PAGES PROLETARIENNES

mercredi 2 décembre 2020

QUAND LA DECOMPOSITION DU CAPITALISME SE TRANSFORME EN IMPLOSION


Affiche nationale-islamique du CCIF (oubliée)

Les problèmes posés par l'immigration incontrôlable et l'islamisme « rampant » (mot de Darmanin lors de son interrogatoire parlementaire) - sujets qui tendent à prédominer dans l'actualité malgré le souci constant de la pandémie - ont entraîné une polémique mettant en cause « la dictature des médias », où ce ne serait plus Le Monde ou le gouvernement qui feraient la pluie et le beau temps dans l'exercice de l'idéologie dominante.

Tout ministre comme tout journaliste peut aussi vous assurer depuis des années que « les réseaux sociaux font la loi ». Ce jugement à l'emporte pièce est évidemment faux car le pouvoir n'est pas seulement le gouvernement, lequel n'est qu'un élément de l'Etat d'une classe « dominante ».

Il s'agit bien plutôt d'une bataille pour occuper la place (enviée) de la victime. Le pouvoir centriste (ni droite ni gauche) de Macron, sorte de bonapartisme moderne1, après avoir caracolé à ses débuts avec des discours arrogants et élitaires, s'est résolu à la victimologie. Cette dernière n'est qu'un avatar de la juridicisation de la vie politique, du fait de l'explosion et de la perte de crédibilité de tous les appareils politiques. L'antiracisme, adoubé par les fractions bourgeoises pro-américaines et les variétés de l'islamo-gauchisme, est devenu le critère de base pour criminaliser (et donc judiciariser la vie politique)2 et déléguer la réflexion politique en quelque sorte à l'appareil judiciaire dont on ne nous fera pas le procès qu'il serait anti-gouvernemental. J'ai déjà constaté ici que nous avons affaire à un Etat faible, ce qui ne veut pas dire impuissant ; en pensant plus à un « gouvernement faible » je n'ignore pas que l'Etat est constitué de nombreuses autres institutions qui fonctionnent automatiquement, qu'il pleuve ou qu'il vente, indépendamment du fait que le gouvernement ait la fièvre ou soit boiteux. Font partie de l'Etat, sans être étroitement dépendants du gouvernement : la magistrature, la police, le patronat, les assocs caritatives (mais dépendantes aussi parfois de subventions gouvernementales). Le retrait subit et inattendu de l'article 24, qui autorise la plupart des commentateurs à parler de crise politique de l'Etat, est du même ordre que la reculade face aux gilets jaunes. C'est le gouvernement qui recule, pas l'Etat qui reste en place et dont les diverses autres composantes font la morale. Critiquer l'Etat en soi, sans même en identifier les contours, reste abstrait comme le dit bien Lagasnerie, et sert de vade-mecum aux petits contestataires hystériques du NPA (d'autant qu'ils ont menacés eux-mêmes d'implosion), par exemple pour chanter victoire à un simple changement de vocable étatique et aux variabilités sémantiques des articles de lois et de loi des articles.


JURIDICISATION ET RACISATION POUR DEPOLITISER LA LUTTE DE CLASSES


Il faut d'abord se rendre compte que la préservation des différences de classes passe traditionnellement par une juridicisation des conflits de classe. C'est le cas depuis des années dans les procès de la part des syndicats contre des patrons licencieurs, ce qui permet à l'Etat de la jouer indépendant, voire arbitre innocent. Avec l'érosion de la croyance au syndicalisme, les prolétaires ont eu tendance à se rabattre vers le cloisonnement judiciaire. On défile désormais devant les tribunaux pour dénoncer une discrimination, couleur de peau, sous-estimation des compétences, licenciement arbitraire ; quoique les condamnations soient peu nombreuses... Du côté de la petite bourgeoisie et du lumpen prolétariat, on a saisi l'intérêt de se servir de cette « justice de classe » car en payant bien un avocat, c'est la classe ! La mode vient de l'Amérique mafieuse où chaque politicien n'oublie pas à chaque discours de mentionner dieu et dont les correspondants de presse viennent juger de la France à l'aune de leur multiculturalisme sectaire.

J'ai réfléchi au sentiment qui peut être celui du spectateur lambda avec une soudaine accumulation de revers juridiques du gouvernement après le scandale provoqué par le lynchage d'un boss du Rap business, et comme on le démontrera plus loin aux causes du racisme dans la police. Les revers successifs du gouvernement, annoncés ces jours-ci, concernent les milieux racialistes et immigrationnistes à tous crins, ainsi que les agitateurs musulmaniaques.

Il faut noter en préliminaire le double langage du système macronien, son statut de gouvernement « tout publics », à la carte oserai-je dire, et dans la mesure où chacun peut dire n'importe quoi quand en même temps rien ne change. La plupart des médias avaient littéralement menti sur le « camps de migrants » installlé par les islamo-gauchistes et leurs alliés des assocs caritatives plus ou moins financées par le gouvernement ; ce fut pourtant une instrumentalisation ratée, même si on fermait les yeux sur la révélation ne venant que de la presse de droite. C'est hier un média d'Etat qui se répand carrément sur la maltraitance policière des familles de migrants3. France Inter fait donc mieux que le faux cul Médiapart pour dénoncer la misère des migrants, mais avec autant d'ambiguïté que son principal employeur, qu'elle semble dénoncer : ces images de familles avec enfants subissant gazage (intermittent) et évacuation avec bousculades, doivent servir, par leur diffusion internationale, à refroidir les candidats à la migration en France.

Au moment où le ministre de l'extérieur Darmanin (« mytho de l'Intérieur » selon Libération) est obligé de s'expliquer devant ses collègues parlementaires, on apprend que le Préfet des Bouches du Rhône est débouté des mesures d'évacuation d'un camp de migrants et que le contrôle des migrations venant d'Italie devrait être remis en cause « par humanité ». On apprend aussi que Tariq Ramadan (sauf en matières sexuelles) a gagné son procès contre un politique qui l'avait taxé de violeur, que l'affaire Théo remet en cause la version policière, que le clan Traoré porte plainte contre Naulleau, que le pseudo journaliste et agitateur islamiste Taha Bouhafs porte plainte contre le « raciste Zemmour » ; pour criminaliser un peu plus la police (mais pas le gouvernement) Le Monde ressort comme par hasard un drame de 2018 à Marseille, une vieille dame à sa fenêtre Zineb Redouane, 80 ans, avait reçu une grenade lacrymogène en plein visage, tirée par la police en marge d’une manifestation de « gilets jaunes » puis elle était morte à l'hôpital, etc. Aujourd'hui mercredi 2 décembre, autre heureux hasard, Darmanin est reconvoqué pour son présumé viol ; question : c'est pour manifester « l'indépendance de la justice » auprès des noirs tabassés ou des grévistes lynchés ? Pour faire oublier que la « justice » avait classé le tabassage du boss du Rap tant que la vilente vidéo restait invisible ? Ou une implosion avancée de l'Etat français par des magistrats gauchistes « infiltrés » (sur le concept d'infiltration de la « gauche radicale, lire plus loin) ? Ou un effort calculé par des risque-tout pour décrédibiliser toutes les institutions bourgeoises régaliennes ?

