PAGES PROLETARIENNES

samedi 5 août 2017

CASSE-TETE MIGRATOIRE : une charité policière antifasciste et antiraciste

« Qu’il est tout aussi naturel que les agents réels de la production se sentent parfaitement chez eux dans ces formes aliénées et irrationnelles….car ce sont là précisément les formes illusoires au milieu desquelles ils se meuvent tous les jours et auxquelles ils ont affaire. » Marx

J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de remarquer combien la politique bourgeoise devenait apparemment illisible, comment il m'apparaissait incongru que les diverses factions se tirent une balle dans le pied, judiciarisent leurs conflits de préséance, nous accablent de procès à répétition pour prévarication de l'argent public, tout en nous débitant l'incontournable morale antiraciste et antifasciste. Avec ce singulier affichage d'un volonté franchement simplement verbeuse, de mettre fin aux injustices, du chômage endémique à l'errance des migrants.

Ce satané Marx remarquait déjà en 1844 que le traitement politique de la pauvreté consistait dans le développement d’une administration dont la tâche « n’est plus de juguler le paupérisme mais de le discipliner, de le perpétuer. Cette administration a renoncé à tarir le paupérisme par des moyens positifs, elle se contente de lui creuser, avec une policière charité, une tombe chaque fois qu’il surgit à la surface du pays officiel».1

Ce pauvre Gramsci, qui sert désormais de réservoir d'idées aux divers extrêmes, nous fournissait une partie de l'explication. La bourgeoisie moderne ne pourrait gouverner par un simple mépris et un autoritarisme à sens unique. Gramsci remarqua que la « phase hégémonique » du capitalisme correspond à un moment historique où la bourgeoisie ne domine pas simplement grâce à ses moyens de répression mais maintient sa position dominante car elle est devenue la direction politique (d'une société de consommateurs passifs) où s’exprime par « une collaboration pure, c’est-à-dire un consentement actif et volontaire (libre) » de ceux qu’elle domine. Concernant ces millions de prolétaires (consommateurs consumés ou subsumés), Gramsci concédait que si, en temps « normal », la conscience des travailleurs est dominée, elle n'est jamais complètement acquise à la classe dominante car elle contient deux éléments : l’un négatif dominant et, l’autre, positif en dormance. Ceux-ci se synthétisent en une seule conscience, mais qui est « contradictoire ». Ni Marx, ni Lénine, ni Bordiga, ni Gramsci ne considéraient les prolétaires comme une masse de crétins, ce qui est par contre la pensée basique de la haute bourgeoisie, du « président des illettrés » (le nommé Macron) et de son émanation inférieure la petite bourgeoisie.

Le mépris des classes dominantes envers le prolétariat

« Il peut sembler au premier abord que les capitalistes, détenant tous les pouvoirs essentiels et
tirant en quelque sorte les principales ficelles du jeu politique et social à l’échelle mondiale, n’ont pas besoin d’exprimer leur haine des prolétaires ni même de l’éprouver tant leur position présente semble inébranlable et indépassable si on n’accorde pas une importance exagérée au lot inévitable des grèves sporadiques, des émeutes populaires et coups de colère en apparence sans lendemain. L’indifférence ou le mépris devrait suffire »2.
(…) L’hypothèse qu’il restera à vérifier en ce qui concerne notre époque est que la haine des
classes dominantes prend toujours, comme dans le passé, une expression directe, compulsive dès
que des gens des classes populaires ont la prétention inouïe d’occuper l’espace public avec leurs
propres désirs et revendications. Une rapide plongée dans le passé permettra d’apprécier le caractère répétitif de ce mécanisme tout à la fois psychologique, social et politique.(...) Le vent de la haine, de la xénophobie et de la barbarie s’est le plus souvent levé en premier lieu au sein des secteurs des milieux aisés les plus cultivés et les mieux informés de la marche du monde ».3
Dans l'opacité et l'incongruence du soit disant « rejet de la politique par les déshérités » on continue à tout faire pour dissoudre cette conscience lucide surgie en mai 68 que la politique est l'affaire de tout le monde. Avant ces étonnantes sixties la politique était une affaire trop compliquée pour le peuple ou un prolétariat gentiment électoral ; du reste de nos jours en milieu populaire on entend encore des « la politique c'est trop compliqué pour moi » ou « la politique je m'en fiche, tous pourris ». Les élites dirigeantes ont depuis quatre décennies institué une ribambelle de « spécialistes », journalistes accrédités au pouvoir, politologues pour expliquer les tendances dans le PS, éminent connaisseur du FN, etc., paysage empli de fétiches où la guerre des classes sociales a disparu4. Le lamentable cirque médiatique nous offre comme lieux de débat « démocratique » ces idiots de spés triés sur le volet pour causer entre eux de ces choses étranges qu'ils sont seuls aptes à décrypter : les soubresauts des politiques de domination. Certains ont découvert tardivement que le fonctionnement de la représentation politique « reste une dépossession des profanes au profit des professionnels »5.

