PAGES PROLETARIENNES

mercredi 16 mars 2022

CRISE DE LA GUERRE TRADITIONNELLE (épisode 9)

 


Guerre irrationnelle ?

(suivi de l'attrition de l'armée russe)

« Fuite aberrante dans la barbarie guerrière », juste image du CCI. En voyant toute cette accumulation de destructions de bâtiments civils et un nombre de morts civiles et militaires invérifiables du fait de l'opacité, inhérente en temps de guerre, des deux camps, il se pose beaucoup de questions sur lesquelles on ne peut répondre. Malgré les affirmations hystériques occidentales, l'Etat russe n'avait pas l'intention de tuer massivement les civils. Les chiffres les plus sérieux indiquent que la tuerie serait de l'ordre de quelques centaines, ce qui est déjà certes horrifiant et se retourne contre Poutine et sa clique militaire, mais qui ne signifie pas un génocide puisque Poutine et sa clique se félicitent de permettre des couloirs de « civils en fuite » probablement d'un pays « nazifié »1. Par ailleurs il y a chaque jour beaucoup plus de morts dus au covid !

Les deux causes de ce « dérapage » sont d'une part le fait que la guerre éclair a été impossible et d'autre part que le matériel militaire russe est en partie obsolète et fait des ravages « collatéraux ». Il devient stupide de personnaliser l'agression impérialiste russe sur le seul dictateur Poutine ; un dictateur reste toujours un délégué de la bourgeoise, et, en temps de guerre, il est entouré d'une clique de généraux tout aussi intéressés à préserver l'ordre et leur prébendes.

Si certains intellectuels, comme Marcel Gauchet, reprennent la notion de décomposition (bien après le CCI...), personne dans l'appareil propagandiste de la médiacratie occidentale ne réfléchit à la possibilité d'une perte de contrôle du gouvernement russe, tout en expliquant qu'il s'est mis dans la merde2. Cette notion de « perte de contrôle » est toutefois à relativiser. Comme j'en ai déjà fait état, le système se maintient aussi en « organisant » le chaos ou en le limitant, par exemple par la désimplication lâche de la diplomatie américaine, qui n'a paq envie non plus d'une troisième guerre mondiale :

« Julianne Smith, ambassadrice des États-Unis auprès de l’Otan, lors d’un briefing avec la presse. Elle n’a pas souhaité s’étendre sur les conséquences hypothétiques de tel ou tel «scénario», comme une incursion dans l’espace aérien d’un pays allié. «Notre intérêt n’est pas l’escalade», a-t-elle insisté ». La plupart des dirigeant des grandes puissances ne sont pas fous, même s'il faut en surveiller des un peu toqués ; une anecdote, durant le mandat Trump, un haut responsable chinois avait appelé le général en chef de l'armée américaine lui demandant si Trump n'allait pas causer un drame, le général lui répondit : « ne craigniez rien, on est là ». Seule une poignée d'intellos et artistes tarés sont va-t-en guerre généralisée.

Au départ pourtant le projet d'invasion militaire a été plus rationnel et plus calibré que ne l'affirment divers commentateurs qui n'ont cessé de clamer que Poutine était en échec. Le choix d'envahir en plein hiver, parmi les hypothèses des généraux russes, pas plus idiots que les occidentaux, supposait que, en cas de sanctions, le chantage à la livraison du blé, aurait une action complémentaire et terrorisante pour l'ordre occidental, sans souci des répercussions pour les pays du Sud... Même si en été il n'y a pas de boue pour freiner les chars.

Toutes les guerres qui vont se développer en ce début de siècle, seront dépendantes de la césure inaugurée par cette invasion de l'Ukraine : imprévisibilité, piétinement, acharnement, et surtout transparence des saloperies mutuelles des « criminels de guerre » des belligérants de tout bord ; ce qui est extrêmement négatif pour le militarisme quelles que soient ses prétextes, nationaux, démocratiques, territoriaux, etc. L'énorme fluidité des réseaux sociaux est catastrophique pour les cliques militaires qui passent plus de temps à chercher comme rendre à nouveau opaques leurs guerres de brigandage, et surtout sachant que les généraux, eux, savent le danger de la classe ouvrière.

