PAGES PROLETARIENNES

mardi 2 février 2016

LIMITES DES LIVRES ICONOCLASTES SUR RELIGION ET MULTICULTURALISME


REVUE DES LIVRES

LES RADOTAGES D'UN IMAM MAO
(islamaophile)
  • Alain Badiou : Notre mal vient de plus loin, Penser les tueries du 13 novembre

Il est exact comme le remarque l'auteur - plus proche de Saint Paul que de Mao ou Marx - dans les préliminaires de son livret de 60 pages, que tous les jours, ailleurs dans le monde, se produisent aussi des meurtres de masse effrayants. Ce qui compte dans le malheur n'est pas l'identité des victimes car cela renverrait à la simple idée de vengeance, cette « donnée primitive, abjecte ». Puis suis une autre ambiguïté chrétienne : « il est scandaleux... de laisser entendre, indirectement... qu'il y a des parties de l'humanité qui sont plus humaines que d'autres », mais qui n'en est pas une ; depuis longtemps « un mort occidental c'est terrible (quand) mille morts en Afrique... ça n'est finalement pas grand chose ». Telle est en effet notre perception occidentale, c'est comme les accidents de la route, ça n'arrive qu'aux autres. L'islamaophile Badiou prétend donc ne pas avoir peur de l'explication à partir de considérations généralistes et d'un qualificatif pour le terrorisme, contrebattu et éculé : « figures contemporaines du fascisme ». D'emblée il est fidèle à la croyance maoïste que le fascisme (passé et imaginé dans le présent) est la clé pour « comprendre » les malheurs de notre temps (compté).
Après une évocation de ce truisme à gauchistes, le capitalisme « mondialisé », voici une autre invention de son cru : « l'affaiblissement des Etats », phénomène « tout à fait pathologique », processus de « dépérissement des Etats ». Somme-nous donc à la veille de la société communiste sans Etats ? Quand même pas. C'est un « libéralisme libéré », avec comme figure de proue symbolique la pieuvre française TOTAL, puis plus loin Apple, Google. Et de nous évoquer la nostalgie du Conseil national de la Résistance à une époque où les banques ont pris le pouvoir, mais pas le prolétariat. « toute vraie puissance étatique a disparu » dans un petit monde où les firmes décident de tout.
Il a raison de se moquer de la « détermination » d'écraser Daech, quand rien n'est fait en réalité car : « ... Daech est une puissance commerciale, une entreprise commerciale compétente et multiforme ! Il vend du pétrole, il vend des œuvres d'art... ». On a détruit un Etat et créé une zone d'anarchie dont tout le monde feint de se plaindre.

Les chiffres montrent le gouffre des inégalités mondiales du libéralisme libéré pendant qu'on nous chante « guerre aux barbares » pour « défendre nos valeurs », c'est à dire « le mode de vie occidental de la classe moyenne ». Notre intellectuel mao converti au catholicisme a oublié lui aussi le prolétariat en cours de transhumance théorique. Il nous confie qu'il y a deux milliards d'humains qui ne comptent pour rien, mais qui sont-ils ? Quelle place occupent-ils ? Ils ne sont ni salariés ni consommateurs. Ils ne sont pas et de seront pas embauchés pour ne pas faire baisser la plus-value. Le capitalisme ne pourrait-il pas diminuer le temps de travail des autres et embaucher ces masses qui : « … n'ont qu'à errer entre les bandes armées et les prédateurs capitalistes de tout poil, de vivre comme elles peuvent ». Des zones entières (sont) livrées à un gangstérisme politique de type fasciste ». Revoilou l'explication fumeuse qui arrange tous les observateurs contrits, persuadés que le diable Hitler a fait rejaillir de l'enfer Marine Le Pen et Beccassine la voilée.

LA DOMINATION DE TYPE GANGSTER (chronique d'un islamaophile)

« Des sortes de firmes capitalistes armées, sauvages, occupent des lieux vacants, là où l'Etat a disparu, embrigadent des laissés pour compte... » ; « c'est dans ce contexte qu'apparaissent des bandes armées fascistes à coloration religieuse ». Pas question d'y mêler l'islam, s'insurge notre vieux tiersmondiste islamophile : la religion a toujours été une couverture rhétorique, manipulable et manipulée par les bandes fascistes ». Prenez l'Espagne franquiste, quand les bandes armées de Franco étaient bénies par les évêques. Hein ! Et qu'ils beuglaient « Viva la muerte », surtout celle des autres.
On l'attendait, on la retrouve toujours cette comparaison1 des analphabètes du mouvement maoïste, avec l'Espagne de 1936, où la religion se confond toujours avec une des fractions capitalistes, mais où – mauvaise pioche – comme en Syrie, l'ETAT BOURGEOIS N'A JAMAIS DISPARU. En Espagne il s'est divisé un temps en deux fractions bourgeoises concurrentes appuyées par tel ou tel camp impérialiste. En Syrie, comme en Irak, les Etats bourgeois restent aussi présents par bandes armées interposées. Disparition de l'Etat en Syrie et en Libye ?
Quels types d'Etats furent ceux des dictateurs disparus ? Des Etats fantoches tenus en laisse par les grandes puissances étatiques pas par les banques ni par des bandes armées fascistes. Ces Etats découpés au cordeau selon l'ingénieur impérialiste ressemblaient autant à un Etat qu'un camp de concentration de misère à ciel ouvert.
Maladroitement et arbitrairement dessiné sur la carte de l'Afrique gigantesque, l'Etat découpé en morceaux des « libérations nationales » n'a jamais été que le laquais de telle ou telle grande puissance, géré de manière dictatoriale néo-coloniale sans figuration électorale de type démocratie bourgeoise à l'occidentale. Les Etats des Kadhafi et Saddam Hussein n'étaient-ils pas aussi des bandes armées à leur profit, acoquinés avec es prédateurs capitalistes dominants ?
On nous promène ensuite dans la « subjectivité » des 14% de ressources de la fumeuse « classe moyenne », serpent de mer pour TF1 amélioré. L'ennemi n'est plus à ce moment du discours de Badiou le « libéralisme libéré » ni l'Etat (qui a disparu) mais « l'art des gouvernements démocratiques aujourd'hui (qui) consiste à diriger la peur contre la masse démunie » : « les ouvriers de provenance étrangère , leurs enfants, les réfugiés, les habitants des sombres cités, les musulmans fanatiques. Voilà le bouc émissaire livré en pâture par nos maîtres et leurs plumitifs à la peur des classes moyennes ». Tout cela fait très radical, n'est pas tout à fait faux, presque un programme du NPA avec candidate voilée, mais voilà cela nage dans la pire des confusions à la fois populiste ; on flatte face à un auditoire de petits beurgeois d'Aubervilliers les musulmans en général, forcément premières victimes « démunies » en désignant d'un doigt vengeur cette dénomination inconsistante et anti-marxiste de « classes moyennes ». Comme d'autres camelots d'une histoire au rabais accusent éternellement tout blanc bec d'être un énième descendant des profiteurs de l'esclavage.