Le mépris bourgeois s'affiche royalement via l'angélisme médiatique antiraciste et antifasciste, et dans la façon même dont ils se débarrassent cyniquement de leurs propres turpitudes :
« Comment continuer de jouer le jeu lorsque la corruption des élites est régulièrement illustrée et démontrée à l'occasion des scandales qui se succèdent ? Comment respecter les corrompus qui persistent dans leur condescendance de caste ou leur arrogance de classe ?
L'ingénuité des élites, qui s'étonnent d'être mises en cause, n'a d'égale que leur cynisme devenu seconde nature, en quoi il reste inaperçu. Ces élites qui s'attribuent le monopole de toutes les compétences, réagissent elles-mêmes en s'indignant, prenant la pose du mépris : « populistes » lancent-elles aux citoyens désenchantés qui les rejettent, avec la force du ressentiment »6.
Contrairement à ce qu'elle fait hurler par tous ses supplétifs la bourgeoisie n'a pas « éliminé » le stalinisme, elle l'a « digéré », il est à la source de sa guimauve idéologique moraliste pour justifier sa pourriture financière et morale :
« Le néo-antifascisme, aujourd'hui surtout parlé par la gauche et l'extrême gauche, est un jargon idéologique constitué de clichés et de poncifs, fonctionnant avant tout par répétition des mêmes formules creuses. L'antilepénisme est devenu sa principale figure. Il a pris sa forme définitive à travers les rites de dénonciations visant le Front national, entre 1984 (mais déjà en 1983) et 1995. Dans ce jargon de bois d'une grande pauvreté lexicale et syntaxique, exprimant une pensée rigide, intégralement sloganisée, on retrouve non seulement l'héritage du langage stalinien – de son «antifascisme » instrumental – mais encore, paradoxe tragique, les traits du discours tenu par Adolf Eichmann relevés par Hannah Arendt au cours du procès du criminel nazi à Jérusalem »7.

Le fonctionnement basique de la domination idéologique bourgeoise fonctionne sur un passé simplifié, chimérique et déformé interprétant dans une actualisation de faussaires les tristes années 1930 et 1940. Taguieff convoque à la barre des penseurs dérangeants, qui eux non plus ne citent pas la source de leur « radicalité », les Michéa et Guilluy, mais aussi le sulfureux Buisson, notamment sur la question centrale, qui est, comme je l'expliquerai plus loin, la meilleure manière de liquider l'internationalisme : « L'immigré est perçu comme le symbole de la paupérisation qui guette. L'antifascisme pavlovien consiste à ne voir dans l'immigration qu'un problème de xénophobie et de racisme, alors qu'elle est au cœur de la question sociale »8.
Taguieff a des carences dans son info personnelle. L'intronisation de la smala Le Pen c'est Mitterrand et la gauche en difficulté au pouvoir qui l'ont mis en selle avec le soutien de tous leurs électeurs gauchistes et trotskiens. Si le FN n'avait pas existé la bourgeoisie l'aurait inventé, mais c'est bien le cas. Le FN était inexistant avant 1981 ! Depuis le lepénisme, ce fétichisme, a servi, même aux factions de droite, de bouc-émissaire de toutes leurs souillures « républicaines ».
Tous les fétiches idéologiques sont des créations de politiciens bourgeois, des créations humaines dit Tom Thomas. Ils sont fétiches non parce qu’ils n’existent pas, mais parce qu’on leur attribue un rôle qu’il n’ont pas, parce qu’on en fait des causes là où ils ne sont que conséquences. Ce sont tout particulièrement ces intellectuels « spécialisés », journalistes et sociologues exhibés par l'Etat et leurs sponsors privés. Il forgent cette idéologie angélique dominante sur la base des fétichismes d'un fascisme inexistant et d'un racisme inventé9, une pensée qui ne permet pas d’avoir prise sur la réalité, de la transformer ; une pensée qui conserve, reproduit, aggrave. Car en réalité, le marché n’est pas rationnel, l’argent ne produit pas de l’argent, le salaire n’est pas le prix du travail, les prix ne sont pas la valeur des marchandises, les machines ne produisent pas de profit, le coût « trop élevé » du travail n’est pas la cause de la crise, ni la concurrence celle du chômage, et encore moins n’est-elle la liberté10. Et ainsi de suite, le FN n'est pas en charge... de la rétention et de l'expulsion des migrants !

