PAGES PROLETARIENNES

mardi 23 août 2022

LE MYTHE DES ANNES FOLLES

 

Les piliers de la sté bourgeoise.

« Rien ne caractérise mieux le sérieux politique des années 20 que la disparition du vocable « idéal » utilisé jusque là avec plus ou moins de bonne foi par toutes les personnes nées au début du siècle ».

Günther Anders (George Grosz, p.39)


L 'exposition à Beaubourg « Allemagne années 20 : nouvelle objectivité » pour intéressante qu'elle est, est éclectique et surtout apolitique. Elle ne permet pas de comprendre vraiment de courant artistique qui se démarqua du dadaïsme et de l'expressionnisme. Pour en comprendre l'originalité et la « froideur », esquissons une brève chronologie :


1914 : Première Guerre mondiale

1919 : échec de la révolution en Allemagne/ traité provisoire de Versailles

1920 : fondation du parti nazi

1921 : répression de Kronstadt/ occupation de la Ruhr

1922 : Staline devient secrétaire général du parti/ marche sur Rome de Mussolini

1923 : 2ème échec de la révolution en Allemagne/ occupation de la Ruhr par l'armée française

1924 : mort de Lénine/ Mein Kampf de Hitler

1925 : jusqu'à 1927 : tragédie de la révolution chinoise

1926 : bolchevisation des PC européens

1927:fin de la guerre civile en Chine et écrasement du mouvement communiste

1928 :fondation des frères musulmans en Egypte

1929 :krach économique mondial au mois d'octobre

La « folie joyeuse » des années 1920 prend un coup de vieux au simple énoncé du cataclysme politique un peu partout dans le monde, surtout en Europe avec l'isolement de la révolution en Russie puis sa lente désagrégation intérieure sous la férule stalinienne. En gros ce sont les débuts de la contre-révolution, laquelle va être renforcée par le krach boursier qui malgré quelques insurrections échouées mènera à la deuxième boucherie mondiale. Rien de très joyeux. Alors pourquoi l'historiographie et la sociologies bourgeoises entretiennent-ils le mythe d'années heureuses ?

Pour cacher et atténuer les conséquences de la guerre mondiale sur toute la société et voiler la nécessité impérieuse, de toutes façons, de la recommencer cette guerre ; ce que perçoivent confusément les artistes de la « nouvelle objectivité », basée sur un désenchantement du monde et une claire vision de sa décadence. Leurs productions sont froides et cyniques. Ils montrent que 'humain a disparu derrière la technique, que les ouvriers ne sont plus que des figurants, que la distraction n'est plus que pornographie.

Ils représentent d'abord des putes, caricaturées à l'excès, indirectement contre ce féminisme


bourgeois qui célèbre une émancipation des femmes par leur entrée massive dans le monde du travail, sans oublier les engagées volontaires comme infirmières au front. Singulière émancipation pour ces milliers de femmes veuves qui remplacent à l'usine leurs hommes décimés dans la boucherie des tranchées, où c'est bien plus de 200 morts par jour si on compare avec le conflit ukrainien actuel. Symbole de la volonté d'effacement de l'idéologie capitaliste, et ultra cynique, la « garçonne ». La disparition d'une masse considérable d'hommes laisse non seulement des millions de veuves éplorées mais on leur propose comme substitut cette ombre d'homme qu'est la femme au cheveux courts, qui se veut dérision de la carence en hommes, en même temps que soi-disant émancipation grâce à a cette coupe au carré.

Ces années révèlent une société qui tangue encore secouée par la vague révolutionnaire qui a bouleversé le monde depuis la fin des années 1910. Le combat pour toutes sortes de libertés (culturelle, artistique, sexuelle) ne s'avoue pas vaincu. La libération des femmes comme l'émancipation du prolétariat resteront pourtant des illusions perdues.

