PAGES PROLETARIENNES

mardi 17 juillet 2018

TRIOMPHE DU NOUVEAU NATIONALISME MIXATOIRE OU EPHEMERE FERVEUR FOOTBALLISTIQUE,



11 novembre 1918 onze heures : armistice et liesse populaire, un million de personnes sur les Champs à Paris (le 2 août 1914 : la mobilisation avait été générale en France et presque aussi enthousiaste)
15 juillet 2018 dix neuf heures : finale France-Croatie gagnée par l'EDF, liesse populaire près de 20 millions de spectateurs ont suivi le match à la télé ; à peu près autant qu'en novembre 1918 ont défilé sur les Champs Elysées parisiens.


« C'était une drôle de foule. Compacte, métissée, dansante, euphorique. Des gamins en Nike air et maillot floqués Mbappé. Des cadres en costards qui sortaient du boulot. Des familles entières, avec poussette, minots et Mr Freeze. Et des touristes en claquettes, trop contents d'avoir poussé jusqu'au lundi leur week-end parisien. » (L'OBS)

Il y a eu certainement plus de monde de par les rues en France qu'à la Libération de Paris ou en mai 68. La célébration sera dégoulinante de bêtise et d'hypocrite convivialité quelques jours encore. C'est sur TF1 que le commentaire vantard fût le plus puant et le plus nationaliste, dit par une voix suave de femme : « Ils affichent un patriotisme à fleur de peau » (c'est sans doute la nouvelle version patriotique antiraciste). Ce patriotisme de ferveur pour les bleus (sans doute la même vareuse que celle, stupide et si voyante de 14-18) s'exprimait « par delà les frontières » (sans aucun doute au-delà de la ligne bleue des Vosges puisque les médias arrosent partout mieux qu'en 14-18). Les « merdias » reflètent et inspirent, et l'inverse, cette « liesse populaire » chauvine et si marchande. Panem et cirque pour réseaux « sociaux ». Où, au bout du compte, chaque maillot vendu refile un pognon de dingue, comme a dit l'autre encravaté, à des milliardaires en culotte courte avec Porsche et super nanas, femmes libérées qui préfèrent épouser un « working class hero » qu'un working class zéro. L'ode à la mixité sociale, ce seul cliché où les classes disparaissent, suit : « Ce qui rassemble tout le monde ce sont ces jeunes de Bondy, de Marignane... On est ivre de joie ».

Le sentiment patriotique est très puissant, je ne peux pas prétendre moi-même me vanter d'être un internationaliste pur et dur face à ce spectacle qui mobilisa aussi mon ennui. Le suspense en vue de la victoire pour « notre » équipe m'a autant stressé qu'un bon scénario... de film. Que le clan Deschamps gagne me tiraillait moins que la symbolique d'une victoire « française », peuple pourtant si individualiste et rétif aux jeux d'équipe (collectifs dirait une connaissance trotskienne). Dans la ferveur on oublie voire on ignore l'arrière cuisine de la secte Deschamps, les préparatifs et filouteries masquées même aux journalistes. La secte n'a rien d'admirable, elle suppose flatteries, accointances et traîtrises, copinages et arrangements non pour la gloire de la France (rétrogradée septième puissance mondiale1) mais pour une équipée de milliardaires adulés comme n'importe quelle vedette du show business, voire plus.

ICONISATION DE MASSE ET SELFISATION DU MÔA !

Peut-on vraiment se « selfire » à soi-même ? N'y aurait-il pas d'autres raisons à aimer, l'amour et la révolution par ex ?2