Que signifie tout ce cinéma judiciaire, outre de calmer le jeu après un filmage gênant de policiers tabassant un français, certes noir (mais possible nouveau symbole de l'idéologie racialiste bourgeoise ) ? C'est bien évidemment un clin d'oeil aux milieux décoloniaux pour qu'ils continuent à aider le pouvoir à faire croire que « justice est possible » sous le règne capitaliste4. Télérama, magazine aussi financé par l'Etat5 est en première ligne pour les accusations de « racisme d'Etat », ce truisme à bobo, est spécialisé dans la lutte anti-policière (car les flics seraient tous des fachos), avec sa « bignole à bobos », un certain Samuel Gontier.

Le type est inquisiteur et moraliste et dans sa vindicte paranoïaque dans sa façon de vilipender les médias, il oublie qu'ils sont plus souvent qu'on ne croit la répercussion de ce que pensent les populations, ou répondent au besoin des diverses populations de dénoncer l'élite (antiraciste et universitaire) ; l'émission « Face à l'info » de Kelly et Zemmour, avait bien failli être interdite, mais en haut lieu il fut décrété interdit d'y toucher, car elle est populaire, en particulier chez les gilets jaunes et surtout chez la masse de flics, qui a besoin d'un tel soutien psychologique vu la masse de mépris et de dénigrement dont ils sont l'objet de la part de tous les médias pourtant pas du tout « indépendants ». Gontier, cet ancien gauchiste parvenu s'échine chaque semaine à répondre point par point avec un humour de potache, à contrer vainement des constats pourtant vérifiables et incontestables d'animateurs comme Pascal Praud, suivi et approuvé dans ses colères par des milliers alors que Télérama s'adresse à une clientèle bobo-cultivée, et hors de la réalité6.

C'EST RIGOLO : MACRON EMPECHE LA BOURGEOISIE D'ALLER SKIER A L'ETRANGER

Le mérite de la pandémie, quoiqu'on en dise, restera d'avoir rappelé que nous avons tous besoin des autres, les uns des autres, et qu'un individu n'a pas à décider seul, qu'il soit président de la République ou bonze syndical. Macron est en train de se battre pour sa réélection, seule sa politique de restrictions anti-virus peut la lui garantir- sorte de plastron sanitaire - ce pourquoi il a viré Philippe. Pour le reste le pire est devant lui, pas seulement la réforme des retraites des corporations publiques, mais une vague de protestation sociale qui remisera gilets jaunes et antiracistes au rang d'épisodes secondaires. Mais rien n'est garanti. Que va-t-il sortir de cette implosion sociale et politique que nous vivons actuellement où ça part dans tous les sens, ou plus rien ne semble pouvoir être réglé comme une horloge ? Querelles et insultes sans fin sur les migrations, les violences policières, les violences diverses où l'ancien clivage gauche/droite est brouillé et où c'est l'ombre de la gauche bourgeoise, plus vraiment sociale mais moralisatrice, en deux entités, islamo-gauchiste pour l'une et, pour l'autre, à la fois souverainiste et populiste ; ces deux factions se fichant du sort des ouvriers soit arcboutée sur un antiracisme qui se fiche mêmes des dits « racisés, soit faisant passer tous les malheurs du monde sur islamistes ». J'ai pensé que le terme implosion permettait de mieux saisir une réalité à la fois complexe mais aussi très lisible.

L'implosion est le contraire de l'explosion

Le CCI utilise cette notion depuis un excellent article de 2003 sur "l'élargissement de l'Europe" mais ne l'utilise que pour caractériser "l'implosion de l'URSS". Je me suis aperçu que Emmanuel Todd avait aussi utilisé le terme un peu avant ma prise de conscience lors de la sortie de son dernier livre, comme il l'a formulé à une émission de radio sur France-culture : « La France au bord de l'implosion sociale »7. Notion qu'il me faudra approfondir car, contrairement à l'explosion ou la décomposition, on ne trouve pas d'image pour la figurer, sauf la bombe atomique, qui signifie auto-destruction, dont je me doute que la bourgeoisie ne le souhaite pas pour elle-même; et que ses traîtres implosifs de l'intérieur ne sont que des concurrents... Imaginez Plenel Premier ministre et Mélenchon ministre de l'Intérieur...

Tout le monde semble attendre une explosion sociale ou politique, ou les deux, ou un revival des vestes jaunes, ou Marine avec une moustache. Pour l'instant nous vivons une implosion. Selon Todd il s'agirait d'une « implosion démographique ». En plus la société française serait de plus en plus homogène ; il n'y aurait pas non plus accroissement des inégalités mais appauvrissement général. Et ce type hors sol prétend parler de lutte des classes ! Je montrerai qu'on peut le placer dans la famille bourdieusienne, ces sociologues qui se croient malins parce que toute cette implosion ne manifesterait qu'une « lutte de classements ». Et sa vision pitoyable qui imagine un retour de la lutte des classes sous la forme d'un remake de la jacquerie gilet jaune :

«  Il me semble également que le phénomène des gilets jaunes peut s’interpréter comme un retour de la lutte des classes. J’ai réalisé une recherche statistique et empirique en étant guidé par une question: que s’est-il passé en France entre le référendum de Maastricht et aujourd'hui? Ce que j’ai trouvé, c’est que la montée des inégalités n’est pas le problème majeur. En revanche, on observe une baisse générale du niveau de vie qui est déjà bien engagée. Le revenu baisse pour toute la population, sauf pour les 1% les plus riches. L’état social de la France s’est dégradé. La petite bourgeoisie, autrefois à l’abri des détériorations des conditions de vie, s’appauvrit. Les élites technocratiques ne prennent pas conscience que l’ascension sociale n’existe plus et que le fait d’être diplômé ne garantit plus la sécurité matérielle. Ceci conduit à une résurgence de la lutte des classes, qui prend des formes violentes, avec un État de plus en plus répressif, détaché des réalités et échappant à tout contrôle ».

Il n'y a peut-être pas montée de inégalités mais leur maintien si, faites de privilèges corporatifs et de confort pour une masse de petits bourgeois et dont ne disposent pas la majorité des prolétaires, même si ces derniers ont aussi une fausse conscience d'eux-mêmes. L'ascension sociale, tant prisée comme référent de valeur par les sociologues dans son genre, on s'en fiche. Ce type est autant en dehors des réalités que ses compères en statistiques trafiquées. Avec un simplisme confondant il nous assure qu'il y a deux prolétariats : un bon et un mauvais. Le premier, qui est un prolétariat du passé qui vote Le Pen et fantasme sur les immigrés. Le deuxième, le prolétariat nouveau, c'est les gilets jaunes, classe ouvrière d'après (peut-être, précise-t-il, merdoyant). Plus drôle, l'islam est exagéré par le gouvernement. Il agit par sentiment de revanche, de façon sadique. La lutte des cheminors pour les retraites a mis en évidence que ce problème concerne tout le monde et que le gouvernement veut nous faire vivre dans le stress jusqu'à notre mort. En fait, en imaginant que le mélange hétéroclite et sans tête des gilets jaunes serait la nouvelle classe ouvrier, il se fourre le doigt dans l'oeil, et en même temps ressort les pires clichés syndicaux concernant une aristocratie ouvrière cheminote qui se bat à chaque fois pour sa pomme, et se fiche des retraités du privé, alors que, certes hypocritement, le gouvernement leur dame le pion en préparant une simple répartition de la pauvreté qu'il nomme « retraite universelle ». Todd baigne en fait dans l'idéologie gauchiste lambda, façonnée par l'ex tigre de papier US, sans esprit critique et avec le même simplisme lamentable en conclusion : Macron se lepénise, le macronisme équivaut au national-socialisme. Et il s'attend à des affrontements de classe très violents : un remake des gilets jaunes. Le seul crédit que je peux concéder à cet immédiatiste excité, est l'importance qu'il attache au déclin (économiquement et idéologiquement) de la petite bourgeoisie (cf. son rôle éminent dans les révolutions, idée marxiste!), les profs mal payés qui s'assimilent de moins en moins aux couches moyennes : « cela devient dangereux si la petite bourgeoisie s'en mêle ». Mais il ne nous dit pas non plus que la petite bourgeoisie est girouette et peut virer dans un autre sens que le socialisme, retrouvé ou rénové.