Paris aurait été l'épicentre de ces « joyeuses » années folles. Or si la petite bourgeoisie s'amuse, danse et copule, les banlieues ouvrières proches exsudent la misère ; la révolte ne va éclore que plus tard au cours des années 1930. On danse au quartier latin, à Montparnasse et à Montmartre, mais on danse... pour oublier provisoirement la boucherie et la disparition de millions d'hommes. Ce que comprennent certains. Comment cautériser les blessures de la Première Guerre mondiale, sinon par une exubérance nourrie de rythmes effrénés ? La victoire de la vie sur la mort était censée écarter le souvenir des charniers. Ces spasmes joyeux secouèrent les États-Unis (Roaring Twenties), la Grande-Bretagne (Happy Twenties), l’Allemagne (Goldene Zwanziger), pays dont les territoires ont été épargnés par une guerre qui s’est jouée essentiellement sur le sol français. Un vernis joyeux et une forme d’étourdissement – plutôt urbains et socialement marqués – qui ont masqué dans cette mythologie de l’après-guerre tant de deuils, de misères, de drames, de plaies, de traumatismes, de champs de ruines…

Une relecture de la diplomatie des Années folles peut conduire à d’autres conclusions quelques années plus tard face à de nouveaux dangers. La conscience de forces menaçantes existe déjà (en 1922, le fascisme est déjà au pouvoir en Italie, et, en Allemagne, le parti national-socialiste rencontre ses premiers succès) et ne peut être annihilée par quelques soirées dansantes. Comme joyeusetés il y a le développement d'un chômage de masse joint aux nombreux éclopés de 14-18.


Le dadaïsme avec Grosz et Otto Dix avait déjà dénoncé le militarisme de la bourgeoisie, dénonçant le chaos sociale de la nouvelle République. Aux côtés du courant « nouvelle objectivité » Grosz continue avec ses dessins glaçants à constater que des êtres humains ont été transformés en machines à tuer durant toute la guerre ; il montre les vétérans démobilisés, mutilés, réduits à la mendicité ! Joyeuses années 1920 ! Il désigne les nationalistes revanchards qui plastronnent.

Tout ce courant « nouvelle objectivité », dans ses tendances de droite comme de gauche, exhibe un être humain qui n'est plus qu'une chose parmi les autres choses, simple automate dans un environnement froid, sans aucun sentiment.C'est un sentiment de honte qui domine en Allemagne. Il faut dissimuler ses affects pour voiler ce sentiment de honte, jouer avec cet air d'indifférence. Excepté Grosz, Dix et Brecht, membres d'un parti communiste autrement décent que ce qu'allait devenir les partis stalinisés à la fin des années 1920, on arbore une société d'individus froids, alignés dans leur spécificité professionnelle, une panoplie de types sociaux : marchands, ouvriers, chômeurs, avocats, patrons bedonnants. Les regards sont distants et vides.

Les vies des ouvriers paraissent écrasées par l'absence d'horizon, même quand les familles ouvrières


pique-niquent c'est à l'ombre de murs d'immeubles laids. Peintures et photos tentent d'opposer une culture prolétarienne face à la nouvelle industrie du loisir.

EN ALLEMAGNE : LA NOUVELLE OBJECTIVITE SOUS WEIMAR

Avec l'écrasement des tentatives révolutionnaires qui visaient à se relier avec le bolchevisme au pouvoir, en 1918-1919, s'effondrent en Allemagne les aspirations humanistes sur lesquelles s'articulait le mouvement appelé « expressionniste ». Malgré les troubles politiques et l'inflation qui durent jusqu'en 1923, la bourgeoisie met en place ses corps administratifs de la nouvelle République allemande. Dans la désillusion, les velléités d'élaborer un « Homme nouveau » qui étaient inhérentes au courant artistique expressionniste deviennent alors caduques. Une autre époque s'ouvre où le pragmatisme est appelé à se substituer aux rêveries idéalistes pour affronter le désastre social et moral consécutif à la défaite, c'est « la nouvelle objectivité », froide et distante en apparence. Avec les échecs révolutionnaires successifs la petite bourgeoisie artistique oscille entre réaction et résignation, tentant de se réfugier dans l'abstraction.

Deux « ailes » sont à distinguer dans « la nouvelle objectivité ». À droite, « un conservatisme allant jusqu'au classicisme », prônant le dessin d'après nature et se référant à Michel-Ange, à Ingres. À gauche, un « néo-naturalisme » ayant intégré les formes héritées des avant-gardes antérieures, et qui cherche à lever le voile sur le « chaos » de l'époque, à en montrer la décadence.

