PAGES PROLETARIENNES

vendredi 27 février 2015

ACCOMMODER OU ABOLIR L'ISLAM?


La méthode révolutionnaire pose le changement de l'ordre existant, la destruction du vieux monde. Le conservatisme et sa progéniture, le réformisme, visent à l'aménager, à s'accommoder de toutes les injustices vues comme "impuretés" inévitables, mais le conservatisme a besoin, pour masquer ses mensonges, d'un langage radical, radicalement moral...

Comme de bien entendu le prolétariat révolutionnaire ayant disparu, les transfuges du stalino-trotskysme n'ont ni renié leur exaltation de la petite bourgeoisie tiersmondiste candidate à la prise du pouvoir dans les dites libérations nationales des sixties, ni renié leur opposition de carnaval à leur "nation colonialiste". Ce qui fait que, naturellement, dans les années post 1968, toutes sortes d'intellos estudiantins des mouvances trotskiennes et maoïstes, ont participé du renouvellement de l'idéologie du "pouvoir démocratique". Dans la plupart des pays européens la partie élitaire des anciens chefs gauchistes a rallié les rangs des partis bourgeois dits encore socialistes, certains accédant aux postes de meilleurs commis d'Etat, quand tant d'autres restèrent bredouilles ou réduits à de mornes carrières de journalistes ou de simples syndicalistes. Les athées militants ayant toujours été assez grossiers pour ne pas dire simplistes, la plupart des recrues du gauchisme qui avaient cru se mêler de politique en ne croyant qu'au bréviaire antifasciste – depuis 1945 le fascisme disparu restant bien entendu le principal ennemi – il était naturel que la base du subconscient gauchiste fonctionne par après contre le concept horrible de racisme. Le racisme, véritable maître mot de l'idéologie dominante unit comme un seul homme ministre et prolétaire, partisan extrémiste comme écolier boutonneux. Non pas que le racisme, et sa variante principale l'antisémitisme, ne soit pas déplorable mais, damned, comme les religions ce phénomène n'est pas près de disparaître avec la société divisée en classes et planifiée désormais en communautarismes divers. Ainsi est née une nouvelle religion , l'antiracisme qui possède ses curés, ses anathémiseurs les Plenel, Askolovitch, Aymeric Caron, Coleman1, etc.

Les flics moralistes de la presse officielle et officieuse militent pour empêcher de penser critique, pour prétendre réformer le monde injuste par une meilleure morale, meilleure justice, meilleure police, etc. Mais jamais pour une émancipation de classe ni un quelconque futur fut-il lointain. Or, le but final, lointain ou pas, a toujours fécondé la pensée révolutionnaire pas la pensée bourgeoise qui, comme les religions, ne vise qu'à conserver l'existant. La mode oecuménique antiraciste multiconfessionnelle a besoin de références lointaines pour justifier sa tolérance hypocrite, mais les sources sont maigres et peu flatteuses pour toutes les religions. Alors, après la secousse de l'attentat contre Charlie Hebdo, on a multiplié les éditions à deux balles du Traité sur la tolérance du sieur Voltaire, loin d'être irréprochable comme courtisan des princes et riche propriétaire terrien. Ledit Traité centré sur la famille Calas démontre pourtant qu'on ne peut pas se fier à l'institution judiciaire existante, qu'elle est une girouette de toutes les époques. L'écriture baroque et voluptueuse de Voltaire, si elle dénonce l'arbitraire, la bêtise, la rage des sectes, reste dans la croyance idéaliste aux "hommes de tolérance", cette outre vide, et la dernière phrase de son libelle qui est chantée par tous nos démocrates post-staliniens, est confuse à souhait; la cause d'une injustice ("car il ne s'agit ici que d'une seule famille") est "l'effet de cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles". Or ce n'est pas de liberté de penser qu'il s'agissait mais d'une guerre de religions, de mensonges interreligieux, d'accusations fictives et aberrantes pour justifier un ordre social. Avec ses généralités humanistes – les "âmes faibles" peuvent désigner le peuple en général - le bourgeois Voltaire se garde bien d'accuser les princes qui le gouvernent et lui graissent la patte à la cour2.