La guerre comme projet avec des buts impérialistes précis est rationnelle, mais en durant et en se développant, et maintenant directement dans les pays centraux du vieux capitalisme, elle devient irrationnelle ; comme on pouvait le lire en 1977 dans la revue internationale (n°11) d'un groupe drivé encore par un penseur du mouvement ouvrier, original et très profond, Marc Chiric, héritier rare de la véritable tradition marxiste avant-guerre, différenciée du trotskisme et du stalinisme :

« La seule fonction de l'économie de guerre est...la GUERRE ! Sa raison d'être est la destruction effective et systématique des moyens de production et des forces productives et la production des moyens de destruction – la véritable logique de la barbarie capitaliste »3.

Ce que la médiacratie nomme une « erreur historique de Poutine » n'est pas une erreur, surtout quand on n'oublie pas que, malgré l'effondrement du pacte de Varsovie, la puissance américaine n'a jamais cessé de faire pression pour dépouiller l'Empire russe de ses restes. Et cela continue même si elle reste à distance et se sert de son pion allemand pour poignarder l'Europe quoique la bourgeoisie allemande ait le cul entre deux chaises : approvisionnement à plus de 50% en gaz russe et obligation d'acheter des avions made in USA.

Maintenant, comme toute dictature dans le chaos généralisé, l'armada russe a accumulé fautes et impuissance, non seulement à cause de la « courageuse » résistance du nationalisme ukrainien, mais surtout parce que les troupes ukrainiennes sont équipés d'engins de destruction ciblée très efficaces... qu'i sont fourni par le bloc occidental, où l'Europe se la joue unie, fort provisoirement et en prétextant n'agir que par des sanctions économiques. Notons au passage la sanctification du milliardaire corrompu Zelinski, ancien clown professionnel, qui plastronne et surjoue au Winston Churchill bis, tout en retenant systématiquement les hommes pour les envoyer au casse-pipe national. Nombre d'observateurs se méfient aussi de la propagande nationaliste ukrainienne qui en rajoute des couches ; par exemple maternité bombardée était probablement vide et on a promené dans les gravats une femme enceinte dont on voyait qu'elle était vivante, puis on nous a annoncé qu'elle était morte ainsi que son bébé.

Un autre élément à prendre en considération, qui a été quelques fois évoqué ces jours-ci face aux ratages militaires russes et autres dommages collatéraux. Poutine et sa clique ont mis du temps à comprendre que la situation allait se complexifier, et pour une raison héritée du fonctionnement étatique stalinien :

« (comme en Chine)...il est apparu que cela ne fonctionnait pas (l'information de bas en haut) , parce que dans le capitalisme d'Etat stalinien, les responsables locaux craignent pour leur carrière/promotions s'ils annoncent de mauvaises nouvelles »4

Longue ou courte ?

Pourquoi Poutine fait durer ? C'est la première question.

Professeur à Sciences Po, ancien économiste en chef de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Sergei Guriev, ancien conseiller économique du gouvernement russe au début des années 2010. Exilé en France, après avoir critiqué les arrestations d’opposants à la réélection du président russe, en 2012. Il explique pourquoi Poutine a sous-estimé les sanctions occidentales. Et comment, privé de l’argent des hydrocarbures, il peinerait à poursuivre la guerre et à financer la répression dans son pays. Observant la polarisation politique aux Etats-Unis, le retrait d’Afghanistan des troupes américaines [achevé fin août 2021] et le manque d’unité en Europe, Poutine était convaincu que l’Occident était faible et divisé. Il pensait que l’invasion de l’Ukraine serait bouclée en quelques jours, comme celle de Crimée [en 2014], et que les sanctions occidentales viendraient tard, voire pas du tout. Il a, en outre, sous-estimé la résistance ukrainienne et surestimé la force de l’armée russe5.