J'ouvre une parenthèse sur le passé cynique des classes dominantes, car on se dit « en a-t-il toujours été ainsi ? ». Oui il en a toujours été ainsi pour l'Etat des classes dominantes de jadis et naguère. Sorciers, prêtres, conteurs se sont succédé pour mystifier les peuples, et ce n'est pas le moins paradoxal que la dominance bourgeoise moderne se servent encore de ces trois catégories de personnages louches en même temps en une même époque de décadence.
Sous la féodalité, c'est la religion qui servait d'abrutisseur public. Dans le cas de l'abbaye de Cluny les abbés étaient recrutés dans la haute aristocratie. Pour favoriser la conversion (= soumission) des populations païennes, le culte des saints, et donc des reliques (=fétiches), a été vivement encouragé dès le VIe siècle.
Les invasions du IXe siècle entraînent leur lot de malheurs. On prend l'habitude, à cette époque, de sortir les reliques de leur sanctuaire, en particulier pour des processions lors des calamités publiques, et pour réclamer la justice contre les ennemis ou les usurpateurs d'une église. Cet usage s'applique bien entendu aussi aux déprédations dues aux seigneurs locaux : c'est d'un de ces rassemblements expiatoires que démarre le mouvement de la Paix de Dieu 11. Si la contestation paysanne a un caractère antiseigneurial, l'Église ne cherche pas à se substituer au pouvoir central, mais plutôt à moraliser la conduite de la noblesse en mettant fin à ses pillages et incessants combats meurtriers. Les serments établissent un compromis juridique et foncier entre laïcs armés et ecclésiastiques : ils institutionnalisent la seigneurie. La lutte de l'Église contre les violences seigneuriales assoit aussi, par les décisions de ses conciles, le nouvel ordre social organisant la société en trois ordres. Ce mouvement est renforcé dans un deuxième temps par la Trêve de Dieu qui est tout autant soutenue par Cluny.


Le rejet par le prolétariat de l'hypocrisie des classes dominantes


Pour cette partie je ne me suis pas gêné pour réaliser un copier-coller de réflexions intelligentes glanées sur le web.
L’Idéologie est un concept central chez Marx. En effet, il est dérivé de la notion de “superstructure”. Marx distingue deux niveaux de réalité pour la conscience de l’individu (on parle d’ailleurs d’ontologie dualiste à propos de la philosophie)
– l’infrastructure, qui désigne le vrai monde, celui de la matière, des moyens de production,
– la superstructure, qui renvoie au monde des Idées, au monde des illusions, dominé par les idées de la classe dominante, les capitalistes.
Selon Marx, la société bourgeoise est ainsi idéologique car elle repose sur les idées de la classe bourgeoise. Le monde vu par une conscience vivant dans une telle société est un monde fantastique, irréel, loin de la vraie vie. Chez Marx, ce sont les idées bourgeoises qui guident le monde et oppriment la classe prolétaire.
L’idéologie signifie donc domination d’une classe sur une autre :
Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante; autrement dit, ce sont les idées de sa domination
Le communisme vise donc à rétablir l’adéquation entre la conscience et la réalité. Le communisme réinsère la conscience dans la vraie vie, selon Marx.
Un parallèle peut être fait avec la théorie des Idées de Platon dans la mesure où il y a chez Marx deux niveaux de réalités, deux formes de conscience, l’une dans l’illusion, l’autre dans la vérité, comme chez Platon c’est le philosophe qui accède aux vérités. Le prolétaire joue en quelque sorte le rôle du philosophe chez Marx.
Tom Thomas, qui n'est pas très clair sur la mystification antifasciste, nous fournit cependant dans le même ordre d'idées une éloquente démonstration des fétichismes bourgeois.
«  L’idéologie bourgeoise n’est pas un produit purement imaginaire, purement inventée pour tromper. Elle a une base réelle dans les fétichismes qui sont l’apparence des phénomènes, une manifestation concrète mais superficielle des rapports sociaux capitalistes. Les idéologues bourgeois sont simplement une couche d’intellectuels stipendiés chargés spécialement d’observer cette apparence, de la décrire, et, et c’est là leur rôle actif, de développer ces observations en philosophie, histoire, économie, droit, « esprit des lois » et autres théories supposées l’expliquer, la présenter comme la vérité toute entière, de sorte à fournir ainsi une justification et une cohérence à la société telle qu’elle est. Or au mieux ils savent dire, plus ou moins exactement, et en occultant bien des faits dérangeants pour leurs théories, comment ça se passe. Mais ils ne savent pas expliquer pourquoi ça se passe ainsi. Pourtant ils sont chargés d’expliquer ce pourquoi, et de façon à ce que leurs explications justifient le comment. C’est quand ainsi ils tentent d’expliquer qu’ils sont pleinement idéologues, falsificateurs. (Les fétichismes bases de l'idéologie bourgeoise)
(…) Mais quand se développe une division du travail dans la société, une hiérarchie des fonctions, tous ceux qui y vivent le mieux sont aussi ceux qui sont le plus attachés à sa reproduction, et à la présenter comme la meilleure société possible, celle qui satisfait au mieux à la vie de ses membres. Cette distinction d’intérêt pour la sauvegarde et la reproduction d’une société advient dès que les progrès de l’efficacité du travail ont permis l’entretien d’individus plus ou moins déchargés des tâches matérielles les plus pénibles. Parmi ceux là sont les premiers idéologues, sorciers, prêtres, conteurs, chargés d’expliquer la société et son monde. Intéressés à la conserver intangible puisqu’ils y avaient les meilleures places. Mais qu’une société soit ainsi expliquée par les mythes, les dieux, la Raison, les « lois » économiques, la nature humaine, la race, cela reste de l’idéologie »12.

