PAGES PROLETARIENNES

lundi 11 décembre 2017

LA MORT ORDINAIRE D'UN CHANTEUR DE VARIETES


« La musique seule peut parler de la mort ».
André Malraux, La condition humaine.

Fin de saga d'un rebelle milliardaire endetté

Je ne voulais pas oublier initialement cet article après qu'on nous ait goinfré tout azimut pendant quatre jours et demi1 avec les commémorations diverses de la mort de Johnny Hallyday, où l'obscène rivalisa avec union des larmes nationales, gros cubes de riches et petite croix autour du cou d'un homme pas vraiment vieux mais au visage ravagé par l'alcool, mais la réaction provocatrice, mais si fine, de Finkielkraut, qui choque tant l'unanimité nationale pleureuse, a mis le doigt dans le mille, ou une partie du mille feuilles idéologique...Ce qui m'interrogeait était le silence de la gauche bourgeoise. Aucune effusion du côté des trotskiens ; comme pour les attentats, chez les NPA il faut croire que le décès de Johnny ne relevait même pas du fait divers2, quant à la secte LO ils vivent toujours en vase clos dans leur univers stalinien où il n'y a que des « travailleurs » qui n'aiment que écouter que du Jean Ferrat et que applaudir au discours de la bécasse à la ducasse et que aux choeurs de l'armée rouge ? Johnny n'était-il que un simple amuseur « populaire » enrichi par des fans consentants et électeurs du FN ? Ou que un simple VRP de l'impérialisme US raciste, de ses bécanes lourdingues et de ses films que pour garçons vachers ?3
Voici ce que j'écrivis en premier lieu.

Hé Johnny ! Que le COMMERCE, lui, il est éternel !

Jeudi. Quelques heures avant l'ouverture du supermarché Carrefour à la Cité de l'Europe à Calais, ayant appris la mort du rocker dans la nuit, le directeur a fait lever fissa une poignée d'employés pour pousser au milieu du magasin le bloc de rayonnages, prêt depuis plusieurs jours, chargés de CD, de livres et d'un portrait de Johnny adolescent. Le commerce capitaliste vous prend aux tripes par les sentiments : jeunesse éternelle, twist again and always, souvenirs souvenirs...
Bref, photo sentimentale du grand blond à la guitare et cercueil de CD trônaient à l'ouverture devant les rayons informatiques, ce qui nous occasionna quelques réflexions humoristiques entre consommateurs éclairés et pas nécessairement admirateurs du chanteur et de ses déhanchements moins érotiques que ceux d'Elvis. Depuis au moins deux semaines, contrairement aux fans neuneus à qui les médias faisaient croire qu'on peut lutter contre le cancer, il faut dire que la plupart des magazines « chauffaient la salle », et la future mobilisation de masse, en préparant de façon obscène l'annonce de la mort du double francisé d'Elvis.
Je découvris une autre façon de mener l'enquête ou même de draguer dans les allées du centre commercial puisque je posais la question suivante à un certain nombre de femmes (fans?) de tout âge et en tout bien tout honneur : « Etes-vous triste aujourd'hui ? ». Une fois sur deux la personne restait interloquée, non pas de la teneur de ma question, mais parce qu'elle était anglaise, et que, à Calais. Elle ne pigeait que pouic, et, malgré le Brexit (ou à cause du) les anglais continuent à venir remplir leurs chariots de vins bas de gamme et de bières moins chères. La plupart des francophones étaient tristes évidemment, le plus grand nombre de fans résidant dans les Hauts de France, région pauvre qui aime la danse populaire et la violence contenue dans le rock and roll.
Tous les politiciens hexagonaux y ont été de leur selfie condoléant. Plus étonnant a été la réaction coincée de la gauche bourgeoise (j'ai évoqué plus haut le silence méprisant des trotskiens).
Le mutisme de la gauche bourgeoise reposait-il sur le fait que le « parvenu » Johnny n'avait jamais caché ses sympathies pour le libéralisme bourgeois, même le plus provocateur à la Sarkozy, bien qu'il s'en soit mordu les doigts et même finalement désolidarisé4. Mélenchon, qui n'aimait jamais tant que photographier les vedettes lorsqu'il n'était que un second rôle au PS, ne savait pas que dire (si je pleure mon électorat va penser que je suis vendu aux produits impérialistes, si je ris je vais m'aliéner un électorat qui hésite entre moi et Marine). Donc il n'a rien dit puisque le chanteur « de droite » est trop « populaire ». Du côté de la Bible à bobos, l'OBS, un Serge Raffy est encore plus obséquieux face à que la récup nationale macronesque : « Son œcuménisme de rocker mérite à coup sûr un immense hommage. Mais que vient faire la République dans ce deuil ? C'était un géant, certes. Il souhaitait qu'on voir en lui un simple saltimbanque. Sans message, sans leçon de morale. Peut-on pleurer une idole sans le transformer en statue ? La disparition du « monument Johnny » marque la fin historique des baby boomers. Est-ce cet événement que certains veulent glorifier par un quasi « deuil national » ? ».
Et si Hollande avait été encore au pouvoir, que le Raffy lui aurait-il reproché de surfer idem sur une « union nationale en deuil »5 ? Nulle dimension internationaliste chez le porte-plume de l'OBS, mais la même gêne que Mélenchon face à un « saltimbanque de droite », au pote des milliardaires. La plus ridicule condoléance est venue du léger Hollande pour prendre un peu de poussière de gloire du « dieu Johnny » : « on aurait bien aimé le retenir » (allusion pataude à « Retiens la nuit », qui nous berça adolescents avec des transistors grésillants dans nos tentes de camping où les filles ne voulaient pas se risquer). Remarque assez imbécile quand on sait l'état où vous met le cancer à la fin. C'est Polnareff qui a montré plus de dignité : « Il valait mieux qu'il parte, au moins il ne souffre plus ».

