PAGES PROLETARIENNES

jeudi 19 mars 2015

CARNAGE EN TUNISIE: UN NOUVEAU PAS VERS LA GUERRE GLOBALE DEMOCRATIE BOURGEOISE CONTRE OBSCURANTISME


Le réalisateur Serge Moati, confis de compassion comme tous les officiels politiciens, a exhibé sur la chaîne du direct indécent, BFM, sa petite pancarte: "Je suis Tunis". Ce feuilletonniste comme tous ses semblables journalistes de gouvernement, venait charrier lui aussi les mêmes billevesées sur la démocratie attaquée (culturellement et touristiquement) par les tueurs obscurs de "l'obscurantisme", terme plus salonard que les sempiternels "djihadisme" et autres "islam radical" ou "EI" (Daesch comme la lessive). Avant d'analyser ce nouvel épisode d'une préparation générale crescendo à une guerre à une tout autre échelle, "nous rassemblant tous" contre "l'obscurantisme" aussi obscurément financé que ses anonymes tueurs, il me vient à l'idée d'évoquer l'excellente étude de B.Geremek – "Truands et misérables dans l'Europe moderne (1350-1600). La guerre au Moyen âge avait favorisé le vagabondage, et dieu sait si les combats à l'arme blanche étaient cruels, nom de dieu! Les compte-rendus quotidiens des massacres terroristes successifs confèrent au capitalisme moderne – à ce qui se passe dans le cadre de ce système de domination – un aspect indubitablement barbare digne des XV e et XVI e siècles. Le tueur islamiste a un côté "hors-la-loi", surtout pour ses meurtres de civils qu'il dépouille de leur vie sans honte ni remords, quoique certains essaient de nous faire gober que ces assassins rétribués seraient drogués.

UNE ANALOGIE LOINTAINE AVEC LE VAGABONDAGE DJIHADISTE MODERNE...

"Chaque guerre engendrait des hors-la-loi. Chaque démobilisation libérait des gens qui, ayant pris goût à la lutte armée et au brigandage, inclinaient à continuer les mêmes procédés en dehors des unités militaires organisées. En temps de guerres, les armées étaient suivies de masses de maraudeurs et de chenapans; les chefs militaires en profitaient pour les incorporer, le cas échéant, dans les unités. Les marginaux et les groupes qu'ils organisaient étaient utilisés également, d'une manière plus ou moins ouverte, par des groupements antagonistes au cours de guerres civiles, de conflits locaux et de "guerres privées". Un historien du XVIII e siècle ibéro-américain décrit le vagabondage qui s'étend sur les terrains de pâturages frontaliers où l'errance est devenue un mode de vie durable (tout comme dans la zone frontalière ibéro-musulmane, au Moyen Age). Dans ces régions de savanes et de steppes, vivaient des masses de "gens perdus", comme les appelait, en 1617, le gouverneur de Buenos Aires, des gens qui tiraient leur subsistance de la chasse aux bêtes sauvages et, au besoin, du vol de bétail. Les guerres venaient encore gonfler ce vagabondage frontalier; au voisinage de chaque théâtre d'hostilités s'installaient des groupes de vagabonds vivant tantôt du pillage, et tantôt de la solde mercenaire, prêts à servir la guerre mais n'hésitant pas, non plus, à entreprendre des actions armées pour leur propre compte, en engendrant le caudillisme et en allumant des guerres anarchiques, qui ne sont pas sans rappeler les rebellions cosaques"1.