Le trotskysme couché a fourni le meilleur vecteur de renouvellement de la pensée bourgeoise lui permettant de dépasser le complexe de la décolonisation. Après les années gaullistes qui avaient opéré aux fausses décolonisations après avoir frayé longtemps avec des barbouzes pétainistes et des juifs pieds noirs attachés à conserver l'Algérie, et sans heurter la camarilla militaire coloniale enrichie, il fallait passer le relais aux héritiers des "porteurs de valise", en douceur et après l'élimination de Giscard. Le fourrier des enfants des agités de la décolonisation a été la social-démocratie européenne. Les héritiers des opposants de souche stalinienne, complices des nationalistes des ex-colonies et/ou de l'oxymore "Etat ouvrier dégénéré", en ont terminé avec le soulèvement des "peuples de couleur" en étant intégrés à l'appareil d'Etat comme ministres mais aussi journalistes; les militants de base sans qualités et sans diplômes étaient réduits eux à se partager les oripeaux du syndicalisme"ou l'élevage des chèvres en lozère. La messe antiraciste et anti-FN a finalement permis la communion des fils des porteurs de valise et du politicien caméléon Mitterrand apôtre de l'Algérie française. Le moralisme de Mitterrand avait au fond le même côté pourri et ambigu que Voltaire: comme ce dernier avec les princes, Mitterrand aura servi sous tous les régimes. Ses admirateurs transfuges gauchistes – sauf Plenel le super-flic enquêteur en quête de démocratie purifiée – ont toujours à la bouche la même morale électorale: "vive l'antiracisme, même si il cache toutes les misères, à bas le FN, même s'il n'est que misérable politique d'autruche". C'est cela la véritable morale antiraciste, elle est intemporelle et irréelle, elle psalmodie le bien et quantifie le mal. La morale est toujours soumission à un ordre terrestre présumé intouchable, et les frères de la gauche unie, les sbires staliniens après 1945 avaient été à leur manière, brutale, les meilleurs moralistes de la "reconstruction", contre les prolétaires qui ne voulaient pas courber l'échine.3
L'antiracisme recruteur, héritant de la propension à l'insulte systématique des soldats du stalinisme,
devait naturellement déboucher sur le multiculturalisme, et, par après, cette idéologie de collaboration aux mystifications d'Etat ne pouvait que se rendre complice de la pire religion montante de la soumission, l'islam et ses dérivés. Même en séparant les islams gouvernementaux diversifiés de l'hystérie criminelle djihadiste, cette religion est indéfendable; pire ce n'est quand même pas elle qui est persécutée mais celle qui persécute ses millions de soumis et de soumises voilées. Comme le nationalisme juif, le nationalisme palestinien, le nationalisme islamiste sert à justifier tout et n'importe quoi, et en particulier la vengeance quelle qu'en soit l'ampleur. La religion n'est plus un simple opium, tant pis pour Marx, mais redevient un instrument de guerre intra-utérine à la société.

LA TENTATIVE DE FOSSILISATION DE LA LUTTE DU MARXISME CONTRE LA RELIGION

On trouve les mêmes catéchèses trotskiens pour venir nous chanter la soi-disant tolérance du marxisme et du mouvement ouvrier à l'égard de la religion et donc de sa nouveauté révolvérisée Islam. Tous ces braves intellos condescendants avec "le peuple" sanctifient l'islam comme soi-disant "religion de pauvres"... refrain élimé de toutes les religions... Un certain Pierre Tévanian s'est spécialisé dans la défense de l'islam et de son folklore dans de maigres ouvrages qui vont complètement dans le sens de la bourgeoisie blanche et islamophile qui gouverne4. Comme tant de trotsko-staliniens il passe sous silence et déforme tout le combat de Lénine et des bolcheviks contre la religion; il imagine un Marx "pas directement antireligieux"!Il invente un racisme islamophobe et déplore un discours de gauche plein de "religiophobie. Il démontre par devers ses âneries sur la tolérance de l'islam que l'antiracisme à la sauce gauchiste relève de la pathologie religieuse: tu ne seras pas raciste ou alors tu es un blasphémateur irrécupérable voué à l'enfer du FN! Si être raciste consiste à dénoncer ce genre d'imbécile couché devant la religion, alors je suis raciste.
Un politologue hébergé par le NPA, Gilbert Achkar, pose au savant marxiste-léniniste et tartine longuement sur l'islam tolérant ("pas de contrainte en religion"): "Le sort de l’islam dans l’ex-Union soviétique, l’évolution de la Turquie illustre éloquemment l’inanité de toute tentative d’éradication de la religion ou des pratiques religieuses par la contrainte. «Chacun - et chacune - doit pouvoir satisfaire ses besoins religieux et corporels» - les femmes porter le hijab ou les hommes porter la barbe - «sans que la police y fourre le nez»". En évitant de se réclamer de la dynamique anti-religieuse des premiers bolcheviks au pouvoir ce gugusse s'aplatit en fait devant le tournant "tolérance religieuse" nationaliste de Staline, comme décrit plus loin; le trotskysme finit toujours en démocratisme stalinien. Achkar a le mérite finalement de démontrer jusqu'où va la tactique trotskienne délirante. En Grande Bretagne ils se sont alliés électoralement avec le MAB , organisation intégriste islamique5.

La religion apparaît très peu dans l'oeuvre de Marx. Il n'est pas obsédé par la religion. Dieu est un faux problème, l'athéisme va de soi. Je ne vais pas répéter toutes les phrases bien connues et usées jusqu'à la corde sur le sujet, mais rapporter sa violente dénonciation des principes sociaux du christianisme; remplacez christianisme par islam est la dénonciation est aussi adéquate:

"Les principes sociaux du christianisme ont justifié l'esclavage antique et magnifié le servage médiéval; ils savent également, au besoin, défendre l'oppression du prolétariat, même s'ils le font avec une mine quelque peu navrée.
Les principes sociaux du christianisme prêchent la nécessité d'une classe dominante et d'une classe opprimée, et n'ont à offrir à cette dernière que le pieux souhait de voir la première pratiquer la bienfaisance.
Les principes sociaux du christianisme placent dans le ciel le dédommagement de toutes les infamies par les conseillers consistoriaux, justifiant par là, leur permanence sur la terre.
Les principes sociaux du christianisme expliquent toutes les vilenies des oppresseurs envers les opprimés, ou bien comme un juste châtiment du péché originel et des autres péchés, ou bien comme des épreuves que le Seigneur, dans sa sagesse infinie, inflige à ceux qu'il a rachetés". (In Deutsche Brüsseler Zeitung, 12 septembre 1847).

Lénine ne reconnaît aucun rôle positif à la religion:

"La religion est une sorte de breuvage spirituel qu'ingurgitent les esclaves du capital pour perdre ainsi leur figure humaine et leurs droits à une existence si peu humaine que ce soit".

"L'idée de dieu a toujours endormi et émoussé les "sentiments sociaux", car elle remplaçait toujours le vivant par la charogne et elle fût toujours une idée d'esclavage".

