PAGES PROLETARIENNES

mardi 25 janvier 2022

EN UKRAINE SI LA GUERRE ECLATE LES SOLDATS DES DEUX COTES SERONT-ILS AUTORISE A PORTER LES MASQUES SANITAIRES ?

 


Si l'Ukraine revient dans la sphère d’influence russe, les Etats-Unis perdront leur crédibilité, ce qui déstabilisera profondément l’Europe et pourrait convaincre la Chine d’attaquer Taïwan (qui fait déjà tournoyer au-dessus ses avions à charge nucléaire).

Le minuscule milieu révolutionnaire maximaliste est encore en retard, comme le furent toutes les minorités avant les guerres précédentes (sauf l'ex fraction qui prédit une guerre toute les 24 heures), il faut remonter à 2014 pour trouver un article du CCI qui analysait bien l'hypocrisie occidantale :

« Depuis le 21 novembre, l'Ukraine vit une crise politique aux faux airs de la prétendue "révolution orange" de 2004. Comme en 2004, la fraction pro-russe est aux prises avec celle de l'opposition, partisane déclarée d'une "ouverture vers l'Ouest". Les mêmes tensions diplomatiques entre la Russie, les pays de l'Union Européenne (UE) et des Etats-Unis s'exacerbent.

Ce remake n'est cependant pas une simple copie. Si la contestation des élections archi-truquées  de novembre 2004 avait alors mis le feu aux poudres, aujourd'hui, le rejet de l'accord d'association proposé par l'UE par le président Viktor Ianoukovitch est à l'origine de la crise. Ce pied de nez à l'UE, une semaine avant la date prévue de la signature, a aussitôt déclenché une violente offensive des différentes fractions pro-européennes de la bourgeoisie ukrainienne contre le gouvernement, criant à la "haute trahison" et demandant la destitution du président Ianoukovitch. Suite aux appels à "l'ensemble du peuple à réagir à cela comme il le ferait à un coup d’État, c'est-à-dire : descendre dans les rues," ([1]) les manifestants ont occupé le centre-ville de Kiev et la place de l'Indépendance, lieu symbolique de la révolution orange. La répression brutale, les affrontements et les nombreux blessés permirent au premier Ministre, Mykola Azarov, de déclarer : "Ce qui se passe présente tous les signes d'un coup d’État" et d'organiser des contre-manifestations.  Comme en 2004, les  médias des grands pays démocratiques ont monté au pinacle cette « volonté du peuple ukrainien » de se "libérer" de la clique inféodée à Moscou. En revanche, les photos et les reportages n'ont pas vraiment mis en avant la perspective démocratique mais plutôt la dictature et la violence des répressions de la fraction pro-russe, les mensonges de la Russie et les diktats de Poutine. Contrairement à 2004, l'espoir d'une vie meilleure et plus libre n'est plus étayé par la perspective d'une victoire électorale de l'opposition, aujourd'hui en minorité, contrairement à 2004,  ou Victor Iouchtchenko était assuré de la victoire ».

(lire entièrement ici : https://fr.internationalism.org/icconline/201401/8850/ukraine-russie-cherche-a-desserrer-letau-ses-rivaux-imperialistes )

Il s'agit bien à l'heure actuelle en gros du prolongement de l'affaiblissement de la puissance impérialiste américaine avec un risque de généralisation qui impliquerait la Chine.

Comme l'écrit l'OBS à la suite des articles les plus sérieux, c'est le sort de la planète qui va se jouer en Ukraine. Zbigniew Brzezinski (1928-2017), dans son prophétique ouvrage de 1997 tirait l'alarme. Son livre -« le Grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde » (Bayard) - y exposait comment, à son avis, les Etats-Unis devraient agir pour préserver leur hégémonie mondiale, absolument incontestée à l’époque. Ce faisant, il expliquait pourquoi l’Ukraine serait, selon lui, l’un des pivots majeurs de la géopolitique mondiale au XXIsiècle. Que là se jouerait l’avenir de la planète. Nous y sommes !

« En tirant leur révérence de manière abrupte, expliquait le stratège, les Ukrainiens ont mis un terme à plus de trois cents ans d’histoire impériale. Ils ont dépossédé leurs voisins d’une économie à fort potentiel, riche de son industrie, de son agriculture et d’une population de cinquante-deux millions d’habitants, dont les origines, la civilisation et la tradition religieuse étaient si proches de celles des Russes, que les liens impériaux ont toujours, pour ces derniers, relevé de l’évidence. Par ailleurs, l’indépendance ukrainienne a privé la Russie de sa position dominante sur la mer Noire, alors qu’Odessa servait traditionnellement de point de passage pour tous les échanges commerciaux russes avec le monde méditerranéen et au-delà. »

Donc, « sans l’Ukraine et ses cinquante-deux millions de “frères slaves”, toute tentative de restauration impériale commandée par Moscou est vouée » à l’échec, concluait Zbigniew Brzezinski, il y a vingt-cinq ans.