Pourquoi ai-je placé en exergue cette comparaison entre 1918 et 2018 ? Parce que la situation serait similaire ? Différente dans l'expression de la liesse populaire ? Parce que, les mielleux « vive la France » et autres « on est des champions » signifieraient un nouvel embrigadement ? Pas du tout. Non, simplement parce que, malgré la nouvelle mixture d'un patriotisme antiraciste, « mixatoire », tous ces dizaines de milliers qui agitent le fanion français et crient leur amour de la « victoire française » ne sont aucunement disposés à aller se sacrifier pour la patrie comme ceux de 1914. Ces foules agitées et bariolées tricolores sont plutôt dans l'état d'esprit de celles de 1918 : « on a gagné et il n'y aura plus jamais de guerre ». Pourtant, cette compensation du ballon rond fêtard pour un prolétariat national très faible, très méprisé par notre sportif Président, est loin d'être un moment de réflexion ou d'affirmation de soi. La célébration n'a rien de véritablement collectif. Jamais, devant le défilés des troupes de tout pays naguère, celles de Napoléon, d'Hitler ou de Churchill, jamais on n'avait vu la foule s'auto-congratuler autant individu par individu. Ni poing levé, ni bras tendu mais portable levé en l'air, selfies systématique de soi au milieu de la foule, selfies éventuels avec les nouvelles gloires nationales en uniformes de stade. Les gloires elles-mêmes, gentiment aussi infantiles, se « selfisaient » à elles-mêmes avec leurs propres iphones. Le fan lambda se hausse au rang de son idole de la balle au pied en se selfisant au pied de son bus quand l'idole se sert de son propre selfie pour avoir la masse comme tapisserie de sa gloire personnelle.
Singulier comportement, me direz-vous ? Jadis il y avait pourtant de simples appareils photos mais on laissait le soin aux « actualités filmées » de rendre compte de l'événement. Désormais le spectacle capitaliste nous laisse croire que nous sommes maîtres de notre propre image et capables d'accéder à la gloire de soi-même grâce à cet objet obsédant du désir d'éternité du faux partage et de la connexion en permanence infantilisante.

UN SPORT DE COMPETITION ULTRA-VIOLENT

S'exhibant devant les écrans du monde entier, les compétiteurs d'une coupe du monde doivent refréner leur envie de gestes violents, ce qui n'est pas le cas dans les multiples clubs amateurs ; on a recensé plus de 10.000 actes de violences sur les stades français pour l'année 2017, incluant les arbitres. Jeu ancien british le foot est tout à fait dans l'esprit mercantile capitaliste : il faut « enfoncer » l'adversaire, « lui faire mal », « lui rentrer dedans », et, fin du fin, c'est un des rares moyens pour les paupérisés de devenir riches, quoique très peu d'élus pour une masse d'appelés. Les services internes de l'Etat bourgeois conviennent eux-mêmes de la rançon de cette fausse fraternité footballistique et de la superficialité de la disparition des clivages... de classes :

« Les grandes manifestations sportives sont l’occasion pour les spectateurs venus d’horizons différents de communier dans l’enthousiasme et la fraternité. Sans distinction d’origine, de classe ou de nationalité, tous sont appelés à partager l’intensité de ces moments privilégiés de la vie sociale, fédérés autour d’un esprit sportif fondé sur le dépassement de soi et le respect des règles du jeu.Trop souvent ces dernières années, l’insécurité s’est développée les enceintes sportives, ternissant le déroulement des compétitions, au mépris des valeurs présidant à leur organisation : les dégradations, le racisme, la violence ont ainsi gagné les tribunes et les abords des stades, particulièrement lors des événements touchant aux disciplines les plus populaires comme le football »3.

Ainsi débute le guide méthodologique gouvernemental des infractions dans les enceintes sportives pour l'année 2006. Le premier sport populaire est le plus concerné par les sanctions pénales. Injures, menaces, crachats voire coups de poing… Les arbitres amateurs ont été victimes de 4.841 agressions verbales ou physiques lors de la saison 2016–2017, selon l’Union nationale des arbitres de football (UNAF). Pour cette même saison 10 309 matchs au moins ont été marqués par un incident violent, 12476 pour la saison 2014-20154.

UNE NOUVELLE RELIGION QUI LES INCLUT TOUTES OU UNE SUPERSTITION PLANETAIRE ALEATOIRE ?