A côté de la subjectivité occidentale, la subjectivité des réfugiés avec leur « désir d'occident » vaut-elle mieux ? Pas plus que les africaines qui veulent se blanchir la peau nous confie l'orateur blanc. Enfin la troisième subjectivité est l'interprétation qui sied au monde entier cartésien et islamophile : le nihilisme dont « le désir d'occident reste le fantôme caché ».
On retombe enfin sur l'affirmation creuse du début « le fascisme contemporain ». Sans aucune analyse de ce qu'a été historiquement le fascisme, comme produit de l'écrasement de la révolution communiste et volonté affirmée d'aller à nouveau à la guerre mondiale, notre Badiou national accouche d'une notion vaguement sociologisante pour qualifier ce « fascisme contemporain » : « subjectivité populaire qui est générée et suscitée par le capitalisme » ; plus drôle « le fascisme est une subjectivité réactive », « intracapitaliste ». Il est aussi question de « pulsion agressive, nihiliste et destructrice », « répression intime du désir d'occident » (les tueurs de Daech doivent se fendre la poire s'ils lisent cela). Comble de la découverte badiousienne : « on est dans un schéma psychanalytique classique... une pulsion de mort articulée dans un langage identitaire... avec des débris de fable religieuse... avec la logique de la bande, du gangstérisme criminel (« la forme pratique de ces fascismes »... « internes à la structure du capitalisme mondialisé ».

Tout n'est pas faux non plus. Freud est plus moderne et explicite que Marx sur certains comportements qui défient toute logique politique. Mais Badiou plonge dans la sociologie en ne développant pas ce qui nous intéresse : l'utilisation de ces tueurs floués de leur désir d'occident au cœur des guerres impérialistes par les différents Etats en lice. Sur la fabrique à islamiques tueurs et qui est derrière Daech, il ne dit rien, ou cet à peu près : « Daech paye assez bien l'ensemble de ses hommes de main, beaucoup mieux que ce qu'ils pourraient gagner « normalement » ; et même cela est faux, comme le révélait un récent article du monde ils sont rémunérés moins que le RSA, et ne parlons pas de la hiérarchie des salaires aussi scandaleuse que dans la secte des compagnons d'Emmaüs.
Les midinettes de « roule 89 » et de « Merdiépart » se sont extasiées de quelques bons mots : « l'islamisation est terminale... c'est la fascisation qui islamise, et non l'islam qui fascise ». Du grand n'importe quoi pourtant. Les apprentis tueurs ne sont pas devenus d'essence fasciste, truisme qui ne veut rien dire extrait de l'histoire passée, pour embrasser ensuite le coran (donc le fascisme mènerait à l'islam!?) en étant qualifiés de plus de nihilistes. Le nihilisme n'était pas la marque première du nazisme, puisque celui-ci se voulait affirmation de la race et domination impérialiste d'une partie du monde. Les tueurs islamistes correspondent mieux à un nihilisme creux, impuissant à concrétiser la grande guerre mondiale de civilisation troglodyte, sans projet crédible dans un monde capitaliste en décomposition mais au service de cette décomposition par de très sérieuses ambitions impérialistes habillées ou pas par la religion, ou telle ou telle fraction religieuse de la bourgeoisie sunnite et chiite éructe ses versets bellicistes et éradicateurs.

Au lieu d'analyser à cet endroit l'état de putréfaction du monde, ce qu'il avait semblé admettre avec l'exhibition des deux milliards de laissés pour compte, Badiou revient en arrière, farouche imam maoïste, accompagné de ses élimées comparaisons encore avec l'Espagne sous les auspices du très militaire « viva la muerte » (pour l'ennemi...qu'on retrouve dans toutes les guerres lointaines) et « l'imam Pétain » (pour faire rire l'électorat des petits beurgeois d'Aubervilliers). « Viva la muerte »... mais fascistes comme djihadistes crient cela POUR LES AUTRES ; les djihadistes sont certes plus comparables aux troupes de Franco (composées aussi de « volontaires » étrangers de l'armée
d'Afrique, près de 10.000 marocains et des sbires de la Légion Condor d'Hitler) qu'aux brigadistes naïfs anarchistes et communistes. L'assimilation du djihadisme a un nouveau nazisme est tentante; la Wehrmacht disposait de ses propres imams et il y eût une division de Waffen SS musulmans en Yougoslavie; mais il n'y a pas de nouveau nazisme, religion musulmane et tueurs djihadistes ne restent toujours que des supplétifs du Capital, des mercenaires des fractions bourgeoises.