Susan Georges (« Leur crise, nos solutions ») explique le rapport économique et social entre une petite minorité prédatrice au sommet des Etats et des sociétés au détriment du reste du peuple . La finance – banques et assurances – et au-delà la classe dominante et les politiques depuis plus de vingt ans sont les principaux responsables de a crise systémique qui a éclaté en 2008. La solution a cette crise ne peut donc venir ni de la finance ni des politiques, du moins du même « personnel politique » au commande depuis deux décennies. Ces derniers montrent qu’ils savent trouver des sommes d’argent impressionnantes pour »sauver les banques » et dans le même temps mettre les couches modestes et moyennes sous politiques d’austérité. Comme l’avait montré Gramsci, la domination de la classe dominante s’est étendue à d’autres formes que l’économique notamment dans l’idéologie et le culturel. La classe dominante détient via le droit et surtout les médias le pouvoir de création du sens qui est surtout d’après Alain Bihr une « foire de sens » du fait de la multitude des significations offertes sur fond de disparition des autorités traditionnelles qui fournissait du sens pour la société13.

Le pouvoir du non-sens qui dissout l'internationalisme

On peut le répéter, la chute du bloc de l'Est a pulvérisé les espérances collectives d'un avenir meilleur. Lui ont succédé, comme le dit Taguieff : « des prophètes à visage lepéniste comme à visage antilepéniste », c'est à dire rien et rien. On peut dire que l'antiracisme a pris la place du réformisme, mais sans les attraits économiques et politiques de ce que fût le réformisme au 19e siècle. Pire il signifie que toute révolution est désormais impossible puisque la classe hégémonique et vertueuse préposée historique au grand chambardement final « est raciste », ce haut mal aussi indéfini que le fascisme et la bête immonde.
Quant à la volonté de barrage à la catastrophe migratoire par le FN, c'est un autre réformisme qui s'est écroulé à la mi 2017 avec son refus stupide de l'Europe et la prestation alcoolisée de la fille Le Pen. Aucun des frères jumeaux de la diabolisation politique n'a de solutions à la principale maladie de ce début de XXI e siècle : la crise migratoire. Mais cela n'a aucune importance pour le pouvoir régnant. Cette crise migratoire doit rester le réceptacle de tous les fantasmes, fétiches antifascistes comme fétiches néo-fascistes. Or, sous des apparences chaotiques, le pouvoir sait très bien l'intérêt de la crise migratoire qui n'est plus du même ordre ni du niveau de l'immigration au cours des trente glorieuses. Au cours des années de reconstruction de l'après sinistre guerre mondiale, la bourgeoisie des pays développés allait carrément puiser dans le réservoir à main d'oeuvre des pays du « tiers-monde » (pas encore relookés en pays « du Sud »)14.

