PAGES PROLETARIENNES

lundi 21 décembre 2020

LA PANDEMIE C'EST UNE GUERRE MONDIALE



(revue de presse des alertes à la révolution)
« La guerre (de 1914) la plus comique que j'aie jamais vécue ». Général Hoffmann
« Les mouvements des troupes dépendaient au plus haut point du ravitaillement. Les conditions de celui-ci étaient aussi défavorables que possible, par suite de l'état indescriptible des chemins et du mauvais temps. La grande route de Cracovie à Varsovie était, elle-même, défoncée jusqu'à hauteur du genou. Un pied de boue la recouvrait. Les travaux nécessaires à la réfection et à la mise en état des chemins étaient énormes, et les moyens en jeu considérables. Les troupes et les compagnies de travailleurs étaient infatigables et firent beaucoup. Lorsque nous nous repliâmes, dans la seconde quinzaine d'octobre, les routes avaient un tout autre aspect. Nous avions travaillé dans le sens du progrès de la civilisation. » Erich Ludendorff (Mémoires de guerre)

Le déroulement de la gestion capitaliste de la pandémie fait penser à celui de la guerre de 14 : atermoiements, absence de coordination, acharnement à trouver des solutions nationales. Comme durant la guerre on nous dénombre chaque jour le nombre des morts et des contaminés. La manne financière qui s'est abattue dans l'urgence un peu partout, mais pas partout, pour calmer les populations, fait manifestement penser aussi à l'approvisionnement dans l'affolement du front russe de 1914 à 1917. 1800 transports alliés avaient débarqué 5 475 000 tonnes de matériel destiné aux armées russes. La faim reste l'arme des révolutions. Cette soudaine générosité dans la pandémie guerrière n'allait cependant pas empêcher un début de révolution mondiale. Le désir de paix fût la cause immédiate de la révolution

Fraternisation russes et allemands

bolchevique que l'approvisionnement dans l'urgence n'avait pas pu étancher. Le désir de mettre fin à la pandémie apparaît plus complexe mais pas moins subversif. La covid 19 apparaît à bien des égards une nouvelle chance pour la révolution mondiale, pas nationale ni régionale, plus que comparable avec un début de guerre mondiale. Pourquoi ? Parce que plus cruciale est l'alternative. La guerre mondiale n'affectait pas directement la division en classes et ne sous-entendait pas la destruction de l'humanité. La pandémie si.

Bourgeois comme prolétaires, président ou peigne-zizi, on peut tous en crever. Et les prolétaires plus que les autres. Que les bourgeois feignent de ne pas s'en rendre compte nous importe peu. Par contre les classes intermédiaires, la petite bourgeoisie commerçante et entrepreneuriale, celle des bureaux, fonctionnaires intellos et flics comme racailles, elles s'en rendent compte : paupérisation, chute sociale, violence étatique, décisions erratiques et irrationnelles, etc. Cette prise de conscience est fondamentale pour venir renforcer le prolétariat encore considéré comme secondaire.

L'indifférence de la bourgeoisie et du prolétariat à l'explosion de la dette fait cependant penser à la période qui avait suivi la signature des traités de paix fin 1918 où il n'y avait plus d'unités combattantes. On s'observait. La dette inflationniste dormante c'est comme la paix de 18, du provisoire.

UNE DESAGREGATION DE L'INTERIEUR DU CAPITALISME (CCI)

Un rapport d'orga (hou l'horrible chose partidaire, direz-vous) du mois d'octobre dernier, explicite mieux encore ma notion d'implosion du capitalisme :

« … la pandémie actuelle ne cédera pas la place à une quelconque régénération des forces productives de l'humanité au sein de la société existante, mais nous oblige au contraire à entrevoir l’inéluctabilité de l'effondrement de la société humaine dans son ensemble si le capitalisme mondial n'est pas renversé dans sa totalité. Le recours aux méthodes médiévales de quarantaine en réponse à Covid, alors que le capitalisme a développé les moyens scientifiques, technologiques et sociaux pour comprendre, prévenir et contenir l'éruption des fléaux (mais est incapable de les déployer), témoigne de l'impasse dans laquelle se trouve une société qui "pourrit sur pied" et qui est de plus en plus incapable d'utiliser les forces productives qu'elle a mises en mouvement »1.

L'orga ajoute un autre argument qui fait penser à la livraison de tonnes de matériel au front russe, l'amélioration épidémiologie promise n'est pas recherche humanitaire mais course au profit « médical », quoique sous couvert de gratuité (la bourgeoisie est prête à se ruiner pour sauver son système de mort) :

« Ce développement de l'incompétence sociale croissante de l'État bourgeois est lié à des décennies de réduction du "salaire social", en particulier des services de santé. Mais le mépris croissant pour la santé publique ne peut s'expliquer pleinement que dans le cadre de la phase de décomposition qui favorise les réactions irresponsables et à court terme d'une grande partie de la classe dirigeante ».

Pour l'orga et son rapport c'est une illustration de plus à, non plus, simple décomposition mais à l'agonie du capitalisme. Problème simplement gestionnaire ou le capitalisme prouverait son incompétence ? Je ne suis pas sûr qu'une société en route vers le communisme y parviendrait mieux en l'état actuel des connaissances2. Avant de traiter par après d'autres annotations de ce rapport, je vais surtout développer le constat suivant très pertinent :

« Le confinement de masse décrété par les États impérialistes s'accompagne certes aujourd'hui de la présence accrue de la militarisation (sic! bien vu) dans la vie quotidienne et de son utilisation pour lancer des exhortations guerrières. Mais l’immobilisation forcée de la population est motivée dans une large mesure par la crainte ressentie par l'État face à la menace de désordre social à une époque où la classe ouvrière, bien que tranquille, reste invaincue ».

Ce rapport va tout à fait dans le sens du résumé de wikipédia de l'état (catastrophique) des lieux avec les détails évidents3. Et, fait étonnant, l'alerte est aussi faire par la presse bourgeoise intelligente:

Le Monde : Coronavirus : le confinement provoque une crise sociale mondiale

« Quelque 22 millions de chômeurs supplémentaires aux Etats-Unis en un mois, des banques alimentaires débordées à travers le monde… Le coût humain du confinement est déjà important. Et cela devrait aussi se traduire par une hausse de la mortalité, même une fois la pandémie vaincue ».

Un Site libéral : « Le choc pandémique de la Covid-19 met en évidence les failles du système économique globalisé, il affaiblit encore les rouages déjà grinçants du consensus social. Sa violence jette un éclairage cru sur l’incapacité des marchés internationaux à s’autoréguler, la permanence des conflits interétatiques, la dégradation des services publics essentiels et les inégalités sociétales de revenu, de patrimoine et de pouvoir des citoyens »4

Le Figaro : Covid-19 : la crise sanitaire a «accentué les inégalités sociales»

« L'épidémie a surtout touché des populations vivant dans des logements exigus situés dans des

Distribution pertes humaines  14-18

villes denses, selon une enquête nationale de l'Inserm. La plupart de ces personnes, toujours selon l'enquête, habitent dans des villes denses en population, ce qui multiplie les risques d'être contaminé. À noter que plus d'une personne sur dix a vécu le confinement
 dans un petit espace. Parmi elles, 20% des professions dites «essentielles» durant cette période (personnel de nettoyage, caissières, aides à domicile, ouvriers du bâtiment...) ». (…) 10 millions de pauvres en France alertent le Secours Catholique. 

715 000 emplois perdus au premier semestre 2020 selon l’INSEE. La crise sociale est là avec la kyrielle d’annonces de plans sociaux qui concernent plus de 30 000 emplois. Ce ne sont que des prémices tant le système d’aides tous azimuts freine les défaillances d’entreprises qui devraient rythmer 2021. La question sociale va devoir prendre toute sa place dans l’économie et la finance ».

Un site bobo-écolo :« Il y a 5 ans, le changement climatique était un phénomène scientifique. Grâce à l’Accord de Paris, il est devenu un risque systémique pesant sur la stabilité financière mondiale et pris en compte comme tel par des investisseurs de plus en plus nombreux. C’est ce qu’on appelle la "matérialisation" d’un risque ESG, E pour Environnement, S pour Social, ou G pour Gouvernance. Elle dope la prise en compte d’autres facteurs que les seuls profits financiers. Mais si la finance verte est un champ en pleine expansion, l’émergence d’une finance sociale dont la vocation serait de considérer les risques de désagrégation sociale comme une menace systémique pour l’économie mondiale est encore loin. Et pourtant !