Il fait durer pour deux raisons. D'abord il ne veut pas perdre la face, ou perdre la place, après s'être tant ridiculisé aux yeux du monde entier et surtout de la classe ouvrière. Deuxio parce que, même sous des apparences neutres, l'impérialisme américain continue à faire pression, arme les nationalistes ukrainiens et laisse l'Europe s'enfoncer dans le chaos migratoire, lequel est en train de devenir plus pesant et déstabilisant que la venue des syriens naguère, pour l'ordre intérieur et l'économie des pays européens ; sachant que tous leurs dirigeants sont débordés, ne savent pas comment cela va tourner, et que les moins dépressifs croient qu'ils suffira de renvoyer chez eux cette population aux yeux bleus et aux cheveux blonds, preuve de leur lointaine origine viking.

Mais il y a une autre dimension plus importante que tous les spécialistes de télévision oublient. Comme l'histoire des vétérans du Vietnam, les soldats du contingents, même s'ils ne sont qu'un tiers, restent des prolétaires et il apparaît qu'on leur a menti, comme il est probable que nombreux ont été ceux qui ont refusé de tirer sur les civils. La dénonciation de la guerre en Russie, même si elle est minoritaire, pose problème. Le retour des cercueils de soldats n'est pas forcément de nature à remettre en cause cette guerre, car la bande à Poutine peut toujours raviver la haine nationaliste des parents dont les fils « ont été tué par les nazis ukrainiens »... Mais quand même si cela dure. Le vrai problème n'est pas de sauvegarder l'Ukraine mais d'abattre le criminel Poutine (c'est la raison pour laquelle il se barricade plus que Zelensky, et pas ce qu'on lui prête, une peur ridicule du covid).

En outre, dans la durée, la mascarade nationaliste ne peut tenir longtemps, et c'est pourquoi les démarches pour négocier au plus vite sont de mise en ce moment, réchauffées par la poursuite des bombardements sélectifs, quoiqu'elles traînent en longueur. Poutine montre des « ouvertures » car il ne veut pas subir le sort de Krouchtchev, démis par un coup d'Etat militaire, mais lui sans sang sur les mains et sauveur de l'humanité avec Kennedy lors de la crise de Cuba (en cas d'éjection, coupable de tant de crimes de masse depuis 20 ans, Poutine finira pendu comme Mussolini ou castré comme Khadafi)6.

La mascarade nationaliste au nom de la mystification démocratique bourgeoise ne peut tenir longtemps ici au centre de l'Europe. Ce n'est pas la Syrie, ni l'Afghanistan. Ici ce n'est pas seulement « l'opinion » des gens en général, même si existe une liberté de circulation de l'information comme nulle part ailleurs, du fait que le système ne peut plus mentir à la colonne vertébrale de la société, le prolétariat, mais en laissant dire la réalité des faits, les noyer dans ses solutions fausses ou des mirages idéologiques.

Impact pour le prolétariat mondial

Le congrès du CCI, certes d'une toute petite organisation – avec le mot congrès on imagine une grande salle remplie de politiciens staliniens – et qu'ils devraient plutôt nommer « réunion générale annuelle » de notre fraction (ce qui ferait moins ridicule) – est plein de considérations géniales pour le développement de la lutte de classe, en particulier sur la question de la « politisation de la guerre ». Lors de leur réunion publique à Paris, j'ai avec culot fait référence à une réflexion d'Althusser (décrié et méprisé depuis 68 puisqu'il a servi de maître penseur aux cons maoïstes), mais un con peut dire parfois une vérité. Il l'exprimait ainsi : Pourquoi la révolution a-t-elle eu lieu en Russie ? (ndlr en 1917) Parce qu'avec le déchaînement de la guerre impérialiste, l'humanité était entrée dans une situation objectivement révolutionnaire. L'expérience et l'horreur de la guerre allaient, en tout pays, servir de relais et de révélateur à la longue protestation d'un siècle entier contre l'exploitation capitaliste »7. Ce que le texte du congrès du CCI résume plus simplement et profondément : « la conscience socialiste n'est pas le produit mécanique de la lutte quotidienne, mais qu'elle est le produit du mouvement historique de la classe » cf. page 37).

