PAGES PROLETARIENNES

jeudi 22 décembre 2016

LES DERNIERES BOULES PUANTES D'OBAMA ET CETTE OBSESSION : LA DETTE !


Tout est caricatural chez Trump, version bourgeoisie gore : moumoute ridicule, exhib de vieux riches avec pétasses canon, déclarations en l'emporte-pièce contre les migrations sauve-qui-peut et massives, un gouvernement de milliardaires1. Obama, finissant canard boiteux, aura joué jusqu'au bout à l'honnête serviteur du Capital, anti-Trump, en n'ayant rien fait pour empêcher que des noirs soient encore abattus comme des chiens par la police blanche. Il finit son deuxième mandat d'une manière totalement ridicule avec son expulsion d' "espions russes" et cette fable des cyberattaques russes qui auraient fait gagner Trump, que personne ne gobe comme personne n'avait gobé que Saddam Hussein possédait des armes chimiques. Ces tortillages du cul confirment au contraire que jusqu'au bout le président antiraciste aura été l'otage d'une faction de la bourgeoisie financière US qui a vu son système démocratico-féodal se retourner contre elle; double ridicule d'accuser Poutine quand en nombre (plus de deux millions et demi) c'est la mère Clinton qui avait gagné; donc avec ou sans cyberattaques, le "populiste" Trump aurait de toute façon gagné grâce au système "censitaire" US, avec super grands électeurs nobles. Le système ricain se tire une balle dans le pied et hurle c'est la faute à l'autre... Dérisoire, en somme ce qu'Obama reproche aux cyberattaques poutiniennes c'est d'avoir poussé à révéler les turpitudes de la tambouille interne de son auguste parti démocrate, fallait pas? Merci Poutine!
Obama laisse lui aussi évidemment une énorme dette à Trump (on l'attribuera aux maigrichonnes mesures sociales qu'il a péniblement réussi à faire voter par les milliardaires élus aux chambres parlementeuses), comme Sarkozy en avait laissé une à Hollande, qui, etc. Chacun laisse un caca avant de partir comme la mère Royal qui demande l'interdiction totale du diesel... Pourtant, depuis l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 8 novembre dernier, Wall Street ne cesse de grimper. 
 
«In Trump we trust». Wall Street croit en Trump. Le vaste programme de relance budgétaire annoncé par le président élu et les baisses massives d'impôts promises ravissent les marchés. Mardi, le Dow Jones a battu un record à Wall Street et se trouve désormais à une encablure du seuil historique des 20.000 points . En bientôt un mois et demi, l'indice de la Bourse de New York a gagné plus de 9%. L'élection de Donald Trump a bouleversé la donne sur les marchés. On nous avait annoncé la catastrophe, il fallait voter Hillary Clinton si on voulait éviter l'effondrement des marchés et une nouvelle explosion de la dette ! (publique). Or comme le commente un commentateur anonyme : « Quand on forme un gouvernement où le nombre de milliardaires explose, la Bourse se réjouit forcément.»
LA BAGARRE ENTRE LES DEUX FRACTIONS US DU SYSTEME FINANCIER ne s'est pas close avec la victoire inattendue du clan pétrolier classique (derrière Trump) et la défaite du financiaro-pétrolier (plus spéculateur sur les réserves de pétrole) derrière la mère Clinton et le partant Obama. Derrière la querelle de personnes un combat acharné se poursuit entre deux fractions rivales très impliquées dans la politique impérialiste, et ayant comme on dit plusieurs fers au feu. Est-ce un hasard si, pour la propagande extérieure, est nommé ministre, un autre milliardaire pas seulement symbolique, le PDG d'Exxon Mobil (trust responsable de la guerre du Vietnam)?
La contestation de l'élection à l'américaine (avec ses grands électeurs féodaux) - dramatisée à souhait par la gauche milliardaire US au point d'en émouvoir nos bobos gauchistes peignes-zizi, s'est traduit d'abord par un multiple recomptage (provocateur) des voix, pour déstabiliser la bande à Trump, qui s'est vu taxé de n'être pas intelligent, puis il y a cette loi à la va vite d'Obama prétendant interdire les forages en mer du nord : « C'est "une étape historique pour (...) préserver les écosystèmes de l'Arctique" s'est félicité Barack Obama ce mardi. Le président américain a interdit, de manière permanente, tout nouveau forage d'hydrocarbures dans de vastes zones de l'océan Arctique et de l'océan Atlantique »2.
On voit là clairement l'attaque de la faction financière contre sa rivale pétrolière, au nom de
l'écosystème ! Mais pas du capitalo-système concurrentiel, sic ! La bagarre avec les climatosceptiques n'est qu'un paravent à des intérêts prosaïquement crapuleux. La presse européenne a pris pour argent comptant cette noble déclaration, assurant que Trump ne pourrait pas remettre en cause une aussi vertueuse déclaration écologique : « Pour agir, Barack Obama s'est appuyé sur une loi de 1953 qui donne aux présidents le pouvoir de protéger les eaux fédérales de toute exploration de gaz ou de pétrole. La décision prise mardi s'appuie sur "une base légale solide" et ne peut être remise en cause par un autre président, a affirmé un haut responsable de la Maison Blanche ». La réalité s’annonce sans doute plus compliquée et la question de la réversibilité de la loi de 1953 risque de se régler devant la justice fédérale. Sur les 120 millions d’hectares d’océan qui avaient été sanctuarisés par Bill Clinton, son successeur, George W. Bush (de la faction pétrolière concurrente, ndlr donc déjà de Trump), avait réussi à faire annuler l’interdiction d’exploitation pétrolière d’une vingtaine de millions d’hectares; de là à dire que républicains et démocrates ne se départagent que par camps pétroliers et spéculation pétrolière, il n'y a pas loin de la vérité du...pognon qui coule à flot, surtout avec la planche à billets de la dette; autant de différence qu'entre le programme de Fillon et celui du 49.3 de Valls dont il faut ici féliciter l'entarteur, enfarineur plus courageux et efficace qu'une journée d'inaction CGT! Comme il faut féliciter ces millions de prolétaires américains qui se sont abstenus de choisir entre les deux camps de milliardaires du pétrole.
Tout cela ne changera en rien la pérennité de la dette « publique », non pas celle des pauvres prolétaires férocement sanctionnés s'ils ne réglent pas au plus vite la leur. Et maintenant nous allons suivre l'explication de Maël Auroux sur cette fameuse dette que chaque compétiteur électoral, en France comme ailleurs, promet de réduire. Pour mieux s'asseoir dessus.