Les footeux sud-américains et portugais nous faisaient déjà pitié naguère en entrant sur le terrain avec un signe de croix et en levant les yeux et les bras au ciel pour remercier dieu. Aujourd'hui, on va davantage remarquer un joueur qui va se prosterner et se tourner vers la Mecque, sans savoir qu'il a déjà prié dans le vestiaire5. Le défenseur marseillais Benjamin Mendy a mis une photo de La Mecque sur son compte Twitter. Des joueurs évangéliques jouent au PSG, propriété du Qatar, et reversent 10% de leur salaire à leurs sectes. C'est « Le Pélerin » qui en convient : « Un temple ? non un stade ! Face à la houle des supporters qui ondule dans les tribunes bondées, sous la lueur blanche des projecteurs, 22 joueurs, version moderne des demi-dieux antiques, pénètrent sur la pelouse. Première foulée, doigts pointés vers le ciel pour s’attirer ses bonnes grâces, signes de croix pour appeler Dieu à la rescousse.
Un but marqué ? Regardez ces mains qui se joignent, ces genoux qui fléchissent, ces bras en croix comme autant d’offrandes à la victoire. Qui pourrait soutenir, après cela, que foot et religion n’ont pas, au moins symboliquement, partie liée. » « Il faut aussi évoquer la dévotion particulière des joueurs brésiliens ou africains. Faut-il prendre tout cela au sérieux ? Disons que, sans être toujours croyants ou pratiquants, certains joueurs espèrent que le Bon Dieu va les aider à marquer un but », ajoute le journaliste Eugène Saccomano. Et parfois même hors des stades. Ainsi, au temps de sa gloire, l’attaquant brésilien Ronaldo, faisait régulièrement son pèlerinage au sanctuaire marial de Notre Dame de Aparecida, État de São Paulo, afin de remercier la Vierge pour ses multiples sélections dans l’équipe nationale ». Il y a quelques années les fans de l’Olympique de Marseille ont revêtu la statue de Notre-Dame de la Garde des couleurs de leur club, alors sacré champion de France. Les supporters des grandes formations portugaises de Porto et de Benfica ont, eux, offert des maillots frappés du numéro 16 à Benoît XVI lors de sa visite au Portugal afin qu’il bénisse leur club favori. À l’occasion de la Coupe du monde en Allemagne, en 2006, la marque Adidas avait installé une immense fresque de 800m2 en gare de Cologne. Une imitation du plafond de la chapelle Sixtine peint par Michel-Ange, représentant Zidane, Kaka, Ballack ET Beckham.

Cet aspect religieux, quoique plus typique d'une resucée de l'Union nationale, convient bien à Mgr Dominique Lebrun. « Le foot permet d’abolir les barrières entre les générations, les intellos et les manuels, les gens des beaux quartiers et ceux des banlieues, pour peu qu’ils arborent tous la même écharpe. Incroyable alchimie ! Si elle n’est pas religieuse, elle est de l’ordre du divin. Et j’y perçois, moi, un peu du souffle de l’Esprit ». La distraction reste tout de même bien ponctuelle et éphémère, même si elle entretient au long terme des relents de défaites... nationalistes.
Feu Manuel Vasquez Montalban nous apporte des lumières sur la place prépondérante prise par cette nouvelle religion dans la vie à l'époque capitaliste :

« Autrefois, le président d’un club avait au-dessus de lui les autorités politiques, économiques, religieuses, et même universitaires. Le plaisir de présider le Milan AC ou l’Olympique de Marseille était fort limité. Actuellement, il est illimité : le moindre responsable de club pèse socialement plus lourd que la plus haute autorité, et sa capacité à mobiliser les foules est bien supérieure. C’est pourquoi les hommes politiques osent de moins en moins heurter les clubs : ils ne tiennent pas à affronter un électorat organisé et virulent. La hantise du chômage ne provoquera probablement pas une nouvelle prise de la Bastille. En revanche, s’en prendre aux supporteurs d’un club, c’est risquer un nouvel assaut du palais d’Hiver… N’oublions pas qu’un différend ethno-footballistique fut le détonateur des conflits yougoslaves (1), ni qu’une simple menace administrative contre le club local mit littéralement sur pied de guerre toute la population de Séville en mai 1996.6 »

« Indifférents à cet aspect comme au caractère religieux du football, les sociologues ne semblent
s’alarmer que de la violence de certains supporteurs transformés, à l’occasion des grands matches-messes, en commandos de choc. Tout club mêle en son sein les classes sociales, mais assigne à chacune d’elles une fonction : la tribune présidentielle programme, la masse petite-bourgeoise soutient, et les escadrons venus des périphéries urbaines agressent. Certains dirigeants de club financent même des groupes violents et les poussent à agir comme déclencheurs de l’adrénaline des joueurs-combattants. Les sociologues n’ont d’yeux que pour ces escadrons qui portent, en signe d’amour-fusion, le maillot de l’équipe adorée. Ils ne voient pas qu’il s’agit d’une véritable communion des saints avec les équipes vénérées : Milan AC, Olympique de Marseille, Barcelone FC… ».