"Il nous faut combattre la religion, voilà l'ABC du marxisme intégral".

"Derrière chaque icône du Christ, chaque image de Bouddha, l'on ne voit que le geste brutal du capital".

On ne peut pas lutter contre la religion avec la méthode policière des bourgeois ni en criant "vive l'athéisme", c'est en transformant l'ordre social que la religion tombera d'elle-même... Facile à dire mais pas tant que cela après la révolution de 1917.

DE L'ATHEISME MILITANT A LA RELIGION NATIONALE-STALINIENNE


Instruits par l'exemple de la révolution jacobine et au carrefour du triomphe de l'athéisme "progressiste", les bolcheviques opèrent non seulement à la séparation de l'Etat et de l'Eglise mais foncent vers la disparition de la religion. Dans l'ABC du communisme, Boukharine écrira: "La religion et le communisme sont incompatibles aussi bien en théorie qu'en pratique". Contrairement à la religion orthodoxe, l'Etat prolétarien ne heurtera jamais de front l'islam mais en n'oubliant jamais que le but restait de détruire le pouvoir politique de l'islam; religion politique envahissante qui se permet de régir le mode de vie et d'alimentation des gens.
En 1918 la nouvelle constitution "reconnait à tous les citoyens la liberté de la propagande religieuse et anti-religieuse"; c'est surtout cette dernière qui aura désormais priorité. En 1923 plusieurs journaux mènent campagne contre les "préjugés religieux". Il faut éradiquer toutes les religions écrit Stepanoff:
"(...) Les plus aveugles voient à quel point devient indispensable la lutte décisive contre le pope, qu'il s'appelle pasteur, abbé, rabbin, patriarche, mollah ou pape; cette lutte doit se développer non moins inéluctablement "contre dieu", qu'il s'appelle Jéhovah, Jésus, Bouddha ou Allah".6

Le travail anti-religieux doit s'adapter à toutes les catégories, surtout les femmes "refuge le plus assuré de la religion": "Les Sans-Dieu ne sépareront pas la lutte contre la religion de la lutte de classes; ils se garderont de blesser les croyants dans leurs sentiments religieux lorsque cette tactique risque de nuire à leur but ultime; ils feront une critique large et complète des origines de la religion, de ses développements, de son enseignement, des rapports de l'homme avec la société".7
A partir de 1920 le pouvoir bolchevique matérialisa des mesures relatives à l'émancipation de la femme musulmane: abolition de la polygamie, de la claustration, du port du voile, du mariage des mineures, droit de vote... toutes mesures qui étaient désapprouvées par les édiles religieux musulmans et des membres musulmans du parti communiste.

(On est consterné de voir le niveau de régression que patronnent les principaux Etats occidentaux aujourd'hui: libéralisation du port du voile du Canada à l'Angleterre, jugements des tribunaux favorables à tous les accoutrements religieux même les plus ridicules, construction de mosquées, sponsorisation étatiques d'écoles communautaristes juives, musulmanes, etc. , qui toutes enseignent un nationalisme étroit et une claustration identitaire pour ne pas dire haine de l'autre, cf. La déclaration du président du CRIF (un peu gaga comme R.Dumas) concernant les voyous "en général d'origine musulmane", ce qui n'est pas faux mais relève pour la pensée unique gouvernementalo-gauchiste d'une zemmourisation ou d'un rond de jambe en faveur du nationalisme israélien qui profite des attentats – jamais qualifiés de racistes contre les français ou dessinateurs de souche – pour recruter. Aucune protestation internationale lorsque l'Etat danois - le plus laxiste et sympa avec les tueurs djihadistes - laisse des centaines de croyants défiler derrière le cercueil de l'assassin antisémite et anti-dessinateur de Copenhague; si l'Etat français n'avait pas fait enterrer dans l'anonymat les trois assassins islamistes de Paris, des milliers auraient probablement défilés derrière leur catafalque; comme quoi il n'y a aucun autre lien entre islam pratiqué et islam trafiqué que la... compassion complice!).

A partir de 1924 de fortes taxes seront exigées des Eglises. L'enseignement religieux est interdit. La Novaïa-Jizn a comme programme la volonté de "combattre tout abêtissement religieux des ouvriers". La plupart des églises orthodoxes seront fermées. Des milliers de prêtres et archiprêtres seront envoyés en camps de travail après confiscation des biens ecclésiastiques. Les éléments sur le nombre de prêtres abattus et torturés demandent à être analysés en se tenant à distance des exagérations du Livre noir du communisme ou des amis des curés orthodoxes sur internet, qui pleurent l'interdiction (géniale) d'enseignement religieux dans les écoles8.

