PAGES PROLETARIENNES

samedi 4 juin 2022

LA FABLE DE LA parité RACIALE DANS LES ELECTIONS BOURGEOISES


le doigt de vote

Il y a un culot banalement électoraliste dans la bande populiste à Mélenchon, qui est de prétendre rompre avec les trucs électoralistes dans lesquels s'est fourvoyée « la gauche de gouvernement », surtout quand leur dictateur, mitterrandolâtre, s'intronise Premier ministre, et quand de plus on vient de voir les trucs mis en place par la nouvelle NUPES, bâtard d'une présumée nouvelle réunion de la gauche. Ce sont les mêmes trucs électoralistes des soumis à l'idéologie bourgeoise dite démocratique : candidats bombardés dans des circonscriptions réservées et gagnables à coup sûr dans un marchandage camembert de toutes ces cliques de la petite bourgeoisie. LFI, peu implanté localement est un as du parachutage (cf. le parachuté Mélenchon à Marseille avec pour argument « je suis partout chez moi, la France est ma patrie »).
Des candidats, qui ne sont pas des locaux, sont sponsorisés par la machinerie de leur parti leur octroyant la meilleure circonscription pour se faire élire ou réélire : c’est ce qu’on appelle le parachutage. Cette méthode politique est ancienne, courante et n'a pas été inventée par LFI1. On pourrait se gausser aussi ici de la proportionnelle où un député plouc de Corrèze peut être élu par 300 électeurs quand il en faut 8000 en région parisienne... Sans s'étendre eux non plus sur leurs sources de financement pour la tricherie électorale érigée en vertu du système.

Le fonctionnement de LFI, qu'on feint d'ignorer chez l'électorat bobo-maso, est strictement hiérarchisé pour un dictateur du genre poutinien et la masse des adhérents ne fait que de la figuration2.

Néanmoins le cirque à Mélenchon est d'une utilité incontestable pour la bourgeoisie. De même que les syndicats sont devenus depuis les deux guerres mondiales des fonctionnaires chargés d'encadrer la classe ouvrière, comme les soi-disant partis socialistes et communistes devenus simples croupions du système dominant, de même il a fallu prendre en compte une nouvelle immigration ou descendance d'immigration nord-africaine, pour encadrer une population qui depuis des décennies ne se retrouvait pas dans l'offre politique bourgeoise. Avec le vide politique, en particulier après les émeutes de 2005, le terrain risquait de rester offert à l'islamisme sans frontières, cet internationalisme de bigots. La résurgence du religieux était inévitable face à l'absence d'intégration sociale des derniers arrivés et des plus démunis, d'autant plus qu'il avait été décrété que la classe ouvrière n'existait plus ; et quand on décrète en quelque sorte que les classes n'existent plus, il ne reste que nos yeux pour pleurer, c'est à dire la religion. Il fallait donc draguer une religion particulière, devenue assez envahissante dans l'espace public français. Avec l'islamo-gauchisme c'est fait. La bourgeoisie peut remercier Mélenchon à un double titre. D'abord il mène une campagne visant surtout à faire croire que les institutions bourgeoises vermoules pourraient être « révolutionnées » de l'intérieur par une plus grande place réservée à des députés dits insoumis alors qu'ils soumis à leur dictateur grande gueule, mais creux comme l'arabo-trotskien Anasse Kazib3. Et ensuite, et c'est le plus fondamental du rôle qui lui est attribué, car il n'a aucune chance de jamais parvenir au pouvoir vu l'inanité de son programme et de sa 6ème République, il a pour charge d'encadrer la diversité (en lui promettant la lune) : celle des banlieues « à risque d'émeutes », les populations régies par la croyance musulmane, éventuellement les immigrés, mais pas trop. C'est un fait au surplus que les populations musulmanes sont particulièrement sollicitées pour se rendre aux urnes avec la promesse d'un citoyenneté « égalitaire et antiraciste » supprimerait exclusion et racisme (idéologie prétendue supprimée par le simple effacement du terme dans la constitution.4 Comme Macron Melenchon joue sur cette vieille rengaine de l'extrême droite monarchiste des années 30 – ni droite ni gauche - (qui servait alors à renforcer par contre droite et gauche bourgeoises dans la montée à la guerre) pour tenter de récupérer ces millions de prolétaires qui vouent aux gémonies des deux versions de l'exploitation capitaliste. Mais là où Mélenchon est d'avance perdant, pour la bourgeoisie, comme pour la classe ouvrière, c'est sa blague de « retour à la nation » ; c'est impossible de sauver telle ou telle nation ou même notre classe dans un cadre national. L'Europe avait été inventée justement après pour faire croire à une vraie disparition des frontières... Le retour en arrière... c'est la guerre en Ukraine ! Enfin, en voulant faire passer l'expansion islamique communautariste et vestimentaire pour normale il dessert de façon populiste la conscience de classe qui demeure avant tout laïque.  Sa tolérance électoraliste concernant le voile obligatoire pour les femmes sert cette idéologie rétrograde et ainsi il est à la remorque du féminisme bourgeois nunuche qui se réjouit de ce tissu imposé aux femmes du Maghreb car au fond c'est conforme à cette idéologie de faire croire que la femme est toujours victime mais que les arriérés qui la tiennent masquées sont ses protecteurs. NB: les bourgeoises féministes par contre n'aiment jamais tant  s'exhiber avec des décolletés en soie et sans culottes.