Le monde danse sur un volcan :
la dette


La dette faramineuse de tous les États et celle du monde est plus grave et plus dangereuse que la menace du terrorisme. La dette publique mondiale s’élevait à près 55 000 milliards de dollars à la fin 2014. En 2005, elle était seulement de 26 000 milliards. En une décennie, la dette publique mondiale a donc plus que doublé. Si l'on ajoute les dettes privées, la dette mondiale atteint même les 100 000 milliards de dollars selon une étude publiée récemment par la Banque des règlements internationaux. A titre de comparaison, le PIB mondiale en 2013 était de 74 000 milliards…. Ce qui veut dire que l'on devrait travailler un an et demi gratuitement pour tout rembourser…. Inatteignable !!!

Quelques idées de l’ampleur de la dette

1 – La dette fédérale des États-Unis est de 19 milliards de milliards (trillions) de dollars et ne cesse d'augmenter. « Chaque minute qui passe, nous empruntons un million de dollars supplémentaire. Il faut savoir dire stop » disait Rand Paul, le sénateur "libertarien" du Kentucky qui a mis un terme à sa campagne présidentielle. À cela il faut ajouter la dette des États et des collectivités locales ainsi que celle des particuliers. D'après le site internet Usdebtclock, la dette des États américains au 28 août 2012 était de 1 097,468 milliards de dollars, et la dette des collectivités locales de 1 727,356 milliards de dollars. Ainsi, la dette des États et des collectivités locales représentent 18,4 % du PIB des États-Unis. En ajoutant la dette fédérale à la dette des États et des collectivités locales l’on obtient une dette supérieure au PIB des États-Unis et déjà en 2012 la dette de l’État fédéral égalait 103% du PIB. Pour rembourser la dette, il faudrait travailler pendant un an sans rien consommer. La dette ne sera jamais remboursée !

2 – L’UE.

La dette est passée de 86,8% du PIB en 2014 à 85,2% dans l’UE des 28 États soit 12.094 milliards d’euros. (Capital, avril 2015). À cela il faut ajouter les dettes de toutes les collectivités locales, de toutes les entreprises publiques et des particuliers. C’est astronomique !

Le Japon quant à lui largement en tête possède une dette publique égale à 247% de son PIB.

3 – Les BRICS se situent dans la même situation et désespèrent les capitalistes internationaux qui avaient annoncés à grands cris qu’ils allaient être le moteur de la croissance mondiale.

La Russie :
La dette du pays s’élève ainsi à 42 milliards de dollars, soit 144% de ses revenus et plusieurs régions (Belgorod, régions du Caucase, etc…) sont au bord du défaut de paiement.


Pourquoi cette dette ?

Le capitalisme depuis le début de l’impérialisme et de sa décadence en 1914 quand éclate la Première Guerre mondiale ne peut plus survivre que par des expédients ou en détruisant du capital et la force de travail : les prolétaires tués sur les champs de bataille.
Il ne vit plus, en grande partie, selon les époques et surtout depuis une vingtaine d’années, dans un monde irréel : celui de la spéculation au moyen de la planche à billet. Donc il n'y a rien à attendre de tous ceux qui nous parlent d'un effort quelconque pour réduire la dette. C'est une vaste blague qui ne sert qu'à faire régner l'austérité sur le prolétariat. Et par ce moyen, l'on réduit les salaires et les prestations sociales ce qui permet aux capitalistes d’accroître d'autant leurs profits gagnés sur le dos des prolétaires et des couches paupérisées dans le monde entier.

Peut on s’attendre à un amoindrissement de la dette ? Il existe la dette des États, bien sûr dont nous venons de parler, mais il y a les dettes des banques et des établissements financiers (les assurances….). Nous prenons cet exemple pour montrer l’impossibilité de contraindre les banques et les spéculateurs d'arrêter de vivre sur ce dangereux volcan.
Que font les banques centrales : Europe, États-Unis et Japon ?
Pour que cette montagne de dette soit soutenable, les grandes banques centrales ont opéré des achats massifs de titres (notamment les titres pourris) et baissé les taux d’intérêts jusqu'à les honorer de façon négative. Les banquiers centraux, réunis fin août 2016 à Jackson Hole3, ont toutefois clairement affirmé que la politique monétaire avait atteint ces limites. Oui ! Mais ils ne peuvent rien faire.
Cela s’avère inaccessible. Il est impossible de faire fondre la dette. L'on nous raconte des contes pour enfants. Après la crise de 2008, il avait été décidé d'arrêter la titrisation, comme le capitalisme est aujourd'hui drogué et gorgé par l'argent de la planche à billet des banques centrales qui rachètent les dettes, nous sommes devant un phénomène sans fin. Qu'est ce que la titrisation ? Les actions les plus pourries et les moins garanties sont reconverties en nouveaux titres. C'est la titrisation et comme ces nouveaux titres sont très dangereux et certainement ne seront jamais réalisés, ils sont très bien rémunérés avec des taux d'intérêt très forts. Les banques, les financiers, les spéculateurs les achètent pour faire des bénéfices importants. Ensuite, il s'agit de les revendre au bon moment pour ne pas tout perdre. Au bout du phénomène spéculatif celui qui ne voit pas l'éclatement de la bulle financière perdra tout.
Les banques s'en foutent, elles ne perdront jamais rien, puisqu'elles nous font payer à travers les États pour ne pas se retrouver en liquidation financière. Car « trop grosses pour disparaître » nous dit-on. On mettre toujours la main à la poche tant que le système survivra. C’est un jeu de massacre ! Jusqu’à quand cela continuera ?