Fin 2019, la colère grondait dans de nombreux pays, dont la France aux prises avec les gilets jaunes et les grèves sur la réforme des retraites. La pandémie et ses mesures de confinements ont paralysé un temps ces mouvements sociaux plus ou moins violents. Mais les manifestations qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes en plein confinement contre la loi Sécurité Globale... »5. Suivi d'un beau titre :

TEMPÊTE COVID : DE LA CRISE SANITAIRE À LA CRISE SOCIALE MONDIALE

« Des pertes d'emplois massives, des banques alimentaires débordées, des citoyens ultra-précaires... Le Covid-19 a des conséquences sociales désastreuses. Au niveau mondial, l'ONU craint une rechute de 71 millions de personnes dans l'extrême pauvreté cette année, la première augmentation depuis 1998. La crise sanitaire pourrait amplifier des révoltes partout dans le monde »6

ANTONIO-GUTERRES NOUVEAU LENINE ?

"Même si le nouveau Coronavirus affecte chaque personne et communauté, il ne le fait pas de façon très égale". C'est le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui l'affirme. D'un point de vue sanitaire d'abord, les plus pauvres sont touchés de plein fouet par le Covid-19. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) estime que les individus appartenant au cinquième de la population ayant les revenus les plus faibles ont une fois et demie plus de risques de développer un cas grave de Covid-19. L’exposition à la contamination est aussi plus élevée pour ceux qui vivent dans des conditions précaires, dans des logements surpeuplés notamment.

Et les conséquences indirectes de la crise sanitaire pourraient être encore plus douloureuses. Avec la crise économique liée au Covid, le Secours populaire a enregistré une hausse de 45 % de la fréquentation. Étudiants privés de petits boulots, familles monoparentales, intérimaires ou autoentrepreneurs sont les "nouveaux visages de la pauvreté", note une enquête du Parisien. Au niveau mondial, l’ONU s’attend à une rechute de 71 millions de personnes dans l’extrême pauvreté en 2020, soit la première augmentation dans le monde depuis 1998.

Un risque de révoltes

Face à cette dramatique situation, les risques d’émeutes explosent. Au Liban, l'accident chimique qui s'est produit sur le port le 4 août dernier associé à la crise sanitaire, a amplifié la contestation sociale. L'État, en faillite, qualifié de corrompu par de nombreux habitants, jugé responsable de l'explosion est également pointé du doigt pour sa mauvaise gestion du Covid-19. Et la contestation monte dans d'autres pays. En Italie par exemple, pendant le confinement, le ministre de la Cohésion sociale, Giuseppe Provenzano craignait alors que "les préoccupations minant de nombreuses couches de la population, concernant leur santé, leurs revenus ou l’avenir, ne se transforment en colère et en haine si la crise se prolonge". 

D’autant qu’avant même le Covid-19, le monde entier connaissait une recrudescence des contestations sociales. "Il est probable que l’impact économique du Covid-19 amplifie les tensions en faisant grimper le chômage, en creusant les inégalités et en détériorant les conditions de travail. Cela se traduira par une aliénation des systèmes politiques et une augmentation de l’agitation sociale. Nous nous trouvons à un moment critique", prévient dans Euractiv Steve Killelea, fondateur de l’institut pour l’économie et la paix »7

De la pandémie à un autre monde ?

L'expertise universitaire y va aussi de sa plume angoissée : « Jour d’après », « Monde d’après », « Penser demain » : la plupart des médias, y compris celui-ci, ont exprimé les idées de lecteurs, intellectuels et citoyens qui, en temps de confinement, ont témoigné leur envie de rompre avec certains modèles économiques et sociaux. Cette tendance rejoint ici les nombreux mouvements sociaux qui interpellent régulièrement les acteurs dominants. Contrairement à celles et ceux qui, comme Margaret Thatcher, imposent l’idée qu’« il n’y a pas d’alternative », ils affirment qu’« un autre monde est possible », pour reprendre le slogan du Forum social mondial.

Les citoyens descendus dans les rues au cours de la dernière décennie rejoignant des mouvements comme Occupy ou Nuit debout, réclament des gouvernements plus compétents et moins corrompus, moins de pouvoir aux élites, plus de démocratie, de justice sociale et de dignité. Des revendications plus pertinentes encore au cœur de cette crise.

Pour nombre d’intellectuels engagés et d’économistes hétérodoxes, comme Thomas Piketty ou Dominique Méda, la pandémie a montré les limites d’un système économique qui produit un tel niveau d’inégalités. Les syndicats du secteur comme les associations pointent les dommages causés par les politiques d’austérité dans le secteur de la santé et du soin aux personnes âgées.

Après des années d’austérité dans les services publics, les États semblent dépenser sans compter pour pallier les effets de la pandémie et limiter la crise économique et sociale. Plusieurs gouvernements plaident pour une relocalisation de la production des « biens essentiels ».

Les champions des coupes budgétaires dans les hôpitaux publics participent désormais aux applaudissements quotidiens pour soutenir les infirmières et les médecins. Angela Merkel, Emmanuel Macron et Boris Johnson ont tous déclaré qu’ils considéraient l’État-providence et les hôpitaux publics comme des éléments essentiels de l’identité nationale de leur pays »8.

En réalité toutes les fractions politiques petites bourgeoises dénoncent avec justesse la faillite, pas encore l'agonie, du système capitaliste, aussi bien voire mieux que toute minorité maximaliste (vraiment communiste), n'ont que des programmes vides, Picketty n'est qu'une variante d'un retour au programme de reconstruction des chapelles staliniennes, et la mafia écolo est du pareil au même, une seule solution mais nationale ! La secte PCF se joint au choeur des lamentations en critiquant l'ancienne mère patrie du « socialisme réel » : « Contagion. La pandémie accélère la crise sociale en Russie » (Huma du 8 Avril 2020). Et d'invoquer les mannes gaullo-staliniennes de feu Thorez : « 

Le virage libéral a touché le secteur de la santé. Ni confinement généralisé, ni totale liberté, la Russie se trouve dans un entre-deux. D’ailleurs, c’est aux autorités locales de fixer les termes du confinement et les mesures les plus adaptées dans leur région ».

Or tout retour en arrière, façon reconstruction post-45, c'est du pipeau. Le capitalisme n'est plus simplement malade il est en effet agonisant quand le PCF et affiliés veulent ressortir Staline de son tombeau. Bande rigolos et variétés de populistes impuissants. La pandémie c'est comme la guerre, on en appelle à la « solidarité nationale » mais l'égalité face à la maladie n'existe pas. La gratuité du vaccin gomme le fait que tous ne sont pas exposés pareillement « au front » même si le général en chef s'est pris une balle perdue.

Revenons au rapport de l'orga. Il note que le capitalisme est frappé de plein fouet à deux de ses plus importants centres : USA et GB : « ...ces deux pays étaient des symboles de la stabilité relative et de la force du capitalisme mondial ; aujourd'hui, la triste performance de leurs bourgeoisies montre qu'ils sont plutôt devenus des phares de l'irrationalité et du désordre ». Tout cela est juste, mais très généralisé même la Chine flageole désormais et on ne sait pas tout sur la catastrophe industrielle ni ses aboutissants inévitables. L'orga a la même vision erronée du populisme que les gauchistes, il n'est vu que comme simple manipulation de la bourgeoisie et produit de ses élites :

« Alors que le populisme fait appel aux illusions xénophobes et petites-bourgeoises d'une population mécontente qui est temporairement désorientée par l'absence de résurgence prolétarienne, il ressort clairement de la crise sanitaire actuelle que le programme - ou l'anti-programme - du populisme s'est développé au sein de la bourgeoisie et de l'État lui-même, et n'est pas le résultat du prétendu dérèglement psychologique des populations en général ».

Le populisme, qui a produit les Trump et Johnson comme les gilets jaunes, est l'expression de la réaction petite bourgeoise à la crise générale du capitalisme, qui ne se résout pas à supporter l'odeur du cadavre. C'est une réaction plutôt positive, ni annonce du fascisme renaissant ni solution crédible au plan national. La « population mécontente » n'est pas désorientée « par l'absence de résurgence prolétarienne », car d'une part le prolétariat n'existe pas pour ces gens-là, et d'autre part ils sont tétanisés et révoltés justement par l'incurie de l'Etat capitaliste, mais sans la solution prolétarienne puisque celle-ci n'apparaît nulle part comme concurrente ou alternative au capitalisme moribond.