Le système libéral qui se prétend démocratique ne peut déroger aux règles d'un Etat moderne, aucune frange de la population ne peut rester hors de contrôle. Bien sûr que ce rôle d'encadreur démagogique du populiste (il se réclame du terme lui ancien trotskien) lui permet d'étaler les plus grosses bêtises de la multiculturalité et de la « créolisation », concept qu'il a repiqué à Patrick Karam.

Mais l'investissement le plus important de cette clique politique mélenchonienne est soumise aux mêmes règles démagogiques que celles des autres partis bourgeoise, de la droite surtout paradoxalement : la parité raciale au plan électoral. Après les fables de la parité féminine dans les institutions bourgeoises voici celles concernant ce qui est pudiquement dénommé « diversité ». Je dois être le premier et le seul dans le courant maximaliste à aborder de front cette fable. Les mini-groupes marxistes, dits jadis ultra-gauches, font comme les gauchistes l'impasse sur la question, se contentant de la noyer sous un antiracisme supposé intrinsèque à un internationalisme sans tâche de la part de la classe ouvrière. Or, de même que l'antiracisme n'est pas un critère internationaliste, la défense d'une représentation politique basée sur une mixité raciale est une fadaise, une hérésie qui se moque de l'internationalisme comme d'un approche rationnelle de la vraie lutte des classes.

TOUS LES PARTIS POLITIQUES EN QUETE DU VOTE RACIAL

En France jusque là, l’expression publique d’identités religieuses, ethniques ou raciales par des responsables politiques était perçue comme une contradiction flagrante avec la neutralité républicaine immémoriale. Le succès de cette nouvelle version d'un vote prétendu vraiment universaliste est fondé en grande partie sur la croyance qu’en favorisant la « diversité » des candidats, on représenterait mieux la société française « multiraciale » désormais quand il s'agit au fond surtout de faire baisser l'abstention contre la mystification électorale bourgeoise.

Pourquoi la nécessité de promouvoir des élus de la « diversité » apparaît-elle aujourd’hui comme un évidence pour les partis politiques français ? S’agit-il de conquérir l’électorat que ces élus sont censés représenter ? Et quel électorat représentent-ils ? Leur « communauté » supposée ? Les «minorités » ? Les « quartiers » ? À l’inverse, si ces élus, comme ils le réclament le plus souvent, sont des élus comme les autres qui n’ont pas vocation à représenter un segment précis de l’électorat, il doit exister d’autres registres de légitimation pour justifier la promotion de la « diversité » partisane. S’agirait-il plutôt de défendre l’égalité d’accès aux fonctions, c’est-à-dire la non-discrimination politique ?

Il s’agira d’examiner le sens qu’elle recouvre pour ses récipiendaires, les usages qui en sont fait par les partis bourgeois et les médias. À l’image de la sous-représentation des femmes parmi les élus, qui était aussi une question qui ridiculisait aussi le parlementarisme bourgeois, la sous-représentation des minorités visibles est désormais un autre effort pervers pour tenter de redonner vie à la mystification parlementaire5. De plus en plus de voix communautaristes avec les racoleurs électoraux de la droite de de la gauche se sont élevés pour dénoncer une classe politique composée très majoritairement d’hommes, de cinquantenaires, et presque exclusivement de Blancs6.