Les motivations des vagabonds modernes de l'islamisme moyenâgeux, euroépens ou du cru, nous font doucement rigoler2, et sont conformes à l'arriération capitaliste dite démocratique (sa trilogie: religion parlementaire fourbe, manipulation médiatique permanente, et inégalités hommes/femmes). On ne devrait plus s'étonner que la référence à l'islamisme – dans sa mouture déclinante à la fin du Moyen Age – réapparaisse au moment de la décadence du capitalisme du XXI e siècle en guerres tribalo-terroristes avec pour cibles et otages obligés les pauvres civils et pour contradicteurs "obscurantistes" les groupes armés tels que l'Etat islamique, les salafistes d'Ansar al-Charia, le groupe djihadiste Al-Mourabitoun de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar (qui a revendiqué l'attentat de Bamako), et la brigade tunisienne d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), Okba Ibn Nafaâ.
Il ne faut pas écouter les journalistes mués en agences de voyage, la Tunisie n'est pas une contrée plus pacifique que les autres. Dans les limbes de la simili révolution le despote Ben Ali avait reçu avec convivialité le soutien de Madame la ministre sarkozienne Alliot-Marie pour mieux équiper ses CRS anti-émeutes3. Notre ami Ben Ali était aussi expert en torture d'opposants que notre ami le roi du Maroc. L'islamisme soft d'Ennhada au pouvoir n'a pas fait long feu. Les préceptes du coran sont trop étriqués et invraisemblables pour un gouvernement moderne; ils ne marchent nulle part, même pas en Iran où il s'agit plus d'une dictature bourgeoise terroriste que d'un gouvernement religieux. Ennhada qui avait été exalté par tous les Bernard Guetta comme signifiant la fin de la théocratie, est apparu comme un parti bourgeois voulant gérer l'austérité anti-ouvrière sans encombre et a dû en rabattre (électoralement); dans mon livre j'écrivais: "Sous le tourisme et la fabrique des soutiens gorge régnait une moindre terreur que dans les autres pays d'Afrique du nord. La Tunisie n'est pas un pays secondaire au niveau industriel. Son prolétariat ne pourra pas accepter la charia. Plus que dans les autres pays du printemps arabe, mais quintessence de cette même révolte, l'islam n'a pas été le référent principal des manifestants, mais des revendications très "laïques", une démocratie réelle, plus d'espoir, plus de travail"4.

Mais après la fuite de nombreux prolétaires tunisiens vers Lampedusa, ne restait-il qu'à s'engager dans la lutte "obscurantiste" dans telle ou telle bande armée islamiste? Avec la dénonciation-exhibition des crimes "obscurantistes", la démocratie bourgeoise pleurnicheuse ne reconnaitra jamais que le "réservoir de main d'oeuvre" du croissant arabe l'indispose, parce que ce réservoir déborde franchement. Il ne s'écoule plus lentement ou goutte à goutte comme aux beaux temps de la décolonisation mais il est un torrent humain qui fuit la guerre entre l'étau du désert algérien et la Libye en plein chaos. Torrent de sang aussi des guerres pour le pétrole capitaliste, pour les bagarres entre petits, grands et micros impérialismes.

Derrière le "crime terroriste", il y a la question sociale. Non pas que le nihilisme terroriste soit la solution ou qu'il ait la moindre chance d'embrigader les prolétaires conscients, mais d'une part, du fait que la Tunisie n'a pas réussi à relancer son industrie du tourisme et que d'autre part le nouveau Parlement et le nouveau gouvernement n'ont pas plus de solution à la misère que l'ex-premier gouvernement Ennhada, l'attentat meurtrier dans le grand musée de Tunis vient à point pour désigner l'obscur ennemi "obscurantiste" et lui faire porter le chapeau du marasme du secteur du tourisme et conforter la croyance en un parlementarisme obligeant quoique aussi fourbe que l'européen.

Le mot progrès n’existait pas au Moyen Age. Et le concept de progrès ne veut plus rien dire dans le capitalisme mondialisé made in pensée occidentale décomposée. Il y avait un semblant de progrès dans l'argumentation des commis d'Etat tunisien lorsque l'un d'eux déclara que toutes les dictatures de la région ont leurs propres bandes terroristes. Le financement du terrorisme soit disant par l'argent de la drogue ou la vente à la sauvette de bidons de pétrole pompés sur des derricks de fortune (ou même la revente d'antiquités syriennes) finissant par ne plus abuser le public, on apprend de drôles de choses: par exemple que l'Etat d'Afghanistan, ou ce qui en tient lieu, a refilé à la bande Al-Qaïda un million de dollars d'un fonds secret de la CIA (rançon d'un diplomate libéré en 2010); la duplicité de la bourgeoisie Us n'a dégale que sa consoeur britannique.5

Cette info relayée par toute la presse est illustrée dans le Courrier international par un dessin qui représente l'oncle Samuel manipulant deux tanks mais avec des bras croisés.
Les diplomates tunisiens n'ont pas bramé "je suis Charlie", mais affirmé la continuité de "nos valeurs" après Paris et Copenhague (les attentats précédents): "on y arrivera pas tout seuls", "faut une réponse globale", "plusieurs nationalités ont été touchées" dans "notre" guerre contre "l'obscurantisme". Le meilleur a été tout de même le papy président de la Tunisie qui a conclu: "dieu est avec nous". Allah Akbar!