Les bourdieuseries de la petite bourgeoisie et du lumpen racialiste

Ce qui caractérise la petite bourgeoisie des beaux quartiers, en toutes circonstances, c'est l'hédonisme, qu'il y ait une guerre, une épidémie ou un tremblement de terre. Le chef des pompiers et des ambulanciers va dont être un obstacle à dénoncer, obstacle à la « liberté du plaisir » :

« La capacité de l’État à décréter un état d’urgence et à suspendre les libertés d’aller et de venir, de se rencontrer, de faire l’amour, de se balader, de faire du sport et de faire basculer des millions de gens dans la pauvreté révèle la précarité de notre situation par rapport aux logiques d’État, notre enfermement politique — puisque c’est encore l’État qui décide si nous pouvons protester contre ce qu’il décide. La gauche a toujours invoqué le droit comme étant plus puissant que la sécurité. Elle a toujours dit que limiter le pouvoir de l’État ou de la police peut conduire à la production d’un certain nombre d’illégalismes, mais qu’au nom de la protection des individus contre la puissance de l’État, on préférait un certain illégalisme que le contrôle absolu ».

C'est la masturbation de la gauche illégale. L'auteur de ces âneries, le sociologue Geoffroy de Lagasnerie, figure de la nouvelle gauche dite radicale, fils d'une grande famille bourgeoise au nom à chier, n'est qu'un vulgaire bourdieusien prêt à bouffer à tous les râteliers, et soucieux d'instrumentaliser les minorités8. Il a publié Sortir de notre impuissance politique (Fayard, 2020), un présumé manuel de réflexion et d’action pour que les luttes hétéroclites les plus marginales « pour un monde plus juste » gagnent en efficience. Se présente avec le titre désuet d'intellectuel de gauche engagé contre le racisme et les discriminations que subissent les minorités sexuelles, il est membre du Comité Adama — et le nègre de Assa Traoré avec  Combat Adama (Stock, 2019), qui relate l'activisme du clan9. Cet islamo-gauchiste n'a qu'une cible, la police :

«  Ce qui est insupportable également est le victimisme de la police qui ne cesse de se faire passer pour un corps faible, en danger et de demander toujours plus de pouvoir alors que c’est l’un des corps les plus forts et les plus soutenus de l’ordre politique. En termes de rationalité politique, ce qui me frappe c’est que les gouvernants ne cessent d’ériger comme épouvantail l’islam politique et son programme autoritaire et totalitaire. Mais ils arment juridiquement l’État avec au fond exactement la même vision ».

Son souci principal : restaurer les mythes politiques de la gauche bourgeoise :

«  Et donc la gauche devrait aujourd’hui tenter, plutôt que restaurer les mythes politiques du peuple et de la souveraineté, de trouver un moyen de clore définitivement la possibilité de la domination politique de la droite ».

Il veut récupérer une jeunesse en général, mais déjà encadrée politiquement, avec des bourdieuseries bien senties :

« La jeunesse militante éprouve un sentiment d’impuissance. L’idée domine selon laquelle les luttes sont trop difficiles, les ennemis sont trop grands, et que l’on perd toujours. Si l’on regarde sur une trentaine d’années les grandes luttes sur la santé, la prison, les pratiques policières, les droits du travail, la violence de classe, l’écologie.. on constate un écart extraordinaire entre l’énergie déployée et les résultats, d’où ce sentiment d’échec permanent qui n’est pas seulement français, mais international. Une forme de désespoir s’est emparée des forces de gauche ».

Il est possible de donner à la généralité de la jeunesse deux espoirs indépassables, l'écologie et l'homosexualité, mais à l'aide d'une théorie révolutionnaire L'infiltration :

« Deux mouvements me semblent avoir un peu échappé à la paralysie des forces progressistes ces dernières années : le mouvement écologiste et le mouvement LGBT. Le mouvement écologiste a incontestablement, en termes de sensibilité de la jeunesse, de rupture de paradigme, produit des effets de conquête. Et le mouvement LGBT a emporté des conquêtes considérables depuis les années 1970. 

Ciblées et fécondes. L’écologie a aussi infiltré les lieux de pouvoir en termes de doctrine et de perceptions. Et le mouvement gay a réussi en terme de lobbying et de guérilla juridique. Ces combats sont vite montés en terme de généralité, par le droit, et donc ont vite été en contact avec les instruments de pouvoir ».

Les néolibéraux n'ont-il pas réussi par la subversion ?

« Absolument. L’objection toujours opposée à la méthode de l’infiltration radicale est le fait que les institutions seraient plus fortes que les gens, et qu’on serait voué à se faire récupérer par les institutions. Ce n’est pas toujours vrai. Un des exemples d’une transformation de l’intérieur de la rationalité d’État est justement le néolibéralisme. Il a été une subversion de la rationalité politique opérée à partir des années 1970 et qui a conduit à une redéfinition complète de la manière dont l’État pense l’hôpital, le travail, le droit… Le néolibéralisme a changé l’État ou, en tout cas, une bonne partie de la rationalité politique (mais pas sa totalité loin de là), l’État n’a pas changé le néolibéralisme… C’est la preuve d’une infiltration réussie. Donc, plus nous serons nombreux à investir et à revendiquer ces lieux et à vouloir en faire jouer les fonctions émancipatrices, plus ils pourront le faire. La gauche ne doit pas voir comme négatif ce qui est paradoxalement capable de lui donner des pouvoirs. C’est-à-dire : voter, entrer dans les institutions, passer des concours, etc. »

« Il faudrait que l’action directe occupe dans l’imaginaire politique contemporain la place de la grève ouvrière au XIXe siècle »10.

Le modèle, l'idole de ces cuistres de radicalité en carton reste feu Bourdieu. Le parcours politique de Bourdieu est typique de l'adaptation de l'intellectuel universitaire à la décomposition de la gauche bourgeoise. Initialement soutien au PS de Rocard, il vote plus tard pour l'écologiste Voynet en 1995. En 1998 il se joint au soutien critique de la gauche au pouvoir « gauche pourrielle), laisse envisager une « liste Bourdieu » aux européennes de 1999. Depuis le milieu des années 1980 il s'était rapproché du pire syndicalisme arriviste, SUD (piloté par la féministe Annick Coupé, ex-maoïste sectaire, reconvertie dirigeante de la CFDT, puis de SUD et d'Attac). Bourdieu aura été au cœur du bouillonnement confus et hétéroclite de la bobocratie qui s'est crue autorisée à parler au nom des classes ouvrière et moyennes, tentant de restaurer une idéologie homogène pour réinventer la gauche bourgeoise11.