La piétaille militante a réussi a imposer un consensus, qui expliquerait principalement l'abstention, comme non dûe à la perte de crédibilité de la gauche comme de la droite qui assument à tour de rôle l'exploitation capitalise: la « diversité » de la société française ne se retrouve pas parmi ses représentants et cela contribue à la défiance des prolétaires envers la politique et les élus. En revanche aucune mention de l'homogénéité sociale des élus, même une fois « mixtes », l'absence de ressemblance sociale entre élus et électeurs ! J'y reviendrai.

Avec cette « diversité », le critère sélectif est plus que flou puisque le terme est constamment employé sans que son contenu ne soit jamais défini : de quoi s’agit-il exactement ? D’origine ? Dans ce cas, il faudrait davantage d’élus « issus de l’immigration » (mais laquelle ?). De couleur ? Dans ce cas il faudrait plus d’élus minorités visibles. De religion ? Dans ce cas, il faudrait des élus « musulmans » (comme le « préfet musulman » nommé en 2004 par Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur). De culture ? Bref, quelle est la « diversité » de la société française qu’il faut davantage représenter ? Quelle est la nature de la ressemblance au fondement de ce lien de représentation ?

Dans le cas français, en effet, la volonté de promouvoir la « diversité » en politique ne va pas de pair avec une valorisation du multiculturalisme (comme aux États-Unis et surtout au Canada), bien au contraire. Il suffit de voir le profil des élus de la « diversité » mis en avant par les partis majoritaires pour comprendre qu’ils ne sont pas choisis en fonction de particularités culturelles propres qui leur permettraient de parler à leurs supposées « communautés ». Ainsi, les conseillers municipaux parisiens de la « diversité » élus en 2008 ne sont pas des représentants d’associations communautaires réunissant des personnes de la même origine (comme par exemple, les Tunisiens de France), de la même religion (notamment dans des associations islamiques) ou de la même culture alors que ces associations sont nombreuses à Paris.

Dans la présentation corporelle de ces élus de « la diversité », aucun signe de particularité n’apparaît (pas de nattes africaines, mais des cheveux lissés). Dans leur prise de parole, pas un seul mot d’une langue autre que le français n’est prononcé, comme cela est le cas pour les élus latinos aux États-Unis pouvant s’exprimer en espagnol pour s’adresser à leur « communauté ». On court toujours derrière América !

Aucun signe d’appartenance religieuse n’est exposé : clairement, les élues de la « diversité » ne sont pas des filles voilées (on se rappelle ,le scandale provoqué, lors de la campagne pour les élections régionales de 2010, par la présence d’une « candidate voilée », Ilhem Moussaid, sur la liste du NPA multitrotskien dans le Vaucluse). Bien au contraire, elles se disent souvent attachées à la laïcité à la française. L’élu idéal-typique de la « diversité » est une femme (elles sont bien plus nombreuses que les hommes), souvent d’origine maghrébine (moins souvent noire, jamais asiatique), souvent d’origine populaire mais à la trajectoire ascendante, diplômée, plutôt jeune et souvent jolie, « moderne » et « laïque ».

Des différences notables existent néanmoins entre la gauche et la droite. L’UMP semble en effet plus encline que la gauche à penser le monde social en termes communautaires. Lors de la campagne pour les élections régionales de mars 2010, ce parti a fait le choix de s’adresser explicitement aux « communautés ». C’est ainsi que Patrick Karam, délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer et numéro deux sur la liste de Valérie Pécresse à Paris, a organisé une campagne entièrement axée sur les « communautés ». Il a monté des « comités de soutien » regroupant les électeurs en fonction de leur origine (« les Réunionnais », « les Français d’origine arménienne », « les Français d’origine maghrébine », « les Français d’origine serbe », « les Français d’origine libanaise », « les Français d’origine indienne », « les Français d’origine africaine », « les Mahorais », « les Français d’origine haïtienne », « les Antillo-guyanais »), mais aussi de leur statut de minorité (« les LGBT », « les personnes handicapées ») 7