Autant la gauche bourgeoise se montra gênée, gênée de feindre l'indifférence, autant la droite oécuménique et son pendant macronesque afficha son affliction et une compassion biblique. Opportunité quand tu nous tiens ! Ne fallait-il pas surfer sur une émotion populaire qui s'annonçait comme massive, qui prenait des proportions gênantes où, deux décennies après la disparition de Coluche, une vedette de music-hall menaçait de ravir le vedettariat à la camarilla de politiciens officiels. Tout le monde n'est pas d'accord avec moi, l'instrumentalisation nationale aurait été acquise dès les premiers râles de Johnny. Ce que je ne pense point. L'hommage national aux Champs a été contraint et forcé, et la polémique entre premiers rôles gouvernementaux a traîné quelques jours : coût d'une telle opération, plan vigipirate, risques de flop ou pagaille d'une venue massive de « beaufs ». Toutes les oreilles policières et journalistes ont averti que la masse trépignait et ne se laisserait pas voler son deuil, qu'elle viendrait de toute façon en Harley ou en voiture neuve à 169 euros par mois à vie.
Le rendez-vous fût massif en effet. Certainement un million sur les Champs et quinze millions, dont moi, devant la télé. Du jamais vu pour n'importe quelle queue de pie présidentielle, et l'enterrement de Victor Hugo était réduit à une pauvre manif de la CGT.
La prétention de Macron à discourir avant la messe était une gageure6. Sachant que les premiers rangs, venus de province étaient plutôt électeurs du FN. Cela n'a pas raté, les sifflets ont commencé... mais n'ont pas duré. Macron a réussi à les bluffer finalement avec un discours bien tourné qui flattait à mort les fans et leur idole, dans lequel il ne se mettait aucunement en avant, et puis continuer à siffler se serait vite retourné comme une honte pour les siffleurs « beaufs ».
Les deux écrivains attitrés Labro et Rondeau firent un discours de fines plumes. Labro osant égrener, parmi d'autres facettes du personnage, son aspect caméléon mais se faisant étriller pour avoir oublié de nommer les filles adoptives (certes caprice de vieux riche). Rondeau, journaliste au Monde qui avait fait scandale en interviewant jadis en une de ce journal intello, un vulgaire rocker, fit le beau en indiquant que Laeticia lui avait décrit la mort « héroïque » et mystique de l'homme Johnny : il est tombé par terre et ses yeux ouverts étaient dirigés vers le ciel7.
Le pape, devant sa télé, devait se frotter les mains pour la pub mondiale de la principale multinationale. Cela dégoulinait de mysticisme. La croyance pipole stupide en l'immortalité de leur « idole » - ce qui était pourtant une hérésie dans l'Ancien Testament – venait se jeter dans les bras des pires bigoteries qui entrecoupaient les discours des amis du beau monde sans foi ni loi.
Le plus ridicule fût Bruel qui commença par décrire une virée en Lamborghini et un arrêt picole avec louche de caviar avec son ami qu'il croyait immortel ; oubliant que seuls les académiciens bourgeois sont immortels, du moins le croyait-on jusqu'à ce qu'un vulgaire mortel chantant vienne leur faire concurrence. Le clou du spectacle d'affectation nationale et d'affliction musicale était bien sûr la bénédiction du curé gauchiste en santiags avec la pompe à encens, et sa tête de Léo Ferré, qui figurait la facette bad boy du passé d'un Jojo rangé des Harley en fin de carrière, bon père et presque papy de la nation. Quoique rebelle milliardaire endetté.