L'affaire pour notre islamaophile ignorant est entendue, mise en boîte et prête à consommer à la FNAC : « les tueurs sont de jeunes fascistes » ; où l'on retrouve cette propension du gauchiste moyen à l'insulte et à l'invective pour voiler sa faiblesse d'argumentation. A la place des tueurs islamistes, j'étoufferais de rire ; se faire traiter de fasciste quand on est capable de faire pire qu'un fasciste (les nazis cachaient autant qu'ils pouvaient leurs exactions criminelles), c'est comme traiter un maquereau de maquereau !

Même l'explication nihiliste dans sa version suicidaire ne tient pas dans la version du 13 novembre comme une affaire « non organisée mais foireuse ». Comme un politicien de droite qui vient de faire scandale en affirmant lui aussi que l'affaire Merah était aussi un machin sanglant foireux, l'intellectuel nourri au maoïsme stalinien retombe aussi dans l'explication très foireuse du « loup solitaire », qui évacue les fournitures d'armes et les divers degrés de manipulation. Je ne peux pas gober toute cette sérénade freudo-maoïste d'instinct de mort de « jeunes fascistes (qui) ont décidé que leur vie ne comptait pas » ! Que leur vie ne comptait pas ? Alors pourquoi à chaque fois cherchent-ils à s'enfuir, surtout s'il n'y a aucun homme armé pour les envoyer voir Allah d'un peu plus près ?

L'islamaophile rangé des tigres de papier égrène les formules creuses : « forme criminelle suicidaire », « acte fasciste atroce ». Puis le pauvre pékin retombe dans les mêmes explications surannées et rabâchées des journalistes et des gauchistes : c'est tout de même en réponse à la « barbarie occidentale » où « le meurtre est plus commode avec les drones »

Renvoyer dos à dos les deux barbaries, l'une « barbarie solitaire suicidaire » et l'autre « impérialiste voilée par l'opacité des bombardements non visibles », pourrait être louable si le raisonnement partait du concret, de la reconnaissance de la place d'une classe, la classe ouvrière, seule à même de mettre fin à la barbarie (si elle se réveille une nouvelle fois) et pas les intellos en général – non d'une façon magique – mais par une réflexion favorisée par de réelles organisation révolutionnaires, aptes à démystifient les divers crimes des cliques capitalistes. Piètre propagande que l'exhibition des égorgements typiques dans les textes sacrés du Moyen âge, mais certainement un des moyens dans les zones en guerre, comme le peloton d'exécution des tueurs galonnés en 14 pour terroriser les immenses populations locales qui baignent depuis l'enfance dans l'islamisation totale de la vie. Ces pauvres tueurs islamistes n'ont aucune chance d'évangéliser le monde avec leurs baquets de sang ; imaginez si Hitler avait commencé par les chambres à gaz s'il aurait eu autant de succès les premières années... La zone arabe a d'ailleurs paraît-il plus une envie d'Hitler (cf. la demande pour Mein Kampf) que d'occident actuel ; et ce n'est pas la preuve d'un fascisme en expansion mais d'une déshérence idéologique totale, inadmissible du point de vue communiste révolutionnaire, ais pas de nature à séduire la population mondiale en général et le prolétariat en particulier.

Frère Badiou nous balade encore avec cette notion fumeuse de classe moyenne, certes très instrumentalisée par la gauche bourgeoise, mais il nous rappelle combien on nous a cassé les oreilles avec « la France est en guerre » et fort lucidement il rétorque : « c'est une tromperie, personne n'est prêt à faire la guerre ici, dans ce pays ». Mais nulle approximation de quelle classe est particulièrement porteuse de ce refus de la guerre, mais une suite de réflexions réactionnaires dignes du populisme maoïste tiers-mondiste : la France c'est de la merde, la loi sur le foulard islamique a été une stigmatisation et de la ségrégation des plus pauvres (on imagine les petits beurgeois d'Aubervilliers applaudissant) ; cette farandole de sergent recruteur : « Pourquoi y a-t-il tant de gens venus du tiers-monde chez nous (sic) ? Parce qu'on est allé les chercher ».
L'immigré, paré de toutes les vertus (de la pauvreté) est la véritable identité universelle contre ces méprisables français qui « sont moins de 3% à accepter de mourir pour la patrie » ; sublime comparaison qu'on pourrait parodier en osant « 70% des deuxièmes générations islamistes sont prêts à accepter de mourir pour la patrie de la charia » ! Car « ce ne sont pas les 'barbares' qui ont déclaré la guerre, mais c'est l'Etat français... ».

Comme les porteurs de valise qui avaient choisi de collaborer avec le FLN nationaliste et islamiste, Badiou choisit le camp de Daech. Il fait peu de cas de toute l'histoire du terrorisme et de son utilisation par les grandes puissances, ce qui ne dédouane en aucun cas la criminalité de l'Etat bourgeois français, ; en tout cas histoire complexe où ce n'est pas la faute aux populations civiles européennes ni aux prolétaires aux terrasses des cafés si les bandes armées du capital en compétition veulent nous entraîner dans leurs perspectives de sacrifice pour la minorité d'exploiteurs ! Avec comme parapluie le coran et une grenade dans l'autre main.

FRERE BADIOU N'ETAIT PAS A BAKOU EN 1920 !