Quant aux « illusions xénophobes » de la population mécontente c'est évacuer à la manière du bourgeois gauchiste donneur de leçon d'antiracisme. Le problème des migrants comme phénomène inflationniste qui ne requiert plus l'innocente solidarité internationaliste comme naguère (sans nier le drame de cette situation et son insolvabilité dans le monde actuel) l'orga le reconnaît paradoxalement pourtant comme un réel problème plus dû à la décomposition capitaliste qu'au racisme :

« … dans la période de décomposition, la tendance tend à se renverser ou à revenir au cœur du capitalisme, vers ses centres vitaux - comme la propagation du terrorisme, l'afflux massif de réfugiés et de migrants, le chômage de masse, la destruction de l'environnement et maintenant les épidémies mortelles en Europe et en Amérique. La situation actuelle, où le pays capitaliste le plus fort du monde a le plus souffert de la pandémie, confirme cette tendance ».

De façon classique et historique dans les conceptions « archéomarxistes »9 du courant la révolution commencera dans les pays centraux. Faux, comme en 14-18, elle a déjà commencé dans les « maillons faibles » et pas pour plus de « démocratie écolo » ou une justice ou « sécurité globale ». Prenons simplement le Chili, après le Liban :

« Face à l'accélération de la contagion et à la difficulté de faire respecter les restrictions, le gouvernement s'est résolu mercredi à décréter des mesures de confinement obligatoire pour l'ensemble de la ville, ainsi que pour le port de San Antonio et sa voisine Viña del Mar, station balnéaire réputée. «Le Covid nous a donné raison, une santé de qualité pour tous!», proclame une des nombreuses banderoles qui témoignent, à l'image des édifices publics vandalisés, de la profonde crise sociale qui a secoué le Chili depuis octobre. A côté de Santiago, le grand port du centre du pays a été au coeur de la mobilisation, souvent violente, pour dénoncer les inégalités économiques et la déconnexion de l'élite politique de la réalité quotidienne de nombreux Chiliens. «La fronde sociale nous a donné un coup d'arrêt en freinant la venue des touristes. Et maintenant, on est dans une situation désespérée», constate Daniela Olivares, une habitante de la colline Alegre.

Dans le centre, les places Victoria ou Sotomayor ainsi que les principales artères commerciales sont restées actives malgré l'arrivée du virus avec de nombreux vendeurs ambulants, tout comme les


marchés où se vendent les traditionnelles fritures de poisson. «Pour la grande majorité de la
population, ne pas sortir, c'est ne pas manger», reconnaissait mardi Jorge Sharp, le maire de la ville. Le gouvernement du président Sebastian Piñera a annoncé des aides et des paniers alimentaires pour les plus pauvres. Mais pour beaucoup, l'initiative est tardive et insuffisante. Aux premiers jours du confinement rendu obligatoire mi-mai pour les sept millions d'habitants de Santiago, des émeutes de la faim avaient secoué les quartiers les plus pauvres »10.

Aux lâches, aux cuistres pleutres, aux traîtres, aux inconscients qui croient que les confinements successifs vont effrayer au risque de la propagation du virus et paralyser le prolétariat, je réponds par le cri des Canuts du 22 novembre 1831 :

« Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant ! »



NOTES

1Rapport sur la pandémie Covid-19 et la période de décomposition capitaliste | Courant Communiste International (internationalism.org)

2« c'est la gestion - ou plutôt la mauvaise gestion croissante - des effets de cette crise qui a changé et qui est un élément clé des catastrophes présentes et futures qui caractérisent la période spécifique de décomposition ». (cf. leur rapport). Pour autant comme je l'ai déjà remarqué, le capitalisme est coincé dans une gestion nationale de la pandémie, c'est à dire qu'il ne peut pas faire autrement (et n'est pas critiquable même du point de vue internationaliste), car il n'existe pas d'Etat unique mondial ni de mise en commun des ressAources et remèdes comme seule une société mondiale communiste pourrait nous gérer nous, l'humanité !

5Laquelle, menée par la gauche bourgeoise, a fait pourtnat pchit ! LA CRISE SOCIALE OUVERTE PAR LA PANDÉMIE DÉMONTRE LA "MATÉRIALITÉ" DES RISQUES SOCIAUX, [Édito] La crise sociale ouverte par la pandémie démontre la "matérialité" des risques sociaux (novethic.fr)

9Dite aussi fossilisation par la noria moderniste et bobo « orthodoxe », l'archéologie marxiste ressurgit de son embaumement avec d'étranges joues roses, et j'en profite pour vous renvoyer au seul dernier courant trotskiste estimable à la veille de la « libération capitaliste », qui vous explique l'indifférence des archéiomarxistes grecs à la question nationale , cf Les trotskystes grecs pendant la seconde guerre Mondiale Les trotskystes grecs pendant la seconde guerre Mondiale (openedition.org)

mardi 15 décembre 2020

L'irrationnalisme islamique et ses accessoires



(implosion suite)

« Et s’il est vrai que les Grecs ont péri à cause de leur détention d’esclaves, il est beaucoup plus certain que nous allons périr en raison de l’absence d’esclavage ».Nietzche « La démocratie moderne est la forme historique de la décomposition de l’État ». Le même

« Il faut aussi se rappeler que l’obscurcissement et le désordre des sciences sociales à l’époque impérialiste se sont déroulés en grande partie dans le sens de la théorie raciale (race remplaçant la classe). Et dans ce domaine aussi, Nietzsche a donné naissance au même irrationalisme obscurantiste que Gobineau ou S.A. Chamberlain ».  Lukacs

C'est étrange étrange. Cette nuit j'ai rêvé de Marc Chirik. Il revenait de Chine où il avait défendu l'idée qu'un vrai parti communiste ne devrait pas prendre le pouvoir. Par nos rapports amicaux et fraternels qui dépassaient le simple rapport organisationnel – il me trouva inquiet pour la période actuelle, mais mon réveil subit me passa de ses conseils.

AFFAIBLISSEMENT DE L'ETAT OU AFFICHAGE DE LA PRUDENCE BOURGEOISE?

C'est une affirmation du journalisme de commentaires la fonction présidentielle : l'Etat est affaibli. Vraiment ? La question est posée face à la prestation de chaque nouveau président, les trois ou quatre derniers n'ayant pas vraiment eu l'étoffe, sans compter que n'importe quel olibrius peut se croire autorisé à se présenter à la prochaine échéance : telle la mémère en veste jaune Jacline Mouraud, le grand dadet écolo-bobo et l'illettré Drouet. La situation mondiale et nationale ne donne pourtant pas matière à plaisanter, où tout le monde a les pieds dans la merde, si on en croit l'orga :

« Les États-Unis, le pays le plus puissant de la planète, sont devenus la vitrine de la décomposition progressive de l’ordre mondial capitaliste. La campagne électorale a jeté une lumière crue sur un pays déchiré par des divisions raciales, par des conflits de plus en plus brutaux au sein de la classe dominante, par une incapacité choquante à faire face à la pandémie de Covid-19 qui a fait près d’un quart de million de morts dans le pays, par l’impact dévastateur de la crise économique et écologique, par la propagation d’idéologies irrationnelles et apocalyptiques »1.

Le constat est évident et accablant et n'incite pas à imaginer dans l'immédiat l'effondrement du système, ce qui est explicite avec la remarque suivante :

« Mais même dans la phase finale de son déclin historique, alors même que la classe dominante démontre chaque jour un peu plus sa tendance à la perte de contrôle sur son propre système, le capitalisme sait encore retourner son propre pourrissement contre son véritable ennemi, contre la classe ouvrière et le danger que celle-ci représente en prenant conscience de ses véritables intérêts »2.

La perte de contrôle de l'Etat est pourtant toute relative comme le montre sa gestion au cordeau des affres de la pandémie, et l'ennemi- la classe ouvrière – est majoritairement encore protégée avec garantie du versement des salaires malgré le confinement en accordéon. L'article de l'orga sur la bavure, le tabassage du boss du Rap, aurait pu être rédigé par n'importe quel plumitif hystérique du NPA. Mais il s'adresse à qui ? A la classe ouvrière qui ne lit pas les minorités lilliputienes ? A l'opinion qui a eu sa dose d'indignation pour un tabassage en effet inadmissible mais qui n'est pas non plus généralisé. Tant pis pour les radotages de la victimologie prolétarienne, mais combien d'agressions de policiers tous les jours, de coups de couteau contre des passants ou meurtres sadiques ? L'indignation hystérique qui mêle le massacre de la Commune de Paris et les massacres d'algériens en 1962, ça fait un peu vintage, non ?