Pour tout dire, le spectacle religieux fût un concert réussi. Jésus Christ, ce hippie, ne nous en
voudra pas d'autant que Johnny a chanté toute sa vie avec sa croix autour du cou. Il lui manqua cependant la djellaba de Jésus et ne se promena jamais pieds nus sur scène. Jésus ne connut point l'électricité pour amplifier le son des guitares ni ne voyagea à bord d'une Lamborghini. Exhiber le luxe était contre révolutionnaire en ces temps là. Il y avait un côté obscène chez le Hallyday du XX e siècle finissant post bigoterie universelle de chanter la misère spirituelle du commun des mortels prolétaires tout en roulant carrosse, mais comme l'art ne peut pas être prolétarien, on aima quand même. Un riche peut connaître des déceptions d'amour comme un prolétaire, peut connaître la dépression, quoiqu'ils soient une infime minorité à mourir dans la rue. C'est pourquoi le sort de Johnny jette le trouble en nous, qu'on l'ai aimé ou pas.

Johnny était né relativement dans la rue, dans un milieu bohème artiste qui ne vivait pas si
pauvrement (le manteau dont il est vêtu, mes parents n'auraient pu me l'offrir à l'époque). Mais cette histoire de Johnny nous touche parce qu'elle nous renvoie à notre vie personnelle. Ce qui est étranger aux groupes politiques, quels qu'ils soient, y compris ceux qui se disent marxistes. L'individu n'existe pas en politique, et « le parti » n'a aucun compte à lui rendre8. C'est pourquoi nos pauvres bobos gauchistes ils restent coincés et ne peuvent rien dire sauf à se ridiculiser. Pourtant L'Huma a publié un article tout à fait digne et correct sur Hallyday, même si, inévitablement, on ne peut douter qu'il s'agisse d'une opération de séduction électoraliste car les vieux ouvriers, oui que ils aiment beaucoup Johnny dont les chansons gueulées, à fond la caisse, leur ont parfois donné du baume au cœur pour les humiliations subies au boulot, nota « qu'est-ce qu'elle a ma gueule ? » et « je ne suis pas un héros »9.

Comparé aux enterrements corbillards silencieux et emmerdants, l'hérésie pouvait entraîner l'ire du catho de base, mais ce ne fût pas ridicule, et ce ne fût pas, quoiqu'on en dise une invention européenne ou d'homme blanc irrespectueux envers la religion. On chante le gospel dans les églises américaines. L'église française a évolué, elle est devenue païenne sans complexe, elle laisse depuis longtemps entrer les musiciens dans l'église au moment des mariages ou des enterrements, le rock remplacer ou cohabiter avec la musique sacrée. Vous ne verrez jamais cela dans une mosquée ou une synagogue10. La faculté de « récupération » de l'église catholique n'est donc pas négligeable et elle est loin d'être moribonde en Amérique du Sud et en Afrique11.