(1er congrès des Peuples d'Orient à Bakou imaginé par le parti bolchevique comme nouvelle voie pour l'extension de la révolution mondiale après l'échec en Europe, politique opportuniste qui ouvrit la voie au mythe fallacieux des libérations nationales)

La comparaison avec la dénonciation des « boches » en 14 de la part des « fantomatiques français » est inepte, les boches n'étaient pas des égorgeurs revenus de l'étranger pour refuser de serrer la main aux femmes. « Ne votons plus » crie l'islamo-collabo Badiou. Cela fait chic et choc : égorgeons l'urne ! L'Etat avait semble-t-il disparu, le revoilà dans le discours incohérent de l'imam maoïste en une formule toc : « l'Etat n'est qu'un agent de la nouvelle séquence mondialisée du capital ».
Le mal ne vient pas du capitalisme : « notre mal vient de l'échec historique du communisme ». De quel communisme Badiou parle-t-il ? De ses années staliniennes et maoïstes ? La chute du bloc de l'Est, comme je l'ai déjà maintes fois souligné, explique pour partie la remontée de l'islamisme terroriste, mais la religion avec son instinct de mort n'avait jamais disparu. Comme le raconte Jean Birnbaum, le FLN a passé une grande partie de son temps à bâtir des mosquées après la « libération nationale » et les prolétaires ont été à convier à prier cinq fois par jour ou plus pour espérer des augmentations de salaire. Le plus drôle avec Badiou c'est qu'il dit « nous », mais qui représente-t-il ? Plus hilarant encore il nous ressert la théorie tiers-mondiste pour sa « pensée neuve » des « forces disponibles » : le prolétariat nomade (qui crève pourtant de désir d'occident) est « très fortement internationalisé » ! La voilà, ressortie des caves des foyers Sonacotra et des sordides embarcations frêles cette « avant-garde virtuelle de la masse gigantesque » + l'intelligentsia « des gens de la classe moyenne, y compris occidentale » ! Tout est réuni dans le concept d'outre-tombe maoïste-léniniste pour une alliance des intellectuels et de la paysannerie, où la conscience sera apportée à la « classe nomade » de l'extérieur de la couche moyenne européenne ! Et il n'oublie pas un léger coup de chapeau conférencier à la jeunesse petite beurgeoise avec une capacité à « annuler la fascisation rampante (…) sans jamais s'installer dans le nihilisme, cet avatar meurtrier du désir d'occident ».

Vous imaginez les jeunes et les vieux prolétaires à Pôle emploi pisser de rire à l'écoute de cet imam maoïste qui leur ressert cette théorie de secte, lamentable plat réchauffé de la fin des sixties, qui avait complètement foiré en 1968 : « l'alliance organique des intellectuels et de la jeunesse ». Gramsci réveille toi ils sont devenus nazes !

POST SCRIPTUM : Papy Slavoj Zizek vole au secours du cuistre Badiou dans un article de journal, « Les mille salopards de Cologne » avec la théorie de la « classe moyenne » apeurée, non de tomber dans le prolétariat mais d'être menacée dans son train de vie. Le célèbre philosophe altermondialiste est cependant plus critique envers les réfugiés « dont le désir n'est en rien révolutionnaire » ; ils veulent les vitrines occidentales et les femmes voilées, et leur pincer le cul, voire les violer quand ça leur chante. Il tombe lui aussi dans la fable de la « fascisation » mais enfonce un coin de Badiou : « Les réfugiés et les migrants ne doivent donc pas être trop vite identifiés à une sorte de prolétariat nomade, d'avant-garde virtuelle de cette gigantesque masse des laissés pour compte du capitalisme global ». Il refuse l'adulation du réfugié de la « métaphysique humaniste », et considère que ce n'est pas une minorité de migrants qui manque de respect aux femmes,mais tous potentiellement. A voir. Pire, au lieu de décrire la frustration sexuelle de cette masse de migrants de guerre comme un des aspects de l'arriération des sociétés musulmanes, il dérape en attribuant la plouquerie immigrée : « à un trait caractéristique traditionnel des « classes inférieures » ; les immigrants sont « radicalement étrangers à notre culture » et agissent « dans le but précis de blesser nos sensibilités ».

Ah ces intellos post-maoïstes, il n'y en a pas un pour relever l'autre !


UNE ORGANISATION DU MONDE AUTOUR DE L'IDENTITE

  • Walter Benn Michaels : La diversité contre l'égalité

La diversité n'est selon moi qu'un avatar d'une décomposition « organisée et planifiée » qui sert de justification « humanitaire » à une idéologie bourgeoise cynique qui s'effondre un peu plus chaque jour ; du point de vue marxiste l'égalité n'existe pas, c'est une fable jacobine et un artifice de propagande électorale oligarchique. Mais, passons, le livre de Michaels est souvent évoqué comme une référence pour décrypter l'hypocrisie de la théorie de la diversité. Cet auteur est moins profond que Christopher Lasch, lourd et répétitif mais il a le mérite de dénoncer une des principales mystifications actuelles de la bourgeoisie occidentale. Il revient partiellement aux sources du marxisme malgré ses illusions sur l'égalité et cette notion de « pauvres » qui n'équivaut pas à la notion de classe ouvrière:
« ...les inégalités entre maîtres et serviteurs – et entre riches et pauvres, patrons et ouvriers – ne trouvent leur origine ni dans le racisme ni dans le sexisme ; elles résultent du capitalisme et du libéralisme ». Il fait commencer la grande mystification antiraciste en France, dans un renversement des priorités :
« … à partir du tournant libéral de la gauche de gouvernement, en 1983, la lutte contre les discriminations (SOS racisme...) a remplacé la « rupture avec le capitalisme » en tête de l'agenda politique. Dès lors qu'il s'est souvent substitué au combat pour l'égalité (au lieu de s'y ajouter) l'engagement en faveur de la diversité a fragilisé les digues politiques qui contenaient la poussée libérale. La volonté d'en finir avec le racisme et le sexisme s'est révélée tout à fait compatible avec le libéralisme économique, alors que la volonté de réduire – a fortiori de combler – le fossé entre les riches et les pauvres ne l'est pas ».
Suivons-le encore dans ses constats si édifiants et ses formules choc bien senties sur le renouvellement de l'idéologie bourgeoise, dont il oublie de noter qu'elle est véhiculée d'abord expérimentalement par les gauchistes et les anarchistes : « La diversité n'est pas un moyen d'instaurer l'égalité ; c'est une méthode de gestion de l'inégalité ». « Il existe dorénavant un bon usage de la « race », qui est en quelque sorte l'envers exact du racisme. Il consiste à embrasser la différence en exaltant ce que nous appelons aujourd'hui la « diversité ». Aux Etats-Unis, cet engouement pour la diversité est né de la lutte contre le racisme » ; « Le fait est qu'on trouve aujourd'hui plus de noirs que de pauvres dans les universités d'élite (même si l'on n'y trouve encore que fort peu de noirs) ».
« … dans le monde de l'après-guerre froide, on ne se considère plus comme les porteurs d'une idéologie – capitaliste ou socialiste – mais avant tout comme les détenteurs d'une identité : nationale, ethnique, culturelle, etc. ».