Chaque comité avait un responsable qui est un insider : un handicapé, un Guyanais, une lesbienne, un maghrébin, etc. Ce responsable parlait à sa « communauté » en expliquant pourquoi, en tant que membre de ce groupe (en tant que réunionnais ou en tant que maghrébin), il fallait choisir Valérie Pécresse. En même temps, il formulait, à l’attention de la candidate, les besoins de sa « communauté », y compris d’ordre cultuel. Patrick Karma a été le maître à penser de Mélenchon avec son projet de créolis&tion de la politique et de la société française. Un Malek Boutih (qui n’a de cesse de condamner le « communautarisme », « l’islamisation » et est opposé à la double nationalité) incarne à la perfection l’idéal-type du minoritaire totalement affranchi de son origine que promeut le PS.

Si les élus de la « diversité » sont donc, aux yeux des partis qui les soutiennent, des Français racialisés, seraient-ils considérés comme étant plus aptes à conquérir un électorat minorité visible ? Les partis politiques considèrent-ils les électeurs racialisés comme plus propices à voter pour des candidats de la « diversité » même quand ils ne sont pas de la même « communauté » ou origine ? Bref, se disent-ils qu’un électeur magrébin voterait davantage pour un candidat noir que pour un candidat blanc parce qu’il partage avec le premier un statut de minoritaire ?

Un calcul électoral de ce type n’est bien évidemment pas ouvertement affiché par les partis majoritaires. Plusieurs éléments semble pourtant indiquer que cette croyance structure les stratégies partisanes de la « diversité ». Les candidats de la « diversité » sont en effet clairement concentrés dans des circonscriptions particulièrement diverses. Lors des élections municipales de 2008 à Paris, les arrondissements de l’est parisien (notamment les 10e, 11e, 18e, 19e et 20e), où les minorités visibles sont les plus nombreuses, avaient des listes bien plus diverses tant pour la droite que pour la gauche que celles de l’ouest parisien . Ce partage des tâches de représentation correspond pourtant à une même division sociale, les exemples de minoritaires « émancipés » n'occupent pratiquement pas de professions subalternes ni ne sont ouvriers.

Autre preuve de cette logique : lesdits « parachutages ethniques », à savoir le fait d’investir des candidats « divers » dans une circonscription « diverse » sans que ceux-ci soient implantés localement, comme si leur seul statut de minorité visible suffisait à en faire de bons candidats pour ce territoire. Et, à l’inverse, le fait de considérer que des candidats de la « diversité » ne sont pas adaptés à des circonscriptions « blanches ». Ainsi, Fadila Mehal se rappelle que, en tant que candidate du Modem aux élections législatives de 2007 dans le 19e arrondissement de Paris, on lui avait dit : « Vous allez retrouver votre électorat », ce qu’elle a vécu comme « une assignation identitaire ». De même, lors de la composition des listes pour les élections régionales de 2010, des représentants de l’UMP ne comprenaient pas pourquoi la secrétaire d’État Rama Yade, élue au conseil municipal de Colombes, s’entêtait à vouloir rester dans les Hauts-de-Seine, alors que le parti l’aurait plutôt vue dans le Val-d’Oise : « Rama Yade dans le Val-d’Oise sera bien plus « couleur locale » que dans les Hauts-de-Seine ».

Le refus d’une assignation raciale, très fortement exprimé par les minorités visibles du PS, est davantage ressenti par les candidats d’origine maghrébine que par leurs colistiers noirs. Ces derniers font plus facilement le lien entre la discrimination raciale qu’ils subissent du fait de la couleur de leur peau et la promotion de la « diversité » en politique et s’autodésignent souvent comme Noirs. En revanche, les candidats maghrébins, s’ils peuvent mettre en avant l’histoire migratoire de leurs parents, ressentent le plus souvent comme une imposition la « case » diversité et ne se désignent jamais ni comme Maghrébins ni comme Arabes. L’histoire migratoire des parents est d’ailleurs souvent une façon de parler d’une origine sociale modeste, de mettre en avant un attachement aux milieux et aux quartiers populaires où ces élus, tous en forte ascension sociale, ne vivent plus. Ils font ainsi de ce qui constitue normalement un handicap pour une carrière politique (un nom à consonance étrangère ou le fait d’avoir la peau noire) un atout pleinement assumé pour mener une carrière, tout en refusant une image carriériste d’eux-mêmes en présentant leur ambition personnelle comme une avancée pour la « cause » de la promotion de la « diversité » en France. Même à LFI il y a une certaine lucidité sur le sujet8.