Impossible de faire la part des violences et des responsabilités ! Hop comme n'importe quel islamo-gauchiste on décrète la police « raciste » ! Oubliée la menace des policiers et de leurs familles qui est une réalité à l'ère d'un terrorisme permanent dans le capitalisme en implosion (cf. les meurtres de Magnanville et le tabassage de policiers rentrant chez eux, etc.). Il y a un vision anti-flic de chez la racaille qui n’a rien à voir avec la dénonciation des abus policiers du point de vue de classe. Ou alors cosmopolitisme islamiste défendu par les islamo-gauchistes est équivalent l’internationalisme prolétarien ?

 Hors de la réalité l'orga! L'indignation massive a été plus motivée par la vision de la bavure par tous que par la contestation contre la loi sécurité globale qui ne protège pas plus les flics qu’elle n’empêche les manifestants de filmer… les possibles exactions policières. Tout le monde filme au ras du bitume comme aux fenêtres ; il y a 30 ou 40 ans les appareils photos pouvaient être systématiquement pétés par les flics -et le seront encore) sans qu’une loi défende ou interdise leur utilisation. Aujourd'hui aucune loi ne peut plus empêcher de filmer et de poster immédiatement sur les réseaux. Le filmage en direct détruit toutes ces aimables protestations « citoyennes ». Big Brother est autant fliqué que nous désormais. L'orga ne ressent ni ne voit l’incapacité de l’Etat à contrôler « de l’intérieur » une société où les gens ont peur, où la menace de meurtre rayonne… jusque dans les lycées, quand des dizaines de personnailtés, dessinateurs, journalistes, tout comme la petite Mila, sont menacés de mort par l’engeance islamique ; quand le tabassage de Michel Zecler ne peut faire oublier la décapitation de Samuel Paty. Marre de la pensée manichéiste ! C’est avec ce genre de pensée figée qu’on a été à chaque fois soumis aux guerres, il n’y avait pas d’autre choix que le chiffre 2. Pour l’ennemi ou contre l’ennemi. Cela revient aujourd’hui au même genre de questionnement imbécile : pour ou contre les flics, pour ou contre les racailles terroristes ! Rien n’est simple dans une situation de déliquescence (typique du phénomène d'implosion). Sauf pour Candide Guaino3.

Reprenons notre calme. Les agitateurs de rue, notamment la minorité islamo-gauchiste4, ne cessent de nous promettre l'explosion sociale, laquelle ne vient jamais vraiment sauf le souvenir qui s'estompe de cette longue jacquerie des gilets jaunes sans réelle réflexion politique, flasque et inconsistante en termes d'alternative politique.

Pas vraiment d'explosion dans la contrainte pandémique, des colères contenues mais impuissante. On assiste au tout début d'un phénomène inverse, lentement et de façon confuse : une implosion qui est l'inverse de l'explosion, et qui n'en est qu'à ses débuts. Mais implosion de quoi me direz-vous ? Je ne vais pas pourtant étayer aujourd'hui toutes les conséquences et découvertes de ma théorie de l'implosion.

Par exemple, les années 20 sont marquées par une formidable implosion des valeurs traditionnelles : famille, patrie et travail, assortie de la lutte contre ses habituels défenseurs que sont l'État, l'Église et l'Armée. Nombreux sont ceux qui refusent désormais le « bourrage de crânes » depuis la boucherie de 14 et qui ont pris conscience du potentiel de leur force solidaire et « prolétarienne », face aux possédants et exploiteurs, et souhaitent parvenir à un monde nouveau comme celui qui vient de naître en Russie.

A notre époque pandémique voire plus, on peut généralement observer la persistance d'une déliquescence sociale que l'orga5 qualifie depuis des décennies de décomposition du capitalisme. Longuette cette décomposition objecterez-vous par ignorance ou méconnaissance de la durée historique des modes de production successifs ; bien plus longue et incalculable en tout cas que le pourrissement d'un cadavre6. Un grand historien comme Hans Mommsen donne pourtant raison aux Lénine, Trotsky et à l'Internationale communiste qui constataient la décomposition historique de la bourgeoisie autour de 1914 ; historique c'est à dire dans le temps long et inquantifiable.

Mommsen fait mieux et c'est le titre de son article en 1991 : « La décomposition de la bourgeoisie à partir de la fin du XIXème siècle » . L'historien fonctionnaliste décrit cette décomposition comme un processus où la bourgeoisie comme formation globale s'effrite en associations et sectes : « … par des migrations intérieures accrues, et en particulier par l'accroissement de la population des villes, la poussée de l'urbanisation, la modification des règles de l'ascension sociale et la décomposition d'une société bourgeoise de notables jusqu'alors solidement structurée ; c'est sur cette toile de fond que s'éveille la conscience bourgeoise d'une crise qui se développe à partir du tournant du siècle ». Il s'agit d'une crise culturelle « qui prend à l'occasion la forme de courants antibourgeois », Crise « accompagnée de mouvements sectaires et une tendance de plus en plus manifeste à l'irrationalité. La Première Guerre mondiale avait : « précipité ces mouvements qui s'exprimaient dans l'appel à un réveil de la société, prôné par les représentants actifs de la jeune génération. Le sentiment que la guerre, d'une façon ou d'une autre, avait mis fin à l'ère de la prospérité et de la sécurité bourgeoise, était largement partagé ».

Un fossé « infranchissable » s'était creusé entre les élites bourgeoises de Weimar et la mentalité de la jeunesse en quête de « nouvelles formes communautaires » : « être anti-bourgeois devint une mode sous Weimar », contre « les vieillards de Weimar ». On pense au passage immédiatement à a formule creuse de sergents recruteurs « Etre anticapitaliste avec le NPA » ! La décomposition des années 1920 est aussi visible dans l'aristocratie que dans la gauche politique ; seul un « réseau des élites » était « un substitut au système des partis bourgeois alors en perte de vitesse ». Ce mouvement « voulait substituer une unité nouvelle aux particularismes du régime des partis », et et dont « la mission principale était l'endoctrinement et la mobilisation des masses populaires dans l'espace extra-parlementaire ». Tout cela vous a un air de déjà vu bien que je me méfie de l'usage simpliste des analogies historiques.

Le sujet de l'état du capitalisme – système en décadence depuis 120 ans - n'apparaît jamais dans les médias, puisque leurs employés obéissants ne peuvent ni mordre la main qui les nourrit ni imaginer qu'ils sont tous assis sur un siège éjectable. L'orga a réalisé depuis 50 ans tant d'articles et une brochure que tout cela reste inaperçu, hélas pour les pessimistes. Les bobos théoriciens de l'ultragauche chic post-68, néo-bordiguiste SVP, avaient méprisé la chose. Le capitalisme ne peut point tomber en décadence, ou il crève ou il continue éternellement. Evoquer la décadence de l'Empire romain fait ringard et puis ses causes en restent confuses, ni BFM ni Cnews n'ont pu interviewer une quelconque momie sur le terrain. Il paraît qu'il y aurait eu une crise économique et qu'il y avait de plus en plus d'oisifs et de moins en moins de travailleurs. Montesquieu avait même poussé le bouchon jusqu'à y trouver dix sept causes fatales. Un facho prématuré Oswald Spengler avait réveillé l'intérêt pour cette notion avec son pensum « Le déclin de l'Occident », plutôt désespérant et va-t-en guerre, bourré d'analogies historiques et de prédictions oiseuses comme seuls en sont capables les diseuses de bonne aventure et les marxistes orthodoxes. Mon philosophe hongrois préféré, Georg Lukacs voyait lui dans l'essai de Spengler un rapprochement entre Nietzsche et Hitler. Il était lucide lui7 : le nazisme a figuré le top de la décadence capitaliste et de l'irrationalisme.

Se confirme la tâche de l’irrationalisme de Schopenhauer : empêcher un secteur autrement insatisfait de l’intelligentsia de transformer concrètement son mécontentement avec « l’ordre établi », c’est-à-dire l’ordre social existant, contre le système capitaliste en vigueur à tout moment. Cet irrationalisme atteint ainsi son objectif central, peu importe comment : celui de fournir une excuse indirecte au capitalisme en contestant l'idée de progrès dès le milieu du XIX ème siècle. Schopenhauer figure tout à fait en philosophie l'arriération allemande, réaction bourgeoise qui se répand en Europe après l'échec des révolutions de 1848. Schopenhauer est séduit par le bouddhisme comme certains sont séduits de nos jours par l'islamisme. Dans sa recherche philosophique spéculative il déduit que la société et la pensée sociale de l'Occident, même rationnellement orientées ne pourront jamais trouver de solution (éthique, culturelle, sociale). Il pave déjà la route du nihilisme et de l'irrationalisme. Pourtant c'est cette philosophie qui joue un rôle décisif contre le socialisme8. L’irrationalisme et l’hostilité au progrès vont donc de pair. Dans cette unité même ils ont constitué une barrière idéologique efficace à l'arriération politique et sociale de l'Allemagne « romantique » qui du coup va se développer rapidement dans la sphère capitaliste.