Il y a une solution.

Marx disait que l’on devait refuser de payer la dette. Que faisaient les rois de France ou d’Angleterre quand ils se trouvaient devant la faillite ? Ils brûlaient les templiers en 1307 qui étaient leurs financiers ? C'est ainsi que Philippe le Bel essaye de s’emparer de l’or des Templiers. Saint Louis, en faillite, de retour de la croisade en avril 1254 ne paye pas son banquier ce qui entraîne la faillite de la banque Leccacorvo, l’une des premières banques de l’histoire à Gênes. Quelques années plus tard, à Florence, la banque Peruzzi et la banque Bardi prêtent des sommes énormes au roi d’Angleterre, Edouard III. Edouard III emprunte aux banquiers de Florence pour rassembler une armée nombreuse et attaquer la France. Les hostilités débutent en 1337. En 1343, il fait banqueroute. Résultat, la banque Peruzzi de Florence fait faillite tandis qu’en 1346 c’est au tour de la banque Bardi. Louis XIV continue dans la même veine. Il a embastillé et confisqué tous les biens de Nicolas Fouquet son surintendant des finances en 1661 en arguant de malversations.Cela n’est pas nouveau et l'histoire regorge de situations similaires. On ne payera plus la dette !

Maël










Dette de la France: 2160,4 milliards soit 97,6 % de son PIB (en baisse de 10,3 milliards par rapport au trimestre précédent), preuve que la gauche-démocrate a su ponctionner le prolétariat dans le sens du tour de vis de Maastricht aux ordres de l'économie allemande.(source INSEE ce vendredi); et lire: http://www.bastamag.net/Pourquoi-la-dette-publique-francaise-explose-alors-que-les-depenses-de-l-Etat-n

NOTES

1Le cabinet de Trump est aussi riche que 109 millions d’Américains . Les 17 premiers membres de l’équipe du président-élu Donald Trump totalisent une fortune de 9,5 milliards de dollars.

2C’est une sorte de décision testamentaire qu’a prise, mardi 20 décembre, Barack Obama, en décrétant une interdiction de forage d’hydrocarbures dans de vastes zones de l’océan Arctique et de l’océan Atlantique. A un mois de son départ de la Maison Blanche, le président américain a en effet voulu parachever son bilan en faveur de l’environnement en sanctuarisant ces espaces naturels, qui abritent une flore et une faune en voie de disparition. Un pied de nez à son successeur, Donald Trump, qui avait, au contraire, promis de déréguler au maximum l’extraction pétrolière pendant son mandat. Tout au long de sa campagne électorale, le milliardaire Trump n’a cessé de remettre en question la réalité du changement climatique et la responsabilité de l’homme dans ce phénomène. Par ailleurs, il vient de nommer à la tête de l’Agence américaine de protection environnementale (EPA) Scott Pruitt, ministre de la justice de l’Oklahoma. Ce dernier est devenu en quelques années le bras armé des compagnies pétrolières pour tenter d’infléchir la politique de l’actuelle administration visant à réguler l’extraction énergétique. Scott Pruitt a ainsi réussi à lancer des procédures judiciaires contre le plan climat de la Maison Blanche dans vingt-huit Etats.

3Lire « A Jackson Hole, les banquiers centraux face à leur impuissance » https://www.letemps.ch/economie/2016/08/30/jackson-hole-banquiers-centraux-face-impuissance

mardi 20 décembre 2016

NOUS SOMMES TOUS DES INTELLECTUELS (OU PRESQUE)

"Qu'est-ce qu'un intellectuel ?" - un bas salaire". Réplique de Frank Sinatra1



Gramsci avait raison finalement d'effacer d'un trait de plume un débat stérile qui a affecté trop longtemps tant les milieux littéraires bourgeois qu'un aspect de la tradition léniniste du mouvement ouvrier. Gramsci avait conclu un jour : «Tous les hommes sont des intellectuels ; mais tous les hommes ne remplissent pas dans la société la fonction d'intellectuel »2 ; quoique le défenseur du parti « organique », comme « intellectuel collectif » n'était pas très loin de la conception de ses collègues bordiguistes selon qui le parti était le couvre-chef du prolétariat, dans ce corps hybride constitué du parti-cervelle et d'un prolétariat-muscle. Il fût reproché à Gramsci d'avoir une approche trop culturelle du marxisme par les marxistes « étroits » (sectes et syndicalistes) qui considéraient que la question économique était le levier suffisant pour faire mûrir la conscience de classe chez le prolétaire inculte, moyen ou déclassé. Cependant c'était une hérésie comparée aux efforts d'éducation de la II ème Internationale, laquelle faisait dispenser des cours de politique, de philosophie et d'économie pour ses adhérents3. Le souci d'une éducation politique dirigée était dans le droit prolongement du vieux combat pour l'école, contre l'illettrisme (qui dura aussi en Russie après la prise du pouvoir socialiste) pour contribuer à l'émancipation des masses face à l'obscurantisme religieux et féodal.
La première erreur de la bourgeoisie conquérante fût en effet de nous apprendre à lire et à écrire. A partir de là, les clercs, c'est à dire les divers curés, qui possédaient « le savoir » puis plus tard « la science » (laïque ou religieuse), eurent affaire à forte partie. Ce n'est pas un hasard si les meneurs successifs des « révoltés » étaient lettrés, savaient lire et écrire, donc raisonner sans complexe. On évoquera par après que la contre-révolution et ses sectes staliniennes et gauchistes a entretenu la nécessité d'écoles de formation, de stage de conscientisation ou de formation à l'intervention politique4, mais pour mieux brider toute conscience de classe libre et en perpétuelle transformation.