L'omniprésence de cette guerre « contre les civils » a pris le pas sur les sujets secondaires en comparaison : campagne présidentielle, coût de la vie, matchs de foot, etc. >Chacun ne peut s'empêcher d'imaginer, en passant devant des barres d'immeuble, les mêmes explosions en façade qu'on nous montre dans les villes ravagées d'Ukraine, et de penser que cette société aboutit à tout foutre en l'air, irrationnellement : pour qui, pour quoi chasse-t-on par la terreur une population de millions de personnes désarmées, en détruisant toute son industrie et ses sources d'approvisionnement, et aussi sa fourniture importante de blé pour le monde entier ? Tabula rasa à laquelle l'immobilisme sert de justificatif à de nouveaux crimes de guerre et de gigantesques destructions qui resteront impunis ! Cette guerre aboutit déjà à « politiser » le prolétariat. Même si la médiacratie veut, comme l'anarchosyndicalisme placer le souci au niveau moral ou psychologique :

Pourtant, comme Agathe, nombreux sont ceux à voir leur moral se dégrader à cause du conflit ukrainien. Et ce, même s’ils ne sont pas directement concernés. « Ce n’est pas parce que la guerre ne nous regarde pas qu’elle ne nous touche pas », résume Karine Danan, psychothérapeute à Saint-Nazaire. Parce qu’elle survient juste quand on pensait en terminer avec la pandémie, beaucoup la perçoivent comme une fatalité, et cela accentue notre sentiment d’insécurité. Les médias entretiennent aussi un climat anxiogène, argumente la spécialiste : « Quand les journalistes emploient des expressions comme “l’apocalypse” ou “la troisième guerre mondiale”, on ne peut pas attendre des gens qu’ils restent indifférents. »

à suivre comme toujours...


NOTES

1Cette sortie de Poutine a fait s'indigner l'élite occidentale, or c'est oublier que l'antifascisme en Russie est resté, plus qu'en Occident, une mystification traditionnelle de la bourgeoisie russe qui, du temps des Brejnev et cie jouaient de cette lyre pour désigner le « camp du capitalisme » ; sans oublier que c'est le pays qui a fourni le plus lourd tribut à la « paix » de 1945, j'allais dire à la paie sanglante.

2Cette notion de perte de contrôle est analysée par le CCI dans son 24 ème congrès (cf. Rint n°167), laquelle s'appliquait d'abord au rabougrissement du gendarme du monde, les USA. Deux idées intéressantes étaient soulignées, d'une part le fait que la « décomposition » « affectait la forme des conflits impérialistes et aussi la prise de conscience du prolétariat », et ensuite, comme le montra la crise du covid, « une absence de concertation internationale des pays centraux » (= chacun pour soi). Je rends à César ce qui est à César, ils ont vu avant moi, certes sans en tirer toutes les conséquences, comme nous les apprend la guerre actuelle, une crise de la guerre traditionnelle

3Citation en page 54 de la revue internationale n°167. Revue consacrée à leur 24 ème congrès, mais avec des textes trop longs, des répétitions pesantes : 150 fois le mot décadence, 100 fois le mot décomposition, 50 fois le mot irrationnel, 20 fois « pezrte de maîtrise », idem pour « chacun pour soi », « chaos », etc. Certes une revue militante ne se cache pas d'être propagandiste, et surtout pas l'OBS ou Paris-Match, mais, malgré une réflexion très approfondie sur la décennie écoulé, cela aurait pu être plus synthétique. Je me suis accroché pour tout lire attentivement, en plusieurs fois.