Dans le chapitre III de « La destruction de la raison » (1952), Lukacs décrit magnifiquement le talent et les limites de Nietzche comme représentant de la décadence bourgeoise : « C’est juste au moment de l’activité de Nietzsche que la classe décline, les tendances décadentes atteignent un tel niveau que leur évaluation subjective au sein de la classe bourgeoise subit également un changement significatif. Pendant longtemps, seuls les critiques progressistes de l’opposition exposaient et condamnaient les symptômes de la décadence, tandis que la grande majorité de l’intelligentsia bourgeoise s’accrochait à l’illusion de vivre dans le « meilleur de tous les mondes », défendant ce qu’ils étaient censés être la « condition saine » et la nature progressiste de leur idéologie. Maintenant, cependant, un aperçu de leur propre décadence devenait de plus en plus la plaque tournante de la connaissance de soi de ces intellectuels. Ce changement se manifeste avant tout par un relativisme complaisant, narcissique, ludique, pessimiste, nihilisme, etc. Mais dans le cas des intellectuels honnêtes, ceux-ci se sont souvent transformés en désespoir sincère et en une humeur de révolte conséquente (messianisme, etc.) »9.

Selon Lukacs, Lénine avait raison de dire que la question centrale de la révolution bourgeoise en Allemagne était la création de l'unité nationale ; en ce sens aujourd'hui l'Europe permet l'éclatement de l'unité nationale et, rétablissant des régions comme au Moyen âge, constitue un nouvel obstacle à la révolution internationaliste, de plus par sa prétention à avoir aboli les frontières. Dans notre milieu maximaliste il n'y a d'ailleurs aucune réflexion approfondie sur l'absence d'alternative au repli national chanté par les « souverainistes » face au cosmopolitisme goujatement proclamé par les troupes islamistes : l'abolition des frontières pourra-t-elle se faire en claquant deux doigts désormais ? Pauvre projet communiste en panne !

Veillons à ne pas plaquer inutilement une autre analogie historique entre hier et aujourd'hui. A la fin des années 1920, la révolution a échoué presque partout et le fascisme a été inventé, si je puis dire, pour dissoudre toute alternative communiste, label certifié conforme pas dans sa version déconcertante. Aujourd'hui la révolution n'a pas encore eu lieu et le fascisme n'a pas été réinventé. Pour expliquer le succès du fascisme en Allemagne dans les années 1930, il faut prendre en compte le faible développement de la classe bourgeoise allemande par la rétention des reliques du féodalisme. L'irrationalisme de Schopenhauer dominant avait rempli la tâche d'empêcher l'intelligentsia de s'opposer à l'ordre social existant. L'irrationalisme atteint son objectif central : excuser indirectement le capitalisme ; ce qui est aussi le rôle de l'islamisme de nos jours, en particulier lorsqu'il est sponsorisé par l'impérialisme américain.

LE KANTISME OU CANTIQUE ANTIRACISTE

Lukacs rappelle que Voltaire détestait l'autoritarisme de l'Eglise catholique quand Nietzsche détestera l'égalitarisme du christianisme. Nietzsche prend le pari de l'athéisme mais pour contribuer à annihiler le socialisme ou son double le communisme. L'impérialisme en Allemagne est resté basé sur l'idéalisme de Kant ; à la manière de l'antiracisme actuel de la bourgeoisie qui lui tient lieu de morale. Avant 1914, l'intelligentsia s'affichait anticapitaliste mais généralement cela n'équivalait pas à un triomphe de la pensée socialiste. Après la révolution en Russie, s'est développée la bouillie culturelle qui produira le fascisme européen. Avec son « Déclin de l'Occident », Spengler a généré lui aussi une vision irrationnelle du monde. Selon lui tout était historiquement relatif.

Les mythes, souvent de type religieux, ont pour but de combattre principalement une menace : la menace prolétarienne ; le mythe islamiste joue assez bien ce rôle désormais avec sa prétention cosmopolite à envahir cultuellement le monde entier. Mommsen montre un aspect, généralement méconnu des ignares de l'antifascisme sans fascisme : les comportements élitaires et ésotériques (cf. Loge de Thulé), de la part de sectes de toutes sortes dans les années 1920. Le nazisme apparaît anti-religion mais son apparat et se défilés sont mis en scène comme toute procession religieuse.

La création des mythes fascistes, comme mépris de la culture bourgeoise classique, visait à répudier la raison au profit de l'intuition qui deviendra infaillibilité avec le führer. « Le cul-de-sac de la philosophie nationale socialiste est le point culminant de l'autodissolution de l'idéologie impérialiste allemande dans le vitalisme (Lebensphilosophie) ». L'obscurantisme féodal allemand avait réagi de façon intentionnelle face à la révolution française ».

Pendant longtemps il n'y avait pas eu un besoin particulier de la théorie raciale en Allemagne. Jusqu'à la seconde moitié du XIX ème siècle ; sous Bismarck, les Junkers prussiens avaient été sûrs de leur pouvoir au point de ne pas avoir à invoquer leur supériorité raciale comme ce qu'elle sera ensuite, une défense désespérée dans la décadence, où la théorie raciale aura pour but de combler le vide que Mommsen décrit.10

Gobineau écrivait du point de vue féodal aristocratique, mais paradoxalement, étant donné qu'il était impossible d'en revenir en France à la domination féodale ; contre donc ce que l'israélien Sternhell avait théorisé et qui sert encore à nos divers indigestes de la République. Gobineau était bien plus populaire aux Etats-Unis qu'en France. Il ne croyait pas à l'égalité des hommes et pensait que la race aryenne blanche était supérieure mais destinée à décliner. Pour Lukacs c'est ce qui différencie Gobineau de ses successeurs allemands Chamberlain, Hitler et Rosenberg, lesquels au contraire croyaient au maintien et à l'élévation de la race blanche au-delà des limites féodales de la théorie (débile) de la race, pour en faire une idéologie obscurantiste du « capitalisme monopolistique réactionnaire ». Le racisme de l'idéologie nationale-socialiste est typique de la décadence des années 1930. Mais ce que note Lukacs est plus subtil que ce que croit nos naïfs antifascistes sans fascisme : c'est la compréhension sympathique des intellectuels libéraux de l'époque, leur relativisme qui a contribué à la naissance de l'idéologie fasciste, sur la base d'un matérialisme ridiculement dogmatique et réducteur.

Lukacs souligne l'absence d'un développement démocratique allemand, contrairement à la tradition démocratique des autres pays occidentaux et le fait que l'irrationalisme y a dominé plus qu'en France.

Rédigeant son livre en 1952, pour ce qui concerne la fabrique initiale du national-socialisme, Lukacs insiste sur le rôle essentiel du capitalisme américain, pourtant pas encore dominant – ne pas oublier les liens traditionnels et particulier avec l'Allemagne qui y avait envoyé beaucoup d'immigrants - « L'originalité d'Hitler réside dans le fait qu'il a été le premier à appliquer des techniques de publicité américaine à la pratique de propagande en Allemagne. Ce qui réduit à néant toute tentative d'interpréter l'hitlérisme comme la renaissance d'une ancienne barbarie »11. « Ce n'est que sous l'angle de ces techniques publicitaires, cyniques et sans scrupules, que peut être décrite avec précision l'idéologue fasciste ».

Un nationalisme agnostique s'est développé en Allemagne à partir de Nietzsche avec comme résultat final une répudiation de la vérité objective. Au total, Lukacs, au faîte de sa maturité, pensait que l'espoir restait rationnel. Il lui a été reproché d'être resté à l'Est stalinien et de s'être compromis. Son œuvre reste bien plus impressionnante pourtant au bout du compte que celle des multiples intellectuels occidentaux défroqués qui se sont couchés dans l'idéologie bourgeoise libérale et cynique.