« Il y a aussi les travaux de John Clarke et de Ian Taylor (3). Ce dernier estimait, dès 1971, que la violence était le fait de jeunes marginaux s’en prenant à l’embourgeoisement des nouveaux amateurs de football accusés d’éloigner ce sport de ses origines populaires. Taylor et Clarke furent les premiers à démontrer que la fureur dans les gradins n’était pas irrationnelle — il s’agit d’une des rares violences dont l’Etat n’a pas le monopole. D’autres analystes, appartenant à l’école de la psychologie sociale ethnogénique, y ont décelé « un comportement agressif ritualisé ». Par le biais de rituels appartenant exclusivement à la sphère de la quotidienneté — ou, comme disait Leonardo Sciascia, à la « dictature inquisitoriale du présent » —, les masses auraient-elles inventé, dans les stades, une manière de communier plus attractive que celle des religions ou des partis politiques ?

« A l’heure de la « pensée unique », cette violence résonne merveilleusement aux oreilles de certains parce qu’ils y perçoivent une faillite de la théologie de la sécurité. La seule consolation, dans ce monde chaotique, se trouverait-elle dans cette nouvelle religion laïque ? Dans le stade-cathédrale, ou dans le club-parti ? Mais ce paganisme moderne exige que les joueurs du football global possèdent, à l’image des dieux antiques, la dimension épique et lyrique du héros, alors que nous vivons une époque sans héros, qui n’a rien d’épique ni de lyrique ».
Montalban avait raison de souligner le poids de la faillite des idéologies politiques et cet aspect compensatoire de la messe footballistique, mais celle-ci est creuse, éphémère. Son seul avantage est de ne pas être robotisée, de réserver toujours des surprises, de ne rester qu'un jeu qui autorise toutes les superstitions, et qui reste passager et de peu d'importance pour le quotidien des millions d'exploités.

L'orgasme du football peut-il conditionner les masses à la
guerre ?

Cette distraction aléatoire est devenue pourtant une drogue dure des démocraties bourgeoises autant que pour les anciennes dictatures (cela révèle le niveau auquel sont tombées ces « démocraties »). Reprenons notre questionnement depuis le début et en ciblant sur l'utilisation de nos milliardaires en culotte courte, mais pas en pantalon garance. Quel soulagement, en mémoire de l'ancienne équipe black, blanc, beur, venant effacer la bande de voyous de Knysna, voici enfin une équipe multicolore (la sixième d'Afrique ont dit les africains eux-mêmes) qui entonne « spontanément » la Marseillaise, qui hurle « la France est un beau pays », qui se voile la tête de l'oriflamme tricolore (sic).
Adulés et surpayés, les joueurs pourraient-ils servir déjà utilement les objectifs militaires de la bourgeoisie ? Certes ils se « sacrifient » aux exigences du chef de la secte, pardon du club, et à leur nutritionniste et masseur. Ils ont donc besoin de transcendance, mais certainement pas pour risquer leur peau pour la patrie7. Le foot actuel comporte plus de contre-indications qu'il ne serait un perpétuel anesthésiant de la révolte sociale, comme le croient les gauchistes simplistes. Il ne détourne pas de la violence contre l'Etat bourgeois puisqu'il génère comme on l'a vu ci-dessus, de multiples violences stupides, et que les festivités d'après match voient régulièrement des affrontements entre sportifs policiers et sportifs voyous. En même temps, la récupération exhibitionniste par le couple présidentiel français, de façon très affectueuse, voire très charnelle comme avec la sémillante reine de Croatie, convient parfaitement au bonapartisme du régime dans son mépris de la principale classe exploitée. Mais ce cirque n'est pas durable.

Pour terminer cet article quelque peu sociologique, le lecteur me permettra d'en revenir à la politique et à l'histoire, 2018 comparé à 1914 et ambiances respectives. Le plus grand écrivain de langue allemande de l'entre deux guerres, Stefan Zweig avait été tout d'abord captivé par l'enthousiasme patriotique bon enfant : « Ce n'était partout que drapeaux, bannières, musiques. Les jeunes recrues marchaient au milieu d'une ambiance triomphale. Leurs visages étaient lumineux ». Ian Kershaw continue : « Zweig vit « sa haine et son aversion de la guerre » temporairement submergées par cette scène « majestueuse, grisante, voire séduisante » L'  « humeur guerrière », une fois acceptée l'idée qu'il s'agirait d'un combat pour se protéger de la tyrannie tsariste, l'emporta aussi sur les protestations dans les rangs des socialistes autrichiens ». « Du balcon du Palais d'Hiver, à Saint Petersbourg, le tsar Nicolas salua la foule immense qui l'acclamait et qui, suivant les ordres, s'agenouilla devant lui, agitant des étendards et chantant l'hymne national. Paris assista à un débordement de ferveur patriotique tandis que le Président Poincaré proclamait le dépassement des divisions internes avec « l'union sacrée »8.