LA FIN D'UNE CERTAINE CULTURE IRENIQUE POST 1945 ?

J'en viens à la déclaration provocatrice, comme toujours, de Finkielkraut : « Pour Finkielkraut, seuls les «petits blancs» ont rendu hommage à Johnny, pas les «non-souchiens» qui « brillaient par leur absence ». Moi je l'aime bien finalement Finki, pas pour son soutien à l'Etat colon Israël, mais pour sa capacité à aller à rebrousse-poil de l'idéologie libéral gauchiste antiraciste dominante. Il faut toujours des extrêmes pour animer l'ennui politique dominant, Finki est l'extrême de la raciste Houria Boutelja et de tous les anonymes qui ont fait du tueur débile Merah leur idole. L'humour sur la question sociétale et ses labyrinthes idéologiques actuels provoque la déflagration. Je m'y attendais. Je voyais bien moi aussi cette dominante de visages blancs, malgré quelques noirs quand même, antillais sans doute. Hurlent tous ces bien-pensants qui ont baratiné que supprimer le mot race de la constitution supprimerait le racisme. Hurlent tous ceux qui sont contre tout contrôle des migrants mais ne s'occuperont jamais de leur trouver un foyer et un travail. Mais leurs amis antiracistes professionnels relativisent aussitôt que c'est parce que le rock est désormais ringard, que la dépouille de Johnny signifie la fin de l'emprise des baby-boomers, des égotistes, ces consommateurs sans âme, ces vieux jeunes !
Ces furieux contre le provocateur Finki ont certainement raison sur un plan : la société française est devenue multiculturelle. Il faut laisser construire à gogo mosquées et clubs de foot animés par des intégristes musulmans, laisser les élèves défavorisés insulter leurs profs, applaudir au port généralisé du voile. Toute la musique « que j'aime » serait désormais le rap. Le rock c'est pour les vieux blancs racistes ; d'ailleurs (hum hum) il paraît que Elvis l'était12.

Ce constat très pertinent de Finki n'est pourtant qu'un vrai constat, l'aboutissement des cloisonnements communautaristes. Les noirs et les arabes on ne les vit point, ou en nombre, aux enterrements pour Charlie13. Les noirs et les arabes – pour parler de façon tristement schématique – ils ne se montrent qu'en banlieue lors des manifs pour protester contre des exactions policières, ou pour soutenir n'importe quelle exaction de voyou si cela concerne « la race ». On aimerait bien les voir pourtant plus nombreux dans les manifestations « de classe » (ouvrière) ; quoique chacun soit toujours libre de manifester pour ce qu'il veut.

Mais, comme toujours, la provoc de Finki reste superficielle et décalée par rapport à la réalité sociale, et que nombre de noirs et d'arabes étaient aussi devant leur écran de télévision. Je ne pense pas qu'on puisse reprocher non plus à d'innombrables prolétaires blancs de ne pas être venus à l'enterrement pipole ; Finki ne nous dit pas quelles classes ou couches composait cette masse de gens, ni la proportion de voyeurs ou de joggers. Ensuite la mort d'une vedette de variétés depuis le temps du général – lequel déclara que Johnny serait plus utile à la construction des autoroutes – ne peut pas enterrer les années 60. Il ne fût qu'un personnage de ces années-là, et c'est réduire l'histoire à un spectacle de Michou Drucker que d'imaginer que les préoccupations des gens pendant 50 ans ont été les santiags et les vêtements ridicules de scène du caméléon Johnny.