Cette création artistique est malgré tout exubérante, créative dans sa démonstration de « l'objectivation » du monde, ce qu'on nommera bien plus tard, et après-guerre, aliénation. Elle nrest pas passive, elle est liée à la notion de Gebrauch (utilité) dans les domaines du théâtre, de la littérature et de la musique. Ses œuvres ont un caractère didactique sous leur froideur et avec leur aspect scandaleux (qui peut être assimilé aussi à une décadence). L'artiste privilégie l'exposition des faits sur l'exploration des sentiments, dans un style clair. Au théâtre, Piscator et Brecht introduisent un système narratif qui permet au spectateur d'analyser l'intrigue et de s'éveiller politiquement. La pièce de Piscator, dont Grosz a réalisé les décors (ses dessins remplacent parfois les acteurs) – Les aventures du brave soldat Sveik - a connu une énorme succès dans toute l'Allemagne.

La Neue Sachlichkeit - « Nouvelle Objectivité » - se démarque dans un contexte artistique où


l'expressionnisme et le dadaïsme règnent encore. Parallèlement, à la faveur des épisodes de crises politiques et économiques, une extrême-droite s'organise. Hitler qui prendra le pouvoir en janvier 1933. les nazis qualifieront ce courant d' Art dégénéré voire d'art judéo-bolchevique dégénéré, puis s'efforceront de l'annihiler, éliminant ses tenants, au nom de leur « art héroïque ».

La signification artistique et politique de ce mouvement, plutôt pessimiste et annonciateur d'une paralysie générale face au triomphe de la contre-révolution, n'apparaît pas suffisamment dans cette exposition trop hétéroclite, dispersée... qui trop embrasse...

Une chose est sûre, les années folles apparaissent par contre-coup comme une invention de la bourgeoisie jouisseuse française.


UN CONSEIL :Voir surtout la galerie d'affiches contre la guerre : https://wodka.over-blog.com/2019/05/die-neue-sachlichkeit-ou-la-peinture-au-temps-de-weimar.html





dimanche 21 août 2022

La Haute intensité de la marche à la troisième guerre mondiale sera-t-elle contrariée par une résurgence de la lutte de classe ?


Le jeu de cons de Poutine et Zelenski a au moins un aspect encourageant : cette guerre fratricide accélère crise économique et paupérisation du prolétariat. La conjonction de ces deux conséquences sera-t-elle suffisante pour nous mener à la révolution internationale ? A moins que la centrale de Zaporijia et le cataclysme climatique ne mettent tout le monde d'accord ?

Vers le conflit de « haute intensité » ? mais lequel ?

Le mardi 16 août sur LCI, en fin d'après-midi, un quarteron de journalistes discutaient avec un général d'aviation de l'alarme sonnée par... plusieurs généraux : « la France n'est pas en mesure de mener un conflit de « haute intensité ».

On apprenait que l'armée française manque de bateaux, d'avions, de canons, de matériel militaire divers, que le porte-avions De Gaulle fait figure de relique. Le tout avec le sourire et les élongations habituelles sur le méchant Poutine. N'y a-t-il pas eu un relâchement dans l'effort militaire depuis tant d'années : effectifs réduits, baisse de la production d'armement, etc.

Mais lorsqu'une journaliste plus courageuse que le général posa la question qui tue : « vous croyez qu'en France on est prêt à supporter 200 morts par jour comme en Ukraine ? Vous connaissez mal la jeunesse actuelle ».

De plus le général perdit sa faconde lorsqu'elle invoqua la complicité des politiques et l'obéissance de l'armée au moment des massacres au Rwanda. Il défendit l'honneur de « nos troupes » sans que la journaliste baisse la garde, alors que l'animateur de l'émission détournait déjà l'algarade en demandant : « c'est quoi une guerre de haute intensité » ?

Oh, comme en Ukraine répondit le général un peu troublé et plus aussi fair play. Question intensité Macron ne fut guère plus clair. Il avait dénoncé vendredi 19 août «l'attaque brutale» de la Russie en Ukraine et appelé les Français à «accepter de payer le prix de la liberté», alors que le conflit a déjà de lourdes conséquences économiques en Europe, et surtout sociales (silence sur les grèves en Belgique, Allemagne et Angleterre).