4cf. RINT page 24 (Pandémie et le développement de la décomposition). Mais attention à cette fixation et interprétation « maladive » sur le cas Poutine, comme on le lit ci-après, cela sert surtout à esquiver la responsabilité du capitalisme et du capitalisme russe : « « La communauté du renseignement partage un nombre croissant de rapports sur le "comportement de plus en plus instable" de Vladimir Poutine, âgé de 69 ans. On le dit atteint de la maladie de Parkinson, souffrant des conséquences d'un Covid long ou bien encore atteint d'un cancer incurable. Le visage de plus en plus "enflé" du maître du Kremlin attise, en effet, les pires rumeurs sur son état de santé. "Il y a eu un changement identifiable dans sa prise de décision au cours des cinq dernières années environ. Ceux qui l'entourent voient un changement dans la pertinence et la clarté de ce qu'il dit et dans la façon dont il perçoit le monde qui l'entoure", aurait affirmé une source proche de l'alliance du renseignement Five Eyes. La source a déclaré que cette incapacité à penser clairement était aggravée par l'absence de "boucle de rétroaction négative", le dirigeant russe " n'étant tout simplement pas briefé" sur les éléments d'échec de l'invasion ».

6On notera l'empressement des dictateurs démocratiques occidentaux à vouloir discuter et maintenir des liens avec pareil « criminel de guerre », sans doute parce qu'ils sont nombreux.

7La seule évocation d'Althusser fit lever les yeux au ciel du planton intello de 50 années de RP du CCI à Paris, monsieur de Galar, représentant de l'association des faux-culs socio-anrarchos Cahiers Spartacus.

L'armée russe n'est plus ce qu'elle était

(source Le Figaro et Le Monde)

Son attrition est confirmée en Ukraine !

Trois semaines après le début de sa guerre en Ukraine, l’armée russe est à la peine. Engagée sur la base d’une décision politique prise en comité bien trop restreint (la partie économique du gouvernement et même un certain nombre de membres du conseil de sécurité ont paru surpris de la tournure des événements), cette « opération militaire spéciale » se fonde sur une vision stratégique et politique déformée de la réalité ukrainienne qui a conduit à une planification pour le moins hasardeuse de l’intervention. Les biais d’analyse du Kremlin sur les dynamiques internes de cette ex-république soviétique sont perceptibles depuis des années. Le défaut d’expertise est, en outre, probablement aggravé par la distension des liens entre les élites des deux pays après l’annexion de la Crimée en 2014.

Confrontée à une résistance inattendue, tant de l’armée que de la population ukrainiennes, et subissant une importante usure de ses ressources humaines et matérielles, l’armée russe est bien loin de l’image qu’elle a projetée au cours des dix dernières années.

Tout cela a fait oublier que l’armée russe, dont la réforme n’a été véritablement engagée qu’après 2008, partait de loin : dix à quinze ans de sous-financement conduisant à une attrition irréversible des capacités héritées de l’URSS.

La modernisation de l’outil militaire russe, bien réelle et accompagnée d’un vrai soutien budgétaire, n’a pu être que progressive et sélective – car si la Russie reste parmi les pays consacrant une part significative (environ 4 % par an en moyenne entre 2010 et 2020) de leur produit intérieur brut (PIB) à leurs dépenses de défense, la faiblesse relative de celui-ci se traduit par une contrainte financière persistante.

La première mesure de la réforme de 2008 a consisté à de larges coupes dans le corps des officiers, «car il y avait un peu le syndrome de l'“armée mexicaine” [une situation où les décisionnaires seraient plus nombreux que les exécutants, NDLR]». Le résultat est drastique : de 365.000 officiers, l'armée russe passera à 142.000 entre 2008 et 2012, soit une chute de plus de 60% des effectifs.