Des directives intelligentes inspiraient l’article 13 du programme du parti, adopté au Huitième congrès (que je n'ai pas retrouvé en entier): « En ce qui concerne la religion, le parti communiste russe ne se contente pas uniquement du décret de séparation entre l’Église et l’État… Le parti se donne pour objectif la destruction totale des liens entre les classes exploitées et… la propagande religieuse». Nuance qui échappe aux calotins hystériques.
Dans l'immense continent russe la religion musulmane elle occupait déjà une grande place et l'extension de la révolution prolétarienne ne se fit pas sans peine. Les chefs religieux du Turkestan combattirent le pouvoir bolchevique au nom du nationalisme local. La théorie élimée du droit des peuple à disposer d'eux-mêmes ne facilita pas la révolution; comme telle elle revenait à encourager les nationalisme locaux et ne favorisait pas non plus la conception fédéraliste de Lénine d'un Etat prolétarien en extension. En 1928 l'Etat prolétarien dût réagir par la violence face aux exactions djihadistes de l'époque: meurtres, viols, emprisonnements de femmes dévoilées
Les maximalistes modernes font toujours une coupure entre Lénine et Staline, qui n'est pas satisfaisante, comme si Staline avait été un génie du mal et Lénine une fleur bleue. On peut mieux comprendre la montée de la contre révolution – indépendamment des désidératas de Lénine ou Staline – dans le repli de la révolution, par son isolement, du fait des défaites prolétariennes en Allemagne en particulier plus que des projets que les dirigeants de l'Etat ont été amenés à prendre empiriquement. Staline est nommé responsable en direction des "peuples d'Orient", après un congrès de Bakou qui n'a pas fait de miracles, il est chargé de créer l'Université des travailleurs communistes de l'Orient, où il fallait lutter d'abord contre l'analphabétisme comme en Russie centrale d'ailleurs, sans faire peser une russification à la façon des tsars, mais pour donner aux musulmans confiance en leurs langues et leurs coutumes, pour affirmer qu'elles n'étaient inférieures à aucune autre. On pensait ainsi, avec la prolétarisation systématique des régions musulmanes, donner conscience à l'ouvrier "de son propre drapeau", mais la brutalité de l'industrialisation accélérée des républiques musulmanes aboutit à l'inverse; les successeurs de Lénine surent démagogiquement se mettre dans la poche le clergé musulman pour calmer l'hostilité des paysans poussés de force à la ville.9
Fin 1929, Staline annonça la collectivisation des terres et la disparition des koulaks, ce qui frappa encore davantage l’Église et le clergé. En 1932, fut lancé un « plan quinquennal antireligieux », qui prévoyait la fermeture de toutes les églises et le bannissement de l’idée de Dieu. Ces campagnes se caractérisèrent par l’usage massif de la violence, qui fit de nombreuses victimes, surtout dans les rangs de l’Église orthodoxe russe. Dans les relevés de la police, on note un accroissement des actions contre les ministres du culte orthodoxes, catholiques, luthériens, baptistes, musulmans et bouddhistes : en 1923-24, il y avait eu 2 469 arrestations, en 1931-32 leur nombre passa à 19 812.
Au début des années 1930 la dynamique anti-religieuse des "Sans-Dieu" s'essouffle elle aussi dans l'isolement. Les chiffres de la presse anti-religieuse s'effondrent comme pour marquer un retour du mysticisme face à l'échec de la révolution mondiale et dans la gravité de la crise de la misère. Mais à partir de 1935 la lutte antireligieuse n'est plus une priorité pour Staline. La lutte antifasciste impliquant l'union nationale oblige à se rapprocher des croyants, surtout chez les camarades étrangers inféodés à Moscou; en 1936 le petit Thorez tend la main lui aussi aux catholiques et pour des raisons électorales.
La période de 1932 à 1936 avait été définie comme le « quinquennat de l’athéisme », qui aurait dû porter à terme l’œuvre d’éradication de la religion. Les années 1937 et 1938 furent celles de la grande terreur : de nombreux chrétiens furent fusillés. Les années 30 furent aussi une période de dures persécutions contre les luthériens, les baptistes et les évangélistes. 1929 avait été le tournant dans la politique antireligieuse, mettant fin à la tolérance relative manifestée jusqu’alors à l’égard des protestants, surtout des évangélistes et des baptistes qui dans les années 20 avaient connu un accroissement notable. Pendant la campagne de collectivisation, les baptistes furent représentés sur les affiches comme les « marionnettes des koulaks ». En 1935, l’activité des Églises évangéliste et baptiste fut interrompue. Dans ces mêmes années, toutes les églises réformées furent fermées et l’organisation cultuelle des mennonites fut détruite. En 1938, l’Église luthérienne cessa d’exister institutionnellement en URSS, et ses membres, en grande majorité d’origine allemande, furent quasiment tous déportés en Sibérie pendant la deuxième guerre mondiale.
En juillet 1937, le Politbureau donna l’ordre, signé par Staline, de dresser deux listes des ex-koulaks ministres du culte et prisonniers politiques, l’une de condamnés à être passés par les armes, l’autre de condamnés à la déportation.
L’Église russe, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, semblait inexorablement destinée à disparaître. Et pourtant, au recensement de 1937, resté secret, plus de 50 pour cent de la population soviétique se déclare croyante. Le pouvoir stalinien, arcbouté depuis 1926 sur la théorie du "socialisme dans un seul pays" compris clairement que la religion allait être sa principale alliée dans l'union nationale "patriotique" en vue des sacrifices immenses de la prochaine guerre mondiale. La nouvelle politique de Staline conciliante envers l’Église russe autorisa la réouverture d’un grand nombre d’Églises et l’élection du nouveau patriarche. 

ERADIQUER IMMEDIATEMENT L'ISLAM?