S'il y avait incontestablement des jeunes des banlieues sur les Champs et nombre de têtes « bronzées », comme en 1914, c'est la jeunesse bobo qui ramène sa fraise, comme en 1914 ainsi que le rappelle Kershaw :
« ...à Londres et ailleurs en Grande Bretagne, c'est l'inquiétude et la nervosité qui dominaient et non le chauvinisme, qui paraît avoir été confiné à des fractions de la classe moyenne, notamment les jeunes ». « La ferveur patriotique des groupes d'étudiants au cœur de Berlin ne trouva aucun écho chez les ouvriers des quartiers industriels où prévalait l'hostilité à la guerre, ou du moins une angoisse à la perspective d'un conflit associée au désir de maintenir la paix. Dans les campagnes également la ferveur guerrière était rare. (…) Les paysans russes n'avaient aucune idée des raisons pour lesquelles on leur demandait de combattre. Dans les villages français, le choc allait de pair avec le pessimisme et l'acceptation fataliste du devoir et de ses exigences, mais la proclamation de « l'Union sacrée » par Poincaré ne suscita aucun enthousiasme. De même au sein de la classe ouvrière, notamment chez les travailleurs liés aux partis socialistes ou aux syndicats – fortement internationalistes et volontiers pacifistes – l'ultranationalisme et l'enthousiasme guerrier étaient assez peu marqués. Malgré tout, il n'y eu pas de véritable opposition à la guerre ». En Russie, les socialistes préférèrent s'abstenir (les cinq bolcheviques siégeant à la Douma votèrent contre et furent par la suite arrêtés).

Heureusement qu'il y eût, à retardement et au cœur des massacres l'insurrection bolchevique, plus ouvrière d'ailleurs que conséquence d'une directive de parti, pour stopper provisoirement quelques années la guerre mondiale. Mais cette soumission à la marche à la guerre était, Karshaw le note très justement, aussi le résultat de dizaines d'années de bourrage de crâne patriotique ; en France le souvenir de la guerre de 1870, plus que de la Commune de 1871, était cultivé dans les écoles et la jeunesse aisée était carrément conservatrice pour ne pas dire totalement patriotique, mais à condition d'être déjà ces cadres militaires « entraîneurs » de pioupious et pas de joueurs de foot. La dévotion de la diversité ethnique actuelle, après la suppression du mot race dans la constitution française par les petits rigolos du Parle-ment, va de pair avec l'antifascisme et l'antiracisme de salon. Mais tout reste en l'état, les mêmes divisions de la classe ouvrière en races, migrants, manuels, intellectuels, fonctionnaires, chômeurs, etc. Cette division n'est pas par contre une voie royale pour l'ordre bourgeois bonapartiste. Il faut une « communion » autrement plus solide politiquement et socialement pour entraîner le prolétariat à une guerre où il serait directement mobilisé. Quoique même si la guerre atomique est pour l'instant invraisemblable, cette division antiraciste et l'oecuménisme éphémère du football permettent de continuer guerres locales obscures et représailles terroristes. La coupe du monde, cette fois-ci, n'a pas permis une ambiance pacifiste ni internationaliste, partout il n'était question que de sécurité contre de possibles attentats, des camions barrant systématiquement l'accès aux place publiques. Comme ambiance mixatoire sereine on peut espérer mieux. L'antiracisme officiel et la « sportivité filandreuse concernant les migrants ne font qu'aviver les vieux fonds de rivalités ethniques comme les rêves éculés de France éternelle. La prochaine guerre conservera toutes ces arriérations, car les guerres du capitalisme moderne contiennent toujours des objectifs de purification ethnique9.

Quant au football, il est plus délire passager populiste et populaire, peu unificateur des peuples et encore moins du prolétariat. Foin du cliché des working class heroes. Certainement une voie professionnelle étroite pour vocation de milliardaires sans âme, sans souci pour leur self et selfisé avenir..