Le mot intellectuel aurait été inventé lors des affaires Dreyfus, balivernes d'une histoire fabriquée par les modes centenaires de la domination bourgeoise. Intellectuel signifie intelligent. On peut être intelligent sans être cultivé, quoiqu'il soit plus efficace d'être quand même un connaisseur du savoir, ou d'une partie du savoir. Sorel et d'autres après lui ont dit que intellectuel était une fonction et une rétribution. Là est l'essentiel : en ce sens le terme n'est aucunement noble s'il recouvre l'ancienne fonction des clercs, c'est à dire des curés menteurs au service des rois divins.


Dans son récent ouvrage l'intéressant historien israélien Schlomo Sand5 nous apprend certes beaucoup, comme la profession d'historien sait le faire dans sa catégorie, mais avec deux défauts majeurs. D'abord ce côté dérisoire et ridicule de l'auteur archiviste quand il descend dans l'arène politique, où, de fait, incapable de prise de distance, contrairement à son champ d'étude éloigné, il révèle qu'il est aussi aveugle ou partisan limité des modes de ses contemporains ; il y perd son aura de grand maître du passé. Ensuite, du fait de son passé d'activiste gauchiste, donc d'une ignorance du véritable mouvement révolutionnaire, il réussit cette incroyable bévue, révélant son ignorance et ses limites politiques, de passer à côté du débat (et d'un vieux cliché très collant) qui agita tout le mouvement révolutionnaire marxiste au début du siècle avec en tête les Lénine et Rosa Luxemburg : la conscience était-elle apportée de l'extérieur du milieu ouvrier par des intellectuels bourgeois ? Enorme manque qui prouve les lacunes... intellectuelles de tous ces ex-maoïstes et trotskiens devenus historiens... bons à rien.

Nous essaierons en cours de route de nous servir des compléments de Schlomo Sand, même si son analyse exclut la classe ouvrière et même toute existence et persistance de celle-ci.
Il fait démarrer le problème avec le siècle des Lumières pour aller de Voltaire à... Bourdieu. CE qui est un comble, quoique Bourdieu fût lui aussi un intéressant animateur du consensus médiatique, il restera un conseiller du gouvernement Mitterrand, donc à sa façon aussi un « intellectuel de cour ». L'historien israélien remet à leur place d'anciennes vedettes de la France d'après-guerre, les Sartre et Camus, comme vraies merdes politiques bourgeoises, girouettes complices des pires crimes de la bourgeoisie colonialiste et antifasciste.

UNE DIVISION ENTRE TRAVAILLEURS MANUELS ET INTELLECTUELS ?

C'est la thèse de l'esprit brouillon Sorel en cette fin du 19 ème siècle : « La hiérarchie contemporaine a pour base principale la division des travailleurs en intellectuels et manuels ». Face aux marxistes de parti, il aura cette répartie louche, mais en partie vraie : « les intellectuels ont des intérêts professionnels étroits et non de larges intérêts de classe ». Après le débat des étudiants en 1890 en Allemagne, Sorel s'interrogea sur les modalités d'implantation des « intellectuels » dans le mouvement ouvrier ou socialiste. Il remarque une présence dominante dans les partis dans leur couche dirigeante (professeurs, avocats, hommes de lettres), qu'il qualifie de « dictature représentative du prolétariat » dans leur désir de « conquérir l'appareil d'Etat ». Par conséquent les « producteurs » continueront d'être gouvernés par une nouvelle caste. Le brouillon Sorel, avant les conclusions de Lénine sur la Commune de Paris, a l'intuition juste, les intellectuels socialistes de l'époque veulent conquérir l'Etat « tel que »6. De même il se désintéresse du débat entre réformistes et révolutionnaires, d'abord parce qu'il n'a jamais cru au miracle insurrectionnel de « grand soir », ensuite parce que le socialisme ne peut se concevoir comme accroissement ininterrompu des besoins consuméristes des travailleurs. Il a aussi l'intuition que les dirigeants des partis reproduisent par devers eux la division sociale du travailleurs, en oubliant les limites des dits intellectuels ; c'est pourquoi son souci prééminent du syndicalisme à l'époque est louable même en tordant la barre : « Le rôle des intellectuels est un rôle auxiliaire, ils peuvent servir comme employés des syndicats ; ils n'ont aucune capacité pour diriger ». Cette dernière remarque est profondément juste, elle fût partagée par Lénine et bien des chefs d'Etat bourgeois. L'intellectuel en général a un côté éternel étudiant, hors des réalités sociales7.
Paul Lafargue dénonça les militants intellectuels comme des successeurs aussi bien des curés laïques du siècle des Lumières que de la caste des intellectuels de gouvernement en particulier après la seconde affaire Dreyfus, où il apparaît qu'une partie des idéologues se met pleinement au service de la bourgeoisie dominante8 (p . 128 et suiv.). Hubert Lagardelle, dont le devenir comme ministre de Pétain, a fait oublier son glorieux passé socialiste, s'oppose à la conception des intellectuels comme une couche intermédiaire, et, reprenant les concepts de Marx de classe « en soi » et « pour soi », il définit que l'intellectuel est plutôt dans une « sous-classe » ou « hors classe », c'est à dire une espèce de déclassé (qui n'a pas de base socio-économique commune). Ce constat peut faire sourire au XXI ème siècle où l'intellectuel comme le manuel font la même queue à Pôle emploi, mais l'idéologie reste. Un bon niveau d'éducation (masters, doctorat, etc.) - même sans emploi idoine – renvoie au chômeur intellectuel une image supérieure à celles des travailleurs manuels, et sa rancoeur peut autant l'envoyer vers l'extrême droite que vers l'extrême gauche. Lagardelle, soulignant le relatif retard historique du socialisme français (poids de la paysannerie, Paris et son désert français)9. L'insistance des Sorel et Lagardelle en faveur d'une prééminence du syndicalisme était justifiée et dans la continuité du marxisme, plus que le réformisme « intellectuel » de la Seconde Internationale, le prolétariat devant conserver comme un tout sa pleine souveraineté politique, en se passant des bataillons d'intellectuels politiques plus enclins à se mêler au jeu politique bourgeois. Cependant Lagardelle désapprouve l'apolitisme des syndicats qui est préjudiciable à la classe ouvrière et laisse en effet la politique aux intellectuels bourgeois. Le souci des intellectuels Sorel et Lagardelle, dans le sens de Marx, était de démontrer que la mission du prolétariat n'était pas une utopie d'intellectuels.