Les infréquentables de Riposte Laïque, fourrier du FN et des racistes selon les islamo-trotskiens, n'ont pas tort de critiquer une politique d'Etat occidental qui vise à cacher la réalité d'une islamisation croissante, assez rapide parfois lorsqu'on apprend qu'une ado peut être catéchisée en trois semaines et envoyée en Syrie... Ils n'ont pas tort de dénoncer l'envahissement du décor islamiste (voile, mosquée, bazars, etc.), mais chacune de leur objection se voit taxée de manière flicarde de raciste, islamophobe (lapalissade intégriste), de fachos, etc10. La discussion est impossible. Riposte laïque se place aussi sur un faux terrain, le même que Plenel et Cie: la défense culturelle (ou multiculturelle) de la république bourgeoise et un règlement immédiat de la question religieuse. On est là dans l'utopie réactionnaire (qui sert en effet plus le FN qu'une laïcité sans âme) et l'irréalisme idéaliste. On ne combat jamais, du point de vue de classe, la religion sur le simple terrain des idées. L'échec des gouvernements intégristes après celui des dites "révolutions arabes" a plus fait pour décridibiliser l'islam politique que les discours sur le maintien d'une culture et d'un environnement français qui seraient le meilleur moyen d'intégration de l'immigré et de sa famille. Ce n'est pas demain la veille que l'illusion religieuse disparaitra ni par décret ni immédiatement après les débuts d'une révolution internationale. Or, il ne faut pas oublier que la critique en acte de la religion est aussi évidente au début de toute révolution prolétarienne. Ce que ne rappellent pas les trotskiens cultivés qui se rangent derrière la politique d'accommodement nationaliste de Staline. On ne peut pas et on ne partagera pas le pouvoir avec un quelconque parti islamique. Les bolcheviques s'attaquent directement au pouvoir des popes, puis, opportunistes, ils croient pouvoir transiger avec l'islam. Il n'est pas possible de transiger avec l'islam politique. La vague révolutionnaire est tellement forte qu'elle influence et enhardit la lutte anti-religieuse dans un cadre de libération nationale bourgeoise, un Mustapha Kemal, avec virulence et moquerie, opère à un grand nettoyage des oripeaux islamiques qui a encore des conséquences positives sur la Turquie moderne11.
Même ubiquité que la bourgeoisie occidentale chez le dictateur Poutine. Lors du 225e anniversaire de la Direction spirituelle centrale des musulmans de Russie, Vladimir Poutine a affirmé que l’islam est un élément incontournable dans le paysage culturel du pays. Incontournable comme la solide démocratie, sagesse et tolérance qui caractérisent la dictature poutinienne armée et policée12.
Alors en conclusion si nous ne pouvons qu'assister aux petits arrangements entre gouvernement bourgeois et clans religieux, glorification d'un faux islam pacifiste, si nous sommes obligés de considérer que l'éradication des religions arriérées sera longue encore (mais pas impossible malgré leur retour accéléré et artificiel) nous ne sommes pas obligés de baisser les bras ni d'avoir honte de notre "intolérance" aux esprits du Moyen âge. C'est en combattant l'islam politique et non pas l'islam en tant que superstition que l'on peut être fidèle au marxisme. Ce combat passe par le combat contre le frauduleux parlementarisme du fric électoral qui est aussi falsificateur ici dans les prétendus "choix démocratiques" entre conservateurs et serviteurs du conservatisme capitaliste que lorsqu'il prétend les innover ou aménager en pays gangrenés par l'idéologie islamiste. Ce combat ne se mêle aucunement des visées impérialistes dites "anti-terroristes" contre les diverses entités Daesch, Al Quaida, Boko Haram et autres cinglés manipulés par les grandes puissances, au nom d'une lutte qui serait commune contre ledit "islam radical"13; où en réalité le prolétariat et les populations civiles ne sont que les otages des divers camps assassins.
ET, à côté de ce terrain du combat politique, je le répète, le combat prolétarien en entreprise doit faire barrage à toutes les intrusions religieuses qui aboutissent à diviser les ouvriers ou à se considérer comme étrangers entre eux. Libre à chacun de croire en privé à ce qu'il veut, ou même d'être raciste en privé, mais sur le plan de la lutte de classe exploitée, les croyances ou déviances de chacun ne sont plus de mise; "peu importe ce que pense tel ou tel prolétaire", a dit un jour Marx qui n'aimait pas les hadiths ni les arrangeurs de religion ni les crieurs antiracistes.
Dans la dynamique d'expansion du communisme à tous les pays, les communautés religieuses ne doivent pas avoir de rôle social (et ne peuvent donc pas exercer de fonctions éducatives, caritatives ou publiques), mais elles doivent même disparaître car elles sont devenues superfétatoires, dans une société où l’aliénation religieuse disparaît, où la superstition n'a pas besoin d'être ridiculisée ni combattue par une propagande "d'Etat ouvrier". Il y a, en somme, dans l’écheveau des évolutions et révolutions historico-politiques, l'aboutissement de l'extinction des religions, où la croyance s'évapore comme elle était venue. Boukharine, dans l’ABC du communisme, avait raison:
«La religion et le communisme sont incompatibles, aussi bien en théorie qu’en pratique». Alors, aux côtés de la hache et du rouet, au musée du temps passé, on exposera le hijab à côté de l' armure de Du Guesclin.

Et les invariables depuis 1789:

"Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux, c'est son gouvernement."

"On ne peut point gouverner innocemment"

"Pas de liberté pour les ennemis de la liberté."

"Chez les peuples vraiment libres, les femmes sont libres et adorées."


Saint-Just - 1767-1794 - L'esprit de la Révolution


1Examinons le cas Plenel, champion du journalisme couché devant l'islam, auquel il manque une case. Elevé au biberon du tiersmondisme et de l'exaltation de Che Guevara, il correspond à la mue du journal mondain Le Monde, il est "trotsko-compatible". Le trotskisme relooké tiers-mondiste a acquis ses lettres de noblesse dans la normalisation qui suit 68; ses transfuges sont "démocrato-compatibles", aini que l'expliqua le ponte du Monde Jacques Fauvet à Krivine: il ne recrutait pas de journalistes encartés dans un parti mais pouvait apprécier enrôler de petits transfuges à la Plenel – qui savait si bien jouer au procureur féroce sans tuer une mouche comme plumitif permanent de "Rouge" – appréciant "travailler avec des anciens de la Ligue, surtout à la rubrique politique" (cf. p.192 Laurent Huberson, "Enquête sur Edwy Plenel" de la légende noire du complot trotskiste au chevalier blanc de l'investigation.