LA QUESTION RACIALE STADE SUPREME DE LA QUESTION SOCIALE ?

On peut citer la prise de conscience des partis qui réalisent désormais que les Français racialisés constituent un important potentiel électoral ; les tentatives de la droite pour capter un électorat racialisé supposé déçu par la gauche qui auraient incité le PS à plus de volontarisme ; les débats sur le manque de représentativité des élus induits par la parité ; les réflexions engendrées à gauche par le catastrophique résultat des élections présidentielles de 2002 ; les émeutes de 2005 qui ont bruyamment rappelé l’existence de ces électeurs des « quartiers » ; le vote fortement anti-Sarkozy lors des élections présidentielles de 2007…

Le discours alarmiste sur la gauche qui aurait « perdu les classes populaires » (sous entendu blanches) est ainsi renversé par les « divers » du PS. Ces derniers préviennent leur parti d’un autre risque : les classes populaires racialisées, jusqu’à alors fidèles, pourraient s’éloigner, ou massivement s’abstenir, si elles ne reçoivent pas des signaux explicites, dont un effort plus important en matière de « diversité » des listes.

Les classes populaires sont ainsi racialisées pour mieux dissoudre la notion de classe et la question raciale devient indissociable comme stade ultime de la question sociale. Les minoritaires du PS refusent en effet d’isoler la variable raciale (comme le fait à l’UMP le Cercle de la diversité républicaine). Mal à l’aise dans le maniement du registre racial ils préfèrent employer des catégories comme « quartiers », banlieue ou milieux populaires (au lieu de parler de minorités visibles ou surtout de cette vieillerie « la classe ouvrière »), ce qui leur permet de parler de la race sans la nommer.

Pourtant, les élus de la « diversité » ne se sentent nullement ni « banlieues » ni « classe ouvrière », ils sont socialement franchement décalés par rapport aux électeurs des milieux dits populaires (pourtant majoritairement membres de la classe ouvrière) qu’ils sont censés représenter. Ceci est bien entendu vrai à Paris où les élus de la « diversité » des quartiers populaires sont, comme les autres, sursélectionnés socialement. Souvent, ils n’habitent même plus dans un quartier populaire. Si les élus de la « diversité » parisiens soulignent souvent dans leur présentation une origine modeste, le fait qu’ils sont issus de familles nombreuses, le travail ouvrier du père, tout dans leur langage et leur hexis corporelle les apparente davantage aux élites ou aux classes moyennes diplômées qu’ils ont intégrées qu’aux quartiers populaires (ou de la classe ouvrière dont ils proviennent certainement) .

Sélectionnant des « divers » plutôt diplômés, en ascension sociale et n’investissant pas l’espace de sociabilité des « quartiers », le PS et maintenant LFI promeuvent des élus éloignés socialement des habitants des « cités » distance que la racialisation de ces candidats ne peut, seule, résorber. Les élus de la « diversité » sont rarement des élus de la diversité sociale, ce qui n’est pas étonnant dans une conjoncture marquée par une très forte professionnalisation politique et ce, même au niveau local9 S’ils sont plus souvent issus des « quartiers » et des classes populaires que les autres, les élus de la « diversité » sont pour la plupart diplômés, ont intégré les classes moyennes ou supérieures et souvent quitté les « quartiers » de leur enfance. La « diversité » que ces élus incarnent est clairement davantage raciale que sociale, même s’il ne faut pas sous-estimer la différence existant entre des élus de la « diversité » ayant souvent connu une enfance populaire et des élus blancs qui, très souvent (à Paris en tout cas), sont issus de familles de classes moyennes, voire supérieures.