«Je pense à notre peuple auquel il faudra de la force d'âme pour regarder en face le temps qui vient, résister aux incertitudes, parfois à la facilité et à l'adversité et, unis, accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs», a lancé le chef de l'État lors d'une cérémonie pour le 78e anniversaire de la libération de Bormes-les-Mimosas (Var) le 17 août 1944.


Copie minable de l'alcoolique Churchill en 1940 : « « Je n'ai à offrir que Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » Face «cette guerre qui tonne à nos portes», Emmanuel Macron a salué la «résistance héroïque» du peuple ukrainien face aux «assauts terribles de l'armée russe et de ses supplétifs». «Oui, les fantômes de l'esprit de revanche, les violations flagrantes de la souveraineté des États, l'intolérable mépris des peuples, la volonté impérialiste ressurgissent du passé pour s'imposer dans le quotidien de notre Europe, de nos voisins, de nos amis», a-t-il martelé.

Les grèves en Belgique et en Angleterre ont poussé la bourgeoisie française à se montrer plus intelligente que ses consoeurs européennes

Le président avait déjà préparé les Français à une rentrée et un hiver difficiles, lors de son interview du 14 juillet, en raison des risques de pénuries d'énergie et de la flambée des prix induits par la guerre en Ukraine. Il avait alors accusé la Russie d'utiliser le gaz comme une «arme de guerre» en limitant ses livraisons en riposte aux lourdes sanctions européennes la visant et appelé à «rentrer collectivement dans une logique de sobriété» énergétique. Le géant gazier russe Gazprom a de nouveau annoncé vendredi une interruption de ses livraisons à l'Europe durant trois jours, pour des raisons de «maintenance», ravivant les craintes de pénurie en Europe et surtout les conséquences sociales.

La grève en extension au pays du Brexit est particulièrement exemplaire comme le montre l'article suivant de 20 minutes publié il y a trois jours. D'abord cette lente généralisation, encore limitée à un niveau national,  prouve que le prolétariat (ce géant endormi comme disait le CCI) est capable de se réveiller, et en tout cas de relever la tête. Deuxio cette classe ouvrière que l'on disait désarticulée à cause des désindustrialisations successives, montre sa capacité à agir par delà ses dimensions corporatives (qu'on disait funestes à toute lutte d'ensemble), avec la colonne vertébrale des services publics marchent du même pas aussi bien les manutentionnaires d'Amazone que les employés des réseaux téléphoniques (professions qu'on disait anéanties par l'individualisme). Troisio la bourgeoisie anglaise est clairement suicidaire si elle veut encore nous la jouer Thatcher !

Royaume-Uni : Une grève générale inédite qui « témoigne du malaise » de toute une population

Une grève massive et nationale du secteur public reprend dans toute l’Angleterre

Ce jeudi, les cheminots anglais sont en grève et devraient bientôt être rejoints par les employés des ports, les facteurs, les éboueurs et même le secteur public de la santé dans les semaines à venir.

  • Des salaires trop bas et une inflation qui dépasse les 10 % dans le pays sont à l’origine de ce mouvement qui est pourtant rarement et difficilement mis en place an Grande-Bretagne.

  • Avec une situation économique qui ne risque pas de s’améliorer cet hiver et l’élection d’un nouveau Premier ministre dans une quinzaine de jours, le mouvement pourrait se prolonger et provoquer une crise durable.

Ce jeudi, veille de l’avant-dernier week-end des vacances scolaires, seul un train sur cinq a circulé dans le pays. Une grève SNCF de plus en France ? Non, cette fois, c’est outre-Manche que cela se passe et c’est beaucoup plus exceptionnel que chez nous. Le Royaume-Uni connaît en effet son plus important mouvement de grève depuis des décennies. Vendredi, l’ensemble du réseau de transport de Londres sera quasi paralysé, tandis qu’un autre jour de grève des trains est prévu samedi. Dimanche, les dockers du port de Felixstowe (est de l’Angleterre) entameront une grève de huit jours.