2Au début du XIXème siècle, des prêtres s'émeuvent des conditions d'exploitation de la classe ouvrière qui va de pair avec l'abandon de l'église: "Le système des manufactures du textile est ici directement mis en cause: les patrons, bourgeois voltairiens anticléricaux, font travailler les ouvriers le dimanche matin, et la classe ouvrière est l'une des plus précocement déchritianisées du pays" (cf. Histoire de l'athéisme de Georges Minois, p.435).

3La morale bourgeoise réprouve la violence de classe et trouve toujours ses réformistes "radicaux" de souche trotskienne pour accommoder ou adoucir cette horrible chose: ""On pourrait-on réfléchir à quelques éléments de morale (ou d’éthique) révolutionnaire : la vérité et l’empathie pour les exploités, comme l’indique Gerry Byrne dans son texte sur le 11 mars 2004, mais aussi une attitude sans compromission face à la hiérarchie, à l’Etat, aux patrons et à tous les pouvoirs institués comme le soulignent brillamment certains des articles de l’Encyclopédie anarchiste reproduits dans ce numéro ? Ne pourrait-on réfléchir davantage à l’usage de la violence et de la non-violence, de la lutte armée et de la discussion nécessaire comme nous y invite le sous-commandant Marcos dans l’une de ses lettres ?".
(dixit YC qui a ces solides références, auteur du blog Sans patrie ni frontières ...de classe, variété de trotsko-anar, pro américain ou censeur stalinien selon ses humeurs).


4Il est interviewé sur quelques blogs sous le titre: Le véritable point de vue des marxistes sur la religion!
Yann Kido sur le site de Médiapart (?) signale et combat les arguties de cet imbécile: "On entend de plus en plus souvent ces temps-ci une petite musique à gauche sur le thème du « respect des religions », dont le communiqué du PCF à l'occasion de l'élection du nouveau pape est une caricature. On peut en effet y lire en conclusion cette formule pour le moins surprenante dans la bouche de supposés communistes : « en toute laïcité, dans le rejet de tout "ordre moral", nous avons de l'intérêt pour la parole de l'Eglise et pour les actes des croyants. Parlons de fraternité. »
http://www.humanite.fr/fil-rouge/nouveau-pape-reaction-du-pcf
 Parler de fraternité avec l'Eglise catholique qui chaque jour confirme son caractère essentiellement réactionnaire, il fallait l'oser. Je ne sais pas ce que cela veut dire que d'avoir de l' « intérêt » pour « les actes des croyants » :  dans la bagarre politique, on s'en fout autant que possible que les gens soient croyants, ce qui compte c'est  leurs actes eux-mêmes,  non ? Pourquoi avoir de l'intérêt pour les actes des croyants en tant que croyants ? Ce qui nous intéresse, ce sont les actes des travailleurs, en tant que travailleurs, plutôt....Et surtout, avoir de l'intérêt pour « la parole de l'Eglise », là on hallucine ! Sauf si il s'agit de s'intéresser à son ennemi afin de mieux le combattre, comme lorsque l'on a « de l'intérêt » pour la parole du Medef, si l'on veut. Mais ce n'est manifestement pas ça du tout la tonalité de ce très cathophile communiqué du PCF.
Pire, dans une mouvance que l'on qualifiera en gros d' « islamo-gauchiste » [= des gauchistes qui regardent avec un intérêt particulièrement bienveillant  l'Islam, parce que religion des « dominés » sous nos latitudes], Pierre Tévanian vient de sortir un petit bouquin intitulé « La haine de la religion » qui, à partir de la pathétique affaire de la candidate voilée du NPA, entreprend de faire la leçon aux marxistes sur la question de la religion. Avec pour ambition d''utiliser les classiques du marxisme pour légitimer le propos absurde du livre, qui est de démontrer, selon la 4e de couverture, que « c’est aujourd’hui l’athéisme et le combat antireligieux, l’irréligion en somme, qui peut être considérée comme l’opium du peuple de gauche. » Rien que ça!".(cf. La haine marxiste de la religion)


5"...en choisissant de s’allier électoralement - même si ce n’est que de façon limitée - avec une organisation intégriste islamique comme la MAB, l’extrême gauche britannique sert de marchepied à celle-ci pour sa propre expansion dans les communautés issues de l’immigration, alors qu’elle devrait la considérer comme une rivale à combattre idéologiquement et à circonscrire du point de vue organisationnel. Tôt ou tard, cette alliance contre-nature se heurtera à une pierre d’achoppement, et volera en éclat. Les trotskystes devront alors affronter ceux-là mêmes dont ils auront facilité l’expansion pour le plat de lentilles d’un résultat électoral, dont il est loin d’être sûr, en outre, qu’il doit beaucoup aux partenaires intégristes" (cf. Marxistes et religion hier et aujourd'hui sur le site du NPA, 2004). En réalité le trotskysme mérita de s'appeler hier stalino-trotskyste (années 40) , puis hitléro-trotskyste (fraction entriste pétainiste) comme aujourd'hui islamo-trotskyste! C'est pourquoi ils militent tant pour le vote des immigrés qui, comme l'a révélé le vote majoritaire pour Ennadah, permettra demain en France l'existence d'un parti islamique de masse, pas forcément apte à s'emparer du pouvoir contrairement à l'hypothèse de Houellebecq, mais comme solide parti d'encadrement des travailleurs immigrés et garant de leur soumission à l'exploitation du capital national et européen. Comme disait Léo Taxil contre les bigots et les francs-macs: "tuons les par le rire!".L'article le plus intéressant sur la religion "le combat du marxisme contre la religion" du CCI, est lui-même faible avec deux concepts passe-partout (décomposition du capital et irrationalisme) qui n'expliquent pas tout; de graves manques sur la critique de la religion par Marx et Lénine, et enfin une sous-estimation de la nocivité de l'islam, qui n'est pas une simple religion mais une religion politique, en tout cas à prétention politique arriérée.