Certains ont voulu réduire Lukacs à ses premiers pas en politique, en se focalisant sur sa jeunesse avec un intérêt marqué pour les religions (mais qui ne connaît pas des étapes paradoxales dans sa vie?) pour finalement affaiblir son œuvre de la maturité. En 1978, Michael Löwy, devenu depuis grand philosophe du NPA multiculturaliste et certifié antiraciste, conseiller sacerdotal de Besancenot, fabriquait déjà un « anticapitalisme » à la demande, avec une pincée de mystique et avec l'oxymore « romantisme anticapitaliste » dans son doctorat d'Etat sur Lukacs, et comme si la contestation du rationalisme moderne était référentielle :

«En réalité ce retour à la religion du passé et en particulier au catholicisme et/ou la mystique du Moyen Age est un aspect un mouvement culturel global de contestation du rationalisme moderne de la société Industrielle urbaine de la quantification et de la mercantilisation des rapports sociaux mouvement qui n'est pas sans rapport avec le romantisme anti-capitaliste du début du siècle dernier en Allemagne Adam Müller Novalis etc. Mais la fin du début du XX ème siècle est surtout dans les milieux intellectuels notamment universitaires que se développe ce courant néo-romantique qui prend alors une dimension tragique parfois résignée parfois désespérée. Son thème récurrent est opposition entre culture et civilisation alors que Kultur définit un univers de valeurs religieuses spirituelles »12.

Le touche à tout Löwy rappelle un poncif de Max Weber que le capitalisme et la société industrielle se caractérisent par un désenchantement du monde. D'où le retour de la religion et la passion pour le mysticisme. Le chercheur hétérodoxe membre du NPA et d'Attac (et dont on ne sait de combien de sectes) s'ingénie à faire passer le jeune Lukacs pour un socialiste doublé d'un bigot, ou l'inverse : « La valeur ou absence de valeur éthique du socialisme dépend de son lien ou non avec une certaine forme de religiosité ».Il en rajoute une couche pour mieux fixer la formation du jeune Lukacs : « La Kultur la Gemeinschaft la religion et le socialisme apparaissent ainsi dans la vision du monde du jeune Lukacs comme des vases communicants comme des substances spirituelles associées par une affinité élective qui opposent radicalement au monde plat banal entzaubert de la société bourgeoise Le lien entre la critique éthico-culturelle du capitalisme et la nostalgie de Eglise médiévale apparaît déjà très explicite ment dans le romantisme allemand du début du siècle notamment chez Novalis ». Il répand autant sa culture qu'il s'étale sur l'admiration « messianique » de Dostoïevski, mais ne peut réduire Lukacs à être resté une grenouille de bénitier passé au marxisme en ligne directe : « Bien entendu cette religiosité mystico-messianique de Lukacs avait peu de chose en commun avec la religion au sens habituel du mot elle pouvait la limite se présenter sous la figure de athéisme un des passages les plus révélateurs de ce cahier de notes sur ou propos de Dostoïevski ».

L'explication religieuse d'un chemin linéaire avec l'engagement marxiste révèle déjà en 1978 chez un intellectuel trotskien de l'élite culturelle les linéaments de l'islamo-gauchisme qui imaginent gagner à la révolution les islamistes... nihilistes et irrationnels : « il est nullement étonnant que la Révolution russe octobre 1917 lui apparaisse comme accomplissement de cet espoir messianique ardent et comme le début de la fin de la période du péché accompli ».Löwy a le culot de faire passer l'abandon de la problématique religieuse dans la pensée de Lukacs comme cause de son passage au stalinisme, et son rejet de Dostoïevski comme réactionnaire finalement.

L'irrationalisme nazi

Revenons à l'article « La décomposition de la bourgeoisie à partir de la fin du XIXe siècle », Hans Mommsen va mieux préciser l'irrationalisme (et l'occultisme) qui caractérise le nazisme :

« De fait, à la fin de l’ère de Weimar, les bases sociales de la bourgeoisie comme formation socioculturelle relativement homogène étaient désormais des coquilles aussi vides que les valeurs et les modes de vie qui la caractérisaient. Malgré tous ses efforts, la tradition de la culture ne put imposer l’intégration, et elle s’engagea bien davantage sur le terrain glissant des aspirations völkisch et nationalistes.

Le nouveau culte des « sciences de l’esprit »(Geisteswissenschaften) et l’outrecuidant détournement élitiste et politique de la tradition idéaliste en une critique globale de la prétendue « société de masse », le triomphe d’un mythe du Führer et d’une harmonie nationaliste dépassant le relativisme moral, s’inscrivent dans le même contexte

L’aspiration à une communauté nationale (Volksgemeinschaft) où régnerait l’harmonie sociale ne pouvait que difficilement se substituer à une société bourgeoise culturellement et économiquement solide. L’irrationalisme politique reflétait le sentiment de crise qui dominait dans la bourgeoisie depuis la fin du siècle. Victime de son désir de s’affirmer en tant que « classe », la bourgeoisie devint le jouet d’une manipulation mûrement réfléchie de son ressentiment »13.

« Cette évolution était sans doute inévitable. Tous les pays occidentaux semblent avoir traversé une profonde crise interne, provoquée par la décomposition de la tradition libérale et par la perte de légitimité du parlementarisme libéral. En Allemagne, elle fut plus précoce et plus violente qu’en France ou en Angleterre, mais bien plus tardive que dans les Etats orientaux de l’Europe centrale, ce qui lui conféra un bien plus grand pouvoir destructeur. Le développement des structures de la société industrielle l’empêcha de basculer dans la dictature autoritaire (mais elle y a eu droit par après quand même, cf. JLR). Cela s’explique peut-être par la faiblesse de la couche bourgeoise qui, prisonnière de représentations politiques rétrogrades, devint une étrangère dans la République parlementaire et jugea vains tous les efforts de cette dernière pour prendre en compte ses intérêts. Carl Goerdeler illustre de façon exemplaire sa résistance à Hitler. La revendication, pour lui centrale, d’une restauration « de la correction et de l’ordre » (Anstand und Ordnung) était une formule bourgeoise. Dans le contexte de l’époque, elle ne pouvait – et de loin – suffire à donner une base assez large au coup d’Etat. La tragédie de la politique bourgeoise dans la situation créée par le Troisième Reich s’exprime bien dans cet exemple ».

L'historien Mommsen explique le mieux le nazisme par le phénomène constitutif de la décadence, la décomposition :

« Tous les pays occidentaux semblent avoir traversé une profonde crise interne, provoquée par la décomposition de la tradition libérale et par la perte de légitimité du parlementarisme libéral. En Allemagne elle fût plus précoce et plus violente qu'en France ou en Angleterre, mais bien plus tardive que dans les Etats orientaux de l'Europe centrale, ce qui lui conféra un bien plus grand pouvoir destructeur ».En outre il faut y ajouter l'irrationalisme :

« L'Allemagne est encore le pays 'classique' de l’irrationalisme, le sol où il a évolué de la manière la plus diversifiée et complète et peut donc être étudié pour le plus grand profit, tout comme c’est en Angleterre que Marx a enquêté sur le capitalisme ».

« Mais avec l’irrationalisme quelque chose d’autre, quelque chose de plus est. L'irrationalisme est simplement une forme de réaction (réaction au sens double du secondaire et de rétrograde) au développement dialectique de la pensée humaine. Par conséquent, du côté réactionnaire, toute crise majeure de la pensée philosophique en tant que lutte socialement conditionnée entre des forces naissantes et en décomposition produit des tendances auxquelles nous pourrions appliquer le terme 'irrationalisme'. La question de savoir si l’emploi général de ce terme aurait un but scientifique est, nous l’admettons, discutable. D’une part, il pourrait donner l’impression fausse d’une ligne uniformément irrationaliste dans l’histoire de la philosophie, comme l’irrationalisme moderne a en fait essayé de donner. D’autre part, l’irrationalisme moderne, pour des raisons que nous sommes sur le point d’énoncer, a de telles conditions d’existence spécifiques découlant de la particularité du capitalisme ».

Les religions sont l'irrationalisme par excellence. Elles ont accompagné le développement capitaliste sans jamais le contrarier. Elles sont toujours bousculées, remises en cause ou négligées lors des grandes révoltes sociales. Il est notable que la « révolution conservatrice » ait pu s'en passer, allant toutefois jusqu'à massacrer les tenants de la religion judaïque et les Témoins de Jéhovah. Depuis la fin de la seconde boucherie mondiale le capitalisme s'est bien gardé de se passer des religions. Elles garantissent presque toutes la paix sociale et l'oppression qui va avec. L'historien Mommsen, lui, insiste pour dire, que en vérité depuis l'Etre suprême mal fagoté et dérisoire de Robespierre, la bourgeoisie a été incapable de se débarrasser de l'illusion/aliénation religieuse. Parce qu'elle est creuse comme une citrouille, comme la religion d'ailleurs. Mais c'est mon avis et je le partage.