Il faut lire ses intéressants développements sur race et discrimination où il fout en l'air toutes les campagnes antiracistes : «Sur les 37,3 millions de pauvres officiellement dénombrés en 2007, un peu plus de 16 millions (43%) étaient blancs. Ces pauvres-là ne sont pas des victimes d'une discrimination passée ou présente. (...) Nous aimons à nous figurer le système américain comme fondamentalement perverti par le racisme (…) ».
La théorie de la diversité masque le problème des inégalités économiques, mais surtout permet de conserver et justifier le système dans ses fondements d'un salariat inamovible, que la gauche s'occupe de découper en tranches :
« … elle s'attache à attribuer aux pauvres des identités : elle en fait des noirs, des latino-américains ou des femmes, les considère comme des victimes de la discrimination et soutient que dans un monde sans discrimination, il n'y aurait plus d'inégalités ». « … les étudiants s'identifient comme noirs, blancs, arabes, asiatiques, hispaniques, etc. mais jamais comme représentants de la classe moyenne ou de la classe ouvrière. Il est vrai qu'il est plus facile d'être fier de son origine ethnique que de sa pauvreté, ou même que de sa richesse (…) si les étudiants de Harvard présentent un taux approprié de diversité, cela veut dire qu'aucun étudiant n'a été tenu à l'écart de cette institution à cause de sa race ou de sa culture ».
Ne peut-on pas parler aussi de « diversité économique » ?
« … ce qui rend la notion de diversité économique si ridicule est aussi ce qui la rend si séduisante : elle nous rassure en nous présentant le problème de la pauvreté comme comparable à celui de la race, en nous disant que, comme pour le problème racial, sa solution passe par la valorisation de nos différences plutôt que par leur réduction ».

Le racisme serait l'unique problème :
« Cette disposition d'esprit explique pourquoi le racisme continue à être la cible la plus populaire du militantisme étudiant et, plus généralement, pourquoi les meetings contre « la haine » ont une telle force mobilisatrice. Tant que l'objet présumé de notre haine est la différence, tout le monde (nous sommes tous un petit peu racistes ou un petit peu homophobes) peut se sentir responsable du problème, et, par conséquent, fier de contribuer à le résoudre. « C'est notre faute, notre faute à tous », disait cet étudiant de Chicago ». « Que les institutions scolaires et universitaires soient des machines à produire de l'inégalité ne pose aucun problème tant qu'elles sont aussi des machines à légitimer l'inégalité ».
L'égalitarisme de droite et de gauche :
« Reformulé ainsi en termes de « diversité », « respecter les pauvres » se dit « respecter l'autre ». L'autre est différent de vous et moi, mais, comme le dit Brooks, il n'est ni mieux ni pire. Voilà pourquoi le multiculturalisme a pu passer en l'espace d'un battement de cils, et sans nécessiter le moindre ajustement, d'une politique subversive autoproclamée à un outil de gestion d'entreprise (essayez donc d'obtenir votre MBA sans suivre des cours comme « Gérer la diversité dans l'entreprise » ou « Gestion du personnel multiculturel »).
Les quotas à la télévision :
« Comme si la justice sociale consistait non pas à réduire le nombre de pauvres dans le monde, mais à augmenter leur représentation à la télévision. Voilà ce qu'on pourrait appeler le fantasme, plutôt que la réalité, d'une politique de gauche définie par son opposition au racisme, au sexisme et à l'homophobie, et donc par l'idée que ce que nous devons faire avec la différence, ce n'est pas l'éliminer, mais, comme Jodi, apprendre à l'apprécier ».(...) « La droite veut des guerres de cultures, et non des luttes de classes : tant que les affrontements concernent l'identité plutôt que la richesse, peu lui importe qui les gagne ».
« La soi-disant gauche est devenue une sorte de département des ressources humaines de la droite, avec pour tâche de garantir des privilèges identiques aux femmes et aux hommes de l'upper middle class. Parce que cette question n'implique aucune redistribution des richesses à quelque niveau que ce soit ».
La débilité du féminisme (et il y aurait beaucoup à citer tellement il est percutant) :
« En appeler au féminisme n'est ici qu'un moyen de faire croire que les femmes de Wall street et celles de Wal-Mart sont toutes également victimes du sexisme. C'est à dire un moyen de masquer le fait que les femmes de Wall street sont tout sauf des victimes ».
La ségrégation économique :
« … les enfants ne rencontrent pas de pauvres à l'école ; les parents ne jouent pas au tennis avec des pauvres ; ils ne font pas de barbecue le week-end avec des pauvres. Voilà vraiment un problème de riches : les riches aimeraient élargir leur expérience de la vie mais, sans pauvres à proximité, ils sont privés de cette possibilité ».

