PAGES PROLETARIENNES

mercredi 27 septembre 2017

DU TERRORISME EN ENTREPRISE

Dans quel sens faire ses courses dans la galerie d'un camp LIDL?

« Deux cent cinquante colis par heure, soit un toutes les quatorze secondes. L’équivalent de six voitures soulevées par jour. Des journées de travail que même Charles Dickens n’aurait pas osé dépeindre. Il s’agit pourtant du quotidien des salariés des entrepôts du géant allemand de la distribution, Lidl. Là où, pour sa rentrée, « Cash investigation » a choisi de mener l’enquête. Ainsi que dans l’arrière-boutique d’une autre grande entreprise, celle de téléphonie mobile Free. Derrière le succès de ces deux entreprises, se cachent parfois des méthodes de management ravageuses ».
 
La présentation de l'émission d'Elise Lucet sur France 2 (sic face à Allemagne 1) ne précise pas que le « géant allemand » est une entreprise « populiste » créée dans les années d'accession au pouvoir de Hitler1. Il n'est pas précisé non plus que Free n'est qu'une succursale du numérique américain qui domine la planète. Mais Elise Lucet sait se faire comprendre de ceux qui réfléchissent. Il n'y a pas de plan vigipirate pour les terroristes de la hiérarchie en entreprise avec leurs caméras cachées et leur GPS à oreillette. L'exhibition en prime time des féroces méthodes terroristes d'exploitation en prenant deux entreprises étrangères de deux impérialismes qui font la pluie et le beau temps sur la planète, n'est pas anodine. Elle vise en quelque sorte à aller dans le sens de l'impuissance prolétarienne dans un monde revenu à celui des Dickens et Zola, où il est impossible de faire grève ni même d'organiser une section syndicale primaire de base. Elle s'inscrit dans la campagne de dénonciation de la main-mise allemande croissante sur l'Europe, quand le petit minet de l'Elysée leur refile les bijoux de famille (Alstom passe sous leadership de Siemens). Au lieu de lutter contre les patrons de ces « multinationales » au fonctionnement de type nazi numérique, la gauche populiste anti-europe pourra arguer qu'on brade l'économie « française », sans que cela donne matière à autre chose qu'une indignation impuissante et surtout sans fixer d'autre objectif que « produire français » avec un impossible retour au faux socialisme des nationalisations. Les bourgeoisies dominantes abolissent les frontières pour renforcer leurs grands trusts (en particulier face à la Chine) tout en chargeant les diverses chapelles de gauche pleureuse de faire défiler éternellement dans le calme et la soumission électorale des troupes de vieillards cacochymes.
On nous bassine avec l'horreur présumée du score de l'AFD en Allemagne quand les méthodes « fascistes » sont elles bien présentes dans les entreprises yankees et boches. Un paternalisme autoritaire et méprisant transpire des PDG suant et bafouillant ; comprenez-les : ils font la charité à des gens sans compétence qui sont si bêtes qu'il leur faut porter toute la journée un casque sur la tête où une machine leur dicte précisément et sans contestation tout ce qu'ils doivent faire de façon répétitive. Ces braves patrons humanitaires ne sont pas au courant du comportement de chiens aboyant des merdes de petits contremaîtres. Et caviar sur le plateau on ne peut pas flinguer ces tortionnaires – car mieux que dans l'imagination d'Orwell c'est une voix électronique qui flique l'ouvrier - car les ouvriers otages préfèrent se suicider pour finir le travail de persécution, de mépris de la médecine du travail et de chantage permanent2.
La mère Lucet se garde bien de frôler l'impolitesse face à des sous-fifres patronaux couvés par not' gouvernement (car ils créent des emplois... même de merde), tout comme elle évite de rappeler que LIDL avait perdu 500.000 clients en 2016 en partie à cause des caisses raccourcies où le client (supposé pauvre et donc sans défense) est jeté dehors sans avoir le temps de remplir son cabas. On se félicite par contre des trois lecteurs de code (qui éviteraient à la caissière de se contortionner) alors que cela signifie que le client se fait jeter plus vite encore et ira ramasser sur le sol ses achats afin que le client suivant puisse s'entasser sur lui. En réalité le client est traité aussi vilainement que l'employé de LIDL, Lucet aurait pu le dire, mais risquer alors un procès pour dénigrement déloyal du commerce de la marchandise « nazie »3.L'idéal serait que les consommateurs boycottent cette entreprise « fasciste » mais les consommateurs sont des... cons, et des moutons et pas une classe sociale distincte ni opprimée. Et les consommateurs pauvres peut-on leur jeter la pierre d'aller là où les produits sont moins chers parce que dans les hangars cachés on traite comme bétail numérisé (pas encore tatoué comme dans les camps de la mort) les pauvres hères, femmes ou hommes, réduits à l'état de bêtes de somme. La plupart des magasins de gadget en Europe et en Afrique vendent bien des objets (pas cher) fabriqués par des enfants chinois. Qui s'en plaindrait? Christopher Lasch reviens!

