PAGES PROLETARIENNES

mardi 27 août 2019

URGENCE CLIMATIQUE OU URGENCE DE LA GUERRE MONDIALE ?


(Une crise de perspective PRELUDE A LA GUERRE des bonapartistes ?)

« Tout gouvernement actuel devient, nolens-volens, bonapartiste. » Engels à Sorge (12 avril 1890)
«Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu ». Macron l'écolo patenté.
« Il faut prier pour que, grâce à l'engagement de tous, ces incendies soient éteints le plus vite possible ». Le pape
"L’acte II, c’est répondre à un certain nombre de peurs" a lancé Édouard Philippe, évoquant le sentiment général d'une "perte de contrôle" sur le fonctionnement du monde, le développement technologique, les violences…
Edouard Philippe (juin 2019)

Heureusement il n'est question que d'incendies de forêt et non d'un immense incendie social mondial. Passons à la salle des commandes. Pour nombre de commentateurs autorisés nous vivrions une perte de contrôle des Etats, et pour notre secte chérie, le CCI1, cette perte de contrôle serait désormais le principal stigmate de la décadence du capitalisme (dans sa phase de décomposition), déjà constatée par l'Internationale communiste il y a cent ans exactement cette année ! C'est pourtant bien une impression contraire que j'éprouve en subissant comme vous tous une inédite et intense propagande écologique hors de proportion, avec cette tonalité lancinante millénariste : « il nous reste dix ans pour sauver la terre »2. Tu parles Charles !3 C'est sous la rhétorique de l'urgence climatique comme jugement définitif que s'est tenue la comédie cyclique du G7, peu après une intense campagne mettant en selle une pucelle névrosée, après tant de rigolos écologistes européens intronisés prophètes annonçant la fin du monde. Perte de contrôle certainement pas4. Les Etats modernes n'ont jamais aussi bien contrôlé et parqué la population mondiale. On assiste
plutôt au énième maquillage des classes. Sous couvert de dénonciation des élites et de leurs scandales sexuels on esquive la mise en cause de la bourgeoisie, même si le laissez-faire prend en effet des allures de laisser-aller. C'est une des grandes leçons de la terrible guerre civile espagnole, comme l'avait si bien souligné naguère Jean Barrot : l'Etat ne disparaît pas, il se déguise. La référence à l'écologie comme panacée et seule perspective pour l'humanité se sent gonfler les chevilles de la mère Ségolène Royal à Ruffin. En France ira-t-on vers un nouveau Front popu prélude à la guerre ? Quand Yannick Jadot, qui se croit parvenu aux portes du pouvoir, a serré la paluche à Toulouse à Ruffin, il s'est entendu répondre : «Je suis favorable à un front populaire écologique, ça ne se fait pas tout seul de toute façon, ça se fait ensemble», «Toulouse c'est la ville de Jean Jaurès, qui a été le grand unificateur du socialisme français. Je pense que ça serait dommage qu'il y ait deux partis comme EELV et La France insoumise qui se retrouvent à Toulouse et qu'il n'y ait pas des moments où ils discutent ». Tous ceux qui vivotent au milieu de ces philistins ou sous la pression de l'opinion petite bourgeoise ne comprennent rien à rien et ne voient rien venir.

LE DELIRE CLIMATIQUE

Greta Thunberg5, que voilà une récente trouvaille suédoise, made in « étincelle du mouvement des
jeunes pour le climat », selon les mots du députaillon de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin6.
L’adolescente de 16 ans, fabriquée égérie médiatique de la lutte contre le changement climatique - qui ne fait qu'ânonner les thèses américaines de "Gaïa", c'est à dire une écologie fondée sur la communication, le catastrophisme - a été invitée à l’Assemblée nationale par 162 députés membres du collectif transpartisan « Accélérons la transition écologique et solidaire », comprenant en majorité énamourée de la pucelle écolo la gauche bobo et mégalo ; heureusement que les députés de droite ont dénoncé cet infantilisme et cette manipulation grossière, sauvant une certaine dignité politique7. Dans le monde entier il faut le constater de manière navrante, la bourgeoisie bonapartiste s'est arrogé le messianisme prolétarien : sauver le monde ce sera une planète propre, sainement écologique. Le prolétariat n'étant qu'une ancienne pollution à rééduquer.
Voici encore un sommet du G7 qui offre, en outre, un boulevard aux militants alter-anti-mondialistes désireux de criminaliser la montée des populismes « xénophobes », accessoirement de dénoncer le « capitalisme destructeur » ou de fustiger le bling-bling (les élites) de ce rendez-vous. Les barricades des gauchistes black blocs et de leurs nouveaux comparses en vestes jaunes encadrés par un aussi spectaculaire déploiement de forces de l’ordre, de Bayonne à Biarritz, autorisent le spectacle de la contestation intégrée aléatoirement mais obligatoirement pour qu'on s'intéresse à ces réunions de happy fews (qui pourraient très bien être organisées en secret). La petite bourgeoisie plouque peut y trouver son compte, la contestation du Mercosur ne s'use que si l'on s'en sert pour défendre les productions du terroir national8.
« Le poumon de la planète est en feu", a-t-on pu lire, partout sur les réseaux sociaux. "L'Amazonie, le poumon de notre planète, produit 20% de notre oxygène", a tweeté l'impayable Macron. Des centaines d'incendies grignotent l'Amazonie, depuis plusieurs semaines, mais comme chaque année sans que cela ne soit relevé d'ordinaire. L'affolement mimé permet de diaboliser le président pipole « facho » Bolsonaro (pourtant très aimé des masses brésiliennes malgré ses limites intellectuelles) , avec deux fakes new : l'Amazonie n'est pas le poumon principal de la planète et il y a moins de feux que naguère avec la politique de déforestations9. Les clichés de la gauche bourgeoise ont la vie dure et leur intériorisation mentale n'est pas prête à être guérie.

PERTE DE CONTROLE DE L'ETAT OU DESENGAGEMENT EN VUE DE LA CONFLAGRATION ?

On nous prédit un nouveau crash comparable à 2008 pour les mois à venir10. La prospérité de la Chine bat de l'aile. Des bruits de bottes nucléaires se font entendre. Un langage menaçant très belliciste prédomine dès qu'il est question de l'Iran. Un Alain Minc s'inquiète qu'il n'y ait pas un nouveau Keynes ou un Friedman pour inventer de nouvelles solutions à la crise capitaliste11. L'économie pantelante du capitalisme va-t-elle à nouveau nous faire basculer dans la guerre mondialisée ? Episodiquement impossible de ne pas évoquer une nouvelle guerre mondiale dans telle
gazette, mais tout cela ne peut être sérieux pense la ménagère de la « couche moyenne ». Impossible pourtant selon moi de ne pas relier cette supposition à l'invraisemblable bourrage de crâne écologique – non pas que je sois un primaire climatosceptique, quoique très sceptique quand même – qui n'est autre qu'une vaste campagne pacifiste destinée à la planète entière en même temps qu'un appel à sauver « tous ensemble », toutes classes confondues, la planète de l'effet de serre qui sert si bien à renouveler l'industrie automobile et à conscientiser la population en faveur du ramassage spontané des mégots du prolétaire alcolo du coin et client de la malbouffe Lidl.

Sans doute allez-vous penser que j'extrapole ou que je déconne, mais j'ai fait partie de ceux qui pensèrent que les attentats de New York avaient visé à déclencher la troisième guerre mondiale, et je fais encore partie de ceux qui pensent qu'elle est à l'horizon... pour sauver la planète ! Je me suis donc penché sur la préparation de type millénariste des deux précédentes. Le soi-disant désengagement de l'Etat de la sphère économique n'étant qu'un redéploiement politique dans une compétition plus sournoise, celle du militarisme.

LE CONDITIONNEMENT MENTAL DES POPULATIONS LORS DES DEUX DERNIERES

Relisons notre cher Georges Haupt : « En juillet 1914, la guerre apparut comme étrangère au mouvement ouvrier. La réunion du B.S.I. du 29-30 juillet 1914 révéla que les dirigeants étaient
convaincus que la guerre était impossible et que la crise connaîtrait une issue pacifique. D’ailleurs, six ans après cette réunion, Kautsky écrit: «Il est étonnant qu’aucun d’entre nous, qui étions là-bas, n’ait eu l’idée de poser la question: que faire si la guerre éclate avant [le congrès international prévu pour août 1914 à Vienne]? Quelle attitude les partis socialistes ont-ils à prendre dans cette guerre?». A cet aveu de Kautsky au lendemain d’un désastre qu’il n’avait pas prévu, on pourrait ajouter une remarque plus générale sur les rapports entre l’idéologie et le réel, ce réel qui opposait sans cesse sa complexité déroutante à la limpidité de la doctrine, qui prenait un malin plaisir à déjouer les prédictions les plus brillantes de Kautsky. Il fut l’un de ceux qui donnèrent corps après le congrès de Bâle [1912] à la nouvelle doctrine de l’Internationale, issue d’une interprétation des tendances de l’impérialisme que l’on estimait désormais pacifiste ».