Or les vagues migratoires depuis les guerres en Syrie et Irak ne sont pas en soi nécessaires aux pays de l'Eldorado européen, excepté pour l'Allemagne qui avait un besoin urgent de repeupler sa partie orientale, même sans se soucier de la sexualité d'une masse d'hommes arrivés sans femmes15. Contrairement à l'immigration du passé il est clair qu'une grande partie ne vient pas pour « faire le boulot dont ne veulent plus les français » ni non plus diviser la classe ouvrière, vieux fétiche creux désormais pour les gauchistes charitables et leurs concurrents les perroquets rigides de la « gauche communiste ». C'est d'abord une échappatoire face à de sales guerres locales, et comme toujours, l'aspect économique n'est pas primordial, tout le monde s'en fiche, la classe ouvrière en premier, car la guerre et ses conséquences individuelles c'est chacun pour soi. L'expression d'une solidarité jadis avec les travailleurs immigrés était possible parce que basée dans le cadre de l'entreprise et de la lutte salariale. Pourquoi ne voit-on pas de mouvement de masse « prolétarien » pour soutenir les migrants et réfugiés, excepté assocs caritatives gauchistes et les chansons de Julien Clerc ? Le débat féroce (mais virtuel) qui prend la forme de croisades médiatiques, est une diabolisation permanente entre pros et antis fait fuir les prolétaires, ou ne leur donne pas envie de s'impliquer : « Toute croisade, toute guerre « sainte » ou tout combat « sacré » s'opèrent selon un tel imaginaire, emprunté originellement à la doctrine musulmane du djihad »16.
Parce que la misère des réfugiés se situe au plan d'une société individualisée à outrance et que ces migrants ne se réclament ni du prolétariat ni du même modèle culturel. Coup double pour l'ordre dominant : c'est la preuve que les ouvriers du cru, français ou européens, sont racistes, égoïstes et proies cuites pour « l'extrême droite ». Adieu internationalisme prolétarien, vive l'internationalisme humanitaire bourgeois !

Il ne s'agit pas d'aveuglement des élites comme le croient les Taguieff et Guilluy, mais de mépris à bon escient ; même si des auteurs comme Guilluy en voient bien les conséquences (paralysantes et non prises en compte ni par les militants donneurs de leçons ni par les divers secouristes17) :
« La mondialisation libérale, qui a contribué à diffuser largement l'insécurité sociale à l'ensemble des catégories populaires, est aussi à l'origine d'un instabilité démographique source « d'insécurité culturelle » dans ce même milieu ; une insécurité qui s'exprime derrière les débats controversés de l'intégration ou de l'identité nationale »18.

La fin de l'attribution de l'internationalisme à la classe ouvrière, porteuse classique jusque là de l'horizon messianique communiste (le véritable pas le stalinien) et son remplacement par le culte immigrationniste bourgeois, est un nouvel et très antidote barrage à toute révolution communiste (la vraie sans goulag et sans dictateur moustachu). Alliée au rejet du clivage gauche/droite, cet immigrationnisme à tous crins, qui défie même l'entendement19, rend complètement inintelligible à la réflexion cohérente une pensée de classe « anticapitaliste ». Nous prédicateurs maximalistes d'avenir sommes devenus inaudibles quand nos critères « sacrés » (internationalisme, solidarité de classe, abolition des frontières, etc.) sont récupérés, dévitalisés et caricaturés par l'ordre bourgeois.
Taguieff résume bien l'effet de paralysie :
« Les deux nouvelles France communient dans la peur et ne communiquent que dans l'accusation réciproque. Ceux qui sont accusés de « droitisation » accusent leurs accusateurs de dériver vers l'extrême gauche, c'est à dire, selon eux, vers « l'irresponsabilité » et la « violence ». Aux adeptes de la provocation permanente répondent ceux de l'indignation permanente, qu'elle soit naïve ou feinte, ou encore l'effet d'une vision idéologique. Indignés contre imprécateurs et provocateurs. Face à la « lepénisation des esprits » se dessine quelque chose comme « la hesselisation des esprits ». Les citoyens français sont ainsi sommés de choisir entre l'imprécation provocatrice qui ne mène nulle part et l'indignation vertueuse mais inutile qui laisse les choses en l'état, non sans engendrer de l'amertume. Ils sont pris dans la nasse. Comment pourraient-ils échapper à l'impression d'étouffer ? (…) A la peur du contradicteur, favorisant l'extension de la suspicion réciproque, se mêle du mépris et de la haine. Il s'ensuit que, dans la communication politique saisie par la montée aux extrêmes, l'on atteint le degré zéro de la discussion : les échanges d'insultes méprisantes ou d'injures raciales tendent à se substituer aux débats politiques, ou, pour le moins, orientent ces derniers et « les tiennent en laisse »20.