L'ENVIE DE PROLONGER LA VIE... ou d'assister à un cancer


L'émotion populaire renvoie à quelque chose de plus profond, et qui nous touche tous, toutes races confondues, quelles que soient nos « idoles ». J'ai pour cela deux explications dont vous pouvez inverser l'ordre.
La première est que le dégoût de la politique en général (« noir c'est noir... il nous reste l'espoir »), renferme les gens (j'évite de dire toujours les prolétaires ce qui finit par paraître ...communautaire!) dans des soucis d'ordre privé et sentimental. Assister à un concert (et aussi cancer) d'une bête de scène les touche bien plus que les lamentables meetings électoraux. Le plaisir est immédiat par le chant, le rythme, l'ambiance. Les lendemains chantants tu peux toujours attendre et te morfondre politiquement.
La deuxième est ce refus de vieillir et d'accepter la mort qui est typique justement de la génération des baby-boomers. Jusqu'à nos jours le cancer a été une maladie cachée, masquée; on trouve encore nombre de nécrologies qui indiquent "victime d'une maladie incurable"; car elle était honteuse cette maladie; honteuse parce qu'imbattable, qu'elle ridiculise la médecine, et qu'elle signifie qu'il y a un gêne pourri dans votre hérédité familiale. Avec l'exhibition du cancer de Hallyday, on aura certainement décomplexé l'information sur le sujet mais pas fait avancer le schmilblic.  Obscène et fallacieuse fût cette prétention, étalée par les médias, à combattre la maladie à coups de gueule ou de doigts d'honneur, ou avec les prières des fans. Johnny put allumer le feu souvent mais conjurer le sort en vain. Certainement au courant depuis l'an passé du mal qui le rongeait, et auquel l'abus de tabac, d'alcool et de drogues illicites n'est pas étranger, il faisait le fanfaron. Il mena une série de concerts au titre de « Rester vivant » avec une grosse tête de mort qui pendait au-dessus de la scène de chaque représentation. Le chanteur à tête de loup et au sourire désarmant soliloquait avec sa maladie à travers les paroles poignantes qu'on lui avait composé sur mesure : « l'envie de prolonger la vie ». Les meilleures incantations même musicales ne peuvent rien contre ce putain de cancer, surtout du poumon ; j'en sais quelque chose pour avoir été aux premières loges lors de l'agonie d'Anouke et d'autres. Tout le corps part en couille, se vide littéralement en un liquide infâme. Le malade meurt littéralement de faim car il ne peut plus manger. Je plains les proches de Hallyday qui lui ont tenu compagnie jusqu'aux derniers jours, et, désolé, mais toutes classes et races confondues, le chagrin des autres allume toujours une immense peine en nous. Pauvres êtres humains nous sommes périssables comme les fleurs, mais pas tous en même temps. Notre espoir et notre joie réside dans le fait que l'humanité ne s'arrête pas à la mort de celui-là ou de celle-ci. Que nos successeurs vont connaître à nouveau la vie et peut-être un monde meilleur.
Johnny a probablement dit à ses médecins : « stop débranchez-moi, je veux pas finir complètement décomposé ». Peut-être est-ce une de ses dernières blagues d'avoir attendu que l'écrivain bourgeois oecuménique d'Ormesson le précède. Johnny était croyant depuis toujours, sinon il n'aurait pas porté la croix catholique pendue à son cou même pour les concerts les plus hérétiques. Il a dû penser que monter au ciel avec d'Ormesson serait moins emmerdant qu'avec Mireille Mathieu. C'est sans doute le seul vrai combat qu'il a pu imaginer. M'ont fait rigoler les inventions de ses amis ou des toubibs clientélistes qui ont clamé qu'il avait mené un combat acharné contre le cancer. On ne peut pas lutter contre le cancer soi-même comme on ne peut pas réparer tout seul sa jambe cassée. Les soignants vous bourrent de cachets, pas de music-hall, et dosent d'une manière plus alchimique que scientifique avec la chimio. Le crabe, lui, avance inexorablement même si vous avez « encore envie de vivre ».