LES INTELLECTUELS PEUVENT-ILS ETRE FASCISTES ?

La notion d'intellectuels fût longtemps, à cause de Clemenceau et des colonialistes en Algérie, un qualificatif péjoratif concernant les « penseurs » de gauche. Au service de l'idéologie américaine, à la fin des années 1970, un idéologue israélien du nom de Sternhell, surfant sur la négation stupide des chambres à gaz,se fit le chantre non d'une possibilité pour le qualificatif intellectuel de caractériser même des « penseurs » d'extrême droite ou de vulgaires fascistes, mais de la France comme ère historique du fascisme10. Schlomo Sand a le mérite d'avoir fait face à la sommité Sternhell, grand guru universitaire adoubé par l'intelligentsia franco-américaine, et démontré, comme nous les marxistes, que le fascisme avait été un produit de la guerre de 14 et pas de la vieille tradition antisémite en France. Il a raison de souligner que dans les années 1920 ni le fascisme ni le communisme ne fascinent les intellos français en général, idéologies qui sont perçues comme phénomènes locaux. C'est seulement dans les années 1930 que se développe la théorie de l'antifascisme, dans le droit fil des dreyfusards : la justice peut être au-dessus des classes et regrouper les citoyens... dans le cadre national ! Les théories racistes n'étaient l'apanage que de cénacles d'intellectuels marginaux.
La plupart des transfuges intellectuels des courants socialistes et communistes ne passent pas au fascisme en continuité avec les idées socialistes mais par ambition personnelle contrariée, les Doriot, Marcel Déat, René Belin, Gaston Bergery : « Il n'est guère étonnant que, parmi ceux qui avaient rompu, avant la guerre, avec leur parti ou organisation d'origine, à cause d'un avancement jugé trop lent de leur carrière politique, beaucoup aient tenté de saisir l'occasion de la crise de 1940 pour occuper les nouveaux lieux de pouvoir politiques » (p.166, la soif d'acquérir un surcroît de capital symbolique)11.

LE CREPUSCULE DES INTELLECTUELS

Sand fait référence à un certain Bell : « Pour Bell, l'extinction des idéologies et la disparition de l'intellectuel radical universel s'inscrivent dans un processus purement conceptuel, découlant des idées du penseur, sans aucun lien avec son positionnement social. Le nouveau consensus entre écrivains et érudits provient de ce que la société de consommation est devenue moins conflictuelle et davantage portée vers l'unanimité. La satisfaction globale de larges couches de la population a fait taire la conscience morale traditionnelle de l'intellectuel, qui a cessé de rêver à une société future idéale. En contrepartie, les lettrés deviennent, de plus en plus, des experts techniques appelés à perfectionner les produits matériels et spirituels de la société d'abondance postindustrielle. Les gens de lettres rebelles ou révolutionnaires n'existent plus, selon Bell, que dans le tiers-monde, mais ils disparaîtront, là aussi, avec les progrès, la prospérité et la pacification de l'économie internationale » (p.175). Sand a raison de restaurer l'intelligence et le courage d'un intellectuel « de droite » Raymond Aron12 : « A Paris, paradis de la rhétorique révolutionnaire, pour reprendre les termes de Raymond Aron, la plupart des intellectuels « en révolte » redécouvraient les avantages de la civilisation occidentale, et tout particulièrement le confort bourgeois qu'elle offre aux gens de culture installés et reconnus » (p.176). Le déclin de Sartre et les dérives de Foucault sur la « révolution iranienne » symbolisent le mieux le déclin et la perte de statut du prophète de la protestation universelle. Mais la fin de l'intellectuel « généraliste » ne signifie pas que l'intellectuel « spécifique » ne se rallie pas à la cause du prolétariat : « … le mécontentement vis à vis de la culture dominante grandit bien plus entre les murs des établissements de recherche et d'enseignement qu'au sein de la bohème littéraire et artistique » (p.178). Ce n'est pas non plus un grand progrès, car ce mécontentement ne profite pas d'abord au milieu révolutionnaire maximaliste héritier de la III ème Internationale.
L'ancien de S ou B, Lyotard rejoint le Foucault en estimant que tout universalisme « débouche sur une obsession totalitaire », ce qui est la base « intellectuelle » des gauchistes, marxistes de pacotille, qui peuplent le monde universitaire et les enseignants depuis les années 70. de plus : « La compartimentation universitaire a détruit toute possibilité d'instiller et de transmettre aux nouvelles générations des traditions intellectuelles ouvertes ».
Schlomo Sand, ancien gauchiste, est incapable de comprendre que le prolétaire diplômé reste un diplômé prolétaire, haineux vis à vis d'une société qui ne le reconnaît pas à sa juste valeur, qui oscille entre son absence d'avenir et se reconnaître comme partie intégrante du prolétariat. Pour les Sand et autres universitaires historiens, plus dans la lune que dans la réalité – ils feraient mieux de rester en chaire que de la ramener avec leurs points de vue politiques totalement conformistes – ne voient plus la classe ouvrière, on pourrait même dire qu'ils font partie de la catégorie des « intellectuels ratés », qui en restent à la surface : « (la culture ouvrière) a cédé la place à une culure pseudo-libérale consumériste, donnant lieu à une atomisation croissante des masses et à leur aliénation vis à vis de toute espèce d'engagement et d'organisation ». Cette idée de « culture ouvrière » est bizarre, totalement étrangère à la conception d'une conscience de classe (qui était l'objet de la polémique de 1904 en Russie), et une vague conception ouvièriste et apolitique syndicaliste de la gauche caviar13.
L'intellectuel « épistémologique » (au sens spéculatif et vieillot du terme) Schlomo Sand peut jongler avec « la dissolution du prolétariat industriel », une « gauche parlementaire » qui ne représente plus les intérêts ouvriers, la fin d'une « mentalité de l'Etat-nation démocratique » où il serait manifeste que le déclin de l'intellectuel guide ou donneur de leçons de morale serait dû au fait que « chacun possède des intérêts particuliers » et « qu'il n'y avait pas de classe universelle dans la société ». Or le déclin des donneurs de leçons arrivistes, des divers intellectuels blasés ou déclassés (dont les prototypes ont été l'instituteur Mussolini et le séminariste Staline) n'est pas dû à l'individualisme consumériste, mais à une progression de la conscience de classe, pour une classe qui sait non seulement lire et écrire, mais se moquer des discours télévisuels qu'on lui ressert au quotidien ; qui sait « lire » la vacuité des programmes des divers discours plus ou moins intellectuels, plus ou moins hâbleurs même si on les décore du titre de « spécialistes », dénomination qui marche mieux que « généraliste ».
Avec sa pensée formatée gauchiste au plus jeune âge, Schlomo Sand nous ressert le discours maoïste sur les malheureuses libérations nationales, certes biscuit temporaire à intellectuel « engagé » ou « enragé » mais qui auraient mis à bas « utopie abstraite » et « futur utopique » : « Tout combat collectif, mené sous étendard socialiste laïque, quelle qu'en soit la couleur, a perdu de sa valeur humaniste originelle ».
Que notre bon « épistémologue » veuille bien compatir à la disparition de l'intellectuel « généraliste », soit, mais qu'il retourne à ses archives mitées plutôt que de confondre cet effacement des clercs modernes avec son « affligeante disparition du prolétariat »14.