Les ambiguïtés de la politique migratoire révèlent aussi l'incapacité de la bourgeoisie à gérer humainement la planète

Le candidat Macron n'est pas immigrationniste, comme le montre son interview pré-électorale comme candidat, il est même très précautionneux. A l'approche du pouvoir personne ne peut plus jouer au gauchiste « ouvert à toute la misère du monde »21 ; c'est un policier charitable comme ses prédécesseurs.

Elles plus nombreuses les bonnes âmes chrétiennes gauchistes à promettre le gîte et le couvert à tous les déshérités du monde en guerre – nos bons réformistes radicaux – que les « racistes » du « stop à l'immigration de masse », mais les uns comme les autres ne sont que les bouffons d'un spectacle qui dépend, dans son organisation, sa planification ou sa temporisation, des désidératas impérialistes et industriels des grandes puissances. La vague de réfugiés hagards et déboussolés ne va pas cesser tant que durera ce capitalisme. Le prolétariat n 'a pas vocation à en être le secouriste, ce à quoi voudrait le ravaler l'idéologie dominante antiraciste, c'est à dire qu'il accepte d'être la mouche du coche impérialiste, qu'il panse les blessures de leurs guerres de rapine. Cela ne signifie pas qu'il serait indifférent mais il n'a pas encore les moyens politiques de renverser ce système cynique. Et son alternative ne réside pas dans « l'accueil » ou le « sauvetage » d'êtres humains en détresse, mais dans le projet de réorganisation de la société mondiale. Tâche immense qui n'est pas celle de la Croix rouge ni des assocs antiracistes du gauchisme institutionnel.




Avatar de la mondialisation paternaliste: après le Welfare State, le facteur nounou!
NOTES