Cette exhibition en prime time du malheur d'être employé dans des boites étrangères au régime nazionalzozialiste, vient encore servir à la démoralisation dans l'échec programmé de la protestation contre la loi travail – découpée en rondelle par la syndicratie et le pitre individualiste Mélenchon. La loi travail ne peut que célébrer l'automatisation décérébrée, les salaires misérables et la politique du licenciement sans préavis qui réussit si bien à la bochitude industrie allemande. Le loup fasciste industriel est bien dans les murs et pas dans quelques faits divers racistes. La parcellisation des tâches sans compétence particulière sans même savoir parler la langue du pays va comme un gant à la démagogie (antiraciste et cosmopolite) de l'accueil au tout venant migrant, suscitant l'ire, (non la phobie) des ouvriers autochtones. Dans la réalité des nouveaux bagnes aseptisés il est interdit aux ouvriers de se parler entre eux, et même de se connaître et se comprendre, en France, comme au Maroc ou en Algérie4. Comme debaters bcbg, Lucet n'a pas trouvé mieux qu'un vague sociologue cire-pompe et la ministre du travail qui, souriante de bout en bout, n'a cessé d'enfiler des généralités ronflantes et sans risques de gêner les généreux « pourvoyeurs d'emplois » pour les sans diplômes.
Et quand, au plan électoral truqué ils protestent en mettant un papier en faveur du parti le plus cuistre et le plus nul, on les accuse de populisme maladif et de racisme intrinsèque. La domination nazie n'a jamais eu le temps de devenir aussi totalitaire et aliénante.
Ils entendent syndicalistes et minorités maximalistes qui leur chantent « tous ensemble, tous ensemble ». Y a pas de mot d'ordre plus creux, plus utopiste et si coupé de la réalité. Ni la télé ni les minuscules organismes protestatiares ne vous diront quels seront les chemins de la lutte finale, ou esmi-finale, si vous ne les trouvez pas vous-mêmes.


POUR CEUX QUI N'ONT PAS VU L'EMISSION PERVERSE


EXTRAIT D'UN ARTICLE DU MONDE TRES AMBIGU (un des actionnaires n'est autre que le patron de Free, donc ménagé) qui résume assez bien l'émission de la 2 : un scandale limité – on fournit quand même du travail à des « illettrés » qui n'iront pas s'acheter un costard avec leur paye misérable, et, comme le reportage récurrent naguère sur le clochard fainéant, on vous montre qu'il y a pire exploité que soi et que c'est plutôt rassurant pour le reste de la classe ouvrière mieux lotie (hein vous les « privilégiés » du public qui râlaient tout le temps ! Vous verrez, vous aurez aussi un jour un casque sur la tête, cette merveilleuse invention qui « dépersonnalise » le commandement). L'article veut aussi faire croire que la création d'un syndicat permettrait de mieux défendre les ouvriers, ce qui est franchement se moquer du monde (ouvrier) et faire se bidonner les patrons intelligents.
« … les témoignages décrivent avec précision comment ces enseignes réduisent leurs employés à l’état de « semi-machines ». Lidl et ses 1 530 enseignes en France sont sortis du hard-discount en bouleversant le fonctionnement de leurs magasins comme celui des entrepôts. L’enquête chez Free auprès des salariés employés dans les centres d’appels, ceux que Xavier Niel (par ailleurs actionnaire à titre personnel du Monde) appelle les « ouvriers du XXIe siècle », met en exergue une répression du droit de grève et du droit syndical, notamment au Maroc.
« O.K., 2-3, répétez », tel est le dialogue qui revient en boucle, par une oreillette, entre un préparateur de commandes Lidl et… le logiciel informatique. Celui-ci, considéré par l’entreprise comme un GPS permettant des gains de productivité, est plutôt vu par les salariés comme un enfer. Il faut dire que c’est leur seule interaction de la journée, pour éviter de les détourner de la cadence qui leur est imposée.