L'agitation des tout petits scandales sur le déroulement des cérémonies ou de la dernière provoc de Finki, servent à laisser au second plan l'essentiel : la recherche sur le cancer n'a pas progressé depuis des décennies. La « science capitaliste » est plus apte à tuer des milliers d'hommes à des distances lointaines qu'à guérir les milliers qui souffrent et périssent de cette maladie glorifiée comme « incurable »14. Incurable comme le capitalisme ?





NOTES



1Alors que des informations autrement plus graves sur ce qui se passe dans le monde méritaient de rester en une, la grave provocation de Trump contre les Palestiniens, l'armement accéléré de la Corée du Sud, l'invraisemblable déclaration de victoire de la camarilla gouvernementale irakienne assurant avoir fini la guerre contre daesh, les vagues de destruction d'emploi dans les grandes surfaces et les banques, etc.
2Par contre, ils passent du temps à défendre un vieux bureaucrate du PS, qui fût un de leurs pères trotskistes en sa jeunesse, accusé d'antisémitisme pour avoir publié un montage bête de Soral montrant Macron comme otages des juifs et des banques, ce qui n'est pourtant pas totalement faux ni antisémite, quand chacun sait que Goldman&Sachs, banque de banksters est couramment nommé banque juive. Et qu'il y a quand même des magnats juifs aussi pourris que nos magnats chrétiens ou musulmans. Naguère, des groupes, pas aussi étroits, qui faisaient eux partie de mouvement révolutionnaire (S ou B et Pouvoir ouvrier) n'hésitaient pas à parler des concerts de rock comme événements ; même si ultérieurement a été théorisé cette truie « le soulèvement de la jeunesse ».
3Pour ce qui me concerne, cela ne me fit ni chaud ni froid, il n'est pas un proche et je le savais condamné malgré les sottises sur sa robustesse et un (impossible) combat contre une telle maladie. Comme je l'ai dit au début de mon livre jadis (« Les cartons d'Albi ») on ne peut nier qu'il fait partie de l'histoire de France au même titre que De Gaulle et Bardot, que, même à partir de l'exemple américain il a envoyé valser la musique de papa. Quant à sa trajectoire personnelle et ses fortunes diverses elles sont secondaires. Comme interprète il fût un soleil. Je l'ai croisé souvent involontairement, enfant d'abord, à Albi,où il fît un de ses premiers concerts vers 1961 ; il était venu se balader dans mes belles rues autour de la cathédrale. J'ai assisté avec indifférence à son concert au palais des sports vers 1967 à Paris, plus intéressé par la mise en scène (danseuses aux seins nues avec paillettes) . Puis je le vis parfois dans les rues de Paris où il passait dans les 70 avec ses hordes parasites de Harley Davidson. Enfin, à l'enterrement de Coluche à Montrouge, je marchais derrière lui avec Michel Leeb, dans le maigre cortège qui accompagna le comique jusqu'au cimetière. Chacun est accompagné d'une chanson lors de son premier amour, moi, avec Anouke, c'était en 1969 : « Que je t'aime » et le Polnareff du « je te donnerai tous les bateaux ».
4Tant de bardes à la Doc Gynéco, qui firent la lèche à Sarko, ont fini aux oubliettes médiatiques.
5Pas vraiment, comme on le verra grâce ) Finki...
6A l'origine Macron devait discourir à l'intérieur de l'Eglise, où il ne risquait pas de sifflets de la part de la haute caste réunie sous toit catholique. Cela eût été une transgression à la veille (le 9) de l'anniversaire de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ! Chacun tint son rang, les curés dedans et la République dehors, mais Johnny attend désormais d'être béatifié. On le fit passer pour un saint, oubliant ses frasques de riche parvenu ou ses abus sur les sans grades, même si on nous rappela lourdement qu'il avait donné son cachet de concert aux sidérurgistes de Longwy en lutte en 1979.
7Pitoyable imagerie mystique, en général on ne tombe pas par terre lors d'un malaise pour se retourner et regarder le bon dieu. La réalité est simple : on débranche dès que le malade fait signe. Ce qu'un hebdo pipole a fort bien résumé : « madame, c'est maintenant ». C'est cela qui est terrible pour les proches, pas vraiment pour celui qui est débranché, en vérité euthanasié, et qui voit la fin de ses souffrances.
8Pour exemple, j'ai envoyé de vieux films de vacances à des responsables du CCI, récemment, qui contenaient des moments de vacances avec de charmant(es) camarades disparus. Ni merci, ni merde. Et je doute même qu'ils les aient transmis aux concernés. Je ne peux résister à ajouter cette anecdote qu a choqué les personnes que j'avais fait venir à leur dernière réunion publique à Paris. Une sympathisante de Rennes (j'espère non militante) a déclaré : « je ne veux surtout pas que mon fils devienne prolétaire ». Réunion de bobos ?
9Le rock n'a jamais été subversif, un défouloir tout au plus. C'est le rock qui a fait tomber le mur de Berlin, plus encore que la course aux armement qui a épuisé l'URSS. Avec le rock on peut s'amuser entre fils de bourgeois ou d'ouvriers. Le rock a cassé les frontières et les clichés politique bien plus que nos vieux refrains révolutionnaires. S'il contient plus d'amusement immédiat, de communication sociale joyeuse dans le présent, que nos lointains déhanchements communistes, inatteignables lendemains, il reste une mode aléatoire, et c'est bien la CIA qui a sponsorisé les grands concerts qui ont servi à culbuter les choeurs ringards de l'armée rouge !
10Lors d'un mariage familial, mon fils, guitariste, avait composé une chanson pour sa grand-mère et la chanta au beau milieu de l'Eglise avec l'accord du curé.
11Le chant au moment des enterrements est immémorial en Afrique. Au Burkina Faso des veillées de chants sont organisées lors des funérailles mossi pour tous les défunts ou défuntes décédés des suites d’une mort jugée socialement acceptable et alors que leur statut permet la tenue de rites funéraires. Aux îles Tonga, les femmes chantaient des complaintes autour du cadavre et les continuaient encore au dessus de la tombe.Les Maori de la Nouvelle Zélande ont laissé des chants funéraires d’une beauté rare. Ils s’appelaient Waiata tangi et étaient chantés en choeur. En Amérique, nous trouverons la même coutume et les mêmes productions orales. Chez les Indiens du Paraguay, dès que le guerrier défunt était paré de ses armes, les femmes de sa famille éclataient en pleurs effroyables. Puis elles se levaient deux par deux, entonnaient un chant monotone et faisait en dansant le tour de la cabane. Ces chansons et ces danses étaient continuées par les femmes pendant trois jours. Les hommes se tenaient à l’écart et vaquaient à leurs occupations habituelles.