1p.405-406 des O.C.
2José Chatroussat : « La haine du prolétariat par les classes dominantes » (cf. Variations 2011)
3Ibid. L'auteur prend pour exemple le Rwanda, n'y en a-t-il pas eu en France et en Allemagne ? Quand on voit ce qu'on sert au bon prolétariat le samedi soir, les émissions d'avilissement public des Ruquier et Hanouna !
4 C'est Stendhal avec « Le rouge et le noir » qui met le mieux en évidence le « mépris de classe ». Il dénonce le conformisme et cléricalisme de l’après Révolution; la société est responsable de l’échec du héros, intelligent mais coupable d’avoir de modestes origines; le roman met en scène le mépris des classes dominantes à l'égard des classes émergentes, leurs tentatives de suffoquer leur esprit critique et d'en empêcher l'ascension sociale dans la crainte d'une nouvelle révolution.
5Le sociologue Pascal Duret : Les larmes de Marianne. Le mépris des élus frontistes n'est pas différents de celui de leurs concurrents lorsqu'ils sont dans la place. Les élus locaux sont de véritables féodaux, PDG de PME, cumulards invétérés, qui s'offrent des « missions d'études » aux Caraïbes ou à Cuba (cf. René Dosière : le métier d'élu local).
6Pierre-André Taguieff (ed CNRS, p.156) : « Du diable en politique, réflexions sur l'antilepenisme primaire », 2014. Livre très dérangeant pour la bien pensance antifa, qui est probablement le meilleur pamphlet de ces dernières années à mettre à nu la mystification. Taguieff est un chercheur plutôt bon démocrate utopiste, et malgré l'excellence des deux tiers de l'ouvrage je lui reproche de cacher la radicalité de son propos. La démystification de la vaste comédie antifasciste post 1945 c'est le milieu maximaliste prolétarien avec la Gauche italienne et Bordiga qui a été capable de la mener à bien. Dans l'histoire des idées on tombe toujours sur la vérité et les courageux véritables fondateurs de la critique de la bourgeoisie moderne ; c'est donc malhonnêteté intellectuelle d'oublier de mentionner leurs apports... parce que monsieur le chercheur craint la théorie marxiste et « la violence révolutionnaire » qu'il met sur le même plan que celle du fascisme d'avant. Mais je reviendrai et me servirai sans gêne des pépites de son raisonnement lesquelles coulent littéralement toute la ridicule mystification antifa des nombreux enfants politiciens primaires de la bourgeoisie.
7Ibid Taguieff, p.160.
8Ibid, p.236.
9Ainsi de l'extrême-gauche à l'ultra-gauche on parle volontiers d'ouvriers « racistes », faisant écho à la doxa dominante selon laquelle les basses classes sont … « demeurées ». Or le racisme attribué n'est pas en général le rejet de l'étranger en soi – l'ouvrier de souche locale se sent lui aussi de plus en plus étranger dans le monde sinistre du multiculturalisme de bazar et ses fétiches « voilés » - mais un sentiment de dégoût complexe où se mêlent peur du lendemain et désespérance politique, éléments constitutifs de la conscience de classe historique. Finkielkraut ressent cela mais comme il a du mal à s'exprimer oralement ou par écrit, c'est un peu bancal et cela prête à confusion, mais il a raison sur le fond : « Beaucoup voient aujourd'hui dans l'idée même de « chez soi » une première manifestation de fascisme et de racisme, alors que c'est une condition de l'existence humaine » (cité par Taguieff p.36). Allez donc traiter telle tribu africaine de défendre son « chez soi » parce qu'elle serait fasciste ! Jacques Semelin montre que cette mise en cause mène non à la guerre civile (que nous prédisent invariablement les Zemmour et Cie, notion fétiche et vague elle aussi cette dite « guerre civile ») mais à l'ethnocide (cf. Purifier et détruire (Poche Points).
10Développement repris à Tom Thomas.
11On est autour de l'an mille, la Paix de dieu se déroule de pair avec le développement de la motte castrale qui va permettre le développement du commerce et formater les trois principales classes qui existeront jusqu'à nos jours. Etant spécialiste (sic, et un passionné) de la motte castrale et de l'histoire des gargouilles, je ne vais pas développer ici mais cet aparté vise à rappeler la dimension du symbolique en politique. On voit que l'Eglise joue déjà la même fonction que nos intellos antifas. Par exemple, si la contestation paysanne a un caractère antiseigneurial, l'Église ne cherche pas à se substituer au pouvoir central, mais plutôt à moraliser la conduite de la noblesse en mettant fin à ses pillages et incessants combats meurtriers. Les serments établissent un compromis juridique et foncier entre laïcs armés et ecclésiastiques : ils institutionnalisent la seigneurie (mode domination de la caste féodale évoluée). La lutte de l'Église contre les violences seigneuriales assoit aussi, par les décisions de ses conciles, le nouvel ordre social organisant la société en trois ordres (déjà trois classes!). Ce mouvement est renforcé dans un deuxième temps par la Trêve de Dieu qui est tout autant soutenue par Cluny. Par cette Paix de Dieu, l'Église ne cherche pas à interdire la guerre et à promouvoir la paix : elle moralise la paix et la guerre en fonction de leurs objectifs et de ses intérêts. Sur le modèle des relations d'homme à homme, des liens se créèrent entre la classe guerrière et la classe des paysans. Dans le système tel que présenté par les élites médiévales, pour l'essentiel cléricales, le chevalier assurait la protection aux paysans, qui en échange lui fournissaient subsistance et moyens de s'équiper. La protection revêtait plusieurs formes :
  • guerrière : combat personnel du chevalier contre des attaques ;
  • défensive : abri procuré par le château pour les personnes, le bétail et les récoltes ;
  • chasse : autant qu'un entraînement à la guerre, la chasse avait une utilité pour la communauté paysanne, qui se voyait ainsi débarrassée des animaux sauvages destructeurs des cultures (cerfs, daims, chevreuils, sangliers) ou menaçants pour le bétail (loups, renards, ours).
12On peut tirer plus loin le propos sur les fétiches idéologiques décatis de la gauche et de ses gauchistes comme les nationalisations présentées depuis toujours à tort comme un pas socialiste. Le dernier avatar de la fable de la « nationalisation socialiste » est la « nationalisation provisoire » et macronesque des chantiers navals pour contrer les ambitions du patronat et de l'Etat italien et par crainte d'un « transfert de technologie » à l'étranger. En vérité cet aspect « provisoire » signifie bien que les nationalisations sont caduques au pays de la mondialisation ubérisée. Il s'agit plutôt d'une manœuvre stratégique provisoire pour obtenir une union angélique nationale de gauche à droite, du NPA au FN, ensuite d'un simple marchandage où l'Etat français veut associer l'Etat italien à une structuration militaire européenne. Les syndicats se fichant eux complètement de cette simili nationalisation, dans l'attente d'un vrai repreneur financier.
13http://mouvements.info/qui-sommes-nous/ Ce site est cependant une marmelade d'intellos de gauche bien pensants comme Bihr, et assoiffés de renommée.
14Par exemple elle faisait venir des villages entiers du Portugal avec le curé et le mac du coin. L'ignominie bourgeoise ne se gênait pas pour le rapt d'enfants. C'est la chaîne parlementaire qui nous exhiba la semaine dernière la honteuse rafle de Michel Debré, exécutant gaulliste parachuté à la Réunion. Résumé du docu : Entre 1963 et 1981, plus de 2000 enfants réunionnais ont été transférés en métropole, dans des départements dépeuplés. Une migration forcée qui a brisé des familles, déracinant des fratries de leur pays natal, leur volant au passage leur identité. Le 18 février 2016, le ministère de l'Outre-Mer a crée une Commission de recherche sur ce scandale d'Etat, longtemps passé sous silence. Un signe d'espoir pour tous ces déracinés, comme Jean-Charles, Marlène, Marie-Jeanne ou Valérie, des enfants arrachés à leur île, adultes aujourd'hui, qui cherchent à comprendre leur histoire et à renouer avec leurs origines. A chialer de rage.

