PAGES PROLETARIENNES

vendredi 21 juillet 2017

LE GRAND CIRQUE A DUNKIRK


(un navet patriotique)

BATTLER BRITTON : An epic hero who does his part. A true brave of the skies with the nuts to finish with the dogs of the Reich !!!



« DUNKERQUE »... CONTRE L'HISTOIRE. A grand renfort de réclame, tous les supports publicitaires de la médiacratie nous ont convié à aller nous immerger dans un film du troisième type capable de vous abasourdir mieux qu'un casque wifi branché sur votre console de jeu, où vos deux portugaises ne sont plus qu'un espace sensoriel où pètent sans cesse les pétards de studio et giclent les rifles imitant le bruit des balles, où les dialogues sont quasiment aussi absents que la réflexion critique sur ce bizarre épisode du début de la guerre mondiale number two sur la crête d'une France nordique considérée comme vulgaire champ de bataille préliminaire.
Le théâtre du film se déroule sur trois plans de vision aussi étroits qu'un piège à rats : air, terre, mer. Et même en technicolor cela ne vaut pas mieux que n'importe quel navet de guerre hollywoodien.
Ceux qui étaient gosses dans les fifties y verront bien une resucée de Battler Britton (le petit soldat britannique illustré) 1. Ode aux galonnés churchilliens ! Ode au spitfires!Ode aux littles ships, ces taxis de la Marne flottant qui ont contribués à ramener une partie des boys, bien qu'un grand nombre (250) ait été coulé par la féroce chasse allemande des « fritz »2. Comme un jeu vidéo avec casque intégral et immersion virtuelle du spectateur dans un univers létal sans affect, le réalisateur bébé Nolan (né en 1970), conditionné enfant à la lecture des vieilles BD chauvines Battler Britton, veut nous épater avec un scénario à suspense au ras des flots de la mer polluée du Nord, instiller la peur qui s'empara de milliers d'hommes en uniforme cernés comme des rats en cage, bombardés, mitraillés sans cesse par ces salauds de « schleus » qu'on ne voit jamais à l'écran, comme la menace fasciste de toute éternité, si virtuelle, si romancée et si intangible dans la réalité politique perverse et illisible du capitalisme belliciste actuel.
L'antifascisme au cinéma accouplé avec le plus lourdingue chauvinisme britannique est aussi transparent que le discours d'un politicien qui plaide sa totale bonne foi alors qu'il est mis en examen pour prévarication, les mains pleines d'argent liquide pompé dans les caisses publiques.
Car il s'agit bien d'un brouet qui se veut antifasciste de salle de cinéma, ce qui n'est pas un bien grand risque. Les effets audios spéciaux de studio peuvent bien faire sursauter le spectateur, la violence des explosions et les dégâts humains sur les pontons et les navires laisser deviner (sans tomber dans le gore) l'ampleur de la tragédie, mais surtout il s'agit d'éviter toute réflexion contre la guerre capitaliste entre camps résolument ennemis et dont les soudards sont sans pitié pour leurs vis-à-vis comme pour les populations civiles. Il s'agit encore d'un remake pour toujours canoniser la Seconde Guerre mondiale « antifasciste », où chaque larron de la salle est mis dans la confidence de la guerre au fascisme sous la croix de Saint André et au milieu de ces pauvres troupes avec pour toute misérable protection cette ridicule assiette en ferraille sur le crâne. Mais cette complicité espérée plus que réaliste se retourne contre le fonds de commerce du cinéaste : mais oui le fascisme c'était bien cela : la guerre à outrance, et des deux côtés, et une guerre terrible dont l'abus de bruitages sensoriels ne peut gommer le conséquences ni laisser le spectateur étranger à un déroulement autrement plus ample que des décors cinématographiques limités (au rabais... mauvais casting... il a filmé des rues de Dunkerque avec une architecture et des lampadaires des années ...1960).
En juin 1940, on dénombrera 96.000 soldats français morts au combat et 200.000 blessés, et bien
et bien qu'en nombre inférieur des milliers de soldats belges, anglais et allemands zigouillés au début de la nouvelle « grande guerre ». L'exode de centaines de milliers de civils avait été cruel et kafkaïen. Dès la mi-mai les troupes allemandes avaient traversé la France après la bataille des Ardennes, un temps stoppée le 17 mai par la 4e division du colonel De Gaulle3

Le 20 mai la 2e panzerdivision de Gudérian était aux portes de Boulogne sur mer, à une encablure de Dunkerque.

Evènement sujet à exégèse, l'armée allemande stoppe le 24 mai, laissant ainsi un répit à ce qui s'appelle l'opération DYNAMO, et qui sert de référence au film. Les exégèses, disons les supputations historiennes, sont multiples. La première étant que Hitler aurait voulu conclure un accord de paix avec la bourgeoisie britannique. Une deuxième qu'il ne voulait pas s'encombrer de prisonniers anglais. Côté bourgeois anglais on tente d'effacer hypothèses et probabillités manoeuvrières, sous l'encens antifasciste, en assurant que la résistance aérienne, navale et terrestre – le bla-bla du film – auraient réussi à bloquer l'armada d'Hitler, permettant le retour aux pénates du gros de l'armée britannique, faute de quoi l'Angleterre n'aurait pas eu les moyens de tenir tête à Hitler.