La « radicalité » de Bourdieu était aussi pitoyable que celle de la plupart de ses concurrents sociologues néo-staliniens ou trotskiens, et élèves successeurs que je résumerai sous les termes de gauche handicapée (par son dénudement au pouvoir) ; il substituait la lutte des classes au sens marxiste par la « lutte de classement », la distinction... Il ne dérogeait pas à cet élitisme des mandarins traditionnels, coupés des réalités sociales et politiques, prétendant que les sciences sociales étaient autonomes et non inféodées à l'Etat. Faisant semblant d'oublier que l'Etat n'est pas seulement le gouvernement.

Oui il fût un des pères de l'implosion des milieux petits bourgeois, et nous serons conduit à en reparler au fil des événements et de ce phénomène.


NOTES

1Et pas de national-socialisme bis comme le prétend Emmanuel Todd.

4Et aux féministes hystériques qui font partie désormais des « groupes de pression » sur le pouvoir.

5Après avoir été un des fleurons du groupe de presse La Vie catholique (PVC), le titre est depuis 2003 une des publications du groupe Le Monde, après la prise de participation majoritaire de celui-ci dans PVC. En 2006, David Angevin, un ancien journaliste de Télérama, décrit dans un roman transparent et humoristique intitulé Boborama, les présupposés politiques de ses anciens collègues : des « réacs de gauche » qui pensent que « José Bové est le nouveau Che Guevara », qui « soutiennent n’importe quel régime totalitaire pourvu qu’il soit anti-impérialiste ». Pour le héros du roman, les journalistes du magazine sont « des ultra gauchistes qui servent la soupe aux Palestiniens ». Le journal est encore présenté comme le « club américanophobe des cathos progressistes et des marxistes ».

L'image « catho de gauche » est remplacée dans les années 2000 par une image « bobo écolo » dont une chanson de Vincent Delerm est représentative : « Tes parents ce sera peut-être/Des professeurs de lettres/Branchés sur France Inter/Et qui votent pour les Verts/Chez tes parents dans ce cas-là/Y aura Télérama ». Un lectorat composé d'enseignants est une autre caractéristique du journal avec une moyenne d'âge des lecteurs qui se situe en 2012 à 49 ans. Télérama est en 2013 le cinquième titre de la presse le plus subventionné au numéro par l'État, avec 0,336 € de subvention par exemplaire. En 1994, sa diffusion totale payée est de 599 192 exemplaires : l'hebdomadaire est alors le magazine d'information le plus diffusé, devant L'ExpressLe Nouvel Obs et Le Point21.

8Il est probable qu'il a fait partie de la clique d'assocs qui ont fabriqué le campement provocateur à République. Ce genre d'individus est identifié depuis longtemps par les meilleurs observateurs. Dans « Le temps de sgens ordinaires », Christophe Guilluy écrit à propos de cette instrumentalisation : « En

Page islamo antiraciste du NPA

mettant en avant la pauvreté des immigrés, la classe dominante faisait indirectement perdurer le mythe de la classe moyenne intégrée et majoritaire (…) avec l'etnicisation du concept (la classe moyenne est blanche)et l'attribution du qualificatif « populaire » aux minorités... ».

10Actions terriblement radicales avec le soutien des potes juges, comme celle-ci, triomphale : « par exemple des juges ont relaxé récemment des gens qui avaient décroché des portraits de Macron. Il est possible de contester ce qui est posé comme légal en invoquant une autre lecture du droit ».

11Toutes ces infos, je les ai récupérées dans la compil des potes de Edouard Louis, le gentil écrivain sorti de la pauvreté pour rallier l'élite de la gauche handicapée (cf. Pierre Bourdieu, l'insoumission en héritage, Puf, 2013), on y lit les délires des Geoffroy de Lagasnerie, Frédéric Lordon ( fils de grands bourgeois comme Lagasnerie), Didier Eribon (lui issu de milieu ouvrier, mais trotskiste défroqué), etc.

lundi 30 novembre 2020

POLICIER SOUS L'UNIFORME TU RESTES UN PROLETAIRE


« Les jeunes étaient extrêmement nombreux dans les cortèges, des lycéens, des étudiants, des jeunes des quartiers populaires, révoltés contre les violences policières, le racisme et plus globalement par la situation que nous vivons actuellement. Il y avait également de très nombreux militants de diverses organisations, de toute la gauche, alors qu’à part la CGT, la FSU et Solidaires, il y avait très peu d’organisations représentées, à part bien sûr le NPA, très mobilisé partout. A Paris, son cortège a regroupé des centaines de personnes, dynamiques, criant, chantant. Il y avait également des centaines de journalistes et d’avocats, dont les convictions sont percutées par le projet de loi ». La description de la secte NPA est presque vraie, avec Besancenot en vedette américaine masqué derrière sa camionnette et qui ne dit rien de consistant avec la conclusion hystérique typique du discours radical réformiste du NPA : « on ira jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'au retrait » (de l'article 24). Et le gadget racisme, passe-partout des gauchistes agités du bonnet, n'est pourtant pas adéquat pour qualifier et expliquer les violences policières, comme je le démontrerai une nouvelle fois.

Il peut toujours se doigter le postier bobo ! Leur article, les bourges institutionnels vont le maintenir le plus longtemps possible histoire de distraire le public et les godillots parlementaires avec une opposition ridiculement verbeuse dont le pouvoir a besoin pour éviter de penser à la crise sociale qui vient autrement plus cataStrophique que les tabassages policiers. Parmi les antérieures revendications fantaisistes du NPA est-il besoin de rappeler ses affiches « Désarmons la police » ; en régime capitaliste cela reviendrait à restaurer le règne des bandes armées féodales et le bon vouloir des princes !

Personne ne sait vraiment si « les jeunes des quartiers populaires » étaient là (à la remorque de la CGT et du NPA sûrement pas !) mais si une amorce de descente des « racailles » se confirmait, ce serait plutôt bon signe d'une possible évolution vers une colère politique, même imparfaite, plutôt que la réitération lassante de ces colères communautaristes et racialistes. Pour le reste le NPA brode, la plupart des très nombreux manifestants n'étaient pas venus en soutien aux bobos journalistes et avocats bousculés quelques jours avant place de la Bastille. Il y avait en effet un très grand nombre de jeunes et cela est très positif, mais aussi nombre de parisiens venus enfin faire des courses plus librement. La plupart sont venus suite à la vision du tabassage du jeune patron noir d'une boite de production de Rap. L'indignation subite étant mauvaise conseillère, il faut revenir sur les faits où trois vidéos ne résument ni la situation ni l'acharnement des policiers « délinquants ». Il me faut avant revenir sur une manifestation « instrumentalisée », avant d'examiner le vécu des policiers eux-mêmes qui ne peut être négligé surtout face à des minorités anti-flics primaires et certainement pas révolutionnaires.