15La prude antiraciste Allemagne qui fait la loi en Europe n'en garde pas moins les plus diplômés pour refouler les sans-grades, les vrais prolétaires. La propagande étatique française sait très bien faire monter le thermomètre pro-FN en exhibant la partie bobo des migrants, ces ados qui prétendent « aller faire des études à Londres pour être ingénieur », où qui rejettent une nourriture de charité infecte pour leur statut social. L'appel à un grand nombre de « travailleurs forcés » est d'ailleurs un point commun et traditionnel entre les gouvernements Hitler et Merkel ; tous les moyens sont bons pour recruter pour la grosse industrie capitaliste !
16Taguieff p.90.
17Les ONG pullulent, ce sont la plupart des organisme para-gouvernentaux, les « militants » de la « cause » y ont leur métier. Ce secourisme transcontinental a bien sûr ses naïfs, mais toute la structure comme le business écologique est un secteur à part entière du marché capitaliste comme l'armement, et souvent aussi publicité pour l'armement « démocratique ». Ces « militants » sont des innocents … les mains pleines. Le fonds de commerce de la Cimade, assoc aussi rétribuée par l'Etat fait grise mine: http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2017/03/30/la-politique-migratoire-s-affiche-dans-70-villes_5102942_1654200.html. De même pleurnichent les assocs anticolonialistes et antiracistes à idéologie de type fasciste revanchard, comme cette folle d'Houria, Meklat et Boumama (https://fr.sott.net/article/23998-France-quartiers-populaires-mepris-de-classe-et-humiliation-de-race) prisé par les gauchos canadiens et Trudeau qui trouve inconvenant de qualifier de barbare l'excision des femmes ; on recrute comme on peut au Canada même avec des concessions aux pires arriérations, normal personne ne veut aller bosser dans cette contrée congelée ! Sans oublier les 7 idiots du Québec : http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/le-discours-colonial-des-civilisations-hierarchisees-2/.
18Cité par Taguieff p. 36.
19Plus de 20.000 personnes seraient à la rue en France et les médias focalisent journellement sur la nécesité de loger des centaines de migrants, quand les bobos de l'extrême gauche méprisent ceux qui « opposent chômeurs français à la rue et migrants » dans la même rue (?). http://www.liberation.fr/france/2017/07/31/cet-ete-la-moitie-des-sans-abri-restes-a-la-rue_1587418
20Taguieff pp. 52-53. Internet démultiplie l'aliénation : « C'est Internet qui a donné à la libéralisation politique et culturelle les outils technologiques de son extension, voire de sa radicalisation, laquelle engendre un « inconfort mental » ou une insécurité cognitive qui pousse les individus soucieux d'y échapper à se contenter d'idées reçues, douteuses ou fausses mais « utiles » en ce qu'elles servent des intérêts ou répondent à une demande sociale, donc commodes et rassurantes. La transparence promise produit de l'incertitude et du désarroi, et plonge les adeptes de la démocratie virtuelle dans une nouvelle forme d'obscurité , due à trop de « lumières » contradictoires ». Ibid p.104.
21https://www.reforme.net/actualite/politique/migrants-politiques-migratoires-et-integration-le-constat-demmanuel-macron/