LA FIN DES ORACLES INTELLECTUELS C'EST LA CRISE DE L'IDEOLOGIE BOURGEOISE

Le final de « la fin de l'intellectuel français » finit pitoyablement. Qu'après nous avoir éliminé d'un coup de clavier la classe ouvrière, et avoir survolé avec ignorance la dissolution des anciens savants (relatifs) dans une classe ouvrière moderne non alphabète - parce la plupart des intellectuels ne sont plus eux aussi que des salariés, exceptée une minorité d'intellectuels de cour aux revenus disproportionnés en regard des intérêts financiers dont ils sont les publicitaires et sans plus aucun souci de l'universel – notre ipistémologue se penche sur les petits personnages ridicules et provocateurs de la bande à Charlie, des auteurs de gare comme Houellebecq, Finkielkraut, Zemmour, etc., est proprement lamentable.
Voltaire, Rousseau, Jaurès, et même Bourdieu, méritaient mieux. Mais nous étions là dans le milieu académique de cet historien qui, lorsqu'il sort de son bureau à Tel Aviv pour atterrir à Paris, vient dîner chez ses amis de la gauche bobo. Il épouse les croyances de cette gauche bobo, elle-même complètement hétérogène, et qui ne sait plus où vraiment trouver ses marques. Sand a bien vu le niveau des manifestations hypocrites des « je suis Charlie », les débilités anti-islam de Charlie Hebdo ; il a bien vu comme nous dans ces colonnes l'absence non pas des « quartiers pauvres » mais des ouvriers en général, français de souche et maghrébins. Mais pourquoi utilise-t-il si souvent le néologisme pervers « islamophobe » inventé part les nouveaux fascistes ? Pourquoi nous parle-t-il d' « hypocrisie culturelle ancienne » ? Donne-t-il tort fondamentalement à la « répression laïque » du pouvoir algérien contre les égorgeurs d'enfants ? Est-il admiratif des djihadistes lorsqu'il les décrits comme courageux combattants désintéressés à la façon d'un Rouillan : « La disposition au sacrifice, le mépris pour l'existence matérielle et le gaspillage, le tempérament égalitaire des activistes et combattants musulmans, en comparaison des dirigeants « laïques »ont, de plus en plus séduit les masses » (p.240).
L'argument de la séduction des masses par les « intellectuels djihadistes » ouvrirait-elle une possible nouvelle promotion de l'oracle « penseur »... à la place des autres ? Mystificateur à l'égal de Jésus ou Mahomet ? Devait-on choisir un camp dans les guerres du Golfe, du point de vue de la classe prolétariat (dont se fiche Sand) ? Sand montre du doigt nos meilleurs plumitifs antiracistes – au milieu d'un tas d'historiens « engagés » dans les pétitions -, soutenant Busch : les Bruckner, Mona Ozouf, Stéphane Courtois, Glucksmann non encore décédé, en compagnie des BHL, Finklielkraut et tutti quanti. Puis il nous montre les « sous-intellectuels » des banlieues émeutières de 2005 qui auraient « déclenché le nouveau climat intellectuel » et que la République aurait perdu à cette occasion sa virginité. Et de stigmatiser Finkielkraut et ses propos relativement corrects concernant le délitement (ancien) de l'Eduque naze. Et de pointer du doigt les « intellos et dessinateurs de gouvernement » avec les Val et Fourest – leur « Manifeste des 12 contre le nouveau totalitarisme » - qui furent l'exemple d'une parfaite imbécillité néo-stalinienne en défendant les dessins provocateurs des bobos danois. Il ne répond pas à l'objection judicieuse de Redeker qui a parfaitement vu, bien après nous, que l'islamisme avait repris la fonction repoussoir du stalinisme, mais se répand sur le montage des menaces concernant ce même Redeker qui fait partie de cette intelligentsia qui passe son temps à donner des leçons de morale d'antiracisme.
Il ne connaît pas grand chose aux problèmes posés par l'immigration dans le mouvement ouvrier en se basant sur l'ouvrage falsificateur de Gérard Noiriel. La conclusion est complètement confusionniste et décevante. On ne sait pas vraiment ce que veut Schlomo Sand, une restauration uniforme d'intellectuels avec doigt sur la couture du pantalon, une sphère de bien-pensants non offensés par des contradicteurs ? Quand, d'une certaine façon il faut se féliciter que la doxa officielle enchanteresse, dans un monde perpétuellement en guerre et sous la terreur des attentats civils, soit bousculée par des opposants, pas toujours judicieux, plutôt faire-valoir du spectacle de la fausse démocratie, d'où le prolétariat et ses organismes minoritaires sont absents, mais qui compensent un peu la lourdeur du bourrage de crâne.
Sand se jette au secours de la fable antiraciste, niant lui aussi une identité culturelle, non pas simplement française, mais d'Europe du nord – qu'il taxe d'ethnicité ringarde – où un mode de vie sans port ostentatoire et discriminatoire de signes et sigles religieux semblait avoir été un acquis depuis le XIX ème siècle. Radotant le terme islamophobe, il invente une peur de l'immigration étrangère confondue de plus avec l'expansion des mémères voilées. Xénophobie et islamophobie sont les mamelles de tous les cuistres autorisés désormais. Or il n'y a pas peur, peur de qui ? De misérables modernes refoulés massivement par les gouvernements antiracistes ? Il y a un dégoût, un rejet de l'expansion de comportements communautaristes, d'attitude d'exclusion des habitants anciens de la société d'accueil15.
Schlomo Sand déplore au fond la disparition des maîtres à penser de jadis dans leur rôle de conformisation de la société, de conservation des « veilles valeurs » comme aujourd'hui nos intellectuels dégradés du gauchisme ou la noria de personnages arrogants du parti de l'élite « socialiste » qui nous vantent un islam pacifique, voir francisé, ce qui est encore une colonisation de... l'arriération. Le problème enfin est que les meilleurs intellectuels du spectacle médiatique ne peuvent plus prétendre penser à la place des prolétaires, diplômés ou pas, malgré une culpabilisation forcenée, comparable à l'Inquisition – qui ne pense pas par exemple que l'immigration même forcée est un bonheur « pour notre pays » est forcément un électeur du FN – ou que la loi travail était une mesure socialiste …