J'ai été à la manif parisienne toute la nuit... devant mon poste de télévision. J'avais coupé le son, tellement journalistes et spécialistes rivalisent de poncifs et de débilité. C'est la première fois depuis des années qu'une manif dure toute la nuit. Nos journalistes si offensés par quelques coups de pied au cul reçu place de la République, ont en permanence braqué leurs caméras sur les aspects secondaires : les rideaux brûlants de la Banque de France (symbole si jouissif pour les anars), un kiosque à journaux et un restaurant détruits. Vers cinq heures du mat, seule LCI tient ses caméras braquées autour de la colonne de la Bastille. La journaliste de terrain persiste à dire que la dispersion a lieu et ne concerne qu'une dizaine de personnes, alors qu'on en aperçoit encore plus d'une centaine ; elle ne commente pas une scène étonnante qui dure de longues minutes : des jeunes qui se disputent avec les CRS en face à face et dont on imagine sans mal les échanges ; des jeunes vindicatifs demandant des comptes concernant le tabassage du producteur de Rap, et des CRS de base convenant que c'était odieux... Ces jeunes, sans expérience ni baratin politique, renouaient avec une tradition du mouvement ouvrier, le défaitisme révolutionnaire, cette action de classe qui visait et réussit souvent à faire mettre crosse en l'air aux soldats en guerre. A rebours de l'hystérie anti-flic des trotskiens et mélenchoniens.

Le lendemain aucun journaliste ne revint sur le sens de cette « longue nuit » d'occupation d'une place emblématique. Le déroulé des « 3 glorieuses » de 1830 présente des similitudes, certes plus graves à l'époque, comparées à la protestation contre l'article 24.1830 était une année de médiocres récoltes depuis trois années consécutives, entrainant des prix élevés pour les denrées et une montée du chômage pour les ouvriers des manufactures. L'économie était morose. Dès 1828, des troubles avaient éclaté en ville comme à la campagne. Les trois jours d'insurrection de 1830 avaient finalement servi la bourgeoisie1, comme la protestation « démocratique » de ce samedi après le lynchage d'un civil par quatre hommes « armés » en uniforme de policier.

LA MANIF DE TOUS LES TRAFICS

Déconseillé sanitairement puis autorisé, le défilé République-Bastille aura rendu service à tout le monde : à une extrême gauche étriquée (LFI et NPA) qui parada avec les revendications creuses de la corporation des journalistes, au gouvernement pour s'afficher victime de la casse des black blocs et à un policier de déplorer d'avoir été roué de coups. Cependant la participation d'un grand nombre de jeunes lui a donné une toute autre tonalité. Les pancartes des lycéens reflétaient une créativité qui rappelle les pancartes d'autres ados lointains d'un certain mai 68 :

« Sécurité globale floutage de gueule », « Big brother is watching you », « en bande organisée personne ne peut nous sécuriser », « police floutée, justice aveugle », « tabassez vous êtes filmés », « Nous baisserons nos caméras quand vous baisserez vos armes », « nos vidéos contre vos violences », « violences d'Etat seulement hors caméra », « on l'emmerde votre dictature », « même pas drone », « pas vus pas pris », « le tabassage c'est tabou, on en viendra tous à bout », « police tu t'es vue quand t'abuses », « souriez vous êtes filmés », « où sont NOS Droits dans « votre démocratie ? », « Pays de flou », « stop Etat policier en marche », « cachez ces violences policières que je ne saurais voir », « on n'arrêtera jamais de filmer », « police cachée, peuple surveillé ».

Manif hétéroclite où surnageaient des drapeaux bleu-blanc-rouge de gilets jaunes, ainsi que les panneaux des partis politiques qui défendent la « liberté démocratique », les fanions de la CGT, et pratiquement pas de cartons anti-racistes ou antifascistes.

La manifestation malgré l'indignation provoquée par les images du tabassage de Michel Zecler, resta bon enfant, bien qu'émaillée des habituels dégâts des cagoulés professionnels. Elle semble avoir été marquée par de nombreuses discussions et interrogations, même avec les lampistes CRS, ce qui change des simples manifs moutonnières et de la partie des encadrés du NPA qui ne sont là que pour le décervelage de slogans répétitifs.

Un avocat défenseur de deux des policiers inculpés osa parler d'hystérie médiatique alors que nombre de délinquants qui agressent aussi violemment des personnes ne sont pas immédiatement placés en garde à vue prolongée. Il ne pût guère s'exprimer sous le halte-là des journalistes de plateaux de BFM. Il était pourtant courageux car la fixation sur les brutalités des quatre lascars en uniforme ne peut s'expliquer par leurs propres tares ou un soi-disant racisme2. Derrière ils ont une hiérarchie planquée et un ministre girouette.

L'accusation de racisme reprise par la presse officielle, puis par le procureur dimanche soir, malgré les dénégations des trois policiers concernés, sent le souffre3. Elle est très utile pour continuer à hystériser et à personnaliser la « bavure », concept qui permet de laver plus blanc l'Etat et la hiérarchie policière. Le rinçage est épaulé par la pancarte syndicale : « Démocratie en danger ». L'ensemble de la presse et des médias officiels n'ont eu de cesse de dénoncer « la honte », d'exiger une « meilleure formation des policiers », etc. Tout était dit pour s'acharner sur les lampistes de l'institution, « à refonder » instamment. La parole était donnée à plusieurs reprises au plus acharné dénonciateur de « la police de Macron », Mélenchon qui, comme Julien Dray, ne rêve que de devenir ministre de l'Intérieur.

UNE CONDAMNATION EXEMPLAIRE POUR CALMER L'OPINION ...

L'ampleur des protestations, même avant la manif, a enclenché une enquête d'une rare célérité sur des violences policières, comme si les magistrats voulaient faire oublier qu'ils avaient fait passer à la trappe LE LYNCHAGE policier du boss d'une petite entreprise nommée Black Gold Corp (pourquoi black?). Par la faute des caméras bienveillantes, les investigations ont dû être ouvertes en grandes pompes pour « violences par personnes dépositaires de l'autorité publique, en réunion, avec arme et à caractère raciste » et « faux en écriture publique », des faits passibles de la cour d'assises. Philippe T., Aurélien L. et Pierre P., les trois policiers de la brigade territoriale de contact du XVIIe arrondissement, ont nié avoir prononcé des propos racistes à l'encontre de Michel Zecler, la victime. Ce dernier certifié avoir entendu les fonctionnaires l'avoir insulté de « sale nègre » en même temps qu'ils le frappaient. C'est parole contre parole. En garde à vue, le plus gradé des trois zélés policiers violents, le brigadier T., a affirmé qu'une telle injure raciste ne faisait pas « partie de son vocabulaire » et qu'il aurait rédigé un rapport s'il avait entendu ses collègues la proférer. (sur ce point je pense qu'il dit vrai) Pour le reste tout prouve qu'ils ont tenté de maquiller leur forfait de façon classique, sachant qu'ils ne risquent rien (cf.Affaire Zecler : ce que risquent vraiment les policiers poursuivis pour «faux en écriture publique» (lefigaro.fr)

Les agents mis en cause assurent que l’interpellé refusait d’être entraîné hors du studio, et faisait de la résistance. Ils font aussi valoir que l’homme marchait dans la rue sans arborer de masque anti-Covid. Sur les quatre zélés policiers inquiétés par la justice, l’un d’eux a lancé une grenade lacrymogène dans le local par peur !?. Il aurait été appelé en renfort après que Michel Zecler avait appelé à l’aide neuf personnes qui se trouvaient au sous-sol du studio (9 jeunes aussitôt maltraités à leur tour et embarqués comme des voleurs ». Les versions des deux parties se contredisent toujours et une partie des affirmations des fonctionnaires semble invalidée par les images. Sur LCI, Patrice Ribeiro, un syndicaliste policier a quand même tenté de défendre ses collègues, disant qu'ayant aperçu un homme sans masque, ils ont décidé de l'alpaguer et « se sont aperçus que cet individu avait une énorme sacoche avec une odeur de stupéfiants très très forte ». « Lui-même a frappé les policiers. Un des policiers est blessé », poursuit le syndicaliste, ajoutant que l’homme « est connu pour vol à main armée, association de malfaiteurs, a déjà fait de la prison et qui a des antécédents judiciaires très lourds ».