« Dans cette même théorie de l’impérialisme formulée par Kautsky et Bauer, la révolution n’avait plus sa place. Certes, dans l’arsenal de la propagande revient comme une menace permanente l’avertissement aux gouvernements que Jaurès formule en ces termes: «La guerre sera le point de départ de la révolution internationale.» Dans la griserie du verbalisme, on laissait planer l’ambiguïté sur la notion et les modalités de cette «révolution» évoquée publiquement en pleine crise, lors de la réunion du Cirque royal de Bruxelles, le 29 juillet 1914, par Jaurès aussi bien que par Haase: «Que nos ennemis prennent garde. Il se pourrait que les peuples indignés de tant de misère et d’oppression s’éveillent enfin et établissent la société socialiste.»
Les dirigeants de l’Internationale étaient-ils prisonniers de leurs propres mythes? Ou bien était-ce encore une manifestation classique de ce trait caractéristique de la IIe Internationale: un radicalisme verbal qui camouflait une praxis réformiste? On ne saurait donner à cette question une réponse tranchée. Il est évident, pour citer Max Adler, que «la croissance rapide de la social-démocratie dans les dix dernières années avant la guerre ne signifie nullement un renforcement de son caractère révolutionnaire. Bien au contraire: sous les deux directions principales de son activité, on remarquait une baisse de niveau inquiétante et une adaptation à l’ordre social du capitalisme.» Mais si la majorité avait enterré le projet de révolution, ou plus précisément si, selon la formule d’Otto Bauer, «la praxis réformiste du présent était alliée à des principes révolutionnaires pour le futur», un futur indéterminé, nombre de dirigeants socialistes étaient convaincus que, se sentant menacée à mesure de la croissance du mouvement ouvrier, la bourgeoisie éprouvait une peur de la révolution qui serait un facteur important d’équilibre. Or, comme le remarquait G. Sorel en parlant de la métamorphose du socialisme au début du XXe siècle: «Une politique sociale fondée sur la lâcheté bourgeoise, qui consiste à toujours céder devant la menace de violences, ne peut manquer d’engendrer l’idée que la bourgeoisie est condamnée à mort et que sa disparition n’est qu’une affaire de temps.»

Et c'est l'exceptionnel Lénine qui voit le plus clair : « Il ne faut pas se contenter d’en chercher les raisons dans le réformisme, dans l’opportunisme où s’était engluée l’Internationale et que Lénine mit au premier plan de sa condamnation d’août 1914. Il devait lui-même, huit ans plus tard, signaler dans les directives adressées à la délégation soviétique qui se rendait à la conférence de La Haye: «A propos de la lutte contre le danger de guerre, je pense que la plus grande difficulté est de vaincre le préjugé que c’est là une question simple, claire et relativement facile. “Nous répondrons à la guerre par la grève ou la révolution”, voilà ce que disent généralement à la classe ouvrière les leaders réformistes les plus en vue. Et, très souvent, le radicalisme apparent de ces réponses satisfait, tranquillise les ouvriers, les coopérateurs et les paysans. Peut-être la démarche la plus juste serait-elle de commencer par réfuter cette opinion de la façon la plus catégorique: déclarer que surtout maintenant, après la guerre récente, seuls les gens les plus sots ou les menteurs avérés peuvent assurer que pareille réponse à la question touchant la lutte contre la guerre a quelque valeur; déclarer qu’il est impossible de “répondre” à la guerre par la grève, de même qu’il est impossible de “répondre” à la guerre par la révolution au sens littéral, le plus simple de ces expressions.»
En 1922, il est plus explicite et sans illusions :«Il faut expliquer aux gens la situation réelle, combien est grand le mystère dont la naissance de la guerre est entourée et combien l’organisation ordinaire des ouvriers, même si elle s’intitule révolutionnaire, est impuissante devant une guerre véritablement imminente. Il faut expliquer aux gens, de la façon la plus concrète, comment les choses se sont passées pendant la dernière guerre et pourquoi il ne pouvait en être autrement. Il faut expliquer notamment l’importance de ce fait que la question de la “défense de la patrie” se pose inévitablement, et que l’immense majorité des travailleurs la tranchera inévitablement en faveur de sa bourgeoisie.»
Il faut faire un peu de psychologie : «  «Reconnaître en théorie que la guerre est un crime, que la guerre est inadmissible pour un socialiste, etc., ne sont que des paroles vaines parce qu’il n’y a rien de concret dans cette façon de poser la question. On ne donne aux masses aucune idée réellement vivante de la manière dont la guerre peut devenir imminente et éclater.» La presse bourgeoise a bien compris cette carence, qu’elle a utilisée pour la mise en condition psychologie des masses. «Peut-être que le principal moyen d’entraîner les masses à la guerre, écrit Lénine, c’est justement ces sophismes de la presse bourgeoise; et ce qui explique surtout que nous n’examinons pas d’avance ces sophismes, ou bien, chose plus grave encore, nous les éludons par des phrases banales, vaniteuses, et absolument vides de sens.»
Les sophismes écologiques pacifistes actuels ne sont-ils pas du même ordre de bourrage de crâne qui peut créer l'effet de surprise et la paralysie en se retournant brutalement un beau jour ?

Continuons avec Henriette Roland-Host en 1915 : « «La guerre mondiale actuelle a démontré que non seulement l’internationalisme n’était pas aussi profondément ancré dans le prolétariat que nous le croyions il y a dix ou douze ans, mais surtout que ce principe demeure comme tout autre impuissant en face des sentiments, des ambiances, des tendances et des émotions qui surgissent de l’inconscient avec une force irrésistible, même si l’intérêt lucide est du côté du principe.»
Ces « émotions qui surgissent de l'inconscient » (cf. l'intériorisation de Freud)12 la bourgeoisie moderne ne saurait-elle plus les utiliser somme son ancêtre d'il y a cent ans ? Et Adler à la même époque :
«  Friedrich Adler suggère une autre hypothèse encore: «Le réveil dans la dure réalité du mois d’août suscita pour beaucoup d’entre eux [les ouvriers organisés] l’étonnant état d’esprit que l’on pourrait qualifier, dans le langage de la nouvelle école psychiatrique viennoise, d’enthousiasme belliqueux en tant que surcompensation des désirs d’insurrection.»
De façon prégnante, comme l'enthousiasme écologique juvénile et pervers d'aujourd'hui, la perception alors dominante de l’internationalisme se traduit dans un pacifisme militant, une ferveur pacifiste illusoire. Même illusion des socialistes et anarchistes sur les événements en Russie, au souvenir de la révolution échouée de 1905, Les mouvements de grève à Saint-Pétersbourg ne faisaient que s'intégrer dans le cadre de l' agitation pacifiste universelle.

On ne peut nier que, dans cette période de reflux, les masses ouvrières aient été plus sensibles au déferlement de la propagande nationaliste que dans les périodes de radicalisation où elles étaient immunisées contre elle. Mais à ce propos surgit une autre question: cet «extraordinaire climat» de ferveur patriotique s’est-il créé avant ou après le 1er août? Le souci de la chronologie et les tentatives pour décanter les événements ne sont ni vains ni dictés par le goût de la chronique événementielle. Ce climat (sic) pacifiste imprègne les mois de l'avant-guerre. Comme l'écologie qui a remplacé la ferveur nationale-catholique et qui vous poursuit psychologiquement jusque dans vos chiottes aujourd'hui.

Dans un premier temps, la propagande pacifiste venant autant des organisations « socialistes » que gouvernementales tendait à neutraliser le mouvement ouvrier; dans un second temps, à l’associer à l’entreprise belliciste. Le mécanisme, les moyens diffèrent d’un pays à l’autre. Néanmoins, les convergences et les parallélismes sont frappants. Les archives de police témoignent d’un fait: le gouvernement allemand aussi bien que le gouvernement français étaient parfaitement renseignés sur l’état d’esprit, les débats, les décisions à tous les échelons des organisations ouvrières. Fin juillet 1914, les pouvoirs avaient assez bien compris les carences, les contradictions de l’Internationale et des partis socialistes de leurs pays respectifs, les faiblesses de la stratégie pacifiste. Comme le fit remarquer Fritz Sternberg, les gouvernements ne croyaient plus depuis longtemps aux menaces des socialistes, celles d’une révolution comme conséquence d’une éventuelle guerre européenne.

Pour mobiliser l’«armée du prolétariat», pour hisser la conscience individuelle au niveau de la psychologie collective, l’état-major socialiste devait se livrer à des préparatifs pouvant durer des semaines afin que l’effet produit fût suffisamment puissant. Or, en juillet 1914, les gouvernements comprirent que la parenthèse dans laquelle la lutte socialiste contre la menace de guerre avait été placée depuis 1913 ne pouvait s’ouvrir dans l’intervalle de quelques jours, que la mobilisation et l’agitation socialiste ne pouvaient devancer et faire reculer l’offensive et la mise en condition patriotique et chauvine. Prise de court par les événements, l’Internationale ne parvint pas à les dominer. Les révolutions de 1917-1918 n’apparaissent pas comme un accident qu’on insère artificiellement dans l’histoire de la guerre ou comme une catastrophe violente qui brise le long terme, mais comme un processus que la guerre a retardé ou dévié au lieu de le catalyser (n'en déplaise aux théoriciens de la guerre révolutionnaire)13.
Nous vivons en 2019 dans une situation plus comparable à la veille de 1914 que de 1939. Dans le cas de la Seconde Guerre mondiale le pacifisme est à nouveau prêt à illusionner les masses jusqu'au dernier moment, Hitler hésite beaucoup d'ailleurs avant de lancer l'assaut, il attend la fin de la guerre d'Espagne, et l'épuisement des grèves en Europe. La chansonnette de Ray Ventura et ses collégiens reflète tout de même l'illusion pacifiste encore présente en particulier en France : « On ira pendre notre linge sur la Ligne Siegfried ». Mais les carottes sont cuites avec un « climat » antifasciste assourdissant.