Schlomo Sand avait titré son ouvrage comme question, expliquant finalement qu'il regrettait la disparition de saltimbanques savants du pouvoir comme régisseur des consciences. Hélas pour lui nous devons constater que c'est la fin des intellectuels « en général » croupions du pouvoir, et que cet amenuisement n'est pas récent, qu'il en fût ainsi de façon éclatante au moment des révolutions épisodiques : 1871, 1905, 1917, 1919, 1921, 1923 ; mais aussi aux périodes charnières de notre XX e siècle disparu: 1945, 1956, 1968, 1971, 1974, 1989, 199116. La « conscience de classe » qui n'est pas cette minable et insipide « culture ouvrière » fait son chemin et reste bien déroutante ou méconnue par nos intellectuels qui ont plus de soucis de rétribution professionnelle que d'émancipation universelle (vous lirez bientôt une anthologie d'écrits de Marc Chirik géniaux justement sur la question de la "conscience de classe", aux éditions Prométhée).
La culture du multi-ethnicisme - quoiqu'il soit convenu qu'il n'y a plus de races sauf dans les questionnaires des sites de rencontre - ou du folklorique multiculturalisme, d'un monde débarrassé des cultures nationales comme le rêvent l'Etat impérialiste US et l'Etat juif israélien, n'est pas en voie de complète disparition (et je ne vois pas pourquoi les cultures nationales spécifiques devraient disparaître comme les patois), mais la théorie antiraciste universellement hypocrite vise à ridiculiser l'internationalisme, la véritable signification de la nécessité de mettre fin aux frontières, et avant tout à tenter de liquider encore une fois l'identité de classe ouvrière. C'est pourquoi notre épistémologue a pu être publié par les éditions La découverte, pâle clone des éditions Maspéro pour une clientèle intellectuelle spécialisée et bac + 5 minimum.