UNE MOLLE CRITIQUE DE LA COMPLICITE DE LA GAUCHE AVEC LA CHIMERE RELIGIEUSE
  • Jean Birnbaum : Un silence religieux, la gauche face au djihadisme

Un des fondements du multiculturalisme en partie décrypté par l'auteur précédent est la politique de l'autruche de la gauche et de l'extrême gauche bourgeoises concernant la religion musulmane, conçue – sans le crier sur les toits - comme une religion de pauvres, donc excusable dans ses délires superstitieux et dans l'utilisation qui en est faite par les tueurs armés par des Etats pas très catholiques. Jean Birnbaum, fils de Pierre, et auteur d'un livre sur la conversion... religieuse des anciens chefaillons maoïstes (Les Maoccidents), vient gentiment secouer le cocotier, et même s'il ne permet guère d'entrevoir une guérison de cette gauche arrogante mais imbécile, ce qu'il nous rapporte vaut qu'on le lise.
Il a raison de faire un parallèle avec l'omerta qu'imposait la gauche stalinienne, suivie par le soutien critique des trotskiens, après-guerre sur toute critique à l'égard de l'URSS qui risquait de servir à l'impérialisme américain. C'est à peu près la même chose aujourd'hui pour « la religion des pauvres », et l'immigration également, bien que ce ne soit pas le sujet dans ce livre. Contre l'amalgame entre islam et terrorisme, le gouvernement des bourgeois et le soutien gauchiste à cette même clique d'islamophiles sert à dissocier la foi musulmane de sa « perversion islamiste ».
Birnbaum commence par nous décrire les personnages de la saga terroriste. En majorité une petite beurgeoisie très diplômée, pas une classe de pauvres. Il démonte le cliché selon lequel aux origines du terrorisme djihadiste il y aurait frustration sociale et misère intellectuelle. Indignation , rébellion et espérance ne sont pas chez ces individus sans rapport avec leur croyance religieuse. Il n'y est pas question d'identité comme y insistaient les deux auteurs précédents, mais deux conceptions du monde qui s'affrontent et dont le djihadisme se propose d'être le vainqueur sans partage :
« … contrairement à ce que pensent ceux qui raisonnent dans un cadre strictement national, en termes d'intégration et de multiculturalisme », les conflits qui se déploient sous le signe du religieux ne dressent pas une identité particulière contre une appartenance universaliste (républicaine par exemple), ils mettent face à face plusieurs universalismes rivaux incompatibles. De ce point de vue, l'islam apparaît désormais comme la seule puissance spirituelle dont l'universalisme surclasse l'internationalisme de la gauche sociale et défie l'hégémonie du capitalisme mondial ».

Birnbaum parle d'une gauche sociale, qui depuis longtemps s'est embourgeoisé et a accueilli les religions dans ses rangs, donc il est un peu hors de la réalité en y plaçant les remarques anti-religieuses des Engels et Lénine. Il n'est pas vrai que la gauche bourgeoise se soit bâtie depuis disons les années 1930 sur une volonté d'éradication du religieux ; Thorez tendit ses mains de bureaucrate aux masses (électorales) chrétiennes. Birnbaum voit un refoulement où il n'est pas. La gauche et même le milieu maximaliste n'ont pas poursuivi le travail de critique de la religion entrepris par Marx et ses exégètes2. La gauche bcbg à laquelle en réfère Birnbaum continuait à draguer les électeurs cathos, le premier d'entre eux régla son sort au réac maire de Tours Jean Royer qui avait fait tant rire les soixantehuitards, ce fût frère Mitterrand, élu deux fois premier catholique de France.
Et nous les révolutionnaires amateurs on s'en fichait.

L'auteur fait parfois des annotations subtiles. L'islam est en effet en guerre avec lui-même, mais cela n'est pas perçu sous l'instrumentalisation perverse par les médias du phénomène djihadisto-terroriste. Cela est secondaire dans le questionnement. L'auteur se sert de cette idée pour mettre en vedette ses amis islamistes soft, archivistes de la religion, décédés ou encore de ce monde avec la tête sur les épaules, qui assurent qu'on peut réformer l'islam, le purger de ses arriérations. Il nous chante le courage de ces « modernisateurs » de l'islam, de ces braves philosophes moyen-orientaux qui prétendent le revivifier mais pour mieux plaider que ces « nouveaux penseurs de l'islam » sont d'accord avec lui : « les crimes de l'Etat islamique ont bel et bien un rapport avec l'islam ».
Lui qui reproche à la gauche soft de négliger la parenté de l'islam avec le djihadisme,il félicite presque cet Etat français de 2005 qui, en lien avec la grande mosquée de Paris avait quémandé auprès de l'université du Caire que l'on forme pléthore d'imams français, afin de « redonner sa chance à l'islam spirituel »! Belle perspective pour le prolétariat et les pauvres en France, en plus des curés cathos, on allait vers l'encouragement à la formation de receleurs de mythes.

Le chapitre sur le FLN est bien plus intéressant que cette guimauve pour un islam à moderniser dont on n'a que foutre, mais Birnbaum, qui n'a jamais été un internationaliste, se laisse enfermer lui aussi dans une analyse franco-française. La religion musulmane a toujours servi les puissants sous le capitalisme, de la domination ottomane à l'occupation coloniale, elle est plus une supplétive de l'ordre social capitaliste à l'ère moderne que la direction idéologique; comment oublier que la révolution espagnole à ses débuts fût anticléricale et que des milliers de soldats marocains musulmans constituèrent les premières troupes de Franco? Et que le bataillon des marocains avait été déjà envoyé en 1934 pour réprimer la lutte des mineurs espagnols, sans oublier la fort méconnue guerre du Rif deux décennies auparavant... Revenons à l'hexagone colonial de Birnbaum:F
« il aura fallu trois décennies, et la montée en puissance de l'islamisme en Algérie contemporaine, pour que les intellectuels de gauche, qui avaient soutenu le FLN pendant la guerre d'indépendance, reconnaissent le rôle joué par la religion à cette époque. Cela, jusqu'alors, avait été le point aveugle de leur engagement ».
Non le principal point aveugle de leur engagement avait été leur soutien non critique à une camarilla bourgeoise, pro-stalinienne, laquelle, une fois au pouvoir, a massacré une partie de sa population, fait régner la terreur et confirmé que la lutte pour les indépendances nationales ne réservait nulle émancipation à la classe ouvrière ni n'ouvrait l'ère à un rajeunissement du capitalisme.
Depuis la fin de la 3 ème internationale, le courant maximaliste de la gauche allemande (à la différence du soutien opportuniste des italiens) avait dénoncé la supercherie des libérations nationales dans le même sens que la défunte Rosa Luxemburg ; ces résistants à l'infamie lénino-stalinienne ne se doutaient pas que le fond des libérations nationales serait encore plus déroutant et sclérosé qu'ils ne l'imaginaient. Hélas dans les années 1950 et 1960 ce courant fût peu audible et la pourriture des intellectuels de gauche et autres porteurs de valise des futurs dictateurs n'était pas visible. Les maximalistes clairvoyants de la gauche « germano-hollandaise » dénonciateurs de la supercherie de l'indépendance nationale n'avaient pas fait une priorité de la critique de l'islam3, qui, comme les couvertures chauffantes, servait surtout l'hiver pour les pauvres ouvriers dans leurs roulottes de chantier ou bidonvilles plus grands que celui de Calais.