6Histoire de l'athéisme, p. 520.

7Ibid p.521, article de Bezbojnik.

8Ces amis de la religion citent à tour de bras l'effrayante déclaration secrète du vilain Lénine: " la lettre secrète envoyée par Lénine aux membres du Politburo le 19 mars 1922 :
« La réquisition des objets de valeur, surtout ceux des laures, monastères et églises les plus riches, doit être menée avec une résolution implacable, en ne s’arrêtant absolument devant rien, et le plus rapidement possible. Plus nous réussirons à fusiller de représentants de la bourgeoisie réactionnaire et du clergé réactionnaire, et mieux ce sera. »

9Le clergé musulman "consentit en effet, pour faire "passer" la réforme agraire, à délivrer une fatwa (décision religieuse) expliquant que "le sol est le bien commun de tous selon la sainte loi de l'islam" (source: L'URSS et l'Islam de Jean Comtois, 1948).

10Les mesures gouvernementales de dialogue avec l'islam ne sont qu'une planche savonneuse pour l'extension de la soumission musulmane à tous les ghettos existant et au... metro: "Si le rôle pivot du CFCM n'est pas remis en cause, le gouvernement entend toutefois élargir et diversifier la représentation de l’islam de France. En ce sens, les autorités prévoient la création d'une instance de dialogue avec des responsables d'associations de quartier, des intellectuels ou encore des artistes. Ces derniers travailleront sur des sujets comme la formation civile des imams, l'abattage rituel, la sécurité des lieux de culte, l'organisation des aumôneries, etc. ". Toutes voiles dehors. Le reportage d'un journaliste israélien, muni du mini-béret kippa, traversant Paris durant des heures, où il essuie moult remarques antisémites en effet, révèle que nombre de pétasses se balladent en tchador intégral. Les flics ne peuvent même plus les contrôler. Le journal du musulman se félicite qu'en Suède, du haut des minarets, le préposé peut crier l'appel à la prière, quoique pas au-delà de deux kilomètres; bonjour les voisins athées ou bouddhistes.

11Même s'il faut noter que le chef d'Etat Lénine et son homologue Ataturk le bien nommé avaient des intérêts géopolitiques communs.

12On se rappelle l'usage de la menace "fondamentaliste" tchétchène pour justifier les massacres en Tchétchénie. En 2013, Poutine use de la même rhétorique occidentalle séparant hâtivement islam et djihad: "Certaines forces politiques utilisent l'islam, sescomposantes radicales (...) pour affaiblir notre Etat et générersur le sol russe des conflits qui peuvent être menés del'étranger", a dit le président russe à des responsablesmusulmans dans la ville d'Oufa.Vladimir Poutine, qui a souvent accusé les Etats-Unis des'ingérer dans les affaires russes depuis son retour à laprésidence en 2012, n'a pas précisé à quelles forces étrangèresil faisait allusion.Il a par ailleurs demandé aux responsables religieux d'aiderles immigrés musulmans à s'adapter à la vie russe afin deréduire les violences, une dizaine de jours après des émeutes anti-immigrés à Moscou."Ils ont besoin d'entendre votre voix", a dit Vladimir Poutine. "Sinon, ils seront visés par la propagande de diversgroupes fondamentalistes". Ce qui n'empêche pas Poutine d'ironiser sur l'islamisation de la France, qui agrée à ses admirateurs du FN: "dans vingt ans la France sera colonisée par ses ex-colonisés". Un langage qui est probablement le même que celui du commis Valls, mais en privé (et une fois malencontreusement pas off sur le marché de la ville dont il était simple maire).



13La notion de radicalisation confine au ridicule total, un assassin peut-il être considéré comme un politique radicalisé? Crier dans le mégaphone occidental contre l'islam dit radicalisé à l'unisson des impérialismes en lice était en janvier le propos d'un cercle minuscule nommé par euphémisme "mouvement communiste", suiviste...

lundi 23 février 2015

UNE GREVE HISTORIQUE CONTRE LES OBLIGATIONS RELIGIEUSES DANS LA FABRIQUE


A l'heure où Obama le vertueux et Hollande son sous-fifre ne cessent de s'incliner devant l'islam noble et pacifique, et de légiférer pour que toutes les mémères croyantes puissent circuler voilées et leurs époux prier en usine dans des salles de prière ad hoc, agenouillés vers la Mecque et non pas vers le Medef ou la CGT, retrouver dans l'histoire du mouvement ouvrier la lutte contre la bigoterie et la lutte contre la complicité religion/patronat est un grand plaisir. J'apprends tous les jours. Regardant d'un oeil distrait une énième histoire du syndicalisme sur la chaîne 5, je me serais presque endormi à entendre la saga CGT narrée par un vieux stalinien des mines, la censure de toutes les saloperies de la CGT de 1914 à 1968, le rappel soft sur la saga curé-syndicalo-gauchiste à Lip, si le drame de Courrières puis les deux moments clés de la défaite ouvrière avant 14 et 39 n'avaient été rappelés ((1906 et 1938) et surtout – événement qui m'était inconnu – au moment de la fondation de la CGT: la grève antireligieuse des corsetières!