La principale faille russe observée sur le terrain concerne d'ailleurs sa coordination. Un problème stratégique beaucoup plus structurel, symbolisé sur le sol ukrainien par la désarticulation entre l'armée de terre et les troupes aéroportées (VDV), indépendantes. Et ce malgré l'effort évident d'«interarmisation» mené par la Russie.

Si bien que, sur le terrain, elles semblent parfois «pataudes» et inadaptées. À cela s'ajoute la question de la corruption, endémique dans l'armée russe, qui n'a jamais pu être résolue malgré la modernisation. «Au milieu des années 2010, le procureur général de Russie estimait que 20% du budget militaire s'évaporait», se souvient le chercheur. Concrètement, les commandes de matériel peuvent être officiellement faites et payées, mais jamais livrées. Ce qui joue un rôle sur les «petits matériels de cohérence, comme les radios», mais aussi sur le volume de munitions.

L'avenir paraît bien sombre pour l'armée russe. Quand bien même elle parviendrait à ses fins en Ukraine, elle aura laissé dans la bataille des hommes, dont des officiers, et des stocks importants.


 

dimanche 13 mars 2022

CRISE DE LA GUERRE TRADITIONNELLE (épisode 8)


 (Bilan de la Réunion Publique à Paris du CCI, suivi de Krivine-la-cravate)

QUE FAIRE CONTRE UNE GUERRE QUI A POUR BUT DE TUER MASSIVEMENT LES CIVILS SELON LE CRIMINEL DE GUERRE POUTINE ET DE LES LAISSER MASSACRER SELON LE BLOC DE L'OUEST POUR FAIRE CROIRE QU'IL N'Y EST POUR RIEN ?

Voici un extrait très pertinent recopié d'un article du Figaro, qui confirme mon analyse de guerres hybrides désormais et à vocation extensive, de plus confirmant que les généraux en période de guerre sont parfois plus « marxistes » que le commun des journalistes blablateurs :

« La victoire rapide espérée par Vladimir Poutine n'aura pas lieu. « La guerre pourrait durer », prévient le général Burkhard. La question de la capacité des forces russes à tenir dans la durée va être posée. « Ce qui pourrait ouvrir la porte à des négociations plus équilibrées qu'attendues », prévient le plus haut gradé de l'armée française en s'interrogeant sur la fin de la guerre. Les revers stratégiques de l'armée russe ont bouleversé les plans du Kremlin. « Cela rend Vladimir Poutine d'autant plus imprévisible », estime le général Burkhard, en prévenant que « tout peut arriver ». Dans une troisième page, à diffusion restreinte, le CEMA met aussi en garde les généraux sur les conséquences en France du conflit et les troubles qu'il pourrait générer ».

« La guerre de haute intensité est de retour en Europe », dit-il. L'hypothèse était envisagée par les généraux français dont la mission se focalise sur la préparation de l'armée française à ce type d'engagement. Aujourd'hui, elle ne serait pas en mesure d'y faire face. Conscient de l'urgence, le chef d'état-major mettait en garde il y a quelques mois encore contre une accélération de l'histoire. Il n'imaginait pas un basculement aussi rapide ».

Face à cette guerre de « haute intensité » avec une léthargie du prolétariat mondial, il était naturel que des minorités révolutionnaires se posent des questions, c'est le cas du groupe italien qui publie Battaglia Comunista » :

« Le premier aspect concerne l'absence d'un mouvement politique suffisamment fort pour contrer les crises du capitalisme et les guerres qui en découlent, qui sont la "solution" temporaire à ses contradictions. Les organisations révolutionnaires éparpillées ne constituent pas, à l'heure actuelle, une référence politique suffisamment forte pour poser une alternative à la barbarie du capitalisme ».