Une fraction de la bourgeoisie britannique et pas seulement le facho Mosley était pour fusionner avec l'impérialisme allemand, c'est ce que décrit de façon alambiquée Le Point de cette semaine : « Winston Churchill a déployé les plus grands efforts pour garder secret un plan élaboré par le régime nazi en 1940, alors que l'armée allemande venait de prendre le dessus sur l'armée française. C'est ce que montrent des documents d'archives du gouvernement britannique dévoilés jeudi 20 juillet par les Archives nationales et relayés par le quotidien The Guardian. Des télégrammes allemands interceptés par les services de renseignements de Sa Majesté révèlent en effet que l'Allemagne, certaine de sa victoire en Europe, avait pour objectif de kidnapper le duc de Windsor, ancien roi Edward VIII, et de lui rendre sa couronne pour s'assurer de son soutien dans le cadre d'une invasion par ses troupes du Royaume-Uni. »4

L'opération Dynamo est donc sacrément bizarre, d'un côté elle s'apparente carrément à une fuite à
plate couture, et de l'autre on veut nous enchanter avec l'épopée machiavélienne d'un simple repli pour permettre la finale, l'apothéose, la grandissime et stalinienne « victoire de Stalingrad » (grâce au prêt bail US et aux tanks US repeints aux couleurs de l'armée rouge). Le repli n'est aucunement glorieux du 21 mai au 4 juin. L'armée française n'est pas entièrement démantelée ni lâche, comme l'ont assuré tant d'historiens nationalistes israéliens : 16.000 de ses soldats sont tués pendant l'opération de repli, 5000 soldats français et britanniques meurent noyés, 1000 civils dunkerquois sont aussi zigouillés par la Luftwaffe et la werhmacht.

L'exégèse officielle ne nous renseigne pas plus à fond sur le fait que l'armée britannique ait lâché unilatéralement les armées belge et française, au point que ce lâchage a été stigmatisé sciemment par radio Vichy qui ne faisait pas vraiment sourire lorsqu'elle gidouillait : « les anglais mourront jusqu'au dernier français ». 45.000 soldats anglais ont été sauvés, 35.000 soldats français arrêtés et déportés ; oublions les 21.000 zigouillés et noyés ! Vous saisissez la différence ? Et pourquoi les pioupious français sont absents du film patriotique britannique.
Sensationnel avec la vérité à sens unique ce film ! Une sorte de Brexit dans la guerre « antifasciste », ce qu'on peut qualifier de remake de mémoire confisquée d'une immense tragédie dont le capitalisme veut toujours s'exonérer de sa responsabilité sanglante et cynique.

  • NOTES

    1 Exploits de guerre du pilote de la RAF, le commandant Robert Hereward Britton, dit “Battler” Britton. Ce personnage fut créé en 1956 par Mike Butterworth. Battler Britton était une revue de l'éditeur Imperia. 471 numéros de juillet 1958 à juin 1986. Format 13 x 18 cm. BD de guerre. 81 recueils. Les recueils suivant sont des reprises de numéros déjà réunis en recueils. Elle comporte 68 pages jusqu'au 300e numéro où elle passe à 132 pages. Sa publication s'arrête au n° 471 de juin 1986. Hugo Pratt en a fait son fond de commerce plus tard. En 1957 à Albi mon ami d'enfance Alain me montrait comme un trésor sa collection de « Battler Britton », alors que je ne lisais que les aventures du cow-boy « Kit Carson » ou celles de David Crockett, l'homme qui n'avait jamais peur.



2 J'ai reconstitué l'itinéraire familial dans cette phase de la guerre : à la mi-mai mon père est fait prisonnier à Péronne dans la Somme (ne pas confondre avec Vercesi) et commence sa déportation avec des centaines de milliers d'autres troufions par une longue marche forcée jusqu'en Prusse orientale. Le 4 juin, son frère, mon oncle Marcel est monté à bord d'un des little ships pour rejoindre la Perfide Albion.
3Qui, comme je l'ai rappelé dans ce blog, il y gagna son galon de général de brigade (objet de la promo : 1200 soldats français occis à Abbeville et un billet pour Londres).
4http://www.lepoint.fr/monde/seconde-guerre-mondiale-le-complot-nazi-etouffe-par-churchill-20-07-2017-2144674_24.php Edward VIII a monté en réalité de bric et de broc son histoire de mariage avec une roturière pour cacher son homosexualité, incompatible avec l'exposition sur le trône, mais il aurait pu être placé à la tête d'une fraction britannique bourgeoise collaboratrice, pour ne pas dire « pétainiste » si le plan d'Hitler avait fonctionné. Versant bourgeoisie américaine l'option pro-allemande était défendue par le clan Kennedy. En décembre 1937, papa Kennedy fut nommé ambassadeur à Londres où il se rendit plein d’ambitions. On a plus d’une fois fait le récit de son épopée londonienne : brève lune de miel avec la presse et le grand public britanniques, rapidement suivie d’une impitoyable descente aux enfers : il fut vilipendé pour son défaitisme (il était convaincu que l’Angleterre n’avait ni la volonté ni les moyens militaires de vaincre l’Allemagne nazie). Les documents du ministère allemand des Affaires étrangères, publiés après la guerre, montrent que Kennedy, chercha longtemps à obtenir une entrevue avec Hitler, et ce à la veille du Blitzkrieg nazi, pour parvenir à une meilleure compréhension entre les États–Unis et l’Allemagne. Son objectif était de tenir l’Amérique à l’écart d’une guerre dont il était convaincu qu’elle provoquerait l’effondrement du capitalisme. Rien ne montre que Kennedy ait compris, avant la guerre, qu’arrêter Hitler était un impératif moral… - Source : La face cachée du clan Kennedy de Seymour Hersh.