Lorsqu'en 1939 la bourgeoisie laisse la guerre éclater en Europe, cela se déroule progressivement de façon séquentielle avec tout d'abord la réticence américaine où une importante classe ouvrière renâclait à l'idée de revenir se sacrifier comme en 1918. La population restait majoritairement isolationniste, entendant conserver à tout prix leur neutralité et ne pas se laisser entraîner dans la guerre comme en 1917. Néanmoins, Roosevelt permet aide matériellement le Royaume-Uni, puis l'Union soviétique qui s'intensifiera à la fin de 1941 après la machiavélique attaque Pearl Harbor (faussement inattendue) jusqu'à la déclaration de guerre « démocratique américaine ». Sans demander leur avis aux masses, la bourgeoisie américaine transformait depuis un moment l'économie en crise en économie de guerre et préparait le « Victory Programm ». La conscription est rétablie soudainement, mobilisant 12 millions d'hommes et de femmes ; l'industrie US est capable de mettre en route fissa une imposante flotte de guerre et de fabriquer en très grandes séries avions, canons, chars, moyens de transports militaires. Capitalisme en crise pas mort pour la guerre !

Aucun lien avec la guerre mondiale épée de Damoclès l'assourdissant bourrage de crâne écolo ? La pucelle, qui s'est exprimée devant le Forum économique mondial à Davos ou encore au Parlement européen, a reçu le Prix Liberté 2019 à Caen en présence de vétérans du Débarquement de Normandie ! Cette fillette-gourou apocalyptique (idiote utile, aurait dit Lénine), portée par l'hystérisation médiatique, n'est qu'un des amplificateurs de la décroissance, théorie malthusienne qui si elle était appliquée – signifiant un appauvrissement terrible du prolétariat – entraînerait une explosion sociale qui ferait équivaloir la révolte en veste jaune à une bagarre dans une cour de récréation14.

La fin du parti-père mais le retour des pères de la patrie...

La disparition de l'ère de l'autorité personnelle du père et de la moralité religieuse ne date pas de l'ère de la décomposition post-URSS, thèse du CCI qui comme la fable du cycle du réchauffement climatique revient périodiquement pour nous faire croire que le groupe a approfondi alors qu'il ne fait que radoter sa ritournelle bien aimée du « chacun pour soi » - une manière rédhibitoire des sectes marxiennes et trotskiennes pour faire avaler qu'une théorie à la mode vaut explication de tous les malheurs du monde. Depuis 1996 c'est la même chanson qui sert de base aux rapports de congrès recopiés par le même plumitif depuis cinquante ans et soumis aux amendements qui ne sont en général que de l'ordre du point virgule manquant15.

Sans attendre les futurs radotages du CCI, Marx a expliqué bien des choses relatives à ce que devait devenir le capitalisme décadent, sur l'aliénation et le fétichisme de la marchandise dans le capitalisme. Il expliquait déjà que les relations par exemple entre les producteurs ne se présentent pas sur le marché comme des relations personnelles entre individus, elles s'effacent devant le processus d'échange. Ce sont « les rapports sociaux entre les choses ». Contrairement au féodalisme l'autorité n'est plus incarnée dans les personnes, elle est intériorisée et impersonnelle. Divers idéologues du début du XX e siècle ont décrit mieux que nos petits groupes marxistes isolés la dépersonnalisation sous le capitalisme et la perte d'autorité morale du père. L'intériorisation de l'autorité qui en résulte est néanmoins reconnue comme favorisant le rejet de toute autorité, mais pas dans un sens révolutionnaire : la disparition du père, voire sa féminisation accélérée (de plus en plus de chefs des grands Etats étant des femmes) ne produit que la contestation et pas une réelle critique du capitalisme. Autour de 68 on a oublié qu'on avait glosé sur la société sans père... la révolte compromise par l'absence du père, les enfants pénétrant dans un monde factice sans en tirer les conséquences politiques (cf. Adorno, Mitscherlich, Riesman et Lasch, la société de consommation se nourrit de tendances régressives, ce qui fût la caractéristique de la contestation plus « morale » que politique des sixties...).
Le patron de telle PME lui-même n'a plus la même autorité, impuissant qu'il est face au capital anonyme hégémonique. L'intériorisation de l'autorité explique la béatitude et la naïveté avec laquelle la population bobo se laisse gaver par le discours écologique, et la classe ouvrière est aussi partiellement contaminée par l'idéologie écologiste interclassiste. La désaffection des tontons syndicaux syndicaux ne signifie pas non plus automatiquement une plus grande capacité à se prendre en charge, comme l'a montré l'incapacité de la classe ouvrière en France à orienter et contrôler l'impulsivité petite bourgeoise des vestes jaunes. Le désastre n'est pas tant écologique qu'un désastre politique de la classe ouvrière « orpheline » du parti-père. Je pose cela non pas comme une envie de retrouver « la virilité » de parti, (car « sans théorie et sans parti pas de mouvement révolutionnaire » quoique Lénine n'ait évoqué que la théorie car son parti initial au début de 1917 était plutôt à la remorque des événements révolutionnaires et avait besoin d'un coup de pied au cul)16. L'organisation politique délimitée pour rappeler la nécessité et l'urgence du renversement du capitalisme reste profondément nécessaire mais personne ne sait encore comme elle renaîtra de ses cendres. Après la révolution ?

L'INCOMPREHENSION DU SENS DU POPULISME

Désastre écologique ou désastre politique ? Morale écolo contre culpabilité populiste ? Fin du monde pollué pas du capitalisme ! Continuer à nier les classes ; voilà le vrai souci de la perte de contrôle... qui n'en est pas une, où les membres de toutes les classes mystifiés par l'opacité des relations sociales (surtout le prolétariat) se représentent comme soumis à une nécessité... ne plus jeter son mégot n'importe où, ne plus manger de viande (réincarnée...) voire ne plus péter comme les vaches pollueuses.

Le CCI ne se place pas dans la situation des opprimés, d'où son mépris comme les gauchistes au début du mouvement des gilets jaunes mais de l'idée hautaine « j'ai tout compris à votre petit jeu et je vous explique » comme les bourgeois bien pensants. En milieu prolétaire, ou communautés de résidence de salariés, on a plus de chance de retrouver les valeurs traditionnelles de solidarité. En milieu petit bourgeois ce qui importe est le calcul de l'individu plutôt que la solidarité de groupe. La classe ouvrière reste plus « familiale » et soucieuse de solidarité sur le lieu de travail que le bobo ou le flic .

Résumons les nouvelles élucubrations congressistes du CCI, après la culture du blabla (voir article à ce sujet sur ce blog). En référence à ses thèses éternelles sur la décomposition du capitalisme (pas éternel) il nous est expliqué que le populisme en est une des expressions les plus marquantes ; il est « la confirmation de la tendance à une perte de contrôle croissante par la classe dominante de son appareil politique ». La cause : l'incapacité du prolétariat à mettre en avant sa propre réponse (révolutionnaire). Ce qui l'explique : la situation de vide politique = perte de confiance envers les institutions officielles et tendance à se tourner vers le passé (lequel n'est pas précisé). Une grossière notion sociologique non marxiste vient couronner l'explication : c'est une perte profonde de confiance envers « les élites » !!! (c'est quoi les élites?) « qui ne peut déboucher aucunement sur une perspective alternative au capitalisme ». Et après on en fait quoi ?

La perte de contrôle se serait intensifiée avec la crise de 2008 et la vague inopinée des réfugiés. Pire cela s'est traduit par une extension populiste à tous les aspects de la société capitaliste (???). Les expressions du populisme (lesquelles please?) provoquent des soubresauts de plus en plus incontrôlables au sein de l'appareil politique des différentes bourgeoisies. Notez que Macron « a utilisé les mêmes stratégies que le populisme » (non démontré). Trump révèle l'exacerbation des tensions internes à la bourgeoisie américaine. Cette analyse du CCI est copie conforme à l'idéologie de base du gauchisme en Europe et dangereusement aussi confusionniste car les trotskiens eux pensent que c'est du nazisme en couches et que le nazisme est une option qui a échappé à la bourgeoisie ! Cet objet mal identifié de populisme ne serait pas bourgeois : « Le populisme n'est pas le résultat d'une volonté délibérée des secteurs dominants de la bourgeoisie... ». C'est ne pas comprendre comme la bourgeoisie couarde la CAUSE du populisme : les mensonges répétés de la gauche bourgeoise, le mépris de la classe d'en bas17 , et la faculté de la bourgeoisie de le récupérer immédiatement; le CCI comme les gauchistes ne parle pas au nom du prolétariat mais au nom de la xénophobie qu'il suppose motiver fondamentalement le populisme intrinsèque... oubliant la défaite idéologique du prolétariat depuis des dizaines d'années, son abandon par la plupart des formations aimantées par les besoins et les vertus des « classes moyennes ».

LE POPULISME FLATTANT UN PUBLIC frustré dans l'Europe forteresse?