Polyvalence à outrance

Ce système a été mis place en 2012, lorsque l’enseigne est sortie de son modèle hard discount en France, un positionnement qui ne rapportait plus assez de parts de marché après vingt ans de croissance ininterrompue. Il fallait alors impérativement réagir. Et de quelle manière… Déjà connue pour la polyvalence à outrance de ses caissiers, qui entre deux clients enfilent le costume de magasinier pour faire de la mise en rayons, Lidl semble aller encore plus loin pour gagner en productivité. Poussant même certains de ses salariés au suicide. Comme Yannick. Cet agent de maîtrise de 33 ans s’est donné la mort en juin 2015 dans son entrepôt, près d’Aix-en-Provence, alors qu’il assumait seul depuis plusieurs semaines le travail de trois personnes.
Chez Free, c’est plutôt chacun sa tâche, mais surtout pas de vagues. Au risque de se retrouver sur la liste noire des employés les plus récalcitrants. Pour le fleuron français de l’Internet et de la téléphonie, un employé récalcitrant, c’est celui qui débraye. Comprenez : qui exerce son droit de grève.
Après trois heures de débrayage cumulées, le salarié risque son poste. Dans un centre d’appels en région parisienne, leur nombre a été divisé par deux en un an. Un chantage à l’emploi que Free exerce aussi au Maroc où elle emploie 1 800 personnes. En avril 2012, un centre d’appels de Casablanca s’est mis en grève pour protester contre ses conditions de travail et pour l’ouverture d’un syndicat. Parmi les contestataires, plusieurs ont été licenciés.
Selon l’enquête « Parlons travail », réalisée par la CFDT auprès de plus de 200 000 travailleurs, les chiffres sont alarmants : un quart des salariés vont travailler avec la boule au ventre, plus d’un tiers affirment avoir fait un burn-out et 43 % ressentent des douleurs à cause de leur métier.
Ce numéro de « Cash investigation » met subtilement en lumière les abus du lean management, qui vise à la participation de l’ensemble des employés d’une entreprise à la lutte contre le gaspillage en chassant tout ce qui produit de la « non-valeur ajoutée », méthode née au sein des usines Toyota dans les années 1970. On regrette cependant le trop-plein de mise en scène qui, sur un tel sujet, dénature parfois la gravité du propos.
Travail, ton univers impitoyable, de Sophie Le Gall (Fr., 2017, 120 min). France 2, mardi 26 septembre à 21 heure

                                        LUTTEZ CONTRE LE DETOURNEMENT MENSONGER

NOTES
1Comme avec la voiture du peuple, le capitalo-fascisme allemand est en avance sur son temps, avec la création de grands magasins pour pauvres. Jusqu'au milieu des années 1990, la plupart des enseignes Lidl avaient des vitres teintées pour que les classes les plus populaires puissent faire leurs courses en toute discrétion.
2Vous trouverez peu d'historiens pour vous dévoiler que la dépression n'existait pas au siècle de Dickens. En France des porions étaient simplement zigouillés, comme Zola s'en est fait l'écho (cf. le meurtre de l'ingénieur Watrin). Dans son deuxième tome de son histoire de Staline, Adam B . Ulam raconte que dans la période qui précède la première révolution russe, les patrons qui ne veulent pas négocier ou refusent les syndicats, sont assassinés. C'est d'ailleurs une des principales raisons pour lesquelles la bourgeoisie a accepté l'intronisation, longue et heurtée, puis son intégration, du syndicalisme pour parer au... crime social, comprenant que la paix sociale ne pouvait être régentée sans « lientenants de la bourgeoisie » en milieu ouvrier (la belle expression est de Lénine, ce que je rappelle toujours à tout trotskien de passage).

3Le patron de Free, Xavier Niel est actionnaire du Journal Le Monde, lequel avec le Huff Post, est inféodé à la puissance américaine. Les grands patrons les plus cyniques étant propriétaires des principaux organes de presse et des chaînes (sic) de télévision, où vais-je pouvoir faire entendre ma voix et faire comprendre que mon licenciement a été totalement inique et orchestré par la crapulerie managériale ? Dois-je flinguer un patron, devenir terroriste, me suicider ou attendre le grand soir à la Saint Glinglin ?
4J'ai informé ici qu'une employée de plateforme téléphonique de Bouygues à Alger n'est paysée que 100 euros par mois (SMIC algérien : 150 zuros).