L'édito de l'OBS est clair, contrairement aux pro-Poutine qui considèrent que les Etats-Unis exagèrent ou s'inquiètent pour rien:

«Pour Washington, il en va de son statut de première puissance mondiale. Accepter les exigences russes et notamment que l’Ukraine revienne, d’une manière ou d’une autre, dans la sphère d’influence de Moscou, surtout après avoir proclamé qu’elle avait « vocation » à rejoindre l’Alliance atlantique, ce serait annoncer au monde qu’elle ne veut ou ne peut plus respecter ses engagements, notamment vis-à-vis de ses alliés. Ce serait dire à l’Europe, qui dépend encore du parapluie nucléaire des Etats-Unis pour sa sécurité, que sa parole n’est plus aussi ferme qu’autrefois et que, bientôt, elle devra peut-être faire sans son grand frère d’outre-Atlantique. Ce qui provoquerait une importante incertitude, voire un chaos – et le déclin (irréversible ?) de la puissance des Etats-Unis.

Enfin, pour la Chine, le moindre recul de la position américaine sur le Vieux Continent sera perçu comme une incitation à avancer ses pions dans la sphère des Etats-Unis en Asie, et avant tout à Taïwan. Si l’Amérique affiche de la faiblesse dans le dossier ukrainien face au Kremlin, Xi Jinping, le leader chinois, pourrait, à tort ou à raison, en conclure que le moment tant attendu est arrivé : que l’île rebelle ne sera pas défendue par l’US Army. Que l’heure de la Chine a sonné. Et le monde entrerait définitivement dans une autre ère ».

Il s'agit bien d'une crise majeure. Il s’agit d’une tentative par la Russie de renverser et de renégocier l’ordre international établi en 1991. L’Ukraine est au centre de cette crise, non seulement en raison de sa position à côté de la Russie, mais aussi pour des raisons plus larges, et qui vont au-delà de ses frontières. Il s’agit également d’une crise à plusieurs niveaux. Le premier niveau concerne la relation entre la Russie et l’Ukraine. Il s’agit d’une question vieille de plusieurs siècles qui touche à l’identité russe et à l’idée que l’Ukraine et la Biélorussie peuvent avoir une histoire distincte de celle de la Russie. Dans son essai historique publié l’été dernier, Vladimir Poutine a clairement indiqué que, selon lui, il n’y a jamais eu d’histoire ukrainienne dans le passé, et qu’il n’y en aura pas à l’avenir. Pourtant, les événements qui se sont déroulés en Ukraine depuis 2014, avec l’annexion de la Crimée et l’occupation du Donbass, ont conduit une génération de russophones à embrasser une identité ukrainienne: ceci pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’Otan. C’est une question de politique intérieure, aux racines profondes et anciennes. Cette crise de l’identité russe est sous nos yeux, l’ironie étant qu’elle est si évidente qu’il est facile de la négliger. Mais nous devons la prendre très au sérieux.

La perspective d’une telle offensive est assez effrayante en soi. On ne se représente pas bien les conséquences en chaîne qu’un tel scénario entraînerait pour l’Europe. On risque d’être confronté à un afflux de réfugiés, à des tensions sur l’approvisionnement en gaz qui transite en temps normal par l’Ukraine, aux répercussions économiques des sanctions prises contre la Russie ainsi qu’à des turbulences sur les marchés financiers. En cas d’occupation russe durable, on assistera certainement à des efforts de résistance du côté ukrainien et qu’un certain nombre de pays fourniront des armements pour les appuyer (même si l'Allemagne au double jeu ne fournit pas les armes déjà achetées). On peut alors s’attendre à voir émerger des «zones grises» et à une circulation incontrôlée d’armes qui risque, à terme, de poser un problème de sécurité pour les pays voisins. Les institutions européennes et les États membres apparaissent peu capables d'endiguer la montée à la guerre. La seule inconnue reste le prolétariat russe.

Les Russes eux-mêmes en général sont-ils prêts à supporter les conséquences d'une guerre ouverte avec l' Ukraine ? Sans doute pas plus que les ouvriers d'Europe occidentale. Le prolétariat russe pense surtout à résoudre ses difficultés économiques du moment, et une guerre surtout avec un pays frère ne serait aujourd'hui pas bien vue. Avec la prise en compte du danger prolétarien, il n'y aura pas de guerre ouverte, et pas de troisième guerre mondiale.