Le refus d'un moralisme outrancier, quoique toujours présent, serait dû selon les idéologues bourgeois aux « peurs de perte de contrôle du monde politique » avec un discours « sécurisant l'immigration », cette sécurisation « brouillant les frontières de la droite et de la gauche... conditionnant les énoncés sur le crime et les migrants. Le CCI au lieu de voir de la xénophobie à tout va devrait se mettre dans la peau du prolétaire éjecté de la production réduit aux aides caritatives avant d'étaler son mépris de la populace « populiste ». Les idéologues et « chercheurs » bourgeois qui colonisent les réseaux sociaux se rendent parfois compte que le « peuple frustre » est fragilisé dans ses formes de solidarité de classe, avec cette peur de perdre son emploi, la généralisation du travail précaire ; ce n'est pas la promesse de révolution qui va faire partir le stress ni le dégoût que provoque le business immigrationniste (Enorme en Méditerranée). Alors nos as de la perte de contrôle (organisée) ont recours aux statistiques généralistes qui peuvent prouver qu'il n'y a pas invasion mais esquivent la concentration de misère au nord de Paris par exemple, ou l'exclusion sans ressources des jeunes migrants une fois la majorité atteinte18. Les criminologues réfuteraient le lien pauvreté et étranger dans la délinquance systématique (du fait du mode de vie différent) face au discours populiste « souvent (sic) xénophobe » reposant sur de « nombreuses inexactitudes ». Mais les criminologues pas plus que les islamo-gauchistes ne se soucient des besoins sexuels des prolétaires ou des migrants. Le déni des noms lors des auteurs des crimes répétés et viols fait partie du mensonge dominant19. Alors les prolétaires d'en bas emmerdent le mensonge dominant. Quand la perte de contrôle devient la perte de valeurs dans les « quartiers sensibles »  : « c'est le résultat de frustrations ou fomenté par des criminels antisociaux » ou « la révolte légitime face à des pratiques arbitraires de certaines institutions d'Etat ». On veut bien concéder que « tout n'est pas faux dans le discours de sécurisation » hé hé, voyez les filières du travail sous-payé. Mais il faut pointer d'un doigt vengeur le refus de l'éthique de la conciliation et de la réconciliation, contrer ces discours déclinistes face aux méfaits de la mondialisation, cette fixation sur les ethnies hostiles et inassimilables. Comme les politiques ont perdu le pouvoir au quotidien « il faut défendre la société » avec les mêmes injonctions éthiques et culpabilisatrices que la sinistre propagande écolo20.

Bercé dans la même éthique bourgeoise sado-maso que les idéologues ci-dessus, le CCI est effaré de « l'irrationalité de Trump ». Trump n'est pas du tout irrationnel, défend les intérêts bien rationnels de la bourgeoisie US et sait qu'il est parfaitement compris par son public mi-chauvin mi largué. Le populisme est assimilé à Le Pen comme les gauchistes, ce qui est une bêtise politique en même temps qu'un leurre pour bobos, mais hélas révélateur de l'ignorance crasse du bonapartisme. Les formulations traduisent cet enfoncement dans l'idéologie gauchiste : « La chasse aux élites corrompues va de pair avec un nationalisme xénophobe » ! C'est faux ! On désigne les élites, qui ne craignent rien, pour éviter de qualifier le mode de vie et de domination capitaliste ! Avec un nouveau vocable pour faire plus riche : implémenter. On agite le poids (menaçant?) de l'AFD et de Die Linke (dont la position est plus subtile et intelligente mais assimilée par les crétins de Libération aux fachos, lire en annexe) en Allemagne comme on pointe du doigt ce populisme italien binaire xénophobe et social en même temps. Tout cela revient à se boucher les yeux sur la réalité et à se réfugier dans les pires clichés de la gauche caviar.

Alors la gestion apparemment chaotique des Etats les plus puissants perte de contrôle par rapport à quoi ? Notre petit rapporteur cciesque ose tout : « le populisme c'est la politique de la rue » (sic ! Merde à mai 68). « A la différence des partis traditionnels, ces formations ne respectent plus les tabous (lesquels?) et permettent donc l'expression de tous les préjugés » (les xénophobes surtout n'est-ce pas?). Le populisme est protectionniste : « Ce « genre » de politique apparaît comme plus réaliste que celle de la « gauche », dans la mesure où la sauvegarde des avantages des opprimés autochtones se fait au détriment de ceux d'autres opprimés » ; on aimerait savoir en quoi les « avantages » (des salariés français ou italiens) sont des avantages, et en quoi leurs salaires de merde sont perçus au détriment des migrants ?

Il m'est apparu incompréhensible qu'un petit groupe maximaliste, si féru en histoire du mouvement révolutionnaire marxiste, n'ait pas fait le lien des populismes d'aujourd'hui avec les fronts populaires d'avant 1939 et la notion de bonapartisme. Dans mes articles précédents j'ai toujours fait l'effort de comprendre ce que signifie la vague populiste et non de m'associer aux crieurs de rue gauchistes et divers. Contrairement à 1936, les populismes ne peuvent apparaître comme produits de la lutte de classe parce qu'ils ne s'expriment pas principalement sur le terrain de la grève, mais ils échappent au contrôle syndical étatique du fait de l'usure de l'idéologie de gauche bourgeoise et de la négation du prolétariat entretenue depuis si longtemps. Les syndicats en 1936 n'étaient pas à l’époque tolérés par les patrons, qui se voyaient en maîtres absolus. Dans les faits leurs militants, pourchassés et licenciés, sont peu nombreux dans les usines. Ce qui explique en partie aussi que les syndicats aient eu tant de mal à faire reprendre le travail, ce qu’un de leurs dirigeants fera d’ailleurs remarquer aux représentants des patrons lors des accords Matignon. C'est sous le « bonapartiste » De Gaulle dans l'immédiat après-guerre que les syndicats seront officialisés comme collaborateurs indispensables à l'Etat. Les conquêtes du mouvement gréviste de 1936 – 40 heures et congés payés – n'étaient pas dans le programme des partis de gauche du Front populaire. Pas plus que la protestation populiste contre « les élites » le mouvement de 36 n'a rien bouleversé, restant à mi-chemin de la nécessité de renverser le capitalisme et qu'il paiera très cher par son incapacité à empêcher la marche à la Seconde Guerre mondiale.

Voici ce que j'écrivais pour expliquer l'étrange tournant d'une politique bourgeoise qui singeait notre vieil internationalisme :


« LA FIN DE LA MONDIALISATION "HEUREUSE » (…) La mondialisation aura été au bout du compte comme la fiction d'une Europe épatante et pacifique, la mystification d'une époque. L'élection de Trump, comme le Brexit, la veste électorale de Matteo Renzi en Italie, et bientôt le résultat électoral français, ne traduisent pas une simple montée du populisme, chose que radotent journalistes et à leur suite de fieffés observateurs prolétariens ou gauchistes. Ces événements successifs ont en commun une remise en cause de cette mondialisation dont la fable principale était (comme le mythe européen jadis) de mettre fin aux frontières. Ils démontrent que jamais la bourgeoisie, même avec ses grands marchés, n'a jamais voulu mettre fin aux frontières. Le monde a désormais "trop de forces productives" comme disaient Marx et Engels un an avant la vague des révolutions de 1848, et "la civilisation se voit jetée dans un état de barbarie momentanée...".
Trump exprime la vraie nature de la bourgeoisie, qui n'est pas et ne sera jamais internationaliste malgré l'affichage de ses chants islamophiles et antiracistes; il exprime moins les couches populaires et à un niveau moindre les couches ouvrières qui ont commis un vote protestataire qu'un changement de cap obligé qui fait voler en éclat la notion de mondialisation, non pour un simple repli sur un soi national, mais pour une réorientation impérialiste. La bourgeoisie américaine aura encore recours, et sous Trump, à une importante immigration, plus contrôlée certes. Mais comme le soulignait le rapport de la CIA pour 2020 (prévisions écrites vers 2005) l'immigration a changé de nature. Par ses outrances, qui ne sont qu'une des expressions des profonds besoins de survie de la bourgeoisie nationale américaine, par une cascade d'élections aussi frauduleuses que révoltantes, Trump et ses semblables pourraient bien provoquer des révolutions... en cela Trump serait un médiateur révolutionnaire malgré lui, malgré cette posture ridicule d'un fortuné à la tête d'un puissant Etat qui génère la misère et qui exhibe les cuisses de ses putes.
L'immigration, plus massive et conséquence de l'incurie des guerres locales impérialistes n'est plus un phénomène renforçant la classe ouvrière comme on le verra dans une deuxième partie, plus franco-française. Les bonapartistes ou populistes en sont très conscients, et la fraction dominante américaine, sous le régime Obama comme sous celui de Trump ne milite pas pour sa fusion dans la classe autochtone mais pour cloisonner cette immigration dans une religion totalitaire et aliénée. Trump n'est révolutionnaire protectionniste qu'en apparence, il s'inscrit en fait en continuité, même inversée dans le discours, avec la politique communautariste d'Obama »21.