Lors des dernières élections législatives, on comptait 15 élus de couleur parmi les 22 députés et désignés dans les collectivités d'Outre-mer et une seule sur les 555 députés de la métropole. Il s'agissait de l'Antillaise George Pau-Langevin, aujourd'hui ministre déléguée chargée de la réussite éducative.  Un nombre record de candidats issus de la diversité s'étaient pourtant présentés à ce scrutin de 2007, mais une poignée d'entre eux étaient en position éligible10La diversité est pourtant quasiment invisible à l’Assemblée nationale. Même si les partis traditionnels laissent peu de place aux candidats « issus de l’immigration », ces derniers sont de plus en plus nombreux à se présenter à des mandats électoraux et n’hésitent pas à se présenter sans étiquette, l'idéologie républicaine marche à fond pour ces petits bourgeois arrivistes, et aussi avec le prétexte du « renouvellement » pourtant dans le même cadre bourgeois11.

Un certain M.Ferrat estime par ailleurs qu’aucune place n’est accordée au candidat issu de la diversité au sein du PS. « La mentalité des personnes issues de l’immigration que je côtoyais et qui sont restées au parti est de penser que l’on doit encore avoir un blanc comme leader. » « Moi, je pense qu’il faut arrêter de se dire que c’est pas pour nous. Cette époque est révolue ! Si on ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupe de nous car les lois touchent tout le monde », conclut le candidat. On a encore en France un problème de représentation des personnes issues de l’immigration dans la politique », ajoute-t-elle. Mme Bencharif remarque par ailleurs que ces personnes représentées en politique sont souvent des femmes, « à croire que l’on accole aux hommes issues de l’immigration l’image de délinquants ou de barbus », déplore-t-elle. Pour autant, elle ne se considère pas comme « une élue de la diversité » car elle n'aime pas ce terme et se dit contre l’instauration de « quotas ». Contre une « diversité de façade », M. Kanouté veut une « diversité réelle » mais pas question de tomber dans l’extrême avec l’idée d’un « tout sauf le citoyen blanc ». Le militant associatif défend avant tout l’idée d’une « diversité d’opinion et d’idéologie». « C’est vrai que les politiques n’ont pas volonté à mettre en avant les différents citoyens quels que soient leurs origines, leur religion ou leur milieu social mais nous nous ne sommes pas comme cela. Nous avançons simplement avec des personnes qui ont les mêmes valeurs. Et cela concerne aussi le citoyen blanc », ajoute-t-il12.

Le parti Égalité et Justice (PEJ) présente 68 candidats « issus de la diversité », officiellement pour redonner la parole à des « citoyens rejetés, oubliés, délaissés par les partis politiques ordinaires ». Hélas, les faits suffisent ici à contredire les intentions. Le PEJ est en réalité un parti communautariste qui promeut des candidats d'origine turque proches de l'AKP et farouches défenseurs du président turc islamo-conservateur Erdogan. Objectif : capter les voix des musulmans et renforcer le soft power de la Turquie en France et en Europe. Jusqu'ici, seuls la Licra et le Parti communiste français se sont émus de la présence de ce parti « qui compte en son sein des islamistes et des fascistes issus de la sinistre organisation des Loups gris »...

LA FAUSSE EMANCIPATION DU DROIT DE VOTE AUX IMMIGRES

Loin de ce révisionnisme racialiste honteux, il faut rappeler que le premier souci du vote pour les travailleurs immigrés et les étrangers en général a été posé par le mouvement ouvrier, pendant la Commune de Paris. La bourgeoisie ne le tolérera d'abord que sur le plan syndical au début du XXème siècle. C'est l'exigence économique qui précède le droit politique. Dans les années 1880, déjà, Paul Leroy-Beaulieu, un célèbre économiste libéral, écrivait que la France était comme l'Argentine : un pays qui ne pourrait pas se développer sans une immigration massive. Le million d'étrangers est atteint en 1881 ; ils sont 2,7 millions en 1931, et entre 3,5 et 4 millions aujourd'hui. Les Belges sont les plus nombreux jusqu'en 1901, puis les Italiens resteront en tête jusqu'en 1968, date à laquelle les Espagnols les devancent. On peut donner ces estimations, mais sans oublier que faire des statistiques, c'est travailler sur les personnes enregistrées. Or il y a toujours eu des « sans papiers », des « clandestins »13. Donc, les étrangers se sont progressivement vu reconnaître le droit de vote aux « élections non politiques ». Mais, alors que certains pays de l’UE ont accordé aux étrangers le droit de vote aux élections locales, en France, les immigrés non européens qui n’ont pas la nationalité française restent encore exclus du droit de vote aux élections politiques, ce n'est pas normal mais ce n'est pas grave vu ce à quoi aboutissent les élections bourgeoises toujours contre le prolétariat indifférencié. Ce droit de vote, mais seulement aux élections locales avait été promis, sans tenir parole, par les deux clowns Mitterrand et Hollande. L'Europe a créé cette fadaise de « citoyenneté européenne », et la gauche c'est pas mieux avec une « citoyenneté sociale ».