LE RACISME A TOUJOURS MAILLE A PARTIR AVEC LA HIERARCHIE SOCIALE

Il fait remonter les débuts de la théorie raciale au XVIIIe siècle où la noblesse instituait l'inégalité de rang comme provenant d'une inégalité naturelle de l'espèce humaine. Dès le début du XVIIIe siècle, le comte de Boulainvilliers écrivit un livre (1727) dans lequel il tenta de prouver qu’en France, la noblesse représentait les descendants de la vieille classe dominante franque, alors que le reste de la population était héritier du sujet Gaulois. C’est pourquoi deux races qualitativement différentes s’affrontaient, et la seule façon d’abolir la supériorité des Francs serait de détruire leur civilisation. Ainsi sont nées, en particulier en Allemagne, les diverses théories 'organiques'. Puis bien plus tard : « ce sont les "savants" fascistes qui ont progressivement remis à la mode ces ancêtres ». En 1855, par exemple, à Magdeburg, un professeur appelé Karl Vollgraf avait publié un travail sur la race, théorie qu’il serait difficile de classifier aujourd'hui comme livre de référence.  La raison en est qu’en Allemagne, le développement de la réaction après l’écrasement de la révolution de 1848 n'avait pas nécessité une invocation de la supériorité raciale des Junkers féodaux (comme je l'ai déjà noté plus haut).

Hitler, alors qu'il n'était pas encore shooté, a exprimé l’opinion suivante sur l'utilitarisme du racisme : « 'La "nation" est une expression politique de la démocratie et du libéralisme. Les fascistes l’ont proclamé comme l’une des parties les plus importantes de leur doctrine et ont même mis en place des départements « scientifiques » spéciaux pour l’étudier. .Nous devons nous débarrasser de cette fausse construction et la remplacer par l’idée raciale, qui n’est pas encore véhiculée politiquement [...] Je sais très bien... qu’il n’y a pas de race au sens scientifique... En tant que politicien, j’ai besoin d’un concept qui nous permette d’abolir les fondements historiques antérieurs et de les remplacer par un ordre complètement nouveau, antihistorique, et de mettre cela sur une base intellectuelle. Leur tâche était de détruire les frontières nationales. Le socialisme peut faire sa révolution et renverser le monde »14. Au bout du compte, il est clair que pour Hitler, la théorie raciale n’était qu’un prétexte pour rendre attrayante et plausible pour les masses une conquête complète, une subjugation de l’Europe et la destruction des peuples européens en tant que nations distinctes. L'idéologie était donc étroitement liée à la théorie raciale, laquelle fût mise sous le boisseau pendant plusieurs années après la défaite du nazisme.

L'imposture décoloniale et l'extension du domaine antiraciste

Je reprends ici le titre du dernier livre de notre principal veilleur de nuit Pierre André Taguieff15, de la connerie indigeste de la République où l'intellectuel (le) décadent (e) cumule tout ce que nous avons égréné finalement au long de cet article : idéalisme bourgeois, anticapitalisme romantique et antiracisme idéaliste. Il y manque deux idées sur lesquelles je reviendrai : l'origine idéologique de cette mode antiraciste et sa fonction première. (stal et lutte des races)

Haine de l'Occident, racisme d'Etat, racisme systémique, propagande néoféministe, racisme retourné, réduction de la lutte antiraciste à la lutte contre « l'islamophobie », racialisation des questions historiques mêlé au catastrophisme écolo-bio, etc. L'auteur nous invite à la sinistrose de la messe « décoloniale », islamo-gauchiste et tout ce que vous voudrez comme qualificatifs en double et invention conceptuelle sous forme de marketing militant pour empêcher de penser sérieusement. Il est comique de constater que les petits enfants des acharnés dénonciateurs de l'Oncle Sam dans les sixties, le colosse colonisateur US qui massacraient les petits enfants vietnamiens, prennent leurs devoirs et rhétorique antiraciste sur les campus californiens.

L'antiracisme est le nouveau politiquement correct, le sésame pour brevet anticapitaliste mais à condition d'accepter d'être racisé comme blanc. A chacun son tour. Avec le piston d'une telle il est possible d'accéder au grade d'indigène.

Taguieff nous décrit par le menu toutes les strates de la victimologie de l'intersectionnalité, plurisouffrances des offensés et opprimés pour leur couleur de peau, mais qui l'invoquent comme un trophée et une parure révolutionnaire.

Après relecture je m'aperçois qu'il ne manque rien pour analyser et prendre en pitié l'imposture décoloniale et racialiste, mais sans mettre l'accent sur les deux questions les plus explicatives de cette dégénérescence d'une politique contestataire en charlatanisme communautariste et néo-hippie.

Les deux questions qui demandaient à être mise en relief ne le sont pas : l'héritage de la faconde stalinienne et de cette bouillie politique , et la conceptualisation réchauffée d'une nouvelle « lutte des races ». L'auteur aborde le premier aspect, trop incidemment, seulement en page 105 : « Après la faillite des professionnels de la cause prolétarienne, on a assisté au surgissement d'une nouvelle catégorie d'intellectuels « révolutionnaires » : ceux qui se proclament eux-mêmes les porte-parole autorisés de telle ou telle « minorité » supposée « opprimée », voire de toutes les « minorités » en raison de la formule magique qu'est l'intersectionnalité ». C'est passer un peu vite sur ce phénomène de succession au stalinisme défunt, car la petite bourgeoisie bobo en couleur peut bien mépriser la classe ouvrière (surtout blanche et raciste) mais peut toujours se gratter si elle en venait à vouloir prétendre parler en son nom, au cas où il s'avèrerait qu'elle est encore révolutionnaire ou en tout cas déstabilisatrice du pouvoir bourgeois. Ce n'est pas le souci de Taguieff de développer plus sur le vide laissé par le stalinisme. Et pourtant il y aurait un autre livre à écrire, à la fois sur la division instaurée par tous ces Tartuffe, même en tapisserie derrière la vraie lutte sociale, entre ouvriers non plus conçus comme membres d'une même classe indépendamment de leur couleur de peau ou d'origine, mais comme races d'ex-colonisés et de putains de fils ou petits fils de colonialistes. Cet universalisme racial dont ils se targuent est aussi universaliste que le discours nazi, sauf qu'ils sont incapables de disposer d'une armée avec tanks et canons, et qu'ils sont aussi terrorisants que des clowns de cirque avec faux-nez.

Taguieff évoque aussi un peu trop rapidement la période des libérations nationales, -qu'il qualifie avec humour de « marxisme racialisé » - série d'échecs nationalistes pour la théorie tiers-mondiste et cruelle déception pour la classe ouvrière de ces pays, interdiction (néo-stalinienne) de les disqualifier comme farces nationalistes (cf  la mère Vergès sans dignité politique, page 275). Universitaire du CNRS il se fiche de savoir les termes du débat et du combat que les divers groupes prolétariens maximalistes ont mené contre cette imposture faussement libératrice sous la coupe des grandes puissances en compétition. C'est bien gentil d'évoquer Fanon, Guevara, Debray, Césaire, Angela Davis (avec de nouveaux pitres plastronnant comme le Blanchard si bien nommé), mais tous ces gens ne laissent que des posters et des ouvrages inutiles à la véritable lutte des classes. De plus, par contre ils servent de totems à tous ces imposteurs décoloniaux déconnant16. Taguieff reste sur le terrain des bobos parisiens, de l'université où on se fiche qu'ils portent une plume au cul ou un voile islaminguant, et que Assa Traoré se laisse pousser les cheveux sur les fesses pour passer à la télé ; le pays qui tue le plus de noirs vient se ficher de la France sans vergogne17.

Il ne se soucie pas de l'extension du domaine antiraciste et de l'islamopholie. C'est malheureusement sur le lieu de travail que sont portées ces théories délirantes, avec la contribution du NPA, de LFI, de la CGT. Je me contente d'un entrefilet pour ce soir, mais maints autres exemples peuvent être ajoutés pour confirmer le sabotage de l'unité de classe :

« Noyautage syndical : Ailleurs, c’est Force ouvrière (FO) qui est accusée d’accueillir les radicaux excommuniés ailleurs. A Roissy-Charles de Gaulle où plus de 70 employés (sur 85 000) étaient soupçonnés d’une pratique radicale de l’islam, les contrôles seraient réguliers et les personnes souvent changées de service par mesure de prévention. En 2015, la CGT avait dénoncé une tentative de noyautage islamiste des syndicats de l’aéroport. Enfin, selon le JDD (23 novembre 2015), un employé, en moyenne chaque semaine, se voit refuser l'accès aux sites nucléaires en raison d'une radicalisation islamiste. A l’occasion d’un haut comité à la sûreté nucléaire, le haut fonctionnaire de défense, a confirmé les faits. (Marianne)

A l’inverse Christophe Malloggi, secrétaire général FO à Air France, s’en défend : « La CGT a joué à un jeu dangereux en portant des revendications ultra-communautaires par souci de plaire, avec des erreurs de casting. Cela n’a pas sa place chez nous. Nous restons laïques. » Les syndicats sont d’autant plus gênés que ce sont les grands bastions syndicaux qui sont les plus affectés. La RATP observe une multiplication d'incidents liés à la religion ».