Le populisme repose la question, non pas du fascisme ni de méchants dirigeants racistes, mais du rôle classique du bonapartisme dont Trotsky a décrit brillamment en France la tournure en 1934. Un gouvernement d'union nationale est constitué autour de Gaston Doumergue qui avait été déjà président du Conseil et ministre de la guerre... en 1914. « Gastounet » toujours populaire depuis 1914, est rappelé comme président du Conseil, après les événements sanglants du 6 février 1934, pour former un gouvernement d'union nationale où se côtoient André Tardieu et Édouard Herriot. Le but était de réformer les institutions pour diminuer l'instabilité ministérielle, avec un gouvernement « au-dessus » des partis. Cette tentative ne réussit pas. Lisons la description par Trotsky :

«  C'est pourtant en France précisément que le passage du parlementarisme au bonapartisme   ou plus exactement la première étape de ce passage   a pris un caractère particulièrement frappant et démonstratif. Il suffit de rappeler que le gouvernement Doumergue est apparu sur la scène entre l'avant première de la guerre civile, le 6 février, et la grève générale du prolétariat, le 12 février. Dès que les camps irréconciliables ont occupé leurs positions de combat aux deux pôles de la société capitaliste, il est apparu rapidement que la machine à calculer du parlementarisme avait perdu toute importance. Il est vrai que le gouvernement  Doumergue, comme en leur temps les gouvernements Brüning et Schleicher, semble au premier abord gouverner avec l'accord du parlement. Mais c'est un parlement qui s'est renié, un parlement qui sait que, s'il résistait, le gouvernement se passerait de lui. Du fait du relatif équilibre entre le camp de la contre révolution qui attaque et celui de la révolution qui se défend, l'axe du pouvoir s’est élevé au dessus des masses et de leur représentation parlementaire. Il a fallu chercher le chef du gouvernement en dehors du parlement et « en dehors des partis ». Le chef du gouvernement a appelé à la rescousse deux généraux . Cette trinité a pris appui à la fois sur sa droite et sur sa gauche en s'assurant des otages parlementaires symétriques. Le gouvernement n'apparaît pas comme l'organe exécutif d'une majorité parlementaire, mais comme l'arbitre entre deux camps en lutte. Un gouvernement qui s'élève au dessus de la nation n'est pourtant pas suspendu dans le vide. L'axe véritable du gouvernement actuel passe par la police, la bureaucratie, la clique militaire. Nous avons affaire à une dictature militaro-­policière à peine voilée sous le décor du parlementarisme. Mais un gouvernement du sabre en tant qu'arbitre de la nation   c'est précisément le bonapartisme. Le sabre, en lui-même, n'a pas de programme indépendant. Il est l'instrument de « l'ordre ». On fait appel à lui pour conserver ce qui existe. S'élevant politiquement au dessus des classes, le bonapartisme, comme son prédécesseur le césarisme, a toujours été et reste, du point de vue social, le gouvernement de la partie la plus forte et la plus solide des exploiteurs; par conséquent, le bonapartisme actuel ne peut être rien d'autre que le gouvernement du capital financier qui dirige, inspire et achète les sommets de la bureaucratie, de la police, de l'armée et de la presse »22. Mais, curieusement Trotsky oublie de noter que le bonapartisme, du fait de la concentration du pouvoir aux mains d'un chef d'Etat charismatique mène à la guerre. Napoléon le petit déclare la guerre au royaume de Prusse le 19 juillet 1870, guerre qui aura des conséquences incalculables : provoquant une révolution moderne qui nous hante encore, la Commune de Paris, et qui, du fait de la défaite honteuse, la perte de l'Alsace et la Lorraine sera aussi une des causes de la première boucherie mondiale23.

Les Fronts populaires ont eu une fonction similaire au bonapartisme - même s'ils sont une coalition très courte de partis félons - c'est l'interclassisme triomphant en vue de marcher à la guerre paralysant une classe ouvrière occidentale incapable de se hausser à la hauteur du prolétariat russe. J'ajoutais :

« (…) Un autre aspect oublié du bonapartisme était sa volonté de redévelopper l'expansion coloniale (de façon plus égalitaire en Algérie par exemple), sans s'embarrasser des théories assimilationnistes, et, comme on le rappellera, il a été à l'origine de la dernière grande guerre du 19e siècle  : la guerre franco-allemande de 1870, qui aura tracé le sillon pour la première grande boucherie du siècle suivant. Question d'une orientation dramatique qui peut se poser légitimement avec l'arrivée au pouvoir de «  Dangerous Trump  ».

Le populisme de Trump s'apparente en effet plus à un bonapartisme bâtard (alliance virtuelle du Chef de la Nation et de la plèbe) qu'à ce concept vague et confusionniste de populisme xénophobe agité par les élites politiques bourgeoises pour désigner comme proto-fasciste meilleur démagogue qu'eux. La venue au pouvoir de Trump n'a donc pas signifié la moindre perte de pouvoir par la bourgeoisie bcbg qui ne se limite pas aux pleureuses anti-racistes et immigrationnistes. Au contraire, si l'on s'inspire du Marx du 18 brumaire, le bonapartisme répond aussi aux besoins de la bourgeoisie
de mettre fin à ses divisions internes.
Malgré les embûches et contestations, le succès du « sauveur » Trump au contraire redonne confiance à l'Etat capitaliste, et sa réélection semble un boulevard. Le futur Napoléon III pouvait se targuer d'offrir au peuple une revanche sur les « Burgraves 24» du pouvoir et aux bourgeois l'assurance d'une protection face aux révolutionnaires ; d'une part, il rétablissait le suffrage universel et, de l'autre, il assurait la restauration de l'ordre. Le bonapartisme se définira comme garant conjoint des valeurs (ou de certaines valeurs) de gauche comme de droite, dans une perspective de réconciliation et d'union nationale. Une histoire du bonapartisme français de De Gaulle à Macron serait la bienvenue. Le bonapartisme comme état d'exception est aussi un retour en arrière, il s'inspire de la monarchie absolue : guerre aux corps intermédiaires ! Ce n'est pas un simple régime démagogique et policier mais il est synonyme de guerre, outre les guerres napoléoniennes, Napoléon le petit est tout de même responsable de la guerre de 1870 puis de celle de 1914...25 De Gaulle se voulut au-dessus des clans récusant « le système des partis », la bourgeoisie française lui rend toujours hommage26. Le bonapartiste De Gaulle responsable de milliers de morts à Abbeville pour obtenir son grade de général est aussi le grand recruteur de la libération nationale bourgeoise et le dernier commandant des guerres coloniales.

LE BONAPARTISME TRUMPIEN FAIT CROIRE DANS LE CHAOS QUE LE REGIME DE L'EMPEREUR PRESIDENTIEL EST AU-DESSUS DES CLASSES

J'écrivais ceci après en avoir encore référé à Marx et à son époque: «  La France ne semble donc avoir échappé au despotisme d’une classe que pour retomber sous le despotisme d’un individu, et, qui plus est, sous l’autorité d’un individu sans autorité [...] L’État semble s’être rendu indépendant de la société, de l’avoir subjuguée  ». Marx nuance cependant ce jugement en expliquant que le pouvoir sert avant tout les paysans à parcelles. Le paysan (comme le peuple électoral de nos jours) ne peut se représenter lui-même, il se doit d’être représenté par des gens qui apparaissent comme ses maîtres, et non ses représentants. L'équivalent du paysan à l'époque d'un Trump est cette grande masse des couches moyennes paupérisées aux Etats-Unis, mais pas la classe ouvrière blanche, hispanique et noire. La foi des couches moyennes américaines est la foi en l'Etat centralisateur soi-disant garantie contre les élites de la bande des voleurs de Goldman Sachs et des parasites d'Hollywood. Trump comme Obama ne sera en rien révolutionnaire pour le prolétariat mais un prévisible jouet de graves événements qui se profilent ».

On fait passer le caporalisme bonapartiste pour imprévisible, mais quelques fois on peut comprendre la lâcheté de la bourgeoisie, n'existe-t-il pas toujours hélas pour elle un prolétariat universel, plus imprévisible encore que les modes de gouvernement capitaliste, qui en plus n'attend rien de barnums paternalistes telle la social-démocratie de la fin du XIX e siècle, rien non plus de tribuns ni de césars...