Qu'on se le dise, la guerre suit son cours.




Est-ce que le prolétariat tunisien comme le prolétariat mondial, sans soubassements économiques, sans rien posséder contrairement aux artisans des villes du Moyen Age, saura faire sauter le capitalisme et ses divers terrorismes, dans le sens des analogies respectables de notre bon maître Engels? Qui sait?

"Tandis que les luttes sauvages de la noblesse féodale régnante emplissaient le moyen âge de leur fracas, dans toute l'Europe de l'Ouest le travail silencieux des classes opprimées avait miné le système féodal; il avait créé des conditions dans lesquelles il restait de moins en moins de place aux seigneurs féodaux. Certes, à la campagne, les nobles seigneurs sévissaient encore ; ils tourmentaient les serfs, ne soufflaient mot de leur peine, piétinaient leurs récoltes, violentaient leurs femmes et leurs filles. Mais alentour s'étaient élevées des villes : en Italie, dans le midi de la France, au bord du Rhin, les municipes de l'antiquité romaine, ressuscités de leurs cendres ; ailleurs, notamment en Allemagne, des créations nouvelles ; toujours entourées de remparts et de fossés, c'étaient des citadelles bien plus fortes que les châteaux de la noblesse, parce que seule une grande armée pouvait les réduire. Derrière ces remparts et ces fossés se développait - assez petitement et dans les corporations - l'artisanat médiéval, se concentraient les premiers capitaux, naissaient et le besoin de commercer des villes entre elles ainsi qu'avec le reste du monde, et, peu à peu également, avec le besoin, les moyens de protéger ce commerce. " Engels (1884)



1Poursuivons l'analogie en continuant la citation: "...Ce genre de vagabondage nous montre les groupes marginaux sous leur aspect dangereux pour l'ordre public. C'est d'ailleurs l'argument qu'on allègue pour adopter également des mesures de répression à l'égard du vagabondage intérieur. Mais, sur ce chapitre, se pose avec force le problème du travail, inscrit dans la perspective de naissance de la société industrielle". Et donc la limite de l'analogie car le vagabond de la fin du Moyen Age devait et finit par être intégré à la production capitaliste naissante alors que la vagabond islamiste est totalement suicidaire.
2Ce sont les trois déficits classiques de l'islam lors de sa régression à la fin du Moyen Age: soumission à l'autorité (contre toute liberté), culte de l'ignorance coranique et statut inférieur des femmes. A la veille de l'éclosion du capitalisme, le déclin arabe s'explique par l'étouffement progressif de la liberté de penser (et de s'habiller...) et le monde musulman ratant le coche des nouvelles technologies devient un cul de sac commercial; cf Marx et Braudel sur l'économie de bazar (et lire l'excellent article de Jacques Brasseul: "Le déclin du monde musulman à partir du Moyen Age", sur le web). L'islam est resté proche de l'Antiquité – il est né au VII e siècle – et a perpétué l'esclavage, ce qui lui a été fatal; le maintien de l'esclavage signifait la stagnation technique et économique et donc un obstacle majeur au "progrès" capitaliste... pour toute une époque, ce que n'a pas compris ce pauvre René Guénon, franc-mac tard converti à l'islam.
3Le gouvernement Hollande va pouvoir équiper à son tour les forces anti-émeutes tunisiennes, tout comme il s'engage à contrôler les comptes en banque des terroristes...
4L'immigré fataliste et sa religion policière, p.269.
5David Cameron a demandé récemment, expressément, d'enterrer un rapport controversé sur les Frères musulmans en GB. L'enquête des services spéciaux M15 et M16, devait, comme un vulgaire sondage, conclure que les Frères musulmans "ne sont pas une organisation terroriste"... pour ne pas froisser ces chers alliés que sont l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'Arabie séoudite. Or les services secrets avaient établi le contraire et argumenté qu'il fallait faire le ménage dans cette nébuleuse en "relation ambiguë avec la violence et un impact douteux sur la cohésion sociale en GB". Il faut toujours ménager les généreux bailleurs de fonds, financiers directs de l'obscurantisme "djihadiste": Qatar, Turquie, Arabie séoudite, etc. Pour la perfide Albion!