des aînés qui, parfois, par souci de réputation, glorifient la décision d’ôter la vie. Ces discours ont des conséquences dévastatrices sur la conscience et la psyché des enfants, des adolescents et des jeunes majeurs. Il n’existe ni discussion avec les pédagogues pour dire aux adolescents que la mort n’est pas une fatalité ni travail éducatif sur le deuil.

Mes expériences professionnelles et universitaires me confirment que la banalisation du meurtre a pesé dans le passage à l’acte des criminels français aux mois de janvier et novembre 2015 à Paris. Il ne s’agit pas de minimiser les réalités internationales, ni d’ignorer le poids et la perversion des radicalismes religieux. Mais la notion «d’islamisation radicale» ne suffit pas à éclairer seule la situation. Elle masque la diversité des parcours et des situations de rupture - tout autant qu’elle justifie le recours à des politiques sécuritaires qui assignent souvent les jeunes de banlieues jeunes issus de l’immigration, jeunes musulmans à une menace.

La banalisation du meurtre résulte d’une conjonction de facteurs : échec des politiques d’emplois, banalisation de la mort, démantèlement des structures de socialisation, absence des figures paternelles et appauvrissement significatifs des dispositifs éducatifs et de santé publique dans et hors l’école.

...travail d’approche très difficile, car les relations sont tendues, d’autant que les dispositifs sécuritaires poussent ces jeunes à ne percevoir les pouvoirs publics que sur un mode de domination, d’humiliation et de représailles.

Le préalable d’une interlocution éducative exige d’appréhender la disposition du code du quartier ; d’en maîtriser le lexique ».



CIRCULEZ Y A RIEN A VOIR, sauf que, je le répète, la décomposition et l'oubli de l'esprit de classe dans les banlieues ouvrières c'est bien la bourgeoisie et surtout celle de gauche qui est responsable de cette déliquescence et qui le paye en retour, en ne pouvant plus assurer ordre social ni pouvoir récupérer électoralement quoi que ce soit. La dépolitisation induite par ce travail de sape des négateurs professionnels du prolétariat n'en reste pas moins inquiétante pour l'avenir de la lutte de classe et l'unification de son combat.





SOURCES ET REFERENCES:

La gauche et la banlieue : les ouvriers, ces grands oubliés (lecourrierdelatlas.com)

Les banlieues populaires ont aussi une histoire | Revue Projet (revue-projet.com)

Histoire des banlieues populaires (pagesperso-orange.fr)

 

Socio-histoire de la délinquance juvénile d'un ancien quartier ouvrier de « banlieue rouge » en mutation : de l'entre-deux-guerres aux années 2000 | Cairn.info

Cités ouvrières et banlieue : la filiation oubliée. / Working class estates and suburbs : a forgotten link. - Persée (persee.fr)

Socialisation partisane, transformation de soi et subversion de classe en banlieue communiste (1960-2014) (openedition.org)  à lire

Les laissés-pour-compte des banlieues blanches anglaises | Les Echos

La culture ouvrière en Angleterre | lhistoire.fr

Des quartiers sans voix: Sur le divorce entre la Gauche et les enfants d'immigrés on JSTOR

Dans les banlieues, une enfance avec la mort pour horizon – Libération (liberation.fr)

Dans les banlieues, une enfance avec la mort pour horizon

par Amar Henni , Anthropologue et éducateur

publié le 3 juin 2018

NOTES

1Une enquête de l’INED (Institut National des Etudes Démographiques) a ainsi montré que si les ménages « très mal logés » représentent 11% de l’ensemble des ménages en France, ils sont en proportion quatre fois plus nombreux chez les originaires d’Algérie, de Turquie, d’Afrique noire et du Maroc (entre 45% et 50%) Par ailleurs, ajoute cet auteur, il faut aussi remarquer que ces politiques qui visent, à travers la « mixité sociale », à contrôler la répartition des étrangers dans l’espace, à l’aide notamment de « quotas » et de « seuils », font étrangement écho à la politique menée par les préfectures, les organismes HLM et les élus locaux dans les années 1950-1970, consistant dans une gestion coloniale des populations originaires du Maghreb. Ainsi, certaines habitudes ou réflexes hérités de l’histoire coloniale, et sans doute en partie inconsciemment, continuent d’être mis en œuvre jusqu’à aujourd’hui à travers des critères coloniaux d’identification des populations « immigrées ».

2En 1968, les ouvriers représentaient 62 % des salariés en activité aux Grésillons (contre 37 % au niveau national). En 2006, les ouvriers en activité présents sur le quartier ne sont plus que 25 % contre 23 % au niveau national. En revanche les années 1970 et 1980 qui voient l’emménagement des familles en provenance des pays du Maghreb en même temps que ralentit l’activité industrielle en Europe   précarité et de chômage et ses corollaires que sont le trafic de drogue et les nouvelles formes de délinquance ; enfin, les années 1990 et 2000 qui se trouvent dans le prolongement de l’accentuation des difficultés des classes populaires en même temps que se pose avec acuité pour les élus municipaux la problématique de la « mixité sociale ». Ce découpage, d’un point de vue chronologique, est  la fermeture progressive de l’usine Chausson à partir de 1981 ou encore le développement de la rationalisation du trafic de drogue à partir de 1990, etc.).

3Socio-histoire de la délinquance juvénile d'un ancien quartier ouvrier de « banlieue rouge » en mutation : de l'entre-deux-guerres aux années 2000 Éric Marlière Dans L'Homme & la Société 2014/1