NOTES

1 dans le film de Vincente Minnelli
« Comme un torrent » (1958)
2 Cahiers de prison n°12, cité en note p. 136. Mais Gramsci théorise surtout dans le sens du stalinisme, estimant que les ouvriers ont besoin d'un parti « organique » qui remplisse la fonction des « intellectuels organiques » d'autrefois ; c'est à dire kif kif Bourricot de la conception bourgeoise de la conscience et du dirigisme bureaucratique des staliniens ; or, c'est là qu'on voit le plus la faiblesse et l'ignorance de Sand quant au débat de 1903 et 1904 avec Lénine, où, même si Lénine avait dérapé lui aussi sur une conception organique (qui avait été celle de Marx d'ailleurs) tout le débat a montré que la conscience ne part pas que des milieux cultivés, qu'elle trouve son terreau sur le terrain économique et contre... la religion aliénante ! La spécificité de la classe ouvrière la différencie justement de la classe paysanne incapable pendant des siècles de « produire des intellectuels à son service », ou plutôt dirais-je d'accoucher de partis politiques distincts, ce que la classe prolétarienne produit par contre inlassablement à chaque époque, sans qu'on puisse considérer que cette « production » provienne du seul cerveau d'intellectuels cultivés, comme s'il n'avait pas existé de traditions orales avant l'invention du roman, ou comme si Victor Hugo n'avait pas écouté un après-midi son Thénardier à la terrasse du Flore. Pannekoek et la Gauche allemande, puis le CCI, ont suffisamment démontré la production sociale de cette conscience en même temps que la prise de conscience d'individus cultivés, parallèlement et sans toujours se rencontrer.
3 Rosa Luxemburg en Allemagne avec Kautsky et tant de brillants intellectuels, Lénine à Longjumeau, etc. Il passe tout près de ce grand débat en évoquant autour de Kautsky et Jaurès, la controverse des étudiants allemands au début des années 1890, sur un concept nouveau, celui de « prolétariat intellectuel », donc bien avant les querelles insipides au moment des affaires Dreyfus. Sand est incapable de voir ce que signifie cette radicalisation des enfants cultivés de la bourgeoisie de l'époque, quand Kautsky les définit comme une nouvelle couche de salariés, mais quand le pape du marxisme comme Sand sont incapables d'y voir l'élément révolutionnaire.(p.116 et suiv.) Sand est réducteur en n'y voyant que l'apparition d'un nouvel esprit d'artisan « incapable de s'intégrer dans des syndicats ordinaires ». Or Marx et Engels dans le Manifeste avaient déjà simplement constaté que les « idéologues rejoignent la classe ouvrière ».
4 Une conception prônée par le pape Bordiga dans les fifties où il trônait à des réunions où on pouvait poser des questions et prendre des notes. Le PCF par exemple, comme la CGT, virent se développer une profonde désaffection pour ses écoles de formation après 1968 ; les plus vieux militants ou les plus jeunes mêmes n'acceptant pas qu'on leur « enseigne » le militantisme. Par contre, les sectes gauchistes ont développé jusqu'à nous jours leurs stages de formation, ou colloques d'été. Révolution Internationale a été le seul groupe maximaliste à dénoncer cette duperie de catéchèse militante liée au recrutement forcé, comme désormais antinomique à tout réel engagement, qui suppose plutôt un effort personnel de lecture ou de perfectionnement « par soi-même » comme aurait dit Monate.
5 « La fin de l'intellectuel français ? De Zola à Houellebecq », et en fait... à Zemmour (ed La découverte).
6 Sand cite entièrement la phrase suivante sans être capable d'en voir la lumineuse projection politique : « La véritable vocation des intellectuels est l'exploitation de la politique (…). Il ne faut pas leur parler de supprimer les formes traditionnelles de l'Etat ; c'est en quoi leur idéal, si révolutionnaire qu'il puisse paraître aux bonnes gens, est réactionnaire ».(p.124). C'est Marc Chirik qui me fît découvrir Sorel, dont il était fervent lecteur, et qui m'a communiqué sa passion pour les intellectuels iconoclastes et hors classe.
7 D'ailleurs la théorie sorélienne sert de base à la « loi d'airain » de la bureaucratisation de toute organisation politique, par Roberto Michels en 1911. L'empirisme de collaborateurs sans diplômes, Candides de service, a toujours été vu comme une nécessité par gouvernants, dictateurs ou gurus de sectes, comme compensation aux abstractions des salonards et académistes. Jan Makhaïski, maître à penser du courant anarchiste ringard des Cahiers Spartacus à la rue Amelot, venait alimenter démagogiquement lui aussi la haine de tout parti politique considéré comme un composite de « mains blanches » en 1898 (p.126).
8 p. 128 et suiv. L'Eglise est le principal corps intellectuel du monde pré-capitaliste : « La catégorie des ecclésiastiques peut être considérée comme la catégorie intellectuelle qui est liée de façon organique à l'aristocratie foncière » (p.138).
9 « Mais Paris est à proprement parler toute la France. Celle-ci n'est que la grande banlieue de Paris (…) Toute la France est déserte, déserte au moins sous le rapport intellectuel. Tout ce qui se distingue en province émigre de bonne heure dans la capitale, foyer de toute lumière et de tout éclat ». Heinrich Heine, 1833.
10 Je suis le seul, parmi le milieu maximaliste, dans un article publié dans R.I. À l'époque, et dans mes ouvrages, à avoir dénoncé la bêtise de Sternhell.
11 Et lire aussi p.169 et suiv. Le cas des deux salauds, Drieu la Rochelle et Brasillach, intellectuels fascistes frustrés...
12 Qui a très bien vieillie, dont les réflexions nous apparaissent 40 ans après si pertinentes contre les intellos de la Rive gauche et les âneries et girouettes politiques imbitables mais parfaitement idiotes de ce pauvre Sartre, et désormais impubliables.
13 L'élite « socialiste » et gauchiste, dont éléphantineau Hamon est une représentation sans intérêt, se ridiculise dès qu'elle prétend parler du « milieu ouvrier ». Il y a deux jours, l'islamo-socialiste Hamon voulant prendre la défense de ses électeurs arabes dans le 93 – où certains cafés sont interdits aux femmes – excipa que dans les quartiers ouvriers jadis les femmes étaient interdites ! D'abord il ne connaît rien, ensuite on peut lui montrer les tableaux de Renoir avec les Guinguettes, ou les films d'avant-guerre en noir et blanc, parfait reflet de la mixité joyeuse dans les bistrots, mais sans barbus ni voilées ! Encore une preuve du racisme de l'identité française !
14 Notre épistémologue ajoute ponctuellement de vrais constats, sans être capable d'analyser les contre-indications, comme celui où il s'interroge sur la fin de toute rationalité dans les débats, une cascade de conceptualisations abstraites (dont il est victime lui-même comme on le verra à la fin de cet article) où les conceptions cognitives de l'enseignement gratuit pour tous sont allègrement jetées à la poubelle (c f. p.195) ; le triomphe de l'atomisation narcissique avec le portable, google, facebook, etc.
15 Schlomo Sand ne vient pas faire ses courses dans les supermarchés de banlieue où le soir il croiserait au moins 50% de mémères voilées, et l'après-midi 100%. Qui de plus ne sont guère aimables, voire dédaigneuses. La femme couverte répercutant ainsi sur le sale gaulois le mépris machiste dont elle est l'objet par son conseiller culturel intime, l'imam.
16 Evidemment la crise de l'intellectuel bourgeois commence vraiment en 1903 quand la question du parti devient primordiale pour le mouvement ouvrier mondial, et non plus cette insipide spéculation entre manuels et intellectuels. Je rappelle que j'ai reproduit comme sigle de mon blog le penseur de Rodin, qui n'est pas un vague personnage de la mythologie mais, pour ceux qui ne connaissent pas mon article à ce sujet, la figuration explicite pour Rodin du prolétariat « penseur », ce qui avait d'ailleurs choqué à l'époque les bien-pensants des milieux « cultivés » et "cultuels".