NOTES IMPORTANTES

1Courant Communiste International (Révolution Internationale) est beaucoup moins lu que moi sur le web avec des scores de lectures insignifiants. Depuis le début du mouvement des vestes jaunes tous mes articles oscillent entre 1700 et 2000 lectures. Cela signifie que les gens en ont marre de lire la prose calibrée des orgas, mais c'est dommage car à côté des thèses ronflantes et radotages marxistes, ils produisent nombre de bons articles contre le spectacle capitaliste.
2Rappelons que le dernier millénarisme élucubrant fût le nazisme.
3Les dix ans « qui nous restent » servent de vade-mecum à tous les apprentis sorciers. Et si la vie sur Terre était éradiquée dans les dix prochaines années ? Ce scénario, digne d'un film de science-fiction, est pourtant pris très au sérieux par les scientifiques de la Nasa qui surveillent de près l'évolution d'Apophis, un astéroïde géant qui frôlera notre planète en 2029. Du même nom qu'une divinité de la mythologie égyptienne, connue pour être le «Dieu du mal et du chaos», Apophis constitue en effet une menace bien réelle et de plus en plus pressante, à mesure que l'échéance, peut-être fatidique, se rapproche. Moi je m'en branle, dans dix ans je ne serai plus là.
4En 1988, l'ONU crée le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour synthétiser les études scientifiques sur le climat. Dans son quatrième rapport datant de 2007, auquel ont participé plus de 2 500 scientifiques de 130 pays, le GIEC affirme que le réchauffement climatique depuis 1950 est « très probablement »c 1 dû à l'augmentation des gaz à effet de serre liés aux activités humaines (d'origine anthropique). Les conclusions du GIEC ont été approuvées par plus de quarante sociétés scientifiques et académies des sciences, y compris l'ensemble des académies nationales des sciences des grands pays industrialisés3. Le degré de certitude est passé à « extrêmement probable » dans le cinquième rapport de 2014. Cette espèce de Big Brother écologique est pourtant sérieusement dénoncé voire combattu par de très sérieux climatologues et autres spécialistes mais éliminés de toute possibilité d'argumenter par des médias hyper-écologiques. Encore un truc des amerloques !
5Que Battaglia Comunista nomme réformiste (article non traduit en français). La TCI ignore par ailleurs comme le CCI la notion de bonapartisme et parle de formations fascistoïdes : « Que des parties croissantes du prolétariat et de la petite-bourgeoisie déclassée aient vécu et soient en train de vivre un processus de “ plebéisation ” est, comme nous disions, un fait vérifié par l'avancée électorale des formations fascistoïdes même dans les vieux bastions “ rouges ” des grandes villes européennes ».https://www.leftcom.org/fr/articles/2016-12-06/le-prolétariat-est-il-de-droite
6Pour des raisons tout à fait conjoncturelle, fréquentant en ce moment le milieu bobo parisien j'ai été consterné par les appréciations ultra naïves voire admiratives de la merdeuse suédoise : « elle est courageuse », « elle a le droit d'exprimer l'avis de la jeunesse », « elle nous donne l'avis des jeunes générations », etc. Cette crédulité va de pair avec l'absence de conscience sociale et politique de ces couches qui, par ailleurs, méprisent totalement ces prolétaires – la basse classe car le mot prolétaire leur fait peur – qui est incapable de se nourrir bio alors que le bio devient de plus en plus accessible ; et qui dénoncent, pire que Micron et son bedeau Philippe, le diesel dont se sert cette populace. Je rappelle qu'au début de la révolte en veste jaune, l'écologie était le cadet des soucis des révoltés salariés en province mais que leurs soi-disant représentants ont fini, nolens volens, par se fondre dans la masse des bêlements écologiques ; ce qui est en soi une trahison du mouvement du moins celui du début. La révolte GJ n'étant plus qu'un succédané de gauchisme, absorbé dans le spectacle « gare à la rentrée de septembre », une partition pourtant abandonnée depuis lurette par la CGT ! Ce que je démontre dans mon article « La vacance de la classe ouvrière », pauvres gilets jaunes tombés dans l'agitationnisme gauchiste, c'est à dire la ridicule « contestation » incapable de critiquer réellement l'ordre capitaliste. Je verse ici une réflexion plus subtile de Roger Dangeville, de la tradition bordiguiste toujours plus solide que les arrangements opportunistes du CCI : « «  C’est la raison pour laquelle le prolétariat lui-même réagit si souvent de façon petite-bourgeoise, en l’absence d’une véritable organisation de classe, et que l’on applique partout les méthodes bismarckiennes : frapper fort l’adversaire que l’on a isolé et diffamé au nom de la morale et du citoyen pour l’écraser sous le poids de la violence de l’Etat policier, toute action parce que faite à l’ombre de l’Etat ou de la force armée étant bonne, c’est-à -dire légalisée ». Hé hé ! A réfléchir.
7C'est sur les sites d'extrême droite qu'on trouve le plus souvent hélas les meilleures critiques de cette ahurissante campagne écolo-mégalo ! Samedi, Guillaume Larrivé, candidat à la présidence de LR, avait appelé ses collègues à « boycotter » Greta Thunberg à l'Assemblée nationale. « Ne comptez pas sur moi pour applaudir une prophétesse en culottes courtes, Prix Nobel de la peur », a tweeté dimanche Julien Aubert, lui aussi candidat à la tête de LR. Il était rejoint par Laurent Jacobelli, porte-parole du RN, qui a critiqué lundi sur RFI les députés qui reçoivent Greta Thunberg « comme s'ils avaient des leçons à recevoir de cette enfant du déluge qui nous prévoit la fin du monde du haut de ses 16 ans ». « Qu'ils ne votent pas le Ceta [traité de libre-échange UE-Canada, NDLR], ils auront fait plus pour la planète en dix minutes que cette enfant pendant des années de lutte », a-t-il ajouté. Delphine Batho, ancienne ministre comète et girouette de la mode écolo a dénoncé ses collègues de droite : « C'est une clarification utile parce que les masques tombent en fait sur un arrière-fond, en quelque sorte, de climato-scepticisme », a accusé la députée des Deux-Sèvres sur Franceinfo. « Monsieur [Guillaume] Larrivé et monsieur [Julien] Aubert jouent leur compétition interne [à la tête du parti les Républicains] de politique politicienne sur le dos de la lutte contre le changement climatique », a-t-elle dénoncé. « Il faut croire qu'on est dans une situation tellement dramatique et même tragique que la jeunesse a davantage lu les rapports du Giec que bien des responsables politiques », s'est-elle indignée. La démagogie écologiste un ressourcement de la comédie droite/gauche ?
8L'accord avec le Mercosur était destiné à ouvrir le marché européen à toutes les activités qui exigeaient qu'on brûle la forêt amazonienne pour faire de la place : agriculture et élevage. Et Macron a signé. Cochon qui s 'en dédit et se frite avec le populiste et populaire Bolsonaro (ex membre de la junte).
9On lit souvent, y compris sur les sites d'ONG environnementales, qu'elle produit "20% de notre oxygène". C'est lui faire porter une bien lourde responsabilité. "La formule est belle, mais elle n'est pas scientifique", estime d'ailleurs Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, interrogé par Le Parisien. La plupart des scientifiques s'accordent pour estimer que l'Amazonie produit entre 5 et 10% de notre oxygène. Pas plus. Sur Twitter, Jonathan Foley, directeur de l'institut de l'environnement de l'université du Minnesota (Etats-Unis) explique que ses calculs lui permettent d'arriver "au maximum à 6%. Probablement moins". Comparer l'Amazonie à un "poumon" qui produit "20% de l'oxygène" que nous respirons est trompeur et réducteur. Le véritable "poumon de la planète", ce sont plutôt les océans. L'Amazonie est, en revanche, d'une importance capitale pour la biodiversité et la régulation du climat du continent américain.
10 Jean-Claude Trichet dresse une analyse pessimiste de l'économie mondiale. "Une récession est inéluctable, pronostique-t-il. Elle viendra des Etats-Unis mais elle frappera aussi durement l'Europe." En cause, l'imprévisibilité des décisions de Donald Trump mais surtout la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Un ralentissement de l'économie d'autant plus préoccupant que les banques centrales n'ont plus beaucoup de marge de manoeuvre : "Toutes les banques centrales des pays les plus avancés ont des défis considérables : un niveau d'inflation anormalement bas, une croissance qui ralentit, des marges de manœuvre très faibles." 
11Sous le mensonge de la perte de contrôle (ou désétatisation) des économistes rappellent que ce chaos d’une économie dirigée ou manipulée par l’État, s'oppose à l'ancien laissez-faire qui opposait l’ordre spontané du marché, soit la coordination volontaire et harmonieuse des producteurs, acheteurs et commerçants. Contre la jungle des règlements et des délations, le laissez-faire prônait un ordre juridique basé sur des règles universelles et connues de tous. À la loi du plus fort (ou du plus nombreux), le laissez-faire répondait par des droits de l’homme fondés sur un humanisme généralement hypocrite. Au lieu de la guerre destructrice de tous contre tous qu’impliquait la répartition des subventions et faveurs étatiques, le laissez-faire proposait l’enrichissement mutuel par la coopération volontaire. Cela n'a pas marché.