Nouveau guerrier mondial ? Qu'il est drôle ce Trump :

"Je pense que nous avons beaucoup d'ennemis. Je pense que l'Union européenne est un ennemi, avec ce qu'ils nous font sur le commerce. Bien sûr on ne penserait pas à l'Union européenne, mais c'est un ennemi. La Russie est un ennemi par certains aspects. La Chine est un ennemi économique, évidemment c'est un ennemi. Mais ça ne veut pas dire qu'ils sont mauvais, ça ne veut rien dire. Ca veut dire qu'ils sont compétitifs", a détaillé M. Trump, dans les propos avaient été recueillis par la chaîne CBS samedi.


NOTES:

1L'Inde sans équipe de foot en lice double cette pauvre France cocorico m'as-tu-vu : https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/l-inde-double-la-france-et-devient-la-sixieme-economie-mondiale_2024694.html
2Seul rabat-joie, Poutou n'a pas craint de passer pour un intellectuel méprisant les « jeux du peuple » mais son argumentaire se gardait de remettre en cause cet opium (religieux) du peuple et surtout du prolétariat. S'il ressortit la banalité de base du vieux gauchisme qui voit de la récup politique partout  - « Cette coupe du monde comme tous les grands événements sportifs ne sont pas que des machines à rapporter du pognon (pognon de dingue) à des profiteurs, ce sont aussi des moyens de propagande idéologique, qui distillent le chauvinisme et le nationalisme, qui veulent faire croire que riches et pauvres, patrons et ouvriers, banquiers et chômeurs, seraient unis par notre drapeau et auraient les mêmes intérêts » - il n'a fait que souffler dans le sens du vent mixatoire en reprochant aux politiques de saboter le « vivre ensemble », alors qu'ils le récupèrent fort bien et l'intègrent comme donnée du nationalisme relooké. Plus honteux il a joué au donneur de leçon contre ces « abrutis du foot » qui n'ont pas « suivi » les diverses grèves ridicules de la syndicratie ni accueilli des migrants bras ouverts, feignant de s'étonner que les Français (sic) ne se mobilisent pas "contre les attaques antisociales du gouvernement", "contre les licenciements" ou "pour l'accueil des réfugiés".  Or, lui a participé totalement au suivisme trotskiste des grèves corporatistes à rallonge ; vous vous souvenez qu'il avait dit : « nous, on attend les consignes des directions syndicales » dans la queue de grève abstruse de l'ex-SNCF. En plus, comme ce petit soldat du syndicalisme ringard n'est pas très intelligent, il n'a pu cacher qu'il avait suivi en douce tous les matchs ! Preuve qu'ils étaient tout de même plus marrants que les grèves artificielles des cartels des bonzes anonymes.

3De « La direction des affaires criminelles et des grâces ». http://www.justice.gouv.fr/art_pix/violencesenceintessportives.pdf
4https://inhesj.fr/sites/default/files/ondrp_files/publications/pdf/note_19.pdf
5Noter cela est d'ailleurs mal vu, la doxia multiculturaliste y veille (cette « dictature inquisitoriale du présent »), ainsi ce pitre qui en appelle aux nouvelles règles de respect des amulettes et autres superstitions, regrettant que la prière musulmane fasse désordre : « Peut-être parce que l'aspect multi-religieux de nos sociétés n'a pas encore été intégré par tout le monde, notamment en France ». 

6Le football religion laïque en quête d'un nouveau dieu https://www.monde-diplomatique.fr/1997/08/VAZQUEZ_MONTALBAN/4899
7Quoique jadis les sportifs de « haut niveau » aient été bien facilement embrigadé dans les entreprises impérialistes. On se souvient du premier capitaine de l'équipe de France en 1930 qui a fini tortionnaire pétainiste.
8L'Europe en enfer de Ian Kerhaw (1914-1949), p.64 et suiv.
9Le livre de Kershaw est lumineux à cet égard en revisitant les interprétations des guerres mondiales ; très intéressant par exemple en analysant que les arméniens n'étaient pas tout blancs et que leur massacre a obéi aux contraintes des bagarres interimpérialistes (cf p.75). Tout maximaliste qui se respecte ou secte idoine, ou ce qu'il en reste, devrait lire ce livre, dont le premier tome en français vient de paraître, et ainsi sortir du rabâchage des fractions de la gauche communiste qui auraient tout compris en leur temps.