LIMOGES JUIN 1895 : 108 JOURS DE GREVE DES CORSETIERES

 Outre la création de la CGT, l'année 1895 fut marquée par un autre événement (...) : la première grève de femmes à Limoges, l'une des premières en France. (...)
Dans la porcelaine, elles ont déjà participé à de multiples actions avec les ouvriers, et elles viennent même de créer le syndicat des ouvrières de la peinture céramique. Lors de la Commune, ne les a-t-on pas vues construire des barricades ? Mais jamais elles n'ont décidé, encore moins, dirigé une grève. C'est pourtant ce qui se produit en ce matin du 14 juin, dans l'atelier de corsetières de la maison Clément.
La maison Clément est une de ces entreprises familiales prospères, comme on en trouve beaucoup, à l'époque, dans l'habillement. 105 ouvrières s'y échinent plus de dix heures par jour pour des salaires qui ne dépassent que rarement 2 franc (0,25 franc pour les apprentis).
La maison Clément, sur le plan social, c'est une discipline de fer que la patronne se charge de faire régner, sanctionnant chaque manquement par des amendes. C'est enfin et surtout une certaine conception de la religion, très ancrée dans les milieux conservateurs et que le haut clergé catholique encourage alors ouvertement. Chaque jour, les ouvrières sont tenues de s'agenouiller pour réciter les trois prières obligatoires. Et ce n'est pas tout: chaque semaine, elles doivent acheter un apostolat pour 5 centimes; chaque dimanche, elles doivent assister à la messe, et elles doivent encore communier trois fois par an...
Une enquête de police établit que, pendant la semaine de la Passion, Mme Clément obligea ses ouvrières et cela sous sa surveillance, à faire trois jours de retraite. Elle voulut qu'elles aillent se confesser le samedi et elles firent leurs Pâques de dimanche.
Les absentes furent punies par une distribution de mauvais travail avec menace de renvoi de la fabrique. Ajoutons au tableau que M. Clément (qui avait une conception toute personnelle de la charité) vendait aux ouvrières les fournitures nécessaires au montage des corsets (ce qui était pratique générale à l'époque) 40% plus cher qu'à Paris...
Le 14 juin donc, passant outre aux menaces d'excommunication brandies par la patronne, 44 ouvrières et apprenties refusent de se mettre à genoux: c'est la grève. Elle va durer 108 jours, jusqu'au 30 septembre, conduite notamment par Marie Géraud, 24 ans; Marie Saderne, 19 ans, Amélie Rateau, 18 ans (toutes trois possédant que le produit de leur travail pour vivre); Mme Barry; Mlle Coupaud; Mme Bonnet...
Leur cahier de revendications est simple à établir: suppression des amendes et des prières, 20 centimes de plus par corset pour compenser la différence de prix de fournitures...
Reste à s'organiser car il n'y a pas de syndicats dans l'atelier et à espérer la solidarité des autres travailleurs. Aussitôt, la Fédération des syndicats de Limoges vole au secours des audacieuses. On va danser et chanter à leur profit: bals et concerts de solidarité se succèdent. Instants émouvants où se tissent de nouveaux liens et s'échangent d'autres regards. Mais cela n'arrête pas les quolibets. Pensez donc ! Des femmes en grève, elles qui ne devraient pas travailler hors du foyer familial... Les idées de Proudhon ont la vie dure dans la tête de certains ouvriers1.
Au fil des semaines, la grève s'effrite. Le 12 juillet, il reste encore 32 grévistes. Le 1er août, elles sont 22. Le 22 août, la police en dénombre 30. Puis on retombe à 22, irréductibles. Le patron refuse de plier. Il est d'autant plus ferme que le travail des grévistes est pris en charge... par les religieuses, contre moins qu'une aumône, ce qui ne peut que conforter la vieille classe ouvrière limogeaude dans son anticléricalisme et, par ricochet, renforcer sa solidarité à l'égard des 22 corsetières.
Le 23 septembre, lorsque s'ouvre le Congrès constitutif de la CGT, les grévistes tiennent toujours bon, et plusieurs d'entre elles sont même déléguées ou invitées aux séances: Mme Barry, Mlles Saderne et Coupaud, Mme Bonnet...
Sur les 8 femmes que l'on compte parmi les congressistes, elle sont presque majoritaires; Mme Bonnet préside la séance. De plus, une réunion publique, organisée par les congressistes à leur profit, rassemble 750 personnes (selon la police). Cet élan populaire n'entame pas, toutefois, la résistance patronale. La première grève de femmes est un échec: les 22 corsetières devront trouver du travail ailleurs, après avoir, semble-t-il, envisagé de créer une coopérative de production. Il n'empêche: la route est désormais tracée et d'autres l'emprunteront.
 En janvier 1896, les décalqueuses sur porcelaines de chez Th. Haviland, après quatre jours de grève, obtiendront la satisfaction de leurs revendications.
 
(source: "LIMOGES (1870-1919) La mémoire ouvrière" de Jean BOURDELLE).


1Le groupe anar de Limoges Red Skins – qui fournit cet article – est bien ignorant de tares de leur pape idéologiqu, Proudhon était contre les grèves et parfaitement misogyne (voir comment Guérin s'en moque).