Aux mensonges des policiers voyous il faut donc ajouter ceux du syndicaliste et ses broderies ; transporter un demi-gramme de shit ne fait pas de vous un pourvoyeur de drogue, et le passé de Michel Zecler, il a payé pour et on ne peut plus s'en servir contre lui, surtout dans sa position de victime.

DES DELATEURS STUPEFIANTS DE LA « MAUVAISE POLICE »

Le terme police provient du grec politeía, signifiant « art de gouverner la cité ». Or les flics ne gouvernent rien du tout. Ils sont placés sous la coupe de trois patrons : le gouvernement civil, la magistrature et leur propre hiérarchie. Ce dont je vais reparler.

On voit ensuite des vedettes du football ou de la chanson se joindre à l'hystérie avec des sanglots longs comme l'automne patriotique : « j'ai mal à ma France » (Griezmann) ; ou encore Romain Goupil. Ce dernier, ex chefaillon soixantehuitard ne manqua pas d'air. Ami de personnages au sommet de l'Etat, dont Macron soi-même, il avait été chargé d'aller insulter et ridiculiser les gilets jaunes à leurs débuts sur des plateaux de télévision. Ses indignations et colères contre de vulgaires flics rivalisaient contre les mous de la protestation. Il étalait le même mépris qu'il avait affiché pour les gilets jaunes, comme on méprise ses domestiques. Les flics fument des clopes et « rouleraient-ils eux aussi au diesel » ? Font-ils partie de cette « France moche », comme on dit à gauche, qui fait ses courses dans les hypermarchés et regarde la télévision. Le flic est devenu l'être le plus méprisé de France4. Il est pourtant licenciable comme tout prolétaire, exposé au danger de l'accident « professionnel » (meurtre ou blessures graves, suicides, menaces récentes dans sa vie privée, viols en interne5, etc.).

On dit généralement « la police » or il faudrait dire « les polices » dont les gendarmes, dont la police municipale jalousée parce que favorisée en matériels et conditions de travail. Historiquement, pour en rester à l'époque contemporaine les polices ont gardé très mauvaise réputation.

SIMPLES MERCENAIRES OU EXECUTANTS salariés ?

Lors de la Première Guerre mondiale, les gendarmes ne sont pas constitués en formations combattantes. Plusieurs centaines d'entre eux sont présents sur le front dans des unités d'infanterie mais à l'arrière pour encadrer les trouffions, poursuivre les déserteurs et les fusiller. L'obligation du port de la moustache en vigueur depuis 1841 sera aboli en 19336.

Alors qu'en 1939, la gendarmerie compte 54 000 hommes, 12 000 entrent en résistance passive ou active. Entre 1 300 et 1 600 gendarmes sont tués pendant la Seconde Guerre mondiale : 500 pendant les combats (campagnes de 1939-1940 et 1944-1945), 3 à 400 tués par les Allemands dont la moitié fusillés et 250 déportés. La police avait entièrement collaboré sous Pétain et facilité la déportation des juifs. Après la guerre, la gendarmerie combat en Indochine et en Algérie puis s'engage dans la coopération avec les anciennes colonies. Par la suite, elle continue à intervenir aux côtés des forces armées françaises sur les théâtres d'opérations extérieurs, notamment en Afrique et au Proche-Orient, toujours dans la fonction de surveillance et encadrement des trouffions. Le personnel gendarmesque se féminise à partir de 1972. Entre 2008 et 2012, sous la présidence de Sarkozy (mai 2007 - mai 2012), les effectifs ont été diminués de 950 à 1 300 personnes chaque année par économie budgétaire, ce qui sera reproché par les gestionnaires ultérieurs face à la décomposition sociale, au terrorisme et aux émeutes de banlieues.

Avec la longue période de paix en Europe, les polices et la gendarmerie comptent non seulement beaucoup plus d'effectifs que par exemple au XIX ème siècle mais leurs tâches recoupent nombre d'opérations qui relèvent de la gestion de la société civile plus que de la simple répression. Leur nombre fait foi de ce qu'ils sont devenus dans l'ensemble non plus des mercenaires, fonctionnant à la prime (même si celle-ci existe encore pour les gradés, surtout au moment des confrontations sociales) mais des salariés aussi nombreux que telle ou telle entreprise publique dans l'industrie.

Polices : 149 058 (en 2020)

Gendarmerie : 95698 (en 2016)

Pourtant la police n'est pas une administration comme une autre. Un auteur J.-P. Brodeur soutient cette thèse en ces termes : «  Même si la police s'est, sous divers aspects bureaucratisée elle ne constitue pas au sens propre du terme une bureaucratie. Il lui manque en effet l'un des traits essentiels de la définition (wébérienne) d'une bureaucratie, à savoir l'exercice d'un contrôle étroit des membres supérieurs de la hiérarchie sur les fonctionnaires de niveau inférieur ». Je ne partage pas cette thèse car souvent, au contraire, ces dernières années, les membres supérieurs de la hiérarchie donnent l'ordre de « taper dans le tas » et se désolidarisent s'il y a bavure.

La seconde hiérarchie , qui est la plus contraignante, est celle des autorités judiciaires. Les magistrats n'interviennent pas seulement a postériori pour contrôler la police, mais pour punir. Dans le domaine judiciaire, les policiers qui ont la qualité d'officiers ou d'agents de police judiciaire agissent sous la direction du parquet. Ainsi placés, les policiers se trouvent dans la position étrange qui leur impose une double hiérarchie, L'une administrative. L'autre judiciaire. Différentes de l'armée, les forces de maintien de L'ordre intérieur ne sont pas soumises à une discipline aussi rigide que celle des militaires. Les policiers ont plus de droits que les soldats ne serait-ce que celui de se syndiquer. Néanmoins ils n'ont pas tous les droits des fonctionnaires puisque soumis à un statut spécial, ils sont privés du droit de grève. La hiérarchie aura plus de poids dans une action de maintien de l'ordre que dans les actes quotidiens et routiniers de la sécurité publique. Toujours dans l'ambiguïté. Dans la rue, la police est proche de l'armée, au guichet peu différente de l'ensemble de la fonction publique.

Le VECU DES POLICIERS est indifférent à la population en général.

Le respect que les policiers ont pour leurs grands chefs ne se reproduit pas nécessairement pour leurs chefs immédiats. Grands chefs et petits chefs ont des statut différents. On sait d'abord combien sont complexes les relations des policiers et des magistrats. Dans ce rapport, qui commande qui ? Ensuite il n'est pas évident que la hiérarchie policière soit bien acceptée par la base. L'enquête menée sur ce point par Interface, en 1982, à la demande du ministère de l'Intérieur est significative. Les policiers ont une attitude ambivalente. Ils estiment qu'il existe de bons et de mauvais chefs. Ils ont donc tendance, par certains côtés, à critiquer leur hiérarchie. Mais ceci ne signifie pas qu'ils ne veuillent pas de chefs. Ils sont demandeurs d'autorité, simplement d'une autre autorité à base de dialogue.