Enfin deuxième aspect que Tafguieff ne développe pas, l'héritage de la rhétorique stalinienne et trotskienne. La pensée par clichés était surtout typique des stalino-trotskiens et des maoïstes. On retrouve le même terrorisme verbal des militeux piteux de l'époque des Marchais et Duclos, des idiots lambertistes, etc. L'anti-occidentalisme était aussi une chanson stalinienne. La défense du prédateur Ramadan par ce monde glauque des antiracistes hystériques mais fait penser à un type de l'EDF qui avait abusé d'une gamine et que toute la section syndicale était venue soutenir au tribunal en arguant qu'il « aimait le sexe ». Toutefois il ironise sur l'opposition « science blanche » et « science décoloniale » page 237, qui sent le Lyssenko à pleines narines ! L'activiste délateur aussi page 243.

Le stalinisme se faisait passer aussi pour « internationaliste ». Page 185 en note on peut lire la merde que peut débiter un racialiste CGT-ethnique ; ces sbires syndicrates ne se contentent pas de saboter les grèves mais en plus de les raciser ! Page 196 on découvre comment à la manière des brutes staliniennes de naguère cette engeance racialiste empêche les réunions des décrétés « mal-pensants ». Page 205 Taguieff donne un schéma de la mue intersectionnelle qui confirme la déliquescence du stalinisme comme fosse à purin islamo-gauchiste. Avec le même caméléonisme de l'ancien trotskisme, on maquille le racialisme dans un imaginaire « post-national », non que la nation soit finie, mais parce l'idéologie américaine leur a fabriqué un messianisme qui fonctionne comme le disque rayé de tous les discours militants.

J'en profite pour saluer le gouvernement d'avoir dissous la mafia du CCIF. Le NPA qui est devenu illisible car envahi systématiquement par les discours racialistes et le soutien aux pires propagateurs de l'islamisme avec une tonalité de recruteur de mômes imberbes, devrait être mis en examen pour pédophile politique et si, entre-temps, il contient encore des têtes sensées fidèles au meilleur Trotski et encore intéressés par la lutte de classe, qu'ils réalisent l'implosion tant désirée en catimini et qu'ils se barrent au plus vite.

Je suis OK avec la conclusion de Taguieff sur l'aspect toxique de ces dégénérés de l'imposture décoloniale qui prolifèrent (surtout au détriment du prolétariat selon moi) « car le terrorisme intellectuel d'aujourd'hui est aussi alimenté par un néo-féminisme devenu fou ». Taguief a enfin oublié de qualifier cette imposture. Elle est irrationnelle comme le reste, islam à la mode et tueurs sauvages.



NOTES



1Site du CCI, début novembre.

2Ibid.

3On peut lui attribuer la Rolex en plastique de la gouvernance irénique primaire : « Une règle d'or devrait être de ne jamais utiliser la police et la gendarmerie pour résoudre des problèmes politiques et sociaux en pratiquant la stratégie du pourrissement. Un tel usage de la force publique affaiblit l'autorité du commandement sur les forces de l'ordre et celle de la police sur les citoyens. Or depuis des années, on en abuse de plus en plus. C'est une situation d'autant plus dangereuse pour l'autorité de l'État et l'ordre social que les voyous et les casseurs ultraviolents tirent eux leur épingle du jeu » (in Le Point) . Dire qu'en 2017 il voulait abandonner la politique. Il eût mieux fait !

4En particulier le petit NPA qui fait surtout beaucoup de bruit antiraciste pour recruter en milieu lycéen et étudiant. Organisateur de la dernière manif du samedi – avec deux CRS pour un manifestant – les quelques centaines n'étaient pas pourtant encartés par cette secte, d'autres sectes petites bourgeoises étaient du lot, végans, les petits rigolos d'Extinction Rebéllion, etc.

5Cf. le CCI, Courant communiste international, que nous nommerons ainsi désormais pour laisser de côté le ridicule des sites bancaires ou immobiliers.

6Combien de temps dure la décomposition d'un corps humain?

La décomposition dépend de l'environnement. En extérieur, il faut compter entre six mois et un an pour que les larves et les animaux dégradent un cadavre. Dans un appartement, cela prend entre un et deux ans. Dans ce cas, le corps va d'abord se momifier avant de devenir squelette. Et s'il y a une ouverture dans la pièce, les mouches peuvent pondre sur le corps et ce sont les larves qui dégradent le cadavre.

7« Si, en évaluant Hitler, nous mettons l’accent uniquement sur ses faibles rférences intellectuelles et morales... une telle évaluation est correcte. Mais c’est encore une fois la nécessité historique qui a provoqué l’abaissement des normes. C’est une descente abrupte de Schelling et Schopenhauer — via Nietzsche, Dilthey, Spengler, etc. — vers Hitler et Rosenberg.

 Georg Lukács (trad. Peter Palmer), The destruction of Reason [« Die Zerstörung der Vernunft »], Londres, The Merlin Press, 1962 (réimpr. 1980 mais ni publié ni traduit en France car trop critique de l'idéologie américaine dominante), p. 751-752. Je dispose d'un exemplaire, qui n'en veut ? Cahiers Spartacus ? Les éditions Smolny ?

8Lukacs n'a pas peur de démystifier l'aura étendue de Schopenhauer, admiré par une foule de philosophes de Freud à Sartre, et Nietsche évidemment.

9 En traduction automatique assez fidèle ici : The Destruction of Reason by Georg Lukacs 1952 (marxists.org)

10« De fait, à la fin de l'ère de Weimar, les bases sociales de la bourgeoisie comme formation socioculturelle relativement homogène étaient désormais des coquilles aussi vides que les valeurs et les modes de vie qui la caractérisaient. »

11En effet nombre d'historiens bourgeois ayant tenté de le faire passer pour un retour du féodalisme, voire un système « anti-capitaliste ». Dans son article « La décomposition de la bourgeoisie à partir de la fin du XIX ème siècle », Mommsen dit la même chose : « L'interprétation si répandue du nazisme comme fossoyeur de la bourgeoisie – qui s'appuie sur des citations tirées en général des Conversations de Hermann Rauschning avec Hitler – est erronée ». « En privé les satrapes imitèrent le style de représentation de la grande bourgeoisie ».

12Idéologie révolutionnaire et messianisme mystique chez le jeune Lukâcs (1910-1919) :

13Nota bene : on retrouve aussi ici, il y a 70 ans, la perte de contrôle d'un système que d'aucuns qualifient comme en faillite alors qu'il est en décadence, ce qui n'est pas la même chose. La faillite peut entraîner de rapides réactions quand la décadence peut durer longtemps.

14Entretien avec Hermann Rauchning.

15Aux éditions de l'Observatoire et pas chez Gallimard ni aux éditions islamo-gauchistes La Découverte, ni chez Hazan de la fabrique insurrectionnelle en carton pâte. Le livre est difficile à trouver, voire inexistant sur le web.

16Les milliardaires du foot sont aussi gagnés par l'islamo-gauchisme, comme l'a montré l'incident stupide avec le qualificatif de « negru » mal pris par un joueur qui avait dû fumer du shit. Goldnadel: «L’imposture des footballers “antiracistes”» (lefigaro.fr) Griezmann, s'est cru autorisé à apporter son soutien aux musulmans chinois, sans doute pour complaire à Benzéma.

17Assa Traoré a reçu en juin 2020 le BET International Global Good Award. Commentaire journalistique : « elle se voit ainsi saluée par la communauté afro-américaine pour son engagement contre les violences policières et dans les mouvements antiracistes ». La cérémonie consacre de manière générale des Afro-Américains ou des individus issus d'autres minorités ethnique ayant brillé dans divers domaines de divertissement. Toujours cette année en novembre, bis ! Elle est désignée « Guardian of the year » par le magazine Time ». C'est la pitié qui se fout de la charité !