LA PARTITION DE L'UKRAINE A ETE LA PREMIERE CAUSE DE LA DISSOLUTION DU BLOC RUSSE

Le deuxième niveau est la question plus large des relations de la Russie avec l’ensemble de l’espace post-soviétique, y compris le Kazakhstan (en révolte prolétarienne), la Biélorussie et la Géorgie. Cette question remonte à la dissolution de l’URSS il y a plus de trente ans. Le 1er décembre 1991, 92% des Ukrainiens ont voté pour l’indépendance de l’Ukraine, un résultat qui a conduit à la dissolution de l’Union soviétique une semaine plus tard. L’URSS s’est effondrée sur la question de l’indépendance de l’Ukraine. Depuis lors, l’avenir de l’espace post-soviétique et la question de l’influence russe dans cet espace continuent de dépendre de la position de l’Ukraine. Cette question va bien au-delà des relations entre Moscou et Kiev, et concerne toutes les autres républiques ex-soviétiques. Le troisième niveau de la crise, celui dont tout le monde parle aujourd’hui, concerne l’Otan et la sphère d’influence de la Russie. Cependant, on oublie souvent que ce n’est pas l’Otan qui a choisi de s’étendre vers l’Est, mais plutôt les anciens alliés européens de Moscou qui ont demandé à être acceptés dans l’organisation. L’adhésion était leur seul moyen d’assurer leur défense, et l’un de leurs arguments était qu’ils devraient sinon développer eux-mêmes des programmes nucléaires. Le moteur de l’expansion de l’Otan n’a jamais été la volonté de l’alliance, mais une demande des Européens de l’Est d’être défendus contre la Russie. C’est à peu près le même scénario qui se joue aujourd’hui en Ukraine. Avant 2014, seule une minorité d’Ukrainiens souhaitait adhérer à l’Otan. Aujourd’hui, c’est la majorité. Comme il y a trente ans, c’est la Russie qui est le moteur de ce processus: le souvenir de la domination passée de la Russie et la menace qu’elle représente.

AFFAIBLISSEMENT DE LA SOLUTION NEGOCIEE ?

Ces trois niveaux de la crise sont liés et agissent les uns sur les autres. C’est pourquoi neutraliser l’Ukraine, comme on l’a fait avec l’Autriche en 1955, n’est pas une option. Si Moscou pouvait se satisfaire de la création d’un État neutre comme en Autriche à l’époque, ou même en Finlande, le simple fait de maintenir l’Ukraine hors de l’Otan ne résoudrait pas les deux autres problèmes, celui de la reconnaissance de l’existence de l’État ukrainien, et celui du contrôle de Moscou sur l’État post-soviétique. L’analogie souvent faite avec la crise des missiles de Cuba en 1961 n’est pas non plus utile. Pour établir un parallèle entre les deux crises, il faudrait que les États-Unis aient déployé des missiles atomiques en Ukraine. Le meilleur parallèle est peut-être la crise de Berlin de 1948-1949, lorsque Moscou a testé la volonté américaine de protéger la partie de l’Europe sous juridiction alliée. Les deux adversaires n’ont jamais eu recours à la force militaire, mais cette crise a également marqué le début de la guerre froide.

Poutine compte-t-il sur le manque de motivation du prolétariat américain pour défendre l’Europe?

Sans aucun doute, et c’est là que la crise de Cuba offre un parallèle intéressant, car elle a été déclenchée par une mauvaise appréciation par Khrouchtchev de la réaction de Kennedy, qu’il considérait comme inexpérimenté et indécis, sans comprendre que la classe politique américaine était unie derrière lui. Certes, Poutine compte sur la faiblesse de Biden après le retrait d’Afghanistan. Mais a-t-il vraiment évalué le consensus qui existe dans l’establishment américain sur la question ukrainienne, l’un des rares sujets où républicains et démocrates sont d’accord?

l’Europe joue un rôle crucial. Elle est au centre de l’action, et sa position sera décisive. Le principal problème des Européens est de parvenir à cette décision, ce qui est presque plus difficile que de parvenir à un accord entre les démocrates et les républicains à Washington. Toutefois, le manque d’ambiguïté de la Russie dans sa politique agressive à l’égard de l’Ukraine incite les Européens à le faire. Mais ne vous formalisez pas, le seul absent de l'intense crise, le prolétariat, est soigneusement gommé par tous les commentateurs et fabulateurs diplomatiques.

Et c'est lui qui est plus dangereux que les généraux qui s'y voient déjà.

The Time est très pessimiste (à dessein?) et considère que Biden a déjà perdu face au chantage de Poutine:

"Les tactiques de Poutine peuvent être efficaces. Les tensions avec la Russie ont révélé des fissures au sein de l’alliance des 30 pays membres de l’OTAN pour élaborer une stratégie d’aide à l’Ukraine. Comme l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN, l’alliance ne partage pas les obligations découlant des traités avec le gouvernement de Kiev. Chaque nation a ses propres intérêts vis-à-vis de Moscou, ce qui a provoqué des divergences d’opinion au cours des dernières semaines sur la meilleure façon d’apporter son soutien. L’Allemagne a refusé de permettre que des armes mortelles provenant de ses frontières soient expédiées de l’Estonie à Kiev pour soutenir les défenses ukrainiennes; les États-Unis, quant à eux, ont autorisé les pays baltes à fournir des missiles antichar, des missiles antiaériens, et d’autres équipements pour renforcer les défenses de l’Ukraine".