On ne rentre pas dans la police en étant raciste mais la fonction peut le faire devenir. Les émissions de la chaîne C8 sur les policiers en intervention au quotidien montre comment ils sont insultés et méprisés par les racailles et combien ils se doivent d'être diplomates pour éviter de provoquer des émeutes inconnues à l'époque des trente glorieuses. Le job est devenu aussi stressant que les métiers de la nuit, des hôpitaux ou... en usine. Dans cette situation de décomposition le sentiment de solidarité corporative est très fort, mais méfiant envers la hiérarchie. La hiérarchie est aussi pourrie en milieu flic qu'en milieu ouvrier.

Le problème de la hiérarchie fait en réalité apparaître qu'il existe au sein de la police un véritable clivage de type social. Un des policiers interrogés par M. Manceaux l'exprime : «  Lorsque des gars de chez nous deviennent commissaires, des gars que nous avons connus comme collègues, ils sont pris dans cette espèce de ... oui c'est une caste », ils se croient d'une essence supérieure. Eux, ils sont arrivés à quelque chose: ils sont commissaires de police ». En dehors de ces cas de promotion interne, le commissaire est d'un niveau social plus élevé que les autres membres de la police. Entre la base et le sommet naît une incompréhension profonde. Il est de ce fait difficile pour les commissaires de commander à des subordonnés qui ne les reconnaissent pas. Dans la police la ségrégation sociale est d'autant plus forte qu'elle est doublée de ségrégations de type fonctionnel. La police française distingue en effet les policiers en tenue des policiers en civil. Dans l'ensemble, les seconds, d'un recrutement plus élevé, commandent aux premiers. En outre en fonction de leur place dans la hiérarchie, les policiers reçoivent ou non des qualifications judiciaires. Autant de statuts d'attributs qui cristallisent des différences, rendent difficile la mobilité qui serait nécessaire au bon fonctionnement de la profession. Car, en fait, le bilan que l'on peut dresser du fonctionnement de la hiérarchie dans la police est plutôt négatif.

Les observateurs de la police se retrouvent généralement pour constater que la hiérarchie fonctionne mal au sein de la police. Leurs analyses recoupent d'ailleurs le vécu des policiers : les chefs n'assument pas assez leurs responsabilités. Le rapport Belorgey le clame bien haut : « Il arrive que le commandement soit une fonction à éclipse... Il arrive plus souvent que la hiérarchie répugne à assumer pleinement ses responsabilités d'encadrement du personnel placé sous son autorité notamment en matière de formation et en matière disciplinaire ».

C'est le secret qui joue contre la hiérarchie. Cette thèse est soulignée par Casamayor en France dans les années 1970. Dans la police, l'homme de la base maîtrise la complexité des choses. Comme le montre Casamayor il devient détenteur de secrets qui l'isolent, lui donnent du pouvoir et lui permettent de ne pas tenir compte des consignes venues d'en haut. Ce qui finalement démultiplie la possibilité de bavures à répétition, comme on a pu le constater ces dernières années en France, non par un racisme « systémique » mais dans le cadre d'une tension permanente dans les banlieues déshéritées, « oubliées de la croissance » pour parler comme les sociologues.

Ce questionnement sur la hiérarchie est permanent depuis des années, et ne semble surgir que lors des suicides. Nous savons encore une fois qu'il n'y a pas une police, mais des polices. La diversité des polices ne tient pas seulement à la distinction concernant les grands services nationaux, mais à tous les petits services répandus sur le territoire, qui en font souvent plus une annexe de la gestion administrative du territoire que d'une force autonome répressive ; quoique ces fonctions administratives servent de cache-sexe lorsque la répression reprend la première place.

UN ANCIEN FONCTIONNEMENT EN AUTONOMIE

Chacune de ces polices a son propre fonctionnement. La police est ainsi moins une administration hiérarchisée qu'un agglomérat de groupes ou d'équipes, chacun produisant sa petite hiérarchie. Dans ces conditions, le pouvoir au sein de la police n'est pas nécessairement là où le droit le montrer. Il appartient moins aux commissaires qu'aux chefs d'équipe qui peuvent être commissaires, mais aussi inspecteurs ou brigadiers.

Les chefs de service ne veulent souvent pas connaître les circulaires et les instructions qui émanent de leurs supérieurs. Un commissaire de sécurité publique est plongé dans son quartier où il agit avec une marge de manoeuvre considérable. L'observation du fonctionnement de la police montre cependant que la hiérarchie reprend ses droits dans le cadre d'une organisation administrative ou bureaucratique. Le supérieur retrouve toute son autorité dans la notation de ses subordonnés. Là, les chefs existent bien. Les policiers s'en plaignent.

Il en découle que la police est un extraordinaire terrain de luttes d'influence. Les rapports de force n'y dépendent pas des statuts juridiques mais des combats qui se mènent entre les groupes de pression. Dans cette institution où le syndicalisme est fort, beaucoup de conflits prennent la forme de luttes inter-syndicales. Il apparaît par exemple, que le syndicat des commissaires de police joue un rôle essentiel pour défendre le pouvoir hiérarchique de ses membres alors que les autres syndicats, représentatifs de la base, ont tendance à critiquer l'autoritarisme des chefs.

Les policiers ont besoin de la hiérarchie. Il arrive fréquemment que les chefs suprêmes relayés en cela par les chefs de police officiels, couvrent les actions de leurs subordonnés en lien avec les magistrats. De même il est connu que les gradés aiment entretenir des relations privilégiées avec des chefs de gangs. De façon plus générale, la hiérarchie n'est pas seulement un donneur d'ordres, elle est surtout un moyen impérieux de légitimation de l'institution et totalement soumise à l'Etat.

Dans le cadre notamment de I'Etat sécuritaire, la police se légitime moins par le haut que par le bas. Un policier qui protège des citoyens plus particulièrement dans une psychose de peur, trouve une justification à son action en dehors de tout ordre donné. Néanmoins, avec sa fonction « sanitaire » certains se sont crus investis d'un rôle extraordinaire, au point de tabasser pour le non port du masque anti-covid !

La référence à la loi est moins forte. La police, comme d'autres administrations, est gagnée par un nouvel impératif d'efficacité. Dans ces conditions, la conception traditionnelle de l'autorité et de la hiérarchie vacille. La police connaît une crise du commandement. A quoi servent les chefs ? L'organisation bureaucratique n'est-elle pas dépassée ? De plus en plus tournée vers l'exposition à la violence pendant que les principaux gradés restent à l'abri de leur bunker.

La politique menée en France depuis 1981, en privilégiant la formation des policiers, ne change rien aux conditions imprévisibles de l'exposition à la violence. Néanmoins rien ne fait qu'elle parviendra à se renouveler dans une bureaucratie policière où la hiérarchie renvoie à des inégalités, à des privilèges et à des mécanismes de ségrégation encore bien implantés7.

COMME EN MILIEU OUVRIER LA HIERARCHIE EST EN CRISE

La pyramide policière est en crise, traversée par plusieurs fractures. D’abord au sein des équipes, entre fonctionnaires de terrain et ceux des bureaux« Beaucoup touchent une prime de risque, ont une arme, donnent des ordres aux autres alors qu’ils ne mettent jamais un pied dehors », se désole Christian Mouhanna, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). Résultat de la loi de 1995 dite des « corps et carrières », qui a fusionné les anciens inspecteurs (en civil) et les officiers de paix (en tenue), et créé une armada de petits chefs bureaucratisés.