Ce groupe pense sans doute qu'un parti peut même remplacer le prolétariat, mais son souci d'en appeler à un fin de l'éparpillement des groupes révolutionnaires ne s'est pas concrétisé comme me l'ont confirmé les militants du CCI samedi dernier à Paris, lequel groupe lui se soucie plus de la réaction massive tôt ou tard du prolétariat mondial, soulignant en conclusion de l'un de ses tracts que la solution réside :

« ...dans le développement partout dans le monde des luttes massives et conscientes. En particulier conscientes qu'elles constituent une préparation pour le renversement du système responsable des guerres et de toute la barbarie qui menace de plus en plus l'humanité : le système capitaliste ».

Pied de nez de l'histoire, il faut noter, sans acrimonie, que - alors que depuis plus de 50 ans ce groupe dénonçait le risque de destruction de l'humanité et que les tuteurs de l'idéologie le faisaient passer pour ringard - sauf à nommer le capitalisme, tous les médias reproduisent en long et en large ces mêmes mises en garde politiques ! Il était tout naturel que j'aille donc assister à une reprise de leurs réunions publiques après trois ans de covid depuis 2019, paralysant donc tout débat public.

ANALYSER LES CAUSES DE LA GUERRE ET COMMENT LUTTER: bilan d'une réunion publique clairvoyante

L'exposé, court et sobre, répondit à ces deux questions sans fard. Tous les Etats et impérialismes dominants sont tous AGRESSEURS ; mais avec une erreur que j'ai relevé par suite : « les seuls qui sont réellement attaqués sont TOUS LES TRAVAILLEURS DU MONDE ». Ce qui est faux et illogique : ce sont les populations indistinctes qui sont sous les bombes, et si ce n'étaient que les travailleurs clairement attaqués comme tels, on serait déjà en révolution. Mais dans l'ensemble et dans sa conclusion il n'était pas possible à tout individu conscient d'être en désaccord avec le contenu.

La réunion se déroula dans une ambiance amicale, excepté la présence d'un vieux ronchon sectaire. Une nouvelle génération de militants répondit avec ouverture d'esprit et intelligence aux critiques ou divergences, sans agressivité (ce qui était rare chez les anciens). Les débats furent animés en particulier par V., ouvriers de Renault Flins qui nous fît rire en témoignant que les ouvriers de son usine se passionnaient plus pour les résultats du PSG que de réfléchir et se prononcer contre la guerre, sauf ponctuellement à prendre en compte le risque de nucléarisation. Evidemment l'inoxydable Galar, pourtant plus âgé de trois ans que Krivine, et natif de l'avant-Deuxième boucherie mondiale, occupa une partie des débats avec des considérations plus complexe s sur l'histoire et les différents types d'économie, mais au fond minimisant la gravité des conséquences de cette guerre au cœur de l'Europe.

Pour ma part, j'ai d'abord tenu à rappeler les positions ridicules des gauchistes, en particulier de Sud/PTT demandant … augmentation de 300 euros et exprimant ainsi un mépris typique du syndicalisme qui croit que les ouvriers ne sont mobilisables que pour des sous et incapable d'une conscience politique contre la guerre capitaliste. Quant aux négateurs du prolétariat, en particulier dans les pays où le nombre de centres industriels a été réduit, j'ai insisté sur le rôle mineur d'une seule usine que ce soit Poutilov en 1917 car les Conseils ouvriers ont été créés dans une noria de petites unités de production, quant à Renault au cours de la révolution « rose » de mai 68, les ouvriers y sont restés enfermés par le syndicat CGT, ce qui n'empêcha pas un certain nombre d'aller au quartier latin manifester avec les étudiants, ni d'autres lieux de production de créer des comités d'action.

Ensuite mon souci fût de lancer le débat sur comment dénoncer et lutter contre cette guerre capitaliste. On ne peut pas se contenter d'en appeler comme le CCI à une « généralisation des luttes » ou à radoter que les « ouvriers n'ont pas de patrie » (ce qui est certes toujours vrai), ni laisser croire que la grève serait la seule arme de lutte, lesquelles peuvent être diverses et variées (comme le disait Rosa) : manifestations de rue, actions exemplaires, blocage d'usines d'armement, etc.