Ils devraient être suivis par les postiers, les employés de l’opérateur télécoms BT, les manutentionnaires d’Amazon, les éboueurs et même les avocats pénalistes. Après l’été, le mouvement pourrait se propager aux fonctionnaires de l’enseignement ou encore de la santé. En cause : une crise majeure du pouvoir d’achat. « Ces derniers mois, les employés du secteur public n’ont été augmentés que de 4 %, alors que l’inflation, a dépassé les 10 %. Ça n’avait jamais été aussi élevé depuis 40 ans », explique à 20 Minutes Sarah Pickard, maîtresse de conférences en civilisation britannique contemporaine à la Sorbonne Nouvelle.

« Les gens ont peur »

Cette grève générale entamée par les cheminots, loin de créer de l’animosité, suscite plutôt la compassion, puisque c’est finalement toute une population qui se retrouve dans le même bateau. Ce « sont des gens comme moi, nous essayons tous de gagner notre vie et de nous débrouiller. J’ai toute la sympathie du monde pour eux », lance ainsi un voyageur en gare de Leeds, au nord de l’Angleterre, à un journaliste de l’AFP sur place.

L’inflation touche particulièrement le secteur de l’énergie qui est complètement privatisé et dont les prix ont bien plus augmenté qu’en France, mais également l’alimentation. « Les populations modestes et aussi les classes moyennes sont touchées. Et ça va empirer cet hiver pour entrer dans une crise durable », prédit Sarah Pickard, alors que la Banque anglaise estime que l’inflation dans le pays va dépasser les 13 % en octobre. « Les gens ont peur et les syndicats témoignent d’un malaise que l’on n’avait pas connu depuis longtemps. »

Le parcours du combattant des grévistes anglais

Quelque chose que les Britanniques n’avaient pas connu depuis longtemps non plus, c’est une grève générale. « La dernière grève nationale massive date de 2011 », rappelle Sarah Pickard, par ailleurs autrice de l’ouvrage Civilisation britannique. Écoles, hôpitaux et services municipaux avaient alors tourné au ralenti afin de manifester leur mécontentement face à la réforme des retraites. On est loin des manifs parisiennes, mais il faut dire qu’au Royaume-Uni, on ne fait pas grève aussi souvent qu’en France. D’abord parce que « ça n’est pas culturel » et ensuite parce que « Margaret Thatcher a fait adopter une loi pour que cela soit particulièrement difficile de faire grève et que loin d’avoir été supprimée depuis, cette loi a été renforcée par le gouvernement, actuel », souligne l’experte.

Les grèves spontanées sont complètement interdites, il faut d’abord déposer un préavis de vote, puis organiser un vote des syndicats tout en « sachant que la voix des absents est considérée comme un vote contre ». Malgré ce chemin de croix, les syndicats sont parvenus à organiser ce qui apparaît comme le plus gros mouvement de grève du rail depuis 1989, la fin des années Thatcher. Reste à savoir si cette grève provoquera des négociations.

Le mouvement pourrait « se poursuivre indéfiniment »

Le secrétaire général du syndicat RMT, Mick Lynch a prévenu que faute d’accord salarial, le mouvement pourrait « se poursuivre indéfiniment » et même s’étendre à « chaque secteur de l’économie ». Pour Sarah Pickard, les syndicats ont les moyens de faire pression sur le gouvernement, car avec le Brexit, « le pays manque de main-d’œuvre ». Certaines grèves ont déjà été évitées suite à des offres de rémunération jugées satisfaisantes, notamment dans une entreprise de ravitaillement en carburant à l’aéroport d’Heathrow ou parmi le personnel au sol de British Airways. L’issue de cette crise dépendra aussi beaucoup de l’élection du futur Premier ministre. Mais entre Rishi Sunak et  Liz Truss « tous deux très à droite et assez déconnectés du peuple », il n’est pas sûr que les syndicats obtiennent satisfaction, selon Sarah Pickard. « D’ailleurs, les deux souhaitent faire tout simplement interdire les grèves dans les services publics essentiels ». Le ton est donné.