La question du vrai processus décisionnaire pour diriger la société, du réel vote de classe est étrangère à tous ces salmigondis racialistes et multiculturalistes. Le « vote libéré » est aussi incrédible que la « jeunesse révolutionnaire ». Pour l'heure le vote dit républicain reste la principale arnaque bourgeoise, et la jeunesse n'est pas plus révolutionnaire en soi que ma grand-mère. Le réel vote du prolétariat et la conscience de la jeunesse ne se réveillent et ne se révèlent qu'en période révolutionnaire dans la guerre des classes et pas des communautés ni des religions ni des querelles de bistrot wokiste.



Les divers cités des caves


NOTES

3Si le programme mélenchonien est un mélange de nationalisme économique et de promesses intenables, celui d'Anasse Kazib, qui n'a pu supplanter Poutou, du fait de sa dose grave d'islamo-gauchisme, est encore plus ridicule, dérisoire compil des fantasmes raciaux et pauvrement utopiques du gauchisme marié à la mode islamique. Syndicrate chez Sud Rail, Anasse Kazib se fait connaître en 2018 lors du mouvement social contre l’ouverture à la concurrence. Celui qui qualifie ses idées de « révolutionnaires » donne de la voix sur les piquets de grève et enchaîne les plateaux télévisés pour défendre les cheminots. Ses bons mots s’invitent un temps dans l'émission « Les Grandes Gueules » sur RMC. L’aiguilleur soutient les gilets jaunes avant de se joindre à la grève contre la réforme des retraites. Mais cela est sa couverture « sociale », le fonds politique est carrément débile (cf. son programme).

https://www.marianne.net/politique/gauche/presidentielle-2022-anasse-kazib-candidat-marxiste-et-adoube-par-les-decoloniaux

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/la-proximite-historique-entre-les-mouvances-islamistes-et-decoloniales-depasse-le-cadre-universitaire-20210419

https://www.revolutionpermanente.fr/Anasse-Kazib-2022-decouvrez-le-programme-de-la-campagne

4Ce fut en vérité une blague à la F.Hollande. Le 12 juillet 2018, l’Assemblée nationale a voté la suppression du mot race de la Constitution. Elle a considéré que l’espèce humaine est une et que ce terme est chargé d’un passé colonial et esclavagiste . Or c'est une connerie du révisionnisme des tutti quanti du gouvernement et de noria de gauche caviar et du gauchisme. Bien sûr que, morphologiquement on est obligé de définir des races diverses même si circule en nous le même sang. Les déblatérations dites scientifiques des bobos ne tiennent pas la route. Je préfère dire avec Bordiga qu'il y a une « espèce humaine » que se fiche des races.

5Les pires associations communautaristes comme le CRAN confirment leur rôle de contrefort de la mystification électorale, ce qui explique leur bon accueil dans les médias et leur ominprésence.

8"Parmi tous ces nouveaux députés de la "diversité", il y a très peu d'ouvriers ou de personnes issues de la classe moyenne", regrette-elle. "J'aurais préféré une diversité sociale. La plupart sont des CSP+ ", dénonce la candidate de la France insoumise Leila Chahid.

11Leila Chaibi avait déclaré qu'elle était "bien entendu satisfaite que le parlement risque de ressembler davantage à notre pays". "Ça fait d'autant plus plaisir de voir tous ces dinosaures politiques du vieux monde renvoyés aux oubliettes de l'histoire".