12La théorie freudienne de l’intériorisation a montré comment les individus se transforment en se faisant à eux-mêmes ce qu’on leur a fait. Dans son sens le plus étroit, l’intériorisation consiste dans la création d’une instance intérieure (le surmoi) qui incarne l’interdit extérieur (la moralité). Selon cette acception, l’intériorisation est souvent comprise comme la création de la conscience, l’acceptation de valeurs (une manière plutôt inoffensive de percevoir un processus qui a l’appui de beaucoup de sociologues). Dans l’acception plus large de la théorie freudienne complète de la répression et de la névrose, le concept d’intériorisation comporte une arête plus tranchante. La création d’une instance de censure interne implique le déni conscient de l’expérience de la crainte et elle n’offre aucun recours face à la figure de l’autorité. Elle signifie que la réalité qui appelle le refoulement est bel et bien refoulée . L’intériorisation, au sens de l’autocensure et de la culpabilité, signifie non seulement endosser l’attitude d’autrui comme étant la sienne, mais aussi endosser la responsabilité des actes d’autrui comme étant des réponses inévitables à son propre comportement. Ainsi les chômeurs, pendant la récession, tenaient leurs propres échecs et insuffisances pour la cause de leur état, au lieu d’imputer ce dernier à la crise économique qui affectait également des millions d’autres travailleurs. L’effort engagé pour s’auto-contrôler renforce et est renforcé par l’illusion que l’on peut être responsable de tout, que l’on peut déterminer seul son propre destin. Les chômeurs dans les années 1930 comme aujourd'hui se sentent d'abord responsables de leur sort, aidés en cela par les campagnes contre les « assistés » ; au lieu d'imputer leur misère au capitalisme « global ». C'est la même propagande écologique culpabilisatrice qui se déchaîne aujourd'hui renforcée par l'illusion que moi petit individu je peux être responsable de la fin de la planète et que je suis en mesure de déterminer seul mon destin. (cf la chanson tube lancinante du fils Iglesias et de Nadya, Tired of being sorry (laisse le destin l'emporter).
Embrassant le sens plus large de l’intériorisation comme autocontrôle et discipline, Horkheimer écrit « l’histoire de la civilisation occidentale pourrait être décrite en termes de développement de l’ego, à mesure que le subalterne sublime, c’est-à-dire intériorise les commandements de son maître, qui l’a précédé dans la voie de la maîtrise de soi ». Cet ego exerce « les fonctions de domination, de commandement et d’organisation ». Par conséquent, le développement de la raison instrumentale porte en lui le développement, grâce à l’intériorisation, d’un moi dont le principe est de « gagner le combat contre la nature en général, contre les autres gens en particulier ».
13 Lire le remarquable résumé du débat avec l'Opposition militaire en 1920-21, quoique le rédacteur minore les extraordinaires capacités d'analyse de Trotsky nettement au-dessus du lot à l'époque  : http://revueperiode.net/pour-une-doctrine-militaire-proletarienne-ou-pas-le-debat-frounze-trotski-de-1920-21/, Cependant Trotsky finira mal en reprenant une variante de la guerre révolutionnaire même sous parapluie US et face au nazisme. Malgré son intéressante analyse du bonapartisme en1934, dans le texte « La Guerre et la Quatrième Internationale », Trotsky, il appela l’avant-garde prolétarienne à participer à la guerre si la classe ouvrière était incapable de l’empêcher. Il faut se distinguer des pacifistes, des objecteurs de conscience et s’assumer comme « révolutionnaires militaristes ». Dialoguant avec les militants du SWP en visite à Mexico peu avant son assassinat, Trotsky leur demande d’exiger des syndicats américains qu’ils luttent pour que l’État forme militairement les ouvriers : « Nous voulons des officiers ouvriers ». Les derniers mots de Trotsky prononcés le jour de son assassinat et trouvés dans son dictaphone précisent que la nouvelle orientation stratégique du mouvement baptisée « politique militaire prolétarienne, est une continuation de la politique élaborée pendant la dernière guerre impérialiste, avant tout sous la direction de Lénine. Mais une continuation ne signifie pas une répétition ». Il s’agit d’être prêt à transformer la guerre impérialiste en guerre civile, et les militants de l’avant-garde doivent donc se préparer à encadrer les masses qui se mettront en mouvement selon un scénario que Trotsky voyait comme proche de celui de la fin de la Première Guerre mondiale.
15Sous la plume de feu RN on pouvait lire cette année là le refrain qui allait accompagner la chanson révolutionnaire vingt années encore, avec pour seul espoir le réveil du messianisme prolétarien : « « Cependant ce succès américain a une portée très limitée et ne peut véritablement endi­guer le déchaînement du « chacun pour soi » qui mine en profondeur le leadership de la première puissance mondiale, ni ré­soudre l'impasse dans laquelle se retrouvent les Etats-Unis. A certains égards, même si les Etats-Unis conservent grâce à leur puis­sance économique et financière, une force que n'a jamais eu le leader du bloc de l'Est, on peut cependant faire un parallèle entre la situation actuelle des Etats-Unis et celle de la défunte URSS du temps du bloc de l'Est. Comme elle, fondamentalement ils ne dis­posent, pour préserver leur domination, que de l'usage répété de la force brute et cela ex­prime toujours une faiblesse historique. Cette exacerbation « du chacun pour soi » et l'impasse dans laquelle se trouve « le gendarme du monde » ne font que traduire l'impasse historique du mode de production capitaliste. Dans ce cadre les tensions im­périalistes entre les grandes puissances ne peuvent qu'aller crescendo, porter la des­truction et la mort sur des zones toujours plus étendues de la planète et aggraver en­core l'effroyable chaos qui est déjà le lot de continents entiers. Une seule force est en mesure de s'opposer à cette sinistre exten­sion de la barbarie en développant ses luttes et en remettant en cause le système capita­liste mondial jusque dans ses fondements : le prolétariat ».
RN, 9 septembre 1996 »
16Je vous avais promis le lire pour vous « Une histoire érotique du Kremelin » de Magali Delaloye, en réalité cet ouvrage n'a pas grand intérêt, d'abord parce que la timide libération sexuelle n'existe qu'au tout début de la révolution et que Kollontaï n'est pas très sérieuse, et on se fout que Lénine ait été pudibond ; d'autre part il s'agit d'une accroche démagogique pour attirer le chaland ignorant car tout le livre est déprimant il narre surtout la répression contre révolutionnaire de cet alcoolique de Staline. On y apprend surtout qu'après 1945 il fait éliminer toutes les femmes de ses ministres et acolytes because les femmes sont des pipelettes... et le stalinisme a besoin d'étouffer les moindres ragots sur son ignominie.
17La nourriture des mouvements populistes selon le CCI : les réfugiés, l'insécurité, puis cette formule courante de la part des chercheurs et psys bourgeois : « ressentiment des laissés pour compte de la crise » (mépris de sociologue petit bourgeois!), enfin « des tensions spécifiques au sein des bourgeoisies nationales », ce qu'ils sont incapables de caractériser comme nécessitant justement le bonapartisme.
18https://www.la-croix.com/France/Immigration/A-Orleans-140-jeunes-migrants-remis-rue-2019-08-19-1201041732
19Je faisais référence à un rapport de la CIA dans un article précédent : rapport de la CIA :
LA MUTATION DE L'IMMIGRATION"La mutation des modèles d'immigration peut introduire de nouveaux types de crime organisé dans des pays qui en étaient encore indemnes. Des groupes criminels organisés sur une base ethnique prennent en général pour proie leur propre diaspora, et s'en servent pour prendre pied dans de nouvelles régions" (p.216).Article suivant : Dans ce cadre national c'est l'idéologie américaine qui, imposant le «  respect  » de l'islam, s'est montrée par après très habile à favoriser aussi un forme de chaos des classes, où l'islam, à la suite des recommandations de la CIA et de divers chefs d'Etat suivistes européens tel Giscard d'Estaing en son temps, sert clairement de ferment d'éclatement et non d'union de classe exploitée. L'islam sous ses deux versions, pacifico-démocratique et terroriste belliciste, sert à garantir la paralysie sociale même si celle-ci, sous les termes de paix sociale, est devenue en permanence «  paix armée  »  ; dans toutes les grandes métropoles les rues principales sont balisées désormais par des militaires équipés d'armes de guerre ».
20cf Didier Bigo « sécurité et immigration » sur le web.
21Cf. article : Trump révolutionnaire ?
23 La guerre est déclenchée entre deux bonapartistes... (Marx et Engels ont également taxé de bonapartisme le régime de Bismarck; on peut y ajouter à Trump et Macron, les Xi Jinping et Poutine, et ce que le CCI appelle les « hommes forts »).
Si les historiens allemands ont fait de grands efforts pour réinterpréter cette histoire, notamment celle de la candidature Hohenzollern, le dernier chapitre des relations entre Napoléon III et Bismarck, entre Paris et Berlin n’est pas clos. Si la preuve est faite que Bismarck a cherché délibérément à provoquer une offensive française, il reste à expliquer en détails comment et pourquoi la France s’y est laissée prendre. La réponse est plus complexe que l’évocation de la seule « incurie » impériale mais cette histoire, à la croisée de l’analyse du processus décisionnel et des relations internationales, n’a pas encore livré tous ses secrets. https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/napoleon-iii-et-bismarck-etude-sur-les-relations-diplomatiques-avec-la-prusse/
24Nom donné au commandement des villes bourgeoises au Moyen âge.
25J'ai écrit ceci dans un petit article antérieur : « je vous promets de ne pas tomber dans le bashing Macron comme j'ai refusé de me joindre au bashing Hollande et au bashing Fillon. Macron n'est que le jouet du système. Manifestation d'une crise de la bourgeoisie française ou mue provisoire pour tenter de juguler la réaction du prolétariat qui va s'abstenir massivement pour commencer? Sans oublier que le bonapartisme finit toujours très mal ».(Sur le bonapartisme infantile de Macron)
26Cf. Michel Winock : « Notre histoire politique, depuis le milieu du XIXe siècle, paraît ainsi balancer entre un régime parlementaire qui fonctionne mal et un régime de type bonapartiste qui séduit mais finit dans le drame. Serions-nous en passe d'en sortir ? ». https://www.lhistoire.fr/de-napoléon-à-de-gaulle-la-tentation-bonapartiste