Le fossé se creuse et impacte directement la mission des policiers. Celle-ci se décide à trois niveaux, du haut vers le bas : politique, stratégique et opérationnel« Tout est défini par le politique, loin du terrain ; puis la hiérarchie veut faire plaisir au politique : elle met en place des plans désincarnés ; enfin, le policier de terrain doit faire face à toutes les contradictions et se débrouiller avec ça ». Pour lui, la seule mission vraiment claire est celle du chiffre8. Ce n'est pas l'esprit de tous les policiers qui restent insensible sà la terreur hiérarchique. J'en ai connu plusieurs au cours de ma carrière pour lesquels j'ai éprouvé empathie et même admiration.


Au moment de la révolution seront-ils nombreux à déserter ?

NOTES

1 Alors que le mois précédent a commencé la colonisation de l'Algérie, la publication de cinq ordonnances le lundi 26 juillet 1830 (tenues secrètes)- qui restreignent la liberté de la presse et veulent

28 juillet 1830 place de la Bastoche

maintenir le régime monarchique -crée la stupeur. L'opposition s’attendait à un coup de force, mais on n’imaginait pas que le roi agirait avant la réunion des Chambres prévue pour le 
3 août. L’effet de surprise est total. Comme aujourd'hui l'ensemble de la corporation journalistique monte en pression contre le pouvoir, une quarantaine de journalistes protestent en publiant un libelle contre les ordonnances du roi. Des imprimeries sont fermées avec la saisie des presses. Les ouvriers typographes qui craignent pour leur emploi se battent avec la police ; ils seront le noyau dur de l'insurrection. Pour l'historiographie stalinienne ce sont des prolétaires victimes d'une crise économique. Pour Jean Tulard, se basant sur les archives de la préfecture de police, ce sont « des ouvriers saisonniers, sans passé ni traditions révolutionnaires […] masse facilement entraînée par les étudiants et les meneurs politiques . La répression fait de nombreux morts ; à l'époque on n'a pas encore inventé les gaz lacrymogènes.. Le 30 juillet, députés et journalistes entrent en scène pour récupérer la révolution populaire au profit de la bourgeoisie. Après quelques jours d’hésitation entre république et solution orléaniste, la monarchie de Juillet est finalement instituée. La bourgeoisie parisienne dame le pion aux républicains désorganisés mais confirme aux prolétaires engagés dans la bataille.  c’est bien l’insurrection du peuple parisien, composé d’artisans, de boutiquiers, d’ouvriers saisonniers, d’exclus et de chômeurs, qui a précipité la fin du règne de Charles X et de la Restauration. Mais la montée sur le trône de Louis-Philippe et l’instauration de la monarchie de Juillet (1830-1848) apparaissent vite comme le triomphe de la bourgeoisie, qui a su confisquer la révolution à son profit, ne répondant pas vraiment aux revendications politiques et sociales des insurgés prolétaires. A une échelle plus réduite et non létale, les manifs de cette fin novembre 2020 font suite à une crise politico-policière mais où les polichinelles de l'opposition de gauche bourgeoise dame le pion aux nombreux manifestants, d'ailleurs très hétéroclites, avec des solgans aussi révolutionnaires que « une vraie justice », « une police propre » et un changement de la hiérarchie policière.

2Il leur est reproché d'avoir crié « sale nègre » en tapant comme des sourds sur le boss de l'entreprise de musique Rap. Les accusés le nient. J'ai pensé depuis le début que c'est un mensonge pour « charger la bête ». Après avoir visionné plusieurs fois les trois vidéos , cela n'est pas crédible même s'il n'y a pas le son. On ne peut pas taper et insulter en même temps, ou on insulte au début ou bien à la fin, mais cela n'apparaît pas. Il est possible que le boss de la société de rap qui est lui-même un ancien délinquant (mais intégré désormais) ait lâché cette accusation, persuadé par devers lui-même l'avoir entendu, dans l'affolement une fois sorti de l'hôpital ; ou que inconsciemment, tellement il a été bouleversé par tant de violence, il se soit senti renvoyé à sa condition de noir (et de part son idéologie racialiste, cf le nom de sa petite entreprise Black Gold Corp, ou même qu'il ait lancé cette accusation par vengeance de peur que la justice ne soit pas assez sévère avec ces flics-voyous. A l'extérieur le fait qu'un des flics continue à le lyncher choque, mais n'était-ce pas pour faire taire le victime qui continuait à hurler ? En tout cas, la quinzaine de flics qui le regardent cogner violemment sur le crâne de l'homme à terre, est stupéfiante de lâcheté, et ils auraient mérité également la GAV pour non assistance à personne en danger !

3Le parquet de Paris a requis la mise en examen des quatre policiers pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme, en réunion et accompagnées de propos à caractère raciste", de "faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique" (un crime passible des assises), de "violation de domicile" et de "dégradation volontaire de biens privés en réunion".

4On peut esquisser un parallèle de l'ostracisme vis à vis du flic avec celui des domestiques. Le domestique est longtemps resté aux yeux de l'Etat, un oublié de la liberté, un oublié du progrès social. Politiquement, les serviteurs sont privés du droit électoral, jusqu'en 1848. Ils sont inéligibles aux conseils municipaux, exclus de la composition du jury, soumis à la contrainte du livret jusqu'en 1890 (officiellement aboli... en 1930). Socialement, aucune des grandes lois sur la protection ouvrière ne leur est applicable : ni celle sur le travail des enfants et des femmes, ni celles sur les accidents du travail, le repos hebdomadaire, la limitation de la durée du travail, ni même celle sur le repos des femmes en couches (il faut attendre 1909 pour que la grossesse et l'accouchement ne soient plus causes légitimes de renvoi !). La guerre de 1914 marque la vraie rupture (aussi pour les flics, cf. la gendarmophobie des campagnes contre le recrutement pour la guerre). Le nombre des domestiques baisse nettement. Les femmes, qui avec la guerre ont pris le chemin des usines et des ouvroirs, préfèrent finalement cela à la servitude. Les plus instruites trouvent un débouché plus rentable et moins contraignant dans les emplois de bureau. Après la guerre, les jeunes refusent d'entrer en condition : un travail trop dur, des contraintes trop fortes, pour un salaire trop bas, et surtout le manque de considération en sont cause. Le mépris était devenu insupportable. Le flic aujourd'hui, même s'il vient encore souvent de la campagne, doit avoir accompli un minimum scolaire, n'a pas un grand choix de carrière, c'est ça ou rien.

5Viol : la descente aux enfers d'une policière qui a porté plainte contre son supérieur - Le Point

6La décision était en fait antérieure. « Une décision ministérielle du 20 mars 1832 avait rendu le port de la moustache obligatoire pour tous les militaires. Deux mois plus tard, une décision ministérielle précise que la moustache sera portée par l'ensemble des militaires, hormis ceux de la gendarmerie. Cette sentence très mal perçue par l'Arme, est vécue comme une humiliation et soulève un véritable tollé. Il faut attendre le ministère du maréchal Soult pour que ceux-ci retrouvent, par une décision du 28 janvier 1841, le droit et l'obligation de porter la moustache. Le port de la moustache demeure obligatoire jusqu'en 1933. Tout comme le bicorne, la moustache, à elle seule, a puissamment contribué à fixer l'image des gendarmes dans l'imaginaire collectif des français. »