Birnbaum nous révèle que le facteur religieux est dissimulé aux gauchistes souteneurs ; bon alors ils ont été doublement roulés ces « porteurs de valise » des futurs dictateurs « nationaux » mais aussi bernés par ces mêmes croyants islamiques. Et il n'était pas question seulement de zigouiller des milliers de harkis sauvagement (leurs collabos) ni d'établir un « régime socialiste » qu'ils savaient être une fable, surtout dans les anciennes colonies, mais une priorité : « 'arabiser' et islamiser l'Algérie nouvelle ».
La politique idéologique bourgeoise étant un éternel recommencement basé sur l'oubli déplorable des masses : « les rares voix qui se sont élevées pour critiquer la politique religieuse du FLN au pouvoir ont été accusées de salir le combat indépendantiste et donc d'alimenter les « fantasmes » de l'extrême-droite » 4.
Tant pis pour les bordiguistes, il ne s'agissait pas avec l'indépendance nationale du « jeune parti nationaliste » (les bordiguistes raisonnent toujours comme si l'on vivait invariablement dans les conditions de l'époque de 1848) d'une marche vers l'émancipation socialiste du prolétariat : « il s'agissait de libérer la terre d'islam de la présence de l'infidèle, de reprendre la reconquête qui remonte aux Croisades ». Le caméléon Vidal Naquet reconnaît lui aussi tardivement que « l'islam faisait partie intégrante de la révolution algérienne ». Le titre du journal, contrairement à ce qu'il avait cru « El Moudjahid » ne signifiait pas « Le combattant » mais « Le combattant de la foi » !

« Avec le recul, voici comment les choses remontent à la conscience. Ils se souviennent que, pour parler des étrangers, les « frères » algériens utilisaient le mot « gaouris », qui désigne les « infidèles ». Que dans les usines où les militants français fabriquaient des armes destinées au FLN, quelques « barbus archireligieux » veillaient déjà. Qu'après l'indépendance, certains Pieds-Rouges, parfois militants communistes de longue date, avaient préféré se convertir à l'islam. Qu'il trouvaient naturel de pendre un pseudonyme arabe pour écrire dans la presse. Qu'il leur avait fallu avaler bien des couleuvres, depuis les assassinats d'homosexuels jusqu'aux nombreux suicides des jeunes femmes qui refusaient le mariage forcé, en passant par l'exil des juifs, la chasse aux kabyles et l'islamisation de l'éducation »5. L'auteur nous livre plusieurs témoignages des naïfs militants du PCF qui étaient venus soutenir la « bonne cause » et qui tentèrent en vain de faire comme Gide à son retour d'URSS : « personne ne voulait savoir les pratiques policières, la torture, l'absence totale de démocratie. Sauf la droite et l'extrême droite ».
Birnbaum fils est lucide, et n'offre pas une interprétation coupée de la réalité comme la « faute aux chefs » (cf. Ben Bella était très religieux) : « Cette pression religieuse reflétait d'ailleurs la base sociale du FLN, dont l'immense majorité des hommes était issue des campagnes les plus pauvres ». Comme le constate une activiste revenue de ses illusions : « C'est finalement l'arabo-islamisme qui incarnera le projet patriotique ». Birnbaum ajoute : « les dirigeants du FLN ne tarderont pas à refouler la question de la lutte des classes et des inégalités sociales, au motif que les algériens étaient tous des musulmans, et qu'une nation de « frères » ne se divise pas. Ainsi le « socialisme » algérien n'eut-il vraiment de réalité que dans la tête d'une gauche qui ne demandait qu'à y croire ».
Birnbaum nous rappelle ensuite l'emballement d'un grand chef du maoïsme universitaire et de la philosophie gauchiste française admirée dans le monde entier, Michel Foucault, pour la révolution cynique du versant chiite de l'islam en Iran. Belle capacité d'aveuglement, mais capacité aussi vive à déchanter.
Le chapitre sur Marx et la religion est assez mou. Il affirme que le combat de Marx contre la religion a été constant et central tout au long de sa vie. Ce qui est faux. Marx était plus passionné par les mathématiques à la fin de sa (jeune) vie que par l'idée de ferrailler avec des lubies qui semblaient en voix d'extinction face au culte du progrès et à l'espoir en plein épanouissement de la réalisation du socialisme universel avant la fin du siècle. « Plus compliqué que prévu » comme l'auteur titre le dernier paragraphe. Mais il nous laisse sur notre faim. Et si la religion, notamment musulmane, n'était plus un « opium du peuple » mais une des armes ultimes des plus perverses du capitalisme pour nous mener à une nouvelle guerre mondiale plus insidieusement que le fascisme (avec son idéologie de la vengeance) et le stalinisme (avec son idéologie de la guerre révolutionnaire) ?