ANNEXE





DIE LINKE ET LES ACCENTS DE L'EXTREME DROITE ?



Vous nous avez demandé le verbatim en français des propos polémiques de Sahra Wagenknecht.

En ce mardi 4 septembre 2018, la femme politique allemande, figure important du parti Die Linke, lance un nouveau mouvement politique nommé Aufstehen (en français: Debout), qui intéresse la presse étrangère.

Ainsi Le Monde parle de «l’émergence d’une gauche antimigrants», le HuffPost titre «un mouvement politique de gauche radicale et anti-migrants lancé en Allemagne», Libération note au sujet de Wagenknecht que «l’une des cadres de Die Linke va lancer début septembre un mouvement qui reprend les accents de l’extrême droite sur la question migratoire» et Grazia ose même la présenter comme «l’Allemande à cheval entre Mélenchon et Le Pen». Dans ces articles, on peut lire que cette égérie de la gauche radicale allemande a décidé de défendre une politique antimigrants pour récupérer le vote des électeurs des couches populaires qui se seraient tournées vers le parti d’extrême-droite Alternative für Deutschland (AfD).





Vous souhaitez savoir ce que propose ou du moins ce que déclare exactement Sahra Wagenknecht sur le sujet de l’immigration. Check News a donc consulté ses discours et ses interviews récents sur ces sujets et publie ici des extraits traduits :

Pour un respect du droit d’asile, dont il faut combattre les causes, mais critique d’une immigration de travailleurs étrangers

On peut résumer ses positions ainsi. Sahra Wagenknecht défend le droit d’asile dans sa forme actuelle et s’est opposée à son durcissement. Elle estime cependant que pour régler la crise des réfugiés, il ne suffit pas d’ouvrir les frontières du pays, mais de traiter les causes, qui justifient que des personnes quittent leur pays en guerre. Ainsi elle est contre la vente d’armes à des pays étrangers, notamment la Turquie ou l’Arabie Saoudite.

En ce qui concerne les immigrés, qui ne relèvent pas du droit d’asile, elle estime qu’une position d’ouverture totale des frontières n’est pas une position de gauche, car l’immigration de main-d’œuvre étrangère augmente la concurrence entre les travailleurs allemands et immigrés et tire, selon elle, les salaires vers le bas. Elle y voit une politique souhaitée par le patronat pour baisser le coût de la main-d’œuvre.

Aussi Sahra Wagenknecht considère que cette main-d’œuvre supplémentaire pour l’Allemagne, notamment les travailleurs qualifiés, est un manque à gagner pour les pays d’origine de ces immigrés. Elle défend la mise en place de «limites à la libre circulation des marchandises» pour que ces pays en voie de développement ne soient pas abusés par les pays industrialisés.




Elle commence ce discours par se féliciter des résultats de Die Linke en progrès lors des élections fédérales du Bundestag, puis insiste sur le fait que Die Linke doit capter l’électorat ouvrier, qui s’est éloigné du parti dans des zones sinistrées, telles que le bassin ouvrier de la Ruhr ou les Länder de l’Allemagne de l’Est. Les propos traduits ici, font suite à un passage, où elle explique qu’elle est fière que son parti s’oppose à la livraison d’armes aux pays étrangers.



«Chers camarades, nous sommes également d’accord pour dire que les guerres sont une cause majeure des mouvements de migration mondiaux. Et nous convenons que les personnes persécutées doivent se voir accorder l’asile. Je suis fier que le groupe parlementaire au Bundestag ait voté contre tout durcissement de la loi sur l’asile et qu’il continuera à le faire. Je pense que cela montre où nous en sommes dans ce dossier.

Et nous sommes également d’accord sur le fait que les réfugiés de guerre doivent être aidés. Il n’y a personne dans Die Linke qui s’interroge à ce sujet. Et je ne pense pas qu’il soit élégant de toujours prétendre que c’est différent. Non, ce n’est pas différent.

Ce dont nous discutons, c’est de savoir si un monde sans frontières dans des conditions capitalistes peut vraiment être une revendication de gauche. Même là, il y a quelque chose qui n’est pas controversé. Nous défendons le droit des pays pauvres de défendre et de protéger leurs marchés, leurs économies, avec des tarifs douaniers contre nos exportations agricoles. Mais cela signifie aussi fixer des limites à la libre circulation des marchandises. Nous exigeons un contrôle des capitaux pour empêcher les spéculateurs financiers de décider des devises, des taux d’intérêt et du sort d’économies entières. C’est pourquoi nous voulons bien entendu fixer des limites à la libre circulation des capitaux.

Oui, beaucoup d’entre nous sont probablement d’avis qu’il est irresponsable d’éloigner les pays pauvres de leurs spécialistes qualifiés parce que la pauvreté et la misère sur le terrain ne font qu’augmenter. Oui, nous discutons de la question de savoir s’il devrait y avoir des limites pour la migration de main-d’œuvre et, si tel est le cas, quelles sont-elles. Mais pourquoi ne pouvons-nous pas le faire objectivement, sans diffamation ?

Le politicien de gauche Bernie Sanders a également une opinion très tranchante à ce sujet. Je cite Bernie Sanders : «Ouvrir les frontières. Non. C’est une suggestion des frères Koch.» Ce sont de grands industriels avec 40 milliards d’actifs. Je cite Bernie Sanders : «Ce que la droite aime dans ce pays, c’est une politique d’ouverture des frontières. Amenez beaucoup de gens qui travaillent pour deux ou trois dollars de l’heure. Ce serait formidable pour eux. Je n’y crois pas. Je crois que nous devons travailler avec le reste des pays industriels pour lutter contre la pauvreté dans le monde. Mais nous ne pouvons pas le faire en appauvrissant la population de ce pays.» Voilà ce que dit Bernie Sanders. Et quand Jeremy Corbyn parle sur le sujet, ça sonne pareil. Vous n’avez pas à partager cette opinion, mais Bernie Sanders et Jeremy Corbyn ne sont en aucun cas des gens qui courent après la droite et adoptent leurs arguments. Qu’est-ce que c’est que cette non-culture du débat!

Je ne m’attends pas à ce que tout le monde soit d’accord avec moi non plus. Bien sûr que non. Mais ce que j’attends, c’est une discussion solidaire. Et si moi et d’autres camarades de mes propres rangs sommes accusés de nationalisme, de racisme et de proximité avec l’AfD, ou si l’on suppose que nous cédons à l’ère du temps droitiste, alors c’est le contraire d’un débat solidaire !»



Interview avec la Frankfurter Rundschau le 11 août 2018

Dans cet entretien avec la Frankfurter Rundschaud le 11 août 2018, Wagenknecht se défend des critiques la présentant comme une nationaliste d’extrême-gauche.

«Il y a au moins trois objections à votre mouvement. La première est que vous êtes fondamentalement nationaliste et hostile aux réfugiés. La dernière preuve en est que vous avez parlé de la «morale générale d’une culture de l’accueil sans limites», qui doit être rejetée au même titre que les ressentiments de l’AfD.

Je trouve cela déjà aventureux, que certaines personnes s’opposent de manière réflexive contre le mouvement de rassemblement qui est actuellement en cours de création. Ma position dans la politique des réfugiés est bien connue et m’accuser d’hostilité envers les réfugiés ou de nationalisme est malveillant. J’ai toujours défendu le droit d’asile, qui a été mis à mal ces dernières années. Je suis convaincue que les personnes persécutées ont besoin de protection - mais que le problème de la pauvreté dans le monde ne peut être résolu par une immigration sans frontières. Au contraire, nous devons tout faire pour que l’Allemagne et l’Europe ne continuent pas à détruire les perspectives de vie dans les pays pauvres. Les gens ont besoin d’une perspective dans leur pays d’origine.»

Interview avec la Rhein Neckar Zeitung le 11 juin 2018

Dans cet entretien au lendemain de son discours au congrès de Die Linke, Sahra Wagenknecht défend ses différences avec la ligne majoritaire du parti, notamment sur la question des immigrés. Elle considère que la décision d’ouvrir les frontières en 2015 aux demandeurs d’asile a été une erreur.

«La cheffe du parti Katja Kipping exige que le vote de la conférence du parti pour l’ouverture des frontières soit maintenant accepté et respecté…

Je ne vois aucune raison de changer de position en raison de l’adoption de la motion principale. L’exigence de «frontières ouvertes pour tous» - c’est-à-dire que tous ceux qui le souhaitent peuvent venir en Allemagne - n’est pas incluse dans la proposition principale. Nous voulons combattre les causes de la fuite et aider les gens qui fuient la guerre et qui sont dans le besoin. Nous avons également besoin de plus de justice sociale en Allemagne. Personne dans le parti ne remet cela en question.

Nous sommes pour le droit d’asile et le défendons. Il doit y avoir des frontières ouvertes pour les personnes qui sont persécutées. Mais l’ouverture des frontières pour tous n’est pas réaliste. La perte de contrôle, qui a lieu à l’automne 2015, a changé ce pays, et pas pour le mieux. Cela ne doit pas se reproduire.

Mais le congrès du parti a voté contre une limitation plus stricte de l’immigration et pour l’ouverture des frontières…

Non. Il y a des opinions différentes sur le cours de la politique des réfugiés au sein du parti. Mais on peut s’en accommoder. Personne ne devrait essayer d’imposer sa propre position à tout le monde. Ma position est, que plus d’immigration signifie de plus en plus de concurrence pour les emplois, en particulier dans le secteur des bas salaires. Et, bien sûr, une plus grande charge sur l’infrastructure sociale.