12Etrange étrange, le rock qui vient du blues et du jazz, donc d'une musique inventée par les noirs révoltés, reste quand même immortel pour autant de noirs que de blancs. Il faut constater tout de même une communautarisation musicale. Les boites en banlieue parisienne sont dominées par la musique antillaise. Pratiquant depuis peu le Linky Hop, j'ai pu vérifier que cette danse de 1930, inventée par les noirs américains, était pratiquée surtout par une jeunesse à majorité blanche. Pourtant elle reste ouverte à tous, et nos plus brillants danseurs ou profs de cette danse qui fait fureur depuis deux ans sont noirs.
13Je l'avais signalé sur mon blog à l'époque, mettant cette absence plus sur une conscience de classe, même faible, rétive à ces grandes communions nationalistes d'un hypocrite « tous ensemble contre le terrorisme » planifiées et encadrées par l'Etat bourgeois ; malheureusement il semble que le prolétariat est en grande partie divisé, et que chacun pense « nos morts ne sont pas les vôtres ».
14Plusieurs amis et camarades sont actuellement frappés par le cancer, et c'est à eux que je pense. Je leur dis qu'il n'est pas aussi rapide pour tous, que certains connaissent de longues rémissions et je les embrasse. Tous, de toute façon, malade ou pas, on atteint tôt ou tard, le point « fatal », le moment « final ».