Contre cette idée de généralités et de radotages, la plupart des réponses portèrent sur la nécessité de poser un cadre internationaliste et qu'il n'y avait là rien que de très concret, qu'il fallait avant tout rappeler les grands principes de classe. Sans remettre en cause cette argumentation, je n'en continuais pas moins à maintenir qu'il y avait nombre de répétitions dans leur presse, et que, désormais comme je l'avais souligné en introduction, nous entrons dans une nouvelle période où les guerres ne peuvent plus être locales, confirmant d'ailleurs la prévision d'une fin du capitalisme, que le mouvement certainement pré-révolutionnaire apportera des réponses à nos hésitations, confusions ou généralités politiques, même au niveau du vocabulaire. La dénonciation du patriotisme ukrainien est également boursouflée, les gens se défendent d'abord sur place prosaïquement face à un envahisseur assassin et pillard.

J'ai également dit que le groupe était aussi impuissant que nous les observateurs en leur disant que leurs tracts ne servaient à rien, mais que leur site internet était bien plus efficace, vu les dizaines de milliers de connexions, autrement supérieures aux maigres chiffres de mon blog.

Enfin je les ai caractérisés de secte en l'absence d'intensité de la lutte classe, ce qui m'a valu des réponses, d'ailleurs tout à fait amicales et pas hystériques, pour rejeter ce qualificatif, tout en acceptant l'idée de sectes pour les premiers mouvements socialistes au 19ème siècle, mais pas dans le sens péjoratif habituel. J'ai donc acquiescé modestement du bonnet.

Au total une réunion habitée par la gravité du moment, où certains imaginent une guerre courte (moi) d'autres longue, mais dans tous les cas des suites dramatiques et une accélération de l'histoire comme disait le général plus haut. Sans oublier une discussion plus large sur l'irrationalisme de Poutine comparée au rationalisme d'Hitler...

Marquée par une série de questionnements très concrets, un débat franc et fraternel avec toujours cette conviction que seul le prolétariat peut mettre fin à la guerre, comme tant d'exemples du passé le prouvent, mais surtout en vue d'une transformation révolutionnaire du monde.


KRIVINE-la-cravate

Toute la gauche bourgeoise et dite extrême gauche trotskienne, y compris la plupart des députés PS formés à cette idéologie néo-stalinienne, dont Mélenchon, est en deuil. Krivine est monté au ciel des fabulateurs rejoindre Pablo, Lequenne, Pierre Frank, et tous ces chefaillons pseudo-révolutionnaires qui depuis la guerre défendirent les pires idéologies tiers-mondistes et rabatteuses électorales en faveur de la gauche bourgeoise.

Initialement bébé de l'école stalinienne, le petit Krivine finit par être entraîné par ses grands frères dans le giron trotskien. Chef étudiant il se fait connaître en 1968 dans le corridor du quartier latin, mais en moins séduisant que les Cohn-Bendit et Sauvageot, eux plus représentatifs de l'atmosphère libertaire. Le trotskiste sent déjà le moisi. Il nous fait rigoler lorsqu'il apparaît après l'imagerie échevelée de 68 avec treillis et robes hippies, encravaté dans la lucarne télévisée comme candidat à la présidence de la pute publique. Brushing soigné il s'adresse à la ménagère guettée par le cancer à cause de la poêle Tefal. La suite au longe terme de sa carrière médiatique comme icône gauchiste plutôt bcbg le conduira à la députation, si bien nommée. Rien de révolutionnaire sauf à conduire la politique girouette du plus caméléon des sectes gauchistes, qui, du soutien à Brejnev, et aux aventuristes des fausses libérations nationales, aux appels à voter systématiquement pour la gauche bourgeoise aux deuxièmes tours de la mystification électorale, et aussi un engagement militant au cul des syndicats, qui mena en définitive au misérable wokisme.

En tout cas le trotskien bcbg n'est pas mort à cause des poêles Tefal.