Le chapitre réservé au soutien des trotskiens à l'islamisme fait plus pitié qu'il ne fait rire. Pauvre Besancenot. Pauvre Chris Harman ! Mais c'est de l'intérieur du trotskisme que le « compagnonnage périlleux est encore le mieux dénoncé (un des anciens : P.Rousset).

On restera dubitatif sur le chapitre qui compare avec l'Espagne de 1936 qui reflète l'ignorance historique et politique de l'auteur, qui tente de colmater sa superficialité avec des notations impressionnistes ridicules et apolitiques : « … les enthousiastes du djihad partagent aujourd'hui avec les brigadistes d'antan une même motivation : les uns et les autres désirent voler au secours de leurs « frères » martyrisés ». On peut comparer avec les « frères » de Franco pas avec les brigadistes quand même ! Les embrigadés pour la guerre d'Espagne se considéraient comme membres de la classe ouvrière et pas comme la proie de prêcheurs religieux. La plupart ont reconnu qu'ils s'étaient fait avoir dans un combat pipé d'avance ; les djihadistes n'en sont même pas au commencement du commencement pour comprendre qu'ils sont baisés à court terme et qu'on aura pas la même considération historique pour eux que les engagés ouvriers antifascistes, certes naïfs, mais incapables d'atrocités.

Pourtant il est une autre comparaison qui frôle la vérité, l'aspect manipulation impérialiste des djihadistes est souffreteux et coincé dans la clandestinité, quand les brigadistes anti-fascistes sont manipulés au grand jour avant d'être envoyés au casse-pipe pour défendre... l'Etat bourgeois espagnol : « Il y a là une autre différence importante entre les mobilisations espagnole et syrienne. Alors que cette dernière est hors la loi, et doit se déployer clandestinement, la mise sur pied des brigades internationales a été préparée par des organisations ayant pignon sur rue, avec la complicité bienveillante des autorités. Après une période de départs individuels et d'improvisation, le mouvement a été pris en charge par des institutions militantes, syndicats et partis ouvriers... ».

Birnbaum n'est pas complètement ignorant de la bêtise des embrigadés internationaux de 1936, lorsqu'il explique que finalement les djihadistes sont... plus radicaux : « ...ils peuvent prétendre les surpasser sur leur propre terrain idéologique, celui d'un idéal anti-impérialiste, anticapitaliste, anti-parlementaire » ! Toutes choses que ne furent pas les « embrigadés » servant de chair à canon à la démocratie bourgeoise occidentale, au stalinisme et à la préparation de la guerre mondiale.

Tout le développement comparatif sur l'ouvrier universel et le bigot armé est au total sans méthode et assez inconsistant. Il n'y a aucun but final commun. Il y a d'un côté la vie avec ses contradictions, ses joies, les polémiques, les décisions collectives, de l'autre une armée de clones bornés et aliénés du capitalisme électronique, soldats à l'esprit rabougri d'un monde décomposé, sans espoir, soldats qui militent au fond pour le final du capitalisme, le triomphe d'une inquisition sans foi ni loi que celles des princes, gangsters, des gourous faméliques et infirmes.

L'auteur n'a rien innové ni trouvé à redire de supérieur par rapport au marxisme du XIX ème siècle coincé par une conception figée de cette pauvresse indestructible religion – à la fois soumission et protestation – et il ne nous propose qu'un vague accommodement avec cette chimère idéaliste. Il n'a pas démontré que la religion serait primordiale dans l'aliénation des soldats des milliardaires saoudiens, que le problème est dans son utilisation par le capitalisme pas dans les cris de ses soudards. Reprochant à la gauche bourgeoise ce qu'elle ne fait pas – rester fermée à l'appareil religieux – Birnbaum la rejoint dans ce qu'elle fait : tolérance et accommodement avec les pires bigots, les rétribuant pour qu'ils épaulent les syndicalistes et les gardiens de prison. C'est pourquoi il fait la fierté de ses admirateurs scribouillards du très bourgeois OBS.



1La comparaison avec la guerre d'Espagne fait fureur en ce moment. La veuve de Rol-Tanguy dénonce une insulte à l'histoire par Zemmour qui y est allé de sa comparaison simpliste lui aussi (http://www.humanite.fr/propos-de-Zemmour). Lire plutôt par contre sur Persée, un indispensable article de 1937: La zone espagnole du Maroc et la guerre civile, article de J.Ladret de Lacharrière; et,
 sur le site du CCI un article instructif : Le PCF embrigade le prolétariat dans la seconde guerre mondiale, 2 mars 2006.
2Le seul qui hurla un jour en réunion de section de Paris du CCI vers fin 1976, qu'il fallait encore combattre la religion de nos jours, était un certain Robert Camoin. On avait souri, pensant qu'il s'agissait d'un pet d'anarchiste indécrottable.
3Dans mon livre sur l'immigration j'ai rappelé comment les bolcheviques au pouvoir se sont cassés les dents contre les bandes armées islamiques après avoir tenté la « tolérance » à « l'opium du peuple » dans la branche pacifiste de l'interprétation de Marx. Le seul, certes non-marxiste, Mustapha Kemal ami (géopolitique) de Lénine, qui a un peu dépoussiéré l'islam reste Mustapha Kemal qui, à coups de pied au cul, avait réussi à faire disparaître le voile en Turquie. Incroyable mais vrai, on trouvait encore le récit de sa biographie en librairie à Alger au début des années 1980, où j'avais acheté le livre que Benoit Méchin lui avait consacré.
4Pierre Maillot : Algériens si vous saviez », Panoramiques n°62, 2003.
5Un autre témoignage d'époque rapporte que, vu de l'extérieur, l'islam faisait partie du décor, tel un folklore sans conséquence, voué à disparaître progressivement et dont le touriste français s'amusait.