Ce dimanche matin, France Info s'interroge à son tour :

« Elles sont baptisées les "grèves de la colère". Depuis le début de l'été, le Royaume-Uni est touché par une série de journées de mobilisation contre l'inflation, qui frappe le pays plus sévèrement que ses voisins en Europe. Le mouvement s'est accentué jeudi 18 août, avec des débrayages massifs. De nombreux secteurs, dont les transports, ont appelé à la grève pour obtenir des hausses de salaire. Vendredi, le métro londonien a été quasiment entièrement paralysé et samedi, seul un train sur cinq circule dans le pays. En juin, 50 000 conducteurs de train s'étaient déjà mis en grève pour dénoncer des "milliers de licenciements prévus".


« L'inflation a atteint outre-Manche 10,1% en juillet – contre 6,1% en France – et pourrait atteindre 13% en octobre, un niveau jamais atteint depuis 30 ans. Le Royaume-Uni est ainsi le pays du G7 avec l'inflation la plus élevée. Cette hausse généralisée des prix s'explique principalement par l'explosion des tarifs de l'énergie, en lien avec la guerre en Ukraine.

Contrairement à la France, le Royaume-Uni n'a mis en place aucun bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l'électricité. Les ménages britanniques ont ainsi été touchés de plein fouet. Des milliers de Britanniques menacent d'ailleurs de ne plus payer leurs factures à partir du 1er octobre si les prix ne redescendent pas".

Il est vrai que l'on n'a jamais assisté dans l'histoire à une telle exigence de hausse des salaires, même en 68 :

« Les salariés grévistes réclament des revalorisations de salaire au niveau de l'inflation, c'est-à-dire 13%. Leur revendication n'a, pour l'instant, pas trouvé écho. Les employés du secteur ferroviaire ont refusé une offre de revalorisation des salaires à hauteur de 8%, faite par la société privée Network Rail, en échange de leur consentement à des réformes pour moderniser la société. Les syndicats accusent la société privée de vouloir en réalité procéder à des licenciements massifs.

Dans les transports publics londoniens, plombés par la pandémie de Covid-19 et qui cherchent des solutions de financement pérennes, les salariés font aussi grève pour s'assurer que les emplois, le régime de retraite et les conditions de travail seront maintenus ».

LA BOURGEOISIE ANGLAISE EST DEBILE

« Le ministre des transports, Grant Shapps, a reproché aux syndicats d'avoir refusé l'offre de 8% de Network Rail sans l'avoir proposée au vote à leurs membres. "Si seulement les patrons syndicaux proposaient cette offre à leurs membres, je suis presque sûr que cette grève serait terminée", a-t-il commenté au micro de la BBC.

Liz Truss, favorite dans la course à la succession de Boris Johnson à Downing Street, a elle aussi accusé les syndicats de bloquer la situation. "En tant que Premier ministre, je ne laisserai pas notre pays être rançonné par des syndicalistes militants", a-t-elle déclaré dans un tweet. La conservatrice a promis qu'elle réprimerait plus durement la grève quand elle serait Première ministre ».

« Le maire de Londres, Sadiq Khan, accuse lui le gouvernement conservateur de "pousser délibérément (les syndicats) à la grève à Londres". Le travailliste a par ailleurs dit qu'il comprenait les revendications des grévistes, bien qu'il ne soutienne pas le mouvement. "Je pense que les grèves sont un signe d'échec, mais il est important de comprendre les frustrations et les inquiétudes des travailleurs des transports", a-t-il déclaré sur Sky News.

La radicalisation des syndicats suffira-t-elle à endiguer un mouvement dont la seule issue sera une généralisation à l'international ?

« Le secrétaire général du syndicat Maritime and Transport (RMT), Mick Lynch, a prévenu que la grève des cheminots pourrait "se poursuivre indéfiniment" si aucun accord satisfaisant n'est trouvé. A Felixtowe, le plus grand port de fret du pays, les dockers ont déposé un préavis de grève de huit jours à compter de dimanche. Cette mobilisation menace de mettre à l'arrêt une grande partie du trafic de marchandises du Royaume-Uni. Ce port n'avait pas connu de grève depuis 1989.

"Je pense que le public britannique en a assez d'être arnaqué par ce gouvernement et par les entreprises britanniques, avec des entreprises comme BP et British Gas qui font des profits énormes alors que les gens ont du mal à gagner leur vie", a déclaré Mick Lynch samedi sur la BBC (en anglais).

À suivre, indéfiniment...

                                          Vous y croyez vous à un remake du tchatchérisme à la veille de la WW3?